DICTIONNAIRE
RAISOXXK
DES DIFFICULTÉS
GRAMMATICALES ET LITTÉRAIRES
DE LA LANGUE FRANÇAISE
COULOMMIERS. — TYPOGRAPHIE PAUL BRODARC
DICTIONNAIRE
RAIS0NN1-:
DES DIFFICULTÉS
GRAMMATICALES ET LITTÉRAIRES
DE LA LANGUE FRANÇAISE
.L-GII. LAVEAUX
QUATRIÈME ÉDITION
BEVUE d'après le NOUVEAV DICTIONNAIRE DE l'aCADKUIE
ET LES TRAVAUX PHILOLOGIQUES LES PLUS RÉCENTS
l'Ait
CH. MARTY-LAVEAUX
Ancien élève de l'École îles Charles
OUVRAGE AUTORISE
l'AR LK CONSEIL DE l'iNSTRUCTION PL'I1L1(.iUE
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET G'"
79, BOULEVARD SAINT-GERUAIN, 79
1873
a
o
ÇTBR/ir^
505287
AVERTISSEMENT
SUR CETTE TROISIÈME ÉDITION,
Nous n'avons annoncé qu'une simple révision du Dictionnaire des difficultés grammati-
cales et littéraires^ de J. Ch. Laveaux. Nous ne pouvions, en effet, avoir l'intention de cor-
riger les ouvrages d'un pliilologue distingué, que nous serions heureux de pouvoir un jour
suivre de loin.
Respectant son jugement en général, sans cependant nous en tenir toujours aux opinions
qu'il a émises dans le Dictionnaire des difficultés, nous avons souvent puisé sans scrupule
dans ses derniers ouvrages S soit des définitions plus claires et plus conformes à l'usage,
soit des articles entiers se rapportant à notre sujet-.
Quant aux décisions que Laveaux a maintenues constamment, elles ont toutes été con-
servées. Mais une note avertit le lecteur lorsqu'elles ne sont pas conformes à celles de l'A-
cadémie.
Nous avons même laissé subsister cet arrêt, souvent un peu trop absolu, qu'on trouve
dans un grand nombre d'articles : Ce mot n'est pas du style noble ^.
Toutefois, certaines suppressions ont été jugées nécessaires.
Dans la seconde édition de son livre, Laveaux avait ajouté de longs articles de rhétorique,
ixtraits textuellement de V Encyclopédie, et qui n'avaient pas de liaison intime avec le reste
de l'ouvrage; il? ont disparu de celle-ci. Retranchant également les jugements portés par
Laveaux sur une foule de termes barbares recueillis par Mercier dans son dictionnaire de
Néologie, nous nous sommes contenté de conserver les articles relatifs à des expressions,
1 Ces outrages sont : le Nouveau dictionnaire de la langue Française, Paris, Déterville et Lefèvre, 1820, 2 ?oI. in-4.,
•:l le Dictionnaire «i/nonymiiiue de la langue Française, Paris, Alexis F.ymerj, 1826, 2 vol. in-8.
■- Voyez, par exemple, l'article Genre,
3 Au lieu <îe le modifier dans chaque passage, nous nous contenterons de citer ici, comme correctif, ce morceau plein de nc-
iirjlion et de justesse que nous trouTons dans un discours de M. Patin, et où l'emploi légitime des termes familiers noL<
parait parfaitement distingué de l'abus qu'on eu a fait :
a Cet abandon du mot propre, ce recours à la circonlocution, à l'équivalent, devaient, à la longue, énerver et appauvrir le
« style, le rendre vague, froid, tendu, monotone. C'est ce qui est arrive, et ce dont on s'est senti trèî-fatigué, lorsqoeaprè» deux
« siècles de fécondité littéraire a commencé l'épuisement; c'est à quoi on a tâché de remédier en rcl'chant la rigueur de-"
• rèirles prohibitives.
a II y avait une aristocratie de style, fière, dédaigneuse, qui avait toujours clé s'épnrani, se resserrant, mais qui, à la Ga,
• pour se recruter, fut bien obligée d'ouvrir ses rangs aux mots plébéiens, roturiers, qu'elle avait jusque-Ii repoussés. Celle
« révolution se Gt peu à peu, avec gradation. D'abord on y procéda par des anoblissements partiels; ensuite ce fut une irrup-
« tion, une conquête violente, une prise de possession turbulente et déréglée de la part de la démocratie des mots. A la fin du
• XVIIIe siècle, quelques écrivains avaient repris les mots techniques proscrits par Bulfon. J.-J. Rousseau en avait hasardé
« plusieurs ; Bernardin de Saint-Pierre les avait prodigués dans ses belles descriptions de la nature qu'ils contribuèrent à animer
« par leur nouveauté. Après les mots techniques, les mots propres, ce fut le tour des mots familiers. On comprit de quel avan-
« lage ils pouvaient être pour détendre le style, qui avait grand besoin d'être détendu. On les employa d'abord avec un art fort
« discret. On les prenait parmi les plus voisins du haut style ; on leur choisissait une place où ils n'allirassenl trop particnlière-
« ment ni l'œil, ni l'oreille, ni l'effort de la voix, ni l'attention de l'esprit ; on les relevait par un entourage distingué...
« Bientôt on fît différemment et même tout autrement. On puisa dans la partie la plus bas^e de notre vocabulaire, ei
« ces mots, étonnés de leur subite élévation, on les mit le plus possible en lumière ; à notre vieille pourpre usée et déchirée,
« on n'eut pas honte de coudre des haillons, et l'on obtint ainsi nn effet de surprise infaillible, qui dut passer pour da plaisir
c et de l'admiration auprès de tousceux que cela ne révoltait pas. » [Uélanget dt littérature ancienne et moderne, p ISS-lSO.j
If AVERTISSEMENT.
nouvelles alurs, mais qui ont [tassé dans Pusa^'e, un (ju'un patronage illustre aurait dû,
poiit-f'tre, faire adopter. Enfin un f;rand nombre d'erreurs signalées par Laveaux dans le
Dictionnaire de l' Académie et la Grammaire des Grammaires ayant été corrigées dans les
dernières éditions de ces deux ouvrages, nous nous sommes cru obligé de supprimer des
observations critiques aujourd'hui sans objet.
Ces rctranclienienls, et le choix d'une disposition typographique plus favorable, ont per-
mis de réduire l'ouvrage à un seul volinne et d'y faire cependant quelques additions deve-
nues indispensables. Nous avons ajouté beaucoup de citations tirées des auteurs classiques,
et en particulier du texte des Pensées de Pascal, publié par M. Cousin dans son excellent
rapport à l'Académie '. M. Egger, qui trouve un si noble plaisir à diriger les jeunes gens dans
leurs travaux, a bien voulu nous fournir plusieurs exemples fort curieux qu'il avait recueil-
lis dans ses lectures; il y a même joint quelques remarques inédites * dont il nous a per-
mis de faire usage. Nous sommes heureux de trouver ici l'occasion de lui témoigner notre
reconnaissance.
De fréquents emprunts ont été faits aux spirituels ouvrages de Charles Nodier et aux ex-
cellentes notes dont M. Lemaire a enrichi sa nouvelle édition de la Grammaire des Gram-
maires; nous avons mieux aimé les citer textuellement que d'ôter à ce travail, en l'analy-
s.mt, l'autorité du nom de son auteur.
Enlin quelques améliorations matérielles ont été introduites dans celte édition. Les mots
que l'Académie n'admet pas y sont précédés d'un astérisque, et, toutes les fois que cela s'est
pu, le nom d'auteur, placé par Laveaux au-dessous de chaque citation, a été suivi de l'indi-
cation précise de l'ouvrage, et du numéro de la page pour les prosateurs, du vers pour les
poêles. Nous espérons avoir donné ainsi plus d'autorité au travail de Laveaux; car c'est en
rendant facile à tous la vériûcation des exemples que le grammairien se place réellement
sous la sauvegarde de tous les écrivains éminents dont il cite les ouvrages.
1 Noire traviil, dont 11 publication • t\i retardée par des cirooniUncas indépendante! de notre volonté, était déjà ter-
miné, loriqoe M. Fuigère a donné ion édition det fra^tntj de Pascal. 'Sont regrettons de n'avoir pn profiter de ce travail
important.
* Vojei, daiu rarticU B, l«i cbttmtieiu lar !'« moet.
Ca. Mart¥ LAVEAUX.
DISCOURS PRELIMINAIRE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
Il n'est peut-être aucune science sur laquelle on ait plus écrit que sur la langue française. De-
puis deux siècles qu'on a commencé de cultiver cette langue, les ouvrages destinés à l'enseit;iier
se sont toujours multipliés de plus en plus; et comme si les diûicullés augmentaient à mesure
qu'on travaille à les éclaircir, plus on a d'écrits sur celte matière, plus on croit nécessaire d'en
publier de nouveaux.
Cette opinion semble justifiée par l'embarras où se trouvent souvent, au milieu de tant de se-
cours divers, les gens du monde et môme les gens de lettres qui désirent parler et écrire pure-
ment. Ceux même d'entre ces derniers qui ont fait une étude particulière de la grammaire,
c'est-à-dire, qui ont comparé les divers systèmes, rectifié les règles par les faits, rejeté ou con-
cilié les décisions qui paraissent contradictoires, sont encore fréquemment arrêtés par des doutes
longs à éclaircir, par des incertitudes où ils ne voient point d'issue.
La nature de cette science et l'histoire de sa marche nous révèlent les causes de ces diflicullés,
et du besoin toujours renaissant d'instructions nouvelles. Une langue vivante, composée des
usages actuels de la nation qui la parle, doit changer en bien ou en mal, suivant les changements
favorables ou défavorables que le temps apporte nécessairement à ces usages. Ainsi, de demi-
siècle en demi-siècle, et quelquefois plus tôt, il y a de nouveaux usages à faire remarquer, de
nouveaux abus à signaler; de sorte que les anciens réformateurs, si recommandables à l'époque
où ils ont écrit, perdent successivement de leur mérite à mesure que la langue s'enrichit de nou-
velles expressions et de nouveaux tours, ou qu'elle se corrompt par des écarts contre lesquels
ils n'ont pas eu occasion de s'élever.
Cependant ils conservent longtemps leur autorité tout entière dans l'esprit d'un grand nom-
bre, et les nouveaux observateurs ne peuvent qu'avec peine porter la lumière dans leurs doc-
trines surannées. De là les opinions diverses, soit en faveur des anciens, soit en faveur des
modernes; de là des discussions et des disputes, et par conséquent des doutes et des incertitudes
qui appellent des éclaircissements et des décisions nouvelles.
Mais ce qui augmente la confusion, c'est que les contemporains ne sont pas plus d'accord entre
eux. Vaugelas, Bouhours, Ménage, les écrivains de Port-Royal, furent divisés; Furelière s'éleva
contre l'Académie française ; de nos jours. Desfontaines, Fréron et Geoffroi, contre les meilleurs
écrivains de notre siècle ; La Harpe contre Voltaire, son maître; et Domergue contre plusieurs de
ses contemporains.
Convenons cependant qu'à travers les tourbillons que ces athlètes élèvent dans leurs arènes
littéraires, la vérité et le bon goût brillent assez souvent, et qu'ils triomphent à la fin de l'igno-
rance et de la méchanceté. Malgré la colère de Bouhours, les illustres écrivains de Port-Royal
ont enrichi notre langue d'un grand nombre d'expressions nouvelles et heureuses; Furetière a
mieux fait que l'Académie française; une quantité de mots et d'expressions que Desfontaines
s'était efforcé de condamner au ridicule, sont employés aujourd'hui par les écrivains les plus
élégants et les plus purs; et les malheureux détracteurs du style de Voltaire n'ont fait que
passer.
La marche de la science grammaticale en France n'a pas peu contribué non plus à retarder ks
progrès de la langue, et à répandre dans les esprits l'incertitude et l'erreur. On passa subite-
ment de la critique des langues mortes à celle de la langue nationale; et, sans remarquer que la
langue française diffère essentiellement de la langue latine par sa syntaxe et ses constructions,
on a fait à cette langue une application forcée de la grammaire latine. Alors on appliqua aux
noms français dont la terminaison ne change point, et dont les divers rapports ne sont indiqués
que par leur place ou par les prépositions dont on les accompagne, les cas qui servent à distin-
guer les diverses terminaisons des noms latins, et à marquer leurs différents rapports; et la
langue française fut forcée d'admettre, comme la langue latine, des cas et des déclinaisons.
Cette erreur s'est tellement enracinée, que malgré les grammairiens philosophes qui l'ont vie-
tv DISCOURS PRÉLIMINAIRE
lorieuscmont coniballuc, malgré l'Académie iiiii a decliré «lu'il n'y a point de déclinaisons dans
la langue fiançaise, on trouve encore dans la plni)arl des grammaires et des dictionnaires, et
mt'nie dans Vollaire, les mots de nnminatif, génitif, etc.; et dans le DiLtionnai.'e de rAcadcniie,
des mois di(S (ifiUimùlft et indtclinablcs.
Ce fut une heureuse idée sans ilonle <ine rinstitiilinn d'une société littéraire chargée de don-
ner à la nation une grammaire et un dictionnaire de sa langue, et de prononcer sur les difficultés
qui s'élèveraient sur le langage. Mais l'Académie française, en ne remplissant qu'une partie
de celte ticlie, a txialement manqué son but. Elle a composé un dictionnaire sans avoir fait une
Rrammaire, c'est-à-dire établi des conséquences sans avoir reconnu de principes, élevé un édifice
sans avoir pose de fondements.
Le Dictionnaire de l'Académie française, quelque imparfait qu'il fût au commencement, ne
lais-a pas d'offrir quelcpie milité. Ce fut une espèce de régulateur dans un temps où un très-petit
nombre de personnes s'appliquaient à lelnde de la langue. Il aurait été plus utile si les grands
écrivains qui lai-aionl alors partie de cet illu^-tre corps eussent daigné s'occuper de ce travail.
Mais il fut abandonné en grande partie à des hommes médiocres qui n'avaient d'antre mérite
que la faveur qui s'était efforcée de les tirer de l'obscurilé, et le Dictionnaire de l'Académie
fut, non pas entièrement, comme on l'a dit, le dictionnaire des halles, mais en grande partie.
Dans la partie même où son langage s'élève au-dessus des usages populaires, son utilité
dut se borner à la classe moyenne du peuple, étrangère à la litlérature. On y prenait, par le
moyen des délinilions, une idée assez juste de la signification plus ou moins générale d'un graud
nombre de mots usuels, mais des e\emples ajoutés à ces définitions n'indiquaient ni les difl'é-
rcntes places que ces mots peuvent occuper dans le discours, ni les nuances ou les reflets qu'ils
peuvent recevoir, ou des places, ou de leur union avec certains mots, ou de leur opposition à
d'autres, ou enfin des différents tours dans lesquels ils peuvent figurer.
De quelle utilité pouvaient être aux gens de lettres des substantifs froidement accolés à des
adjectifs, sans occasion et sans but, dos adverbes à des verbes ou à des adjectifs, sans rapport à
d'autres membres de phrase; des verbes et des prépositions à des compléments, sans application
à des idées ou à des sentiments déterminés"? Ce n'était pas dans ce recueil de locutions sèches et
morcelées que pouvaient trouver des lumières ceux qui s'efforçaient de suivre les traces des Cor-
neille, des Racine, des Pascal, des Bossuet, des Fénclon ; la langue de ces grands écrivains n'a-
vait rien de commun avec les morceaux de phrases du Dictionnaire de l'Académie.
Mais si d'un coté l'utilité du Dictionnaire de l'Académie fut très-bornée, de l'autre, ce recueil
trcs-scc et très-incomplet devint un grand obstacle aux progrès de la langue. Abandonné par
les académiciens hommes de lettres à ceux de leurs cotifrères qui n'avaient aucun droit réel à
ce litre, ceux-ci voulurent en tirer une espèce d'existence littéraire, et, ne pouvant justifier on
défendre un grand nombre de leurs bizarres décisions, ils voulurent en faire des dogmes, et mi-
rent l'autorité de l'Académie à la place de la science et du bon sens. Alors ou vit s'élever une
sorte de superstition grammaticile et littéraire qui fit regarder le Dictionnaire de l'Académie
comme le recueil unitpie et sacré de toutes les beautés et de toutes les délicatesses de la langue,
ft l'Académie comme un conseil grammatical perpétuel, contre les décrets duquel il était dé-
fendu de s'élever sous peine d'anathème.
A la vérité, les membres distingués de l'Académie, tout en jiartageant le doux prestige de
cette suprématie grammaticale, en secouaient impimément le joug dans la pratique; et c'est à
rette hardiesse que nous devons la plupart des ouvrages immortels dont ils ont enrichi la langue.
Mais les hommes faibles et timides, et c'est toujours le plus grand nombre, se courbèrent de-
vant l'idole; les journalistes, qui trouvaient plus commode de s'appuyer sur un recueil de déci-
dions toutes faites que de prendre la peine ou de se donner l'embarras de penser eux-mê-
mes, se déclarèrent les défenseurs des nouvennx aogmes. On n'osa plus hasarder d'autres
expressions que celles qui se trouvaient dans le Dictionnaire de l'Académie; tout ce qui ne s'y
trouvait p:is fut déclaré barbare et malsonnanl, et la langue resta comme stationnaire deTant
celle barrière magitpie.
Cette malheureuse superstition s'est conservée longtemps en France; mais le nombre des
croyants a toujours été en diminuant à mesure que la raison a fait des progrès, et que les lu-
mières se sont étendues sur toutes les classes. Il est bien encore quelques hommes qui en ont
conservé le langage, mais c'est, ou par intérêt, ou par politique, ou par vieille habitude. La
croyance n'y est plus, et le ridicule attend quiconque tenterait de la faire renaître.
Trois éditions ont suivi, dans l'espace de près de deux siècles, la première édition du Diction-
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. ^
naire de l'Acadcmio; mais, n'offrant d'autre amélioration que la suppression de (iiieKjuos eipres-
sions abandonnées, ou l'insertion de quelques mots nouvellement adoptés, elles se sont soute-
nues avec d'autant plus de peine que, dans cet intervalle, plusieurs hommes de yenie on»
répandu sur les sciences grammaticales des lumières qui ont mis au yrand jour les défauts du
recueil académique.
En étudiant les systèmes de grammaire de Dumarsais, de Duclos, de Condillac, de Beauzée, on
vit que l'Académie avait construit sur des bases fausses ou incertaines; et les explications des
synonymes publiées par Girard, Beauzée, Roubaud et quelques autres, démontrèrent la fausseté
de plusieurs déilnitions que le vulgaire des lecteurs avait admirées jusqu'alors dans son Diction-
naire.
Les ouvrages des grammairiens célèbres dont je viens de parler conduisirent à des études
mieux raisonnées. Mais, contraires les uns aux autres en plusieurs points, ils donnèrent lieu à
de nouvelles dillicultés. Il fallait oublier ce qu'on avait appris ; chose que l'amour-propre dé-
conseille presque toujours; il fallait cludior de nouveaux systèmes, les examiner, les comparer,
les concilier, se décider pour l'un ou pour l'autre : choses auxquelles la paresse s'oppose le plus
souvent. Enlin il fallait soutenir les nouvelles théories contre les partisans des anciennes mé-
thodes, contre l'orgueil et les préjugés des chefs d'instruction. La marche de la réformation fut
très-lente, la gothique grammaire de Restant l'emporta longtemps sur les principes raisonnes
des grammairiens modernes, et aujourd'hui encore elle est préférée à toutes les autres, dans cer-
taines mai.sons d'éducation où les ouvrages d'instruction ne sont estimés que par tradition
Une autre circonstance paraît encore avoir relardé l'adoption de ces nouvelles doctrines. Leurs
auteurs, obligés de combattre les anciennes erreurs, et souvent de discuter entre eux plusieurs
points sur lesquels ils n'étaient pas d'accord, se sont vus forcés d'entremêler l'exposition de leurs
systèmes de digressions polémiques qui en ont quelquefois rendu l'étude pénible, et l'ensemble
difficile à saisir. C'est ce qu'on remarque souvent dans les dissertations de Beauzée, quelquefois
dans les longs développements de Dumarsais, rarement dans les sages leçons de Condil-
lac. Si ce dernier appuie beaucoup sur certains points, s'il multiplie les bons et les mauvais
exemples, c'est toujours au profil de l'instruction positive, c'est pour fortifier l'habitude de dis-
cerner le bon du mauvais, pour établir solidement le goût de l'un et le dégoût de l'autre.
Il suit de ce que nous venons de dire qu'il existe aujourd'hui plusieurs ouvrages pnipres à fa-
voriser les bonnes études grammaticales; que les préjugés qui en arrêtaient les progrès st>nl
disparus en grande partie, et que la critique elle-même, lorsqu'elle est sans oassion, abandonne
l'autorité lorsqu'elle est contraire à la raison.
Mais il est certain aussi que ces secours, si précieux pour ceux qui veulent jpasser une partie
(le leur vie à l'élude de la grammaire française, ne présentent pas des moyens d'instruction bien
faciles et bien prompts à ceux qui n'ont ni le loisir ni la patience de parcourir dans tous ses
détours le labyrinthe de celte science.
Il existe de bons traités sur toutes les parties de la grammaire française, mais la plupart dif-
fèrent par la nomenclature des objets qu'ils traitent, par le classement de ces objets, par les
règles générales qu'ils donnent; quelques-uns sont accompagnés de discussions métaphysiques;
qui ne sont pas à la portée du commun des lecteurs, et il est difficile de se décider entre lef
opinions qui les divisent. Si je veux m'éclaircir sur tout ce qui a rapport aux compléments des
verbes, ici je trouve des accusatifs et des datifs, là des rêgivies directs et indirects, chez un autre
des régimes simples et des régimes composés, ou des compléments immédiats OU médiats ; ei il
faut, à chaque fois, que j'étudie ce qu'on entend par ces termes techniques, et que j'en conserve
dans ma mémoire et les noms et les sens, pour comprendre l'auteur que je consulte. Si je veux
connaître la nature des temps, je trouve chez les uns des imparfaits^ ùdf, parfaits et des/j/i/j-
q ue-par faits ; chez d'autres, ÙGS prétérits de diverses espèces; chez d'autres encore, i\cs passé».
Telle grammaire me fait l'énumération de plusieurs espèces de pronoms; dans une autre, la plu-
part de ces pronoms ont disparu et se trouvent rangés dans la classe des adjectifs. Ici on me dit
que le verbe être est le verbe substantif, que tous les autres verbes sont des verbes adjectifs. A
peine ai-je imprimé dans ma mémoire ces termes et les sens qu'on y attache, qu'un académicien
m'assure que le verbe être est un attribut commun, et les autres verbes des attributs combinés;
partout je vois renaître les mêmes difficultés et les mômes obstacles, et je sens que je ne puis
profiter des instructions des grammairiens modernes, sans avoir étudié pendant longtemps cha-
cun de leurs systèmes, et m'êlre familiarisé avec leurs nomenclatures et \eurs manières de voir.
Les dictionnaires ne me donnent point de règles et m'induisent souvent en erreur. Celui de
l'Académie ne renferme pas, à beaucoup près, tous le* mots que l'usage a consacrés ; et si je n'y
TI DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
trouve pas celui qui se préseule à mon esprit comme le plus propre à rendre ma pensée, par
quel moyen pourrai-je m'assurer qu'il m'est permis de l'iniployer? Il en est de riiôme des di-
versis acceptions, dont plusieurs sont aussi omises dans ce Dictionnaire. Je sais que plusieurs
adjectifs peuvent se mettre avant leurs substanlils, plusieurs adverbes avant les participes des
Verbes qu'ils modifient; ot loin que le Dictionnaire de l'Acadi-mie me donne quelques lumières
sur le choix de ces constructions, il évite souvent au contraire de donner des exemples qui pour-
raient m'instruire, et me laisse presque toujours dans le doute ou linceriilude. Si j'ai recours
aux grammaires, elles me disent que l'usage seul peut me servir de guide, et lorsque j'ai besoin
d'écrire au moment même, où irai-je chercher l'usage? Il existe des observations oriliques faites
par des hommes habiles sur le juste emploi de plui^ieurs mots et de plusieurs phrases; mais ces
observations sont disséminées dans une multitude d'ouvnigos, et il n'y en a aucun qui m'indi-
que où je puis trouver celles dont le besoin se présente à chaque instant, et encore moins qui
m'enseigne à discerner celles qui sont justes d'avec celles qui ne le sont pas, ou à me décider
dans les cas où elles se contredisent. Il faut donc, si je veux être sûr d'écrire purement, ou
que j'inculque dans ma mémoire toutes les règles des grammaires et toutes les bonnes observa-
tions des critiques, et la vie entière n'y suffirait pas; ou que je m'entoure de tous les ouvrages
qui existent sur cette matière, pour y chercher à chaque occasion de quoi régler mon style et
diriger mon goût, et ce moyen n'est pas plus praticable que le premier.
C'est dans le dessein de remédier à ces inconvénients, que nous avons entrepris l'ouvrage que
nous offrons aujourd'hui au public. Afin de mettre nos lecteurs à même de jouir des découvertes
des nouveaux grammairiens, sans être obligés d'apprendre leurs diverses nomenclatures, nous
avons réduit en un seul système tout ce que nous avons jugé utile dans les nouvelles grammaires,
et nous l'avons soumis à une nomenclature uniforme. Les discussions polémiques ont été écar-
tées, les explications dilluses resserrées, et plusieurs parties qui ne s'assortissaient qu'à un
système particulier ont été refondues et appropriées au système commun.
Ce système, que l'ordre alphabétique semble morceler, se trouve lié par le moyen des renvois
qui établissent la correspondance des articles entre eux; et le lecteur peut, à son gré, ou ne
consulter que des articles isolés, si son besoin se borne là, ou suivre avec ordre toutes les par-
ties, s'il veut approfondir la science.
Les règles générales et les exceptions, qui ne se présenteut ordinairement qu'une fois daus
les grammaires, se reproduisent souvent ici par l'application que l'on en fait à chacun des mots
qui sont soumis aux unes ou aux autres; de manière que chaque mot susceptible d'une diffi-
culté rappelle ou la règle ou l'exception, et qu'on n'est pas obligé d'avoir recours à chaque instant
aux articles qui les expliquent et les établissent.
Mais les règles de la grammaire, qui n'enseignent qu'à écrire correctement, n'offrent qu'un se-
cours faible et souvent incertain à ceux qui veulent écrire avec élégance, et donner au discours
le ton, la tournure, les couleurs et les nuances convenables, selon la nature des sujets, le carac-
tère des idées et le besoin des circonstances. Souvent les règles grammaticales sont obligées de
céder .aux règles ou aux inspirations du goût, et de grandes beautés brillent quelquefois
dans des expressions et des tours où ces règles sont, sinon évidemment violées, du moins élé-
gamment éludées.
11 nous a donc paru nécessaire de joindre aux règles grammaticales proprement dites, les règles
du style dans chaque genre de littérature, et de montrer par des exemples comment la perfection
résulte de la combinaison des unes avec les autres, de la modification des unes par les autres.
On ne s'imaginera pas sans doute que nous ayons eu la témérité de vouloir refaire un art que
tant d'écrivains célèbres ont porté à sa perfection. Le tenter eût été ridicule de notre part, et la
nature de notre ouvrage ne l'aurait pas permis à des littérateurs plus habiles. 11 ne s'agit point
ici de faire des règles nouvelles, d'établir des systèmes nouveaux, d'indiquer de nouvelles routes;
mais de rassembler sous les yeux du lecteur, dans l'ordre le plus commode, tout ce qu'on a écrit
de plus clair et de plus méthodique pour le guider dans l'art d'écrire.
Voltaire, Marmontel, le chevalier de Jaucourt, La Harpe, et surtout Condillac, nous ont fourni
la plus grande partie de nos matériaux. Tantôt nous les avons insérés sans aucun changement,
tantôt nous les avons combinés les uns avec les autres; quelquefois nous avons suppléé, par des
articles de notre composition, ceux que nous n'avons pas trouvés ailleurs, ou qui ne nous ont pas
paru suffisamment développés ou assez clairement présentés.
Une autre partie de notre ouvrage, qui paraîtra sans doute de quelque utilité, c'est le recueil
des observations les plus importantes qui ont été faites sur un grand nombre de mots et de
phrases. Nous nous sommes contenté de présenter sans remarques celles qui, n'ayant point trouvé
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. TU
de coniraflîcteurs", soiu assez jjaranties par rautorité de leurs auteurs; nous avons rapporii'
les objections que l'on a faites contre plusieurs autres, et nous avons ladié de concilier les opi-
nions contraires, ou risqué de décider, en nous appuyant toujours sur des raisons (jue nous
avons crues solides, et sur un nombre suffisant d'autorités que nous avons regardées comme pré-
pondérantes.
Ainsi, l'on trouvera dans ce Dictionnaire les observations importantes applicables aux usages
actuels de la langue, qui étaient auparavant dispersées dans un grand nombre d'ouvrages. Les
anciennes remarques de Vaugelas, de Ménage, de Bonheurs, de Thomas Corneille, etc., qui peu-
vent encore s'appliquer à ces usages, se trouvent indiquées sommairement aux articles des mots
qui y ont donné lieu; et toutes celles de Voltaire, de La Harpe, de Condillac, et des autres au-
teurs de nos jours, y sont rapportées fidèlement; on n'en a pas même exclu les critiques souvent
hasardées de quelques grammairiens peu accrédités, tels que Féraud, Domergue, etc., lorsque
ces critiques ont été mal à propos accueillies dans quelque ouvrage d'instruction publique, ou
qu'elles ont donné lieu à quelque discussion importante; mais aussi on a recueilli avec éloge
celles dont on a reconnu la justesse, et l'on s'est efforcé de rendre justice à tous.
Mais ce ne sont pas là toutes les difficuilés de la langue française, il en est un grand nombre
qui s'élèvent chaque jour dans l'esprit de ceux qui consultent le Dictionnaire de l'Académie
française. Comme il y a dans cet ouvrage plusieurs expressions hors d'usage, et qu'on n'y trouve
pas un grand nombre d'acceptions autorisées par les écrivains les plus distingués, et particuliè-
rement par les poètes, il nous a paru nécessaire de relever ces erreurs, de suppléer ces omis-
sions, et de lever par ce moyen les difficultés auxquelles elles peuvent journellement donner lieu.
On voit, par les détails dans lesquels nous venons d'entrer, que notre ouvrage n'est pas un
Dictionnaire de la langue française^ mais un Dictionnaire des difficultés de la langue française:
c'est-à-dire, des règles de la langue française, des applications de ces règles, d'un grand nombre
de remarques et d'observations particulières qui n'ont pu être réduites en règles, et enfin des
fautes de quelques ouvrages qui peuvent induire en erreur, parce qu'ils sont entre les mains de
tout le monde, et qu'on a l'habitude de les consulter.
Il ne faut point chercher dans notre Dictionnaire la signification des mots, ni les différentes ac-
ceptions dans lesquelles on peut les prendre. Si on les donne quelquefois, ce n'est que par occa-
sion, ou pour préciser l'objet de la question, ou pour éclaircir quelque règle, ou pour relever
quelque erreur, ou enfin pour constater quelque omission.
Nous aurions intitulé notre ouvrage Dictionnaire grammatical, si nous nous étions borné à y
Tanger par ordre alphabétique toutes les règles de la grammaire française; nous l'avons intitulé
Dictionnaire des difficultés de la langue française, parce qu'à ces règles, destinées elles-mêmes à
éclaircir des difficultés, nous avons joint des questions qui, ne pouvant être immédiatement dé-
cidées par des règles, offrent d'autres difficultés d'autant plus embarrassantes qu'elles ne peu-
vent être éclaircies que par la discussion, ou tranchées que par des autorités imposantes et géné-
ralement reconnues.
On ne trouve nulle part des règles qui enseignent quels sont les adjectifs qui peuvent ou non
précéder leurs substantifs; nous indiquons à chaque adjectif s'il doit être mis avant ou après. Les
exemples dont nous faisons suivre chaque décision, et les règles que nous avons exposées à l'ar-
ticle ^i/ecti/, et auxquelles nous renvoyons ordinairement, aplanissent beaucoup de difficuilés,
et jettent quelque lumière sur cette matière abandonnée jusqu'à présent à l'incertitude de l'usage.
Il en est à peu près de même des cas où l'on peut placer les adverbes entre l'auxiliaire et le
participe : nous avons eu soin de les indiquer à chaque adverbe. Si nous avons fait quelque
faux pas dans cette route si incertaine, nous espérons du moins qu'on nous saura gré d'y avoir
porté quelques lueurs, et d'avoir fourni aux écrivains plus instruits qui viendront après nous,
l'occasion de compléter un recueil d'observations si nécessaires pour l'exactitude du langage.
Parles mots difficultés littéraires, que nous avons insérés dans le titre de notre ouvrage, nous
entendons seulement les difficultés littéraires relatives au langage. Le caractère de chaque genre
de littérature ayant un rapport essentiel avec un caractère particulier de style, nous aurions cru
laisser une lacune dans notre ouvrage en n'y donnant pas des notions au moins générales sur
chacun de ces genres; mais on ne doit pas s'attendre à y trouver toutes les règles de l'éloquence,
de l'histoire et de chaque genre de poëme. Il nous a paru suffisant, pour notre plan, de marquer
les rapports de chaque genre avec l'art d'exprimer ses pensées.
J. Ch. laveaux.
TABLE DES ÉDITIONS A CONSULTER
POUR VÉRIFIER LES CITATIONS RENFERMÉES DANS CET OUVRAGE'
BossDET. — Discours sur V Histoire Universelle.
Paris, r.harpenlier, 48il, 1 vol. in -12. —
Oraisons Funèbres. Paris, Wcrdet et Lequien
fils, J827. 1 vol. in-S".
BUFFO.t. — Œuvres complètes , mises en ordre
par M. le comle de Lacépéde. Paris, Evinery,
1825, 25 vol. in-8o.
Corneille (P.). — Le Théâtre. Paris, Gandouin,
1747,6 vol. in-12 2.
Fé.nelon. — Les Aventures de Télémaque. Paris,
Duforl, an VII, 2 vol, in-12.
Fléciiiei!. — Oraisons Funèbres. Paris, Werdet
et Lcquien fils, 1S28. t vol. in-8''.
GinADLT-DDViviEK. — Grammaire des Gram-
maires, oiizijinc édition entièrement revue et
forrigée par Auguste Lcmaire, professeur de
rhétorique au collège Bourbon. Paris, Colelle,
1844, 2 vol. in-S".
I.\ Bruïère. — Dans Les Moralistes Français.
Paris, Firmin Didot frères et Lefévre, 1836,
1 vol. grand in-8°.
I Nous ne faisons Cgur-îr dans ceUe table ni la plupart des
poètes, ni les prosateurs dont les ouvrages sont divisée en
courts cbapitres, car on peut facilement térifîer dans tontes
•s éditions les citations qui en sont tirées.
ï Lorsque le passage cité est sûiïi immédiatement d'une
«biervation de Voltaire, on s'est serri de l'indicatioo doncêe
La Harpe. — Lycée ou Cours de Littérature an-
demie et moderne. Paris, I.efèvre, 1816, 15
vol. in-8».
La Rochefoucauld. — Voyez La Bruyère.
Massillon. — GXuvres. Paris, Lefévre, 1S3.3.
2 vol. grand inS°.
Pascal. — Les Pensées. Paris, Aimé André, 1839,
1 vol. in-S" 3. — Des Pensées de Pascal par
M.V. Cousin. Paris, Ladrange,1843, 1 v. in-S".
Racine. — Gîuvres arec des Coimnentaires, par
M. Luneau de Boisjennain. Paris, Pougin,
d796. an IV, 7 vol. in-8°*.
Rousseau (J.-B ). — Gïuvfes choisies. Odes, Can-
tates, Epîlres et Poésies diverses. Paris, Ja-
net et Cotelle, 1823, 1 vol. in-S".
Rousseau (J.-J.). — Gîuvres. Paris, Didol aine,
an XI, 180J , 20 vol. i>>8".
Voltaire. — Œuvres complètes. Imprimerie de
la Société littéraire typographique dTSo, 1)2
vol. in-d2.
par cet écrivain, et qui renvoie à l'édition qu'il avait publiée
des œuvres de Corneille.
8 Les passages extraits de cette édition sont suivis de l'in-
dication des chapitres. Ceux qui sont tirés de l'ouvrage de
M. Cousin ne sont suivis que de l'indication de la pa^c.
4 II faut remarq'iei' que dans cette édition, Efther ai divi-
sée en 5 actes.
DICTIONNAÏKE
UAISONNÉ
DES DIFFICULTÉS GRAMMATICALES
ET LITTÉRAIRES
DE LA LANGUE FRANÇAISE.
A.
A. Subsl. m. Première lellrc de l'alpluibet, la
première des voyelles. A ne prend pas de s au
pluriel. Tachons d'eu découvrir la raison.
Les noms sont mis au jduriel quand ils expri-
ment plusieurs individus distincts qui l'ont partie
d'une cerlaine classe. Deua; hommes se dit do
deux individus distincts de hi classe indiquée par
le nom appellalif homme; mais lorsqu'un nom
n'indique pas une classe, et qu'il est seulement
le signe individuel d'un objet unique, il ne peut
otre appliqué à .ilusieurs objets, ni par consé-
'luent prendre le signe du pluriel; c'est vérita-
blement un nom propre. Le mot a signifie un
son particulier de la voix humaine; il ne peut
donc élre appliqué qu'à ce son, et par consc-
quent il repousse tout signe qui indique un plu-
riel.
A la vérité, a considéré comme caractère ou
comme son, peut avoir plusieurs formes, plu-
sieurs accessoires relatifs a sa ligure ou à sa pro-
nonciation ; mais il n'en est pas moins le signe
d'un objet individuel; et, quoiqu'il puisse être
accompagné de certains mois qui indiiiuent le
pluriel, celte idée de pluralité tombe ou sur la
répétition du signe, ou sur la difrérence de ses
formes écrites ou i)rononcées, mais non sur la
signilicalion réelle du mot, qui ne peut être ap-
pliquée qu'au son de voix qu'U indique. (Juand
on dit deux a, trois a, c'est comme si l'on disait
le caraclére a répété deux fois, trois fois. On fait
de petits a, de grands a ; il y a des a longs et
des a brefs, c'est-à-dire, (ju'on donne au signe «
des formes plus ou moins grandes, et au son (|u'il
représenle une prononciation longue ou brève;
nais, dans toutes ces phrases, il n'est point ques-
(ion de plusieurs sons de la voix humaine : c'est
toujours le même signe ex|)rimant un son indi-
viduel, et voilà pourquoi il ne prend pas la mar-
que caractéristique du pluriel. Au contraire,
quand on dit devx homines, trois hommes, le nom
homme prend la forme du pluriel, parce qu'il in-
dique deux, trois individus distincts faisant par-
tie de la classe qu'il e.xprimo. Deux a, c'est deux
fois le mémesigno; deux hommes, c'e>l un homme
et un autre homme. C'est parcelle raison qu'au-
cune lettre de l'alphabet ne prend le signe du
pluriel.
11 en est de mémo dos noms des chiffres, ipii
sont chacun un signe déterminé de lel ou tel nom-
bre : on écrit sans s, deux vn, trois quatre, cinq
neuf, six zéro, etc. ; des signes (pie l'on emploie
dans la musique pour signifier chaipie U>\\ : deux
ut, trois ré , quatre si, elc. ; des mulsi|ui n'ex-
priment ([u'un rapport particulier on une vue
particulière de l'esiM'it : des si, des quand, des
mais, des pourquoi, des comment. Il rj a trois
que dans cette phrase; ces deux qui font un
mauvais effet. Il ne s'agit dans toutes ces plira^es
•pie de la ié|)élilion des inémes signes, et non de
plusieurs individus distincts. \'oye/. Nombre.
A ne Si- prononce point dans Saonc, aoriste,
taon, août, antUeron: oii prononce comme si
l'on écrivait Sône, oriste, ton, oui, oûleron ; mais
a se fait entendre dans uoûter.
Dans celte façon de iiarlcr, il y a, a est verbe.
C'est une de ces exiiressions figurées ijui se sont
introduites par imitation, jiar abus ou [lar cala-
chrése. On a dit au propre, Pierre a de /'argent,
il a de l'esprit ; et |)ar iniitalion on a dit, *'/ y a
de l'ai'gent dans la bourse, il y a de l'esprit dans
ces vers. Il est alors un ternie abstrait cl gén»'-
rai, comme ce, on. Ce sont des termes méla|)li)-
siijues formés à l'imilalion des mots (jui marquent
des olijets réels. L'y vient de l'iiides Latins, ci
a la même signification II. y, c'est-.i-dire là, ici
dans le pomT dont il s'agit. Il y a des hommes
qui, elc. //, c'est-à-dire", Iclre mélaphysi(iùc,
l'être imagine ou d'imitation, a, dans le poiiii
dont il s'agit, des hommes qui, etc. C'est ausîi
jiar imitation qu'on dit, la raison a des bornes,
notre langue n'a point de cas, la logique a qua-
tre partiti, etc. (Uuinarsais.)
J est la troisième pei-somie du sinculier «In
présent de l'indicatif du verbe arair. C est s;ins
doute un défaut, dit Yullaire, qu'un verbe ne
soit qu'une seule Icllic, et qu'on exprime il a rai-
son, il a de l'esprit, comme on exprime il est à
Paris, il cv/ (i L<;iin. Il a ru ('li(i<|ii(>r.'iil lioiii-
blciiicni ruivillc si l'on n'y clail |);is ihcouUiiik^.
Plnsiciir.-. onivjiius scscrvonl île cctlc [iliriisc, la
diff !■ ic lire qu'il y a, la distance qu'il y a entre
0KX,- osi-ii rien lie |iliis hiiiuMiissMiit à l;i l'ois el
de plus riiile? n'esiil |»;is iiisé tl éviter celle ini-
pf^rfeclioii du l.uKvigi! en ilisaiu siin|iloiiienl, la
distance, la di//'i reiice entre eux 9 A ipioi i)on
ce qu'il Cl ci'l 1/(1 i|ui rcMiJiMil le discours si'C el
dirfii>. i:[ i|ni rrunissciil iiiiisi les |ilus çrands dé-
fiiuls? .Ne r;iul-il pus surtout éviter le concours
de deux a? il ai à J'uris, il a /Antoine en aver-
sion. Triiis et ipi;ilre a de suite sont insuppor-
tables ; il va à /■iniieiis,el de là à Arques. I.;i poé-
sie française [iroscril ce licuilcmenl de voyelles :
Gardei qu'une »oycllc, à courir lro|i liilce,
Ne soil d'uuc voyullti en son chemin licurlée.
(BoiL., A. /'., I, 107.)
[Iticl. philoêophique.)
Voltaire a voulu substituer la lellre a à la let-
tre 0 dans françois, française et dans les lernps
des verbes que Ion éci'il avec ni: français, je di-
sais, etc. Diiuiarsais a très-bien prouve «pie celle
innovation est un aims contraire aux principes.
(.0[\enilant, iiial^'ré les efforts de plusieurs i:ens
de lettres, et ceux île l'Académie, qui n'avait |)oini
adopte celle nouvelle orthographie, elle a leiie-
mcni prévalu, ipi'on peut la regarder comme
adaptée giMn-ralement par l'usai-'c. F.nlin, l'Aca-
déinie vicnidedecidcripi elle l'emploierait dans le
nouveau Dictioiuiairc ainpiel elle travaille. Nous
avons cru devoir suivre Son exemple, en écrivant
français au lieu de français, j'allais im lieu de
j'allais. Par là on ne l'ail que substituer un nou-
vel alius à l'ancien ; car ai ne représente pas plus
le son es ipie l'on fait sentir dans français, que
ne le rcprésenlait ni. Aoyez l'article Ôi. Voyez
aussi à ce tnjei les nombreuses objections que
M l.cmaire s'est efforcé de réfuter [Gravunaire
des Grammaires, p. 'J3li et suiv.), el qtielques-
unes des spirituelles dissertations de (lli. Nodier,
qui n'a jamais adopté l'orlhoçraphe de Voltaire.
[Aii'Ianyes de lillcrature et de critique, tom. I,
p. 472 et l'/D. Examen critique des Dict., ar-
ticle Oi.)
A. Indique affirmation en lotriqnc
En léle d'un morceau de musique, il désigne
la partie de la liauic-conlrc, alto.
Il esi suUNCMl lexprcssion abrégée du mot al-
tes.^c .
Dans l'usage du commerce a csl \)Our aocepté,
a. c. pour nnni'C courante ; a. p. pour ann*;e pas-
sée ou pour a protester.
Dans nos espèces d'or et d'argenl celte lettre
est la marque de la monnaie de Paris, el AA celle
de la monnaie de Melz.
A. P. I). H, sir les anciennes gravures, signi-
lie : ari-c pririli ge du rai.
A, préposition doni l'usage primitif est démar-
quer un iappor;a un terme. Aller à Pari^, être à
Pari.^. Toiiies les fois que cette prepoMtion n'esl
pas jinse dans le sens pro|ire de sa ilesiinalion,
elle y a toujours un ra|iiiiirl pinson moins éloi-
gné. Un (lira clianter est un air que le com|>o-
sileur a di'sliné à étriî chaulé; vue chaise a par-
leurs e.s' 'l'O chaise que Ion a dcslinée à élrc
portée; »/« pat à l'eau est un pot que l'on a des-
tiné a contenir de l'eau; vne jnai.san à rendre
est une inaiNon que l'on a destinée à être vendue.
Dans toiiles ces phia-cs il y a but, destination,
lermc. L'Envie à l'œil timide et louche, c'est
I i'Fnvic que l'on reconnail à son <fil timide et
I loiu'lie. D:ms arrncher des herlies brin ii brin,
j chaque brin d'herbe devient à son tour le terme
; d'unj action ; on va d'un brin à l'aiilre i)our
I arracher ce dernier. Dans donner quelque chose
\ à quelqu'un, ùter quelque clwse à quelqu'un, à
1 annonce le terme des verbes donner et 6ter, el
quelqu'un conijiléle l'idée de ces lerincs; car
I c'est a quelqu'un que viemicnt aboulir l'aci'on
de iloniier et l'action d'oler.
Ouaiid je dis,ye rous remets à deu.T mois fiour
mus pni/er, je ne veux pas dire que/c mus paie-
rai api es deux mois, mais c'est un lerme que
j'assiL'iie |toiir le paiiMiient. (Jnand je dis que/a
vinnifo morceau à morceau, cela ne signifie pas
i\Wt Je inungc un morceau a(ir(Si/;j autre; inais,
qu'après avoir man.'è un inoriT-au, un antre mor-
ceau devienl le lerine ou teinl radion de manger.
l'raraillcr à l'aiguille ne signifie pas travailler
arec l'aiguille ; mais*/ indique l'aiguille comme
le terme du choix qu'on a l'ail de cet insir;imcnt
préféra! dément a lout autre, y ivre à Paris ne si-
gitilie i)as vivre dans Paris; mais à l'ail considé-
icr Paris comme un |>oiiil ou ton s'est lixé pour
y vivre. C'est lorsque le lieu n est pas considéré
comme un [loint, mais comme un e-pace, que
l'on dit en ou dans : f^ivrc en France, vivre
dans la France , vivre en pna-ince ^irrc dans
Paris ne signifie tlonc pas exactement la même
chose que vivre à Paris.
On ne peut pas dire comme le Dictionnaire de
1 Académie, qu'w sert a marquer le temps, le lieu,
etc. (Juaiid je dis je dine à. .., il e.^i im];0Ssiblô
que l'on devine si celle préposition a rapjiorl au
tempsou au lieu. Mile aurait ra|)porl au temps si je
disaisyc dîne à quatre heures ; Mo aurait rapix)rt
au lieu si je disais y» dine au faulmurg Saint-
Honoré. A ne inar(iue donc dans ces phrases ni
le lemps ni le lieu ; il sei"l à annoncer un rap-
port vague de ternies dont I idée csl complétée par
le mot ou les mots qui suivent.
Il serait ridicule de dire avec l'abbé Girard,
qu'« indique la spécifcatinn par vingt-cinq diffé-
rents vioyens. Par la l'orme de la siriicliire, lit
à adonnes, table à pieds de biche; [)ar la qualité,
7nol à double sens; p;'.r la cause mouvanie, arme
à feu, etc., etc. Il est aisé de remarquer que,
dans ces phrases, à ne marque ni forme de slruc-
Inie, ni ipialité, ni cause mouvante, etc.; mais
(jn'il amioiice seiilcmenl un rap|Mirl don! les mots
qui suivent complètent l'idée, ijuand j'ai dit lit
«...., je |)eux aussi bien ajouter rendie que co-
lonnes; à n'indique donc [laspliis l'action de ven-
dre que !a forme de la structure.
D'autres grammairiens font de la préposition
à une préposition collocativc, ordinale , unilice,
terminale, clc; Cl tout cela avec aussi jm-'U dérai-
son.
I.a préposition « devienl un mol composé, par
sa jonction avec l'article /c ou avec l'ariiclf.' pluriel
les. l.'arliclc le, à cause du son sourd de l'e
muet, a amené au; de sorte ipiau inu dédire
à le, nous disons «(/, SI le no.n ne commence pas
|)ar une voyelle: s'adunner au bien; el au [du-
ricl, au lieu de dire « les, nous disons au.r, suit
(|iie le nom commence par une voyelle ou par
une consonne : aux hommes, au.r f'inmcs, clc.
.Ainsi au C5l auluiU que à le, cl aux autant que à
les.
l'I faut répéter la piéposilion à devant chacun
de ses com|ilémeiils. ISe dites donc pas il aime à
lire et écrire, m;iis, il aime à lire et o écrirai,
rsiuiilez pas en cela .J.-.l. Rousseau, qui sou&-
anlendail ordimircmont celle pri^posilion. Il ne
fani p;is coiuMure ili- l;i ijnc l'im iloivcMlirc, parmi
tous les romans île l'aitliquili', je donne la pré-
fèreiirc à 7'lirappiie et â C/iaricli'e ; [nircc <1UC
les deux iin'ls Ti.ttipèiic et t Imrwl^e élant le
titre d'un iiiivi;i^(*, soiii rc^;irdrs (•iiiimie (iiie ex-
pression imii|iii; «lui furiiie le coiniilciiR'ul de la
préposition à.
On a beaucoup rcproclié à Boilcau ce vers :
Cest à TOUS, mon esprit, A qui je tcmix parler.
'SaLlX, 1.)
Boileati a donné ici deux termes an xcrhc par-
ler : à vous cl a qui. il fanl dn-e, c'est à vous,
mon esprit, i/uej'e rei/.r pai/er.
Domer-'ne, makié l'anloriié do l'Académie cl
un usage liicn éiaïili, ne vrui pns iiue l'un dise,
if y arait sept à lniil femmes Javs rot le as-^er/i-
bléc. On dit avec raison, ajoute cet académicien,
de sept à huit hevres, alhint d" sept à huit heu-
res, parve <|uo liiiil licurcscst leleiiiie<iù aticiutit
l'action d'allci-; il y ;i un es[»;ii-e à |iai(uuiir . il
y a des fractions d'Iiciif-s. Mais on ne coik-oIi
pas des fractions de fouîmes; il faut opter entre
sept cl Iniit, et dire sept on Itvit femmes.
II y a une grande tlifrcrencc entre ces doux ex-
pressions, ^""ùru cAe^ mus de sept à Inrl heures,
et ily avait sept à huit femmes dans cette assem-
blée. La prcniiére iiuliipie un ifiiips divisdili'piiire
sept heures cl huit heures; la sci-ondc indiipie
un nomlire approximatif moniani à sept, ou tout
au plus à huit pcrsoimcs. A la vérité, il n'y a
point de fractions entre sept et huit femmes; mais
il ne s'agit pas irj d'un nombre entre si'|il et huit,
mais d'une estimaliou de sept a huit femmes.
Celui qui dit, il y arail dans cette assemhh'e
sept à huit femmes, n'est pas certain qu'il y avait
sept femmes; mais il assure cpie le nomlire ipii
s'y trouvait montait peul-èirca sept, ou tout au
plus à huit. Le noml.re huit est le seul CLfIain et
déterminé; au lies (|ue, dans/'t? ai vous voir de
sept à huit heures, lcs<lcux époques sont dcK.T-
minécs,cl admettent un inlervalle. // y avait dans
cette assemiihe rept on huit femmes, n'ex[irimc
pas si precJM'ironi rcsiimation faite du nombre,
ei ie terme le plus élevé porté à huit. Cette façon
de parler n'afiirine rien , c'est comme si l'on di-
sait : peut-è.rc y en avait-il sept, peu t-êiro y en
avail-^l huit, voila mon estimaiUm, je n'assure
pas plus l'un que l'autre. Si l'on veut liicn ré-
fléchir sur ces deux phrasct, on conviendra (pie
ce sont la les mianccs «pii les distinguent, et ipie
par conséquent on jieut enqiloycr l'une ou l'autre,
suivant les vues de l'esiirlt.
Dans l'édiiion de IS.'IS, l'Académie donne une
décision favorable à Domcrçue. ^■oici le passage :
K A, fdacé entre; doux nombres, en laisse sûji-
poscr un (pii est intermédiaire, yinrjl à trente
personnes, quinze d vingt francs, mille à douze
cents francs.
K II se place aussi entre deux nombres con-
sécutifs, lorsqu'ils se rap|Nirlcnt à des choses (pii
peuvent se diviser par Iraclions, deux à tnns
Unes de sucre, cinq à sis lieues. On dit cinq
ou si.v personnes , onze ou douze clieraux, Cl<'., j
et non, cinq à six personnes, onze a douze elie~
vaux, etc. »
Il y a des prépositions qui veulent cire sui- !
vies de la prep<j-inon à. Telles soûl par rapport, i
quant, altemint, et qiieliiucfois sauf, QKju.tque. |
Par rapport à lui, quant d eux, attenant au |
palais, sauf à eux à se nourroir ; mais ou dit j
ABA 3
aussi sauf leur recours, cl jusque-là, jusque sur
le trône.
Pliilol que jusquf-là j'.ikaissc mon orgueil, etc.
(Volt., Zaïre, acl. I, se. I, 67.)
Le son de l'a est jiliis éclatant (pie celui de
toutes les autres voytîllcs. et la v.ix j mur com-
plaire à l'oreille, dil'Marmontel. le clioi:>it nalu-
rcll(;mcnl : la preuve en est dans les accents in-
dclibénis d'une voix (pii prélude, dans les cris
de surpiise, de douleur et de joie. — H ne faut
jias conclure de la i|ue ce mol fasse un bon effet
dans une phrase, lorsi|u'il y revieni joiivcnt Cette
répr'tilion est surtout iiisu|i|>orlal)le loivpi'il s'y
présente sous des acceptions dilïereiUes, coininf
dans celle phrase de La Harpe : « C'est raison-
ner étrangement que de dire à un homme qu'
;j'a dû .sa célébrité, qu'a sa mcclidnceté ; et de l'in
viter à reroncer â la seule chose qui Ca rendu
célèbre. »
A ou Ad. Particule préi)ositive empruntée de
la pié|)Osition latine ud, ipii se met au commen-
cciiicnt de certains mots, et (pii seii a iiiari]iicr,
comme la |ireposiiio"i u, la Icnd.uice vers un but
pliysiipie ou moral. On se sert de a dans les mots
(jue nous conqiusoiis nous-m(''mcs a l'imitation de
ceux du laini , et même dans (pielques-uiis de
ceux (juc nous en avons ein|iruiiles. J,fuerrir,
rendre propre à la guerre; aun liorer, faire ten-
dre à un ctal mciileiir; anéantir, reiliiire a néant;
avocat, (juc î'oii écrivait aiicicimemenl udvocat,
apjieié iioiir i)l;iidcr une cause. On se sert de aï
quand le mol simple commence par une voyelle,
par un h muet, et (pielquefois ipiaiid il commence
par j ou par v. Adopter [apinre ud) , adhé-
rer [Itœiere ad), admettre, meitrc (lans;aci-
Jidnl {junctu^ ad), adverbe [ad verbum junc-
lus), etc.
Dans quelques cas, le rf de f/f/ se transforme en
In consunne (pii commence le mot sim|)l(! si c'est
un c ou un q, comme accumuler, acquérir ; un f,
comme affamer; un g, aniwue or/q/omérer ; uni,
comme allaiter; un n, comme annexer; un p.
Comme applanir, appauvrir, apposition ; un r.
Connue arranger, arrondir; un 4, coininc avA-ati-
lir, assidu , assortir; uu /, coiniiic attribut, at-
ténuer, etc.
Ab ou Acs. Particule |)réposilivc empruntée du
latin, qui se met au couimencemeia d'un mot
poiirmaiMpicr |iruicipaleuienl laseir.n-alion.cuininc
<.\.\n?, abhorre I , uhju ration, ablution, ubmgution,
aborlif, abrogé, absolution, a'iAtmence, abstrait,
abusif, etc.
Adaissk. Subsl. f. Ce n'est jias, comme ledit
l'Académie, une paie (jui lait la croiile di; dessous
dans plusieurs jiièces de pâtisserie, c'est un mor-
ceau de pàieipii a été abaissé, c'cst-a-diie dont
on a diminue la hauteur en le iiass;iiii sous le
rouleau, jiisipru ce ipi'il soit ilc\fnu mince.
Une abaisse est une pièce de iiàie mince (jue l'on
cn)|>loie de diverses manières.
ABiissiiMEM.Subst. m. Ce mol s'einploie-t-i!au
pluriel? L'Académie ne l'imUipie [xniil. lionbaud
l'a employé ainsi au ligure : l'orguei/ est «n des ■
vices le plus jaloux de se venger di^s abaisse-
ments qu'il éprouve. Kn eflél, un homme peut
éprouver plusieurs abaissements , celui de sa
fortune, de son crédit, de>a n-puiaiion.eic, ; mais
r('tat qui résulte i\ctvs divers (il>ai.\.seuienls est
un; et on ne peut pas dire, tJ est dans les ubais-
semenls. L'élévation ou /'abaissenuMit des Etals
dépend du courage d'esprit de ceux qui les çov~
vernent.
4 ABA
Ce mot s'emploie dans le style noble.
Ce triste abaisiement convient à ma fortune.
(lUc, Iphig., acl. III, se. V, 31.
Abaisser. V. a. de la 1" conj. 11 nous semble
que l'iibbé Giî"drd n'a pas indi<iué avec assez
il exiiclitude et de tiai-lc la difrcrence entre les
verbes abaisser et baisser. Abaisser a toujoiii's
rapporta un point i-levo, baisser, à un point bas.
On abaisse une cliuse pour (lu'ollc uc soit pas
si haute; on la baisse [)our (piclle soit basse. Si
un mur m'empoche, |)ar sa hauteur, d'avoir la
vue sur la campagne, je le fais abaisser; si je
veux pouvoir m'yppuyer dessus, et ipi'il ne soit
pas as^e/. bas pour cela, je le lais 6aii\ser jusqu'à
hauteur d'appui. Si une femme, développant en-
tièrement son voile, le fait descendre aussi bas
qu'il peut s'étendre, elle le baisse, parce (lu'ellc
veut qu'il soit bas , pour cacher ce (ju'elle ne
veut pas laisser voir. S'il était fixe sur le haut
de sa tète , el qu'elle voulût le fixer sur son front,
elle \' abaisserait, i)arce ipi'ellc voudrait le placer
moins haut. On baisse le dessus d'une cassette
qui est entièrement levé, afin qu'étant bas, il
couvre l'ouverture qu'il doit couvrir. On abaisse
le dessus d'une cassette, lorsque n'étant baissé
qu'en partie, il est trop haut pour remplir sa des-
tination. C'est dans le mctnc sens tju'on baisse
î>u qu'on abaisse un pont-levis, la visière d'un
masque, etc. On baisse la tèie, les bras, les yeux,
itjs paupières, lorsqu'on les dirige en bas; mais
Jans le langage îles arts, on abaisse la tête, les bras,
aCs yeux, lcs[)aupicresd'unefiguie, lorsqu'on veut
iCS placer dans une position "moins élevée, soil
pour se conformer aux règles générales de l'art,
soit potir mieux exprimer la passion que l'on a
en vue. — Baisser ses regards sur un objet, c'est
les diriger en bas, pour regarder cet objet. Abais-
ser ses regards sur un objet , suppose une éléva-
tion de laquelle on descend el portant ses regards
sur un objet très-infcrieur, et comme indigne de
nous. Quels churmes, en effet, la nature ne ré-
pand-elle pas sur les travaux du philosophe ,
qui, persuadé qu'elle ne fait rien en vain, par-
vient à surprendre le secret de ses opérations,
trouve partout l'empreinte de sa grandeur, et
n'imite pas ces esprits puérilement superbes, qui
n osent abaisser leurs regards sur un insecte!
(Barlhcl., Anacharsis, ch. Lxiv, loin. V, p 247.)
S'abaisskr. V. pronom. Ce verbe s'emploie quel-
quefois absolument. Il signifie alors témoigner
que l'on se croit au-dessous des autres, ou qu'on
ne veut point se prévaloir du mérite , de la
gloire, de la réputation , des bonnes qualités que
l'on peut avoir. L'homme 7/iotfe*<e s'abaisse. Les
plus fiers Sont quelquefois forcés de s'abaisser,
quand la fortune les abandonne. L'homme sage
et simple ne s'abaisse puint, ni ne se soucie
d'abaisser les autres. (Girard.) — S'abaisser à,
signifie, selon l'Académie, s'avilir, se dégrader.
Mais il signifie aussi, se proportionner aux per-
sonnes qui nous sont inférieures par la condition,
l'esprit, les lumières, les talents, en nous mettant
à leur portée. On n'est jamais bon maître, si
l'on ne sait pas s'abaisser jusqu'au niveau de son
élevé.
* Abalouuuir. V. a. delà 2-= conj. L'Académie
ne met iwint ce mol, que l'on ciiq)loiedans le dis-
cours fanulier, pour signifier rendre slupide à
force de mauvais traitements, el qui est surtout
usité au participe i)assé. rous avez abalourdi
cet enfant. Mais elle met abasourdir, (jui a un
ABA
autre Sens. — Abalourdir signifie rendre lourd,
Slupide, el suppose une répiMition de cause et un
effet permanent ; abasourdir veut dire étourdir,
troubler, consterner, et suppose une cause subite,
inattendue , et un effet passager. On est aba-
lourdi par une suite de mauvais traitements, el
on reste abalourdi. On est abasourdi par mie
nouvelle aflligeante el inattendue, et on revient
de l'abattement qu'elle a causé.
\nAND0N. bubst. m. On confond souvent lu
Palais abandon ct abandonnemcnt. On dit indif-
féivminenl (ju'un failli a fait V abandon ne ment ou
l'abandon de ses biens à ses créanciers.
h' abandonnemcnt est un acte par lequel on
cède ou transporte à un autre la jn-opriété (]u'on
a d'une chose, ou simplement le droit qu'on
peut y avoir. Vabandfm n'est point un acte; c'est
un simple état, une simple situation d'une chose
délaissée. Un débiteur fait un abandonnemcnt el
non un abandon de ses biens à ses créanciers. On
dira , en parlant d'un homme aui|uel personne
ne ](reiid intérêt, qu'i/ est dans l'abandon; et
des biens dont on ne prend aucun soin, qu'i.'*
sont ù l'abandon.
On dit de \' abandonnemcnt , qu'il est volon-
taire, foroé, juste, entier, sans réserve, etc. On dit
de {'abandon, qu'il est triste, cruel, etc.
On dit et on écrit : Vabandon d'une amante,
Vabandon d'une actrice, Vabandon du style, pour
exprimer cet état uù une amante, une actrice,
un écrivain se laisse aller au sentiment ijui l'en-
Iralne.
\ ollaire a dil : Il y aurait un lâche abandon
de moi-même à souffrir qu'on me déshonore.
S'il eiil consulté l'Académie , il auiait ajipris
qu aba ndon ne se dit que de l'étal d'une per-
sonne ou d'une chose abandonnée, et «lu'il ne se
dit point pour l'aclion d'abandonner, lleureuse-
mciil , il ne s'en est pas rap|)orlé à celte déci-
sion ; il nous a donné l'exemple d'une acception
nouvelle.
Abandon.ner. y. a. de la 1^^ conj. L'Acadé-
mie n'a pas donné la signification primitive de ce
mol. Il vient du substantif allemand 6a«ii, ([ui
signifie lien, et de ia préposition latine « ou ab,
qui signifie dégagement, libération. Abandonner
signifie littéralement dégager de liens, (ictte si-
gnification primitive se reinaniue dans l'expres-
sion , abandonner un clicval, qui se dit en Icrmes
de manège, pour signifier ne plus retenir un che-
val par la bride ou par les rênes, afin de le laisser
libre d'aller à son gré; et dans la phrase de fau-
connerie , abandonner un oiseau, qui signifie le
laisser libre en campagne, sans attache cl sans
lien. On dit en ce sens au ligure : abandonner sou
cœur au désespoir, abandonner son âme ù lu
vengeance. J'avais abandonné mes sens à la dou-
ceur du sommeil. (Barlh., Anacharsis.) Aban-
donner signifie aussi cesser de fréquenter ce (lu'on
fréquentait auparavant. Depuis quelque temps,
on a abandonné ce spectacle. L'on se range en
haie, ou l'on se place aux fenêtres , pour obser-
ver les traits et la contenance d'un homme qui
est condamné et qui va mourir : vaine , maligne,
inhumaitie curiosité! Si les hommes étaient sa-
ges, la place publique serait abandonaée, et il
serait établi qu'il y aurait de l'ignominie seule-
ment ù voir de tels spectacles. (La Bruyère, de
la Cour, p. 295.)
Abasoukdir. \oyez Abalourdir.
.\bat-jouh. Subst. m. Ce substantif com|Hjsé
ne doit point prendre le signe du pluriel, il est
composé du verbe aia/, qui n'est pas susceptible
ABE
de prendre le pluriel à la mnnièrc des substantirs,
cl du mol jour, (\m ne peul le prendre d;ins le
sens où il esl employé ici; car il s'a^'il d'une chose
ijui nl>al le jour el non les j'otirs. 11 faut donc dire
des abat-jour, Cl non [)as \.\çi,ahat-j'ours. A'oyez
Composé.
AnATTEMENT. Subsl. ui. Fcraud voudrait que
l'on écrivil ahalemciU avec un seul l; cl il
rcproclie à i'Aca<l.'niic d'avoir ccril ainsi aha-
tis, et d'avoir conserve uhattcmcnt. Celle ob-
servation ne nous |)araU pas juste. Tout homme
qui a l'oreille délicate sent que dans abatic-
meiil , on appuie plus sur ba que dans aba-
tis ; ce qui vient de ce (pic la syllabe suivante
est une syllabe féminine sur laipicUe il faut
passer légèrement, passage qui exige à la syl-
labe précédente une prononcialion plus mar-
quée.— D'après ce principe, il faudrait peut-
être ne mettre tpi'un t aux mots de cette classe ,
où la syllabe qui suit ba est masculine , cl en
aietlre deux à ceux qui finissent par une syllabe
icmmlne : Abattre , abattement; noxis abatons ,
j'ai abalii, abateur, abattie, abature. Cette ortho-
graphe indiquerait les nuances de la prononcia-
lion.
Abatteur. Subst. m. 11 régit la préposition de,
un grand abatteur de bois. Un grand abatteur de
quilles. 11 n'a point de féminin.
Abattre. V. a. et irrég. de la 4" conj. Il se
conjuguecomme battre. Voyez ce mot.
Abattu, ce. Part, passé du v. abattre. Comme
participe, il se met absolument, ou régit la pré-
position ^jar. Tttèînaque, qui était abattu et in-
consolable, oublie sa douleur. {¥cnei.f Téléma-
que, liv. XYll, loin. 11, p.d7A.) Il était abattu
par une douleur que rien ne pouvait consoler.
(Idem, liv. XVl, tom. Il, p. 161.) Il s'emploie
aussi adjectivement ; on dit, un arbre abattu, un
cheval abattu, des espérances abattues.
Abat-vent, Abat-voix. Substantifs masculins.
Ils ne changent point au pluriel. "Soyez Composé.
Abb. Pans les mots qui commencent par celte
syllabe, on n'a jamais prononcé qu'un b ; aujour-
d'hui même on n'en écrit plus qu'im, excepté
dansaèieel dans ses dérivés. Autrefois on écri-
vait abbécher, abboyer, abbréger, abbretiver, etc.
(Feraud.) — On ne voit pas trop pourquoi on a
e.vcepté les mots abbé, abbesse, abbaye, où le se-
cond b ne fait rien à la prononcialion. Le seul
qu'on aurait dû excepter, ce me semble, c'est le
mot abbatial, où l'on fait un peu sentir les deux
b ; car on ne prononce pas abatial, comme le dit
Féraud. Cette différence de prononciation vient
peut-être de ce que les syllabes aèa ont trop de
rapport avec les mots abattre, abattement, etc.,
et que la prononcialion faible des deux 6 indique
un mot d'un autre ordre. Il esl dans le génie de
la langue française de prévenir les équivoques le
|)lus qu'il esl possible.
Abbatial, Abbatiale. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. On l'ail un peu sentir les deux b.
Il fait au plur. masc. abbatiaux.
Abbaîe. Subst. f. On prononce abéie, en ne
faisant sentir (pi'un b.
Abbé, abbesse. On ne fait sentir qu'uni.
Abdomen. Subst. m. On fait sentir le n comme
àdx\?>amen.
Abdominal, abdominale. Adj. qui suit toujours
son subst. 11 fait au ])lur. masc. abdominaux.
Les jnuscles abdominaux.
Abécédaire. Adj. des deux genres. 11 se dit des
ouvrages qui traitent des lettres par rapport a la
lecture. Livre abécédaire, ouvrage abécédaire.
ABO 5
Il se dit aussi des personnes (|ui ne sont encore
(pi'a l'a b c d'une science, ou qui en appren-
nent les premiei s clémente. l);iiis le premier sens,
on dil eu plaisantant, c'est un docteur ubécéduiro'.
Dans le second, on dit, un vieillard abécé-
daire, c'est-à-dire, cpii conunencc à apprendre
une science difficile.— Cet adj. suit toujours son
subst.
Abhorrer. V. a. de la 1" conj. On prononce
les deux r. Dans le discours familier, on emploie
assez souvent ce mot dans un sens exa^'éré. l.'i-
maginalion ardente des femmes, el (prelqucfois
l'affcclation, les porte à du-e cprcllcs abliorrcnl
les personnes ou les choses qui ne leur ont causé
qu'un peu d'humeur ou de dépii.
AnuoRiiÉ, Abiioiw.éi;. l'ail, jiassé du v. abhor-
rer. Comme adjectif, il s'enijiluie absohiiiient, ou
est suivi de la pré|iosilion de. Un prince abhorré,
un prince abhorré de ses sujets.
AiîiMER. \ oyez Abymer.
Abject, Abjecte. Adj. On prononce le c comme
un k. On peul, selon les cas, le mettre avant son
substantif. Un homme abject, une créature ab-
jecte, cette abjecte créature. Voyez Adjectif.
Abjuration. Subst. f. Ce substantif n a pas une
signification aussi étendue (pie celle du verbe
abjurer. 11 est borné a signifier une renoncia-
tion solennelle à une erreui-, à une hérésie; au
lieu qu'abjurer se dit des opinions, des senti-
ments, des divers mouvements de l'àme. — les
mots abjuration el abjurer ne s'ein|iloient pas
également par toutes sortes de iiersonnes. Ce qui
est abjuration aux yeux de ceux qui regardent
comme fausse et pernicieuse une religion à la-
quelle on renonce , est renonciation pour ceux
qui font profession de celte religion, et qui la
regardent comme vraie. Les catholiipics appel-
lent abjiirœtion la renonciation solennelle aux
dogii;es de la religion protestante, iiarce qu'ils
regardent ces dogmes comme des erreurs; et par
la même raison, les prolestants donnent le même
nom à la renonciation solennelle aux dogmes de
la religion catholique. — 11 en est de même du
verbe abjurer : les catholiipics disent, abjurer la
religion protestante ; el les protestants, abjurer
la religion catholique. — En ce sens, on le dit ab-
solument lorsque les circonstances fniU assez
connaître le régime du verbe : /' a abjuré.
Aboiement. Subst. m. Féraud piélend qu'on
pourrait écrire aboiment sans e; c'est une er-
reur. Dans ce mot la syllabe boi est longue, et
c'est l'e qui la suit qui lui donne celte ijuan-
tilé. Si l'on supprimait l'e, boi serait bref, à
moins qu'on ne mit l'accent circondexc sur Vi. Je
pense qu'il faut continuer d'écrire aboiement.
L'Acailémie,dans son Dictionnaire publié en 1835,
met aboiement ou aboiment.
Abois signifie les derniers soupirs. Ce mot
abois est pris du cri des chiens (pii aboieiil au-
tour d'un cerf forcé, avant de se jeter sur lui.
Corneille a dit dans Nicomède :
El ces esprits légers approchant de» aboii.
(Acl. IV, se. n, 112.)
Voltaire dit au sujet de ce vers, que celte ex-
pression des abois, qui par elle-même n'est pas
noble, n'est plus d'usage aiijonrd hui. Voltaire
a voulu dire, sans doute', que ce mot n'est plus
en usai-'c dans le style noble; car dans le style
ordinaire, il est encore usité au propre et au fi-
guré.
Abominable. Adj. des deux genres. Il se mel,
6
ABO
suivnnl les cas, avnnl son subslnnlif. Un homme
ahomiiinb/p, un abuminublc linnimc ; un crime
abominable, vu abominable forfait. \'oycz Ad-
jectif.
L'Acaili'mic n'a pas in(li(]iic l'accpption priini-
livc de rc imil. 11 se dil ;iii prii]ire dos rlioscs
qui blessent au plus liaiil de|.'ié les principes sa-
rrés de la rcliLMon, de la naUirc cl de l'Iuiina-
rifc\ cl des [lersuniics (pii 1er coniinetleiit. Les
dieux des mitions ctranrjères étaient abomina-
bles aux yeux def Juifs L'idolùtric est abomi-
nable aux yeux des clin liens. Une reliqion fjtii
ordonne de turr ccii.v qui ne la suivent pas, est
une religian ubovtinable. Le parricide est un
crime ub uninable. Un parricide est un homme
abominable.
Adominvrlrjiknt. A'iv. On peut le mcllie en-
tre l'auxiliaire el le parlici|)e. // s'est conduit
abomini.blemenl ou il s'est ubominublement con-
duit.
Abomination. Snhst. f. L'Académie le dcfinil,
déicsialinn, exécialiun 11 signilie propioineiil ol
primiiivcnienl un senlinuMil d'avcr^iun niclc
d'Iiorreur, causé par (pichpic cliuse qui révolie
les |)rlnii[ies de la rcliuion el de la morale nalu-
rcUe. — Dans un sens élenihi, on dil c'est une
abomination, ponr diio, c'esl une cIidsc Irés-
mauvaise, lrés-l)l;unai)lc, une cliuse odiense; et
on le dil souvent [lar c\agéialion. Telle acliun
parait une abomination à un lionnnc irrilc, <piilui
paraitrait toute naturelle s'il était de san^-fmid.
Aboni)\m>iknt. Ailv. On pont le nicllrc cnire
l'auxiliaire et le participe. Cela est démontré
abondamment, ou est abondamment démontré.
Abomiancr. Subst. f On dil l'abondance des
idées, l'abondance des sentiments, l'abondance
des expressions. On a|ipelle abondance de style
une ailluence de mots et de lonis beurenx (]ui ex-
priment les nuances des iiiées, des senlinienls et
des ima^'es. On roit dans leurs ouvrages vue telle
abondance de beautés... (Barlliél., Anacliarsis.)
Il s'était fait vn style qui n'était qu'à lui, et qui
coulait de source avec abondance. (Voltaire.) l.e
vice de siyle o|ipo.-é à Vabondance est la séciie-
resse el la stérilité. — 11 y a aussi une fausse
abondance, une abondance vaine (pii ne luit (jne
déguiser la slcrililé de l'esprit el la di.selte des
pcr.sées, par l'dstentation des paroles.
AB0^•DA^T, AnoNDAKTE. Adj. verbal tiré du
V. abonder. On peut, selon les cas, le mettre
avant son subsl. Une récolle abondante, vne
abondante récolte, ^'oycz Adjectif.
L'Académie diliiiil abondant, t|iii abonde; et
abonder, avoir en grandiî quantité. D'après ces
deux delinilions, on pourrait dire qu'un lionune
qui a des riciiosses en grande ipianliié est un
homme abondant Ce mot signifie lillcralement
qui afilue, <pii cmile à flul, et se dil proprement
d'une source qui fournit de l'eau en grande cjuan-
tilé. Une source abondante. 11 se dil par analogie
des mines, des terres, des campagnes, des p;iys
qui produisent nue grande quantité de choses né-
cessaires aux besoins. — Il se dit aussi des pro-
ductions mêmes, des eaux abondantes, une ré-
colte abondante ; des choses censidéiées suus le
rapport des clïcts uliles (pi'elles doivent |iro-
duire, et de leur quantiio relativement aux ef-
fets, une nourriture abondante , des pluicj abon-
dantes, des secours abondants; — dans un sens
plus restreint, il se dit abstraction faite de besoin
et d'usage, d'excédant ou de snperllu , el ex-
prime seulement une (piantilé jrlus ou moins con-
sidérable de productions bonnes ou mauvaises.
ABO
r:^invfiie tout ce qui vuit paraisse plus abondant
que ce qui sert... (Butl'on.)
Kn termes de litiéralme, on app'dle style abon-
dant uu style où les expiessions iieureuses sem-
blent couler comme <le source pour exprimer les
mianccs des idées, des sentimcnis el <\r<. images.
Un style abondant en figures, en comparaisons.
A'oyez Abondance. — (Mi dit i\\\'une langue est
abondante, lurscpTelle fournil un gr;iiid nombre
tle mots et d'ex|)rcssions diverses propres à ex-
primer loules les nuances îles iomm-cs.
(ici adjertif ne se dit oïdiniurcmcnl que des
choses; cependanl, avec en, on le ilit fort bien
des |KTSomii;s. Abondant en paroles, en saillies,
en co Hipa ra iso n s .
ABo^uKR. V. n. de la d" conj. Ce mol ne si-
gnilie [kis , comme le tlit l'Académie, avoir en
grande qnanliié. 11 se dil propremenl el primi-
tivement lies eaux, el signilii-, venir en abon-
dance. Les eaux abondent dans cet étang. — Par
analogie, les marchandises abondentdans ce port,
les chalands abondent dans cette boutique.
Abord. Subsl. m. Lee/ ne se prononce point.
— 11 en est de même de d'abord, adverbe.
Abordabi.k Adj. desdenx genres. Ilsuil toujours
son subsl. Un homme abordable ,u ne céjte abordable .
Abokhkr. V. a. de la 1" cuiij. L'Académie
dit cpi'il prend les auxiliaiies être el avoir. Mù-
raud prétend (ju'aucun graimnairien ne lui a
donné l'auxiliaire être, — 11 suHil, jiour le lui
donner, cpie cet auxiliaire ex|irinie une vue par-
ticulière de l'esprit (pie ne saurail exprimer
l'auxiliaire avoir, ci {jucile bons écrivains l'aient
employé. Etre abordé c\\)v\\\\c l'elat de ceux qui
sont dans le lieu ou ils ont abordé depuis peu,
et avidr abordé signilic l'action d'abnnler. A^ous
avons uhnrdé à cette île avec beaucoup de peine.
Enfin nous sommes abordes, nous voilà abordés
Kossuel, Dacier, l\ollin, etc., cmpluienl l'auxi-
liaire cire dans ces cas. \'oyez Ao.viliaire.
Abortif, Abortive. Adj. ()ni snil loujours
son subst. Enfant abortif, fruit abortif.
Aboutiss.\nt, AB0UTl^s.\KlK, atlj. verbal tiré du
V. aboutir, y erre aboutissante d'un cette à la ri-
vière, de l'autre au grand chemin. 11 .l'cm ploie
au pluriel comme substantif. Les tenants elles
abnutis'iants d'un champ, el non |ias les tenants
et aboutissants, comme dil l'Académie.
Aboyant, Aboyante. Adj. verbal, tiré du v.
aboyer. Un chien aboyant.
AcovEr., \. n. de la l" conj. Tl a sans douic
été formé jiar oiromalo|iée, ainsi que le un>i japper.
Voila pour<iuoi le premier s<; dit des gros chiens,
et le six'ond des petits chiens, el aussi des re-
nards, suivaiU Lli. iNo<lier. (IHct. des Onoma-
topées.) (".ependant on dit t\\\oUnm(ô\^ j'npper, en
|>arlam des gros cliieiis, cl aboyer en parlant des
pclils. l\Iais alors «6»yc/- suppose un objK contre
lei|uel le chien aboie, cl japper ne signilic que
le cri naturel de l'animal, (jui n'est animé contre
aucun objet. L'n gros c\\\o\\ jappe de joie en re-
voyant son mailre aprc-s (|ueique temps d'ab-
sence; un iiclit chien aboie qneliiuefois avec cha-
leur conire les passants, le passage suivant de
Bnflon semble prouver (iuey«;)/jpr se dit encore
des gros chiens lorsque leur al)oicinenl est [dus
faible, soit parce (pi'ils donnent, soit pour une
cause semblable. Les chiens jappent souvent en
dormant, et quoique cet aboiement soit sourd
et faible, on y reconnaît cependant la voix de la
chasse, les accents de la < olère, les sons du, désir
ou du viurmure.elc. {Disc, sur la nat. desaaiim.y
lom. XI, p. 428.)
AGC
Abréc.ï:. Siibsl. m. C'est un onvrngo il;ms le-
quel on réduit en moins ilc piirolcs hi sulisliince
de ce (jui csl dil ;iilli!iirs pl\is;iii long cl plus on
détail, i.os .iliri-ges sont tliics, dit l)wiu;irMiis,
quand ils sont l'ails de laron ipi'ds duuncul la ctin-
naissanre ontiore do la rliose dont iisparloni; ils
sont ce «piost un puitiail en miniature i)ar raj»-
port à nn portrait on srand.
Aerkoir. V. a. de la i"" conj. l.'Aoado-
mic le dolinil, rendre plus court, (.elle tlelini-
tion ]ioul convenir an sons do ce mot «pii a rap-
port au temps et à sa thiroo, commo cpiand on dit,
cette vu'llinile nbri'ffO les tlmlci . vtnis ubrt'ijc:- vos
jours par vos iit'} nie tu ties. .Mais on ne saurait
rai)pli(inor à ce vorWe lorsqu'il sisriiilic, l'aire l'a-
brégé d un ouvruL'o. On rend un ouvrairo plus
court, si V>n en relranclio un ( liapiiro, un livi'o,
un épisode: mais ee n'est [)iis la ce (pTon appelle
Vdl/réffcr. /thn-r/pr un onvruge, '""est réduire Cil
moins de |iarolos la substance de ce qui est dit
dans cet ouvrau'o plus an loni: et plus on deiail.
Abrkuvkk. V. a. de la l'" conj. Il s'emploie
avec le pronom p(*rsoiuiel, tant au [iropre qu'au
figuré.
Ce rivage alTrciix
S'abreuvait h re:;ret de leur san'^' iiialliutireiix.
(Volt., llenr., Vill, 175.)
ABnErvoiR. Snlist. m. 1,'Acatlcmiencle dit que
d'un lien ou l'on mène boire Icsclievaux. Elle a
oublié qu'on appelle aussi ubrcumir, les lieux
OÙ les oiseanv \ ont ordinairement boire, et (pi'on
dit en ce sens, cluisser à l'ubreuroir, prendre
des oiseaiis a l'tibrevroir, tendre à l'abreuvoir.
Abrévi.vtion. Snbsl. T. l\elr;mcliemcnl detpn'l-
([ueslellres ou de quelques syllabes pour écrire
plus vite ou on moins d'esiiacc. Tous les pré-
noms sont susceptibles d'être dcsii^'nés par leur
initiale. Nous avons indique les princi|)alos abré-
viations en usa::e pariai nous au.x lettres typiques
decliaque dnisiun.
* Abkcti.sskur. Subst. m. Ce mot n'est pas si
nouveau ipi'un le pense. 11 y a longtenqts cpio
VoMaire a dit : Je voudrais bien que les Turcs
fussent chiissés du pays des Pèriclès et des Plu-
ton. Il est vrai qu ils ne sont pas persécuteurs,
mais ils sont abrutisseurs. Dieu nous défusse
des uns et des autres. Cli. Nodier dit, dans son
Exavicn criliqtie des Dictionnaires , que c'est
un néoloi.'ism(; barbare.
Absenck. Subst. f. Racine en a fait usa^e dans
le sens de mort :
Ce Iicros inlri'plde
Consolant les mortels de l'aispnce d'Alcide.
(Rac, PUéd., acl. I, se. I, 77.)
ifirammaire des Grammaires , p. 1051.)
Absknt, Absente. Adj. On. ne le met qu'npros
son subst. Un homme absent, vne femme
absente. Il reirit qm-lcpicfuis la préposition de:
absent de Paris, absente de lu cour. On ne dit
pas qu'on est absent d'une personne.
ABSKNrK.i!(s') V. pronom. Ilsignilieqiiitterpour
quelque temps le lieu que l'on habite ordinaii'c-
menl, une société dans laquelle on se trouve,
une personne auprès do la(]uelle on est. A"a4.sr//-
ter de clie: soi. il s'est absenté, de Paris durant
trois mois , s'ab.ienler d'auprès de su femme.
On [leut .l'absenter sans s'éloigner, mais on no
saurait s'éloigner de chez soi, du lieu où l'on
demeure, sans s'absenter. Celui qui a chez lui
ACC 7
! dos alTaires qui exiçrnt une surveillance suivie
peut bien quolcpiel'ois s'ub^ionier, mais il ne doil
jamais s'rinigner. In liomine qui a île jnau-
vai>os aflairos susceptibles iraccomni'idemcnl,
d'arrangement, s'absenle; celui qui e^l coiqiablf
d'un crime dont il ne peut e>jMirr le | union,
s'éloigne.
AR.SINTIIE. Subsl. f. On a écrit iihxuitp,ithsii.-
tlie,alisijnllie,e\ \wmo,apsintv. l.' Académie s' CSl
doeideo avec raison pour ubsintlie, >»r absinlhe
\\cn[ d'absiiitliium. l'y est doiu' iiinlile. Autrc-
l'ois ce mot était masculin; aujourd'hui on ne le
l'ait |)liis que rémimn.
Absolu, Absoluk. Adj. qui, dans les cas conve-
nables, peut se mettre avant son >u!isl. Il est dé-
ri\('dii mot latin oA.vo/m/i/.v, ipil sigmlie .leiai-hé,
sé|)aro entièrement, complet, enliei', indi-peiidaul.
Ce mol renferme uik: idée d'ariVauchissemint de
tonte çéno, d'indépendance, trabsoneo do toute
liaison, de tout rapport avec d'auin-s éircs. Pnii-
riiir ubsoln. autorité absolue, cet absolu pouvoir.
\ oyez Adjectif.
Absolu, on logique et en grammaire, csl l'op-
jiosé lie relatif; il tloviont alors repilhélo, soit des
idées soit des termes. Il y a des idées absolues cl
des idées rtîlativcs, des termes absolus et dos
termes relatifs. L'idée ab.ioluc est celle (pii n'a
pas liosoin d'une autre idée à laquelle on la rap-
[uirle, pour cire fcntiéromenl comprise, et (|ui
n'en ié\eillc nocessaircmoni p<iinl d'aii;res jiar sa
présence dans l'esprit. Tout ce qui e\isio, tout
c^ (pli peut exister ou être considi-ré comme une
seule chose, csl un être positif, l'objet d'une idée
absolue.
L'idée relative suppose néccssaireinenl une
autre idée, sans laquelle on ne la saisirait pas en-
tièrement. Pierre est l'objcl d'une idée ab.tolne,
si je le considère simplement commo individu ;
mais si je le considcic coimiie père, mari, frère,
maître, docteur, roi, grand, polit, prochain, éloi-
gné, etc., je me forme autant d'idées relatives
Tpii réveillent nécessairement chez moi parleur
présence colles de lils, de roinnie, île frère ou de
sœur, de domestique, do disi-iple, de sujet, etc.
11 y a encore cotte difléi once oui re l'idi'e (///5"-
lue et l'iiléc relative, «lu'il n'est poini d'ifli'o abso-
lue (\\i'ou no puisse rendre relative a nnoaulreen
les menant on nipporl; au lieu (pi'il est des idées
relatives que l'on ne saurait rendre absolues;
telles sont colles de grandeur, de quantité, de
partie, de cause, do père, etc.
Les tonnes ab.vl.us sont ceux qui expriment
des idées absolues, tels <iuo substance, m.nde,
homme, cheval, clc. : es icrmes rolalils expriment
des idées rohiliveSjlcls (lue créateur, père, époux,
sujet, etc.
In lormc absolu peut devenir relatif en y ajou-
tant qiiol«luo mot (]ui indiipie une comparaison ;
comme plus noir, plus gui, moins .Hucère, Ct<;.
-Mais il y a des termes tellement absohi.i par leur
nature, qu'ils ne soulfient pas ces signes do coin-
[laraison. Ou ne peut pas ilire, par exemple, que
yirgilc est plus immortel que Cicéron, |iarec
qu'on n'est pas plus ou moins immoricl. Les
adjoclils pa>/'(»i, universel, mortel, flernel
essentiel, divin, suprême, sont des atljcclifs
absolus. J.-J. llousseau a donc lait une faute eu
disant, le premier langage de l'homme, le plus
universel, le plus énerniquc, et le seul dont tl
eût besoin avant qu'il fillul persuader des lurm-
viesai.9emblés,est le cri de ta nature. On peut
bien dire le plus énergique, parce «]U on peut
avoir plus ou moins d'énergie; mais on ne peut
8
ABS
pas dire le plus unirersel , parce qu'un langnire
ne peut pas élrc i)lus ou moins universel, il m;
faut pas dire non plus vne vertu trcs-esscnticUc,
parc? que l'essence n'admet ni extension ni res-
triction.
On peut donc reprocher à Boileau d'avoir dit :
San» la langue, en un mol, l'auteur le plue divin
Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant tcri»ain.
{A. P., I, 161.;*
Il y a des mots qui paraissent absolus et qui ne
le sont pus, parce qu'ils supposent tacitement
une relation; tels sont voleur, imparfait, vieux,
etc. I.e voleur n'est pas tel sans une chose vok-c ;
un cire est imparfait rcialivoment à une fin; un
être est vieux relalivemcnl à un cire plus jeune.
En grammaire, on appelle verles absolus ceux
qui n'ont pas besoin d'un coirpiémenl pour ache-
ver l'idée qu'il:; expriment ; Icls sont mourir, naî-
tre, sortir, tomber; cl verbes relatifs CQ\i\ (]\\'\
ont besoin d'un ou de deux compléinenls |)our
être comi)ris entièrement; tels sont battre, con-
naître, donner, renvoyer, qui onl un rapport né-
cessaire avec un objet sur lequel s'exerce l'action
qu'ils expriment. // bat sa femme, il comiaitses
devoirs, il envoie une lettre à son ami.
On ii\)[)cl\e participe absolu.cchù qui ne prend
les formes ni du féminin ni du pluriel. S'il n'est
pas permis de se servir en ce cas du participe ab-
solu, il faut renoncer à faire des vers. (Volt.,
Remarques sur Cinna, act. I, se. m, 33.)
On distingue des propositions ab.iolves et des
propositions relatives. On appelle absolues celles
qui sont telles que l'esprit n'a besoin que des
mots qui y sont énoncés pour entendre le sens.
On appelle relatives celles dont le sens met l'es-
prll dans la situation d'exiger, de supposer le
sens d'une aulrc proposition. Bieu est éternel
est une proposition absolue ; qu'il fasse jour est
une proposition relative.
On distingue aussi dans les mots le sens ab-
solu et le sens relatif. Un mot est pris dans un
sens absolu lorsqu'il est employé sans complé-
ment. Dans aimez Dieu par-dessus toutes choses,
le verbe aimer esl pris dans un sens relatif, puis-
qu'il est suivi de son complément. Dieu. Mais
dans aimez, et faites après tout ce quil vous
plaît, le verbe aimer est pris dans un sens ab-
solu, puisqu'il n'est point accompagné de son ré-
gime. Dans/e suis père, père est pris dans un
sens absolu; je ne dis pas de (pii je suis père;
dans l'amour que j'ai pour mon père, père est
pris dans un sens rclalil'; c'est le père de moi.
Une seule chose est nécessaire, sens absolu ; la
patience est nécessaire au sape, sens relatif;
vmts marcherez derant moi, sens relatif; vous
marcherez devant, et moi derrière, sens absolu.
Voltaire a dit, dans ses remarques sur Corneille
[Hor., act. IV, se. v, 7U) : On ne peut employer
dedans que dans un sens absolu. Voyez Relatif.
Absolument. .\dv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le jjarticipe. // a voulu absolument
partir, ou il a absolu7nent voulu partir.
Absolument est aussi un terme de grammaire.
On dit (ju'j/n mot est pris absolument, lorscju'il
n'aaucun rapport grammatical avec d'autres mots.
Absolltoire. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. Jugement absolutoire.
Absorbant, Absorbante. Adj. verbal tiré du
V. absorber. Il ne se mot iju'aprôs son subst.
ABS
rfemùdfe absorbant, terres absorbantes. Il se prend
aussi substantivement. Un bon absorbant
Absorber. V. a de la 4" conj Selon l'A-
cadémie, il signifie engloutir. Il y a de la diffé-
rence entre ces deux expressions, ^-//y^orier expri-
me une action successive qui finit par consumer
le tout. Engloutir exprime une action qui saisit
le tout et le fait disparaître tout d'un coup. Le
feu absorbe, la mer engloutit.
Absorption. Subst. f. Volncy a employé ce mot
au figuré. De môme que, dans un État, un parti
avait absorbé la nation; puis, une famille le
parti; puis, vn individu la famille : de même
il s'établit d'Etal à Etat un mouvement d'al>-
sori)lion. [Les Ruines, chap. xi, p. 59.)
Absoudre. V. a., inég. et défeclucu.x de la
4 ' conj. Voici comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. J'absous, lu absous, il
absout; nous absolvons, vous absolvez, ils absol-
vent. — Imparfait. J'absolvais, tu absolvais, il
absolvait ; nous absolvions, vous absolviez, ils ab-
solvaient. — Le passé simple manque. — Futur.
J'absoudrai , tu absoudras, il absoudra; nous
absoudrons, vous absoudrez, ils absoudront.
Conditionnel. — Présent. J'absoudrais, tu ab-
soudrais, il absoudrait; nous absoudrions, vous
absoudriez, ils absoudraient.
Impératif. — Présent. Aiisous, qu'il absolve;
absolvons, absolvez, qu'ik absolvent. Subjonctif.
— Présent. Que j'absolve, que tu absolves, (ju'il
absolve; que nous absolvions, que vous absol-
viez, qu'ils absolvent. — L'imparfait du subjonc-
tif manque.
Participes. — Présent. Absolvant. — Passé. Ab-
sous, absoute.
On l'a absous, il a été absous. Ab.wvdre quel-
qu'un d'un crime dont il était accusé. On l'a ren-
voyé absous.
Quelques-uns écrivent le participe passe mas-
culin avec un t, absout; ce qui le rend plus ana-
logue au féminin, que l'on écrit absoute; mais
l'usage est contraire à cette orthographe.
Abstème. Adj. dont on a fait un subst. des deu.K
genres. Ce mot n'est point usité dans le langage
ordinaire. On dit qu'une personne ne boit point
(le vin; ou bien que c'est un buveur ou une bu-
veuse d'eau. Parmi les proteslanls, on appelle
ubstèmes les personnes qui ne peuvent participer
à la coupe, dans la célébration de la sainte Cène,
à cause de l'aversion naturelle qu'elles onl pour
le vin
Abstenir (s'). V. pron. et irrég. de la 2"
conj. Il se conjugue connue tenir. Voyez Irrégu-
lier.
ABSTmENCE. Subst. f. Quand ce mot se dit au
pluriel, dit Fcraud, il ne mar(iue pas la vertu
de la mortification, mais les œuvres de celte
vertu ; et il donne pour exemple : les abstinences
et les modérations doivent être réglées par la
prudence. — Je ne pense pas i\n\ibstineuce puisse
cire jamais mis au pluriel. Dos œuvres d'absti-
nence ne sont pas plus des abstinences, que des
teuvrcs de justice ne sont dcsj'uslices, cl des
o'uvresde piété des pietés. On dit bien des cha-
rités, pour exprimer certaines œuvres (|ui peu-
vent être inspirées par la charité, mais dans ce
sens les charités a jjIus de rapport à aumônes qu'à
la vertu qu'on nomme charité. On peut faire des
charités sans avoir de la charité : on les fait sou-
vent par pitié, par osteiUalion,clc. — L'Académie
dit (lu'en parlant du boire cl du manger il s'em-
ploie quelquefois au |)luricl. Les abstinences
ABS
prescrites par l'Eglise. Exténue de Jeûnes et
d'abstinences.
Abstinknt, Abstinente. Adj. qui suit toujours
son suhst. Un homme abstinent, une femme ab-
stinente. 11 est peu usité.
Abstraction. Subst. f. Ce mot vient du latin
abstrahere, qui veut dire arraclier, tirer, dé-
lacher. L'abslracliun , dit Dumarsais , est une
opération de l'esprit par laquelle, a l'occasion
des impressions scnsii>les des objets extérieurs,
ou à l'occasion de quelque affection intérieure,
nous nous formons, i)ar réflexion , un concept
singulier que nous détachons de tout ce qui peut
nous avoir donne lieu de le former. Nous le
regardons n part, comme s'il y avait quoique
objet réel qui ré|)ondit à ce concept, indépen-
damment do noue manière de penser; et parce
que nous ne pouvons faire connaître aux autres
hommes nos pensées autrement que par la parole,
celte nécessite et l'usaçe où nous sommes de don-
ner des noms aux objets réels, nous ont portés à
en donner aussi au concept métaphysique dont
nous parlons.
Ainsi c'est par abstraction que nous avons formé
les noms de tous les objets qui n'existent point
réellement hors de nous, mais qui ne sont que
des vues pariiculiércs de notre esprit.
Le sentiment uniforme que tous les objets
blancs excitent en nous, nous a fait donner le
même nom qualificatif à chacun de ces objets.
Nous disons de chacun d'eux en particulier qu'il
est blanc. Ensuite, pour marquer le point sous le-
quel tous ces otijels se ressemblent, nous avons
inyenié le mot blancheur. Or il y a en effet des
objets réels que nous appelons blancs; mais il
n'y a point hors de nous un être qui soit la blan-
cheur. C'est donc par abstraction ([ue nous avons
inventé le mot blancheur. C'est aussi par abstrac-
tion que nous avons imaginé les mots beauté,
étendue, figure, divisibilité; et ces mots sont,
par cette raison, des noms abstraits.
Les termes abstraits sont nécessaires dans les
lang.ucs; et si l'on voulait les éviter, on serait
oblige d'avoir recours a des circonlocutions et à
des périphrases qui énerveraient le discours.
D'ailleurs, ces termes fixent l'esprit; ils nous for-
cent à mettre de l'ordre et de la précision dans
nos pensées; ils donnent jilus de grâce et de force
au discours; ils le rendent plus vif, plus serré et
Î)lus énergique : mais on doit on connaître la va-
eur.
Abstp.activement. Adv. Il ne se met guère qu'a-
près le verbe. Jl a considéré absir activement
cette qualité.
Abstkaire. V. a. et irrég. de la 4^ conj. Il
se conjugue comme traire. Voyez ce mot
Ce verke n'est pas usité à tous les temps, ni
même a toutes les personnes du présent. On dit
seulement j'abstrais, tu abstrais, il abstrait;
mais au lieu de dire , nous abstrayons, etc. ; on
dit, nous faisons abstraction, le parfait et le
prétérit singulier ne sont pus usités; mais on dit,
j'ai abstrait, tu as abstrait, etc ; j'avais ab-
strait, etc., j'eus abstrait, etc. Le présent du
subjonctif n'est point usité. On à\l, j'abstrairais,
etc. On dit aussi que j'aie abstrait, etc.
Abstraire, c'est faire une abstraction : c'est
ne considérer qu'un allribul ou une propriété de
quelque être, sans faire attention aux autres attri-
buts ou qualités; par exemple, quand on ne con-
sidère dans le corps que l'étendue, ou qu'on ne
fait attention qu'a la quantité ou au nombre.
Abstrait Abstraite. Adj. qui se dit des per-
ABS 9
sonnes et des choses, et qui ne se met qu'après
son subst. Un esprit abstrait est un esprit in;ii-
tenlif, occupé uni(]uomeiit de ses propres |icn-
srés. — Tous les termes soin indivitlueN ou «4-
slraits. Les grammairiens appellent noms appel-
latifs ceux qui signifient des substantifs abstraits.
On distingue des termes abstraits et des termes
concrets. On entend par les premiers ceux (|ui
signifient les modes ou les (jualités d'un être,
sans aucun rapport à l'objet en (pii se trouve ce
mode ou celte qualité; tels sont les substantifs
blancheur, rondeur, longueur, sagesse, mort
immortalité , vie, religion, foi, etc. I.r ixrnics
concrets sont ceux qui représentent ce. ■'•n i- ^s,
ces qualités avec un rajiporl à (piehiue sujet in-
délenniné; ou autrement ceux qui représentent
le mode comme a|ipartenanl a chaque être, et ces
tciines sont ceux que les grammairiens appellent
aàj'ectifs, ipioique assez souvent ils soient em-
ployés comme substantifs. Tels sont blanc, rond,
long, sage, mortel, mort, immortel, etc. Quoique
les termes sage, fou, philosophe, lâche, etc., s'em-
ploient souvent comme substantifs, ils sont ce-
jiendanl termes concrets, parce qu'ils ont leurs
abstraits correspondants, sagesse, folie, philoso-
phie, lâcheté, etc.
Ln terme abstrait peut quelquefois être em-
ployé comme nom pro|)re et individuel , en y
ajoutant (]uelques mots (|ui en lesireignent le sens
à un seul individu, ou en indiipiant qnehpie cir-
constance qui produise le mcmecffel dans Tesiirit
de ceux qui le connaissent. Ainsi père, mère,
femme, sœur, maison, sont des termes généraux,
des termes abstraits; ils deviendront individuels
si je dis, jiar excni|)le, 7«o« père, ma mère, ma
femme, ma sœur, ma maison. De même, si étant
a Paris, je dis le roi, la rivière, chacun sait que
je parle du roi régnant et de la Seine, (juoique
les termes roi cl rivière soient des termes géné-
raux qui, en tout autre cas, désignent chaque roi,
chaque rivière.
De même des termes individuels , des noms
propres, peuvent devenir des termes universels et
abstraits, parce qu'ayant jjris de l'être unique
que chacun désigne, les caractères les jjjus frap-
pants qui les ont distingués, on en a fait un con-
cei)t à part auquel on donne ce nom [)io|)re indi-
viduel, et on emploie ce nom proiire à désigner
tout autre être qui lui ressemble par ces traits
caractéristi<iues. Si, ay:mt saisi, par exemple,
dans l'idée individucll« d'Alexandre, les idées
partielles d'ambition, de valeur entreprenante;
dans l'idée de César, celle d'un généial parfait qui
joint la science militaire, l'étude des belles-lettres,
la prudence,ractivité,au courage héroïque, j'em-
ploie les noms yjlerandre cl César comme des
noms communs (|ui ne désignent que des traits
dislinctifs de ces individus, je i)uis dire de Char-
les XII, c'est l'Alexandre du Nord; de Irédé-
ricll, c'est vn César. C'est dans le même sens
que l'on dit d'un politique fourbe et cruel qui
emploie la trahison et le crime , c'est un Ma-
chiavel.
Abstrcs, Abstruse. Adj. qui suit toujours son
subst. Raisonnement abstrus, question abstruse,
sciences abstruses.
11 ne faut point confondre ce terme avec a^
strait, qui se dit, de même (pi'ai.s7n/.s, d'une
ciiosc difficile à comprendre. Une chose abstruse
est difficile à comprendre, parce (pi'clle dépend
d'une suite de raisonncinenls dont on ne peut
suivre la liaison et saisir l'ensemble que par le
moyen d'une contention d'esprit extraordinaire.
^0 ABY
Une rhnso abstraite ost .linicile à comprendre, |
nnrcc <|ii"ollc i-sl l:cs-fl»ii!.'iiér des ulccs loiii-
muiics. In li'.iiîo sur rciileiulrincnl liiiin;iiii Cbl
né<-<'ss;iiii'iiu'nl alisIrcU; lit l'l'oiiu'Iiic Irinst cn-
dnnir <'^l une science abttnise. — 11 mî dil «jnel-
qnelViis des éciiv;iins diins un sens doi';ivor;il>le.
Ce philosophe vi'u paru fart abstrus. ( Die t. de
YAcud)
ARsur.nr.. Ailj. des deux çr>nres. On ne Iroiivc
Dullc pnrl (jne cet ndjeclif peiil régir lu |HT|i(isi-
lion à. On en voii deux exemples dans les vers
5uiv;Mil> de \ oliaire :
Ce tlugiiic dbMii'ile à croire, aUsiinlc à |ir.iliqiicr.
(Volt., ie Disc, sur rilommr, 123.)
Fêrand prélenil (]\\\ihsur,Ie no se dit que des
choses; il se Iniinpo. On dil Irès-liieii un homme
abaiirdr, |Miiir simiilior un Iminme (]ui ne dil «iiie
des aiisnrdilés. 'Dicl. Je l'.tcud.) (et adjeciil"
se met ordinaironioiil oiirès sun snlislanlif; (jucl-
quefois cc|peiidanl on le met avant : cet absurde
ruisiiunciiiciit.
AiisLiiKKMF.NT. .\dv. 11 ne se met qu'après le
VCrliC. // a ruisniuii: ubsurJempnt.
AiismunÉ. i>ul)st. m. lin parlant du vice ou du
défaiil de ce <pii C^t absindc, il ne prend puiiil de
pluriel". \ absurdité, d'un raison neuirnl ; /'tib-
surditi' de ce discours. Quand il sii;iiiiie cliose
alisuide, il peut seineilrc au [iluriel: ce discours
est jilciii d\ibsurdilrs.
Abls. Suhsl. in. En terme de çrnminnire, il so
dil de l'applicalion d'un mol dans un tcns qui
n'esl pas sitn \rai sens.
Arisi'.i;. ^■. a. et n. de la I"^ eonj. On trouve
dans le Dit liouvairc de l'.-Jcadruiie, abuser les
es/irits faibles, abuser les peuples. N'ullairc a dil
abuser les regards.
Par SCS dHiiilseiticnts à tonte lieiire elle (U politique) abuîO
Les rcjjarJs éblouis Je l'Europe confuse.
(YoLT., W;ir., \\, 2ôl.)
On dit des choses, qu'elles abusent, pour dire
qu'elles iruniiienl, (lu'clles indiiisenl en erreur.
Je reconnus, mai? trop tard, les chi/uères r/ui
m'avaient abusée. (J.-J. Ilousseaii, HiLiïse,i''
part., leilre AVIH, l. iv, p. 5'i ) Doux espoir
qui nourrissais vinn finie et m'ubusais, te voilà
dune éteint sans retoiir! {Idem.)
Adl'sik, XiiesivK. Adj. (pii se uiet ordinaireincnl
après Siiii sulisl. En terme de grannnaiie, on
ap[ielle terme abusif un terme pris dans un
sens (pii n'esl pas adopté p;-! l'usai-'e; sens abu-
sif, lin sens donni; à un mol contre l'usage ou
contre le l)on .isage.
Abi sivEMF.NT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxdiaire et le [Ku-ticipc, (piaml l'iiarmunie ne
s'y <)p|i(ise pas. Oh a établi abitsiremcnt cette
•coutume ; on ucait abusivement établi cette cou-
tume.
Abymf.h. V a. de la 1" conj. I.'Académic,
dans ses anciennes édilions, a toujours cent ubij-
mer, eonformiMnenl a l'éiyuioloijie; mais dans son
édili<in de J >US, elle a rejeté l'y cl a écrit abîmer.
Ceux q\ii liemieiit a ce (pie l'on conserve les ua-
ccs de 1 ciynioluî^iedes mois diront qu'elle a mal
fait: d'auiies rajipronveront. 11 est ceriain (pi';iu-
jonrd Inii du retranche autant que l'on piMil l'y,
lorsqu'il n'a pas la prononciaiion de deux t. Mais
pouripiiii ce retranchement ilans cerlains mots,
et non diiis d'autres''' Sil'on peut écrire abîme,
pourquoi u'écrirait-on pas 'icua:?
ACC
Los mots abyme, abijmer, oTrcnt toujours UM
idée de profondeur.
Je fri'n.is quand je toi
Les abvmes profanât i|iii .Voiivniil dev.inl moi.
(Uac, Etth., ad. IV, se. I. fi5.>
En qnfl gouffre d'Iiorrenr
Tes périls cl ma perle oui jliyiiié innn cicur.
(VuLT., Uahom., aol. 11, ic. I, li.)
Pourquoi, dil 'S'oltairc dans ses I\emarqucs
sur t'.oriieille, pnunpioi dil-oii jiibymé dajis la
douleur, dans ta tristrs.se. e'.e.? c'est tpl'on y
l)eul ajoiiler ri-pillièle de profonde.
Acabit. Siilist. m On ne prunonce point le t.
Ai.ACU. Siibst. m Méiiai-e [Obscrr. sur la lan-
gue française, cli. ci.x >, Trevinix, Th. Corneille
( Obscrr. sur f^augvlas ) VA i'eraiid, prelciidcnt
i\\t'acacia ne doit p.is |irendie d* au pluriel.
1,'Acadéiiiie veut qu'il en prenne un, et elle ne
dil pas pourquoi.
AcADKiiiouE Adj. des deux genres qui se place
ordinairement après son snhst., excepté en
vers, où on le met oïdiiiuireincul uvuul.
QuitUiut le ton de la nature,
Itépandaut sur tous leurs discours
L'acudèmi'iue (^nlnininure.
(Ghesskt, Chartreuse, 585.)
AcvDÉMiQCEMENT. Adv. On ne le met iiièreqir»-
près le verlie. Cela est écrit académiquemcnl .
AcAKiATRK. Adj. des di.'iix genres qui suM ton-
jotirs son subsl. Une femme acariâtre, vn esprit
acariiitre.
AecAni.ANT, .Accablante. Adj. verbal lire du
V. accabler. 11 se met avant ou après le substan-
tif, selon li,-s l'as. Une nourelle accablante, cette
accablante nourelle. ^'oye7. yidjcclif.
Il ne se dit point comme le vinbe accabler, des
bienfaits, des faveurs, «les caresses, à moins qu'ils
ne soient indiqués comme à charge et insuppor-
tables. On dit bien vous m'accablez de bienfaits ;
mais on ne dit jias dans le même sens, vos bien-
faits accablants.
.AccAnLKR. \'. a. delà i" eonj. yiccabler quel-
qu'un de rcproclies, d'injures, de grâces, de fa-
veurs.
Je t'en avais comblé (de bicnfallO, je t'en veux accablvr.
(ConN., Cin., act. V, se. m, H.)
La Harpe a dil à l'occasion de ce vers de Vol-
taire :
Je voudrais... mais faut-il, dan; l'éLit qui m'opprime...
(Volt., Simir., act. 1, se. v, 78.)
on n'est point opprimé par un élat.; on cstacctf-
blè d'un état, et opprimé par le sort. — Etre ac-
cablé sous un fardeau.
Son vieux père, accablé sniis le f.irdeuu des aii",
Se livrait au sommeil entre «es deux c-nfanls-
(VOLT., Henr., H, 507.) '
AccAPARcnR. Adj. , fait au féminin Accapar
rcuse.
Accéder. V. neut. Accéder à vn traité. Il
prend l'auxiliaire avoir; j'ai accédé.
AccÉLÉitATEUiî. Adj. Il fait au léminin accéléra-
trice. Force accélératrice. 11 ne se met (lu'après
son subst.
( Accent. Subst. m. On entend par ce mot une
I manière d'articuler et de prononcer les mois d'une
ACC
langue. I.a manière U';irticuler et de pronoiiror
les mots ilo 11 l:inçuo fi;iiiç;iise suivaiU le l)ii;i
usage ei les rè|:li^s de In pi'oaonciatlon, s'apiiolle
l'acce/it tia/iiiiial français.
Dans cliaiine |iru\ incc, dans chaque villi», on
s'ccarlo plus lui moins, d'nne nianière ou d'une
autre, dti hon usai'e (pii consiilnc i'acicnl natio-
nal; cl ces dillcreiices fornionl les acceins des
provinces. On iWsWw^nc Vucce/il ffascon, l'accent
picard, raccciil iinrmand, etc.
On donne anssi le nom iVacccnl au\ diverses
modilications de la voix, (pii servent a disliiiiruer
certains tons dans le discours, et à y mollie plus
de variété. Cliaipic mol qui a plus d'une syllalie
reçoit plus d'un accent dans la |)rononciaiion,
même lorsipi'on le prononce seul et hors de sa
liaison a\ ce d'autres, l/ellcl de cet accent est de
détacher ce mot de ceux <)ui pouriaient h; précé-
der el le suivre, et d'en laire un tout (pii ail lui
coinnieiicemeiu el une fin, une élevali"» el un
abaissenienl. (lel accent se uimr.nc accent ffruîn-
malical ; c'est l'usage seul ipii le di'terniinc dans
chatpie langue, et il sérail dillicile de rendre rai-
son d(! sa iliMeiniiiiaiion. Il conlrihuea rendre les
périodes sonores, en ce <iu'il les divise en mem-
bres, el (ju'il donne de la variété à ces mendjres.
Dans les mois (pii ont un no;nljrc ég.d de sylla-
bes, l'acceni c>l laiilôl sur la linale, "tanlôl sur la
pénulliénic, et laïuôt sur ipiclqu'uiie des autres.
On appelle «ccp/f/ ()rrt/"t/c les diverses modili-
cations de la voix (|ui sont dcsiineesà indiijuer
plus précisément le sens du discours, et à expri-
mer i)lus roiieuienl l'idée piincipale. 1 es mono-
syllabes n'onl |ioinl d'acceiil gi-.uumalical, mais ils
peuvent avoir un accent oratoire, lorsiiue c'est sur
l'idée tju'ils expriuieiU que l'oi'alcur veul diriger
l'allcnlion de ses audiicurs. Dans les mots poly-
syllabes, Vuccent oratoire renforce ou aflailifit
Vaccent çiaiiunalical ; quelquefois même il fait
dispa-!"iitre ce dernier, en apjiuyant sur d'autres
syllabes.
L'accent pathétique est une espèce particu-
lière de l'flccr/j/ oratoire ; il doime le Ion au dis-
cours, el ajoute un nouveai degié de force à
l'accc/i<simi)leuient oi-aloiie, (j.. il détermine |)lus
précisément. On peut en effet prominccr les mê-
mes discours a\ec les méiues accents oratoires,
en des manières si différentes, (ju'ils changeiil
totalemenl de cai'aetcre.
C'est de l'ob^ervaliim exacte des accents que
dépend en grande jiartic l'harmonie tlu discours.
L'orateur ou le poêle (pii sait arranger les mots
et les phrases de manière (pic les accents, agréa-
blement variés, se jnésenlenl d'eux-mêmes à la
lecture, cl répondent si cxaclemenl aux pensées,
qu'on no puisse les transposer, sera à couji sur
harmonieux ; car il n'est pas douteux que î'iiar-
monie ne lieime plus à la lielle variété des ac-
cents qu'a une prosodie scrupuleuse.
Chaque iiensée, chaip;c passion a ses accents
<îui lui sont propres. Aussi dit-on les accents de
la douleur, de lu pitié, de la joie, CtC.
On enlend loiir à tour les vœux de l'amitié,
L'accent du désespoir, celui du la pitié.
(Delillk, Énéid':, V, 201.)
Ses accents ressembl.aienl à ceux de ce tonnerre.
Quand du mont Sinai Dieu parlait à la terre.
(YoLT., Henr., YIX, 117.)
On appelle accent prosodique cette espèce de
modulation (iui rend le son grave ou aigu. Il dif-
fère de [accent oratoire, en ce que celui-ci influe
Ad;
11
moins sur chaque syllabe d'un mot par rapport
aux autres syllabes du mène mot, que sur la
phrase entière par rai.pori an sens. t)n pcul dire
aussi tpic Vuccent prosodique des mènie» mois
demeure invariable au iinlieu de lonics les va-
riétés de Vaccent oratoire; parce que, .laiis le
même ukjI, chaipic syllabe conserve la l'néme rc-
hilion mécaiiiipie avec les autres syllabes, el (|uc
le même mol, dans difléienles (ilnases, ne con-
serve |»as la même relation analyliipic avec les
autres moi • Gc ces phrases.
Inliii, on appelle accents certains sL'pcs que
ronemploiedaiiilécriture et dansrimpic sion.ct
tpie l'on mel sur les voyelles, soil |iour en faire
coniiailie la prononciation, soit |iour disimmicr
le sens d'un mol d'avec celui d'un autre mol qui
s'écrit de même.
On dislingue dans la langue française trois
espèces û'acccnls : Vaccent aigu ('), Vaccent
gi;he ('), el Vaccent circonllexe (").
On se sert de r«cc<?«/ aigu pour martpier le
San tie Vc fermé, bnnté, chasteté, aimé; on m3t
l'accent grave sur Vc ouvert, procès, succès.
Lorsqu'un e muet esl précédé d'un aiilre «
luuet, celui-ci devient plus ou mois ouvert. S'il
esl simiilemciit ouvert, on le marque d'un accent
grave, ilviènc, il pèse, vion père, ma nicre;%"\\
esl tiès-ouverl, on le inai'ipic d'un accent circon-
llexe, être, même, tète, tempête, cic.
iSotre prosodie ne souffrant pas deux e innels
de suite tians le même mot simple, on mel Vac-
cent aigu sur l'e final des verbes ipii, dans les
jihrases intsrrogalives ou autres, sont joints par
un tiret avec le pronom je. Aimé-je, dussé-je,
veillé-je
On met l'accent grave sur à prêi>osiiion, pour
le distinguer d'n Iroisièmc personne de l'indicatif
présenl du verbe avoir. On le mel aiis-i sur là
adverbe, pour le distinguer de l'article ou du pro-
nom lu; el sur où adverbe, pour le distinguer
iVou conjonction. Dès signilianl du moment où,
s'écrit avec un accent grave; des signilianl de les,
s'écrit sans accent.
Ouoique dans les mots les, mes, tes, ces. Va
soitouverl, on n'y met point iVacccnt.
Vuccent circonflexe, qui se met sur l'e fort ou-
vert, se met aussi sur d'autres voyelles longues,
comme û^e, héiillcr, gîte, cote, fh'ite, etc. Les
mols(|iii sont aujourd'hui ainsi acceniiiés, furent
d'abord écrits avec une double lellrc ou avec
un s. On prononçait alors celle double b'tlie ou
ce s,aagc, buailler, yisle, cnsle, flu.'ite, etc.. l'/ans
la suite on relranclia ces lettres dans la pronon-
ciation, et on les laissa subsister dans l'écriture,
parce (pie les yeux y elaicnl accoutumés; au lieu
de ces lettres," on fit la syllabe longue; plus lard
on marqua celle longueur par ïucceut circon-
flexe.
On met aussi cet accent sur Va de le vôtre, h
notre, apôtre, bientôt, c[c., (pii s'écrivaient an-
ciennement rostre, nostre, apustre, bicnlnst, elc
Ou en fait également usage à la |)ieiiiièieet a
la seconde personne du pluriel du passe siiniile
de lindicalif: nous aimâmes, vous uimulcs,nous
reçûmes, vous rcciîlcs, Clc, Ci a la troisième l»'"'.-
soiiiie du singulier de l'impaifail du subjoncur,
qu'il eût, qu'il aimât, qu'il reçût. On le met en-
core sur mûr, sûr, etc., ipToii rciivail aulrelois
vieur, seur. Le mot dû, |tailicipe passe du verbe
devoir, prend aussi racccnt circonflexe, parce
«pi'on écrivait deu, et aussi pour le distinguer de
rariiclccom|)0.sé du. Mais ce particiiie ne prend
point cet accent au féminin ; on écrit due.
12
ACC
Kn génonl, on ne met point d'accent sur IV
ouveiH quand cel e osl suivi d'une consonne avec
laquelle il ne f.iil (ju'iine syli.-iliie. Ainsi on écrit
sans accc/il, la mer. Je fer, aimer, ilonner, elc.
Depuis l'ciliiion du Diclionnaire de l'Académie
publié ei. 171(8, l'usage abusif s'est introduit, d'a-
près ce Dictionnaire, de mettre un accent cir-
conflexe sur l'a du mol ûvie. L'accent circonflexe
suppose la suppression d'une lettre, et l'on n'a ja-
mais écrit asrnc; il sert à rendre une syllabe lon-
gue, et la première syllalio d'ame est longue par
les règles générales de .a prosodie. Depuis Mon-
taigne, (]ui écrivait ame, jusqu'à l'abbé Féraud,
quia commencé d'écrire dmc, ei qui n'a été imité
par personne, on avait toujours écrit ce mot sans
accent. Mais aujourd'hui, d'après cette dernière
édition du Dictionnaire de l'Acailémie, la plu-
part des protes et des imprimeurs mettent cet ac-
cent circonflexe, et la plupart des auteurs les
laissent faire.
C'est probablement dans le dictionnaire de Fé-
raud que l'Académie de 17i)8 a puisé cette inno-
vation. Ce lexicographe voulait que l'on mit l'ac-
cent circonflexe sur toutes les syllabes longues.
Il voulait que l'on écrivit, cl il écrivait lui-même,
âme, barbare, colère, empire, aurore, lecture,
emphase, thèse, surprise, chose, vitise, oser.
A oyez le Dictionnaire de Féraud, au mot ac-
cent, et à tous les mots oit il y a une syllabe lon-
gue. ]l en donne pour raison l'avantage de mar-
quer la prosodie de chaque syllabe, puiscpic
toute syllabe qui n'aurait point cet accent serait,
par là même, indlipiée comme brève.
Je n'examinerai point si cette innovation serait
utile ou non ; mais elle n'a été accueillie ni par
les gens ùs lettres ni par les gens du monde;
mais l'Académie de 1798, qui n'avait pas dessein
de l'admettre, et qui ne l'a point admise, n'avait
aucune raison, en rejaiant ce système, d'accueil-
lir l'orihograplie du seul mot urne qui en fait
partie. h'Âcadémie, en 1835, a persévéré dans
l'emploi du circonflexe.
Voici comment .M. I.emaire explique celte dé-
cision : « Le mot âme est évidemment formé i)ar
« contraction, soit qu'on le tire du grec â-ysac.;,
« soit qu'on lui donne pour origine le latin ou
« l'italien anima. Or, la contraction qui rend la
« syllabe longue, tandis qu'elle est brève dans
i' amour, qui n'est pas contracté, nous semble
<i un motif suffisant pour admettre l'accent cir-
« conflexe. «
(Grammaire des Grammaires, p. 975.)
AccENTOATioN. Subst. f. Manière d'employer
les accents dans l'écriture ou dans l'iniijiimerie.
Accentuer. V. a. de la 1'* conj. C'est mal à
propos que Féraud re|)roclie à l'Académie d'avoir
indiqué ce verbe comme actif, en donnant un
exemple où il est neutre : il ne sait pas accen-
tuer. Ce lexicographe aurait dû savoir i]ue tous
les verbes actifs peuvent être pris absolument,
sans qu'on puisse pour cela les (pialifier de neu-
tres. On pourrait très-bien doiuier poiu- cxenqile
de rein|)l(ji tlu verbe aimer, il ne sait pas aimer,
sans qu'on puisse en conclure qu'on regarde ou
qu'on doive regarder ce verbe comme im verbe
neutre.
Acceptable. Adj des deux genres; il suit tou-
jours son snbst. Une propositioii acceptable, des
conditions acceptables.
AccEi'TEn. \ . a. de la i'° conj. Accepter un
don, un présent. Je ne veux rien accepter de cet
ho7nme-la
Acception. Subst. f. Terme de grammaire. On
ACC
peut considérer un mot matériellement comme
signe, abstraction faite de sa signification primi-
tive, comme quand je dis -.arbre est un mot de
deux syllabes; on relativement à sa signification
primitive, comme quand je dis : arbre se dit
d'une plante qui a des racines, vn tronc, des
branches, etc. Ces deux manières de considérer
le mot arbre sont deux nrcr/î/w/i.ç différentes de
ce mol. La première est ['acception matérielle,
parce qu'on n'y considère que le matériel du mot ;
la seconde est Vacceplion formelle, parce qu'on y
envisage directement et délerminémenl la signifi-
cation primitive du mot. Ainsi un mot (jeut être
pris dans une acception matérielle ou dans une
acception formelle.
Le même mot matériel peut être destiné par
l'usage à être, selon la diversité des occurrences,
le signe primitif de diverses idées fondamentales;
et, à cet égard, il y a autant d'acceptions qu'il y
a d'idées fimdameiUalesdont il [teutétre le signe.
Par exemple, le inot coin exprime quehiuefois
un angle; tantôt un instrument inécaniipie pour
fendre, et tantôt tin inslrumenl destiné à mar-
quer les médailles et la monnaie. Ce sont autant
d' acceptions différentes du mot coin, parce qu'il
est fondamentalement le signe de chacun de ces
objets que l'on ne désigne dans notre langue par
aucim autre nom. Chacune de ces acceptions
est formelle, puisqu'on y envisage directement
la signification primitive du mot; mais on peut
les nommer distinclives, puisqu'on y distingue
l'une des significations primitives que l'usage
a attachées au mot, de toutes les autres dont
il est susceptible. Il y a dans la langue fran-
çaise plusieurs mots susceptibles de divei'ses ac-
ceptions distinclives. On remarijue, par exemple,
dans les phrases suivantes, quatre acceptions
distinclives du mot esprit : L'esprit est essen-
tiellement indivisible; lu lettre tue, et l'esprit
vivifie ; reprenez vos esprits ; ce fœtus a été
conservé daîis l'esprit de vin. Ces quatre ac-
ceptions différentes se présentent sans équi-
voque à quiconque sait la langue franyitise, parce
que les circonstances les fixent d'une manière
précise.
Outre les acceptions dont nous venons de par-
ler, les mots qui ont une signification générale,
comme les noms ajjpellatifs, les adjectifs et les
verbes, sont encore susceptibles d'une autre es-
pèce d'acception que l'on peut nomiTicr déter-
minative.
Les acceptions délerminalives des noms ap-
pcllatifs dépendent de la manière dont ils sont
employés, qui fait qu'ils présentent à l'esprit ou
l'idée al)slraitc de la nature commune qui consti-
tue leur signification primitive, ou la totalité des
individus en qui se trouve celle nature, ou seu-
lement une partie indéfinie de ces individus, ou
enfin un ou plusieurs de ces individus précisé-
ment déterminés. Selon ces différents aspects,
Vacccption est OU spécifique, ou universelle, ou
particulière, ou singulière. Quand on dit agir en
homme, on \\Ycm\ le mot homme dans una accep-
tion spécifiijue, puisqu'on n'envisage que l'idée
de la nature humaine; si l'on dit tous les hommes
sont avides de bonheur, le nom homme a une ac-
ception universelle, parce qu'il désigne tous les
individus de l'espèce humaine; quelques hommes
cnt l'amc élevée; ici le nom homme est pris dans
une acception particidièie, parce qu'on n indique
qu'une |)artie indéfinie de la totalité des indivi-
dus de l'espèce. Cet homme (en parlant de César)
avait un génie supérieur ; ces douze hommes (eu
ACC
((arlanl des iluuze apôtres) n'araient par eux-
mêmes rien de ce i/iii peut assurer le succès Je
leur entreprise. Le nom homme, dans ces deux
exemples, a une acception singulière , paiio
qu'il sert a délenniner précisément, dans l'une
des phrases, un individu, et dans l'autre douze
individus de l'espèce humaine.
Plusieurs adjectifs, des verbes et des adverbes,
sont également susceptibles de diverses accep-
tions déterminai ives ijui sont toujours indiquées
par les compléments qui les accompagnent, et
dont l'effet est de restreindre la signiticalion pri-
mitive et fondamentale de ces mots. Un homme
savant; un homme savant en grammaire ; un
homme très-savunt ; un homme plus savant quun
autre; voilà l'adjectif savant \mi, dans cpiatrc
acccpitow* diffcrentcs, en conservant toujours la
même signification. 11 en serait de même des
verbes et des adverbes, selon qu'ils auraient tel
ou tel complément, ou qu'ils n'en auraient poinl.
Il parait évidemment, par tout ce qui vient
d'être dit , que toutes les espèces d'acceptions
dont les mots en général, et les différentes sortes
de mots en particulier, peuvent être susceptibles,
ne sont que différents aspects de la signification
primitive et fondamentale; que cette significa-
tion est supposée, mais qu'on en fait abstraction
dans l'acception matérielle; qu'elle est choisie
entre plusieurs dans les acceptions distinctivcs;
qu'elle est déterminée a la simple désignation de
la nature commune, dans ['acception spécifique;
à celle de tous les individus de l'espèce dans l'ac-
ception universelle; a l'indication d'une partie
indéfinie des individus de l'cspt^e, dans l'accep-
tion particulière; à celle d'un ou de plusieurs de
ces individus précisément déterminés, dans l'ac-
ception singulière. En un mot, la signification
primitive est toujours l'olijct immédiat des di-
verses acceptions .
On ne doit pas, dans la suite du même raison-
nement, prei.dre un mot dans deux acceptions
différentes, ^'acception d'un mol que prononce
quelqu'un qui vous parle consiste à entendre ce
mot dans le sens de celui qui l'emploie. Si vous
l'entendez autrement, c'est une acception diffé-
rente. La plupart des disputes ne viennent ([ue
de ce que chaque parti prend le même mot dans
des acceptions différentes. (Bcauzée et Dumar-
sais.)
Accessible. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subst. Un lieu accessible, un homme
accessible.
L'Académie définit ce mot en parlant des lieux
et des ixîrsonncs, qui peut être abordé, dont on
peut approcher. En parlant des personnes, il si-
gnifie qui se laisse approcher par ceux qui dési-
rent le voir, lui parler, lui demander (pielque
chose, et les reçoit avec politesse et affabilité.
Être accessible à tout le inonde, être accessible
aux plaintes des malheureux.
Accessit. Subst. m. Mot tiré du latin. Quel-
ques grammairiens veulent qu'on écrive des ac-
cessits; mais il est ridicule de donner le signe
français du pluriel à une troisième personne d'un
verbe latin. Vous voulez conserver aux mots tirés
du grec toutes les lettres qui marquent leur ori-
gine, comme dans abijme, mystère, etc., et ici
vous voulez dénaturer un mol latin par un signe
français qui le rend méconnaissable. Soyez donc
censéquents.
L'Académie, en l'-oS, écrit des accessit , mais
elle tolère accessits.
Accessoire. Adj. des deux genres qui suit lou-
m:c
n
jours son subst. Une idée accessoire, un orne-
ment accessoire. 11 s'emploie subslantiveim'iit
au masculin.
Accessoire se dit, en termes de locique, de loul
ce qui, ayant qucUiue liaison avti'le sujet dont
il s'agit, n'est cependant poinl csseniiel a ce su-
jet. C'est en ce sens (ju'on dit des idtes acces-
soires.
En termes de grammaire, on appelle aoessoi-
rcs les modificalions dont on accomp.iune le su-
jet, l'attribut et le verbe, qui sont regardéscoinine
les trois choses essentielles à une proposition Les
accessoires snnt des idées (]ui ne sont |ias abso-
lumeiil nécessaires au fond de la pensée, muis
(lui servent a la développer. Les accessoires i:liiul
retranchés, la proposition subsisterait encore.
Le choix des accessoires n'est pas une chose
indifférente; car lorsiiu'on fait une iirnposliioii,
on compare deux termes, c'est-à-dire le sujet ci
l'atlribui; on les considère donc sous le rapport
qu'ils ont l'un à l'autre, et l'on ne doit par con-
séquent rien ajouter (pii ne contrilme a rendre le
rapport plus sensible ou pins développe.
Examinons sous ce point de vue les vei"s sui-
vants de Kacinc, tirés du récit de la mort d'Hi{>-
polyle ;
Ses supeibes coiir.-iers, qu'on voyait aiilrelois
Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voi\;
L'œil morne niainlenanl et la tôle baissée.
Semblaient se conformer à sa Irisle pensée.
(Rac, Phéd., ad. Y, se. vi, 16.)
La proposition dépouillée de ses accessoires
est ses coursiers semblaient se conformer à su
pensée ; tout le reste ne consiste que dans des ac-
cessoires destinés à la (lévelo|)pcr et à la peindi'e
avec les couleurs les plus propres à la présenter
de la manière la plus avantageuse, la plus vraie,
la i)lus sensible.
Superbes, qu'on roi/ait autrefois, pleins d'une
ardeur .ti noble obéir à sa vois. Sont des acces-
soires du sujet coursiers. Le poète, en lesrepn'-
sentant ainsi , iirépare un contraste qui rendra
plus sensible l'état actuel d'aballenienl et de tris-
tesse où sont les coursiers. L'œil morne mainte-
nant et la tète baissée, nouveaux accessoires du
sujet (|ui achèvent le contraste el en reçoivent
une teinte jdus forle; el <es accessoires réunis
concourent merveilleusement à dcvelo|)per \v
rapfxjrt du sujet avec rallriliul, et a présenter
l'union de ces parties essentielles de la jiroiwsi-
tion avec les couleurs el les reflets les |iliis pro-
pres à produire toute rimprrssion (pie le poète
avait en vue. Ses coursiers sembtciû se confor-
mer (i sa triste pensée, parce (pi'ils ont IWil
morne et la tète baissée, attitude d'anlaiil |ilus
frappante, <lu'aiilrefois on les voyait toujours su-
perbes, et pleins d'une noble ardeur obéir « ta
voix de leur maître.
A la place de ces accessoires, inettez-en d'an-
tres moins conformes à la nature de la pensée
prlncii)alc, et celle pensée perdra sa beauté, son
coloris, une grande partie de son expression
C'est ce (pii arriverait si l'on disait, .srv coursiers
qui conduisirent tant de fois son char it /'« vic-
toire dans les jeux de la Grèce, et qui se prépa-
rent ù un nouveau triomphe, semblent -ic con-
former à sa triste pen.iée. On sent combien ces
accessoires seraient déplacés, combien ils se-
raient ridicules. Il n'y a aucun rap|Mii l entre des
coursiers (|ui semblent se conformer à la tris-
tesse de leur inaiire, el ces mêmes coursiers
remportant le prix de la course dans les jeux [w-
14
ACC
blics, cl se propm-anl à un non venu Iriomplio (le
celle nPUirr. (es acccsxnircs soiil, .'iii conir-iiire,
oppo-Os .1 l'iilce "uronVc l;i p^olKJ^ilion priiici-
pak', cl lie i)L-uvpni pnr cons('i|iii'iit sf-rvir m à 1,1
dévcln|i|inr, ni à rciulrc plus sensible la liaison
(lu siijci ;ivec l';illiil)\il.
On;iMi! on niiMlilic le sujet d'une proposilion, il
le f;iiil tlmic runsiilcrer rclativonicnl à ce qu'on
vcul on aflirnicr; il l'aul ipic les accrssnircs ilitiil
on lacrouipaunc conliibucnl a le lier avec l'ul-
Irihul.
Ci)inme on cnnsidère le sujet par rapport à l'at-
Iribiil, il fairl cnn^iiicror l';iUribiil par rappori au
sujet; cl luulcs les niodiiiralions ou acci'x.snirc.i
.ajoutes (le part cl d'aulic doivcnl conspirer a les
lier de plus on plus.
Quaui au vei he, il ne peut cire modifié que pru-
des finonslamcs, cl il csl évid(>Ml ^juc le elmix
des cireuiisi: ii>es ne peut cire déierniiné ipie par
le sujet cl l'atiiibul considérés cuscndiic. Tout
ce (jui ne liciil pas à l'un cl à l'aulrc csl au moins
superllu.
Le va?ue des accessoires conlrihuc bcaurouj)
a rendre le discours tout à fait l'roid. J'entends
par la li's modiliealions ipii n'apparlienncnl pas
plus a la cliose dont on iiaileipra touie autre.
C.ondiilae a donné pour exemple de ce défaut
les vers suivants de Boilcau ;
Un galanl de qui tout le métier
Esl <ie courir le jour de quartier en quartier,
Et d'aller, à l'alin d'une perruque tiloiule,
De ses fruide& duuceurs faligu.:r loul 1'} monde.
Condamne la science
(Sal. IV, 11.)
La proposition esl vn galant cnndamne lasriencr,
le resle consiste en acces^'ures. Il faudra, dit
Condillac, si je veux modifier le sujet do celte
proposition, (|ncjc lui donne un caractère ipii
ne convieiuie ipi'a lui, et qui même ne lui con-
vienne tpie par rapp(jrl a la science qu'il con-
damne. Or, vous voyez qu'une partie di'S ticccs-
soiies «pic lui donne Boilcau ne convient pas
plus a un galant qu'a un homme désoeuvré, cl
que tous ensemble ils n'ont que fort peu ou point
du loul de rapport à raltrii)ul de la proposition ;
aussi CCS vers .sonl-ils bien froids.
Celle criiiipie paraît bien sévère. Les nccrs-
■ioùes dont il csl ipicslion conviennenl ])airaiie-
laenl à un iiominc i;alanl; car son métier est d'al-
ler de coté et d'autre fatiguer loul le monde tie
ses froides douceurs; mais ils ne conviennent
pùinl à un lioinme désicuvré, cpii peut l'om bien
rester ciicz lui, cl duni le caraclèro n'est jias de
iiire à loiU le monde de froides (lom'euis.
Condillac csl plus juste quand il condamne les
deux vers suivanis du même auteur :
Et Jon Teu, dépourvu de tens et de lecture,
S'éteint à cliaque pas faute de nourriture.
(A, P., 111,318.)
Un feu di'pnurvu de sens et de lecture, qui
.^éteint à chaque pas, offre des accessoires bien
élrauL'es.
11 l'aul considérer une pensée composée comme
un tableau bien l'ail où tout esl d'accord. Soil
que le iKMiilrc sépare ou groupe les figures, qu'il
les éloigne ou les rapproche, il les lie louies par
la part qu'elles |iren.^enl à une action principale;
il donne à chacune un caractère, mais ce carac-
tère n'est développé (pie par les accessoires (pu
conviennent aux circonstances. 11 n'est jamais
ACC
occupé d'tme seule figure; il l'est coniiniiclle-
mcnl du tableau entier; il fail un ensemble où
loul est dans une exacte pro[)orli iii.
Condillac donne pour modèle d'une pensée
bien (leveliip|«'e par des accessoires, uikî phrase
ou Flecliier parle des vertus civiles de ruieune :
J'iiicinic s'rxerç ril aux rcriiis liriles.
lin itmiUiaiU d un c('ité les circonslaii" es où cc
général s'e\er(;aii aux vertus civiles, et de l'auiio
h.'S ipialiK's (pi'il apportait a cet exercice, celle
pensée se dévclopiiera, cl les paiiies scroiii [)ar-
i'aitement li(es; c est ce (pie Mèchiera l'ait.
^."<'»7 alnis que diiiis le doux re/ms d'une con-
dition prin-e , ce prince se drpiunlluil de touto
tu gloire qu'il arait acquise pendonl lu guerre ,
et, se renfcriiHinl dans une sncii'lH peu voTn-
brcuse de quelques amii choisis, s'euerçuit sans
bruit aux vertus ciriles ; srrère dans ses dis-
cours, simple dans ses actions, fidèle dans ses
auiitifs, exact dans ses di'rnirs, grand même
dans les moindres clioses. [Oraison funèbre de
'J'u renne, p. 12'{.)
Souvent les id<-es se développent el se lient
par le coiitrasle. C'est ainsi (pie li"Ssuel explique
celte pensée ; Cnrlltage fui snumitc à liomc. —
j-tnirUnil fut hallu, cl l.arlhoge, aulri'fuis 7nai-
tresse de tnutf l'Afrique, de la mer Mrdilerra-
née et de tout le commerce de l'univers, fat con-
trainte de subir le joug que S'ipinn lui imposa.
(Disc. SU1- l'Ilist. univers., 3" part., cli. vi,
I)ag. 4S4.)
ï.a Bruyère développe ainsi, jiar descfmlraslcs,
l'amour (lu peuple pour les nouvelles de guerre;
Le peuple, paisible dans ses fnjers, au milieu
des siens, et dans le sein d'une grande ville où
il n'a rien à craindre ni pour ses biens, ni pour
sa rie, respire le feu et le sang, s'occupe de
guerre, de ruine, d'embrasement et de massacre,
souffre impatiemment que des urinées qui tien-
nent la campagne ne viennent pas à se rencon-
trer. (Du Siiuvcrain, p. SOU.)
AccEssoir.KMENT. Adv. Il ne se met guère
qu'ap"ès le verbe. // ajouta accessoirement bien
d'autres choses.
AcninE>T. Subsl m. Terme de grammaire. Les
grammairiens entendent par accidents ilne pro-
priété qui, à la vérité, est ailachée au mot,
mais (pii n'entre j)()iiit dans la déiiniiion essen-
tielle du mol; carde cc (pi'uii mot sera |iriinilif
ou dérivé, simiile ou coinixisé, il n'en sera pas
moins un terme ayant une signilication. Voici
(pielssont ces accidenls :
i" Toute diction ou mot peut avoir un sens
pro])re ou un sens figuré. Un iin't c>l au propre
(piaiid il signifie ce pour (pioi il acte premièrc-
mcnl établi; le mol /t'o/i a été d'alujrd destiné à
signifier cet animal (pi'on appelle lion : je viens
de ta foire, j'y ai vu un beau lion ; Imn est pris
là dans le sens propre; mais si en parlant d'un
homme emporté je dis «pic c'est un ILm, lion esl
alors danî un sens ligure, ihiaiid, par coiMparaison
ou i»ar analogie, un mol se [ircnd eu ipiclqiiescns
autre (|ue celui de sa première dcstuiatioii, cet
accident peut é'.re appelé racceplK-tu du mot.
2" On peut observer si un mol est primitif, ou
s'il esl dérivé.
Un mol est primitif lorsqu'il n'est tire d'aucun
autre mot de la langue dans laipielle II csl en
usage. Ainsi en français, ciel, roi, bon, sont des
mois primitifs.
In mol est dérivé lorsqu'il csl tiré de quel-
que autre mol comme de sa source . ainsi céleste,
royal, royaume, royauté, royalement, bonté.
ACC
bonnement, sonl nuinnl de dérives. Cet accident
est appelé |i;ir les çr;imm;iirieiis l'espèce du mot;
ils di^eiu iin'uii mul est de l'espèce piimiiivcou
de l'esi'ùcc dt'iivée.
3" On p<Mii observer si un mot est simple ou
s'il est coMipiisé • juste, j'usticr, sont tirs mois
simples; injuAtc, injustice, sont eoinposés. Cet
accident d'èli'e simiile mi d'être comiMise, a élé
ap|)cle |>;ir li-s Miu'ieiis çr.iiiiin.iiriciis /// figure. Ils
disent iin'iiii inol esl de l;i llirme s iniile, un ipi'il
est delà li::iiieeumi»)>ée; en sorte i\\\c jiijuio vient
ici de fitijvrr, et se preml i>onr la T-rme ou
conslitu'it;! d'un mut qui |peut être ou siniiilc ou
compose*.
4° Vn autre arcidrut des mots reçarile la pro-
nonciali.m sur ijuoi il faut distinguer l'acet-nt,
qui est une éli-valiun ou un aliaissi-ineul de la
voix, toujours invariahic dans le uiènie n\ol ; et
le ton cl l'euipliase, i|ui stjut des lulliîxions de
voix qui varient selnu les diver-es passions et les
différentes iire<iuslani;es; un ton lier, union in-
solent, un Ion pileux, cle.
Yoiià quatre soiles iVaccidenls qui se trou-
vent en l(juies Sortes deinttls; mais déplus, elia-
que sorio parlieuiiérc de mots a ses accidents
qui lui sonl prupes ; ainsi le sui)Stantir a encore
pour accidi- ni le ueiire, qui esl masculin ou fé-
minin; le iiuui'.ire, qui e>l singulier ou pluriel.
L'adjc.lir a un uccidcnt de plus, qui esl la
COm|)ardison : savant, plus savant, très-savant.
Les pronoms oui les inéiaes accidents que les
noms.
A l'égard «'es verbes, ils ont aussi par accident
l'accepûon qui est ou pro|ircou ligurce : cevieii-
lardmurche d'un pas ferme; marrlie est là au pro-
pre : celui qui me suit ne marche point dans les
ténèbres, K\\i Jesus-(Jni>l ; ici suit et vutrche
sont pris dans un sens ligure, e'esl-à-dirc que
celui qui pratique les maximes de l'Evangile a
une bonne comluite, et n'a pas besoin de se ca-
cher; il ne luil point la lumière, il vil sanscrainle
et sans remords.
2" L'espèce esl aussi un accident des verbes;
ils sonl ou primilils, connue parler, buire, sau-
ter, trembler: ou dérives, connue parlementer,
buvoter, sntitiller, trembloter, dette espèce de
verbes dt-rivès en renlerine [ilusieurs autres, tels
sonl les inclioatii's, les rrèipîenlalil's, les augmen-
tatifs, lesdiminulirs, les imlatifs, les dèsidératifs.
3" Les vcri)i's ont ans i la ligure, c'esi-à-dirc
qtl'ilssont siuq'Ies, connue tc//t/-, tenir, faire;
ou composés, cuminc prévenir, convenir, re-
faire, etc.
4" La voix ou forme du verlie est de trois sor-
tes: la voix ou forme aclive, la voix passive, cl
la forme neutre.
Les verbes de- la voix active sont ceux dont les
Icrmmaisoiis expriment une action <]ui passe de
l'agent au patient, c'esi-a-ilirc de celui <pii l'ait
l'action sur celui ipii la reçoit . Pierre bat Paul;
bat esl un veriie de la l'orme aclive; Pierre esl
l'agent, Paul esl le palienl, ou le terme de l'ac-
tion de l'icrre. Dieu conserve ses créatures ;
oonsene ay un verbe de la forme aclive.
Le verbe esl à la voix passive, lorsqu'il signillc
que le suji'l de la jM-oposilion esl le |)alicnl, c esl-
a-dirc qu'il est le terme de l'action ou du senii-
ment d'un autre : les mécliants sont punis, vous
serez pris par les ennemis; sont punis, serez
pris, sont de la l'orme piissivc.
Le verbe est de la lonne neutre, lorsqu'il si-
gnifie une action ou un étal qui ne passe point
du sujet de la proposition sur aucun autre objet
àCZ 15
infi^rieur, comme it pâlit, il engraisse, il ^nni-
grit, Timis courons, il badine toujours, il nt,
vous rujeonisse:, elc.
5 1e mode, c'esl-à-dire les différcnles maniè-
res .rexpruner ce ipie le verbi' siirutlie, ou par
l'indii-aiif i|ui esl le mode dneri ei a'.is.ibi, ou
par l'impéralif, ou [lar le subjonclil', ou cnlin'par
rinliniiif.
G' le sixième accident des verbes, e'esl de
marquer le Icmp-; par des terminaisons pariicu-
lièrcs j''aime, j'aimais, j'ai aimé, j'avais aimé,
j'aimerai.
1" Le septième accident est de marquer les
pei-sounes grammalicales, e'esl-àilirt,' les per-
sonnes, rel.niveuienl à l'ordre qu'elli-s l:ennenl
dans la formation du discouis; cl, en re sens, il
esl (A ideni qu'il n'y a que trois personnes
la première esl celle qui fait le «liscoins, c'csl-
à-dire celle qui jiaile : j'c chante ; je esl la [ne-
mière p(M'sohne, et chante esl le verbe à la pre-
m'ère personne, parce (juil est dit de celle pre-
mière personne.
La secoiiile personne esl celle à qui le discours
s'ailresse : tu chaules, vous chantez ; c'est la [tcr-
sonne à qui l'on pai-Ie.
Lnliu lorsque la personne ou la cliose dont on
parle n'est ni à h preni ère, ni à la sci'omle |ier-
sonne, alors le verbe est dit étrea la iroisième |)er-
soime : Pierre écrit ; écrit c<~{ à la troisième per-
sonne» : le soleil luit; luit Ost à la iroisième per-
sonne du présent de l'iiulicalif du verbe luire.
S" Le liiiitième accident du verbe est la con-
jugaison. La conjugaison esl une dislriliuiion ou
lisïe de toutes les parties et de loues les in-
llcxions du verbe, selon une cerlaine analugie.
JNos grammairiens comp;enl tiuatrc conjugai-
sons de nos verbes français.
1 ■ Les verbes de la première conjugaison ont
riniinilif en er .-donner.
2 Ceux de la seconde ont l'inlinilif en ir : pu-
nir.
3" Ceux de la troisième ont l'inlinilif en oir :
devoir.
4" Ceux <lc la quatrième ont l'infinilif en re,
dre, tre : fiire, rendre, mettre
5' Lulin le .lernier «cci(/</(< des verbes est l'a-
nalogie ou l'anomalie , c'est-à-dire d'être régu-
liers'cl tic suivre l'analogie tie leur paratliguic,
ou bien tIe s'en écarter, cl alors on du ipiilbsonl
irrèL'iibers ou anomaux.
(,)ue s'il arrive iju'ils mani]uenl de queliiue
moile , lit; tpieltpie temps im de (pieliiue per-
sonne, on les aiipelle dcfeclifs.
A l'eganl des prépositions, elles sonl loiiles
piimitiM's ou sini|ili'S, ii, de, dans, arec, cle.
La préposition ne lait ipi'ajouier une circoii-
slauce ou manière au mol ipii preccile, et elle est
toujours considérée sous le même point de vue ;
c'est itjiijours la même manièri! tiu cu'ctmslaiice
ipi'elle exprime : il est dans; ipie ce soii tians
l.i vdie, ini dans la maison, ou tlans le c..rire. ce
sera toiijoiu-s être dans. Voila pounpioi les |iro-
jiosiiitins stinl invariables.
Mais il faul observer qu'il y a des priq)osilions
séparables, telles ipie dans, sur, arec, cle ; et
ilautres ipii sont appelées inséparables, parijc
qu'elles enirenl tlans la coinposilitni tics mois, de
façon tpj 'elles n'en peuveiii être sèpart-cs sans
cbam-'er la si^'nilicalioii parlieuiiérc tlii n.ol ; par
exemple, tlans refaire, surfaire, défaire, contre-
faire, les mots re. sur, dé, contre, sont des pré-
positions inséparables.
A l'éïard de l'adverbe, c'est un mot qu», daw
i6
ACC
sa valeur, vaut autant qu'une proposilion el son
coinplénionl ; innsi, prudemment, c'est avec pru-
dence; Sdffcmc/it, avec SixsG^'iC, etc.
11 y a trois uccidcnts à rcnianpier dans les ad-
verbes. Ces trois accidents sunt :
1° L'espèce, qui est ou primitive ou dériva-
livc : /ci, /(/, ailleurs, '/uanJ, alors, hier, etc.,
sont des advcrl)cs de l'espèce primitive, parci;
qu'ils ne viennent d'aucun autre mot de la lan-
gue; au lieu i\\\C justement, senst'mcnt, poli-
ment, ahsnlumciit, tellement, etc., sont de l'es-
pèce dcri.-alivc; ils viennent des noms adjictifs,
*uste, scnsr, poli, absolu, tel, etc.
2" la ligure, t^'est d'èlrc simple ou comi)osé.
Les adverbes sont delà ligure simple, quand au-
cun autre mol, ni aucune |)rc|)i)sition insépara-
ble n'entre dans leur composition. Wn&i j'uste-
ment, lors, jamais, sont des adverbes de la ligure
simple. Mais injustement, alors, aujourd'hui,
sont de la ligure composée.
3" la comparaison est le troisième accident
des adverbes. Le.; adverbes (pii viennent des
noms de qualité se comparent ■.justement, /^h^r
justement ; très ou fort justement, le plus ju.?-
tement ; bien, mieux ; mal, pis, le pis ; plus îiial,
très-mal, fort mal, etc.
A l'égard de la conjonction, c'est-à-dire de ces
petits mots qui servent à exprimer la liaison que
l'esprit met entre des mots et des mots, ou entre
des phrases et des phrases, outre leur significa-
tion particulière, il y a encore leur ligure et leur
position.
1° Quant à la figure , il y en a de simples,
comme et, au, mais, car, si, etc.
Il y en a beaucoup de composées : et si, mais
»i;eimômeil yen a ([ui sont composées de noms
ou de verbes, par cxem|)le, à moins que, de sorte
Que, bien oilendu que, pourvu que.
1" Pour ce qui est de leur position, c'est-à-dire
de l'ordre, du rang que les conjonctions doivent
tenir dans le discours, il faut observer qu'il n'y
en a point qui ne suppose au moins un sens pré-
cédent; car ce qui joint doit être entre deux ter-
mes; mais ce sens peut quelquel'ois être trans-
porté, ce (lui arrive avec la coiulitionnelie si, qui
peut fort bien commencer un discours : si vous
êtes utile à la société, elle pourvoira à vos be-
soins. Ces lieux phrases soûl liées par la conjonc-
tion si; c'est comme s'il y avait la société pour-
voira à vos besoins, si vous lui êtes utile. Mais
vous ne sauriez commencer un discours par 7nais,
et, or, donc, clc. C'est le plus ou moins de liaison
qu'il y a eiilre la phrase qui suit une conjonction
et celle cpii la précède qui doit servir de règle
pour la iioncluation.
A l'égard des interjections, elles ne servent
qu'à manpicr des mouvements subits de l'âme.
Il y a autant de sortes d'inlerjeclions (]u'il y a de
passions diiïérentes. ..\insi il yen a pour la tris-
tesse et la compassion, hélas ! ah! jiour la dou-
leur, aï, aïe, ha! pour l'aversion et le dcgoùl, fi..
Les inlerjcclions ne servent (ju'a ce seul usage, et,
n'étant jamais considérées que sous la même l'ace,
ne sont sujettes à ftcun autre accident. On peut
seulement observer qu'il y a des noms, des ver-
bes et des adverbes, qui, étant prononcés dans
certains mouvements de passion, ont la force de
rinterjection : courage, allons, bon Dieu, voyez,
marche, tout beau, paix, etc. C'est le ton plutôt
que le mol qui fait alors l'interjection. (Dumar-
sais.)
Beauzée a fait sur cet article de M. Dumarsais
la remarque suivante :
ACC
M. Dumarsais avance que les prépositions .sont
toutes primitives et simples; c'est une crreurévi-
dcnle. Concernant, durant, joignant,7noyennant,
pendant, suivant, touchant, sont originairemenl
tics gérondifs : concernant de concerner, durant
de durer ; joignant àc joindre ; moyennant de
moyenner ; pendant de pendre, pris dans le sens
<lo durer ou de nôtre pas terminé, comme ijuand
on i\il un procès pendant au parlement ; suivant,
pris du verbe suirre, dans le sens d'i-tJir, comme
(piand on d'il je suivr-aivos ordres; touchant,
du verbe toucher. Attendu, excrpLé, vu, sont,
dans l'origine, des supins des verbes attendre,
excepter, voir. \'oilà donc des prépositions iléri-
vécs; en voici de composées : attenant, tenant à,
dcff^f et détenir; hormis, i\\n s'écrivait il n'y a
pas longlein|!S horsmi, est composé de la prépo-
sition simple hors, et du supin mis du verbe
rnettre; inulgré vient de mal pour mauvais, el
de gré; nonubslant des deux mots latins non ob-
stans. Chacune de ces prépositions n'est (lu'un
mot, mais ce mot résulte de l'union de plusieurs
va-Ara >n.
Accidentel, Accidemelle. Adj. qui suit tou-
jours son subst. Une circonstance accidentelle.
.\CCIDEMELLEMENT. Adv. Oo pCUl Ic mCttrC
entre l'auxiliaire et le participe. Il n'est qu'ace '-
denlcllement impliqué dans cette affaire.
* AccLAMATEUR. Subst. ui. CcluI (jui concoui'l
à des acclamaiions. Lorsque Néron jouait de la
lyre sur le théâtre, il avait pour premiers accla-
mateurs Sénèqtie et Burrhus. L'Académie n'a
point recueilli ce mot, dont plusieurs bons au-
teurs se sont servis. Il n'a point de féminin; rien
n'empêcherait de dira accïamutrice .
AccoM.MODAiiLE. Adj. dcs deux genres. 11 suit
toujours son subst. Une affaire accommodable,
une querelle accommodable .
Accommodant, Accommodante. Adj. verbal lire
du v. accommoder . 11 suit toujours son subst.
Un homme accommodant, une femme accommo-
dante.
.\CCOMPAGNATEUR, ACCOMPAGNEMENT, ACCOjMPA-
GNEB. Dans ces irois mots on mouille gn.
Accomplissement. Subst. m. Ce mol n'a point
de [ibiriel.
Acconi). Subst. m. On dit en termes de musi-
([ue, qu'un instrument ne tient pas l'accord, ([ue
les cordes d'un instrument ne tiennent pas l'ac-
cord; eu ce sens, accord ne prend point le plu-
riel. Il le prend (juand il signifie l'union de plu-
sieurs sons eiUemius a lii fois, formant ensemble
une harmonie entière. Utic suite d'accords agréa-
bles. Accord s'emi)loic dans le sens d'arrange-
ment, de conciliation, de conformité d'opinions,
de volontés. Corneille a dit dans le Menteur :
3Ion ufl'aire est d'accord (act. lU, se. i"^, 17);
el VoUaire, en condamnant cette expression, a
remarqué que les hommes sont d'accord, el que
les affaires sont accordées, terminées, accom-
modées, finie.St {Remarques sur Corneille.)
En ce sens, ce mot n'a point de pluriel. On
ne dit point les accords qui régnent entre eux;
mais l'accord qui règne entre eux ; on ilit cet
hommes sont d'accord, et non pas sont d'accords.
ylccord. Terme de grammaire. C'est la confor-
iiMté ou ressemblance qui doit se trouver dans la
même proit-Asilion ou dans la même énonciation,
entre ce que les grammairiens appellent les acci-
dents des mois, tels que le genre, le nombre et la
personne; c'est-à-dire que si un substantif el un
adjectif font un sens partiel dans une proposilion,
et qu'ils concourent a l'ormcr le sens tolal de cette
ACC
proposition, ils doivent êlrc au même genre et
au même nombre ; c'est ce qu'on appelle unifor-
mité d'accidents, concordance ou accord.
On distingue dans la grammaire française Vac-
cord de l'adjectif avec son substantif, Vaccord du
verbe avec son sujel. Dans vn homme actif, je
remarque que les adjectifs un et actif [loricnl la
marque du masculin et du sinçul'er, parce que
le substantif /lom me, qu'ils modilîent, est au mas-
culin et au singulier; dans des femmes actives,
des, ou plutôt les, qui entrent dans la com|)osi-
tion de ce mot, et actives, sont dcuxmodificatifs
ou adjectifs, qui portent la marque du féminin
et du pluriel, parce que le substantif /"cmmc*,
qu'ils modifient, csi au féminin et au pluriel. Je
dis que les deux adjectifs jwrtent la marque du
féminin, parce que les se dit également jwur les
deux genres. Voyez .Idjectif.
Cet accord de l'adjectif avec son substantif
marque le rapport d'identité qui est entre eux.
Il est évident que l'adjectif n'est au fond que le
substantif même considéré avec la qualité que
l'adjectif énonce; ainsi l'adjectif doit énoncer les
mêmes accidents de grammaire que le substan-
tif a énoncés d'abord, c'est-à-dire que si le sub-
stantif est au singulier, l'adjectif doit être au sin-
gulier, puisqu'ils ne sont que le substantif même
considéré sous telle ou telle vue de l'esprit. Il
en est de même du genre.
I.e verbe n'est aussi que le substantif consi-
déré avec la manière d'être que ce verbe attribue
au substantif. 11 doit donc être au môme nombre
et à la même personne que le substantif.
Nous dirons au mot Adjectif \.o\x\. ce qu'il est
nécessaire de savoir sur l'accora de l'adjectif avec
son substantif; nous allons parler de Vaccord du
verbe avec scn sujet.
La règle gonérale est que le verbe doit être au
même nombre et à la même personne que son su-
jet ; Un homme dit; des hovimes disent; tu dis ;
nous disons. Mais celte régie, comme celle de
l'accord de 1 adjectif avec son substantif, donne
lieu à plusieurs observations.
Un verbe se met souvent au pluriel, quoiqu'il
ait pour sujet un nom collectif singulier: Une in-
finité dépens pensent ainsi; la plupart se lais-
sent emporter à la coutume. Alors le verbe se
met en concordance avec la pluralité essentielle-
ment comprise dans le nom collectif. Mais si le
nom collectif est déterminé par un nom singu-
lier, alors le verbe se met au singulier. La plu-
part du monde ne se soucie pas de l'intention ni
de la diligence des auteurs. (Rac, Préface des
Plaideurs.)
Souvent le verbe se trouve employé au singu-
lier, quoicjue la proposition semble renfermer
plusieurs sujets singuliers. Analysons quelques
exemples de celte nature, et établissons des rè-
gles précises.
Voltaire a dit : La douceur et la mollesse de la
langue italienne s'est insinuée dans le génie des
auteurs italiens. {Essai sur la poésie épique,
chup. I.) Quoique le sujet soit ici composé de deux
mots, l'idée n'en est pas moins une, parce que la
douceur et la mollesse d'une langue sont deux
qualités tellement analogues et inséparables ,
qu'elles n'en forment qu'une seule. Le sujet, quoi-
que composé dans l'expression, est simple dans la
pensée; et le verbe mis au singulier, loin d'avoir
rien de choquant, satisfait l'esprit, parce qu il
s'accorde avec la forme de l'idée qui l'occupe.
Le même auteur dit : L'homme et ta femme est
chose bien fragile. Les mêmes raisons établissent
ACC
J7
la régularité de cette énonciation. L'homme et la
femme, divisis p;ir les mots, sont ixMiiiis par la
pensée ; on ne les considère que comme une seule
es|)éce,qne comme une seule chose; ils ne for-
ment qu'une seule idée, l'esiMice humaine. Le su-
jet, (juoique multiple dans l'expression, est un
dans la pensée ; et le verbe au sin;:\ilicr parait
élégant, parce qu'il est en concordaïuc avec cette
unité. Massillon était guidé par les uiéuies prin-
cipes lorsqu'il a dit ; La politesse et VuHhbilité
est Za seule distinction qu'ils affectent [Sur l'hu-
manité des grands, t. 1, p. ;)78.) La p'iitessc et
l'affabilité sont considérées connue une seule
chose, comme une distinction ; le sens est : il$
n'affectent qu'une seule distinction, cl cette dis-
tinction est composée de la politesse et de l'affa-
bilité.
Etablissons donc pour règle que, loi'squc le
sujet est composé de plusieurs substantifs expri-
mant des idées partielles qui n'en font qu'une par
leur nature, ou qui sont présentées dans la pro-
position comme n'en faisant (ju'une, Vaccord se
fait avec l'idée >imple qui est dans Tf^sprit, plu-
tôt qu'avec les idées partielles qui sont dans les
mots.
Quelques grammairiens, observateurs plus at-
tentifs des mots ([uc des pensées, ont trouvé de
l'irrégularité dans les phrases suivantes :
Une pâleur de défaillance, une sueur froide
se répand sur tous ses membres. (Fénelon.)
La gloire et la prospérité des méchants CSt
courte- (Le même.)
Chaqtie état et chaque âge a ses devoirs.
(J.-J. Rousseau.)
Soit dans le tragique, soit dans le comique, le
tutoiement sera toujours décent de l'amant à la
maîtresse, lorsque l'innocence, la simplicité , la
franchise des mœurs l'aulorii-era (Marmoutel,
Eléments de littérature, ari. Tutoiement.)
Mais ils n'ont pas remarqué que dans ces fa-
çons de s'exprimer, il y a réellement autant de
propositionsqu'ily a de sujets.et que le verbe au
singulier, en réunissant toutes ces propositions
en une seule, se présente comme pouvant être
répété et dit séparément de chaque sujet. Dans
U7ie pâleur de défaillance, une sueur froide se
répand sur tous ses membres, il y a évidemment
deux propositions distinctes; cir une pâleur de
défaillance ne se répand pas sur tous les mem-
bres de la même manière qu'une sueur froide. Il
y a deux actions différentes, deux sujets diffé-
rents, et par conséquent deux proiiosil ions diffé-
rentes. C'est une pâleur de défaillance se ré-
pand, etc., et une sueur froide se répand, etc.
Le singulier est mis pour l'un et pour l'autre; i!
indique qu'il s'accorde distrihutivemcnt avec
l'un et avec l'autre sujet, et non avec les deux
ensemble. Dans la gloire et la prospérité des
méchants est courte, c'est absolument la même
chose. Le terme de la gloire n'est pas le même
que celui de la prospérité; chacune est courte à
sa manière, chacune est le sujet d'une proposi-
tion qui est réellement différente, (pioiqu'ellcsoit
exprimée dans les mêmes termc-s.
Certainement on s'exprimerait mal en disant
Chaque état et cJmque âge ont leurs devoirs.
parce que l'on confondrait les devoirs aes états
avec ceux des âiies. Leurs au pluriel mdiquc
plusieurs choses qui appartiennent a plusieurs. Il
faut donc dire, chaque âge et chaque état a ses
devoirs (J.-J. UoLss., Emile), ce qui signiDe
chaque âge a ses devoirs et chaque état a sesdj-
voirs, et forme deux propositions distinctes dtno
li
ACC
le verbe commun, étant au- singulier, se rapporte,
sous celle forme, à l'une ou à l'autre.
Une preuve évidente que l'exemple tiré de
Marmnnicl est régulier avec la forme du singu-
lier, c'est qu'avec celle forme il exprime une idée
particulière, et qu'avec celle du ]iltiriel il en ex-
primerait une autre. Le tutoiement sera toujours
décent de Vamantù la viakresse, lorsque l'inno-
cence,la simplicité, la franchise des mœurs lau-
loriscra, c'csi-â-dire lorsqu'il sera autorisé ou par
l'innocence, ou par la siniplieité, ou par la fran-
chise des mœurs. Une seule de ces trois choses
suflira pour rendre le tutoiement décent. Substi-
tuez le pluriel au singulier, mettez avtoriseront
au lieu ^autorisera, et cela signifiera que le tu-
toiement ne sera décent cpic lorsqu'il sera auto-
risé par ces trois choses réunies, l'innocence, la
simplicité et la franchise des mœurs. Or, deux
manières de s'exprimer sont bonnes, lorsqu'elles
expriment deux vues différentes de l'esprit.
Etablissons donc pour règle que dans les pro-
positions où il y a plusieurs sujets, le verbe doit
être mis au singulier lorsque le sens indi(iuc que
ce verbe doit cïrc répété pour former aulant de
propositions qu'il y a de sujets; ou lorsque celui
qui écrit ou qui parle n'a intention de lier le
verbe qu'à lunou à l'autre des sujets, et non à
tous les sujets ensemble.
Mais vous ne direz pas comme La Bruyère, le
bien et le mal est en ses mains, parce que le bieii
et le mal ne forment pas chacun un sujet singu-
lier du même verbe, et qui exige la répétition de
ce verbe; mais qu'ils forment tous deux un su-
jet commun, qui convient au verbe d'une ma-
nière uniforme, qui régit ce verbe au pluriel,
parce qu'il est composé de deux sul)slantifs.
La grandeur et la simplicité de cette idée éle-
vèrent mon âme, et non pas élcra, comme a dit
Thomas {Eloge de Marc Avrèlc, tom. I, p. 563),
parce que la grandeur et la simplicité concou-
rent à la même action, et conviennent au verbe
de la même manière.
On m'objectera sans doute que toute proposi-
tion qui a plusieurs sujets peut être décomposée
en aulant de propositions qu'elle a de sujets. Par
exemple, dans la raison et la vertu conduisent
au bonheur, il y a réellement deux propositions :
la raison conduit au bonheur, et la vertu con-
duit au bonheur. Or, dira-l-on, si l'on doit mettre
le verbe au singulier toutes les fois que cette dé-
composition peut avoir lieu, il faudra mettre au
singulier tous les verbes de ces jyroposilions, et la
règle générale sera détruite.
Je réponds à cela que, quand je dis que le
verbe doit être mis au singulier toutes les fois
que la phrase qui a plusieurs sujets comprend
plusieurs propositions, je ne parle que des pro-
positions différcnlcs, et dont l'altribut ne con-
vient pas au sujet de la même manière. Dans lu
phrase qu'on vient de donner pour exemple, l'at-
tribut conduit au bonheur, convient de la même
manière à chatiue ^ujei ; la raison conduit au
bonheur, la vertu conduit au bonheur; c'est
l'homme qui est également conduit au bonheur
par la raison et par la vertu ; et il n'y a pomt de
différence entre ces deux propositions prises cn-
seiTiblc, cl la proposition composée qui les réunit.
Mais (juand je dis chaque état et chaque âge a
ses devoirs, l'altribut ne convient pas a cha<iue
sujet de la même manière; car les devoire decha-
Se étal ne sont pas les devoirs de ciiaque <nge.
tte différence reste sensible dans la phrase pro-
posée, chaque état et chaque âge a sas devoirs ;
ACC
elle disparaîtrait si l'on iWsa'û chaque état et cha*
que âge ont leurs devoirs, et les idées seraient
confondues, (l'est à celle dilférence, qui résulte
de la nature des idées, qu'on reconnaîtra (|ue le
verbe doit être mis au singulier; et cette forme
du verbe, qui rendra la proposition elliptique, an-
noncera (pi'elle comprend i)lusieurs proiwsitions
d'une nature différente, cl (jue le verbe est .sous-
cnleiidu aulant de fois qu'il y a de sujets dans la
phrase.
Au contraire, dans l'exemple que je me suis
proposé, la proposition est pleine; car elle com-
prend explicitement tous les mots nécessaires à
l'expression analytique de la pensée; et si elle
peui être déconqîosée en deux i)roposilions jwr-
tielles, c'est une simple opération logique, mais
non une dislinelion grammaticale fondée sur des
rapports différents. .\insi,deux circonstances au-
torisent à mettre au singulier un verbe qui a plu-
sieurs sujets : 1° la ressemblance de ces sujets,
comme dans la douceur et la mollesse de la langue
italienne s'est insinuée dans le génie des auteurs
italiens; 2" la différence de ces sujets par rap-
port a l'attiibut de la proposition, comme dans
chaque état et chaque âge a ses devoirs.
Les grammairiens disent que dans le cas où
l'un des deux substantifs sujets serait au plu-
riel, on ne pourrait employer que le pluriel.
Cependant Racine a dit dans Mithridate (act. V,
se. IV, dul] :
Quel nouveau trouble excite en mes esprits
Le sang du père, ô ciel, et les larmes du fils !
et si l'on voulait trouver une irrégularité dans
ces vers, j'ajouterais qu'après plusieurs substan-
tifs sujets, dont les uns sont pluriels et le der-
nier singulier, on met ordinairement le verbe au
singulier. C'est ainsi que l'on dit, non-seulement
tousses honneurs ettoutes sesrichesses,mais toute
sa vertu, s'évanouit (Beauzée),et non pas s'éva-
nouirent. C'est qu'ici il y a plusieurs sujets qui,
ne convenant pas tous à l'attribut de la même
manière, doivent y être joints chacun à part; ce
qu'annonce le verbe au singulier, qui rend la pro-
position elliptique, et marque que, pour la ren-
dre pleine, il faut qu'il soit répété aulant de fois
qu'il y a de sujets, et avec des formes analogues
à chacun d'eux ; et je dis que le verbe au singu-
lier marque la nécessité de celle répétition, parce
que, par sa forme singulière, il ne peut pas con-
venir à tous les sujets ; parce que, par cette niême
forme, il ne pourrait convenir (ju'à un seul, et
qu'il faut {«r conséquent le regarder comme une
expression elliptique qui équivaut à trois expres-
sions semblables, sous les formes déterminées per
les accidents de chaque sujet; c'csl-à-dire que
celle phrase a la force de ces trois propositions:
tous ses honneurs s'évanouirent, toutes ses n~
chesses si' évanouirent, toute sa vertu s'évanouit.
On dit vous et moi nous sommes contents de
notre sort; parce que, qiioiq\ie vous soit de la
seconde [)ers(3nne, il devient réellement pronom
de ia première, lorsque ave<: nn pronom de la pre-
mière il concourt à former le sujet total de la pro-
|)Osilion, et ()ue ces deux pronoms sont confon-
dus dans l'expression nous. C'est par une raison
semblable qu'on dit vous et lici savez la chose.
Par une conséquence des règles que nous ve-
nons d'établir, la forme du singulier ou celle du
pluriel doit être préférée pour les verbes qui c-it
plusieurs sujets liés par la conjonction ô«,- "it
ACC
voici, à cet égard, les observations qui doivent
servir de guide.
S'il n'y a qu'un des sujets qui puisse avoir fait
l'action, l'attribut ne peut olrc dit que d'un de ces
sujets, et non de tous les sujets ensemble; il faut
donc employer le singulier. Ainsi les phrases sui-
vantes sont régulières : C'est Cicéron ou Diimos-
thènes qui a dit cela ; c'est le soleil ou la terre qui
tourne. C'est comme si l'on disait : c'est Cicé-
ron qui a dit cela, ou c'est Démosthènes qui a dit
cela; c'est le soleil qui tourne, ou c'est lu terre
qui tourne. L'allcrnalive est également marquée
dans les deux propositions séparées ou réunies.
Si les deux sujets peuvent concourir ensemble
à l'action, il n'en l'nut pas moins employer le sin-
gulier, parce (pie la conjonction ou indique sépa-
rément l'action de l'un ou de l'autre, et que, pur
le moyen de cette conjonction, la simultanéité de
l'action n'est plus comprise comme possible dans
le sens de la phrase : Son père et sa mère peu-
vent obtenir cela de lui. La simultanéité d'ac-
tion est comprise dans le sens de la phrase, et
indiquée par la conjonction et. Mais je ne peux
pas dire, ce sera son père ou sa mère qui obtien-
dront cela de lui, parce que la conjonction ou in-
dique qu'ils n'obtiendront pas ensemble, mais
que ce sera l'un ou l'autre qui obtiendra. Il faut
donc mettre le singulier. 11 faut, par la même
raison, dire comme Massillon, notre perte ou
notre salut n'est plus une affaire qui vous inté-
resse [Ecueils de la Piété, 1. 1, p. 51)4) ; comme
Bossuet, en quelque endroit du monde que la cor-
ruption ou le hasard les jette {Oraison fun. de
la ducli. d'Orléans, p. 77) ; et comme Fénclon,
en quelque endroit des terres inconnues que la
tempête ou la colère de quelque dii-initél'ai\jeté.
{Télém., liv. IX, 1. 1, p 321.) Il faut dire aussi,
peut-être qu'un jour, ou la honte, ou l'occasion,
ou l'exemple, Zeur donnera un meilleur aris, et
non passeur don ?iero-nt, comme \c veut Vaugelas;
car le verbe i.e peut se rapporter ici qu'à l'un ou
à l'autre des sujets, et non à tous les sujets en-
semble.
Si les deux sujets sont supposés avoir opéré de
la même manière, à part et dans des temps diffé-
rents et indéterminés, le verbe doit être mis au
pluriel. Ainsi Massillon a dit, le bonheur ou la
témérité ont pu faire des héros. {Triomphe de la
Religion, t. 1, p. GU7.) Ainsi l'on pourra dire d'a-
près cet orateur, l'amour ou l'ambition on\. pro-
duit de grandes actions.
Lorsque plusieurs sujets concourent tour à
tour, ou dans différentes circonstances, à produire
une action habituelle, il faut mettre le verbe au
pluriel ; car l'action habituelle , considérée comme
telle, a réellement les deux sujets pour cause.
Buffon a dit en parlant de la souris, tapeur ou le
besoin font tous ses mouvements; c'est-a-dire tous
les mouvements de la souris ont pour cause tan-
tôt la peur, tantôt le besoin. (Tom. XIll, p. 211).)
J.-J. Eoussciiu a dit aussi, le temps ou la mort
sont nos remèdes ; c'est-a-dire, nos remèdes sont
composés du temps et de la mort, et nous pouvons
éprouver ou choisir l'un ou l'autre.
Dans le cas, disent les grammairiens, où des
deux noms sujets, l'un e^t au singulier et l'autre
au pluriel, c'est le nombre du dernier qui règle
l'accord. Le crcdit que cette place donne, ou les
émoluments qui y sont attachés la lui font re-
chercher ; ou, les émoluments qui sont attachés
à cette place, ou le crédit qu'elle donne, la lui
fait rechercher.
Je ne sais si celte règle est bien exacte; mais
ACC
19
S! j avais a choisir euuo les deux phrases, je pré-
férerais la dernière, où le verbe est au sini;ulier
parce (jue le verbe ne \\c\x\. se rapporter qu'a l'un
ou a l'autre des sujets, rt (pic lo pluriel, ni r,,r-
maiit une proiiosilioii pleine, s.Miiblf le rapporter
a tous les deux ensemble, le sin:;uUiT, au i-on-
traire, ne rapiwrtanl le verbe «pi'a un sujpi, in-
dique une propusilion elliptique (pie ^e^pril c>l
obligé de remiilir; et le rapi)ort de cIkkiuc sujet
est distingué.
On dit c'est toi ou. moi qui avons fait ccUi,
parce que 77<otne |)eut régir que la i)remicre per-
sonne, et que, joint à un autre pronum ou a un
nom substantif, il forme un nom pluriel. On dit
par la même raison, c'est lui ou min r/wcavons fait
cela. 11 en est de même de toi, (pii ivgil n.Tcss'ii-
rement la seconde [jcrstume; et l'on dit c'est lui
ou toi qui avez fait cela. Dans ces cas, c'est tou-
Joui-s le pronom de la iKTsonne ([ue les grammai-
riens appellent la [)lus noble (jui précède le verbe
et en détermine la forme. Or, selon les grammai-
riens, la première personne est plus nubfe (]ue la
seconde, et la seconde ([ue la troisième. Ainsi
l'on ne pourrait pas dire, c'est moi ou lui qui
avons fait cela; c'est toi ou lui qui avez fait
cela.
Quelquefois certains mots, tels que chacun,
personne, nul, rien, tuut, réunissent tous les su-
jets en un seul; alors le verbe se met au singu-
lier : Lois, police, discipline militaire, marine,
commerce, manufactures, sciences, beuux-urts,
tout s'est perfectionné. (\'oIlaire.) Les hommes,
les femmes, /es enfants, chacun cherchait son
salut dans la fuite, f^ieillurds, femmes, enfants,
nul n'échappa au carnage, etc. Dans toutes ces
phrases il y a ellipse, et il faudrait, pour les ren-
dre pleines, ou répéter le verbe avec les formes
convenables à («haque sujet, ou siqiprimcr le mot
qui réunit tous les sujets, et employer le pluriel.
Une proposition suit toujours sa marche natu-
relle, et s'accorde seulement avec son sujet, quoi-
qu'il y ait entre ce sujet et l'attribut une phrase
incidente qui établit quelipie comparaison ou res-
semblance entre la proposition et l'idée exprimée
par celte phrase incidente : L'histoire, ainsi que
la physique, «'a commencé à se débrouiller que
vers la fin du seizième siècle. ^A oltaire, /C.tsai
sur les mœurs, chap. viii.) La vertu, de même
que le savoir, a son prix. L'envie, ainsi que les
autres passions, est peu compatible avec le bon-
heur. La force de l'ume, comme celle du corps,
csl le fruit de la tempérance. (.Marmonlel.)
On demande si après l'un et l'autre en doit
mettre le verbe au singulier ou au pluriel, et
dire, par exemple, l'un et l'autre est bon, eu l'vn
et l'autre sont bons; l'un et l'autre ///e gêne, ou
l'un et l'autre me gênent, etc.
Il sera aisé d'êclaircir celte questi(3n par les
lirincipes que nous avons posés. S'il s'agit dans
chiiquc sujet d'un état ou d'une a( tioii dil'fé-
ronle, c'est le singulier qu'il faut employer; s'il
s'agit du même état ou de la même action, c'est
le pluriel. On ne dira pas l'un et l'autre sont
morts, parce (pie, quoique l'état soit seinlilable,
il n'est pas le même. Etre mort est un état |)0iir
l'un, c\.être mortcsl un élat pour l'autre. 11 faut
dire l'un et l'autre est mort; mais on dira l'un
etl'autreme trompent; pjinc «pie l'un et l'autre
concourent à faire une seule et même action, à
me tromper. Si je veux iiidi(iuer (pie de deux
choses cliacunc a des qualités qui la rendent
bonne, je dirai l'une et l'autre est bonne. Mais si,
considérant ces deux choses comme concourant
90
ACC
ou pouvant concourir au même effet, à la même
action, je jutre qu'elles ont l'une et l'autre des
qualités proi)rcs à allcindrc le but ou à procurer
l'effet, je dirai l'une et l'autre sont bonnes; je les
réunis dans l'expression comme elles sont réu-
nies dans leur concours : Lequel vie conseillez-
vous d'acheter de ces deux chevaux? — // n'y a
pas de choix, l'un et l'autre csl bon. — Quels sont
les deux chevaux que je dois atteler à ma voiture
pour arriver prompte ment? — Attelez f^olaçe et
Brillant, l'un et l'autre sont bons, c'est-à-**'*^
ont des qualités propres à concourir à mener vo-
tre voiture avec célérité. Ils 7n' aperçoive ni en
même temps, je prends la fuite; l'un et l'autre
me poursuivent ; ils font ensemble, et de la môme
manière, une action qui tend au même but, à
m'atteindre. -le dirai l'un et l'autre m'a refusé,
s'il s'agit d'offres dinérenles, ou de refus faits en
différents temps; je dirai l'u7i et l'autre 7n'on\.
refusé, s'il s'ai-'it d'une offre commune et d'un
refus fait en même temps ])ar tous les deux. J'ai
ru le père et la vicrc, l'un et l'autre m'OM promis
leur fille en mariage ; ils m'ont fait la môme pro-
messe, une promesse qui no pouvait être de quel-
que valeur, si elle n'avait pas été faite par l'un et
par l'autre. C'est sans doute d'après celte consi-
dération que Racine a dit dans Bajazet :
L'un cl l'autre ont promis Allialide à ma foi.
(Act. I, se. I, 176.)
Et dans Mithridate :
L'un et l'autre à la reine ont-ils esc prétendre?
(Act. II, se. III, 42.)
Dans ces deux exemples, les deux sujets font en-
semble la même action , tendent ensemble au
même but.
Etudiez ia cour et connaissez la ville;
L'une et l'autre est toujours en modèles fertile.
(BoiL., A. P. III, 391.)
La cour a ses modèles qui lui sont propres, la
ville a aussi les siens.
L'un et l'autre dès lors vécut à l'aventure.
(BoiL., sat. X. 505.)
Ils vécurent tous deux à l'aventure, mais chacun
y vécut à part.
. L'un et l'autre rival, s'arrétant au passage.
Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage.
(BoiL., Lutr., i, 113.)
Ici la distinction des propositions est bien sensi-
ble; chacun mesure et est mesuré, observe et est
observé, envisage et est envisage; chacun fait des
actions semliialiios, mais qui ne sont pas les mé-
Iies, puisqu'elles ont des oitjcis (iifféients.
Vollairea bien dit dans l'Orphelin de la Chine :
Votre époux avec lui termine sa carrière;
L'un et l'autre bientôt voit son heure dernière.
(Act. V, se. I, 15.)
Chacun voit l'heure dernière qui lui est propre.
Mais peut-cire pourrait-on trouver quelque
irrégularité dans le vers suivant du même auteur :
L'un et l'autre à ces mots ont levé le poignard.
(.W^r.,act. Il, se. ii, 35.)
Chacun à part a levé le poignard ; il y a deux ac-
tions, il fallait le singulier ; telle est la loi grain-
ACC
maticale. Mais si l'on considère qu'un homme
effrayé à la vue de deux assassins iiui lèvent le
poignard sur lui, ne voit en effet qu'une seule
action, l'aeiion tjui le menace, deux poignards le-
vés en même temps, on conviendra "peut être
que l'expression préférée par Voltaire a beaucoup
plus de vérité et d'énergie.
Les grammairiens trouvent plus de difficulté
encore à distinguer s'il faut mettre le verbe au
singulier lorsque plusieurs sujets sont liés par ni
l'un 7ii l'autre, ou par ui répété. Ce qui nous
semble conlirmer les principes que nous avons
établis jusqu'à présent dans cet article, c'est qu'ils
servent encore a décider celle question. S'agil-il
d'un clat ou d'une action (jui ne |)eut convenir-
qu'à l'un de ces sujets, il faut mcltrc le singu-
lier, puisque le verbe no peut convenir aux deux
sujets ensemble, et que s'il convient à l'un il ne
peut pas convenir à l'autre : ni l'un ni l'autre
«'est mon père. 11 serait ai)surde de dire, ni l'un
ni l'autre we sont mon père. C'est par la même
raison qu'on dira, ni l'un ni l'autre ne sera noui-
7né à cette a7nbassade, 7ii l'un ni l'autre ne sera
préféré.
S'il s'agit de deux étals ou de deux actions
qui, quoique semblables, sont distingués dans
chaque sujet, il faut encore le singulier, parce
que le verbe se rapporte dislribulivement à cha-
que sujet, et non à tous les deux ensemble : Ni
l'un ni l'autre jj'est mort , ni l'u7i ni l'autre
«'a fait son devoir. L'état de l'un est semblable
à l'élat de l'autre, mais ce n'est pas le même;
le devoir de l'un n'est pas le devoir de l'au-
tre. Mais si l'on avait imposé comme devoir a
deux persoi>nes de faire enscinble la même ac-
tion, il faudrait mettre le |)luriel, parce qu'ayant
concouru toutes deux à la même action, elles se-
raient le sujet pluriel du verbe . On leur avait
ordonné d'attaquer ce poste ; ils 7ie l'ont point at-
taqué : ni l'un ni l'autre yi'oiit fait leur devoir;
c'est-à-dire, n'ont fait le devoir commun qu'on
leur avait imposé à tous deux, et qu'ils devaient
faire concurremment. Dans ni la douceur ni la
force 7ie rebranlèrenl, je vois deux moyens qui
leiulenl au mémo but, et j'admets le pluriel.
Dansnil'un niVautre 71e ini ébranlé par la force,
je vois deux sujets qui éprouvent successive-
ment deux effets scinbiables, mais qui ne sont
pas le même effet pour l'un et pour l'autre; et,
pour marquer celte dislinction, j'emploie le sin-
gulier.
Dans ce cœur ni>illicureux son image est tr.icc'e
La ïertu ni le temps ne l'ont point cffacce.
(YoLT., OEd , act. III, se. i, 47.)
Ici deux sujets concourent à la même action, il
faut le pluriel.
En parlant de Corneille el de Racine, Boileau a
dit : Ni l'un ni l'autre ne doit être mis en pa-
rallèle avec Euripide et avec Stphocle. (7' Jié-
flex. crit. sur Longi7i.) C'est, d'un côlé. Corneille
qui ne doit point être mis en parallèle avec Euri-
pide et avec So|)hoile ; el de l'autre. Racine qui
ne doit point être mis en p;u'allèle avec ces deux
tragiques grecs ; 71I Vun ni l'autre 71e doit être mi^
071 parallèle; le singulier est exigé par la nature
de l'idée el par la division des actions.
On a beaucoup disputé aussi pour savoirs! un
ou une, suivi de de ou des, régit le verbe au plu-
riel ou au singulier, el s'il faut dire U fut un de
ceux qui travailla le plus efficacement à la ruine
de sa patrie, ou wh de ceux qui travaillèrent, etc.
ACC
Mais enfin on est convenu assez i-'Onoraleuienl des
régies suivantes, qui sonl conliruiécspar des exem-
ples lires des meilleurs écrivains.
Quand le mol un ou ujte joinl au mol de ou des
exclut loule idée de iiluralilù, il doit régir le
verbe au singulier: Une des inisèrcs den pcns ri-
ches QSl d'être trompés en tout. (J.-J. Rousseau,
Emile, liv. I, t. VI, p. 4(j.) Ici le mot une exclut
toute idée de pluralité; il indiijue la uiisère dont
il est ici question, comme la seule misère des gens
riches qui convienne à être trompés en tout, ou
plutôt cette misère est individualisée par ces
mots; car le véritable sens est : être trompé en
tout est une des viisères des gens riches.
Mais quand un, une, n'a rien d'exclusif, ni par
lui-mémo, ni i);ir les mots qui l'accompagnent, il
faut faire usage du pluriel. Ainsi il faut dire :
yotre ami est un de ceux qui inaniiuèrent de
périr dans la sédition, et non i)as qui manqua,
parce que le mol w« avec les mots qui l'accom-
pagnent, indique plusieurs personnes qui onli)ar-
tagé le même danger ; il esl donc énumcratif, et
Don exclusif. C'est ainsi que Boileau a dit : Le
passage du Rhin est une des plus meimeilleu-
ses actions qui aient jamais été faites ; Racine :
comme ce dessein m'a fourni une des scènes qtii
ont le i)lus réussi dans ma tragédie [Préface de
Mithridate); Massillon : Les prospérités humai-
nes o\\\. toujours été un des pièges les plus dan-
gereux [Sur les vices et les vertus des grands,
1. 1, p. 6CU); "Voltaire : L'un de ces deux hom-
mes de génie gui ont présidé au Dictionnaire
encyclopédique, etc. {^Préface de l'Ecossaise.)
AccoRDADLE. Adj. dcs ucux genres. Il se met
toujours après son subsl. Une grétce accordahlc,
des plaideurs qui ne sont pas uccordabhs.
AccoRDAiLLEs. Subst. f. qui ne s'emploie qu'au
pluriel : Faire des acccrdailles.
Accordant. Accordante. Adj. verbal ijui ne
se dit qu'en teruies de musique. On dit des tons
accordants, comme on dit des tons discordants.
Il suit toujours son substantif.
Accorder. V. a. de la 1" conj. Il se dit en
grammaire de l'action de mettre dans une phrase,
entre les parties du discours, l'accord exigé par
les règles de la granmiaire. Fai7e accorder l'ad-
jectif avec son substantif, le verbe avec son su-
jet. Voyez Accord.
Accorder, dans le sens de reconnaître pour
vrai, régit que avec l'indicatif si la phrase est af-
firmative, et avec le subjonctif si elle est néga-
tive ; J'accorde que cela est ; je 71' accorde pas que
cela soit.
Accordeur. Subst. m. Ou appelle accordeurs
d'orgues, de clavecins, de forte-pianos, ceux (jui
foal profession d'accorder ces sortes d'instru-
ments.
AccoRT, AccoRTE. Adj., de l'italien accorta.
Qui a dans l'esprit, dans l'humeur, qucUiue
chose de gracieux ; qui annonce des dispositions
franches à se rendre agréable, à complaire. L'A-
cadémie le définit, qui esl complaisant, qui s'ac-
commode à l'humeur des autres; celte définition
donne une idée fausse de ce mol. L'Académie ne
dit pas qu'il a vieilli. Voltaire regrette qu'il ne
soit plus en usage dans le style noble.
AccoRTJSE. Subst. L Ce mot n'est pas onticre-
menl du style familier, comme le dit l'Académie.
Voltaire a dit, dans le Siècle de Louis XIF :
L'accortise italienne calme la vivacité fran-
çaise.
AccosTABLE. Adj. dcs deux genres, qui suit
ACC
ii
toujoui s son subsl ; Un homme qui n'est pns ac-
costablc.
AccoccHEMENT. Subsl. m. L'ucuiucliement et
Venfantement sont deux expressions <|u'il f.iul
distinguer, l. 'acco«c/(f mewi coinincnd mm-scule-
mcnt l'action i)récisc de mettre l'ciif.ini au monde,
mais aussi tout ce ipii prépare et aninnpagnc
celte action, depuis les premicres douleurs jus-
(ju'à l'entière délivrance; c'est l'expression la
plus ordinaire. Enfantement se dit plus rare-
ment, et n'a rapport qu'à l'action précise de mcl-
Ire l'enfant au monde, h' accouche mml n'est pas
douloureux depuis le conunenccmenl jusqu'à la
fin, mais seulemenl par inlervalles; Venfuntcment
est douloureux [tendant toute sa durée; voilà
pourcjuoi on dit les douleurs de l'enfantement,
et non pas les douleurs de l'accouchement, quoi-
qu'on puisse dire un accouchement dnuhiureuT.
AccoucHEr.. V. a. cl n. de la 1" conj. Ce verbe
ne signifie pas enfanter, connue le dit l'Acadé-
mie ; il com|ircnd tout ce (jui précèiie et suit
l'enfantemeni, depuis les|>remiàresdonlcurs jus-
(ju'à l'entière délivrance. Enfanter signifie seu-
lement produire un enfant, abstraction faite de
toutes les circonstances ipii, dans l'ordre de la
nature, précédent cl accompagnent celle action ;
accoucher comporle l'idée de ces circonstances,
tn parlant de la ^ iergc, on dit <]Wclle enfantera
un fils, qu'elle a enfanté un fils , pai'ce (pfellc
n'a pas été sujette à toutes les circonstances (|ui
précèdent et accompagnent les acconchcments
naturels. On ne le dit guère au propre (pie dans
ces phrases. Au figuré, on dit : Jadis la terre en-
fanta des géants ; on ne dit pas qu'elle en accou-
cha, parce qu'il ne s'agil (pie de la production,
abstraction faite de la manière. On dil en plai-
santant qu'MH auteur a enfanté un gros volume,
et qu'tZ est accouché d'une épigramme. La pre-
mière action est une production lente, et (|ui n'a
point de rapport avec l'accouchcmcni naluirl;
la seconde, (|ui suppose une action faite avec
peine et douleur, cl en un inslanl assez court, a
plus de rai)port à cetaccouchemcnl,
Ce verbe a donné lieu a tpieliiucs difficultés.
On dil ordinairement qu'une femme est accou-
chée, pour signifier l'état d'une femme (jui vient
de mettre un eni'anl au monde; et (picl(|ucs
grammairiens veulent qu'on le dise également
de l'action de mettre un enfanl au monde,
c'est-à-dire, qu'on dise cette femme est accou-
chée, pour dire, celle feunne a mis un enfant au
monde.
Féraud s'excuse, dans son Dictionnaire criti-
que, d'avoir dit dans son Dicliomiaire grammati-
cal, eZ/e a accouché. Cl ai)iie!lc cet exempli; une
faute grossière. Cependant le Dictionnaire de l'A-
cadémie dil que, pour manjucr l'action, on peut
employer l'auxiliaire aroir. Dans l'édiliuii du
Diciionuaire de l'Académie publiée en is:V6, on
trouve les exemples suivants ; J'ai accouché avec
de cruelles douleurs ; elle a accouché très- coura-
geusement.
Le verbe accoî/c/tcr est actif ou neutre. Actif,
il se dil de l'action d'un accoucheur ou d'une
sage-femme qui accouche une femine, cl il iireiid
l'auxiliaire avoir. C'est cette sagefcmmc quil'n
accouchée. Neutre, Il se dit ou de l'action d'une
femme (jui met un enfant au inunde, ou de l'état
d'une femme qui a mis un enfant au monde. Dans
le premier cas, il prend l'auxiliaire aroir; dans
le second, l'auxiliaire être : Celle femme a ac-
couche hier; cette femme est accuuchie depuis
deux heures. Si l'on vient médire : Madame S...
22
ACC
est accouchée, et que je désire savoir à quelle
heure elle a mis son enfant au muinlc, il faudrait,
selon les irrauunairiens «ini rejottcut l'auxiliaire
acoir, <iue je disse, à quelle heure est-elle accou-
chée'/ et l'on pourrait ine répondre, elle est ac-
couchée à l'heure qu'il est, elle est accouchée de-
puis qu'elle a mis un enfant au monde. Mais si
je disais, à quelle heure a-t-elle accouché'} je
m'expliquerais clairement; cela voudrait dire, à
quelle licure a-t-elle fait l'action d'accoucher? et
il faudrait me n-pondic, elle a accouché à sept
heures, et non elle est accouchée à. sept heures.
Si l'on ne pouvait employer l'auxiliaire avoir
avec le verbe neutre, il n'y aurait aucun moyen
de distinguer l'action de l'état, et le besoin de
renonciation serait sans cesse contraire par l'u-
sage.
Je suppose qu'une femme ait mis un enfant au
monde il y a vingt ans, et un autre enfant hier
seulement, il faudra donc que je dise également en
parlant de l'un et de l'autre enfantcinenl, elle est
accouchée. Cependant il y a bien de la diflcrence.
Tne femme qui a accouché il y a vingt ans n'est
plus di'.ns l'état d'une femme accouchée, elle n'est
plus une accouchée, elle n'est plus accouchée, elle
a accouché. Quant à l'accouchement qui a eu lieu
hier, je jmis dire, elle a accouché hier, si je n'ai
en vue que 1 action; et elle est accouchée, si je
ne considère que l'état. Elle a accouché heureu-
sement, elle a accouché avec courage ; elle est ac-
couchée, quand elle fut accouchée , quand elle fut
dans l'étal d'une femme qui a mis un enfant au
monde ; quand elle eut accouché, quand elle eut
fini l'action d'accoucher. Voyez Auxiliaire.
AccoDRiR. V. n. et irrcg. de la 2' conj. Il se
conjugue comme courir, si ce n'est qu'il prend
tantôt l'auxiliaire avoir, cl tantôt l'auxiliaire être.
Celte différence entre ces deux verbes vient
de. ce que courir n'exprime qu'un mouvement,
qu'une action ; au lieu que dans accourir , i\\\\
signifie se mctlre en mouvement pour arriver
promplement à un but, on distingue deux cho-
ses : l'action do se mettre en mouvement pour
courir vers un but, et l'état qui résulte de cette
action faite. Dés que je l'ai entendu se plaindre,
j'ai accouru à son secours; arrivé auprès de lui,
je lui ai dit, je suis accouru à votre secours.
Dans ce moment, j'étais accouru à son secours,
-Vesl-à-dire, j'étais dans l'élal qui résulte de l'ac-
^n d'accourir au secours de quelqu'un. Voyez
Auxiliaire .
AccouTiMANCE. Subsl. f. Cc mol vicillissait déjà
du temps de Vaugelas; il avait ensuite repris fa-
veur, au dire du père Bouhours, et tous les bons
écrivains s'en servaient. 11 est encore abandonné
aujourd'hui, et l'on ne s'en sert que dans le style
maroliqiie. Cependant il exprime une idée qui
revient souvent, et il n'y a pas de terme dans la
langue (jui le remplace [larlaitcment. Coutume,
habitude, ne peuvent le suppléer et n'ont pas toul
à fait le même sens. Ces deux mots marquent une
habitude formi'C, et accoutumance exprime les
actes qui la forment. Boileau a dit dans sa tra-
duction de Longin : Un esprit abattu et comme
dompté par l'accoutumance au joug, n'oserait
plus s'enhardir à rien. (Chap. xxxv, tom. III,
[i. 414.) On lit dans la Logiijue de Port-Koyal :
La capacitd de l'eprit s'étend ou se resserre par
l'accoutumance. On trouve aussi cette expression
('.ans La Fontaine :
Le premier qui vit un chameau
S'enfuit à cet objet nouveau ;
ACC
Le second en approclie, un troisième sut faire
Un licou pour le dromadaire.
L'accoutumance ainsi nous rend tout faroîlier.
(Liv. IV, fable 10.)
Tous les bons écrivains regrettent celle expres-
sion ; il ne lient qu'a eux de la faire revivre.
AccoL'TCMEB. V. a. et n. de la 1'= conj. Dans
le sens actif, il régit la préix)sitioii à :
Et l'indigne prison où je suis renfermé
À la voir de plus prés m'o même accoutumd.
(lUc, Bajaz., act. Il, se. lu, 59.)
Dans le sens neutre, il signilie avoir coutume, et
ne s'emploie qu'aux temps composés, a\ec l'auxi-
liaire avoir, ou avec l'auxiliaire cire. Avec avoir,
il régit la préposition de : Il a accoutumé de se
lever matin, il a accoutumé de dîner à deux
heures ; avec l'auxiliaire et, . , il régit la préposi-
tion à : Il est accoutumé à st lever mutin, il est
accoutumé à dîner à deux heures. Ces phrases
signilienl, on l'a accoutumé ou il s'est accou-
tumé. Autrefois on le disait eu ce sens des cho-
ses, avec le verbe avoir : Ces arbres ont accou-
tumé de donner beaucoup de fruit, l'autotnne a
accoutumé d'être pluvieuse, .aujourd'hui ces
expressions ne sont plus usitées. Avoir accou-
tumé se dit à peine des personnes.
s'Accoutumer. \ . pron. L'Académie ne dit que
€ accoutumer à, mais on dit aussi s'accoutumer
avec. La première expression s'emploie dans un
sens actif ou \)HiSi[ : S'accoutu/ncr au travail, à
lu fatigue, à la peine, au froid; la seconde ne
marque qu'une habitude de liaison, de commu-
nication : Je ne saurais m'accoutumer avec ces
çre-'/s-Zà; c'est-à-dire, je ne saurais me conformer
a leur Ion, à leurs manières, à leurs procédés, etc. :
Il faut s'accoutumer de bonne iicure avec ces
sortes d'idées, si l'on veut se les rendre familiè-
res. (Condillac.)
Accrédité, Accréditée. Part, passé du v. ac-
créditer. 11 se dit prhicipalcmcnt des hommes pu-
blics, qui ont une mission autorisée dune puis-
sance auprès d'une autre. Mais voici des exem-
ples qui prouvent qu'il s'emploie adjectivement
dans un autre sens ; Est-ce donc un prodige qu'un
sot riche et accrédité? (La Bruyère, des Biens
de fortune, p. 281.) Les rois, tous les jours
moins accrédites..., crurent n'avoir pas d'au-
tre parti à prendre que de se mcttrn e?itre les
mains des ecclésiastiques. (Monlesquieu.)
Accroc. Subsl. m. On ne prononce point le c
final. L'Académie ne le dit que d'une déchirure
faite par quelque chose qui accroche . Il y a un
accroc à votre robe. Il se dit aussi de ce qui ac-
croche, de ce qui déchire : J'ai passé auprès
d'un accroc qui a déchiré ma robe. Ce n'est n^éine
que dans cette acception qu'on dit figurément,
i\\iHl est survenu un accroc « une affaire.
Accroire. V. a. de la 4* conj. Il n'csl d'usage
qu'à l'infinitif et ne s'emploie qu'avec le verbe
faire.
Il y a une grande différence entre faire accroire
et faire croire. Ces deux expressions signifient
détemiiner la croyance; mais /aire accroire, c'est
la déterminer sans fondement pour une chose qui
n'est pas vraie; ci faire croire, c'est simplement
déterminer la croyance, avec abstraction de toute
idée de fondement et de vérité. On ne peut
faire accroire que ce qui est faux, ou ce que l'on
croit faux; on peut faire croire également le vrai
et le faux. Faire accroire ne se dit que des per-
sonnes, parce (ju'il n'y a que les persounes qui
ACH
puisseiU agir de propos délibéré, et avec inten-
tion. Faire croire peut se dire des personnes et
des choses, parce que les personnes et les choses
peuvent également déterminer la croyance , et
que cette piirase fait abstraction de toute in-
tention. Les personnes /b«< accroire le fiux, les
choses font croire faussement.
AccRoiTKE. V. a. et n. de la 'l' conj. 11 se con-
jugue comme croître. M. de Wailly prétend que
ce verbe, probablement dans le "sens neutre,
prend pour auxiliaires être ou avoir. 11 prend
sans doute avoir quand on veut exprimer l'ac-
tion, et être quand il est question de l'état. On
devrait donc dire, son bien a accru depuis six
mois, et son bien est accru. Mais la prononcia-
tion de a accru est si dure, qu'il est bon de lé -
viler; aussi ce mol est-il peu usité avec cette
forme. iJuanJ on l'emploie, ont met entre a et ac-
cru quelque mot qui sauve l'hiatus. Son bien a
considérablement accru. — « L'Académie, dans
sonZ>icito?iHai><?, ne cite point d'exemple de l'auxi-
liaire acozr joint au verbe accmire; et il noussem-
blc que l'emploi de cette locution doit cire rare,
parce que le jiarliciiie de ce verbe constate pres-
que toujours un résultat. Nous pensons donc
qu'il est plus régulier de dire en tout cas : Son
bien s'est accru depuis six mais n (.\. Lemaire,
Grammaire des Gramjnaires, p. 4/3.) Voyez
Auxiliaire.
AcccEiLLiK. T. a. et irrégulier de la 2° conj.
li se conjugue conuue cueillir. Voyez ce mot.
Ou mouille les /.
AcccL. Sul:st. m. Le l se prononce.
AccLSABLE. Adj. des deux genres. On ne le met
qu'après son subst. : Un homme accu sable ; cet
homme n'est pas accusable.
AcccsATECK. Subst. m. 11 a pour féminin ac-
cusatrice.
Par que! caprice
Liisîez-vouô le champ libre à votre accusatrice ?
(Rac, Phèd., act. Y, se. i, 10.)
AcccsER. A', a. de la 1" conj. llacinc a dit
dans Iphigénie :
L;;le était à Taotel, et peut-être en son cœui
Du fatal «scriGce accusait la lenteur.
(Acl. Y, se. VI, ii.)
Delille a dit dans le môme sens :
Les dieux viennent encore accuser ma paresse.
iÉnéidc, IV, SUô.)
En Tain de ton départ
Les liens impatients accusent le retard.
{Enéide, III, 601.)
Suivi d'un verbe à l'infinitif, il demande la jiré-
position de : Carthageaima toujours les richesses,
et Jristote l'accuse d'y être attachée jusqu'à don-
ner lieu à ses citoyens de les préférer à la vertu.
(Bossuet, Disc, sur l'Hist. univ., IIP part.,
chap. VI, p. 4S3.)
Acéphale. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst.
AcHARJiER. V. a. delà d"couj. : Hs sontachar-
nés les ur.i; conlio les autres; être acharné con-
tre quelqti'un ; être acharné au combat :
D'un peuple d'assassins les troupes etTrénées,
Par devoir et par zèle au c.nrna^'e achaméej.
(^'OLT., Uenr., u, 240.)
fait oeu nour son courroux d'avoir détruit Persaruc.
ACll
Ï3
Peu de s'être acluircic i -a reste» projcriu...
(Uelilli, Énéid; Y, 1061.)
Lu vautour sur son cœur s'^chirno incsntmment.
(Dblille, Énlid», YI, 791.)
Achat. Subst. m. On ne prononce pas le /.
AcHÉnox. Subst. m. Fleuve dos enfers. Ou
prononce ché comme dans chérir. A l'OiRTa on
prononce ^i/irrcw. '
AcHETEn. V. a. de la 1" conj. Dans les tcuiiis
de ce verbe, Vo de che est ouvert lurs<iuc la syl-
labe suivante finit par le son d'un e muet : j'a-
chète, lu achèles. j'achèterai; il est muet lors-
que cette syllabe finit partout autre son. Nous
achctvns, vous achetez. Acheter quclqvc chose
de quelqu'un a seulement rapport a l'action do
vendre, abstraction faite de toute autre idée. On
achète tin bijou d'un juif, d'une tnarchandc à la
toilette; on achète quel/ue chose d'un passant.
Si une personne a acheté un objet que l'on soup-
çonne avoir été volé, le juge ne lui demande |»as,
« qui avez-Vius acheté cela? mais, de qui avez-
vous acheté cela? c'est-à-dire, quelle est la per-
sonne qui vous a vendu cela? A qui avez-vous
acheté ceia? signifierait à quel marchand, à quelle
personne vous éles-vous adressé pour acheter
cela ?
Acheter une chose à quelqu'un : J'ai acheté ce
cheval à mon frère; le cneval lui appartenait. J'ai
acheté ce cheval de mon frère ; il était chargé de
le vendre. J'ai acheté peur mille francs de mar-
chandises à ce marchand, ou chez ce marchand.
Lorsqu'on met le pronom au lieu du substantif,
on ne peut pas faire cette distinction. On dit dans
les deux cas, je lui ai acheté, et non pas, j'en ai
acheté.
11 faut faire attention ({n'acheter quelque chose
à quelqu'un signifie aussi acJwter pour quel-
qu'un; Elle a acheté une poupée à sa fille, signi-
(ic elle a acheté une poupée pour sa fille. Dans
le dessein d'exj)rimcr l'une ou l'autre iuce, il faut
s'expliquer cluiremenl, cl de manière à bannir
toute équivoque.
AcHETELR. Subst. m. .\cHETEisE. Subst. f. Qui
achète. Onncditguèrc acA<?/cMsc, àmoins quccc
ne soit familièrement pour exprimer le défaut
d'une femme qui aime à acheter souventet sans
nécessité : C'est une grande achetcuse.
Achever. V. a. et n. de la 1" conj. Dans les
temps de ce verbe le de che est ouvert, lorsque
la syllabe suivante finit par le son d'un e muet :
J'achève, tu achèves; l'achèverai; il est muel
lorsque cette syllabe finit par tout autre son :
nous achevons, vous achevez. Achever une en-
treprise. On ne dit pas achever une affaire, mais
finir, terminer une affaire.
Dans le sens neutre, achever régit de devant
un verbe: Achevons de dUier. Le jeu et les dé-
bauches ont achevé de le perdre.
L'Académie ne le mel point avec le pronom
personnel. Cependant Racine a dit dans Iphigé-
nie :
Ou plutôt leur hymen me servira de loi ;
S'il s'achève, il suffit
(Act. Il, se. I, 129.)
Achevé, Achevée. Part, passé du v. achever.
Achevé, en parhint dos personnes, se ditloujours
on mauvaise part : C'est un f'U achevé, un sut
achevé, un scélérat achevé. {Dict. de l'Acad.)
Mais en parlant des choses, il se prend toujours
en bonne part : Un ouvrage aclievé, une leaute
2i
ACT
acherée. (Idem.) Dans la dernière édition de son
Dictiunnaire , l'Académie répète ces exemjjles,
mais elle n'établit point celte distinction.
Acier. Siibst. m. le Dictionnaire de l'.Jca-
démie n'indique point l'emploi de c« mol au fi-
tfurc. Racine a dit dans Athalie :
J'ai senti tout à coup un homicide acier,
Que le traître en mon sein a plongé tout entier.
(.^cl. II, se. V, 5i.l
Je Décrois pas qu'un puisse l'employer ainsi, si
ce n'est en vers ou en prose iwétique.
AcQCÉREiT.. Subst. m. Le c ne se protioncc
point. Richelet met acqucreuse au fcminin. I.'A-
cadémie ne le met point. Cependant ce mot est
quelquefois nécessaire.
Acquérir. V. a. et irrég. de la 2' conj. Le c
ne se prononce point.
Indicatif. — A-esen<. J'acquiers, tu acquiers,
il acquiert; nous acquérons, vous acquérez, ils
• cquiérent. — Imparfait. J'acquérais, tu acqué-
ais, il acquérait; nous acquérions, vous acqué-
riez, ils acquéraient. — Pai^e simple. J'acquis, tu
acquis, il acquit; nous acquîmes, vous acquîtes,
ils acquirent. — Futur. J'acquerrai, etc.
Conditionnel. — J'acquerrais, etc.; nous ac-
querrions, etc.
Impératif. — Acquiers, qu'il acquière ; acqué-
rons, etc.
Subjonctif. — Présent Que j'acquière, que tu
acquières, qu'il acquière; que nous acquérions,
que vous acquériez, qu'ils acquièrent. — Impar-
fait. Que j'acquisse, que tu acquisses, qu'il ac-
quit: que nous acquissions, etc.
Participe. — Présent. Acquérant. — Passé. Ac-
quis, acquise.
Il prend l'auxiliaire avoir dans les temps com-
|K>sés.
Accjuérir une chose à. . . : Louis XIV a acquis
plusieurs provinces à la France. Sa conduite lui
a acquis l'estime de tout le monde. — Acquérir
une chose de quelqu'un: J'ai acquis cette pièce
de terre de mon voisin.
* On n'acquiert que des choses avantageuses,
comme des richesses, de la gloire, de la réputa-
tion. Ainsi on ne dit pas, acquérir une mauvaise
réputation, ni acquérir une maladie.
Acquis. Subst. m. Le c ne se prononce point.
Voltaire a employé ce mot pour signifier l'in-
fluence que l'on a dans le monde par suite de .'«i
place, de son pouvoir, de son crédit, de ses ri-
chesses, de ses alliances, de sa réputation, etc.:
Il est vrai que cette justificatiiii aurait plus de
poids si elle était faite d'une main plus impor-
tante et plus respectée; mais plus on a d'aiCi\\i\?,
dans le monde, moins on sait défendre ses amis.
(Corresp ) Je crois que cette expression peut être
utile — I.lle est maintenant admise par l'Académie
(art. Acquitter.)
Acre. Adj. des deux genres. 11 ne se met qu'a-
près son subst. : Une bile acre, une humeur acre.
Acteur. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit actrice.
Actif, Active. Adj. Un mot est actif qn^nà il
exprime une action. Actif est opposé à passif.
L'agent fait l'action, le patient la reçoit. Le feu
brûle, le bois est brijlé; ainsi hrûle est un terme
actif, brûlé est passif.
Il y a des verbes actifs et des verbes passifs.
Les verbes actifs marquent que le sujet de la
proposition fait V^xclion, j'enseigne; le verbe pas-
sif, au contraire, marque (pic le sujet de la pro-
posiliou reçoit l'action, qu'il est le terific ou l'ob-
ACT
jet de l'action d'un autre, ^e suis enseigné, etc.
On dit que les verbes ont une voix active et
une voix passive; c'est-à-dire, qu'ils ont une
suite de terminaisons qui expriiiieiil un sens ac-
tif et une autre suite de désinences qui marquent
un sens passif. En français, les verl)es n'ont que
la voix active; et ce n'est (|ue p;ir une csi)èce de
périphrase, et non par une terminaison propre,
que nous exprimons le sens passif, je suis aimé,
je suis aimée.
Au lieu de dire voix active ou voix passive,
on dit à l'actif, au passif; et alors actif Qi pas-
sif ^C prennent substaniiveiiiont, ou bien onsous-
enlend sens. Tout verbe passif a nécessairement
un verbe actif; il faut excepter cieïr. On dit : Je
veuj; être déi, quoique l'on ne dise pas, j'obéi:
quelqu'un. La nature a fait les enfants pour
être aimés et secourus ; mais les a-t-elle faits
pour être obéis et craints? (J.-J. Rouss., Emile,
liv. II, tom. VI, p. 403.) Tout verbe actif a son
verbe passif. Avoir fait exception. On ne dit pas
en parlant de quelqu'un ou de quelque chose :
Il est eu, ou elle est eue. {Grammaire des Gram-
maires, p. 450.)
Tous les vcrl>es qui expriment une action ne
sont pas appelés pour cela actifs. Il faut, pour
qu'on leur donne ce nom, que l'effet de l'action
ait lieu hors du sujet. Par exemple, battre est un
verbe actif, parce que l'effet de l'action a lieu
hors du sujet; mais oZicr, venir, dormir, quoi-
qu'ils expriment des actions, ne sont point des
verbes actifs, mais des verbes neutres. Quelques
grammairiens appellent les premiers, verbesactifs
transitifs, parce que l'effet de l'action passe du
sujet à un objet ; et les seconds, verbes actifs in-
transitifs, parce que ce passage n'a pas lieu.
Voyez Uerbe.
Le mot actif ne se dit pas que des verbes. Il y
a aussi le sens actif cl le sens passif , le tour ac-
tif cl le ttur passif
Un mot est employé dans un sens ac/j/ quand
le sujet au(]uel il se rapporte est envisagé comme
le principe de l'action énoncée par ce mot ; il est
employé dans le sens passif, quand le sujet au-
quel il a rapport est considéré comme le terme
de l'impression produit* par l'action que ce mol
énonce. Les mots aide et secours sont pris dans
un sens actif, quand on dit mon aide ou mon se-
cours vous est inutile; car c'est comme si l'on
disait, l'aide ou le secours qu£Jc vcus d nnerais
vents est inutile. Mais ces méiiics mots sont pris
dans un sons passif si l'on dit, accoures d mon
aide, venez à mon secours; car alors ces mots
marquent l'aide ou le secours qu'on me donnera,
dont je suis le terme, et non jxis le principe. Cet
enfant se gâte, pour dire qu'il tache ses hardes,
est une phrase où les deux mots se gâte ont le
sens actif, parce que l'enfant auquel ils se rap-
portent est envisage comme principe de l'action
de gâter. Cette rbe se gâte est une autre phrase
où les deux mêmes mots ont le sens passif, parce
que la robe à latiuclie ils ont rapport est considé-
rée comme le terme de l'impression produite par
l'action de gâter. (Dumarsais et Bcauzée.)
Activement. Adv. 11 se dit, en grammaire, d'un
verbe neutre qui est pris dans une signification
active, ou de quelque autre mot qui est pris dans
un sens actif. Voyez Actif.
* Activer. V. a. de la i"conj. Mot nouveau
que l'usage a adopté, malgré les efforts de ceux
qui repoussent aveuglémenl tout ce qui est nou-
veau, raisonnable ou non.
Actuel, Actuelle. Adj. En prose, il se mel
ADJ
toujours après son subst. Etat actuel, paiement
actuel.
Actuellement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe. On juge actuellement son prvccs ; il de-
meure actuellement en tel endroit.
Addition. Subst. f. On fait sentir les deux d.
Additionnel, Additionnelle. Ad j. On fait sen-
tir les deux d. Cet adj. ne se met qu'apics son
subst. Centimes additionnels.
Additionner. V. a. de la 1'" conj. On fait sen-
tir les deux d.
Adhérent , .adhérente. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. ïl régit la prcj^sition à. Une
pierre adhérente à la vessie.
Adjacent, Adjacente. Adj. 11 suit toujours son
subst. Pays adjacent, lieux adjacents.
Adjectif. Adj. m. qui se prend aussi substan-
tivement. Terme de grammaire. Les noms ou
substantifs expriment des êtres réels ou des êtres
abstraits, et les représentent comme soutiens de
certaines qualités réunies. Ainsi, quand je pro-
nonce un nom, je désigne tout à la fois à ceux
qui mécoulent, et la réunion de ces qualités, et
l'être quelconque qui lui sert de soutien. Quand
je prononce le mot 7ja77i7«e, j'indique par ce nom
une substance, un soutien de certaines qualités
dont la réunion a donné occasion à la création de
ce nom. Mais si je veux développer cette idée,
exprimer une ou plusieurs des qualités de l'être
désigné par ce nom et indiquer que je le conçois
possédant cette qualité ou ces qualités, j'ai be-
soin de mots qui expriment ces qualités, et qui
les fassent connaître comme jointes à cet être. Par
exemple, si je veux parler d'un homme, et indi-
quer en même temps que je le conçois arec la
qualité que l'on nomme vertu, il faudra que j'em-
ploie un mot qui indique cette qualité comme
réunie au substantif homme ; ce sera le mot ver-
tueux, qui seul ne désigne qu'une idée vague et
indéterminée, et qui, joint à ce substantif, ajou-
tera à l'idée qu'il présente celle de toutes les qua-
lités comprises dans le mot vertu : Homme ver-
tueux. On dira de même, figure ronde, rose blan-
che, etc.
Si nous considérons les noms communs comme
pouvant exprimer des genres, des espèces ou des
individus, nous remarquerons qu'ils peuvent être
déterminés ou indéterminés. Vn nom est indé-
terminé lorsque, ne voulant ni le faire considé-
rer comme genre, ni le restreindre à une espèce
ou à un individu, on ne détermine rien sur l'é-
tendue de sa signification. Un mot est déterminé
lorsqu'il est employé pour désigner un genre,
une espèce ou un individu. Quand je dis une ac-
tion d'homme, je prends le nom homme indéter-
minément; car alors je ne veux parler ni de tous
les hommes en général, ni de telle classe d'hom-
mes, ni de tel homme en particulier. Mais si je
prends ce nom commun dans toute son étendue,
ou que je le restreigne à une classe subordonnée,
ou que je n'y attache qu'une idée individuelle,
j'ai besoin, pour exprimer ces différentes vues de
mon esprit, de nouveaux mots que j'ajouterai au
substantif Âoffime, pour déterminer l'étendue dans
laquelle je le considère. Par exemple, quand je
dis, l'homme est un animal raisonnahle , le mot
le indique que je vais prendre ce nom dans une
étendue déterminée. Quand je dis, tout homme,
le mot tout indique que je considère distributi-
vement les individus compris dans la classe indi-
quée par le mot homme. Enfin, quand je dis, tous
les hommes, j'indique par les mots tous les, que
ADJ
3S
je considère collectivement ces mêmes individu?.
De même si je dis, mon père, le mut mon res-
treint l'idée générale de père, aj point de la ren-
dre individuelle, c'esi-à-dirc, de ne l'applitiuor
qu'au seul individu qui m'a donné la vie. Cha-
que, plusieurs, un, deux, tr ii, premier, second,
servent de même à déterminer l'rtcnJue de la si-
gnification des substantifs auxquels on ks joint.
Un mot ([ue l'on ajouta ainsi aux noms pour
les modifier, soit en expliquant queliju'uno des
qualiiésde l'objet (|u'ils désignent, soit en déter-
minant le degré d'étendue souslcquid on les con-
çoit, se_ nomme adjectif, d'un mot la'.in qui veut
dire ajuter; et en effet, ces mots sont ajoutés
aux substantifs pour les modifier d'une ou d'au-
tre manière. Je disM?i inot, car ce n'est pas seu-
lement par les adjectifs que l'on modifie les noms;
on se sert aussi pour cela, ou d'une proposition
incidente, comme dans un homme que l'ambition
dévore; OU d'un autre nom qui est le terme de
linéique rapport, comme quand on dit, le livre
de Pierre, la loi de Moïse, etc. Quelques gram-
mairiens mettent les adjectifs au nombre des
noms, et les appellent novis adjectifs, pour les
distinguer des subslanlifs, qu'ils appellent noms
subitantifs. 11 paraît plus exact d'appeler sim-
plement noms, ou substantifs, ce qu'ils appellent
noms substantifs , et simplement adjectifs ce
qu'ils appellent noms adjectifs. Mais ces déno-
minations sont indifférentes, pourvu que l'on
comprenne bien les choses.
Si les idées des qualités (jue nous remarquons
dans les objets nous sont venues immédiatement
par les sens, nous appelons adjectifs physiques
les mots qui servent à les indiquer connue jointes
à ces objets ; et nous donnons le nom d'adjec-
tifs métaphysii/ucs aux mots qui modifient les
noms par 1 addition de quelque considération
particulière de notre esprit à leur égard. Ainsi, co-
loré, blanc, noir, rouge, bleu, etc., qui exprnnent
des qualités dont nous ac(iuérons la connaissance
par la vue ; doux, amer, ai^re, fade, etc., qui en
exi)riment que nous connaissons par le goût ;ru(/c,
p li, dur, mou, q\x\ en indi(]uent que nous con-
naissons par le tact, sont des adjectifs physiques.
Au contraire, le, la les, mon, ma, t> n, ta, votre,
VIS, deux, trois , premier, second, grand, petit,
différent, pareil, el un très-grand nombre d'au-
tres qui n'expriment que des considérations de
noire esprit, sont des adjectifs métaphysiques.
Parmi les adjectifs métaphysiques, il y en a
qui ne se mettent jamais que devant les noms;
tels sont le, la, les, que les grammairiens appel-
lent aussi articles, et adjectifs délerminalifs ; ce,
cet, celle, ces, que l'on :q>iielle adjectifs domon-
slratifs,ci que les anciens grammairiens appellent
pronoms démonstratifs : mon, ma, ?iios, ton, ta,
tes, son, sa, ses, notre, nos, votre, vos, leur, leurs,
auxquels on a donné le nom d'adjectifs posses-
sifs, au lieu de celui de projioms p sses^^ifs, que
leur avaient donné les anciens grammairiens.
Voyez article. Pronom. Tousi-es adjectifs pren-
nent en cénéral le nom d'adjectifs prépositifs,
ou seulement de prépositifs, parce (|u'ilsnc?e
mènent jamais que devant les noms 11 y en a
d'autres qui ne se mettent qu'après les noms.
Nous allons parler des uns et des autres.
Des adjectifs prépositifs le, la, \es,nommés au-
trement articles. — Les adjectifs prépositifs le,
la, les, ne signifient rien de physique ; ils sont
idenlifiés avec les noms devant lesquels on les
place, et annoncent que le mol qu'ils précédent
sera pris sous un point de vue particulier.
20
ADJ
Nous nous scn-ons de le devant les noms mas-
culins au singulier : le roi, le j'vr; <lc la, de-
vant les noms fcminins au singulier : la reine, la
femme ; et la lettre s, qui, scîun l'anaioeie de la
langue, marque le pluriel quand elle est ajoutée
au sinçidier, a formé les du sin;.'ulier le. Les sert
égaleuïent pour les deux genres : les hummcs, les
femmes.
Le, la, les, sont des prépositifs ou articles sim-
ples; mais ils entrent aussi en comjwsilion avec
la préposition à et avec la préposition de ; et alors
ils forment les quatre prépusilifs ou articles com-
posés, ati, aux, dti, des. Au est composé de la
proposition à, et de l'article /e;en sorte que au
est aillant qtio à le. C'est le son obscur de Ye
muet de l'iiriicle simple le, et le changement assez
commun en notre langue de Z en u, comme mal,
maux, citerai, chevaux, qui ont fait dire au, au
lieu de « le, ou de al, que l'on disait aulrefuis.
Ce n'est que quand les noms masculins com-
mencent par une consonne ou un h as|)iré que
l'on se sert de au au lieu de à le ; car si le nom
masculin commence par une voyelle, alors on ne
fait point de contraction ; la préposition à el l'ar-
ticle le demeurent chacun en leur entier. Ainsi,
quoiqu'on dise, le cœur, au cœur; le père, au
père; le plomb, au plomb, on dit l'esprit, à l'es-
prit; l'eu faut, fi l'enfant ; l'or, à l'or; l'argent,
à l'argent. Quand le substantif commence jiar
une voyelle, l'e muet de le solide avec celle
voyelle ; ainsi la raison qui a donne lieu 6 la con-
traction au ne subsiste plus. D'ailleurs il se fe-
rait un bâillement désagréable si Ton disait, au
esprit, au argent, au enfant, elc. Si le nom est
féminm, comme il n'y a point à'c muet dans le
prépositif Za, on ne peut plus en faire au; ainsi
l'on conserve alors la proposition et le prépositif,
la raison, à la raison ; la vertu, à la vertu. Aux
sert au phiriel pour les deux genres ; c'est une
contraction pour à les : Aux hommes, aux fem-
mes, aux rois, aux reines, pour à les hommes, à
les femmes, etc. Du est encore une contraction
pour de le. C'est le son obscur des deu>: e muets
de suite qui a amené la conlraction du. On a com-
mencé par dire dcl, et cnGn on a dit du. On dit
donc du bien, du mal, pour de le bien, de le mal;
et il en est de même de tous les noms (jui com-
mencent par une consonne; car si le nom com-
mence par une voyelle, ou qu'il soit du genre
féminin, alors on revient à la simplicité de la pré-
position ; ainsi l'on dit de l'esprit, de la vertu, de
la peine, elc.
iSarticlc, dit le Dictii.nnaire de l'Acudcmie,
est celle des parties du diseurs qui précède or-
dinairement les noms substantifs . D'ajjrès celte
définition, ce, cet, tout, quelque, nul, aucun,
deux, trois, mon, ton, son, sa, ses, leur, etc., se-
raient des articles ; el cependant l'Académie nous
dit ensuite que Ze est l'arlicle du nom masculin;
la, l'article du nom féminin, et les l'article plu-
riel du masculin et du féminin. Mais quelle est la
nature de l'article? qu'ajoutc-l-il aux noms aux-
quels il est ordinairement joint? C'est ce que l'A-
cadémie ne dit point.
L'article peut précéder tous les mois de la lan-
gue française qui sont substantifs ou pris subslan-
tivcmcnt. On dit le boire, la manger, les si, les
mais. Le (\\iG qui corn mence celte phrase fait un
mauvais effet; les deux qui rendent la phrase
louche. L'article s'ajoute même(|uelqueluisà une
phrase entière, comme quand on dit, le qu'en
dira-t-on ne m'effraie pas; être au-dessus du
qu'en dira-t-on.
ADJ
Ces exemples font voir que les grammairiens
qui ont dit que l'article est une particule ajou-
tée à un mot piur marquer de quel genre il est
[Dictionnaires de Féraud, Jiegnicr, ftestaud),
n'ont pas mieux réussi; car si, niai.-,, que, qui,
etc., n'ayant point de genre, l'article i;e peutélre
ajuulé à ces mots pour marquer de quel genre
ils sont; il faut donc que cette addition soit" faite
pour indiquer quelque autre chose.
Si je consulte les nouveaux grammairiens sur
la nature de l'article, je n'obtiens guère plus de
lumières. Id on me dit que les articles sont des
adjectifs qui modifient leurs substantifs, et les
fnt prendre dans une acception partieulière, in-
diciduelle et personnelle [Dumarsais] ; la on m'en-
J seigne que l'article est un adjectif qui détermine
l un nom à cire pris dans trute s^n étendue, ou qui
\ concourt à la restreiiulre (C/jndillac). Sur la pre-
j mière définition j'observe qu'elle ne convient pas
plus à l'article qu'aux adjectifs ce, cette, ces, no-
1 tre, votre, vos, un, etc. Quand je dis un homme,
le mut un modifie lesubstanlil h^mme, et le fait
prendre dans une acception particulière, indivi-
duelle et |>ersonnelle. Sur la seconde délinition je
dis, d", qu'elle supjiose que l'article ne se met que
devant les noms communs; et l'on vient de voir
qu'il se joint à toutes sortes de mots, et même à
des phrases entières. Quand on dit, le qu'en dira-
t-on ne l'inquiète guère, l'article ([ui est en tête
de cette phrase ne sert assurément ni à faire
prendre un nom daiistoule son étendue, ni à con-
courir à la restreindre.
En second lieu, il n'est pas exact de dire que
l'article mis devant un nom commun détermine
ce nom à cire pris dans toute son étendue ou con-
court à Lt reslreiiulre. Si je dis l'htrmme, et que
je n'achève pas la phrase, il est impossible de de-
viner si le mot homme sera pris dans to«le son
étendue, ou dans une étendue restreinte. Donc
l'article/e n'indi(iueni l'une nirautre. Apn'savoir
dit l'homme, je puis ajouter est un animal rai-
sonnable, ou, vertueux, jouit de la paix du cœjir,
ou, dont vous m'avez parlé; dans la première
phrase, le mot homme sera pris dans toute son
étendue; dans la seconde, dans une étendue res-
treinte à une certaine classe d'hommes; el dans la
troisième, restreinte à un individu. Mais cette
différence d'étendue n'est inditiuce dans la pre-
iiiière que parce que je n'ai ajouté au mot hoimue
aucun autre moi ipii restreigne l'étendue de sa
signilication, ei. d?iA<: Ws d»vix aM^»"v<; par<?e qwe
j'ai ajouté des mots qui n-streignent celte signili-
cation. L'arlicle le ne détermine donc par lui-
même aucune des trois espèces d'étendues du mot
hoînme, puisque seul il ne sert point à les faire
connaître, et qu'il se joint également au nom,
quelle que soil l'étendue de sa signification. Dans
ces trois cas, l'article se prête aux trois sens, an-
nonce que le nom sera pris dans l'un ou dans
l'autre, mais n'en détermine aucun.
L'article est un mot qui, mis devant un autre
mot, annoncequece dernier, susceptible de diver-
ses acceptions grammaticales, est considéré dans
la phrase comule un substantif dont la significa-
tion peut avoir divers degrés d'étendue, et que
cette étendue y est déterininée, soil par des c'ir-
constanccs connues, soit par le mol même sans
naodification, soit par des modifications qui la
restreignent.
Le nïot 7î<epeut être pris matériellement comme
dans, que est composé de trois lettres, que est une
conjonction. Dans ces deux propositions, que,
considéré comme substantif puisqu'il est le sujet.
ADJ
indique un signe individuel, et rentre en qiicliiue
sorte dans la classe des noms propres; ce qui iail
qu'il n'('>l pas nécessaire de le faire précéder de
l'article. On dit, que est inie conjonction, comme
on dit Pierre est un homme.
Mais si, considérant toujours qvc comme l- nom
propre d'un signe grammatical, je regarde ce si-
gne comme pouvant être répété, et par consé-
quent prononcé, employé, placé difrércmment,
selon des circonstances dilïcrenles, el que je
veuille inditiucr un ou plusieurs de ces que rela-
tivcnent à l'une ou à l'autre de ces circonstances,
il faudra que je le fasse précéder de l'article,
1° \v ur marquer (jue je regarde ce mot conune
poui jnt avoir divers degrés d'étendue; 2" pour
annc iccr que celle étendue sera déterminée dans
la ph MSC. Ainsi je dirai, les deux que., le que rend
la p\ rase louche, etc. ; comme je dirais les deux
Piet'cs, dans une famille où il y aurait deux
boni: nés de ce nom ; ou le Pierre qvc vous m'avez
envojé n'est pas celui dont j'avais besoin.
Lt mol vrai peut être pris adjectivement : une
noutelle vraie, un homme vrai; ou adverbiale-
ment : parler vrai; ou substantivement : le vrai.
Quand je le prends dans ce dernier sens, je le fais
précéder de l'article, pour annoncer qu'il est con-
sidéré dans la phrase comme un substantif dont
la signiflcation peut avoir divers degrés d'éten-
due, cl que cette étendue y est déterminée, soit
par des circonstances connues : voilà le vrai; soit
par le mol mc-mo sans modification : le vrai est
aimable; soit par des modilications (jui en res-
treignent l'étendue : le vrai, daris la bouche d'un
mÊnteur, n'obtient pas toujours croyance.
Alexandre est un nom propre bien déterminé,
quand on parle du roi de Macédoine qui portail
ce uoin, ou, dans une l'aniille ou une société, d'un
homme que ceux à qui l'on parle appellent ordi-
nairement ainsi. Je dirai donc sans article ,
Alexandre est un grand conquérant ; Alexandre
m'a dit que vous vouliez me parler. Mais si, ti-
rant ce mot de cette signification individuelle, je
veux le rendre commun à plusieurs individus, el
ne parler que d'un ou de quel(}ues-uus d'entre
eux, il est nécessaire alors que je mette l'article
devant ce mot, pour indiquer cette double vue de
mon esprit. Je dirai donc, l' Alexandre dont vous
me parlez n'est pas celui que je connais. On ap-
pelait Charles XIII' Alexandre du Nord.
la dctlnilion (jue nous avons donnée de l'ar-
ticle peut s'expliquer aussi par l'emploi de ce pré-
positif devant les noms que les grammairiens
appellent co/rt7«M?is ou appellatifs. Le mot homme,
par exemple , peut cire pris matériellement :
hoinme finit par unGmuet, ou comme signe in-
dividuel grammatical : homme est u?i substantif;
ou adjectivement : vous n'êtes pas }io7n»ie ; ou ad-
verbialement : ar/ir en homme; ou enfln substanti-
vement : un hovniic. Mais le mot homme pris sub-
stantivement peut être pris ou dans un sens
déierminé, comme dans un lumime, tout homme,
cet himiinc, quelque homme, mon homme, leur
homme ; ou présenté seulement comme suscep-
tible de divers degrés d'étendue, et comme de-
vant être déterminé dans la phrase. C'est dans ce
dernier cas seulement, et pour indiquer celle
double vue de l'esprit, que le mot homme doit
être précédé de l'article. Quand je dis l'homme,
l'article annonce un substantif de cette nature, et
je suspends mon jugement sur l'étendue de la si-
gnlGcation de ce niot, jusqu'à ce que la suite
m'ait appris si elle est ou non restreinte par quel-
que modificatif. Si le mot homme n'a point de
ADJ 2:
miKlificalif, je comprends (ju'il est pris dans toute
sou étendue : l'homme est un animal. S'il a un
modilicatif, comme dans {'homme vortueuj:, je
vois que l'étendue de sa siirnilicalion est res-
trcinle à une certaine classe d'hommes, c'est-n-
dire, à ceux qui sont vertueux. Si cnBn on dit,
l'homme qui vous parle, je juçe qui' la siirnilica-
tion de ce mot est restreinte a'un s-'ul individu.
Quelquefois l'étendue de la signification du
nom est reslrcinte par les circonstances, cl alors
le nom sans modilicatif est entendu avec la res-
triction qu'indiquent ces circonstances, .\insi
quand on dit, étant à table, donncz-^noi le pain,
avancez-vici la salière, ou dans un état monar-
chique, le roi a dit, les circonstances font assez
comiH'cndre (pi'il est (piestion du pain, ou delà
salière qui est sur la table, du roi qui régne dans
ce pays.
Cette propriété de l'article de désigner l'accep-
tion grammaticale d'un mol, cl d'annoncer l'éten-
due de sa signification, tient au caractère de la
langue française, (]ui, exigeant partout la plus
grande clarté, veut ipie les princii)ales parties du
discours soient rapprochées el liées autant qu'il
est possible, et que les mots qui en sont les si-
gnes soient déterminés par eux-mêmes, ou précé-
dés d'autres mots qui les déterminent, ou qui an-
noncent du moins sous quel point de vue ils vont
être déterminés.
Puisque l'article sert à indiquer qu'un mol est
considéré comme un substantif dont la significa-
tion est susceptible de divers degrés d'étendue,
et que cette étendue sera déterminée dans la
phrase, il est inutile d'ajouter l'article à un nom
précédé d'un mol qui détermine déjà cette éten-
due. Ainsi je ne mettrai point d'article à homme,
lorsipi'il sera précédé des mots un , deux ,
trois, etc., parce que ces mots déterminent l'é-
tendue de sa signification ; el par la même raison,
je n'en mettrai point aux noms qui seront précè-
de^ des prépositifs ce, cet, cette, ces ; mon, ton,
son; votre, notre, quelque, nul, aucun, tnit dans
le sens de chaque, etc. ijuand je dis toute la ville
en parle, toute la honte rcto?nbcra sur vous, je
dois mettre l'article, parce qu'il ne s'agit point de
toute ville, ni de toute honte, ce qii'indi(iuerail le
mot /oM/f" sans article, mais d'une ville particu-
lière, d'une honte particulière, déterminées par
lescirconstanccs. De même on dit tous les hommes
avec l'article, parce que le nom pluriel hommes
indique une classe (findividus qui peut être prise
dans toute son étendue, ou seulement dans une
partie de son étendue, ce qui n'est pas déterminé
par le mol tous, et doit par conséquent être an-
noncé j)ar l'arliclc les.
L'article et les autres prépositifs ne sont pas
le> seuls mots qui déterminent un nom commun
à être pris substantivement; le verbe actif et [ilu-
sieurs prépositions font le même effet à l'égard
de leur compiément immédiat, lorsque ce complé-
ment est pris dans un sens général et indétermi-
né, et que par conséquent il n'exige point l'article,
qui annonce toujours un sens déicnniné. Par
exemple, dans avoir peur, le verbe otva'r indique
assez quele molpei/r est pris substantivement;
mais ce mot étant pris dans un sons général et in-
déterminé, ne doit point être précédé de l'article,
qui annoncerait une sicnification susceptible de
divers degrés d'étendue, el une détermination de
cette étendue. Si au contraire cette étendue de-
vait être df'ierminée, l'article serait nécessaire
pour annoncer cette détermination ; ainsi l'on di-
S8
ADJ
rail, par exemple, il avait la peur qu'inxp ire une
mauvaise conscience.
Il arrive souvcnl en français (|ne les substantifs
sont pris ainsi, après certains verbes, dans un sens
général et indéterminé. C'est ainsi que l'on dit :
Avoir /ai7/j, soif, dessein, liante, coutume, pi-
tié, compassion, froid, chaud, patience, envie,
besoin, etc.
Donner envie, occasion, prise, place, rang,
séance, leçon, avis, caution, quittance, atteinte,
cours, permission, congé, assurance, croyance,
parole, ordre, conseil, avis, exemple, audien-
ce, etc.
Entendre raison, raillerie, malice, vêpres, etc.
Yaire profession, métier, tort, préjudice, don,
offre, défense, grâce, vendange, chemin, accueil,
honneur, peur, plaisir, choix, provision, sém-
illant, route, banqueroute, faillite, front, face,
difficulté, etc.
Gagner pays, chemin.
Mettre fin, ordre.
Parler français, allemand, raison, bon
sens, etc.
Porter bateau, chape, envie, témoignage, bon-
heur, malheur, clc,
Prendre parti, femme, possession, médecine,
congé, pied, part, haleine, feu, plaisir, patience,
pitié, langue, garde, prétexte, occasion, date,
acte, avantage, faveur, fin,juur, leçon, etc.
Rendre service, amour paiir amour, visite,
gorge, etc.
Savoir lire, chanter, vivre, etc.
Ttmt parole , etc.
Remarquons en passant que, quoi qu'en disent
plusieurs grammairiens, l'article n'est pas tou-
jours nécessaire pour changer en substantif un
mot qui ne l'est pas par lui-même, et que le verbe
actif fait le même effet à l'égard d'un adjectif ou
d'un verbe qui est son complément immédiat.
Daps avoir chaud, avoir froid, le verbe avoir in-
dique, sans le secours de l'article, que les ad-
jectifs chaud et /roirfsont pris substantivement;
et dans savoir lire, savoir chanter, savoir vivre,
le verbe savoir indique la même chose à l'égard
des infinitifs lire, chanter, vivre.
Ce que nous venons de dire des verbes actifs
peut se dire des prépositions qui exigent un ré-
gime direct. Si ce régime est pris dans un sens
général et sans détermination d'étendue de signi-
fication, la préposition indique assez que le mot
est pris substantivement, et l'absence de déter-
mination de l'étendue de la signification rend
l'article inutile. On dira donc avec prudence,
sans pitié, parler avec esprit, avec grâce, avec
facilité. -Mais si l'étendue de la signification du
mot qui sert de complément est déterminée, l'ar-
ticle est nécessaire pour annoncer cette détermi-
nation ; et on dira, il parle avec la prudence d'un
vieillard; sans la pitié, l'homme serait mm ani-
mal féroce; il se co?iduitparle sentiment le plus
pur, etc
C'est surtout après la préposition de que l'em-
ploi de l'article offre le plus de difficultés. Exa-
minons les principaux emplois de cette préposi-
tion, et a|)pliquons-y les principes que nous
venons d'établir.
La préposition de marque le lieu d'où l'on
vient, il vient de Home, de Paris. Ici il ne faut
point d'article, parce que les noms propres Âome,
Paris, offrent des idées individuelles qui ne sont
pas présentées comme susceptibles de divers de-
grés d'étendue. Il faudrait l'article si le complé-
ment de la préposition, présenté comme suscep-
ADJ
tible de divers degrés d'étendue, devait être dé-
terminé dans la phrase, comme dans, après avoir
pai'lé de l'ancienne Rome; il vient des provinces
méridionales.
De marque par analogie tout terme d'où une
chose commence. Travailler du matin au soir,
du commencement à la fin, d'un bout à l'autre.
Ces phrases offrant deux termes précis, les mots
qui les expriment doivent être déterminés ; et c'est
l'article qui indique cette détermination. Mais on
diiait sans article, parcourir la ville de bout en
bout, parce que le substantif bout qui suit le de
n'est pas déterminé, et qu'il ne signifie pas plus un
bout que l'autre.
JDe marque un rapport d'appartenance ; Le pa-
lais du roi, les mouvements du corps, les facul-
tés de l'âme, le livre de Pierre. l)ans les trois
premiers exemples l'article est nécessaire, parce
que ces mots roi, corps, âme, sont des substantifs
dont la signification est susceptible de divers de-
grés d'étendue, degrés qui sont déterminés dans
la phrase; dans le troisième, il ne faut point d'ar-
ticle, parce que le substantif est un nom propre.
De marque des rapports de dépendance : les ta-
bleaux de Raphaël, sans article, à cause du nom
propre; les tableaux des peintres d'Italie, avec
l'article, parce que l'étendue de la signification
du mot pewj^reest déterminée. Saluer de la main,
vase d'or, un vase de l'or le plus pur, un homme
d'esprit, de sens, de cœur, vu homme de l'esprit
le plus fin, être accablé de douleur, être acca-
blé de la douleur la plus vive. On voit dans tous
ces exemples que le substantif est mis sans article
lorsqu'il est indéterminé; qu'il est précédé de
l'article, lorsqu'il est déterminé.
De s'emploie pour indiquer une partie venant
d'un tout. Avoir de l'esprit, c't^t avoir une par-
tic de ce qu'on nomme esprit. Donnez-moi du
pain, c'est donnez-moi une partie du pain ; et
dans ces phrases il faut mettre l'article, parce
que esprit et pain sont pris dans un sens déter-
miné. C'est ainsi que l'on dit aussi, de l'eau, du
pain et des légumes me suffiront ; des philosophes
ont cru que le monde est éternel; cet arbre porte
des fruits excellcTits ; j'ai commis des fautes
légères.
Il en est autrement lorsque le substantif est
précédé d'un adj^'ctif; alors on ne met point l'ar-
ticle, comme dans d'excellents fruits, de légères
fautes. La raison en est sensible. Quand je dis,
par exemple, cet arbre porte, l'esprit attend pour
complément du verbe un mot qui indique un ob^
jet déterminé; et dans le génie de la langue fran-
çaise, cette détermination doit être annoncée avant
que le mot paraisse. Or, elle ne peut l'être que
par un ])répositif ou un adjectif. Dans cet arbre
porte des fruits excellents, la détermination du
mot fruits csl annoncée par l'article; mais si le
mot fruit est précédé d'un adjectif qui le déter-
mine, l'article employé pour annoncer cette dé-
teriTiinalion devient inutile. La nature du verbe
indique que le complément doit être un substan-
tif, l'adjectif détermine le substantif; la double
fonction de l'article est remplie. Il faut donc dire,
cet arbre porte d'excellents fruits, et non porte
des excellents fruits. Dans ces deux exemples, le
mot fruit est annoncé comme déterminé dans
son étendue; dans le premier, par l'article les
syncopés avec la préposition de; dans le second,
par l'adjectif excellents.
On dit les ouvrages de Cicéron sont pleins d'i-
dées saines; nos conjiaissances doivent être tirées
de principes évidents ; et il a des idées saines.
ADJ
il avance des principes évidents. Pourquoi ne
met-On pas l'arlicle dans les deux premiers exem-
ples, el le met-on dans les derniers? Dans les pre-
miers, les mots idées et principes sont (l<'tprmi-
nés par les adjectifs; celte détermination devait
donc être annoncée par l'article.
L'article annonce que le mot sera déterminé
dans la phrase; mais il n'a pas par lui-même la
force de rendre la détermination nécessaire. Cette
nécessité de la détermination se tire de l'idée
même que l'on veut ex[)iinior, et particulièrement
du sens du verbe. Quand je dis, cet homme a des
idées saines, la détermination du mot idées est
nécessitée par le verbe a ; car un homme ne peut
avoir que des idées déterminées, cl je veux indi-
quer les idées qu'il a réellement; de sorte ijuc le
mot idées ne peut, après ce verbe, être pris dans
un sens général et indéterminé. I.a nature du
verbe exige donc ici la détermination, et la déter-
mination "exige l'article, ou tout autre mot qui
détermine en effet ; cet homme a des idées saines,
ou cet homme a de saines idées. ."Mais quand on
dit les ouvrages de Cicéron snnt pleins d'idées,
l'adjectifjjZetn n'exige pas la détermination du
mot idées; car les ouvrages d'un auteur peuvent
être pleins d'idées de plusieurs espèces et de plu-
sieurs sortes, et l'adjectif ^Zein ne suppose pas
que j'ai dans l'esprit d'indiquer les unes plutôt
que les autres; rien n'exige donc la détermina-
tion. Quand même on ajouterait l'adjectif «aùie*
au mot idées, l'indétermination ne resterait pas
moins ; elle ne ferait que changer d'étendue. Dans
le premier cas, il s'agirait de toute la classe des
idées prises indéterminément ; dans le second, de
toute la classe des idées saines prises aussi indé-
terminément; car il y a diverses sortes d'idées
saines. L'indétermination disparaîtrait si l'on di-
sait les saines idées, ou les idées saines qui sont
dans les ouvrages de Cicéron, ou bien il y a des
idées saines dans les ouvrages de Cicércn, parce
qu'il s'agira't alors des idées déterminées qui
existent individuellement dans les ouvraacs de cet
orateur.
On peut appliquer les mêmes principes aux
exemples suivants : Nos conriaissances doivent
être tirées de principes évidents; il avance des
principes évidents. Dans le premier, rien n'exige
la détermination des mots principes évidents; il
y a diverses sortes de principes évidents, et je
n'ai pas dessein d'indiquer l'une plutôt que l'au-
tre. Dans lesecond, au contraire, le verbe avance
exige la détennination de son complément ; car
on n'avance que des choses réelles, positives, in-
dividuelles. Ainsi l'article est nécessaire dans cet
exemple, et il serait superflu dans le premier.
Les grammairiens donnent comme une règle
générale qu'après de pris dans un sens partitif, il
faut supprimer l'article toutes les fois que le nom
est précédé d'un adjectif. Cette règle induit quel-
quefois en erreur ceux qui ne savent pas distin-
guer si le d£ est réellement partitif, ou s'il n'ex-
prime qu'un simple rapport d'appartenance ou de
dépendance. On dit Lien dans le sens partitif, il
y a d'anciens philusiphes qui prétendent que
ce qui veut dire, parmi les anciens philosophes
il y en a qui prétendent que ; mais on dit
avec l'article, les ouvrages, les opinions des an-
ciens philiisophes, parce que, dans ces phrases, de
n'est pas pris dans un sens partitif, puisque le
substantif modifié par l'adjectif n'indique pas une
partie des individus de la classe qu'il exprime,
mais tous les individus de cette classe. Les ou-
vrages des anciens philosriphes ne sont pas les
ADJ
29
ouvrages de (juclques anciens philosophes, mais
les ouvrages de tous les anciens philosojjhes.
Cette règle n'admet point d'exception ptiur le
pluriel, parce que le pluriel indiquant plusieurs
individus, quelle que soit la construction, le sens
partitif se fait toujours remarquer. Que je dise
j'ai mangé des fruits excellents, ou j'ai mangé
d'excellents fruits, le sens est toujours, j'ui man-
gé quelques-uns des fruits excellents, ou quel-
ques-uns des excellents fruits.
Il n'en est pas de même au singulier. Quand je
dis, il a d'excellent vin, je veux dire qu'il a du
vin tiré de la classe des vins excellents, qu'il a du
vin de l'excellente sorte, (.'est un sens général
de sorte, et l'adjectif excellent déterminant as-
sez cette classe, l'article est inutile. Mais si je
veux faire tomber l'idée d'excellence, non sur la
classe, mais sur le vin même qui existe dans la
cave de celui dont je jjarle, l'article est nécessaire
pour indiquer cette vue de l'esprit. Je dirai donc
il a de l'excellent vin, pour signifier, il a une
partie excellente de ce qu'on Udnune vin. Dans le
premier exemple, le partitif tombe sur la sorte,
une partie de la sorte de vins que l'on nomme
excellents ; dans le second, il tombe sur vin, une
partie excellente de ce qu'on api)elle vin. L'article
mis devant l'adjectif annonce (jue cet adjectif est
identifié avec le substantif qui le suit; il annonce
que cet adjectif ne dort point être pris dans un
sens général de sorte, mais a[)pliqué individuelle-
ment au vin déterminé dont il s'agit. Je dirai à
un restaurateur, donnez-nous de bon vin, si mon
esprit n'a pas précisément en vue le vin qu'il a
réellement dans sa cave, mais en général la classe
des bons vins. Mais si j'ai intention de parler des
différentes sortes de vins qu'il a réellemeiit dans
sa cave, je lui dirai, donnez-ncus du h m vin; ci,
lorsfjuc le vin sera sur la table, et que je l'aurai
goûté, je dirai voilà du him vin, el mm voilà de
bon vin. C'est parla même raison qu'on dit voilà
de la b nnc philisrphic, viHù de la vraie poésie.
Cotte doctrine est si vraie que, dans le sens né-
gatif, c'est-à-dire qui exclut la chose signifiée par
le substantif, on ne met jamais l'arlicle. Ce can-
ton ne produit pas de bon vin, il n'y a pas de
de bonne eau dans cette ville, il n'y avait pas au-
jiurd'hui de bm blé au marché Mais on dirait au
contraire dans le sens positif, il y avait aujour-
d'hui du bon blé au marché, j'ai acheté du bm blé,
il y a actuellement de la bonne eau dans cette
ville.
On dit du bon papier, lorsque, ayant en vue du
papier réellement existant, on veut faire tomber
le sens partitif sur ce papier, et non sur la sorte
exprimée par ion. Si je n'ai pas de bon papier, je
dirai, j'rti besoin de bon papier; mais si'j'ai chez
moi différentes sortes de papiers, et que je veuille
einpiover de celui qui est bon, je dirai, donnez-
moi dit bon papier. Je dirai à un marchand chez
qui je veux acheter du papier, donnes-moi de
bon papier, ou donnez -moi du bon papier, selon
que je prendrai le mo{ papier dans un sens gé-
néral de sorte, ou dans un sens déterminé.
Des adjectifs démonstratifs. — Condillac ap-
pelle avec raison adjectifs démonstratifs les mots
auxquels les anciens crammairiens ont donne le
nom de pronoms démonstratifs. Ces mots sont, ce,
cet cette, ces; celui-ci, celui-là, cen.cela 11 les
appelle adjectifs, parce «luils modifient le nom
devant le(iuel ils sont placés, en dclermin;int 1 é-
leiiduedesa signification; démonstratifs, parce
qu'ils déterminent cette étendue en montrant,
pour ainsi dire, les objets Dans cet homme, 1 ad-
'iO
ADJ
jeclif cet (Iclcrmine retendue de la signilicalion
du mot homme, en la restreignant à un seul indi-
vidu de rcsiH'L'c humaine, qu'il indi(]ue comme
présent aux yeux ou â l'esprit, pane (ju'on vient
d'en p.irler. uii tiuc l'on va en parler. 11 en est de
m<?me lorsqu'on dit ce héros, ce livre, cette mai-
son, ces enfants.
Ces sortes d'adjci-tifs rendent l'ariirle inutile;
car l'article sert a annoncer «lUC l'élendiie de la
signilication du nom sera déterminée dans la
phrase, et l'adjectif démonstratif la détermine en
effet avant ipie le nom soit énoncé.
Quelquefois (in ajoute à ces adjectifs les parti-
cules ri et /«, pour servir à une distinction plus
précise. Ti avertit que les objets sont préseuls ou
plus prochains; là, qu'ils sont absents ou plus
éloignés. Cet homme-ci, cet homme-là; dans ce
temps-ci, dans ce temps-là.
Ci ne s'emploie qu'à la suite d'un nom ; là s'em-
ploie aussi seul, et alors c'est une expression el-
lipticiue. // est là, suppléez dans ce lieu ; il vient
de là; suppléez de ce lieu ; là est toujours un ad-
jectif démonstratif qui détermine le mot lieu, car
c'est comme s'il y avait : // est dans ce lieu-là, il
vient de ce lieu-là.
On a ajouté ci cl là à ce, et on a fait ceci, cela,
qui sont encore deux expressions elliptiques, oii
l'esprit sous-enlend une idée vague, un nom tel
qn'ihjet, être, ou tout autre. Donnez-moi ceci,
Honnez-moi cela, c'est donne z-moi cette chose-ci,
donnez-vioi cet objet-là; cl les mots cette et là
conservent toujours leur caractère d'adjectifs dé-
monstratifs.
L'eili[)se a lieu encore lorsque nous joignons ce
au verbe est. J'aime Molière, c'est le vieilleur
comique; c'est-à-dire, ce Molière est le meilleur
comique ; où Von voit que ce n'est pas substitué
au nom de Molière, mais qu'il sert à déterminer
d'une manière démonstrative ce nom sous-en-
tendu. Cest une chose merveilleuse que de l'en-
tendre. Ici il n'y a point (rdlipsc : car de l'en-
tendre est le nom que modifie l'adjectif ce; et le
sens est ce de l'entendre est une chose merveil-
leuse. Mais il y a ellipse ilans la phrase suivante,
■prenez garde à ce que vous dites; car l'esprit
ajoute à ce l'idée de discours ou de propos, et
c'est comme si l'on disait prenez garde à ces cho-
ses qiie vous dites, à ces pnpos que vous tenez.
Cejoinlau vcrhc être lixo i)lus parliculièrement
l'attention sur le substantif qui suit; dans c'e*^
toi qui as commis ce crime, ce fixe plus particu-
lièrement l'attention sur le criminel, que si l'on
disait, tti as commis ce crime. Dans la i)remiôre
phrase, le mot ce au commencement, éveille d'a-
bord l'attention, et chaque mot qui suit la satis-
fait successivcmont; dans la seconde, tu as indi-
que quelque chose de vague (pii peut avoir rap-
port à mille ciio'-es diverses ou indifférentes, uu
de peu d'importance. Ce fut Sijlla qui montra le
vremier que la rrpuhli'jue pouvait perdre sa li-
berté, indi(|ue, d'une manière plus sensible, Sy lia
comme le [ircmier auteur de la tyrannie, que si
l'on disait, Si/lla fut le premier Ce fut fixe
l'attention sur Sylla et le montre au doigl, pour
ainsi dire; au lieu (ju'en disant Sylla fit, on ne
fait que le nommer.
On dit indifféremment, c'est eux, ce sont eux,
c'esicUcs, et sont tllcs. .Maisavec les pronoms de
'a première personne et de la seconde, on ne peut
employer que le singulier : c'est vous, c'est nous,
c'est moi.
Dans ces phrases, le sujet du verbe est une
idée vague que montre l'adjectif ce, et que la
ADJ
suite du discours détermine. Si l'esprit se porte
sur cette idée, nous disons au singulier, c'est
eux, c'est nous; et nous disons au pluriel, ce sont
eux, si l'esprit se porte sur le nom qui suit le
verbe.
l'usage a donné ici le choix des tours, et il
I)Cut,àson gré, rejeter quelquefois l'un des deux.
i:"cst ce qu'il fait lorsipie le nom est à la première
uu à la seconde personne ; car il ne permet j.imais
de dire ce sont nous, ce sont vous. Il nie semble
que cette exception est fondée sur ce que les
mots nous et vous se disent tantôt pour exprimer
un singulier, et tantôt pour exprimer un pluriel.
La règle générale n'affectant ce sont qu'au seul
nombre pluriel, ces mots se seraient trouvés dé-
placés devant nous et vous signifiant un singu-
lier; et l'on ne pouvait pas plus dire en parlant à
une seule personne, ce so/ii vous quiavez dit cela,
qu'on ne pouvait dire ce so?it lui que j'ai vu. Il
a donc paru jilus simple d'employer devant les
noms nous et vous pris soit au singulier soit au
pluriel, le mot c'est, (]ui,dans la régie générale,
précède également bien le singulier et le pluriel.
L'usage veut aussi que, lorsqu'on parle au
passé, on mette le verbe au pluriel devant un
nom plurifil, et qu'on dise, ce furent {t:t non ce
fut) les Phéniciens qui inventèrent l'art dé-
crire ; quoiqu'on puisse dire au présent, c'est
les Phéniciens qui oit inventé l'art d'écrire. 11
est évident que, dans la première phrase, le plu-
riel est plus convenable, parce que l'attention se
porte plus'parliculièrement sur le nom qui est au
pluriel; et Condillac, qui dit que le singulier ne
serait pas une faute dans la seconde, convient ce-
pendant (ju'il pourrait être mieux de dire, ce sont
les Phéniciens, etc.
Celui, celle, ceux, celles, sont aussi des ad-
jectifs démonstratifs, mais qui s'emploient sans
nom, quand le nom est déjà connu auparavant,
et toujours en concordance avec ce nom sous-en-
tendu. Ainsi, après avoir parlé de livres, on dit,
celui que j'ai publié, ceux que j'ai consultés ; et
après avoir parlé de conditions, celle que j'ai
subie, celles que j'ai pr( posées. 11 est clair, dans
tous ces exemples, que celui et ceux se rappor-
tent mentalement à l'idée de livre, et que celle et
celles se rapportent à l'idée de condition; qu'ils
ont une concordance réelle avec ces noms, quoi-
que sous-entendus; et que les mômes mots celui,
ceux, celle, celles, d;\ns d'autres phnises, pour-
raient se rapporter à d'autres noms, ce qui carac-
térise bien la nature de l'adjectif. Si l'on se sert
de celui avant que d'avoir présenté aucun nom.
comme celui qui ment offense Dieu, ou ceux qui
mentent offensent Dieu, la proposition incidente
qui suit c.^t déterminativc et relative à la nature
de l'homme, et le nom homme est ici sous-en-
tendu.
A ces adjectifs on a ajouté ci et U; et on a Hiii
celui-ci, cehdlà, etc. C'est le même adjectif al-
longé des particules ci et là, pour servir à une
distinction plus précise. Ci avertit (]uo les objets
sont jiréscnts ou plus prochains; là, qu'ils sont
absents ou plus éloignés, frayez ces adjectifs à
leurs places.
Des adjectifs possessifs. — On appelle ad-
jectifs possessifs ceux (]\i\ déterminent un nom
avec un ra|)portde propriété; c'est ce que le com-
mun des grammairiens appellent j3rono?«spo55es-
sifs. On va voir qu'ils ne sont pas des [ïronoms,
puisqu'ils ne se mettent point à la place des noms;
mais ipje ce sont de vrais adjectifs, parce qu'ils
déterminent un substantif exprimé ou sous-on-
APJ
tendu auquel ils ont rapport. Pans mon chapeau,
mon est adjectif, puisqu'il détermine chapcav ; et
il esl possessif , puisqu'il marque un rappurl de
propriété du cliapeau u moi.
Les adjectifs possessifs sont tirés des pronoms
personnels; ils marquent que le substantif qu'ils
modilient a un rapport de propriété avec la jire-
mière, la seconde ou la troisième personne.
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la
première personne du singulier, sont mon, ma,
mes; mien, mienne, miens, miennes. Ceux qui
se rapportent a la prciaiére personne du pluriel,
sont nvtre, nos ; notre, nôtres.
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la
seconde jiersinne du singulier sont, ton, tu, tes;
tien, tienne; ceux iiui se rapportent à la seconde
personne du pluriel sont, votre, vos ; vôtre, vô-
tres.
Les adjectifs possessifs qui se rapportent à la
troisième personne du singulier sont, son, sa,
ses; sien, sienne, siens, siennes ; ceux qui se
rapportent à la troisième personne du pluriel sont,
leur, leurs.
Mon, ton, son, leur féminin cl leur pluriel,
s'emploient toujours avec des substantifs, et ne
peuvent jamais être précédés de l'article, parce
qu'ils sont eux-mêmes adjectifs prépositifs, et
qu'ils déterminent leurs substantifs.
Au contraire, avec mien, tien, sien, leur fémi-
nin et leur pluriel, on met toujours l'article,
parce que ces mots ne sont point des prépositifs,
mais des ad)eclifs pt>ssessifs qui se rapportent ii
un substantif sous -entendu, f^oilà votre plume,
donnez-moi la mienne; la mienne signifie la
plwne mienne ; c'est une ellipse. L'article s'em-
ploie en pareil cas, non pour déterminer mienne,
mais pour concourir, avec cet adjectif, à déter-
miner le mot plume, qui est sous-entendu.
Enfin notre, v<tre, leur, se mettent avec le sub-
stantif sans article, ou avec l'article sans substan-
tif exprimé, t^t.tre maisi II, la nôtre; leur fille, la
leur.
La différence qu'il y a entre les adjectifs pos-
sessifs qui prennent l'article, et ceux qui ne le
prennent point, c'est que les premiers renferment
dans leur signification celle des seconds et celle
de l'article; en sorte que ?Hci7t signifie fe mien;
ton, le tien; son, le sien; ncs, les nôtres, etc.
Mon livre, selon cette explication, veut donc
dire, le mien livre ou le livre mien ; nos livres,
c'est les livres nôtres, etc.
Mon, ton, son, ont cela de particulier, qu'ils
s'emploient non-seulement avec les noms mascu-
lins, mais encore avec les féminins qui commen-
cent par une voyelle ou par un h non aspiré. M.n
âme, ton amitié, cl non pas, ma âme, ta amitié.
• C'est use règle générale, (lue l'on supprime les
adjectifs pussessifs avant un nom, toutes les fois
que les circonstances y suppléent suffisamment.
On dit, j'ai mal à la tête, ce cheval a pris le mors
aux dents, et non pas,y«t mal à ma tête, ce che-
val a pris son mors à ses dents. Les circonstan-
ces indiquent assez qu'il s'agit de ma tcte, et non
de la tête d'un autre; du mors et des dents du
cheval dont je parle, et non du mors et des dents
d'un autre cheval.
L'usage des adjectifs possessifs de la troisième
personne offre quelques difficultés. En parlant
d'un homme ou d'une femme on dira, sa tète est
belle, et on ne dira pas, la tcte en est belle, quoi-
que sa et en aient ici la même signification. S'il
s'agissait d'une statue, il faudrait dire, aucon-
iralre, la tète en est belle, et non pas, sa tête est
ADJ
3J
belle. C'est une règle générale, qu'il faut employer
les adjectifs .s. m, sa, ses, lorsque l'on p;irle"dc
personnes ou do choses que l'on pcrsoiuiilie, c'est-
à-dire, auxquelles on attribue des vues cl une
volonté. Hors ce cas, l'usage varie beaucoup.
On ne dira pas, en j.arlant d'une rivière, son
lit est profond, maisie lit en est pn^f nd; on dw
cependant, elle est sortie de son lit.
On ne dira pas d'un parlement, d'une année,
d'une maison, ses magistrats sont intèprcs, .ses
soldats sont bien discipliués, sa situatimi est
agréable ; il faut dire, les Magistrats en smit in-
tègres, les Soldats en 50/1^ lien disciplinés, la «•-
tuation en est agréable. CJpendatit on dit, lepur-
lement est mécontent d'une partie de ses magis-
trats ; l'armée a beaucoup perdu de ses soldats ;
cette maison est mal située, il faudrait pouvoir
la tirer de sa place.
D'après ces exemples, il est aisé de se faire une
règle : ia voici. (Juand il s'agit de choses qui ne
sont pas personnifiées, on lioit se servir du pro-
nom en, toutes les fois qu'on en peut faire usage;
et on ne doit employer l'adjectif possessif que
lorsiju'il est impossible de se servir de ce pro-
nom. On dira donc, V Eglise avait se?, privilews ;
le parlement avait ses droits; la république avait
conservé ses conquêtes; si la ville a ses agré-
ments, la campagne a \es siens. 11 n'est pas pos-
sible de substituer ici le pronom en aux adjec- ^
lifs possessifs, et l'on doit par conséquent les''
employer. Mais si l'on lient se servir de ce pro-
nom, on dira, en parlant de la ville, les agréments
en sont préférables à ceux de la caiiipagnc ; d'une
république, /es cit'ijcns en sont vertueux; d'un
parlement, les magistrats en so7it intégres ; de
l'Eglise, les privilèges en smt grands.
On peut faire l'aiiplication de cette règle aux
exemples que l'on a donnés plus haut, et à beau-
coup d'autres. On parlera donc également bien,
soit que l'on dise d'un tableau, il a ses beautés,
ou les beautés en sont supérieures ; et d'une
maison, elle a ses ccmmodites, ou les commodités
en sont grandes.
Quoique les adjectifs possessifs paraissent plus
particulièrement destinés à marquer le rapport
de propriété aux personnes, il est naturel de s'en
servir pour marquer le même rapport aux choses,
quand on n'a pas d'autres moyens. On dira donc
de l'esprit, ses avantages; de" l'amour, ses mou-
vements; d'un triangle, ses côtés; d'un carré, sa
diagonale, etc.
Je remarquerai par occasion , que ce ta-
bleau a ses beautés, et ce tableau a des beautés,
nesisnificnl pas exactement la même chose. On
dira, "ce tableau a ses beautés, en parlant a m"c1-
qu'un qui y trouve des défauts, dont on est obligé
de convenir makré soi ; et ce tour exprime un
consentement tacite aux critiques (lui ont etc
faites. On dira, au contraire, ce tableau a des
beautés, si l'on y trouve des défauts qu'on ne re-
lève pas, qu'on veut même passer sous silence,
et qu'on serait fâché de voir échapper aux an-
trcs -
On demande s'il faut dire, tous les juges ont
opinéchacun selon ses lumière s, ox\ t.uslesjuges
ont opiné chacun selon leurs lumières, ''o"': ''l'-
pundrc à celte question, il faut connaître la dille-
rente sisnilication des adjectifs ses et leurs or,
le premier sisnific que la chusc appartient distri-
butivemenl aux uns et au.v autres; et le second,
qu'elle leur appartient à tous collectiveinenl.
De celte explication, il suit qu'on doit dire,
tous les juges ont opiné chacun selon ses lumie-
32
ADJ
res ; car ce que vous dilcs de tous collective-
ment, c'est qu ils ont opine, et ce que vous dites
distribulivemoiit, c'est que chacun a opine se-
lon ses lumières. 11 y a ellipse, et le sens est,
tous les jiifjes ont opiné, et chacun a opiné selon
ses Ittrnières. On dira, au contraire, tous les ju-
pes ont donné chacun leur avis suivant leurs
lumières. Pour sentir la différence de ces deux
tours, il faut remarquer que dans ces mois, les
juges ont opiné, le sens collectif est fini, et qu'il
ne l'est pas dans ceux-ci, les juges ont donné.
Or, dès que chacun ne vient qu'après un sens
collectivement fini, c'est à ce mot que tout ce qui
suit doit se rapporter, et on doit dire distributi-
vement, les juges ont opiné chacun selon ses lu-
mières Mais si chacun vient avant que le sens
collectif soit fini, ce qui suit ne peut plus se dire
distribulivcment. On dira donc, les juges ont
donné chacun leur avis suivant leurs lumières ;
car le sens coUeciif ne finit qu'après avis, que
chacun précède. Par la mcme raison, il faut dire,
il leur a dit à chacun leur fait, et non pas son
fait. On dira cependant, il a dit à chacun son
fait., parce que, n'y ayant point de nom auquel
l'adjectif possessif puisse se rapporter collective-
ment, chacun détermine le sens distribulif.
Des adjectifs conjonctifs. — Nous appelons,
avec Condillac, adjectifs conjonctifs les mots que
le commun des grammairiens appellent pronoms
relatifs, tels que, qui, que, dont, lequel, laquelle.
Assurément ces mots ne sont point des pronoms,
car ils ne sont point de nature à pouvoir être sub-
stitués à un substantif.
Un substantif peut être modifié par une pro-
position incidente. Les vers de l'écrivain que
vous aimez, dont vous recherchez les ouvrages,
et auquel vous donnez la préférence. Voilà trois
propositions incidentes; il s'agit de savoir quelle
est l'énergie des mots que, dont, auquel.
Observons d'abord lequel, cl duquel, et disons :
L'écrivain lequel vous aimez et duquel Je
sais bien que lusage préfère l'écrivain que
et dont. Alais toutes ces expressions ont le même
sens, et nous pourrons appliquera qui, que, dont,
ce que nous aurons démontré de lequel et du-
quel.
Or, quand je dis l'écrivain, j'offre une idée
dans toute sa généralité; et si j'ajoute lequel, ce
mot restreint mon idée. J'annonce que je vais
parler d'un individu, et je fais pressentir que je
vais le désigner par quelque modification parti-
culière.
Cette modification est exprimée dans la propo-
sition incidente, et celte proposition est annoncée
par le mot lequel, qui la lie au substantif, (le mot
commence donc à déterminer celui d'écrivain,
et par conséquent doit cire mis dans la classe des
adjectifs.
Mais tout adjectif est censé accompagné de
son substantif; et lorsque celui-ci n'est pas ex-
primé, il est sous-entendu. L'écrivain lequel
vous aimez et auquel vous donnez la préfé-
rence, est donc pour l'écrivain, lequel écrivain
vous aimez et auquel écrivait.. . . Or qui, que,
dont, sont synonymes de lequel et duquel. Ce
sont donc aussi des adjectifs, et toutes les propo-
sitions où nous les employons sunt des tours el-
liptiques. L'écrivain qui est donc pour l'écri-
vain, qui écrivain. Ainsi , bien loin que ces
mots, qui, que, dont, lequel, tiennent la place
d'un nom, ils le sous-enlendcnt au contraire tou-
jours a[)rès eux. Nous les appelons adjectifs,
parce qu'ils commencent à déterminer le nom ;
ADJ
conjonctifs, parce qu'ils le lient à la proposition
incidente qui achève de le modifier.
11 faut remarquer que le nom que les adjectifs
conjonctifs déterminent n'est pas toujoure ex-
primé; mais ils le suppléent. Qui vous a dit
ceZa? c'est quel est l'homme, qui homme. Qui ne
sait pas garder un sccrct,nemérite pas d'avoir des
amis ; c'est l'homine, qui l'homme ne sait pas...
Quelquefois aussi le conjonctif n'est précédé que
d'un autre adjectif vague, celui qui; et alors il
faut suppléer le substantif pour l'un et pour l'au-
tre adjectif, celui homme, qui hoinme.
Quic\. lequel ne se rapportent d'ordinaire qu'à
un substantif qui les précède; mais nous avons
d'autres adjectifs conjonctifs qui ne se rappor-
tent jamais qu'à des noms sous-entendus; ce
sont quoi et où. Quand on dit, à quoi vous occu-
pez vous? quoi est entièrement l'équivalent de
lequel ou laquelle. C'est un adjectif qui est le
même pour les deux genres; et il faut suppléer
chose ou tout autre nom. Quelle est la chose, à
quoi chose, pour à laquelle chose vous vous oc-
cupez ?
Quand on dit oiiallcz-rous? d'où venez-rousf
le sens est : Quel at le lieu auquel lieu vous
allez? quel est le lieu duquel lieu vous venez?
Ces exemples font voir (jue l'adjectif où est équi-
valent à un conjonctif suiri de son substantif, et
à une pro[)osition qui le pourrait précéder, mais
qu'on supprime.
Lequel et laquelle sont formés des articles le,
la, et des adjectifs quel et quelle, qui ne sont pas
conjonctifs et qui s'emploient sou vent avec ellipse.
Quel est-il? quelle est-elle? se disent par exem-
ple, pour cet homme, quel homme est-il? celte
femme, quelle femme est-elle? Nous disons aussi
qni est-elle? Ces adjectifs ne souffrent point de
difficulté. Il n'en est pas de même des adjectifs
conjonctifs
Un adjectif conjonctif ne doit se rapporter qu'à
un nom pris dans un sens déterminé. On ne dira
pas l'homme est animal qui raisonne, vous avez
été reçu avec politesse qui, parce que les mots
animal et politesse, auxquels se rapporte l'ad-
jectif qui, sont pris dans un sens indéterminé.
Mais on dira bien l'homme est un animal qui
raisonne, vous avez été reçu avec la politesse
qui vous était due, parce que le mot un donne
un sens déterminé au substantif animal, et que
l'article la annonce que le substantifpoitiesse est
pris dans un sens détermine.
.Mais pour qu'un substantif soit déterminé, il
n'est pas toujours nécessaire qu'il soit précédé
d'un prépositif tel que la, un, tout, quelque, etc.
Il y a des phrases où, sans ces adjectifs, la dé-
termination est indiquée par le sens. Ainsi l'on
dira fort bien : Il n'a point de livre qu'il n'ait
Z«; cette proposition est équivalente à celle-ci :
// n'a pas un livre qu'il n'ait ht ; ou chaque
livre qu'il a, il l'a lu. Il n'y a point d'injus-
tice qu'il ne commette ; c'cst-a-dire, chaque sorte
d'injustice particulière , il la commet. Est-il
ville dans le royaume qui soit plus obéissante?
c'est-à-dire, est-il quelque autre ville, est-il une
ville qui soit plus obéissante que, etc. // n'y a
homme qui sache cela; aucun homme ne sait
cela.
Si l'on dit de tiuclqu'un qu'il agit en roi, en
père, en ami, et qu'on prenne roi, père, ami,
dans le sens spécifique et selon toute la valeur
que ces mots peuvent avoir, on ne doit point y
ajouter d'adjectif conjonctif; mais si les circon-
stances font connaître qu'en disant roi, peu»,
ADJ
mère, on a dans l'esprit l'idée particulière de
tel roi, de tel père, de tel awi', et que l'expres-
sion ne soit pas consacrée par l'usage au seul
sens spécifique ou adverbial, alors on peut ajou-
ter l'adjectif conjoiictif et dire il se conduit en
père tendre qui. . . car c'est autant que si l'on di-
sait comme un père tendre ; c'est le sens |)arlicu-
lier <|ui peut recevoir ensuite une détermina-
tion singulière.
On dit absolument dans un sens indéfini, se
donner en spectacle , avoir peur, avoir pilic.
On ne doit donc point ajouter ensuite à ces
substantifs, pris dans un sens général, des adjec-
tifs qui les supposeraient dans un sens fini, et en
feraient des individus uiclapliysiques. Onncdoit
donc pas dire, se donner en spectacle qui désho-
nore, avoir peur qui trouble les sens, Clc.
Parmi ces adjectifs conjonctifs, les uns ne se
disent que des personnes, et les autres se disent
des personnes et des choses. 11 s'agit d'observer
ce (jue l'usage prescrit à ce sujet. 11 faut d'a-
bord distinguer si l'adjectif conjonctif est le sujet
de la proposilion incidente, l'oijjet du verbe,
ou le terme d'un rapport. Il est le sujet dans la
science qui plaît le plus, l'objet dans la science
que j'aime, et le terme d'un .-apport toutes les fois
qu'il peut être précédé d'une préposition.
Lorsque le conjonctif est le sujet de la propo-
sition incidente, ^widoit être préféré à lequel cl
laquelle, soit qu'on parle de choses, soil qu'on
parle de personnes : Les écrivains qui savent
penser savent écrire ; les talents qui font le phi-
losophe et ceux qui font Vlwinme social ne sont
pas toujours les mêmes. On ne pourrait pas sub-
stituer ici lequel ou lesquels. Lorsque le conjonc-
tif est l'objet du verbe, c'est encore une règle gé-
nérale de préférer que à lequel et laquelle : Les
arts que vous cultivez, les ennemis qu'il a vain-
cus. Lorsque le conjonctif est le terme d'un rap-
port qu'on pourrait exprimer par la préposition
de, dont s'cmplcie en parlant des choses comme
en parlant des personnes; il est même préférable
n tous les autres : César dont la valeur, les biens
dont vous jouissez, la maladie dont vous êtes
menacé.
Si l'on voulait faire usage des autres conjonc-
tifs, il faudrait distinguer s'ils se rapportent à
une chose ou à une personne. Dans le premier
cas, le plus sûr serait d'employer duquel ou de
laquelle, et jamais de qui: Un arbre duquel le
fruit, une chose de laquelle. Sur quoi il faut re-
marquer que do?it serait préférable.
Si le conjonctif se rapporte à des personnes, il
faut préférer de qui à duquel et à de laquelle.
César de qui la valeur.
Mais il y a une exception à faire à ces deux
dernières règles. Pour cela, il faut observer que c?e
ijui peut être le terme auquel se rapporte le sub-
stantif de la proposilioii incidente, ou le terme au-
quel se rapporte le verbe Dans César de qui la
valeur, de qui est le terme auquel se rapporte le
substantif la valeur, et il le détermine connue de
César le déterminerait. Mais dans l'homme de qui
TOUS m'avez parlé, de qui est le tcrine auquel on
rapporte le verbe. Or, toutes les fois que le con-
jonctif est le terme aucjuel on rapporte le
verbe, on peut se servir de qui ou de dont, qui
est encore mieux.
Mais s'ilesl le terme auquel se rapporte le sub-
stantif de la proposition incidente, il faut distin-
guer: ou il est suivi de ce substantif, ou il en est
précédé. S'il en est suivi, dont pourra se dire des
jiersonncs et des choses, et de qui ne se dira que
ADJ
55
des personnes : La Seine dont le lit, et non p;vs Js
qui. Le prince dont ou de qui la protection. S'il
en est précédé, il faudrait toujours préférer du-
quel ou de laquelle: La Seine dtuis le lit de la-
quelle, le prince à la protection dnijucl. De qui ne
serait pas si bien, même en iiarlani des iicrsonnes.
Avec la préposition à onemploie les conjonctifs
lequel c[ laquelle, eu parlant des choses: La fir-
tune ù laquelle je ne m'attendais pas. l'n itarlanl
des personnes, on a le choix entre qui et lequel :
Les amis à qui ou auxquels je me suis confié.
A quoi ne se dit que des choses absolument in-
animées, et encore peut-on toujours y substituer
auquel ou ù laquelle: C'est une objection à quoi
ou à laquelle je ne m'attendais pas. On ne dini
pas c'est vn cheval ù quoi je me suis fié, mais
auquel. A quoi et de quoi ne s'emploient propre-
nient que lorscpi'on les rapporte a desciioscs i»lu-
lôt qu'à des noms : C'est de quoi je me plains,
c'est à quoi je ne m'attendais pas.
Il y a des occasions où que se met jwur « qui :
C'est d vous que je parle ; cl d'autres où il s'em-
ploie pour dont : C'est de lui que je parle; on ne
doit pas même s'exprimer autrement.
Oit et d'où ne sediscnt jamais que des choses :
f^oilù le point où, je m'arrête ; voilà le principe
d'où je conclus.
Avec toute autre i)réposit:on qu'« et de, le con-
jonctif ieçi/eZ, laquelle, peut se dire des personnes
et des choses; mais qui ne s'emploie qu'en par-
lant des personnes : Les revenus sur lesquels
vous comptes ; les accidents contre lesquels vous
êtes en garde ; l'homme chez qui OU chez lequel
vous allez ; la personne avec qui ou avec la-
quelle vous m'avez compromis.
S'il s'agit de choses inanimées, on emploie quoi
ou lequel: Le principe sur quoi OU sur lequel je
me fonde, la chose en quoi ou dans laquelle il a
manqué.
De la terminaison de l'adjectif. — L'adjeciif
et le substantif mis ensemble en construction ne
présentent à l'esprit qu'un seul et même individu,
ou physique ou métaphysique. Ainsi l'adjectif
n'êlanl réellement que le substantif inéme consi-
déré avec la (|ualité que l'adjectif énonce, ils
doivent avoir l'un et l'autre les mêmes signes des
vues particulières sous Icstpielles l'cspril consi-
dère la chose qualifiée. Parle-l-on d'un objet sin-
gulier, l'adjectif doit avoir la termmai^on des;i-
néc à marquer le singulier. \'oyez Nombre. Le
substantif est-i! de la classe des noms ([u'on ap-
pelle masculins, l'adjectif doit avoir le signe
destiné à marquer les noms de cette classe. "Voyez
Genre. Il en est de même à l'égard du pluriel et
du féminin; c'est ce que les grammairiens ap-
pellent concordance ou accord de l'adjectif avec
le substantif. Voyez Accord.
Si un adjectif est terminé par un e muet ,
comme sage, fidèle, utile, facile, habile, ti-
mide, riche, aimable, volage, troisième, qua-
trième, clc, alors l'adjectif sert égalomenl pour
le masculin et pour le iendnin : Un amant fidèle,
une femme fidèle. — Cependant, wat/rc, traître,
diable, font au féminin maîtresse, trallro^ise,
diablesse ; mais peut-être est-ce pane qu'on em-
ploie souvent ces adjectifs substaniivcmont.
[Graininaire des Grammaires, p. 2)0.) Si un
adjectif est terminé dans s;i première dénomina-
tion par queliiuc autre lettre que par un e muet,
alors celte première terminaison sert |)our le
genre masculm, pur, dur, brun, savant, fort,
bon. A l'ésard du féminin, il faut distinguer: ou
l'adjectif finit au masculin par une voyelle, ou il
34
ADJ
est terminé par une consonne. S'il finit par toute
autre voyelle que par un emucl, il faut ajouter
seulement Ve nuiet après celte voyelle, et on aura
la terminaison féminine de l'adjectif: Sensé, sen-
sée; joli, j'dlie ; bourru, bourrue. Si l'adjectif
masculin finit par une consonne, délachez cette
consonne de la lettre qui la précède, cl ajoutez
un e muet à celle consonne délacliée, vous aurez
la terminaison fcmininede l'adjectif: Pur,pu-re ;
saint, sain-te; sain , sai-ne ; grand, gran-de ; sot,
so-te; bon, bo-ne. A la vérité, les maîtres à écrire,
pour multiplier les jambages, dont la suite rend
l'écrilurc i)lus unilurme et plus agréable à la vue,
ont introduit un second n dans bo-ne, comme ils
ont introduit un m dans ho-me, un t dans so-te.
Ainsi on écrit communément bonne, homme, hon-
neur, sotte, etc.
Quelques adjectifs s'écartent de celte règle. On
disait autrefois au masculin, bel, nouvel, fol, mol;
et au féminin, selon la règle, belle, nouvelle, folle,
mclle. Les féminins se sont conservés, mais les
masculins ne sont en usage (juc devant une
voyelle : Un bel homme, un nouvel amant, un
fol amour. Ainsi, beau, nouveau, fou, mou, ne
forment poiRt de féminin ; mais espagnol est en
jsage, et ,.i '•^'^inin est espagnole
Blanc, fait Uancne ; franc, franche; long, fait
jnguc ;ce qui fait voir que le g de lo7ig est le^
fort que les modernes appellent gue. Bénin fait
henigne; malin, maligne; caduc fait caduque;
doux, douce; favori, favorite; frais, fraîche;
gentil, gentille ; jaloux, jalouse ; public, publi-
que; sec, sache; tiers, tierce.
Les adjectifs en teitr font teuse au féminin lors-
qu'ils viennent directement d'un verbe français:
Quêteur, quêteuse; menteur, mentcttse. Il y a
quelques exceiilions; voyez bailleur, défendeur,
demandeur, pécheur. — A l'égard des adjectifs eu
teur qui ne viennent point dircclemenl d'un
verbe français, ils changent teur en irice pour le
féminin : Dispensateur, dispensatrice, etc.
Ceux des adjectifs en eur qvti éveillent une
idée d'opposition ou de comparaison, prennent un
e muet au féminin : ^intérieur, antérieure; meil-
leur, meilleure ; stipéricur, supérieure, etc.
Ambassadeur fait ambassadrice.
Gouverneur, serviteur, n'ont point de féminin;
on emploie les mois gouvernante et servante, ioT-
més sur les participes (70?/t7e)V(a7t<, servant. Chas-
seur fait chasseuse et chasseresse. Voyez Chas-
seur.
Tous les adjectifs en eux font euse au féminin :
Heureux, hciiretise ; vertueux, vertueuse.
Le /'et ier sont au fond la même lettre divisée
en forte et en faible. Le f est la forte, et le v est
la faible. De là, naïf naïve; abusif, abusive;
chétif chétive ; défcnsif, défensive ; passif , pas-
sive; né'/alif négative ; purgatif, purgative, elc.
On dit mon, mu ; ton, ta; sr.n, «a;mais, devant
une voyelle, on dil également au féminin, mon,
ton, son ; mon âme, ton ardeur, son épée ; ce que
le mécanisme de l'organe a introduit pour éviter
le bâillement qui se ferait à la rencontre des deux
voyelles, ma âme, ta épée, sa épouse. En ces oc-
.^asions, mon, ton, son, sont féminins, de la même
manière que mes, tes, ses, les, le sont au pluriel,
quand on dil mes filles, les femmes, etc.
On écrivait autrefois, au masculin comme au
féminin, éthérée, ignée, instantanée, momenta-
née, simultanée, et spontanée ; oïi a rejeté avec
laison ces exceptions adoptées sur un léger fon-
«j3ment; et ces uimIs s livent aujourd'hui la règle
ADJ
générale. On dit éthéré au masculin, eVAere» au
féminin, etc.
Lemot (7e«s offre une exception singulière à la
règle qui veut que l'adjectif prenne la terminai-
son qui convient a>i genre que l'usage a donné
au substantif. On donne la lenninnisdn féminine
à l'adjectif (jui le précède, et la masculine à celui
<iui le suit, fût-ce dans la même i)hrase. Voyez
Gens.
A l'égard de la formation du pluriel, c'est une
règle générale que tous les adjectifs, de quelque
termin;iison qu'ils soient, forment leur pluriel par
radditit)n d'un s, soit au masculin, soit au fémi-
nin -.grand, graiids ; grande, grandes ; petit, pe-
tits ; petite, petites.
Celle règle a plusieurs exceptions. 1" Les ad-
jectifs terminés au singulier par un s ou un x,
ne changent point au pluriel. Tels sont, gras,
gros , heureux, jaloux, etc. On dil il est jaloux,
et ils sont jaloux; il estdoux, et ils sont doux, cic.
2" Les adjectifs terminés en eau forment leur plu-
riel au masculin en ajoutant x; ainsi, hcuu, ju-
meau, nouveau, font beaux, jumeau. t, nouveaux.
3° Les adjectifs terminés en al forment leur plu-
riel au inasculin, en changeant celte terminaison
Gi\ aux : Egal, égaux ; verbal, verbaux ; féodal,
féodaux; nuptial, nuptiaux, etc.
Cependant il y a plusieurs adjectifs terminés
en al qui ne prennent poir.-; rn/.rau pluriel; tels
sont amical, automnal, colossal, frugal, glacial,
?iaval, etc. L'Académie dit que ces mots n'ont
point de pluriel au masculin. Cependant Bailly
i'aslronome a dit des vents glacials, et je pense
que, puisqu'on dil un combat naval, on pourrait
bien dire aussi des combats navals. Quant au
mol fatal, l'Académie, dans son édition de 1835,
lui donne pour pluriel : fatals, mais elle ajoute
qu'il est peu usité.
Saint-Lambert a dil ;
Fuyez, volez, inslanls f.itals à mes désirs.
A l'égard des mots bénéficiai, e.rpérimental,
labial, virginal, on dit (pi'ils n'ont point de plu-
riel au masculin, prol)ablement parce qu'ils ne
s'emploient ([u'avec des noms féminins, savoir:
bénéficiai avec matière, cause cl pratique ; expé-
rimental avec physique et philosiphic ; labial
avec lettre et offres; virginal avec pudeur, OU
avec lait, qui n'a point de pluriel. — Mais ne dii-
on pas un teint, un air virginal; et alors des
teints , des aiis virginulsf {Grammaire des
Grammaires, [). 'i^H.)
A l'égard des adjectifsqui finissent cnent ou ant
au singulier, dil Duinarsais, on forme leur plu-
riel en ajoutant s, selon la règle générale ; et alors
on peut laisser uu rejeter le <",- cependant lorsque
le t serl au féminin, l'analogie demande qu'on le
garde: Excellent, excellente; excellents, excel-
lentes. L'Académie reje/le le t dans les deux cas,
et la plus grande partie des écrivains la suivent er.
cela. La principale raison (jue l'on apporte contre
celte suppression, c'est que si l'on dil au mascu-
lin pluriel paysans et bienfaisans sans t final, les
étrangers pourront ce conclure que le pluriel fé-
minin est le môme pour ces deux mois; et, par
conséquent, ou (ju'on doit dire au féminin pay-
santes, parce qu'on dit bienfaisantes, OU qu'on
doit dire bienfaisannes, pavcc qu'on dit pay-
satmes. Je réponds à cela que ce n'est pas pour les
étrangers, mais pour les nationaux, ([ue l'on forme
et que l'on perfectionne une langue, et qu'une
considération de celle nature ne doit pas nous
ADJ
emp'chor {\o simplilicr notre orthographe. Si la
cominoililé ilos élrangers nous eût servi de guide
dans les changements que nous avons faits à noire
langue, nous écririons encore sçavoïr au lieu de
savoir ; aucthc.riti', au lieu i\'(tvtorllê; asne,u\\
lieu A' âne ; nous dirions ire, nu lieu de cvlère ;nic-
ture, au lieu de perte ; itérer, au lieu de reité-
rer, etc.; et cette manière d'écrire et de parler,
|>lus rapprochée de la source étymologi(iue, leur
i'aciliterait beaucoup rintelligcnce de ces mots.
Dans la dernière édition de son DJLlionnairc,
l'Académie conserve partout le /, et c'est aujour-
d'hui la lègle générale. Nous avons cru devoir la
suivre dans celte édition, tout en laissant subsis-
ter les observations de l'auleur.
Autrefois on disait lettres royava , ordon-
nances royaux; ct ce mot s'est conservé en chan-
cellerie et en jurisprudence. Cependant je crois
qu'on ne l'empl lic plus guère qu'en parlant des
antiennes lettres cl ordonnances. 11 est cerlain du
moins qu'on dit :\\xio\:.Tà'\i\x\ ordonnances rmjalcs,
en parlant des ordonnances du roi. Raynouard
explique ainsi cette forme bizarre dans ses ob-
servations sur y Examen critique des Diction-
naires de la langue française, par Ch. JNodier :
« Royal, comme tous les adjectifs venant des a<l-
jectifs latins en alis, était invarial)!e, c'est-a-dirc
des deux genres, dans les idiomes des trouba-
dours et des trouvères, ainsi qu'il l'était dans la
langue latine. «
La règle qui dit qu'un adjectif doit être au
même genre et au même nombre que le substan-
tif qu'il modilic, donne quoliiuefois lieu à des
doutes et à des diflicullés. IV.ur les lever, il ne
faut point perdre de vue celle régie fomiamentale.
Il y a des occasions où l'adjectif se met au
pluriel, quoique le substantif (pi'il paraîtrait de-
voir modilier soit au singulier. 0\\ Ah la plupart
des hommes sont ignorants; et l'on parlerait mal
si l'on disait la plupart des Iwvimes est igno-
rante. La raison de cette façon de parler vient de
ce que la plupart des hommes étant la même
f'hose i.\\ic les hommes potir la plupart, nous rap-
portons l'adjectif ignorant au pluriel hommes,
dont nous sommes préoccupés, et nous oublions
que le sujet delà proposition est un substantif sin-
gulier cl féminin.
Lorsqu'un adjectif modi^e des substantifs de
différents genres, il ne change ordinairement sa
terminaisoïi (jue pour prendre le pluriel. Cet
Jiomme et cette femme sont prudents. Si on dit
prudents, et non pas prudentes, dit Condillac,
d'où je tire cet anicle, ce n'est pas, comme le
pensent les grammairiens, parce que le masculin
est plusnobfe; mais, puisqu'il n'y a pas plus de
raison pour faire l'adjectif masculin que pour le
faire féminin, il est naturel qu'un lui laisse sa pre-
mière forme, qui se trouve celle (ju'il a plu d'ap-
peler ^enre masculin.
Une prenve que la noblesse du genre n'est point
une raison, c'est que l'adjectif se met toujours
au féminin, lorsque, de plusieurs substantifs, ce-
lui qui le précède immédiatement est de ce genre.
On dit il a les pieds et la tête nue, ct non pas
nus; il parle avec un goût et une noblesse char-
7nante, et non pas charmants. L'adjectif dégé-
nère-l-il ici de sa noblesse en prenant le genre "fé-
minin?
La raison de cet usage, c'est que l'adjectif qui
précède ou suit immédiatement son sul»stantif ne
forme avec ce substantif qu'une seule et même
idée, et que nous sommes tellement accoutumés
à les identifier dans notre esprit, que toute termi-
ADJ
35
naison de l'ailjectif qui parait le sépan-r de ce
substantif est vraiment cliu(iuanle. .Nous serions
choqués de lire tète nus, jv blesse charmants.
C'est pourquiii nousdiM)ns nue et charmante mi
singulier et au féminin, (juoiipio ces adjectifs se
nipporlent à deux substantifs de tronre différente
Si nous n'avions pas cette raibuu '|),ui- leur di.n-^
ner la terminaison féminine, nous les laisserions
; dans leur première forme, lui effet, on dit mes
j'eds et ma tète sont nus, ct non pas nue, parci'
• ;ue tête et m/* étant séparés l'un de l'auln-, l'ad-
; 'clif ne s'offre pas à l'esprit comme ne faisant
lu'une seule et même idée avec ce substantif.
Nn offre ici l'attribut d'une propositii'n «jui,
i ayant un sujet composé de deux substantifs, doit
se rapportera l'un et à l'autre, et prendre la ter-
! minaison qui indique ce rapport commun.
j Domergue s'est élevé contre cet usacrc, et a
j prétendu que l'on doit dire les yeux et la' bouche
I ouverts. Une jihrase, dit-il, qui ne ren(l qu'incom-
I idélement la pensée peut-elle être avouée par la
1 saine gi-ammairc? — Oiii, pourvu qu'elle se com-
j pléte aisément dans lesprit par des mots sous-cn-
icndus (lue le sens inditpie suffisamment. Or,
dans il avait les yeux et la bouche ouverte, l'ad-
jcrtif ouverte, aiiplicpié à un substantif féiniidn,
el devant l'être pareillement à un substantif mas-
culin, indique suffisamment que cet a<lje(tif mas-
culin doit être suus-entendu. Le sens de la phrase
est donc il avait les yetix ouverts et la bniche
ouverte. Ne voil-on pas, dans la langue, millt
exemples où un adjectif d'un genre "fait naître
l'idée du même adjectif de l'autre genre, sous-en-
tendu pour cause d'élégance ou de précision ? Ne
lit-on pas dans Voltaire", Nan. ,acl. I, sc.tii, J8:
L'bumrae estjaîoujc dés qu'il peut s'enflammer;
La femme l'est (jalouse) même avant que d'aimer.
Et dans La Bruyère : La faiblesse est plus op-
posée à la vertu que le vice; c'est-à-dire, que
le vice n'v est opposé? Pourquoi donc ne ferait-on
pas usage de l'ellipse dans les cas où l'expression
complète offre (pielquc chose de choquant , un
substantif et un adjeetifijui, devant ne faire qu'un
\nv la force de leur rai»prochement, se trouvent
disjoints par la différence de leurs terminaisons?
J'ai deux choses ouvertes, continue Domergue,
lesyeu.T et la bouche, et je à\^,j'ai les yeu.T et
lu bouche ouverte; ouverte attache ù la bouche
l'idée d'ouverture, mais rien n'attache cette idée
a yetix. 11 n'est pas vrai que, dans la phrase en
(|uestiou , rien n'attache l'idi'C d'ouverture a
>/eux. Quand j'ai lu j'ai les yeux et la bouche,
je sens que les yeux et la bouche vont être mo
difiés p:ir un adjectif commun, el dès que je lis
cet adjectif, je le rapiiorle à l'un el à l'autre sub
stantif, soilparsuite d'une terminaison commune,
soit par le moyen de l'ellipse. — La Grammaire
des Grammaires remarque qu'il est mieux d'é-
noncer le substantif masculin le dernier, ce qui
fait cesser tout embarras (p. 2'W)-
Des degrés de comparaison. — Outre le genre
et le nombre dont nous venons de parler, les ad-
jectifs sont encore sujets à un autre accident
qu'on appelle les degrés de comparaison, cl qu'on
devrait plutôt appeler degrés de qualification ; car
la qualification est susceptible de plus ou de
moins: Bon, meilleur; excellent ; .savant, plus
savant, très-savant. Le premier de ces degrés
est :i\>pc\c positif ; le second, comparatif; cl le
troisième, superlatif Le /jo^/t/" consiste dans la
simple qualification, faite sans aucun rapport au
plus ou au moins: savant. Le comparatif esl une
36 ADJ
qualification faite en augmentation ou en dimi-
nution, lelalivement à un autre degré de la même
qualité, plus sarant, moins savant. l.C stipcrla-
tifqu-dWWo. dans le plus haut degré, c'e>t-à -dire,
dans celui (jui est au-dessus de tous ; au lieu (jue
le comparatif n'est supérieur qu'à un des degrés
de la qualité : celui-ci n'exprime qu'une compa-
raison particulière, et l'autre en exprime une uni-
verselle, f^oyez ces mots.
Du régime des adjectifs. — IX )' a des adjectifs
qui,n'ofl'raiit par eux-mêmes qu'une signilicalion
vacue et indéterminée, exigent après eux quel-
ques modilicatifs qui déterminent cette signilica-
lion. Ainsi, aprè" avoir dit qu'un homme est di-
gne, est capable, il faut ajouter à ces adjectifs
quelque modilicatif qui exprime de quoi cet
homme est digne ou capable : Digne de louanges,
napalle de tromper. Ces modilicatifs, que Ton
ajoute aux adjectifs pour déterminer leur signifi-
cation, sont ce qu'on appelle les régimes des ad-
jectifs.
Quelques adjectifs se mettent tantôt avec un
régime, tantôt sans régime, selon qu'on les prend
dans un sens déterminé ou indéterminé. Dans/e
vis content, content est pris dans un sens déter-
miné par l'idée générale de contentement; dans
je vis content dcnia fortune, content est présenté
dans une signilication vague que l'on détermine
par les mots, de ma fortune.
Le régime de quelques adjectifs se forme avec
la préposition de. Digne de louange, capable de
tout, content de son sort, accusé d'un crime, etc.;
d'autres se forment avec la préposition à, comnie
bo7i à manger, agréable à la vue, opposé à la rè-
gle, adonné aux plaisirs, sujet à mentir, etc.
Une règle essentielle à l'égard de ces régimes,
c'est de ne pas réunir sous une même préposition
deux adjectifs qui exigent des prépositions diffé-
rentes. On parlerait irial en disant : L'esprit de
conquête, passion funeste et ruineuse aux na-
tions commerçantes. On dit bien funeste à, mais
on ne dit pas ruineux à : celte préposition ne
peut donc pas convenir à ce dernier adjectif; et
elle est d'autant plus déplacée ici, qu'elle vient
immédiatement après l'adjectif qui la repousse.
De la place des adjectifs.— Yaui-W placer l'ad-
jectif avant ou après le substantif qu'il modifie?
Voilà une question ([ui n'a point encore été éclair-
cie par des règles certaines; et les meilleurs
grammairiens se" sont contentés de nous dire que
nous n'avons sur ce point d'autre règle que l'o-
reille exercée. (Dumarsais.)
Pour parvenir à découvrir quelque lumière
dans une matière si obscure, il ne sera pas inu-
tile de faire connaître ici comment les logiciens
divisent les adjectifs.
Les adjectifs, dit Dumarsais, étant destinés par
leur nature à qualifier les dénominations, on en
peut distinguer principalement de quatre sortes,
savoir : les nominaux, les verbaux, les numé-
raux et les pronominaux.
Les adjectifs nominaux sont ceux qui (juali-
fient par un attribut d'espèce, c'est-à-dire, par
une qualification inhérente et [iermanenlc, soit
qu'elle naisse de la nature de la chose, de sa
forme, de sa situation ou de son état, tels que,
bon, noir, simple, beau, rond, externe, autre, pa-
reil, semblable.
Les adjectifs verbaux (jualificnt par un attri-
but d'évenoincnl, c'est-a-dirc, par une (lualilê ac-
cidentelle et survenue, c{ui parait être Icffet d'une
action qui se passe ou qui s'est passée dans la
chose; tels sont, rampant, dominant, liant, cu-
ADJ
ressaut; bonifié, simplifié, noirci, embelli. Us ti-
rent leur origine des verbes: les uns du participe
présent, comme, rampant, dominant. Caressant,
etc.; les autres du participe passé, comme bonifié,
simplifié, noirci, embelli.
Les adjectifs numéraux sont, comme leur nom
l'indique, ceux qui (lualificnt par les nombres
cardinaux, comme un, deux, trois, etc., ou par
les nombres oïdinaux, comme premier, se-
cond, etc.
Les adjectifs pronominaux qualifient par un
attribut de désignation individuelle, c'c^t-à-di^e
par une qualité qui, ne tenant ni de l'espèce, ni
de l'action, ni de larrangement, n'est qu'une pure
indication de certains Individus. Ces adjectifs •
sont, ou une qualification de rapport personnel,
comme mon, ma, ton; notre, votre, son; leur,
mien, tien, sien; ou une qualification de quotité
vague et indéterminée, tels que, quelque, plu-
sieurs, tout, nul, aucun, etc., ou enfin une qua-
lification de simple représentation, comme ce,
cet, chaque, tel, quel, certain.
Au commencement de cet article, nous avons
distingué les adjectifs en adjectifs qui modifient
les noms en expliquant queliiu'unc des qualités
de l'objet qu'ils désignent, et en adjectifs qui dé-
terminent le decré d'étendue sous leijuel on con-
çoit les noms auxquels on les ajoute. De celte di-
vision résulte une rcsfle cénérale pour la position
des adjectifs; c'est qu'ils doivent être rapprochés
le plus qu'il est possible de leurs substantifs. En
effet, le nom ne pouvant être bien connu que
par la fixation de l'étendue de sa'signification cl
par le développement des qualités que l'on at-
tribue à l'objet qu'il signifie, l'esprit resterait
dans le vasuc et l'incertitude, ou prendrait une
fausse direction pour l'intelligence de la pensée,
si ces deux espèces de modifications ne l'cclai-
raient pas en même temps.
Il n'y a point de difficulté pour les adjectifs
métaphysiques que nous avons appelés préposi-
tifs; leur nom indique leur position. Ainsi, les
adjectifs déterminatifs le, la les; les adjectifs dé-
monstratifs ce, cet, cette, ces, à lexccplion de ci
et là; les adjectifs possessifs, mon, ma, mes; ton,
ta, tes; son, sa, ses; notre, 7ios; votre, vos leur,
leurs, doivent toujours précéder le substantif. On
pculy^iouicrplusieurs, quelque, tout, nul,aucvv,
quel, tel, certain, qui sont aussi des prépositifs.
Parmi ces adjectifs sont compris les adjectifs
pronominaux. Ainsi, l'on peut dire que les adjec-
tifs pronominaux se mettent devant leurs -yib-
stantifs. Il faut en excepter quelconque, qui se
place toujours après. Une raison quelconque, un
obstacle quelconque.
Les adjectifs numéraux qui qualifient par les
nombres cardinaux précèdent aussi les substan-
tifs, qui sont des noms aiipcllatifs : Un homme,
une femme, deux enfants; mais ils se mctlenl
après les noms propres: Charles deux, Henri qua-
tre, Charles six, Charles neuf; el alors ils sont
mis par abréviation pour des noms de nombre
ordinaux. C'est comme si l'on disait Henri qua-
trième du nom, Charles sixième du nom, etc.
Cependant on ne dit pas Charles un. François un,
etc., mais Charles premier, François premier.
Les adjectifs numéraux qui modifient \>nr des
nombres ordinaux précèdent aussi ordinairement
Icuvssubslani'ik: le premier livre, le second livre.
Cependant, dans les citations, on dit livre pre-
mier, livre second. Quand on les emploie après
les noms propres, ils les suivent immédiatemcnl :
Charles premier, François premier.
ADJ
Nous avons vu que les adjcctil's conjonctifs
suivent toujours les substantifs auxquels ils ont
rapport : La personne qui vous a parlt', les au-
teurs que j'ai lus, les sciences auxquelles il s'est
adonné, etc.
Les adjectifs verbaux, formés du participe pré-
sent ou du participe passe des verbes, se mettent
toujours après leurs substantifs : Une personne
séduisante, un livre attachant, des fruits pen-
dants, unesprit rampant, l'onde mugissante ; un
objet aimé, un prince redouté, un secours assuré.
Cette règle est sans exception pour les adjec-
lii's formés des participes passés. QueUiues gram-
mairiens ont cru qu'elle ne l'était pas pour ceux
qui sont formes des participes présents; et ils ont
excepté charmant, riant, etc., pnrce (ju'ondil un
charmant ouvrage, une riante campagne, etc.
Mais ces deux adjectifs, charmant et riant, ne
sont pas réellement formés des participes pré-
sents des verbes charmer et rire. Un ouvrage
charmant n'est pas proprement un ouvrage qui
charme dans les deux sens attribués à ce verbe,
mais un ouvrage qui plaît extrêmement par ses
détails. Je dirais à une personne qui se conduit
envers moi d'une manière agréal>le et llatteuse, à
laquelle je n'avais pas lieu de m'altcndre : Fous
me charmez par votre conduite, par vos procédés,
par vos discours; mais je ne lui dirai pas pour
cela, dans le même sens : Fous êtes charnante,
vous êtes une charmante persoîtne. 11 en est de
même de riant dans une riante campagne. Cet
adjectif n'est pas formé du participe présent du
verbe rire ; car alors il signilierait une campagne
qui rit, ou qui a l'hahitude de rire. 11 signifie
proprement, qui plait par des détails agréables,
gracieux. Ces deux adjectifs sont donc plutôt
composés à l'imitation des verbes charmer et
rire, que des adjectifs formés des participes jiré-
sents de ces deux verbes : car ils ont une signifi-
cation toute diférenle de celle de ces deux parti-
cipes. On peut donc dire que la régie est piesque
sans exception, surtout en prose. On dit en prose
une lumière brillante ; il n'y a guère qu'en poé-
sie, ou dans le discours soutenu, qu'on dise une
brillante lumière.
Il ne reste donc plus qu'à marquer la place des
adjectifs nominaux. Nous avons ditijuc ces ad-
jectifs sont ceux qui qualifient par un attribut
d'espèce, c'est-à-dire, par une (lualité inliérenle
et permanente, soit qu'elle naisse de la nature de la
chose, de sa forme, de sa situation ou de son état.
11 y a donc des adjectifs nominaux qui expri-
ment une qualité inhérente ol permanente qui nait
de la nature du sujet; d'autres qui indiquent
une qualité inhérente et permanente qui nait
de sa forme; d'autres, enfin, qui indiiiuent des
qualités inhérentes et permanentes qui naissent
de la situation ou de l'état du sujet; et tous ces
adjectifs qualifient par un attribut d'espèce.
Le propre de tous ces adjectifs est donc de
distinguer, par une qu;Mification d'espèce, les
noms auxquels ils sont joints, de manière qu'ils ne
puissent pas être confondus avec les autres sub-
stantifs de la même dénomination, qui sont d'une
autre espèce. Une mauvaise habitude est une ha-
bitude mise par l'adjectif mauvaise dans l'espèce
des habitudes qui sont mauvaises j)ar leur na-
ture; U7ie table ronde est mise par l'adjectif
ronde dans l'espèce des tables qui ont cette
forme; un lieu inaccessible est un lieu qui, par
l'adjectif inaccessible, est mis dans l'espèce des
lieux dont on ne peut approcher ; une île déserte
est une ilc qui, par l'adjectif déserte, est mise
ADJ
37
dans l'espèce des îles qui sont dans celte situa-
tion. Toutes ces qualifications servent donc à dis-
tinguer l'objet indique par le substantif, de tous
les autres objets de même nom, ipii u'uiii pas la
qualité indiquée par l'adjectif.
Mais, outre celle idée de distinction, ceux de
ces adjectifs qui exprimenl une (piaillé ipii natl
de la nature du sujet présentent encore n- sujet
comme possédant individuellement en lui-iiiémo
les(iualilés naturelles qu'ils expriment. l'ar exem-
ple, quand je dis une mauvaise habitude, l'ad-
jectif mauvaise met bien le substanlif dans l'es-
pèce des qualités qui sont mauvaises; mais il in-
diiiue aussi la qualité mauvaise cdinme existant
individuellement dans le sujet «lu'il modilie II a
donc fallu deux manières, l'une pour exprimer la
simple distinction spécifiipie, et l'autre pour
marquer en même temps et cette distinction «l
la (lualilication individuelle du sujet Pour cela,
on a placé ces sortes d'adjectifs avant ou après le
substantif. Après, ils maniuont la simple distinc-
tion spécifique; avant, ils expriment et celle dis-
tinction et la qualification individuelle Ainsi
une habitude mauvaise est simplenient une ha-
bitude distinguée des autres habiuidcs ; mais une
mauvaise habitude, est une habitude (]iii est
mauvaise, et qui, par ses mauvaises (jualités, est
distinguée des autres habitudes. Dans la |)reinièrc
phrase, la distinction est l'idée principale; dans
la seconde, c'est la qualification. Dans le fond, il
y a bien qualification dans l'une et dans l'autre;
mais la première distingue en (pialifianl, et la se-
conde qualifie en distinguant. Un homme savant
est un homme distingué des autres classes d'hom-
mes par sa science; u?i savant homme est un
homine qui possède des connaissances scientifi-
([uesqui le distinguent des autres classes d'hom-
mes. Un homme juste esl un homme distingué
des autres classes d'hommes par l'habitude qu'il
a d'exercer la justice; une juste récompense an
une récompense qui, par sa nature, est conforme
aux règles de la justice.
C'est par celte raison que les adjectifs (pii ex-
priment des qualités générales (jui dérivent de
la nature des choses, se inettent ordinairement
avant les substantifs, surtoiit lorsqu'on a parti-
culièrement en vue d'identifier ces (|ualités avec
ces objets; tels sont bun, méchant, mauvais,
beau, laid, rond, petit, etc. : Un bon homm(- , un
méchaîit homme, une belle femme, une laide
figure, une grande maison, une grosse femme,
une petite flic. Voilà pour(|uoi on aiJjielle hon-
nête homme un homme (pii possède toutes les
(jualités solides qui coiistilucnl l'homme esti-
mable, ei homme honnête, celui (jui cherche à
plaire par des démonsirations de |)olitessc. l'n
galant homme est un homme qui possède toutes
les qualités propres à rendre un homme estima-
ble; vn homme galant csl un homine qui, par
des manières frivoles, cherche à jilaire aux da-
mes. Un homme plaisant esl un iiomme qui se
distingue des autres par des manières extérieu-
res enjouées, folâtres, cl qui font rire; un
plaisant ho/nme est un lidinme plein de mauvaises
qualités qui le rendent ridicule, lii/arre, singu-
lier. Une grosse femme est une femme qui, de
sa nature, a beaucouj» d'embonpoint ; une femme
grosse est une femme qui est dans l'étal acciden-
tel de *^rossesse.
Dans l'ordre naturel , tous les adjectifs no-
minaux devraient, ainsi que les adjectifs ver-
baux, être placés après leurs substantifs; car il
faut connaître un objet avant de le qualifier.
38
ADJ
Mais l'usage d'en placer plusieurs avant , dans
certaines circonstances, est venu de l'impalicncc
de caractériser d'abord un ol>jct par les qualilos
dont on est préoccupe ; de l'emprcsscinent de
préparer lu vrai jour dans lequel on veut le faire
voir; du désir de prévenir toulc équivoque sur
hdée qu'on s'en est faite, et qu'on veut commu-
niquer aux autres; du iiesoin de fixer l'esprit
plutôt ?ur les qualités de l'objet que sur sa sim-
ple distinction spécifique. Aussi est-ce parlicu-
liércmenl dans les cas où parlent les passions que
les adjectifs se montrent avant les substantifs ;
aussi est-ce particulièrement dans la poésie, qui
sans cesse a besoin d'images, que ces sortes d'in-
versions se multiplient d'une manière qui est in-
terdite à la prose. Ainsi l'amour ne voit pas seu-
lement un objet aimable, charmant, adorable, il
voit un aimable objet, vn charmant objet, un
adorable objet. L'ami ne dit pas seulement que
son ami lui est cher; il dit i]uc c'est son cher
ami; il l'appelle son cher ami. L'homme en co-
lère ne voit pas seulement dans celui qui l'a irrité
un homme méchant, mais un méchant homme;
et Orgon, sortant de dessous la table où il a connu
toute la scélératesse de Tartufe, ne dit pas, voila
un homme abominable; mais ,
Voilà, je TOUS l'avoue, un abominable homme.
(Ad. lY, se. VI, 1.)
Un amant dira de sa maîtresse (]u'clle lui lançait
de tendres regards, parce (jue l'idée de tendresse
est ce qui l'intéresse le plus. L'n homme indif-
férent dira qu'une femme lançait à un autre
homme des regards tendres, parce qu'il ne s'in-
téresse point à ces regards, et qu'il veut seule-
ment les faire connaître, en les distinguant, par
un adjectif, de la classe des regards indifférents.
En descendant à des sentiments moins vifs,
nous verrons que nous sommes portés à énoncer
les qualités bonnes ou mauvaises des objets,
avant ou après ces objets, suivant que ces quali-
tés nous affectent plus ou moins, ou que nous
voulons plus ou moins y intéresser les autres.
f^oilà un jardin qui est beau, voilà tin jardin
superbe, un jardin magnifique, dira un homme
qui, après avoir vu un jardin, juge simplement
qu'il est beau, superbe, magnifique; voilà un
beau jardin, un superbe jardin, un magnifique
jardin, dira celui qui aura été vivement frappé
de la beauté, de la grandeur, de la magnificence
du jardin; et, en parlant ainsi, il joint à l'ex-
pression d'un jugement celle du sentiment
d'admiration qu'ils éprouvé. Si je parle d'un
homme qui est dans la misère, sans relation aux
moyens de l'en tirer, ou à l'intérêt qu'il peut in-
spirer, je dirai il est dans une misère extrême;
mais si je veux marquer l'intérêt que je lui porte,
ou attendrir quelqu'un sur son sort, je |)résente-
rai l'excès de sa misère comme l'idée principale,
et je dirai, il est dans une extrême misère, dans
la dernière misère.
Il ne faut pas perdre de vue que les adjectifs
qui peuvent être placés avant leurs substantiis
doivent exprimer des qualités tirées de la nature
de l'objet exprimé par le substantif. Pour cela il
est nécessaire qu'il y ait une analogie prochaine
entre les idées exprimées par le substantif et par
l'adjectif. Je m'explique. L'adjectif sage exprime
une idée qui peut être, et qui est en effet com-
mune à un grand nombre d'individus de l'espèce
humaine, mais qui n'a pas un rapport direct, une
analogie prochaine avec la nature de tel ou tel
ADJ
homme en particulier considéré comme homme
Je ne puis donc pas dire un sage homme, parce
qu'il n'y a qu'une analogie éloignée entre les doux
idées. Mais si je considère un liomme comme re-
vêtu d'une magistrature dont le caractère princi-
pal doit être la sagesse, ce caractère le rappru-
chera de l'idée de la sagesse; il y aura entre le.^
deux idées une analogie prochaine, et je pourrai
dire un sage magistrat.
Les adjectifs qui désignent des qualités tirées
delà nature du sujet ont cela de particulier, que,
dés qu'on entend le substantif (ju'ils caractéri-
sent, ils s'identifient avec lui pour ne faire qu'une
seule et même idée. Quand j'ai prononcé bon, et
que je dis ensuite Tsain, ces deux mots, &on et
/)ai«, s'identifient tellement dans m^ncsprit qu'ils
n'y forment plus qii'une seule et même idée. Mais
si je dis frais pain, rassis pain, les adjectifs
frais et rassis ne tenant point à la nature du
pain, cl n'exprimant qu'un étal accidentel de la
chose, il n'y a i>as une analogie suffisante pour
que les deux idées n'en fassent qu'une de la
même nature, et i)ar conséquent pour que l'on
puisse placer l'adjoclif avant le substantif.
C'est donc une règle générale que tous les ad-
jectifs qui exprimenl des (jualilés tirées de la na-
ture de l'objet exprime par le substantif peuvent
être placés avant ce substantif; et que tous les
adjectifs qui expriment dcsqualilés accidentelles,
et qui ne font point partie de la nature «le l'idée
exprimée par le substantif ne peuvent être mis
qu'après.
On dira, d'après cette règle, bon pain, bon vin,
mauvais pain, mauvais vin , grand arbre, petit
ai'bre, e.rcellent fruit; q{ pain bis, pain blajic,
viande dure, figure ronde, matière combustible.
Ainsi, pour savoir si un adjectif peut être mis
avant son substantif, il faut examiner s'il désigne
une idée tirée de la nature même de l'objet ex-
primé par le substantif, et s'il y a entre les deux
idées exprimées par l'adjectif et par le substantif
une analogie assez prochaine pour qu'au moaieul
où ils sont énoncés ils ne fassent nailre dans l'esprit
qu'une seule et même idée.
Pourquoi, par exemple, ne puis-jc pas dire une
basse actiofi, et que je dis bien uîie basse intri-
gue? C'est que, dans le premier exemple, quoi-
qu'il puisse être de la nature d'une action d'être
basse, il n'y a qu'une analogie très-éloignée entre
les idées exprimées par action et ba.'ise: celle
d'action pouvant être modifiée par une grande
quantité de qualifications étrangères à celle de
basse, et présentant une nature commune à toutes
ces modifications. Dans le second exemple, au
contraire, le mot intrigue a une analogie étroite
avec le mot basse, parce qu'il est particulière-
ment de la nature de l'intrigue d'être basse, et
que si elle est susceptible d'autres modifications,
elles ont toutes quelque analogie avec celle qui
est exprimée par le mot basse.
Voilà pourquoi on ne dit pas «7! fidèle homme,
mais un fidèle ami; un modeste homme, mais une
modeste parure ; un juste homvie, mais une juste
récompense.
Cependant on dit un habile hovime. un savant
homme, un saint homme. Mais les adjectifs //«-
bile, savant, saint, désignent des qualités indi-
viduelles qui existent dans le seul sujet exprimé,
et qui lui sont particulières; ce qui les incl
dans une analogie prochaine avec un individu
de l'espèce humaine. Un homme sage est un
homme qui suit les préceptes ce la sagesse; un
homme prudent, celui qui observe les règles de
ADJ
îa prudence. Ces qualités peuvcMit être et soiU en
effet commiuics à un grand nombre iriiommes, cl
par conséquent elles n'ont pas une analogie olioitc
avec tel ou tel individu de l'espèce huniaino.
Mais vn habile homme est un homme qui possède
individuellement certaines qualités de l'esprit qui
le rendent habile; un savant homme, certaines
l'Onnaissances qui le rendent savant; un saint
liomme, certaines vertus qui le rendent saint.
L'habileté d'un homme n'est pas l'habileté d'un
autre honnne; la science d'un homme, celle d'un
autre; la sainteté d'un homme, celle d'un autre.
Ces (jualités se rapprochent ilunc, par ce carac-
tère d'individualité, de la nature de l'individu au-
quel on les attribue; il y a donc une analogie
l)rochainc entre elles et cet individu : les adjec-
tifs qui lescx|)riinent peuvent donc être présentés
comme ne faisant qu'une seule et même idée avec
l'idée de cet individu, cl ils sont présentés ainsi
en les plaçant avant le substantif.
On croira peut-être pouvoir m'objecler ici que
si l'on dit nn habile homme, par les raisons que
je viens d'ex{)oser, on peut dire aussi, par les
mêmes raisons, un adroit homme; car adroit e.\-
prime une qualité individuelle qui peut être pro-
pre à chaque individu, et qui est différente dans
les uns et dans les autres. La réponse n'est pas
difficile. Les adjectifs habile, savant, saint, ex-
priment des qualités intrinsèques; l'adjectif acf/'oiV
exprime laniùt unetiualité intrinsèque, tantôt une
qualité extrinsèque. L'adresse jjeul exister dans
le corps ou dans l'esprit. Ce caractère d'indéter-
mination rend donc cet adjectif peu propre à être
mis devant un substantif qui exprime un objet
susceptibledeluneou de l'autre espèce d'adresse.
11 y formerait une équivoque, et l'idée de tout
adjectif i)lacc devant un substantif doit être pré-
cise et déterminée. On ne peut donc pas dire U7i
adroit homme, parce (|ue l'analogie entre l'adjec-
tif et le substantif n'est pas bien marquée. Mais
on dit ^ln adroit opérateur, un adroit fripon,
parce que les substantifs opérateur et fripon lè-
vent l'équivoque , et établissent l'analogie , en
montrant qu'il est question , dans le premier
exemple, d'une adresse de main ou de corps, et
dans le second d'une adresse d'esprit.
On voit par là quo l'analogie se forme entre
l'adjectif et le substantif, taiiiût parla nature de
l'adjectif, comme dans habile homme, tantôt par
la nature du substantif, comnie dans adroit opé-
rateur, adroit fripon. C'est donc tantôt dans la
signiDcation de l'adjectif, tantôt dans celle du
substantif, qu'il faut chercher le défaut d'analo-
gie qui les empoche de se confondre l'un et l'au-
tre en une seule et même idée, et qui, par con-
séquent, repousse l'adjectif de la [)remièrc place.
Cependant l'analogie se forme aussi quelque-
fois par les circonstances du discours, lorsqu'on
a dit, avant de faire paraître le substantif et l'ad-
jectif, des choses qui restreignent la signification
du premier, de manière à le faire prendre dans
unsensassez analogueù l'adjectif, pour ne former
avec lui qu'une seule cl même idée. Par exemple,
on ne dit pas faire une f/énérevse action, parce
que l'analogie des deux idées est trop éloignée.
Mais après avoir parlé d'une action à laquelle
on peut donner l'épithèle de généreuse, on dira
fori bien cette généreuse action lui mérita une
récompense ; parce que l'action ayant clé caraclc-
risée dans le discours d'une manière analogue à la
signification de ladjectil', l'esprit saisit ce carac-
tère et le joint naturellement au mol action qui
vient ensuite; ce qui forme entre î'adjectif cl le
ADJ 3r,
substantif une analogie prochaine et sensible
iNous avons parlé des adjci;lifs nominaux qui
peuvent être placés avant leui-s substantifs, cl in-
diqué les iirincipales causes qui leur font don-
ner ordinairement celle place. Mais, ainsi quu
nous l'avons remarqué, ces adjeclifs iwuvcnl
aussi être mis à leur place nairrclle. 11 n'y en a
qu'un très-petit nombre qui piv.':-^**!'!!! (..ujours
leurs substantifs, soit parce (pi'ils ne lornieni
qu'un seul mol avec ces substantifs, cuimnc sage-
femme, petil-ma'itre, soit |)arce (pie, lorsqu'ils
sont mis après, ils ont une signification diffé-
rente. On dit toujours grand philosophe, grand
général, grand capitaine, grand peintre, |tour
désigner des (jualités Irès-supérieurcs dans les in-
dividus auxipicls on appliipie cet adjectif; parce
que grand, mis après un substantif, signilic seu-
lement étendu en longueur, en largeur ou en pro-
fondeur. On dit toujours un honnête homme pour
signifier un homme qui a de la droiture et de la
probité, parce (\uliomme honnête signifie un
homme poli et cpii a envie de plaire, etc. ; ex-
cepté ces mots cl quelques autres semblables,
que l'on trouvera iiidi(iués à leurs jibiccs, tous
les adjectifs nominaux qui peuvent être mis avant
leurs substantifs peuvent aussi être mis après,
selon le besoin de renonciation ou la manière de
concevoir de celui (pii parle ou qui écrit.
On dit ordinairement du Ion pain, de la bonne
viande; maison dit aussi du pain bar. et bien
cuit, de la viande bonne et tendre. On dit un
brave soldat, mais aussi un soldat brave et intré-
pide; une belle ville, mais aussi une ville grande
et belle; une belle situation, mais aussi hhc «t-
tuntion belle et pittoresque. Quelquefois on est
obligé d'employer cette seconde construction ,
parce <|u'on ne peut pas mettre avant le substan-
tif deux adjectifs dont l'un jjciit et l'autre ne peut
pas avoir cette place; comme dans 6o/j/ie eMe«-
dre viande, du bon et bien cuit pain. Qu-clquc-
fois aussi, lorsqu'on peut employer l'une cl l'au-
tre, on préfère la dernière, par des raisons de
clarté ou de goût.
En effet, on dit également bien «;» soldat brave
et intrépide, cl un bravo et intrépide soldat;
parce que les deux adjectifs se mettent également
bien avant ou après le substantif.
On peut mettre avant un substantif deux ad-
jectifs liés par la conjonction et, vn illustre ai
grave auteur; mais il faut que chacun de ces
deux adjectifs soil de nature à être mis avant ce
substantif. On ne peut donc pas dire i//j illustre et
classique auteur, parce qu'on ne dit pas uttclat-
sicjueauteur,nrji\sunaulcurctussifjuc.ïèrd\l(i,dL\l
mot ^(//cc^iy, approuve cependant cette construc-
tion, en s'appuyant sur un exemple lire d'un au-
teur obscur et sur deux phrases très-familières
de madame de Sévigné. Mais, à l'article Gratuit,
il désap[)rouvc une phrase de celle espèce tirée
de Bossuct, et appelle ces sortes de constructions,
dures et sauvages. Quelquefois elles no sont pas
dures, mais elles sont toujours irrégulières.
L'adjectifdesliné par sa nature à modifier le
substantif doit en être rapproché le plus qu'il est
|)Ossible. Ce rapprochement ne pourrait avoir lieu
si l'on menait avant le substantif un adjectif qui
a un régime, ou qui est modifié par un adverbe;
car il faudrait faire suivre cet adjectif du régime
ou de l'adverbe qui le modifie, et alors le sub-
stantif ne suivrait i)as immédialemenl l'adjectif,
mais ce régime ou ccl adverbe. On doit donc
dire c'est un homine capable de vous 7iiunqucr
de respect. Si, au contraire, c'est le substantif qui
40
ADJ
a un régime, il faut, autant gue l'usage peut iC
pcnncllre, faire précéder l'adjectif, nfiii ipi'il soit
rapproché de son subslanlif, et que ce substantif
soit suivi de son régime: L'incomparable auteur
de l'Enéide. Quchpicfois aussi, quand le régime
n'est pas exprimé par plusieurs mots, on met l'ad-
jectif après le régime, si cette construction ne
lorme pas une équivoi]uc: Une natte de jonc
grossière.
Mais dans le style soutenu, et surtout en poésie,
ces régies ne sont pas toujours observées. Un poète
dirait fort bien do la vertu CinestimaUe prix;
un poète ou un orateur [ilacent quelquefois élégam-
ment l'adjectif après le verbe et loin du substan-
tif, surtout lorsque le sens de cet adjectif ajoute
au verbe quelque accessoire qui lui donne plus
de force ou d'ugr-mont; c'est ce qu'on voit dans
cette phrase de 1 cnelon : Les bergers, loin de se-
courir le troupeau, fuyaient tremblants pour se
dérober à sa fureur. [Télêm)
Il y a un autre cas où l'adjectif est toujours
séparé du substantif par le verbe, c'est lorsqu'il
est l'attribut d'une proposition: Ce vin cstbcj:,
cet homme est innocent, etc. Mais, dans ces phra-
ses, l'adjectif est considéré isolément comme ad-
jectif. Il ne modifie pas réellement le substantif;
on déclare seulement qu'il peut le modifier. Ce
vin est bon, signifie, l'adjectif iore peut être dit de
ce vin
D'après ce que nous avons dit sur la place des
adjectifs nominaux, on peut distinguer aisément
ceux qui doivent être mis après le substantif,
sans pouvoir jamais être mis avant.
Nous mettons dans cette classe les adjectifs qui
expriment les qualités qui ne sont pas tirées de
la nature de l'objet exprimé par le substantif; tels
sont :
1° Les adjectifs qui désignent les impressions
que les objets font sur nos sens : Du pain blanc,
du drap rouge, du drap bleu ; une surface unie,
raboteuse, dure, molle, etc. ; un son aigre, aigu,
perçant, éclatant, etc. ; une odeur forte, douce,
suave, etc. Ces qualités n'existent point dans les
objets qui les occasionnent ; elles ne sont doiîc
point tirées de leur nature, mais de la nature de
nos sens, quiles éprouvent à leur occasion.
On dit bien, au figuré, une noire trahison, un
noir attentat, une noire calomnie; mais alors
l'adjectif noirna signifie point une couleur dont
l'âme reçoit l'impression à l'occasion des objets,
mais une atrocité inhérente à la nature des choses
qu'il qualifie. Delillea dit de noirs orages; mais
ou c'est une licence poéti(iue, ou il a voulu dire
des orages qui, par leur nature, inspirent la tris-
tesse, la mélancolie, la terreur.
2" Les adjectifs qui expriment le-; formes dos
objets, comme rond, carré, octogone, triangu-
laire; verre convexe, verre concave, etc.
3" Les adjectifs qui expriment des rapports
du substantif . T. ec un autre substantif, se mettent
toujours après le substantif qu'ils modifient. Un
palais royal exprime un rapport entre un palais
et un roi, et l'on ne peut pas dire un royalpa-
lais. On dit de même, pourpre royale, dignité
royale; tendresse paternelle, maternelle, conju-
gale; principe grammatical; opération algébri-
que ; oraison dom,inicale , bonté divine, etc.;
mais on dit aussi divine bonté, parce que la
bonté est une qualification tirée de la nature de
la Divinité, que la Divinité est la source de toute
bonté, et qu'il n'y a pas réellement ici de rapport
entre deux objets différents.
4° Les adjectifs qui n'expriment que les points
ADJ
oc Tu„ particuliers, sous lesquels nous con-
sidérons lesobjcls: Une chose nécessaire, possible
impossible ; une beauté parfaite, une idée abu-
sive, une idée absurde ; une place incommode , un
établissement utile, un homme dangereux, une
maladie dangereuse, mortelle; 7in genre supé-
rieur.
5° Les adjectifs qui expriment l'état, la situa-
lion des personnes ou des choses, ou les habi-
tudes des personnes. Dans le nombre de ces ad-
jectifs sont compris les adjectifs verbaux dont
nous avons parlé : Un homme tranquille, calme;
un homme oisif, contemplatif ; un homme ivie,
une vie tranquille, un esprit tranquille, un es-
prit content ; un homme vif, indolent, colère, en-
têté, insolent, avare, grondeur, menteur, labo-
rieux, paresseux ; une chambre froide, un fer
chaud, de la morue fraîche; du drap mince^
épais ; un hois clair, un charbon ardent.
6° Les adjectifs qui expriment quelque modi-
fication extérieure et accidentelle, soit des per-
sonnes, soit des choses. Un homme aveugle.,
borgne, bossu, etc.; du bois tortu, uîic bouteille
étoilée, un bâton noueux, un bâton pointu.
1° Les adjectifs qui ne font que distinguer
simplement les objets, par des différences de
genre, d'espèce ou de sorte : Un animal raison-
nable; un homme blanc, wn homme noir, un
homme olivâtre; un arbre fruitier, un arbre
sauvage; mie perdrix rouge, une perdrix grise ;
inode française, allemande , anglaise; méthode
latine ; accent gascon, norma7id, picard; musi-
que italienne ; poé'me épique; nom substantif,
nom adjectif ; pronom, personnel ; verbe actif.
Sans doute que, malgré les régies que nous
venons de donner, il se rencontrera encore des
dilficultés; mais comme dans cet ouvrage, nous
examinons les adjectifs relativement à leur con-
struction, elles sont toutes éclaircies à l'article de
l'adjectif qui leur aura donne lieu.
Quant à l'emploi des adjectifs, il doit être ré-
glé par la nature de la pensée qu'on veut rendre,
ou de l'image qu'on veut peindre; tout ce qui
s'en écarte est froid ou ridicule. Si la profusion
des épithèles, dit La Harpe, est un défaut en
poésie, c'en est un bien plus grand encore dans
la prose, dont le ton doit ého plus simple. Ce
n'est pas apparemment l'avis de beaucoup de pro-
sateurs de nos jours, qui s'imaginent avoir de la
force et du coloris en accumulant des mots. Cela
donnait parfois un peu d'iiuineurà Voltaire, qui
écrivait à ce sujet : i> Ne pourra-t-on pas leur
faire comprendre, combien souvent l'adjectif est
ennemi du substantif, quoiqu'ils s'accordent en
genre, en nombre et en cas? n {Cours de Littéra-
ture, tom. IV, p. 86.)
Il est diiïicile aux étrangers de distinguer les
adjectifs (jui neconvicnneiû qu'aux personnes, et
ceux qui ne conviennent qu'aux choses. Pour
faire cette distinction, disent les grammairiens, il
faut examiner si le verbe dont l'adjectif dérive
peut avoir les personnes pour régime direct. Par
exemple, on dira bien cette personne est admi-
rable, est excusable, parce qu'on peut dire, ad-
mirer quel qu'un, excuser quelqu'un /maiscomme
on ne dit pas pardonner quelqu'un, contester
quelqu'un, les adjectifs /ja?'tfo«/iai/e, contestable ,
incontestable, ne peuvent s'appliquer aux per-
sonnes, et par conséquent on ne peut pas dire
I cet homme est pardonnable, contestable, incon-
j testabL'.
Adjectivement. Adv. Terme de grammaire. Era-
I ployer un substantif adjectivement, c'est l'em-
ADiM
ployer comme adjectif. Dans cette phrase, le re-
mords accusateur, le suhsianlif accusateur est
pris adjectivement. Cet adverbe ne se met qu'a-
près le verbe.
* Adjoiivt. Subsl. m. Terme de grammaire qui
ne se trouve point dans !es dictionnaires de la lan-
gue. On appelle adjoints les m.ots ajoutés à une
proposition, et <|ui n'en font point partie; telles
sont les interjections hélas! ha! etc. Dans ce vers
de madame Deslioulières ,
Hélas ! petits moutons, qne vous «les licureui !
(Les 3/ou(ons, itlvllc, v. t.)
que vous êtes heureux, sont les mots qui for-
ment la proposition. Que y entre comme Rdverbe
de quantité, de manière et d'admiration; i^ous est
le sujet, êtes heureux est l'attribut dont être est
le verbe. Voilà la proposition coinph'ae : Hélas!
et petits moutons sont des adjoints. Quelques
grammairiens donnent à Vadjoint le nom d'ad-
jonciif.
* Adjonctif. Voyez Adjoint.
.\djdger. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
\Gg doit toujours se prononcer comme un j ; et,
pour lui conserver cette prononciation, lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
ayant cet a ou cet o: Je Jugeais, nousJugeons,ei
non p^nsjejur/aisynousjur/ons.
Admettre. V. a. et irrcgulier de la 4^ conj. Il
se conjugue comme mettre. Voyez ce mot.
Admettre quelqu'un à l'audience, Admettre
quelqu'un dans vne société. Admettre quelqu'un
parmi ses amis. Il a été admis à se Justifier, à
faire preuve. — Admettre des excuses, des rai-
sons ; admettre un compte.
Administrateur. Subst. m. On dit au féminin,
administratrice.
* Administrativement. Adv. On ne le trouve
point dans le Dictionnaire de V Académie . 11 si-
gnifie, suivant les formes, les règlements admi-
nistratifs, par autorité administrative. Décider
ii7ie affaire administrativement .
Ad.mirabli:. Adj. des deux genres. Il se met
ordinairement après son subsl. , et peut se
mettre avant, si l'analogie le permet. On dit un
homme admirable , et non l)as un admirable
homme. Mais on dit bien cette admirable con-
duite lui attira les applaudissements do tout le
inonde. Voyez Adjectif.
Admirablement. Adv. Il ne se met guère qu'a-
près le verbe ; Il chante admirablement.
Admiratedr. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit admiratrice .
âdviiratif, Admirative. Adj. On dit un ton
admiratif, unaeste admiraiif, poiu" dire un ton,
un geste qui marque de la surprise, de l'admira-
tion, ou une exclamation; et, en termes de gram-
maire , on appelle particule admirative une
particule qui exprime les mêmes choses, comme
ah! eh! On dit aussi un point admiratif, ou un
point d'admiration, pour signilier un point qui
se marque ainsi (!),ct qui se met après les mots
ou les phrases qui marquent la surprise, l'admi-
ration ou l'étonncmcnt, ou qui expriment une ex-
clamation. Les imprimeurs l'appellent simplement
admiratif, et alors ce mot est substantif mascu-
lin, ou adjectif en sous-entendnnt/)oz«^
On met le point admiratif après le dernier mot
de la phrase qui exprime l'admiration: Que je
suis à plaindre! Mais on demande quelle doit
être la ponctuation, si la phrase commence par
une interjection comme eh, lui, hélas. Commu-
ADU 41
nément on met le point admiraiif d'abord apn-s
\'\n[u-icc{\ou: Hélas! petits moutons, que vous
êtes heureux; hci! mon Di,'u,,/ueje sou/f,r
Mais, comme le sensadiuiraiil w linil qu'avec l;i
phrase, il parait mieux de ne meitic le |)oinl ad-
miraiif (ju'après tous les molst)ui énoncent l'ad-
miration. Hélas, petits moutons, que vous êtes
heureux! Ha, que je souffre!
Admiration. Subst. f. Ce mot n'a point do plu-
riel.— L'Académie, en 1835, dit que ce mol se dii
quelquefois de l'objet même (pi'on admire, et
elle donne cet exemple où il est employé au plu-
riel dans ce sens : On tient à ses vieilles admi-
rations.
Adoptif, Adoptive. Adj. H se dit des persoi;-
nes qui ont été adoptées, et suit toujours son
subst. : Fils adoptif, fille adoptive, enfants adop-
tif s.
Adorable. Adj. des deux genres. Il se met avant
ou après le subsl., selon <pie celui qui parle"
est plus ou moins affecté. On ne dira pas un ado-
rable homme, mais un amant dit à sa maîtresse.
mon adorable amie. En vers et dans la prose sou-
tenue, il précède souvent son subslautif : Adora-
ble mystère! Adorables desseins de la Provi-
dence ! Voyez Adjectif.
Adorateur. Subst. m. L'Académie ne met
point le féminin adoratrice , cependant on le dit.
Ce mot s'cmi)loic élégamment comme adjectif,
Je n'ai percé qu'à pcînc
Les flots toujours nouveaux d'un peuple adorateur.
(ItiC, Bérén., act. I, se. III, 3.)
{Grammaire de» Grammaire, p. 1056.)
Adoré, Adorée. Adj. qui ne se met qu'a|irès
son subst. Il régit la préposition de, ou se met ab-
solument. Une femme adorée de son mari, une
épouse adorée.
Adresse. Subst. f. Leur adresse à tirer de
l'arc. (Marmontcl.) Métophis avait eu l'adresse
àc sortir de prison. (Fénel., Télém., liv. II, t. 1,
p. 413.).
Adroit, Adroite. Adj. On prononçait autrefois
adrèt, adrè/e. Corneille a dit dans Agésilas (act.
II, se. I, 412) :
Ma sœur, vous i!les plus adroite:
Soufflez que je ménage un inomcul de retraite.
Grosset, dans le Méchant (act. III, se. vi, 48) :
Et si l'on vous montrait
Que vous le lia'ircz.
VALtIlE.
On serait bleu adroit.
Voltaire fait aussi rimer adroite avec grisetle,
discrète.
Féraud pense que, dans la conversation, on
peut prononcer adrèt, adrèle. Il se trompe, on ne
prononce jamais ainsi.
Cel adjectif se met avanl son substantif, dans
les circonstances (juc nous avons indi<iuées au
mot adjectif. On ne dit pas un adroit homme,
parce que l'analogie avec le substantif n'est pas
assez rapprochée ;"mais on dit une adroite politi-
que, parce qu'il esl de la nature de la politique
d'être adroite. On dit aussi, dans un mouveineni
d'indignation, c'est un adroit coquin. Il régit la
préposition à.
Adroitement. Adv. On peut le mettre enlre
l'auxiliaire et le participe. // s'est tiré adroite-
ment, ou il s'est adroitement tiré d'affaire.
Adulateur. Subst. m. Au féminin on dit adu-
42
ADV
latrice. Advlaleur vient du latin adulare, flatter
de la voix et du gcsie, à la manière des chiens.
L'adulateur est celui qui flatte d'une manière
basse, vile, lâche, servile, impudente, et même
grossière. L'adulateur veut munlier une soumis-
sion entière, une admiration sans homes. 11 loue
sans distinction le hicn et le mal, les perfections
et les défauts , les vertus et les vices ; il
prodigne des applaudissements même au ridi-
cule : le flatteur est moins has; dire des choses
agréahlcs à celui qu'il flatte, est son but direct ;
plaireen flattant, son liut détourné. L'adulateur
loue avec impudence une chose évidemment
mauvaise; le flatteur cherche à donner à une
chose mauvaise des couleurs qui la fassent pa-
raître louable. L'adulateur donne des louanges à
tort et à travers, et veut seulement montrer'qu'il
loue ; le flatteur loue par des motifs vrais ou a|>-
parents, il veut montrer du désintéressement. On
l'emploie dans le style noble.
Addlation. Subst. f. Il s'emploie dans le style
noble.
Adcler. V. a. de la 1" conj. Diderot a dit :
Quoi! vous adulez bassement le souverain pen-
dant sa rie, et vous l'insultes cruellement après
sa mort! Quoique adulateur soit du style noble,
aduler n'est que du style simple.
Adultère. Adj. des deux genres. Il se met
avant ou après le subst., suivant l'analogie plus
ou moins étroite qui existe entre les deux. On ne
dit pas une adultère fernme , une adultère
/îamme; mais on pourrait dire un adultère mé-
lange, dans le sens que Rousseau donne à ce
mot dans les vers suivants (1" Allégorie, d3) :
D'où peut venir ce molange aJiillère
D'adversHés, dont l'iitilironce allère
Les plus beaux dons de la terre et des cieui ?
Le mot milange ayant ici une analogie étroUe
avec l'adjectif adultère, pourrait permettre l'in-
version. YoyczJdj'ectif.
Addi.tép.er. V. a. de la 1" conj. L'Académie
ne le donne que pour un terme de pharmacie.
Adultérer les médicaments. — On dit aussi en ju-
risprudence, adultéiVr les monnaies, adultérer
des marchandises. Dqns le langage ordinaire, on
à\\. altérer.
Adultérin, Addltérike. Adj. Il suit toujours
son subst. Un enfant adultérin.
Adve.mick, ou Adventif, AnviijSTivE. Adj. L'un
et l'autre se dit en jurisprudence : le premier se dit
seulen physique et enmétaphysi(iue. — Ce mot si-
gnifie, qui n'est pas naturellement dans une chose,
qui y survient de dehors. En physique , on apjjclle
matière adventice la matière qui n'appartient
pas proprement a un corps, mais qui y est jointe
accidentellement. En botanique, on appelle joZan-
les adventices les plantes qui croissent sansavoir
été semées; racines adventices, celles qui revien-
nent à la place de colles qui ont été coupées. —
Les philosophes qui admettaient des idées innées,
appelaient idées adventices celles qui viennent
des sens, d« façon que, sans les impressions faites
sur nos organes, nous ne saurions les avoir, dans
l'état présent des choses. Ils les appelaient ainsi,
parce (]u'elles sont produites ou occasionnées en
nous par les objets extérieurs. — Adventice ou
adventif se dii, en jurisprudence, de ce qui ar-
rive ou accroît du dehors à quelqu'un ou à (jucl-
que chose. Les biens adventices ou advcntifs
sont ceux qui viennent à quelqu'un comme un
ADV
présent de la fortune, ou par la libéralité d'un
étranger, ou par succession collatérale, et non
par succession directe. En ce i^on^, adventif esi
opposé à profrctif, (]ui se dit des biens qui vien-
ncnten ligne droite du père ou de la mère. —L'A-
cadémie, en J835, donne le premier comme terme
didactique, non applicable à la jurisprudence, cl
le second comme un mot employé seulement dans
le droit romain.
Adverbe. Subst. m. Ce mot est formé de la
préposition ad, vers, auprès, et du mot verbe,
iiarccque l'adverbe se met ordinaireiuent auprès
du verbe, auquel il ajoute quelque modification
ou circonstance. // aime conslaminent, il parle
bien, il écrit mal. l.a dénomination de l'adverbe
est prise de son usage le plus ordinaire, qui est
de modilier l'action que le verbe exprime. Mais
il y a des adverbes qui se rapportent aussi aux
adjectifs, aux participes, et à des noms qualifica-
tifs, tels que père, roi, etc. Il m'a paru fort
changé, c'est une femme extrêmement sage et fort
aimable, il est véritablement roi.
L'adverbe équivaut à une préposition suivie de
son comjilément; sagement vaut autant que avec
sagesse ; ai'msï tout mot qui peut cire rendu par
une préposition et un nom, est un adverbe.
L'adverbe n'a pas besoin de complément; c'est
un mot qui sert a modilier d'autres mots, et qui
ne laisse pas l'esprit danl l'attente nécessaire d'un
autre mol, comme font le verbe actif et la i)ré-
position. Si je dis du roi, z7 a donné, on me de-
mandera quoi et à qui^ SI je dis de quelqu'un
qu'il s'est conduit avec, ou pur ou sans, ces pré-
positions font attendre leur complément. Au lieu
que si je dis, il s'est conduit prudemment, l'es-
prit n'a plus de cpicstion nécessaire à faire par
rapport k prudemment. Je puis bien, à la vérité,
demander en quoi a consisté cette prudence,
mais ce n'est plus là le sens nécessaire cl gram-
matical.
Il y a autant d'adverbes qu'il y a d'espèces oe
manières d'être qui peuvent être énoncées par
une iiréposition et son complément. On peut les
réduire à certaines classes. Il y a des adverbes
de temps, auparavant, autrefois, dernièrement;
de lieu, ailleurs, devant, derrière, dessus, des-
sous, etc.; de qualité, savamment, précieuse-
ment, ardemment, etc. ; de i|uantité, beaucoup,
peu, davantage, etc.; de manicvc, promptement,
lentement, etc.; d'interrogation, pourquoi^ etc. ;
d'affiimation, certainement, vraiment, oui, eic;
de négation, nullement, point du tout, etc.; de
diminution, presque, peu s'en faut, etc.; de
Ao\ï\e, peut-être, etc. ; d'exception, seulement.
Il y a des adverbes qui servent à marquer la
ressemblance , ainsi que , comme , de même
que, etc. ; d'autres marquent diversité , d^ail-
Icurs, autrement, etc. ; d'autres la quantité de
foï^, quelquefois, souvent, rarement, clc; d'au-
tres les nombres ordia&ViX, première??ie?it, secon-
dement, etc.; quelques-uns servent dans le rai-
sonnement, parce que, ainsi, or, par conséquent;
quelques autres marquent assemblage, ensemble,
parciUcinent, etc.; d'autres marquent division,
séparément, à part, etc.
Il y a plusieurs adjectifs que l'on peut prendre
adverbialement, comme dans sentir bon, sentir
mauvais, voir clair, etc.
11 y a des adverbes qui font exception à la règle
générale, (jui veut que les adverbes n'aient point de
régime; tels sont dépendamment, l'âme agit dé-
pcndamment des organes ; indépendamment ,
Dieu agit indépendamment de toutes choses;
ADV
vréférahlement, il faut, aimer Dieu préfcrabïe-
nient à loul; relativement, cela se doit entendre
relalircvient à une autre chose; convenallernent,
parler convenablement à son sujet; conformé-
ment, vivre conf^irmcmen* à l' Évangile ; anic-
riciirement, cette dette a cté contractée antcrien-
rement à la vôtre; consêquemment, je me suis
conduit conscqvemment à ce gui avait été réglé ;
postérieiiremr7it, cet acte a été fait postérieure-
ment à celui dont vous parlez; différemment,
les princes agissent différemment des }.urticu-
Kers ; inférici're'rtC7it , supérienreniont , dnux
auteurs ont écrit sur cette inaliore, mais l'un a
écrit bien inférieurement, bien supérieurement
à Vautre ; proportlonuémciit, il n'a pas été ré-
compensé proportionnémeiit à son 7nérile.
Les adverbes se iilai-ent urdinaiicinoiil avant
lesadjeclifs qu'ils modiliciU. Il est f. ri heureux,
il est très-paurre, je suis fortement persuadé.
A i'c'gard des verbes, dans les lemps simples,
l'adverbe se place ordinairciiieiit ai)rcs le verbe
tiu'il modifie. Je danse bien, il joue adroite-
ment, elc.
Loreque le verbe est à l'iiilînitif, l'adverbe
peut se mettre avant ou apirs, suivant le goût
ou l'harmonie. Ôa dit bien faire son devoir, et
faire bien son devoir. Loisituc le verbe est à un
temps composé, l'adverbe se met ou après le
verbe ou entre rau\iliairc et le participe : R a
mal fuit, vous rot/.î êtes bien conduit, il a soi-
gneusement travaillé, il a merveilleusement bien
travaillé, il s'est jjarfaitement bien conduit;
mais lorsqu'au lieu d'un verbe il y a une phrase
adverbiale, cette plirase se met toujours après le
participe: Il s'est conduit arec sagesse, avec
beaucoup de sagesse, elle a agi avec prudence.
L'adverbe de quantité, dit d'Olivcl, a cela de
remarquable, qu'étant uni à un substantif par la
particule de, il n'est, à l'égard de ce substantif,
que comme un sini[ile adjectif, puisque l'un et
l'autre ensemble ne présentent qu'une idée totale
et indivisible. Aussi est-ce une règle sansexcc])-
tion, que dans toutes les phrases où l'adverbe île
quantité fait partie du sujet, la syntaxe est fon-
dée sur le nombre et lo genre du substantif. Bien
des gens discni; combien de <jciis pensent; vous
ne savez pas combien cette maison a coûté.
Voyez Complément, Construction.
Les adverbes comparatifs si, aussi, plus et au-
tant se répèlent avant chaque adjectif et chaque
verbe qu'ils modifient. // est si sage, si bon, si
doux, qu'il se fait aimer de tout le monde. Plus
un prince est aimé de ses peuples, plus leur bon-
heur lui devient cher. (Marmontcl , Bélisaire,
chap viii, p. 63.) Autant le toucher concentre
ses opérations autour de lui, autant la vue étend
les siennes au delà de lui. (J.-J. Rousseau,
Emile, liv. IL)
Beauzée et Roubaud ont établi une différence
entre l'adverbe et la phrase adverbiale ; par exem-
l)!e, entre sagement et avec sagesse ; prudem-
ment et avec prudence. L'adverbe spécifie la fa-
çon particulière d'agir du verbe, ou une ([ualité
propre de cette action. L'adverbe est au verbe j
ce que l'adjectif est au substantif : le premier est
une modification du verbe, comme l'autre est une
modification du nom; et de même que ce dernier
indique l'aspect particulier sous lequell'objet doit
être considéré dans le discours, le premier dis-
lingue l'espèce particulière d'action que le verbe
laissait en partie indéterminée. Ainsi l'adverbe
exprime une modification, une qualification con-
stante qui, en donnant au verbe un sens particu-
ADV 45
lier, se confond en quelque sorte avec lui, et s'6-
tcnd avec lui sur toute la durcc de l'action; au
lieu que la phrase adverbiale n'exprime qu'une
circonstance particulière de l'action, cl n en em-
bra.sse pas toute l'itcndue. L'adverbe s[)écifie
caractérise la nature de l'ailiun; la phrase ad-
verbiale n'en indique qu'une niodilu-ation par-
tielle, uu accident i)articulier : Vu liomnic qui
s'est conduit sagement a i;lé s;ige ilans toute su
conduite; sa conduite a été sage": un hninmc qui
s'est conduit avec sagesse a mis de la sawsi'
dans sa conduite; il a de la sagesse. La phra.se
adverbialen'emporle(|u'uii raiijiurt, uncinnucme
quelcontiue; l'adverbe emporte une inlluence
continue, un concours soutenu. Voilà poun|uoi,
quand il s'agit de mettre un ai-lc en opposition
avec l'habitude, l'adverbe est |)lus propre à mar-
quer l'habitude, et la phrase adverbiale à indi-
quer l'acte, comme dans ces ijjirase.e : Un homme
qui se conduit sagement ne peut pus se promet-
tre que toutes ses actinns S'>ic7it fuiter avec sa-
gesse. Un auteur qui n'écrit pas élégamment
peut toute fois de temps en temps rendre des pen-
sées avec élégance. liésislcz avec courage à cette
ie?itation, et suivez toi/jours courageusement le
chemin de la vertu. La finesse, lu méchaticoté
même, peuvent quelquefois s'énoncer avec naï-
vett', mais il n'est donné qu'à la candeur et d la
simplicité de parler toujours naivomoiit. Si ce
n'est pas précisément l'habitude (prannonce l'ad-
vci'be, il est du moins fort pro[jre à la désigner,
puisqu'il marque une influence forte et constante
•lui suit le verbe dans tout le cours de l'action, el
imprime à l'action un caractère distinclif. Voyez
Formation.
AnvEr.BiAL, Adverbiale. Adj. Il se dit en gram-
maire, d'une expression qui équivaut à un ad-
verbe. Adroitement CSKxxaaé^ycrhc; avec adresse
est une expression adverbiale. Cet adj. se met
toujours après son subsl. Voyez Adverbe.
AnvEiiBiALEMENT. Adv. A la manière dos ad-
verbes. On dit (]uc des adjectifs sont pris adver-
bialement, lorscju'ils sont employés dans un sens
adverbial. Par exemple, dans ces façons de par-
ler, tenir bon, tenir ferme; bon el ferme, qui
sont des adjectifs, sont pris adverbialement. On
dit aussi sentir bon, sentir rnauvais; <l, dSDS
ces phrases, les adjectifs bon et rnauvai." ."ont pris
adverbialement. Cet adverbe ne se met (l't'après
le verbe : Ce not est pris adverbialement.
AnvERSATiF, Ai-vEBSATivE. Adj. Tcrmc dc gram-
maire qui signifie, qui marque (iueli]ue diffé-
rence, quelque restriction ou opposition entre ce
(}ui Suit et ce qui précède. Il y a des conjonc-
tions adversatives qui rasseinlilenl les idées, et
font servir l'une à contre-balancer l'autre. Telles
ponl mf'is, quoique, bien que, cependant, pintr-
tant, néanmoins, toutefois. Ces conjonctions dé-
signent, entre des propositions opposées à quel-
ques égards, une liaison d'unité fondée sur la
compatibilité intrinsè(pie.
On appelle proposition adversative celle qui
est composée de deux propositions dont la se-
conde marque une distinction, une séparation,
une sorte de contrariété et d'opposition, jiar rap-
port à la première. Cette séparation est marquei-
par une conjonction adversative. La fortune
peut bien ôter les richesses, mais elle m- peut
pas ùtcr la vertu; voilà une proi)Osilion compo-
sée qu'on appelle adversative, où la séparation
est marquée parla conjonction adversjilive mais.
11 y a cette différence entre les conjonctions
adversatives cl les (lisjonclives, que, ilans les au-
41
AFF
versatives, \(, premier sens peut subsislcr sans le
secours du second qui lui est opjKJsé; au lieu
qu'avec les disJDnclivos, l'cspril considère d'a-
bord les deux membres ensemble, el ensuite les
divise en donnant rnlternalive, en les partageant,
en les distinguant : C'est le snlcil ou la terre qui
tourne; c'est vous ou rnni; soit que vous man-
diez, soit que vous buviez. Fn un mot, l'adver-
sative restreint ou contrarie, au lieu que la dis-
jonclive sépare ou divise.
Adverse. Adj. des deux genres. 11 ne se met
guère qu'avec les mots fortune et partie. Avec
partie c'est un terme de jurisi)rudence qui signi-
fle la i)arlie avec laquelle on est en procès. Dans
le langage ordinaire, on dit tpielqucfois la for-
tune adverse, pour dire l'adversité. Rousseau a
dit en vers, l'adverse fortune; et A'oltaire, en
prose, l'adverse partie.
Jumaij Vadvcrsc fortune.
Ma surveillante importune,
Ne parut plus loin de moi.
fJ.-B. Ronss., liT. IV, od. ix, 3S.)
Ne croyant pas que son adverse partie ait des ar-
mes, il se jette sur lui. (Voltaire.) — On dit aussi
en jurisprudence, l'avocat adverse, pour dire
l'avocat de la partie adverse.
Adversité. Subst. f. Lorsque ce mot signi-
fie l'état d'infortune, de malheur, qu'éprouve
l'homme par un ou nlusicurs accidents fâcheux,
il n'a point de pluriel : J^tre au,,!! ''adversité. Il
éprouva ce que la prospérité a de plua K^T^nd, et
ce que l'adversité a de plus cruel. Lorsqu'il si-
gnifie accident fâcheux, il prend le pluriel. L'ad-
versité est un état, les adversités sont des acci-
dents. On peut éprouver jjlusieurs adversités,
sans être dans l'adversité. L'adversité est le ré-
sultat des grandes adversités.
M. Celte figure n'est aujourd'hui qu'une diph-
thongue aux yeux , parce que, quoiqu'elle soit
composée de a et de e, on ne lui donne dans la
prononciation que le son de Ve simple ou com-
mun, et nicme on ne l'a pas conservée dans l'or-
thograi)hc française. On écrit César, Enée ,
E7iéide, Eole, eic. Comme on ne fait. point en-
tendre dans la prononciation le son de l'a et de
Ve en une seule syllabe, on ne doit pas dire que
cette figure est une diphthonguc. On prononce
a-éré, exposé à l'air, et de même a-érien. Ainsi
a e n'est point une diphthonguc en ces mots, puis-
que la et l'e y sont prononcés chacun séparé-
ment, comme des syllabes particulières.
Aérien, Aép.ie.nne. Adj. Il suit toujours son
subst . : Des esprits aériens.
AÉRiFORME. Adj. des deux genres. On prononce
a-éri forme. 11 ne se met qu'après son subst. : Sub-
stance aéri forme.
Aérostat. Subst. m. On prononce a-érostat.
AÉROSTATIQUE. Adj. dcs dcux genres. H suit
toujours son subst. : Ballon aérostatique.
Af. La syllabe af indique ordinairement un
redoublement de rac;lion du simple dont il est
dérivé. Ainsi affamé, qui a une faim extraordi-
naire; affiîiité. plus grande relation; afficher,
rendre plus public; affectation, soin plus parti-
culier.
Affabilité. Subst. f. L'Académie le définit,
qualité de celui qui reçoit el qui écoute avec
bonté et douceur ceux qui ont affaire à lui. Cette
définition n'est pas bien exacte. Affabilité vient
du vieux mot fublcr, qui signifiait causer, parler,
discourir, s'entretenir, converser; et de la parti-
cule af, qui marque redoublement; il se dit de
AFF
la qualité morale qui fait qu'on reçoit ses infé-
rieurs avec bonté, rju 'on les écoute avec complai-
sance, et qu'on leur parle avec bienveillance. 11
se dit quelquefois d'égal à égal, mais jamais d'in-
férieur à supérieur. — On ne peut pasdirede soi-
même qu'on est affable, (\\ion a de l'affabilité.
Voici ce que dit M. Lcmaire au sujet de ce pas-
sage cité dans la Grammaire des Grammaires
(p. 105) : « Nous ne voyons pas la raison de cette
dernière assertion, à moins que ce ne soit un pré-
cepte de modestie. H nous semble qu'on pourrait
très-bien dire : Je suis affable pour tout le monde,
et cependant mes ennemis m'accusent de hau-
teur. » Ce substantif n'a point de pluriel.
Affable. Adj. des deux genres. 11 peut précé-
der son subst., lorsqu'il a avec lui une analogie
étroite. On ne peut pas dire, un affable homme,
une affable femme; mais dans quelque cas on
peut dire, cette affable bonté, cette affable dou-
ceur. 11 régit les prépositions à ou envers : Affa-
ble à tout le monde, ou envers tout le monde. Af-
fable à tous avec dignité, elle savait estimer les
uns sans fâcher les autres. (Bossuet.) Voyez
Adjectif.
Aff.ublissam, Affaiblissante. Adj. verbal du
verbe affaildir. Il suit toujours son subst.
Affaire. Subst. f. Avoir affaire à quelqu'un
suppose pouvoir, autorité, force, supériorité de
la part de celui à qui on a affaire; et dépendance,
infériorité, besoin de la part de celui qui a af-
faire. Celui qui veut obtenir une grâce, une fa-
veur, a affaire au ministre ou à ses commis ; il
n'a pas affaire avec le ministre ou avec ses com-
mis. Un plaideur a affaire^ ses juges; il n'a pas
affaire avec ses juges. Un inférieur a affaire a
ses supérieurs, en ce qui resarde la subordina-
tion. Je vous plains d'avoir affaire à cet homme-
là. — Avoir affaire avec quelqu'un suppose con-
cours d'affaires, discussion, différend, contesta-
tion. Un commis « affaire «reclc ministre lors-
qu'il lui rend compte de quelque affaire, et qu'il
lui en dit son avis. Un associé a affaire avec son
associé, lorsqu'ils traitent ensemble de leurs af-
faires communes. 11 faut éviter d'avoir affaire
avec des fripons. — On dit qu'une femme a eu
affaire avec un homme, ou un homme avec une
femme, pour dire qu'ils ont eu ensemble un com-
merce de galanterie. — Aooir affaire de signifie
avoir besoin de: J'ai affaire de vous, ne vous
éloignes pas; j'ai besoin de vous parler, de vous
employer à quelque chose, de vous charger de
quelque commission. On dit par mécontentement
ou par mi'\)Y'\?>,j'aibien affaire de cet homme-là,
pour dire, il m'embarrasse, il m'ennuie, je n'ai
pas besoin de lui. — 11 se dit aussi des choses : J'ai
affaire d'argent, j'ai bestin d'argent. J'ai affaire
de cette planche , j'en ai besoin pour l'employer,
pour m'en servir. — J'avais bien affaire de cette
visite, c'est-à-dire, cette visite vient bien mal à
propos. — Observez que avoir affaire est la seule
manière d'écrire cette expression; et si l'on trouve
quelquefois avoir à faire, c'est une irrégularité
qu'il ne faut pas imiter, et qui provient le plus
souvent de la négligence de l'imprimeur. [Gram-
maire des Grammaires, p. 1058.)
s'Affaler. V. pronom. On dit d'un matelot qui,
au lieu de peser sur une manœuvre seulement
avec les mains pour l'affaler, la saisit et se laisse
descendre avec clic, qu't'/ s'affale avec cette ma-
noeuvre. On dit aussi qu'il s'affale le long d'une
manœuvre, lorsqu'il se laisse glisser le longd'unf»
manœuvre fixe. Le Dictionnaire de l'Acud. n'in-
AFF
dique point celle acception. Voyez l'article sui-
vant.
Affalek.Y. n. L'Âcadcmic, qui donne ce verbe
comme actif, ne dit point qu'il s'emploie aussi
dans le sens neutre. Il se dit d'un vaisseau qui
est trop près d'une côte dont il ne peut s'éloigner.
La force du vent, celle des courants, ou mcnic le
calme, fonl affaler un vaisseau. On dit qu'un
vaisseau est affalé, lorstjue la force du vent ou
des courants le porte prés do terre, d'où il ne
peut s'éloigner ou courir au large, soit par l'ob-
stacle du vent, soit jiar celui iîes courants, ce
qui le met en danger d'échouer sur la côte et de
périr. — Il semble c[\i'être affale s'emploie plus
particulièrcraer.t pour désigner que c'est le vent
qui charge en côte ; l'on dit (pie le vaisseau y est
porté par les courants ou par le calme. On dit plus
ordinairement ê<re porté à terre, être jeté, être
drossé. — On dit aussi en ce sens s'affaler: Le
vaisseau s'affale, va s'affaler.
Affaissé, Affaissée, l'art, passé du v. affais-
ser, et adj. H se dit absolument : // est affaissé;
ou avec la préposition sous : 11 est affaissé souj>
te poids des années.
Affamé, Affamée. Part, passé du v. affamer,
cl adj. On dit sans régime d'un homme qui a une
grande faim, qu'il est affamé. Au figuré, affavié
régil la préposition de: Affamé de gloire, d'hon-
neurs, de nouvelles ; cl dans ces phrases il y a
une analogie sensible avec le sens propre :
Cent cités marcheronl de carnage affamées.
Et la terre à tni voix vomira des armées.
(Delillk, Enéide, VU, 757.)
Mais peut-on dire comme Voltaire :
C'était du grand Henri la redoutable armée,
Qui, lasse de repos, et de sang affamén.
[Henr., YI. 151.)
Il me semble qu'on est altéré de sang, et non
pas affamé tJ" sang. Le besoin de la rime aura
sans doute occasionné celle faute.
Delille a employé plus heureusement celle ex-
pression dans les vers suivants •
Lears cœars enflammés
Sont altérés de sang, et de meurtre affamés,
(Enrf.dc, VIII,7.,l
Affectation Subst. f. 'L'affectation dans une
personne est pn^prement une manière d'être ou
d'agir qui est ou qui parait recherchée, et (]ui
forme un contraste chocjuanl avec la manière ha-
bituelle d'être ou d'agir de cette personne, ou
avec la manière d'être ou d'agir des autres hom-
mes. Affectation dans la démarche, dans les
gestes, dans le langage; cette fatuité de quel-
qves femmes de la ville, qui cause en elles une
mauvaise imitation de celles de la cour, est quel-
que chose de pire que la grossièreté des fem-
ynes du peuple, et que la rusticité des villa-
geoises ; elle a sur toutes deux l'affectation de
plus. (La Bruyère, de la faille, p. 289.) Molière...
n'a pas assurément prétendu, en attaquant les
femmes savantes, se moquer de la science et de
l'esprit, il n'en a joué que l'abus et l'affectation.
(Volt., Epître à madame du Châtetet, en tête
d'Alzire.)
L'Académie donne des exemples du pluriel :
On ne saurait la corriger de ses affectations.
Une de ses affectations est de dire. . . Toutes
ces affectations me déplaisent.
Affectation,ea\inéTMnve, se dit d'une manière
AFF
45
trop recherchée, trop étudiée de s'exprimer. L'a/-
feciation est dans la pensée, dans rex|)ressiun,
dans le choi.x des mots, des (ours ou des iniaws
Quand on a, dit .Marmontcl, l'idée de l'affeclatioi;
dans la contenance, dans la démartlie, dans la
parure, on a l'idée de l'affetlaiion dans' le slylc.
L'affectation esl (piciipicfois JUmiuc dans le
soin trop marqué d'être nalurel, dans la familia-
rité, dans la négligence. On tombe dans l'affecta-
tion en courant après l'esprit.
Affecter. \ . a. de lad" conj.Ce verbe, dans
le sens de faire une chose avec une intention
marquée, ou dans celui d'élre touché, réu'ii la
préposition de: C'est une chose dont il affecte
de parler beaucoup. Il est affecté de la perle de
son ami. Dans le sens de destiner a un certain
usage, il régil la préposition à ou la |)réposilion
pour: Il a affecté les revenus de cette terre d
l'entretien de sa maison. Affecter une rente
pour le paiement d'une dette.
Affectif, Affective. Adj. L'Académie dit qu'il
n'est guère usité qu'en parlant des choses de piélé.
f.eppndant J -J Rousse;.: a di; ; Lus premières
sensations des enfants sont purement alfcctives,
ils n'aperçoivent que le plaisir et la douleur.
(£'wa'ie, Impart., tom. VI, p. 58.)
Affection. Subsl. f. Ce mot vient du lalina/-
ficere, toucher, faire impression. Pris dans le sens
le plus général, il signilie impression faite sur une
chose, et qui y cause qucUjue changement. 11 se
dit au physique et au moral. C'est dans la pre-
mière accei)tion que les médecins disent, une af-
fection hystérique, une affection nerveuse, etc.
On appelle en général affection l'impression que
les êtres <iui sont au dedans de nous ou hors de
nous exercent sur notre âme : Les affections de
nos âmes, ainsi que les modifications de nos
corps, sont dans un flux continuel. (.J.-J. Rous-
seau.)^/'/'ec<io;! se prend plus communoment pour
le sentiment vif de plaisir ou d'aversion que les
objets occasionnent en nous : L'horreur et la pitié
sont moins des passions de l'âme, que des affec-
tions naturelles qui dépendent de la sensibi-
lité du corps et de la similitude de la conforma-
tion. (BulTon.) Affection, dans un sens i)lus res-
treint, se prend pour ce senliinenl de l'âme doux
el profond <pii l'ail (lu'ellc s'altarhe avec com-
plaisance a quelque objet. L'Académie n'a défini
que celte acception et celle qui est usitée en mé-
decine. Féraud avance hardiment que ce substan-
tif ne se dit au pluriel que dans le langage ascé-
tique, et il regarde comme un exemiile unique el
une exception à la règle générale celle phrase
(le l'Académie : Le cadet est l'objet des affections
delà mère. Nous lui répondrons par les passages
suivants, choisis entre mille: Tel est le peuple de
France, sensible jusqu'à l'enthousiasme, et ca-
pable de tous les excès, dans ses affections
comme dans ses murmures, (^'oll., Siècle de
Louis XF, chap. xii.) Son cœur, qui n'était
qu'à nous, se doit maintenant à d'autres affec-
tions auxquelles il faut que l'amitit' cède le pre-
mier rang. (J.-.J. r.ouss., Héloise,\V part., let-
tre 18, tom. m, p 342.) Corrige tes affections
déréglées. (Idem, IIP' part., Icllre 22, tom. l'V^,
p. 113.) Affection se dil aussi d'un senlunenlde
bienveillance qui nous attache à nos semblables,
qui esl plus que \' inclinât ion, moins (lue l'ami-
tié, et encore moins que l'ainonr: Uaffectwn du
prince pour tous ceux qui l'entourent. L'habi-
tude de fréquenter des personnes douces et hon-
nêtes fait naître l'affection. En ce sens, il n ï
point de pluriel
40
AFF
ArFECTUKi'SF.MF.'.T. Adv. 11 sc mct toujours
apiès le verbe : Il m'a parlé affectueusement, &^
non pas, il m'a affectueusement parlé.
Affectcecx, AFFEcnrErsE. Adj. <'n peut le
melirc avant sonsul)st. lorsipie l'Iinriiioniecl i'a-
naloçic le pcrmclleut ; Discours affectueux, ma-
nière affectueuse, cor.fiance affectueuse, cette
affectueuse confiance- Voyez Adjectif.
Affétk, Affktée. Ailj. L'Académie le définit,
lui est plein d'affeclalion dans son air, dans ses
manières, dans son langage. Affctc n'est pas ce
qui est plein d'affectation, mais ce qui est plein
^'afféterie. En parlant des personnes, il signilie,
qui a dans SCS airs, dans ses manières, dans son
langage, une recherche minutieuse cl peu natu-
relle, dans le dessein de paraître doux, alïable,
complaisant, aimable. Un jeune homme affcti:,
une fc.nme a/fitce. lin paiUmt des cho.'-cs, il si-
gnilie, qui marque de Vaffêtcrie. Air affétè, ma-
nières (ijf'ttes 11 suit toujours son subst.
Afféterie. Subst. f. \'affi<taric du stxjle n'est
pas Vaffectation du style. L'alTcclation suppose
l'envie de sc «lislingucr, de faire parade de quel-
que choïe, elle sc montre à découvert; Vaffétenc
suppose le désir de plaire et une recherche mi-
nutieuse dans les moyens d'y parvenir. On tomlje
dans Vaffectaiion en courant après l'esprit, el
dans l'afféterie en recherchant les grâces.
Affidé, Affidki;. Adj. qui se met toujours
après son sulist : Un hnmmc affidé, une personne
affidée.
AFFirai.\TiF, APFiRM.iTivi: Adj. Il sc dit en lo-
gique el en grammaire de ce qui exprime l'affir-
inalion. Un raisonnement affirmutif esl un rai-
sonnement par Icquelon prouve qu'une idée, qui
est l'îiitribul, est renfermée dans une autre qui
est le sujet. On dit aussi w\ jugement affirmatif.
On appelle proposition affirmative une proposi-
tion qui exprime un jugement affirmatif ou une
aninualion.
Le sens affirmatif est opposé au sens négaiif.
Cet adj. suit toujours son suhsl.
Affirmativevent. Adv. 11 ne sc met guère
qu'après le verbe II en aparté affirmativement.
Affirmer. Y. a. de la 1" conj. Il légit la con-
jonction que avec l'indicatif, quand le sens est af-
firmatif: J'affirme que je l'ai vu ;jc n'affirme pas
que je l'aie vu.
Afflictif, Afflictive. Adj. 11 ne se met qu'a-
près son subst.
Affligeant, Affligeante. Adj. verbal tiré du
v. affliger. L'e est muet. 11 n'est là que |)our
donner n\ig un son doirc qu'il n'a pas devant Va.
Une situation afjU'jcante . On peut mettre cet
adj. avant son subst. quand l'analogie et l'harmo-
nie le permettent : Une nouvelle affligeante, cette
affligeante nouvelle.
Affliger. V. a de la 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours sc prononcer comme un j, et
;)our lui conserver cette prononciation lors(pi'il
osl suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o: J'affligeais, nous affligeons,
et non pas,j'affîigais, nous affligons.
Voltaire a dit dans Mérope (act. II, sc. i, 21) :
Écartez ces terreurs dont le poids tous afflige.
La Harpe trouve ces expressions inélégantes. Un
poids, dit-il, accable plus qu'il n'afflige. {Coui-s
de Littérature.)
Pascal a employé ce mot dans un sens analo-
gue : Quand la mort affligeait uncorps innocent.
AFF
{Pensées, p. 324.) M. Cousin remarque qu'il est
ici pour frapper, abattre, tomber sur, du latin
affligere.
Ce mot s'cm|)luie en parlant des choses. On dit
très-bien q\ie la famine afflige un pays, que la
disette afflige les provinces. Ilapprit que la ma-
ladie se faisait sentir de nouveau, et affli'ieail
plus que jamais cette terre ingrate. (Montes-
quieu, Lettics persanes.)
Affoleh. \. a. de la l"conj. Féraud dit que
ce verbe est hors d"usage, el il donne des exem-
ples où il est emplové. L'Académie dit qu'il n'est
guère d'usage que dans le style fauiiliercl au par-
fioipe, el cependant qu'on l'emploie avec le pro-
nom personnel. L'Académie el Féraud le donnent
pour un verbe actif, mais ils ne cilcul pas un
exemple où il ait ce sens. Il est certain qu'on dit
être affolé de quelqu'un ou de quelfjue chose, et
s'affoler de quelqu'un ou de quelque chose. Vol-
taire a dit dans une épitre :
Voycz-Tous pas de tous ciHés
De Ircs-décréplles beautés
l'Ieuranl de n'être plus aimables;
Dans leur besoin de passion,
Ne pouvant rester raisonnables,
S'affoler de dévotion,
Kt recherctier l'ambition
D'£tre bégueules respectables.
{Epttre, XXXI, 27.)
AFFr,.\?icni, Affranchie. Adj. qui ne se met
qu'après son subst., et ([ui est souvent suivi de
la préposition de : Etre afffranchi d'un impôt.
Affreusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On l'a tourmenté af-
freusement, ou on Va affreusement tourmenté.
Affreux, Affreuse. Adj. 11 se met avant son
subst. lorsque l'analogie et l'harmonie le permet-
tent : Une tempête affreuse ou une affreuse tem-
pête. Voyez Adjectif.
On dit, c'est un homme affreux, pour dire c'est
un homme excessivement laid ; et c'est un homme
affreux, pour dire c'est uti homme d'un carac-
tère atroce : y'ûî vu des hommes affreux, dit
J.-J. Rousseau, pleurer de douleur aux appa-
rences J^une année fertile.
Affront. Subst. m. L'Académie dit : Il ne
vous fera point d'affront ; sa mémoire lui fit un
affront. Féraud prétend ([ue ces exjjressions in-
définies doivent toujours sc dire sans préposition
ou article. Domcrgue relève avec raison cette er-
reur. Il y a, dit-il, cette différence cnlre faire
affront et faire un affront, que le premier a plus
d'étendue, el annonce une suite d'actes d'où nais-
sent la honte. 1l' déshonneur; au lieu que le se-
cond indique un seul acte. L'enfant (jui /ai/ af-
front à sa famille, est celui dunl les habitudes
vicieuses font rougir ses honnêtes parenls ; le pré-
dicateur à (]ui la mémoire fait un affront est ce-
lui qui, une fois, manque de mémoire, f^ouspow
vez compter sur mon fils, dira très-bien un père
de famille, y'aî^ toujours veillé sur ses principes
et sur sacnnduite,il nevous fera point d'à ff^ront ;
c'est-n-diro, il ne vous fera ])ns une seule chose
dont vous ayez a rougir, lin acteur dira : Jamais
ma mémoire ne m'a fait d'affront, c'est-à-dire,
elle ne m'a pas trahi une seule fois.
Racine a dit dans Iphigénie (act. Il, sc.
IV, 5):
Aux alTronts d'un refus, craignant de tous commettre.
L'abhé d'Olivet pensait qu'il faudrait à l'affront
d'un Tefus, plutôt qu'aux affronts d'un refus.
AGA
Desfonlaincs a i)rL'ternlii, au conlratrc, quo l'un
> est plus expressif (pic l'aulre, et (juc les affronts
présentent une idée plus étendue. — On dit Vaf-
front d'être refusé, (lit Féraud ; mais l'affront
d'un refus n'est guère bon. Ce (]ui n'est guère
bon, c'est la critiiiuc de Féraud. On dit la houle
d'une viauvaise acticn (l'Académie); pourquoi
ne diiait-on p;is Vaf/ront d'un refus, ou les af-
fronts d'un refus? Les affronts n'est pas dit ici
par rapport à l'injure reçue, mais i)ar rapiwrl aux
effets que pourrait produire cette injure sur les
personnes qui en seraient témoins, ou qui en au-
raient connaissance de quelque autre manière.
Affronter. \. a. delà i'^conj. L'Académie le
définit, attaquer avec hardiesse, avec intrépidité.
On peut attaquer avec hardiesse et intrépidité,
sans affronter. Affronter signifie, s'avancer avec
audace et intrépidité en face d'un ennemi, de ma-
nière à témoigner qu'on no le redoute point, et
qu'on se croit aussi fort que lui. Au figuré, c'est
s'e.xposcr sans crainte à un danger : Affronter la
mort. Affronter, dans le sens de tromper, est du
style familier.
AFFcoNTEun. Subst. m. Trompeur. On dit au
féminin affronteusc. Il est familier.
Affcblemem. Subst. m. Ce mot signifiait au-
trefois, habit, vêlement, voile de religieuse. Il ne
se dit plus aujouril'hui que dans un sens de dé-
nigrement, pour signifier un habillement e>rtraor-
dinaire, peu convenable ou sans goût. 11 est fa-
milier.
Affubler. V. a. delà l" conj. C'est couvrir de
quelque habillement ridicule, extraordinaire. Je
pense que Voltaire a fait un faux emploi de ce
mot dans l'Enfant prodigue, en disant :
Il me prend une envie :
C'est à' affubler sa face de palais
A poing fermé de deux larges soufflets.
(Act. III, se. VI, 54.)
Je ne comprends pas trop non plus comment
on peut donner deux larges soufflets à poing
fermé.
kriTi. Conjonction qui désigne le motif, lacause
ou la raison pouniuoi on fait une chose. Elle ré-
git la préposition de avec l'infiniiif. ou que avec
le subjonctif : J'étudie afin de la'instruire, ou
afin (\\\c je n'instruise. Il y a quelque ressem-
blance entre afin et jBowr; niais pour marque une
vue plus prochaine, et afn une vue plus éloi-
gnée. On se présente devant le prince pour lui
faire sa cour; on lui fait sa cour afin d'en obtenir
des grâces. Il semble (pic le premier de ces mots
convient mieux lorsque la chose qu'on fait en
vue de l'autre en est une cause infaillible; et que
le second est plus à sa place lorsque la chose
qu'on a en vue en faisant r<autre en est une suite
moins nécessaire. On tire le canon sur une place
assiégée /joi/r y faire une brèche, et afin de pou-
voir la prendre d'assaut , ou de l'obliger de se
rendre.
Pour regarde plus particulièrement un effet
qui doit être produit; afin regarde proprement
un but où l'en veut [)arvenir.
Après un impératif, on met que pour afin que:
f^cnez, que je vous parle.
Agaçant, Agaçintk. Adj. verbal tiré du v. aga-
cer. Il suit ordinairement son subst. : Des regards
agaçants, une mine agaçante.
Agacer. V. a de la !"■ conj. L'Académie le dé-
finit au figuré, chercher à plaire par des regards,
par des manières attrayantes. 11 signifie, en ce
AGI
47
sens, tâcher par des regards ci des manières at-
trayantes d'attirer l'attention, de se faire remar-
quer. C'est une coquette qui a laco tous les jeunes
gens. Il signifie, dans un autre sens figuré, exii-
ter à badiner ou à quereller, par de petites atta
ques en paroli>s ou en !:cstcs. Éloignes des en-
fants arec le plus grand soin les domestù^ues
qui les ajaccnt, les irritent, les im-patientcnt.
(J.-J. Uouss., Emile, \\\'. 1, l. VI, p. 65.) Sur
(pioi il faut observer ([w'agacer ne signifie jas la
inèine chose que provoquer. Le premier suppose
l'inlcnlion de plaisanter, d'exciter à engager des
querelles folâtres; le second supix)se l'intention
d'attaquer sérieusement, d'exciter à une querelle
sérieuse. On agace par des railleries, on provoque
par des insultes ou des menaces.
Age. Subst. m. On dit à notre âge et non pa":
à nos âges, à votre âge et non pas à vos âges.
Voltaire a dit ;
J'ai consume mon tfge au scia de l'Amérique.
(.4/5., art. I. se. 1, 9.)
On dirait en prose, y"ai consumé ma rie.
Il y a de la différence entre âgé de et à l'âge de.
La première expression semble désigner simple-
ment l'âge; et la seconde, à l'idée d'âge semble
joindre celle d'époque. J'ai un fils âgé de trente
ans, et non pas j'ai un fils qui est d l'âge de
trente ans. 11 ne s'agit là (juc de l'âge de mon
fils. Mais je dirai, Fontenelle est mort à l'âge de
quatre-vingt-dix-neuf ans et sept mois. 11 y a là
et l'idée de l'âge, et une idée d'époque; âgé ne
saurait convenir. (Domergue, pag. 4G3de ses So-
lutions grammaticales.)
L'Académie a omis plusieurs acceptions du mot
âge. Age peut être considéré comme une carrière
que l'on a à parcourir, et qui a un commence-
ment, un milieu et une fin. On dit en ce sens, les
progrès de l'âge, avancer en âge, mon uge avance.
(Voltaire.) Ar/e se dit des sciences et de la littéra-
ture, pour distinguer leui- état différente diffé-
rentes époques. C était alors le bel âge de la géo~
7nétrie.{\o\[., Siècle de Louis Xlf^.chnp xxxiv.)
Les quatre âges de la littérature. Age se dit du
lait des nourrices, pour manjucr le temi)s depuis
lequel il leur est venu : Je ne sais si l'on ne de-
vrait pas faire un peu plus d'altcntitn à Vài'
du lait. (J.-J. PiOUSS., Emile, liv. I, t. VI, p. 47.
Agenocillei;, s'AcENOLiLLr.R. V. n. et pronom
On mouille les //. L'Académie dit que s'agenouil-
ler, c'est se mettre à genoux. Cela n'est pas exact.
S'agenouiller n'exprime que le mouvement phy-
sique qui fait prendre la posture; se mettre à ge-
noux exprime de plus le sentiment d'iiuinilité ou
d'adoration dont cette posture est le signe. Les
incrédules s'agenouillent quelcpiefois dans les
églises; les dévots s'y mettent à genoux. Les cha-
meaux s'agenouillent, ils ne SC mettent pas à ge-
nou.v.
Aggravant, Aggravante. Adj. verbal tiré du
V. aggraver. On ne prononce qu'un g. H ne se
dit que du substantif circonstance, et se met tou-
jours après ce subst. : Une circonstance aggra
vante.
Agile. Adj. des deux genres. Il se met avant
son subst. lorsque l'analogie ou la situation d es-
prit de celui qui parle le permet. Voyez Ai-
'JCCt'ÎT,
Delillc a dit [Géorg., I, 371) :
Ou presse un licTre aijilc.
4S
AGR
El ailleurs [Géorg., 1,339) :
D'uae agile main,
Promener la navetle errante sur le lin.
Agilement. Adv. On peut iiuelqucfuis le mellic
entre l'iiuxiliaire cl le pariicipe : // s'est élance
agilement sur son cheval, OU il s'est agilement
élancé sur son cheval.
Agib. \ . n. lie la 2' conj. On dil agir en hon-
nête homvie, en homme d'honnctir ; mais on ne
dit pas en agir bien ou mal avec quelqu'un. Il
'aut dire en user bien ou mal avec quelqu'un. Il
ï bien agi, il a mal agi avec mui; OU bien il en a
7nal usé, il en a bien usé avec moi.
On dit agir d'autorité. C'est un homine qui
aime à aqir d'autorité ; tanïs non agir de puis-
sance. Il ne faut donc pas imiter ce vers de Cor-
neille,
Agissez donc, seigneur, de puissance absolue.
(^Pertharite, act. IV, se. III, 52.)
Agissant, Agiss.\nte. Adj. verbal tiré du v.
agir. 11 suit toujours son substantif: Un hovime
agissant, une femme agissante.
Agnat, Agnation, AG^.\TIQCE. Dans ces mots
le g se prononce gue, aguenat, agitenatian, ague-
natique, en passant légèrement sur la syllabe
gue.
Agneau, Agnelek, Agnelet. Dans ces mots on
mouille le gn comme dans campagne. Le dernier
est vieux et peu usité.
Agnès. Subst. m. On mouille le^«, et on pro-
nonce le s. Cette file est une Agnes. Elle fait
l'Agnès.
Agntjs. Subst. m. Mouillez le gn comme dans
campagne. On prononce le * Gnal.
Agncs-Castos. Subst. m. Arbuste. On pro-
nonce le^ dur comme ague. Les deux 5 qui sont
â la fin se prononcent.
Agonisant, Agonisante. Adj. verbal tiré du v.
agoniser. Il ne se met qu'après son subst. : Un
homme agonisant, une femme agonisante.
Agréable. Adj. des deux genres. Cet adjectif
régit la préposition à : Cette nouvelle est agréa-
ble à monpère. Cet liuvime m'est agréable. Tout
ce qu'il a fait pour moi -m'a été agréable. ,\vec le
verbe être impersonnel, il régit de et l'infuiitif : 7/
est agréable de vivre avec ses amis. Il se dit des
personnes et des choses, et se met avant son
substantif quand l'analogie et l'harmonie le per-
mettent. Voyez Adjectif. On ne dit pas un agréa-
ble homme, mais on dit c'est mwc agréable femme,
parce que les agréments sont plus particulière-
ment le partage de la femme.
Agréablement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il est agréablement
logé.
Agréer. V. a. de la 1" conj. Agréer un ser-
vice, une proposition. Joint à un autre verbe, il
régit que avec le subjonctif: Agréez que j'aille
vous faire ma cour. Faire agréer quelque chose
à quelqu'un.
Agréger. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe
le g doit toujours se prononcer comme unj; et
pour lui conserver cette prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un 0, on met un e muet
avant cet a ou cet 0: J'agrégeais, nous agrégeons,
cl non Y)iisj'agrégais, nous agrégons.
Agreste. Adj. des deux genres, qu'on peul
irictirc nvani s^m subst., en consultant l'oreille et
AIE
l'analogie. L'Académie l'explique par rustique,
sauvage, et l'on peut laisser passer ces deux ex-
pressions; mais elle ajoute champêtre, et l'on ne
peuls'cmpècherd'observer«]ue les idées d'a^re*<e
et de c/ia//(pé/;T sont totalement opposées. Le mot
agreste exi.lut loule idée de culture et d'agré-
ment; le mol cliampctre, au contraire, réveille
l'idée delà culture et des agréments qui l'accom-
pagnent. Un lieu agreste n'offre que des rocheis
stériles, des plantes sauvages, une terre inculte;
il inspire la trislesse, ou du moins une stérile
mélancolie. L'n Weu champêtre préscnie un spec-
tacle riant et agréable. Ce sont des plaines fertiles,
de gras f)àluragcs couverts de riches troupeaux,
des prairies émaillées de fleurs, des arbres cour-
bés sous le poids des fruits, des travaux utiles
qu'animent l'innocence et la gaieté, et qui pro-
mettent l'abondance et le bonheur. On ne connaît
point de plaisirs agrestes; mais rien n'est plus
louchaiil que les plaisirs champêtres. L'idée de
ce mol est inséparable de celle d'agrément. Tout
cela donne à cette maison un air plus champêtre,
plus vivant, plus animé, plus gai. ' J.-J. Rouss.,
Héloïse, 1\' part., lettre 10, t. IV," p. 184.)
Agricole. Adj. des deux genres, llsuit toujoure
son subst.: Peuple agricole, nation agricole.
Ah. Interjection qui exjirime la joie, la dou-
leur, l'amour, l'admiration, la commisération,
l'impatience. Ah, quel plaisir! ah, que je suis
heureux de vous revoir! etc. Il ne faut pas le con-
fondre avec Ha! autre interjection qui exprime
la surprise et l'étonncment. F'oT/ez ce mol. Ordi-
nairement, on met un point admiratif a{)rcs Ah!
lors même qu'il est suivi d'une phrase admira-
tive. Ah! que je vous plains. Il est mieux de ne
mettre le point admiratif qu'à la fui de la phrase.
"S'oyez Admiratif. li'antres meltont le point ad-
miratif après rinlcrjcction et après la phrase ad-
miraiive. Cette ponctuation vaut mieux que la
pieinière; c'est celle de l' Académie.
AiDt. Subst. f. Dans le sens de secours, ce mol
a tantôt un sens passif, venez à mon aide; lanlôl
un sens actif, mon aide vous est inutile.
Aider. V. a. do la l"' conj. Aider quelqu'un
dans ses malheurs. Aider quelqu'un de sa bourse.
Aider quelqu'un activement, c'est prêter se-
cours à quelqu'un, sans partager personnellement
sa peine ou son travail; aidera quelqu'un, c'est
partager personnellement le travail, la peine de
quelqu'un. Celui qui a prêté de l'argent à une
personne pour iiayer une |iartie de ses dettes, a
aidé cette personne à payer ses dettes. Mais celui
qui a porté une partie du fardeau dont un homme
était chargé, lui a aidé à porter ce fardeau. Telle
est l'explication que les grammairiens donnent de
ces deux façons de parler. Nous ajouterons avec
\'oltairc, qu'aider à quelqu'un est une expression
populaire : on 11c doit pas dire, aidez-lui à mar-
cher, mai.s aidez-le à inarcher. Cependant Féne-
lon a dit : J'aidai au Rhodien confus à se rele-
ver [Télém., liv. V, t. 1, p. d90), et la Gram-
maire des Graînmaircs, qui nous fournit celle
citation, donne un grand nombre d'exemples ana-
logues, tirés d'auteurs estimés (p. JOGl).
En parlant des choses on emploie à: Aider à
la lettre, aider à une affaire. l'ascal a employé
ce verbe sans régime : 'J'outes choses étant aidées
et aidantes {Pensées, J). 300.)
A'ÏE. Interjection. Exclamation de douleur. 11
est impossible de dire comment on prononce ce
mot. On ne fait sentir que trcs-faiblcmenl 1'»
et Ve.
AÏECL. Subst. m. Par aïeul ou aïeuls, on en-
AIG
tend précisément le graïui-pèrc paternel et le
grand-pcre in.ilcrnei; el par aïe uj; ou ancêtres,
oncnlond ceux (pii onl devancé nos aïeuls, c'est-
à-dire, tous ceux de nui on descend. Nos ancê-
tres, 7I0S aïeux, nos pères ; ces expressions sont
à peu prés synonymes lorsque, sans avoir égard à
sa propre famille, on les applique en gênerai et
indislinclemciit aux personnes de la nation <pii
ont précéilé le temps où nous vivons; elles difie-
lenl en ce (ju'il se trouve une gradation d'an-
cienneté, de façon que le siècle de nos pères lou-
che au nôtre, (pic nos aïeux les ont devances, el
que nos ancêtres sont les plus reculés de nous.
(Beauzée )
AicLK. Subst. Il est masculin quand il signifie
oiseau de proie, i)upiire d'église en forme d'aigle,
et figuréuionl, liounne d'un génie, d'un esprit su-
péiieur. — On le fait aussi masculin en parlant
de l'aigle de la Légion d'honneur. Le grand aigle,
le petit aigle. Il est féminin dans le sens de si-
gnes militaires, d'armoiries el de devises: Aigle
irnpériate. Les aigles romaines. Aigle di'phnjée.
Les aigles romaines étaient peintes sur les dra-
peaux. Aigle, oonslellalion, est aussi féminin.
Voltaire ne s'est point astreint à ces régies.
Dans son discours sur l'égalité des conditions, il
a fart aigle, oiseau, féminin.
L'aigle /Sere et rapide, aux ailes étendues,
Suil l'objet de sa llamine élancé dans les nues.
[Premier discours sur l'homme, 101.)
Mais ailleurs il a dit (Mahom., act. I, se. IV, 26) :
.. L'insecte insensible, enseveli sous l'Iieibc,
El l'aigle impérieux qui plane au liaiij du ciel,
Uenlrent dans le néant aux yeux de l'Élernel.
Aujourd'hui on fait toujours ce mot masculin
dans le sens d'oiseau : \.'espccj de l'aigle com-
mun est moins pure, et la race en parait vioins
noble que celle du grand aigle. (Buffon, l. XVIIl,
p. 9S.)
Aigre. Adj. des deux genres. II se met avant
ou après sou sultst. Au figuré surtout on le fait
précéder: Une aigre réprimande, une aigre re-
partie.
AiGr.E-DODX, Aicr.F.-DOucE. Adj. (pii se met tou-
jours après son sul)Sl.: Un fruit ai/re-don.v, des
oranges aigre-douces. On remarquera que celle
expressitm étant coin|)oséc de deux mots, ils doi-
vent éliv joints par un lirel.
Dans ce mot, aigre esl invariable, mais doux
se mel au masculin ou au féminin, au singulier
ou au pluriel, suivant le substantif que modifie
l'adjeclir. Un ['mil aigre-doux, une orange aigre-
douce, des oranges aigre-douces. — 1,'Aradéniie,
en 4835, l'cril des oranges aigres-douces, des pa-
roles aigres-douces.
AiGUKi.ET, Aicr.Ki.r.TTE. Adj. (]ui suil toujours
son subst. i.'AiMiieinie dit aigrelet et uigrcl,
et les delinil de la méuie manière. Aigrelet est le
terme \\s\U^;aigrct ne se dit (lu'abusiveuienl.
AiGi-.KMi-NT. Adv. 11 ne se dit jniint au pro|)re,
else met loujoui> après le verbe. // luia npondu
aigrement, et non pas, il lui a aigrement ré-
pondu .
AiGiin. V. a. de la 2" conj. Aigrir la violence
d'un niai. Aigrir les ennuis, le désespoir de
quelqu'un.
Ruugisseï d'un silence
Qui da Toj maux enoore atgnt la violence.
(lUc ,Phéd., act. l, se. m, 35.)
AI.M i9
Ponrquol venir encore aigrir mon désespolrî
(lUc, B«i,n., ad. V, se. T, 5.)
Allons, suivons ses pas, aijri'.jonj ses ennuis.
(Volt., Bru»., act. 11, se. m. 24.)
Alcu, AiGL'Ë. Adj. Il se met toujours après son
subst.: Un fer aigu, une maladie ai, më.
On appelle en grammaire, «cce/if aign, un ac-
cent (]ui se fait de droite à gauche, el se 'met sur
\'e fermé, pour manpicr sa pioiioncialion. Voyci
Accent.
AiGU.^DE, AicDAiL, AiGUAYER, sc prononccnt
coilunc s'il n'y avait point t\'u. L'Académie dit
qu'on prononce de même aiguière et oiçuiérée-
mais die se tioiniic, car alors il î'audraii jironon'
cer cyière et éj'iéréc, ce (pi'on ne l'ail |)as.
AiGUE-HARiKE, pliir. des Aigues-marincs. Des
pierres précieuses couleur vert de incr. Aiguë
vient du latin aqua, eau; n'\\\^\ aigue-marine si-
gnifie eau-marine ou de mer. [Grammaire des
Grammaires, p. 17''i.)
AiGuiLLADE, Aiguille, Aiguillée, Aigdiller
Aiguillette, Aiglilletier, Aiguillon, Aiguillo:»-
NF.ti. Dans tous ces mois ou mouille les /, et ou
fail entendre Vu
Aiguisement. Subst. m. On fail sentir \'u.
Aiguiser. V. a. de lal'^'conj. On fail sentir I'm.
Ail. Subst. m. On mouille le l. L'Académie
dit (pie ce mol fail aulx au |jluricl, d'anires gram-
mairiens veulent (ju'il fasse aux. (,'e pluriel esl
peu usité; et, si on l'emploie, je j)cnse (ju'on doit
écrire aulx, comme l'Académie, alin de le dis-
tinguer du mot aux (pii signifie à /es.
On dit plus souvent des gousses d'ail, ou des
têtes d'ail, (]ue des aulx, riusicurs naluralisles
disent des ails. Dans sa dernière édition l'Acadé-
mie en fait la remanjue.
Ailé, Ailée. Adj. Il se mel toujours après son
subsl. : Des serpents ailés, un poisson ailé.
Ailleurs. Adv. Les// sont mouillés. Ils le sont
aussi dans d'ailleurs.
Aimable. Adj des deux genres. Pourquoi dit-
on cela m'est agréable, et ne |ieul-on pas dire
cela m'est aimable'* C'est i\\\ agréable vient d'a-
gréer;cela m'agrée, c'asx-ix-iVuo, agn^e à moi. Il
n'en est pas ainsi lï aimer : J'aime cette pièce, et
non pas, cette pièce aime à ///ot; ainsi on ne [leut
dire wécst aimable. {Jiemarques sur le Menteur,
act. 11, sc. I, 24 )
Cet adj. peut |)iécé(lcrson sulist. : Un homme
aimable, un aimable homme. Une simplicité ai-
înable, une aimable simplicité.
* Aimablement, (^eeharmaiii adverbe a de belles
aulorit()s : saini Fran(;ois de Sales, Bourdahjue,
madame de Sévigné; il en a de plus l'ories en-
core, l'ulililc, l'analogie, riiarmonie. (Ch. No-
dier, Examen critique des Dirt)
Aimant, Aimante. Adj. vcrh.d. tiré du v. ai-
mer. On dit parliculiéremenl une ùme aimante.
Il suil toujours son subst.
Aimer. V. a. de la t" conj Aimer quelqu'un.
Aimer à faire quelque ctio.ic
L'Académie a omis ipiehpies accepiions de ce
verbe. Aimer ^c dit des elioses. On diiquc-l'a-
viouriùiUL'à fiire des .lacrificrs pou r t'u/ijei aime,
que la vengeanca aiMUt le .sitni, que t.'innncence
aime le grand jour Le slgle des ourragr : didac-
tiques ii'aime point les ptrwuge.i brusques, a
moins que les vîtes inlerwéduures ne .se sup-
pléent facilement. ( Coniiill.ic , Art d'écrire,
liv. IV, cliap ii.l. Vil. |. .3.^1» )
Aimer, suivi d'un verl.ca I mfinitir, prend la
préposition o lorsqu'il s'agit d'une acUuu a faire:
50
AIN
Aimer àjnuer, à hnire, à chasser. Lorsqu'il s'n-
fil d'iiiu" iiii|irrssiim i('(,-»ic ou (l"iiii ol.il, il se iiiet
sans prc|iusilU)n : J'uLme entendre une bonne mu-
sique. H n'aime point ru/iiper tiiins tes cours.
(J.-J. Hoiissc.iM.) Ici ramper cX|iriiiic un ot;it.
Qu('lt|iiefuis aimer rc^il i/vc, rumiiM; iliiiis les
plir;iscs Mii\;iiili's, un tlciK |in'|«isili()iis sont
li'M'S |);ir colli' l'utijum-liou : Il aime i/u'un le l'ne.
Elle aime r/u'irti la rerjarde. — On dil fainilit'it;-
meiil aimer r/itrli/u'iin de, ponr ilirc, l'aimer à
cause tic: .le l'iiimeini tante ma rie du courage
qu'il « en de vous aller trouver. (Madame lie bé-
vicno.)
Quaiiil aimer rst pris dans un sons alisuln, il
ne se liil tpi <'ii p,irlant (les personnes Pl du cieur
humain , el s'entend ordinairement de l'aniilié ou
delainonr: Un rwur ^'ait potir aimer. (Jui ne
sait piiinl litiir lie .sait point aimer. (\'i)llair(; ) Jl
n'y a que les rjens jteu répandus qui saiheiit ai-
mer. (\<illaiic.) (Mn'itineluls il s'enlenil senle-
mcnl de I aniuur. C'est aux circonstances a delei-
miucr ce sens.
yiimer mieux, suivi d'un vcrliC à l'iiinnitif,
séria restreindre iMi drterauner la sii:Milirali(in de
ce vorlie, sans iju'il suit hesipin de nieilie une
prèposilnm enlre cuv. Aimi l'un dil, il aima
micvx posséder une f'rtune médiocro et tran-
quille, f/u'une fiirtune brillante et tumuUuetixe.
Aimer mieux r\\'i(n\U(i le vcrlic de la \»ropi>-
sition qui lui est sulionluiniec suit an snlijunciif.
J'aime mieux iju'Acunte soil viéchant que si je
Vêtais.
Aimer mievx C?4 quelquefois suivi d'un infi-
nilif Cl «le 7"f, «'iinnin; i\\\w> j'aime mieux lire
que jouer ; el qnelipn'fuis il est suivi de que de,
comme i\\\\\^ j'aime mieux mourir que de me dés-
honorer. Le premier se dil (juand il s'açit d'une
prérérenee de i-'unl J'aime mieux danser ipie
chanter; le second s'cuqiluic «piand il s'a^ril
d'une prélérencc de vulunlé : J'aime mieux lui
pardonner que de le réduire au désespoir. Dans
ces façuns de |iarl(!r, mieux se met après «/me/-,
dans les leinp^ suiiples, lummc dans les exemples
que l'on vient de duinier. l)ans les temps cumpu-
Sés, il se mei enlre le verl)e auxiliaire el le parti-
cipe: J'ai mieux aimé danser, j'ai mieux aimé
hii pardonne'-.
Ainsi. Conjonction. Elle cxpriine un rapport
de prémisses el ilc ecjnscqucnce, c'esl une ma-
nière de cunclure. 11 suivrait de la qu'il y a un
pléonasme dans «/«si t/rj/ic, expression donl plu-
sieurs personnes ne font pas dillicnlié de se
servir. Caminadir pense qu'il n'y a {xtinl de pleo-
nasinc tlans celle laçon île s'expiimer, parce (pic
la particule di^nv ne tait qn'ajo\ncr au sens. Ainsi
est une manière de cunclure; ainsi donc est une
manière de n-soudre. Four cunclure, il ne faut
que liicr une induction de tpiel(|ne clio.se, an lieu
que, poiirrosoudiv, il faul avoir ceiairci luusios
doutes.
Maigre ce raisomiement , je ne puis m'cmpè-
cher de voir un pleuimsiiic dans a{/i.^( donc. L'un
el l'aulre est une manière de conidure; l'un cl
ranirc exprime un rapport «le prémisses cl de con-
sc<iuencc; je pense qu'il faul dire l'un ou
l'autre.
Ainsi que régit l'indicatif: Ainsi que vnii.f me
l'arez promis. Un disait aulrefuis, ainsi que le so-
leil clias.so les ténc'ires, ainsi in\ de vicme lu
science cliusse l'erreur. Aujonrd'liui on met
comme a la léic du premier inemlire, et ainsi, ou
de même, a la icie dn sccoinl. Comme le soleil
chasse les ténèbres, ainsi, OU de même, etc. Dans
AIR
les phrases où ainsi que se Irouvc entre deux
singuliers, ou après un singulier cl devant un
pluriel, le verbe <pii suit se met ;iu singulier,
parce (pTalors ainsi que est la cuininc en paren-
lli('*se: Ceitc fable, ainsi que beaucoup d'autres,
est toute simple.
Aii\. Sultst. m. On «lit i]\\'une femme a l'air
hautain, pracieux; i\\\'eUe a l'air gro-ise, boi-
teuse; qu'une nbe a l'air bien faite, elc Mais
quelle est la raison de col ns;ige, el dans ipiels
cas faut-il faire aa-order l'adjectif avec le sub-
slaniir«ir, cju avec le substantif qui est le sujet
de la jiropusilion ?
Celle question a élo souvent agitée par les
çraminairiens, el il ne inc sciuIjIc pas qu'elle soit
encore bien r<'Soluc.
Pour parvenir à la résoudre, il faul ohsen'cr
(juc dans ces plirases, le mot uir signilic tantôt
nianières, fa(;uns, cl qu'il se dit de la manière de
parler, il'agir, de marclier, de se tenir, des'liabil-
ler, de se conduire dans le monde; et çcnérale-
inenl de luul ce <pii regarde le inainlicn, la coo-
tenaiicc, la mine, le port, la grâce cl lontes les
laitons de faire; cl (juc lanlôl il se prend pour ap-
parence, exierieur.
l'uur eonnaitrc si l'adjectif des phrases dont
il est (piesiiun doit s'accorder avec le mol air,
il faul examiner si ce mot est pris dans le pre-
mier ou dans le second sens. Si dans le premier,
l'adjectif s'accorde avec ce mot; si dans le se-
cond, il s'accorde avec le sujet de la piirasc.
.Mais il n'est pas aisé de taire celle distinction
à l'èganl des personnes; car ce sont les manières
et les façuns ijui funiicnl en grande partie l'appa-
rence, l'exliMienr; ei par conséi]ucnl, l'appa-
rence, l'extérieur résulte en grande partie des
manières, des façons, elc.
Le moyen <lc disiinguer ces deux choses, dans
le sens donl il s'agit, c'esl d'examiner si la inodi-
licalion cx|trimée par l'ailjeclif i)eul c^nivenir à
Vair pris dans le sens de manières, façons, etc.,
on a Vair pris dans le sens d'apparence, d'exté-
rieur. Essayons l'apiilication de ce moyen. On
demande s'il fau! dire cette femme a l'air fier,
ou cette femme a l'air fière. J'examine tl'aliord si
l'idée de licrlc coin|irise dans l'adjectif ^«rpeut
cire attribuée aux manières, aux laçons, etc.;
el je trouve que c'est parliculièraneni par les
manières, les façons, etc., ipie se inanifesle la
lierlè; j'en conclus que la lierté convient à l'air
jiris en ce sens, «pic l'ailjedif fier conviciil à ce
substantif, et (ju'on peut iWvc celte femme a l'air
fier. Mais si je considère que, par le mol air, on
peut entendre aussi l'appirence, l'exitTieur, je
serai obligé de convenir (pi'on peut dire égale-
ment, celle femme a l'air fiere; car la lierlc ne
convenanl point à l'apparenc.;, cuiniue elle con-
vient aux manières, aux laçons, aux gcsies, etc.,
je ne puis, en ce sens, faire aiconler l'adjeclif
ipi'avec le sujet de la pro|iositiun. Dans cette
femme a l'air fier, j'ap|ielle rallciitioii sur ses
manières, .ses façons, ses demarclies, si* gestes,
ses discours, etc.; quand je dis celte femme a
l'air fiere, \e. n'ai en vue que l'apparence, l'e.Xlé-
rieiir ipii résulte de ses manières el qui fait pré-
sumer qu'elle a de la licrlé dans l'àme. Ainsi par
ces deux phrases j'exprime deux nuances diffé-
rentes; ce qui sufllt pour Ic^ autoriser.
Mais si je veux faire les nièincs e|)reuves sur
les adjectifs gros, sage, prudent, amoureux,
content, heureux, 6r/H, je trouverai <pi'ils ne con-
vienne:!! point au mot uir pris dans le sens de
mauièies, façons; car la grossesse ne se mani-
AIR
îesle ni dnns les mnnicTos, ni dans les Tarons, et
il en esl ilc iiiéniL' tk- la sagesse. île la |iriuleiuc,
de l'ainoiir, (lu eoiilcniciniMil, du liuiilieur, de la
bonlé, »;ui peuvcni liien inlhier en i|ueli|iie smie
sur les nianirrcs el Iî's l'aruns, mais ipii ne [mmi-
vcnl cire e\|iiinii'cs enlièremenl parées manières,
comme les i;r;'u-es par un air i-Tacieux, la dou-
ceur |)ai' des manières soumises et al'fceliienses;
la timidilé, rfiriunirne, l'endjarias, la liartliessc,
la fureur, par louies les manières et les façons
qui les earaeierisenl. Je senluai donc (pi'on ne
peut pas dire de \ air dans le sens de inanièie,
qu'il est griis, sinjc, prudent, iinnitrcux, cimtent,
heureux, elc. ; el tpi'a'asi, air dans ces sorles de
phrases no peut èire pris »pie dans le sens d'ap-
parcnee, d evierlenr. j'en lunelnrai ijuc l'un doit
dire cette /cm me a l'air (/rosse, a l'air sw/e, pru-
dente, contente, heureuse, bonne, etc. F.n el'Iel,
ces phrases, elle « l'air grosse, bossue , hdteuse ;
elle a l'air sinje , prudente , amoureuse, con-
tente, eu-., vcuii'ui diie, elle a rajiparencc d'ctrc
grosse, pindcnie. et)ni(,'nie, elc.
On |)eol dii(> ipi'i(«e femme a vn air coquet,
ondes airs coquets, paieeipi'il y a certains si-
gnes de etjipieliei";eipii s(! rcmaniuenl dans cer-
taines nianicn!^ mi l'açcnis ilairir. Mais en iicne-
ral l'air d'une lennne, dans le sens des manières,
ne peut pas pins eue cocpict (|u'il ne peut élrc
heureux ou cunlenî. On ne [leul donc pas dire
qu'tine femme u l'air coquet; mais il laul dire
qu'elle a l'air coquette.
Un air bon, ou un bnn air, dans Ic scns dc
manières, n'a aucun rap|)(irl à la bonté du cœur;
il siïnilie de lionnes m;M]i(,-res, une bonne conte-
nance, en un mot un bnn air; mais jamais unair
bon ni vn bon air n'ont pu siirnilier en ce sens
un air de bonté. 1,'air, dans ces phrases, ne peut
donc si!:nirn'r autre chose «pi'appareme exté-
rieure; cl Ion (hiil dire i\n' une femme a l'air
bonne, ce «jui siçnilie tiu'eile a une apparence,
un extérieur do lionié.
Il faut conclure de tout ce qu'on vient de dire .
4° Que lorsque le sujet est un nom de <hosi',
l'adjectif ne peut se rapporter qu'à ce sujet; car
les choses n'ayant iioini de manières, de façons
<i'agir, etc., air, dans les phrases où elles sont ex-
primées, ne peut sijnilier antre chose «pi'appa-
rence ou extérieur. On dira donc, cette robe a
l'air bien faite, celle soupe a l'air bonne, cette
poire a l'air mûre, ccUe proposition n'a pas l'air
sérieuse. (\oll., /iemurques sur les Iloraces,
act. II, se. VI, 7.)
2° One lorsipi'il s'agit de personnes, et que la
modification ex|ii-im>'e jtar l'adjeclif convient an
substanld' uir dans le sens de manières, «le fa-
çons, etc., on doit le faire accorder avec IcsuIh
slanlif air, si l'on a intention de le prendre en ce
sens; mais que, «lans le cas ou l'on aurait inien-
lion d'<}Xi)riiiier par ec mol l'aiiparencc ou i'exie-
rieur, il l'audraii hure accorder l'adjectif avec le
sujet de la pmpnsition. Ainsi l'on iieul dire, se-
lon la nuaiii e de l'idi'c «pie l'on veut exprimer,
cette femme a l'air hautain, dans le sens de ma-
nières; et celle femme u l'air hautaine, dans le
sens d'aii])arenee, d'exlérieur; cette femme a l'air
fier, a les manières liéres ; on celte femme a l'air
fière,d l'air, lappareni'e d'elle lière ; cette femme
^ Tair euibarru.'isf, i>\\ a l'air embarrassée, de.
5° Q\ic lorsqu'il s'agit de itersonnes, et que la
modification exprimée par l'adjectif ne i>cul con-
venir au snlistaiilif air pris dans le sens de ma-
nières, façons, elc. , on ne |ieut faire accorder
i'adjecUf qu'avec le sujet de la proposiliou, cl
ALI S4
qu'ainsi il faut dire elle a l'air grosse, h-iteuse,
bossue, incommodie ; elle a l'air heureuse, con-
tente, bonne, sai/e, Clc.
A la veriie, IVnelon a dit en parlant dc sla-
tucs ; En voilà une qui a l'air iu-n i/r<.f»«>r, an
lieu de grossière. Boileau , en pari ml (lune
l'eimnc [les Héros de Jiomans, t. Il, p. \'iJt\\:
Je lui trouve l'air bien acquêt, an lien (|(> (-0.
quelle. J.-.l. HonsM-au, en p;irlant de rumeriii-
res [Euvle, liv. IV, t. \ 11, p. I7.i : L, t„ile
a l'air plus propre et plus gai que le rliauni»
au lieu de (7«tf. Mais puisque celle qiic>(ii(ii, lani
disiutee depuis longleiiqts, ne par.iil pas eneoi-c
éclaircie de nosjours, elle l'elaii enrure moins du
temps lie renclun.de ISoileau et ile.l.-.l. llnnsvcau.
— L'Académie, en IS.3:;, la décideainsi : « <,>uaiid
« le mol air esl immedialeineni sni\ i d'un ad-
« jeetif, si cet adjectif se rappoiie au sujet du la
« jiropiisllioii , il doil s'accorder avec le sujet;
« s'd se rapporte senleincni au mut air, il doit
tt èlre mis an masculin »
AisK. Adj de-- deux genres. Il régit de avant
les noms: Que je suis aise de cette «.<:-. .,'Jp .'
Avanl les verbes, il regil do avec l'inliniiif, ou
que avec h" sulquiielif . Je suis bien aise de roi/s
voir. Je suis bien aise ipi'il soil veini. On ein-
|Jnie (/e (piand le vetbe a lapporl au Mijel «le ki
phrase, cl 7»^ quand il n'y a pas rapport. Cet
adj. suit toujours son siibst.
Aise, AisKK. Adj. Il régit à : Cela est aisé u
faire. (Juand il est jnint a\ec le verbe <•//•<? pris
impersonnelleinenl, il régit de: C'est une clwse
qu'il est aise iU' faire. U suit lonjours s^n snbsl.
AisKiii>T. Adv. On peut le inellre enire l'auxi-
liaire el h; participe : Jl en est venu aisément à
bout, ou il en est aiséuient venu à bout.
Ai..\RJi.\NT, Ai..vr.MAME. Adj. verbal lire du v.
alarmer. On lient le mellie avanl son snbsl. 0
consiiltant l'oreilU! el l'analogie ; Une nourel.
alarmante, une situation alurm'oitc Celteuiar
niante nouvelle, celte alarmante situation. 11
ii-L'il (iiic'lquefois la préposition pour : Ci»lu est
iilurmant |iour les mœurs. L'est une situation
u. armante pour la pudeur.
Alkcrr. \oye/. j-lllègre.
Alkmour. Adv. Les ichos d'aientour. Autre-
fois on omployail la loculion o l'entuur comme
préposition, en y ajouiant de:
... A «nii riiïi'll M trouve
L'attirail de U mort .i l'unUiiir ilc «on ror|n.
(L* l•"o.^TAl^li, liv. m, iMc vu, 13.)
Aujourd'hui on doit dire autour de.
Ai.cMOuivb. Subsl. m. qui lie s'emploie qu'au
pluriel
AïKr.TK. Adj. des deux genres qui se met tou-
jours apri'S Son subsl.: Un Iwmme aicrle, une
femuie alerte
Ai.oKiir.iocE. Adj. des deux genres qui suit tou-
jours s<jn silbst. : (^alrul al'/i brique
Ai.iiii. Subst. m. Ce mot ne prend point dc s au
|iluiiel.
Ai.iÛNAnLF.. Adj. des deux genres qui se mct
toujours après son subsl ; Ihiuiaine uliéniMe.
Ai.iMKNT\iBK Adj. des deux genres qui se met
toujours après son subst.
Ai.iNKA. Terme de grammaire, «pu signifie,
comiiieiice/. par une nouvelle ligne. C'est en ce
sens une espèce d'iiiler|eeiioii. Celui ipii dicte
dil»/£/.e«, |Miiir dire, lerinine/ par un point ce
que v.iiis venez d Ceriie, laisse/, en bl.mc ce «lui
ivsiea 1 emplir di? voUedernii'ie ligne, quilic/.-ld,
Unie OU non linic, cl commeucci-cu uue uous-
52
ALL
Telle, observant que le premier mot de cette nou-
velle li^-'iic commence |t;ir une capitule, el <iii'il
soi I un peu rentré, pour mieux ni;u-quer lu sépa-
ration ou ilislinclion du sens.
Une iiçne dont le premier mol est ainsi rentre
s'apiielle un «Zt«c'«,,et alors ce mol est suhstanlif
masculin. Les ali/n'a bien pfaci's cnntrittuent à
la netteté du discours. Ce mol ne prend point de
s au pluriel, parce que c'est le nom d'un si^'nc
indivjilnehpii peut être ré|iélé, mais (pii, dans le
fond, est to\ijours le même Voyez Nombres.
* Allanguissemem. Snhsl. m. lùat de lan-
gueur. Mot inusité (juc J.-J. Housseau a em-
ployé. Un tiède aUiinguissemcnl l'nerve toutes
mes facultés, et l'esprit de vie s'éteint en moi
par derjrés.
ALLA>r, Allante. Adj. verbal tiré du verbe
aller. W suit toujours son subsl.
Allkger V. a. de la i"' conj. Dans ce verbe,
e ff doit louj'Hirs se prononcer comme im /; et
pour lui conserver celte prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on mcl un e muet
avant cet a ou cet o : J'allégeais, allégeons, el
non pnsj'allt'gais, cdlégnns.
ALLÈGoniE. Subsl. f. On prononce les deux l.
L'allégorie, dit Dumarsais, a beaucoup de rap-
port avec la mélaplioie; l'alicjorie n'est même
qu'une inétapliore coiilinuce. L'allégorie est un
discours (]ui csl d'abord présenté sous un sens
propre, qui parait toul autre que ce <iu'on a des-
sein de l'aire entendic, el qui cependant ne serl
que de comparaison pour donner l'intelligence
d'un autre sens (jn'on n'exiirime poiiil.
La métaphore joint le ujoI ligure à quelque
terme propre; par cxemiile, le feu de ros yeux ;
yeux csl au [iropre, au lieu (jue dans l'allégorie
tous les mois ont d'aboid un sens ligure; c'csl-à-
dire, (jue tous les mots d'une pliiasc ou d'un
discours allégorique forment d'abord un sens lit-
téral <pii n'est l)as celui qu'on a dessein de faiic
entendre. Les idées accessoires dévoilent ensuite
facilement le véritable sens ([u'on veut exciter
dans l'cs[)i'il ; elles dém;is(]uent, |)our ainsi dire,
le sens littéral étroit; elles en font l'application.
Quand on a commencé une allégorie, on doit
conserver dans la suilc ilu discouis l'image dont
on a enqiiunlé les premières expressions. Ainsi
l'idylle où madame Deslionliéres, sous l'image
d'une bergère qui parle a ses brebis, rend coin|ite
à ses curants de loul ce (|u'ellc a l'ait pour leur
procurer des établissements, et se plaint tendre-
ment, sous cette image, de la dureté de la for-
tune, est une allégorie toujours soutenue par des
images, el <pii loutes ont rapport a l'image jirin-
cipalc par ou la ligure a commencé; ce qui est
essentiel a l'allégorie.
L'allégoiieest fort en usage dans les proverbes.
Les piovcrbcs allégoriques ont d'abord un sens
propre qui csl vrai, mais ipii n'est jias ce qu'on
veut |irincipalemcnl faire entendre. On dit l'ami-
liërcment : 'J'antra la crnciie à l'eau, qu'à la fin
elle se brise ; c'e t-à-du'C cpic. quand on affronic
trop souvent les dangers, a la linon y péril.
Les li( lions <pie l'on débile comme histoires,
pour en tirer quelque moralité, soiu des alh'go-
ries que l'on \\\)\)Q.\\\tap(iUgves, purubdcs, ou fa-
bles morilles.
Les énigmes sont aussi une espèce d'allégorie
Mais l'éuigme cache avec soin ce ipii peut Ta dé-
voiler; au lieuqne les antres espèce^ d alh'go-
ries doivent élrc e\|)rimées de manière qu'on
puissi' aisément en faire l'application.
ALLÉtiOBiQLE. Adj. dcs deux genres. On pro-
ÂLL
nonce les deux l. Fn prose, il suit toujours son
S\\h%\..: Discours allégorique. On ap|)i'lle*e«s al-
légorique, le sens (pii se lire d'un discours qui,
à le prendre dans son sens |)iopre, signilie toute
autre chose, ^■oyc/. Allvgin ic.
ALLÉ(;oniQL'E.>iKM. Adv. On prononce les deux i.
Il ne se met ([u'aprcs le verbe : Les prophètes
parlent ullégoriqucment.
ALLÉGor.iSER, Allécohiseiir, Allécoriste. Dans
ces trois mois on prononce les deux i.
Allègre. Adj. des deux genres. Il suit tou-
j(Mirs son subsl. : Un homme allègre, une femme
allègre.
ALLÉGUER. V. a. delà 1" conj. On prononce les
deux /. L'm ne se [Hononcc pas. Il n'est mis là
ipie poiu- donner au g une prononciation qu'il
n'a i)as devant Ve.
Alléluia. Subst. m. Mol hébreu qui ne prend
point de 5 au pluriel: Des alléluia. — Les uns
veulent qu'on prononce ul lé-lu-ia; les autres
al-lé-lui-a. Je j)ense (pi'il n'y a pas grand incon-
vénient dans l'une ou dans l'autre prononciation.
L'Académie indiijuc allélmjn.
Alli R. V. n. el irregidicr de lai" conj. On ne
prononce (ju'un/. \oici conuncnt on le conjugue :
Inlinilif. — Aller.
Indicatif. — Présent Je vais ou je vas, tu
vas, il va; nous allons, vous allez, ils vont
— Imparfait. J'allais, lu allais, il allait; nous al-
lions, vous alliez, ils allaient. — Passé simple.
J'allai, lu allas, etc.; nous allâmes, etc. — Passé
camposé. Je Suis allé ou allée, lu es allé on allée,
il e:;l allé ou elle est allée; nous sommes allés ou
allées, ils sont allés ou elles sont allées. — Autre
passé composé. J'ai été, lu as été, il a élé; nous
avons été, vous avez élé, ils ont été, oh elles ont
élé. — Passé antérieur couipo.se. J'eus été, tu eus
clé, il eut élé ; nous eiJines éii", vous entes clé, ils
eurent clé. — PlusqvcparfaH. J'étais allé ou allée,
lu élais allé ou allée, etc. — .lutrc plusqvepar-
/fu7.J'avL'isélé,ctc.; nous avions élé, etc. — Futur
simple. — J'irai, tu iras, il ira; nous irons, vous
irez, ils iront. — Futur composé. Jcscrai allé, etc.;
nous serons allés, elc. — Autre futur composé.
J'aurai élé, etc.; nous aurons été, clc.
Conditionnel. — Prvacnt. J'irais, etc.; nous
irions, clc. — Premier passé. Je serais allé, etc.;
nous serions allés, elc. — Autre premier passé.
J'aurais élé, etc.; nous aurions élé, elc. — So~
cond passé. J'eusse clé, tu eusses été, etc.; nous
eussions élé, clc.
Impératif. — Présent ou futur. Va, qu'il aille;
allons, allez, qu'ils aillent.
Subjonctif. — Présent ou futur. Que j'aille,
que tu ailles, etc.; (pie nous allions, elc. — Im-
parfait. (^)ue j'allasse, (jne tu allasses, (pi'il allât;
que nous allassions, (jne vous allassiez, qu'ils al-
lassent.— Passé. Que je sois allé, etc.; que nous
soyons allés, clc. — Autre passé. Que j'aie été,
etc.; (pie nous ayons clé, elc. — Plnsquepar-
fiit. Que je fussc'allé, etc.; (pie nous fussions
ailes, etc. — Autre plusqueparfait. Que j'eusse
Clé, etc.; (jnc nous eussions élé, etc.
Participe. — Présent. Allant. — Passé. Allé.
On a icmanpié (pie ce verbe fait a la première
personne (lu présent de l'indicalif, /c rnt* ou j'c
ras. On ne dit jibis guère aujourd'hui ipie le pre-
mier, malgré les raisons d'analogie (pii semblaient
cire pour le second. Voyez. Usage.
Le verbe être est proprement l'aKxiliaire du
verbe aller. Il est allé éi Paris, f^ous étiez allé
en campagne. 11 faut donc cmi)loycr cet auxi-
liaire pour la formation des temps composés de
ALL
ce verbe, toutes les fois (|u'on lui conserve si si-
gnificalioii nntiirclle, c'cst-à dire, toutes les fois
qu'il csl <]ucslion d'expiiinoruii mouvciiicnljdce
essentialk- de ce vcrl)c Maisiiuclquefois on veut
seulcnicfl exiiiimcr rcxislonce [lasséod'un sujet
dans un lieu, ahsiraciion faite du niouvemenl par
lequel il a éié iiansporlé dans ce lieu, et relaii-
vement à^ son absence aciuello de ce lieu ; cl alors
on dit j'ai l'të (i P(i ris, j'ai clé ci lîomt i ce qui
ne siijnilie autre cliuse (pie j'ai existé, j'ai etc
présent a Paris, à Rome, et je n'y exisic plus, je
n';7 suis plus présent. In homme qui s'est irans-
pcrlc de Taris à Home, [jourra bien dire /e suis
allé à Iiiime,i.-c (pii sign:lieia, j'ai faille voya:;c
de Pari> a Rome. Ij dira, dans le même sens, je
suis allé en trois jcnrs d'Orléans à Bordeaux.
Dans CCS piirases, le mouvement est exprimé ;
mais si, abslrarlion faiiedu voyage, il veut indi-
quer sculeuient son exislence, sa présence passée
à Rome, il ne dira plus, je suis allé à Borne,
mais j'ai été à Borne. Ici, j'ai été n'est point un
temps du verbe aller, mais un temi)s du vcrl)e
être dans le sens d exister, d'être présent en un
lieu. A la vérité, ce temps a un rapport de con-
séquence avec le verbe aller; «ar pour avoir été
en un lieu, il faut y être allé. Mais il n'indique
en aucune manière l'idcc de mouvement qui est
essentielle au vcrijc aller. 11 ne l'indique pas
pliis que y't^ow, dansyv/afs d Borne. .Montes-
quieu a dit ; Strabon, malgré le témoignage d'A-
pollodore, paraît douter que les rois grecs soient
allés jj/i/5 lin que Séleucus et Alexandre ; soient
allés indi(iuc évidemment un sens d'espace par-
couru , et par conséquent de mouvement. 11
ajoute : Quand il serait vrai qu'ils n'auraient
pas été plus loin, vers l'Orient, que Séleucus.
Auraient été indi(|uc ici la |)rcsence, l'existence
en un lieu, f^ous êtes allée d Marseille pour me
fuir. (Madame de Sévigné, lettre lviii, tom. I,
p. 49J.) Le ver! e fuir indique bien ici un espace
parcouru, un voyage fait dans rinlenlion de s'é-
loigner, yous avez été serait une faute. Depuis
ta lettre reçue, je suis allé tous les jours chez
M. Sylvestre (J.-J. Rousseau), c'est-à-dire, je
m'y suis transporté tous les jours. J'ai été faire
des compliments pour vous à l'hôtel Bamhuvil-
let. (Madame de Sévigné.) 11 fallait je suis allée,
parce qu'il ne s'agit point ici d'avoircxistc à l'iiôtcl
Rambouillet, mais de s'y cire transporté [lour
faire des coiii|)lJmcnls. J'ai été hier d l'Opéra;
je suis allé à sept heures à l'Opéra. Dans la pre-
mière phrase, je n'indique (pie mon existence,
ma présence passée à l'Opora ; dans la seconde,
je marque le mouvement (juej'ai fait pour m'y
transporter. Il était trois heures quand je suis
allé chez lui, quand je me suis transporté chez
lui; j'ai été chez lui hier; j'ai été présent chez
lui, mais je n'y suis plus. Si l'on vient me de-
mander, vous direz que je suis allé à l'Opéra,
que je me suis trans|)0ité à l'Opéra, et que je
n'en suis pas encore revenu.
L'usage des temps du verbe être en ce sens,
auquel plusieurs personnes attachent mal à pro-
pos une idée de mouvement, a fait croire que les
temps passés de ce verbe pouvaient être employés
iudifféreinment au lieu des temps passés du \erbc
aller; et l'on a dit je fus le voir, je fus le trou-
t;er,etc.,au lieu àc j'allai le voir, j'allai le trou-
ver, etc. Corneille a dit dans Pompée (act. I
se. m, 57) .- /- V ,
Il fut jusqoes à Rome implorer le sénat.
Voltaire a dit sur ce vers : // fut implorer, c'é-
ALL r,3
tait une licence qu'on jM-enait autrefois 11 v a
même encore pluMcuis personnes ipii dis(>nt"jV
tus le voxr jt fus lui parler; mais c'est uîie
faute, par la raison qu'on va parler, qu'on ra
voir, et qu'on n'est point parler, qu'.n n'est p^int
voir. 11 faut doncdire,y'fl//(,//Hi/;«Wo-, /„Wut
le voir, il alla l'implorer. Ceux (pii tduil.i'iit dans
cette faute ne disent jjas je fus lui rcu„„trcr
je fus lui faire apercevoir. {Bemarqucs .sur Cor-
ne,lie.) Celle locution, dont on trouve des exem-
ples dans les meilleurs auteurs, et nièiiic dans
\ollaire, (pii la condamne, doit être re-ardée
comme vicieuse. D'ailleurs, elle est inuiiks puis-
(jue le passé j'allai exprime exactement ce
qu'on veut lui faire sisnilier, en lui attribuant le
mouvement qui lient esseniiclleuient à l'idée ex-
primée par le verbe aller.
Lors(pie le terme du mouvement est manjué
d'rne manière détcrmim'e, le rapport du verbe à
ce terme s'indi(iuc par les préjiosilions à, en, ou
dans. Aller à indique le ternie du niouvemenl
considéré comme un point déterminé: Aller à
Lyon, à Bordeaux. Aller à la ville, à la campa-
gne. Aller à indique quebiuefois, outre le terme
du mouvement, le dessein de trouver, de se pro-
curer quehiue chose, de faire, d'obtenir quel-
que chose. On va au marché pour se procu-
rer des denrées; à la boucherie, pour acheter
de la viande; à l'eau, pour se procurer de l'eau;
aux eaux, pour prendre les eaux ; on va à là
guerre, au combat, au feu. On va à la messe, d
vêpres, au sermon, à l'Opéra, au concert. Aller
au café, aller au cabaret. Aller au roi, au mi-
nistre, pour demander (piclque chose, pour ob-
tenir quelque grâce, quehiue faveur.— Ouebiue-
fois le dessein est considéré comme terme du
mouvcmenl -.Aller à confesse, à la promenade,
aux informations. Aller à la chasse, à >a pè-
che. Aller aux opinions, aux voix. Figurémcnl,
aller à la fortune, aux honneurs, aux dignités.
On empluie aller en pour indiquer le terme du
mouvement considéré comme étendu, par oppo-
sition aux autres termes de la même espèce; Al-
ler en Espagne, en Italie, par op|)osilion à tout
autre pays ; aller en campagne, par ojiposition à
rester dans le lieu où l'on demeure. Par analogie,
aller en vendange, aller en pèlerinage.
Lorsiiiie l'on considère le terme non-seulement
comme étendu, mais aussi comme circonscrit par
des bornes dans lesquelles on est contenu, on se
sert de la préposition dans -.Aller dans la rue,
aller dans l'eau.
Aller de, indique le point où commence le
mouvcinent: ^/?er(fe son fauteuil à son lit, aller
de Paris à Lyon, aller de France en Espagne.
S'en aller se conjugue comme aller, dans ses
temps composés : Je m'en suis allé, tu t'en es
allé, il s'en est allé, ou elle s'en est allée ; nous
iinus eu sommes allés, vous vous en êtes allés,
ils s'en sont allés, ou elles s'en sont allées. —
A l'impératif , va-t'en, qu'il s'en aille; allez-
vcus-en, qu'ils s'en aillent. On voit que en pré-
cède toujours l'auxiliaire être.
11 ne faut pas, disent plusieurs grammairiens,
écrire à l'impératif ra-i-«?n, comme si le t était
euphonique ; mais bien va-t'en avec une apostro-
phe, parce que c'est le pronom te dont on retran-
che l'e. Condillac prétend au contraire qu'il faut
écrire va-t-en avec le t euphonique. Mais une
preuve incontestable que ce verbe prend le pro-
nom te à la seconde personne du singulier de
l'impératif, c'est (ju'il prend le pronom vous à la
seconde personne du pluriel du même mode. On
54
ALL
dit allcz-rovs-cn, donc il faut dire ra-t'en. Il
n'y a jioini de raison pour que la seconde per-
sonne du siniiulier ne suive i»as, à cet égard, la
mèine lui ijue la seconde personne du pluriel.
A l'iuipcralif on dit avec un s, vas-^j, cl non
pas va-y.
Corneille a dil dans les Iloraces (act. V, se.
1,5):
No5 plaisirs les plusdoui ne Tont point sans tristesse.
Expression rainiliôrc, dil Yollairc, dont il ne Tant
jamais se servir dans le style nolilc. En effet, des
plfiisirs ne vont point. [Remarques sur Cor-
neille )
Dans Cinna (act. I, se. m, 86) :
Ârec la liberté Rome s'en va renaître.
Vollaire ne trouve point celle expression fautive
en poésie, au contraire; voyez dans Vlphijénie
de llacinc (act. î, se. v, 27) :
Et ce trinmplie Iicnrctu qui s'en va devenir
L'éternel entretien des siècles à venir.
On lit aussi dans Cinna (act. I, se. m, 133) :
Va inarclier sur leurs pas où flionncnr te convie.
Il faudrait, dit Voltaire, ra, marche. On ne dit
pas plus aU<ns ?narclier, qu'alims aller. [Re-
marques sur Cnrneillc.)
Oirneilli' a dil, allons, mon Iras, et aUons/mon
âme, du nmins saurons l'hnnneur. [Cid, art. I,
se. vu, 49.1 "N'oilaire a dit à ce sujet, allms,
signifie marchons; ct ni un bras ni une àme
ne inarclieiu, D'ailleurs, nous ne sommes plus
dans un tcmiis où l'on parle à son bias et à sun
âme. (Rdiiarqiies sur Ccrneille)
Ce verbe sert d'auxiliaire pour former les fu-
turs procliaiiis des verbes : Je rais faire, je rais
chanter. On sent (pie dans cet cinplui il n'a jibis
sa signilicati(jn primitive. Voyez Conjugaison,
Aiisiliaire.
Ali.ia>ci:. On appelle en littérature alliance
des mots, une espèce de métaphore plus hardie
que 1rs auires. Elle consiste dans le rapproi-hc-
menl de deux idées, de deux mots qui semjjlcnl
s'e.xclure, comme dans ce vers de Corneille :
Et, monté sur le faite, il aspire à descendre.
(Cin., act. II, se. i, 10.)
Je désire de descendre serait Ircs-simplc. Mais
ce iniii aspire suppose un objet élevé, cl pour-
tant s'api)li(pie ici à descendre. De la l'énergie île
la pensée el de l'expression. Le vomi de l'amlii-
lion, qui est onlinaireincnl de monter, al ici de
descendre. A'oyez Aspirer.
Racine dil dans Rritunnicus [acl. I, se. ii, 76) :
Dans une longue enfance ils l'auraient fait vieillir.
L'enfance et la vieillesse semblent s'exclure; elles
sont ici réunies, el le sens est trop clair pom-
être e\|iliqué.
Le père du Glorieux dit à son fils, qui se
jette à ses pieds en le priant de ne pas se décou-
vrir :
J'enlends, la vanité me déclare à grnoux
Qu'un père infortuné n'est pas di^-ne de vous.
(Destodches, L» Glorieux, act. IV, se. vu, 53.)
La vanité à genoux semble offrir deux choses
contradictoires.
ALL
llans l'Orphelin de la Chine, Ccngis-Knn, vou-
lant expiiuicr le vide qtie la graiulc fortune a
laissé dans son âme avant qu'il aiinûl Idamc, dit
Tant d'Étals sulJDjoé» ont-ili rempli mon cïwT
Ce cœur lassé de luul dumaniLiit une erreur
Qui put de mes eniuiis clias^er la iiinl proTonde,
Kt qui me consolât sur le lr6nc du monde.
(.\ct. IV, se. m, 9.)
Consoler sur le trône du monde ! Quel senli-
mcntà la fois touchant el prutiuid ! et comme
ces deux idées, qui paraissent si loin l'imede
l'autre, sonl ici nalureileuieiil réunies I (La Harpe,
Cours de Litléraliire.)
Lorsipie raliiancc des mots n'ajoute point à
l'énerge de l cx|>ression, c'est un vice d'clocu-
tion. L'on Voit des cens qui, dan.9 les conver-
sations, dégoûtent par l^urs ridicules expres-
sions, par la nouveauté, et j'use dire par l'im-
propriété des termes dont ils se serrent, comme
par l'alliance de certains mots qui ne se rencon-
trent enseinhle que dans leur b niche, et éi qui ils
font signifier des choses que leurs premiers in-
venteurs n'ont jamais eu intention de leur faire
dire. (La Bruyère, de lu Société, p. "iii'S.)
Ai-LiKiî. V. a. de la i" coiij. Ou ilil alliera,
et allier arec. Allier arec suppose ipic les choses
que l'un allie sonl de iiaiure dilliTcnte, cl qu'elles
n'ont en cllcs-méines auci::i rapport i\\\\ les dis-
pose à être alliées. On dit, .i est dillicile d'allier
le fer arec l'or, ou Vanjent, imur uiarciucr l'es-
pèce d'incuiupalilnlili' ipii s'up|ii^e a l'alliage de
ces métaux. Au liuiin-, // est difficile d'allier les
maximes du monde arec crUes de l'Eraw/ile. 1/8
vice ne peut pus s'ullicr arec la rerlu. — Allier à
su|)pose que les choses que l'un ail. e oui un rafp-
puil, une coiii|iatii)iliir', une len.laïu-equi lesdis-
jiose à être alliées : Allier l'or éi l'argent ; au fi-
guré, il est aisé d'allier les uiiuviues do l'E-
vangile Il celles dcsxlinciens. Ou vint la sécurité,
la vertu, s'allier, dans son chaste regard, à la
douceur et à la sensihililé. (J.-.J. Ùuusscau ,
Héluise, W part., lelire 6, f IV, p. .•)7.) —
S'allier Cl une famille, su|i|ios(! des rapports d'é-
galité, (le convenance (îHlic la immsouiic (pii s'allie
ct la famille à laipiclli; elle s'allie. Un noble
s'allie à une famille ndlc. S'allier arec une /h-
7/n//e suppose (le liiKi'galilé, de la d spruporiion :
un roturier s'allie avec une finniilc ncble; nn
noble arec une ftimille roturière Un homme
paurre s'allie avec une famille riche; un homme
riche arec une famille paurre. — On dil (ju'i/nt?
puissance s'est alliée avec une autre puissance,
luisiiue l'alliance a pour bul pruicipal (pielque
entreprise à laquelle les deux puissances alliées
doivent concourir. L' .Ivtriihe s'est alliée avec
V Angleterre, pour faire la guerre ii la France.
Si l'alliance n'avait pour bul (jue la jouissance, le
maintien d'un avantage comuini. (I(''ja établi, on
dirait s'allier à: Cette petite république s'est al-
liée à la Suisse.
Ai.LOBr.ooK, ALLOCATioiii, Allocutio^t , Allo-
DiAL, Allodiai.itk, Allusion, Dans ces mots on
prononce les deux l.
Allusiom. Subsl. f. On prononce les deux L
C'est une ngurederhéloriiiue par laquelle on dît
une cliose ipii a du rai)port a une a'ître, sans faire
une mention expicsse de celle à laipielle elle a
rapiiort. Ainsi, subir le joug est une allusion à
l'usage des anciens, de fan e passer leurs ennemis
vaincus sous une traverse (h; bois portant sur
deux montants, la(]ucll(! s'ajjpelait /i/^in//, joug.
Ces sorles d'allusions, (luand elles ne sont point
ALT
trop obscures, donnent de la noblesse et de la
grâce au discours.
On a[i|icllo aussi alhiswn l'applicalion d'un
irait de louange on de Màuic à une autre persuntie
Îue celle à laiinellc elle esl l'aile oxprcssoniciil.
'allusion est souveiil une maiiicTC liric el di"li-
caie de dcimcr des louanges suis lilcsseï- la \no-
dcstie de ceux iiu'ou a inicnliun de louer, ou de
blâmer les vices et les défauts sans s'exposer à
être repns.
ALM.\^»CIl. Subst. m. On prononce n^mfrna.
Aloès. Suhs. m. On prononce le s final.
ALONGrii. \ . ;i. de la 1'" conj. Diins ce verbe,
le^ doil li)ujiiui"s avoir la prononcialiun du j, ei
pour 1,1 lui conserver, lorsqn'd est suivi d'irn a
ou d'un (1, on moi un o nuict a vans cet a m\ cet n:
J^edongeais, ulonjecns , Cl non [>l\S j'ulaui/ais,
alon^ms.
ÀLor^. Adr. On ne prononce pas le s (Inal de ce
mot, à moins (pi'il ne ^oit suivi iniiiii'di;ilcnicnl
d'un mot ()ui conuncncc par une voyelle ou un
h non asi)iré. Alors il me dit; [irononcez ulor zil
me dit.
Alors se place au commencemont de la phrase
et devant le sujet, ou après le verbe : Aiirs il me
dit;ilme dit ulurs; ton jonrsainés l'uitintlirr Que
peuvais-je dire alors? el, dans les leni|>s compo-
sés, aprè^ le participe : lix'est rcjwnli alnr.t. A|irès
al(rrs |)lacc au commencement d'une phrase, on
met quelipiefius le verbe avant le sirjd, et ce
tour donne plus de vivacilc à rex|)ression : Alum
parut vu homme qui détail concilier tous les es-
prits.
Autrefois on disait alors que pour lorsque'. Ce
numsieur de Nerers , si extruordiitoire , qui
glisse des innins alors qu'on ij pense le moins.
(Madame deSevigne, lettre ix, t. 1, p. 20.) Ouel-
ques poêles le disent encore, el on le leur passe
Mais en |nosc, on dil toujours lorsque. ^Ou dit
la mode d'alors, les inuidèics d'alors, [luur dire
la mode, les manières de ce tcmps-la.
ALPUABtT. Suli-t. m. Ce mol est composé des
noms des deux premières icilres de l'alphabet
grec, alpha, bctha. l'ounpioi, dit Ch. Nodier, ne
pas s'en lenii- chez nous auv iikjIs abéa^dnire o[
abècé, ipii ont au moins une conslruclion natu-
relle cl inicliigil.ie |H)nr tout le monde? (^'ja-
men criti'ive des JJicl.)
L'al|)habet b-ançais c-t compose de ■vingt-cinq
lettres, ipii Si>nt a, h, c, d, e. f,g, h, i,j, h, l, m,
n, 0, p, q, r, s, t, V, r, x, y, z. Voyez Lettres,
Consonne, Voyelle, Diplithonr/ue.
Alpu^ueiivie. Adj. des deux genres. 11 suil
toujours son subst. Ordre alphahiUique.
Altkrvblk. Adj des deux gciues iiui suit tou-
jours son subst. Mrtul altérable.
Altk.tant, Ai.TKr.ANTK. Adj. verbal du v. alté-
rer: Ur rogtivl altérant, vue sauce altérante. Il
De se met «prapres>on subst.
ALTÉr.K, ALTKr.ÉK. Adj. Il s'emploie au propre
sans réçimc iSanté altn-ée, persf-nne altérce. Au
fig:urc, il s'emploie avec la préposition de: Altéré
de sang.
Altlrnatif, .\ltf.rsative. Adj. Il suil toujours
son subst. En termes de grammaire, on dil <iuc
ou, sinon, sont des parlicules aliernalives.
ALTKnNATivF.MK>T. Adv. Il lie se met guère
qu'après le verbe. Jls ont commandé alternutive-
ment.
Altier, Altière. Adj. Cet adjectif se dit des
manières, des discours. \'oiln puur<iuoi on dit
très-bien cette femme a l'air altier. Voyez Air.
Dans le discours ordinaire, il suit toujours son
AMA
55
subst. ; mais en vers et dans h pro.'^c poélicpie, il
peut le précéder. Gresset u dit [Edouard III.
ael. II, se. vi, 48) :
El fausse trop soUTenI, ccUe alticre >a;Ksie
iS'anciiiI i|u'uii crime tieureui pour luoiitrcr ubuMUt.
Voltaire a dit dans Alzire (acl. I, se. vi, 3) :
Allons, ne souiïrons pu que ccUc humeur sidéra...
I.cs grammairiens ne sont pas entièrement d'ac-
cord sur la prononciation de ce mot. les uns veu-
lent tju'oM iirommee le r linal; el les autres qu'on
ne le fasse |ioint cnlendre. Les premiers citent
ces vers de Boileau (,-/. P. 111, J33) :
La colère est supcritc et tciiI des mois aUifr$.
L'abatloinenl s'explique en des termes inuins llers.
Les autres citent ceux-ci du inèmc auteur
(Lutr., l, 223) :
r.e peirnqnier s»perl)e est l'clTroi du qu.irlier,
Kt SUD cuura^-e csl peint sur son visage altîer.
■\'ollaire et La Harpe l'ont fait rimer avec mé-
tier :
Tai^ei-voas, lui répond nn pliilosophe altier.
Et ne TOUS vantez point de voire ubsrur imlier.
{Let Deux SucUt, 38.)
Vous suivci d'Appîus les principes altierê.
Et TOUS dédaignet trop nii peuple de guerriers.
[Coriolan, act. I, se. m, 7i.)
L'usage a décide la question, cl le r ne se fait
point sentir dans ce mol, à moins (pi'il ne soil
suivi d'un mol (jui coi.iinence par une voyelle ou
un h niuot. — « Nous|ien>ons même qu'il doit ra-
rement se faire sentir devant une voyi'llc.et «pi'il
no se prononce i)as, jiar exemple, dans une phrase
ComillC celle-ci : Un caractère altier c.tt un dé-
faut. >■> (Leuiairc, Grainmuire des Grammaires,
p. (»'(.)
Amabilité. Subst. f. qui n'a point de pluriel.
AxuNT. Subst. m. A.M\^T^:. Suhst. I'. Ce n'esl
pas lo Dictiiinnaire de l' Académie tpii nous ap-
prendra la sii-niijicaiion du mot autant, tl'esl, dit
ce Dictionnaire, celui ou celle «pii a de l'amour
I)our une personne de l'autre sexe. D'après cette
delimtiou, un caporal qui, en voyant [i:is>cr une
belle reine, conceviuil de l'amour pour elle, pour-
rait être apiielè l'amant de celle reine; et une
femme d'un certain rang, ipii aurait dans le cœur
une faiblesse secrète jiour un lionmii- d'une con-
dition b)rt inlèiienre. sans bii parler, serait son
amante. Reculions celle deliniliou. Amant se dit
d'un I une qui, ayaiU de l'aiiionr pmr une per-
sonne du sexe, ou désirant senlemenl île s'en faire
ainuT, a déclare ses seul unents, n'a pas ete re-
bulc, est aune, ou lâche de se l'aire aimer.
y/ /«finie ne se du <iuc sous le rap|)<)rt des senti-
inenis lemlres et passionnés qui allachejil une
feinuie a nn homme.
A>iAS. Subst. in. Au ngiirè, il se dit d un as-
sembhc'e de choses inutiles, supeilbies, ou même
nuisililès el dain-'creuses: A"/ <"»///'■■: /'«'v c tre su-
jet sous un amas de fleurs étronoéres [\ ollaire.)
Nos premiers historiens ad ptèrent sans examen
cet amas confus de rérit. s et d erreurs, (liarlh.,
Anachars,s, chap. l.XI V, l. V.p. 211'. ) (-est un
amas d'infortunes d^nt il est bien difficile de si
tirer.
56 AMB
ToDi CCI pompeux ama$ d'eipressions frÏToIes.
(BoiL.,i. P., m, 139.)
Ce long amaê d'aïeux que tous ditTiniez tous.
(BoiL., Sat. V, 59.)
Ud long amai d'honneurs rend Thésée excusable.
(Ric, PMd., ad. I, se. i, 9S.)
i-MATEUR. Subst. m. On dit au féminin ama-
'rice. L'Académie dit (juc ce mol est encore nou-
reau. Mais depuis que J.-J. llousseau et Lin-
guet l'ont liasaidé, il a clé reçu çénéralcmcnt :
Celle capilale esl pleine d'umalcurs et surtout
Vamatrices qui font leurs ouvrages cninmo
M. Guillaume inrentait ses couleurs. [Emile,
îv.in, t. AI, p. 320.)— L'Acadéniien'admct point
re féminin dans sa dernière édition.
11 y a de la différence erilre ai/ner et être
tmaleur. On aime un objet individuel, ou en gé-
néral tous les objets de la même espèce capables
de flatter le goût. On n'est pas amateur d'un ob-
jet individuel, on l'est de l'espèce dont il fait par-
ie. On aime son jardin, et on aime les jardins;
nais on n'est pas amateur de son jardin, on n'est
Sas amateur «ies jaidins; on est amateur de jar-
ins. On aime un tableau, des tableaux; et on est
amateur de tableaux. Amateur suppose, outre le
goût pour une classe de choses , les connaissances
et les lumières nécessaires pour distinguer celles
qui mérilent la préférence, ce que ne suppose pas
le verbe aimer.
Ambassadrice. Subsl. f. 11 se dit de la femme
d'un ambassadeur ; mais il se dirait bien mieux
d'une dame que l'on aurait chargée d'une
ambassade, comme cela est arrive. — Ambassa-
drice se dit familièrement d'une personne du
«exe, cliargée de traiter quelque affaire entre par-
ticuliers.
Ambiant, Ambiante. Adj. Il ne se met qu'après
•in subsl.
Ambidextre. Adj. des deux genres, qui ne se
^et qu'après son subsl.
A.MBiGu, Ambiguë. Adj. Terme de grammaire.
On appelle terme ambigu un terme qui présente
à l'espril deux sens différents. Les réponses des
anciens oracles étaient toujours ambiguës, et c'é-
tait dans celle ambiguïté que l'oracle trouvait à
se défendre contre les plaintes des malheureux
qui l'avaient consulté, lorsque l'événement n'a-
vait pas répondu à ce que l'oracle avait fait espé-
rer selon l'un des deux sens. (Dumarsais.) Cet
adj. se Hiet toujours après son subsl.
Ambiglïté Subsl. f. f/et i font deux syllabes.
Défaut d'un terme qui présente des sens diffé-
rents. 11 y a aussi de l'ambiguïté dans les phrases
qui offrent plusieurs sens. Voyez Equivoque,
Louche.
Ambigcment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : // m'a répondu ambiguvient, et non pas,
il m'a ambigument répandu.
Ambitieusement. Adv. On le met ordinairement
entre l'auxiliaire cl le participe. Il a ambitieuse-
ment recherché celle place.
Ambitieux, Ambitieuse. Adj. L'Académie dit
ttyle ambitieux, ornements ambitieux. Aujour-
d'hui on ne se conlenle pas de dire uji slyle ambi-
tieux, et des ornements ambitieux, on dit une
phrase ambitieuse, une expression ambitieuse.
Un homme ambitieux est un homme (]ui a de
rambilion ; un projet ambitieux, un |)rojet en-
fanté par l'ambition ; des prétentions ambitieuses,
des prétentions pleines d'ambition. Mais une ex-
AME
pression ambitieuse, une phrase ambitieuse, un
style ambitieux, qu'est-ce que c'est? Une ex-
pression affectée ; mais il y a trop loin de l'am-
bition à une épillicte, ou à une tournure de
phrase, p»ur qu'on puisse dire raisounableineiil,
une expression ambitieuse, une phrase ambi-
tieuse. Quoique celte expressicii soit assez génc-
ralemenl adoi)lée, nous osons la blâmer. — « On
esl convenu d'appliquer au slyleles qualités ou les
défauts de riiomine, parceqiie le slyle esl l'homme
même, comme dit Buffon. Il n'y a pas plus loin
de l'ambition à une épilhéle, que de la noblesse,
de la prétention, de la simplicilé, etc. Pourquoi
donc blâmer celle autre locution adoptée par l'u-
sage, quand elle est expressive et juste? <> (Le-
inaire, Grammaire des Grammaires, p. 275.)
Autrefois ambitieux se mettait avec un régime.
Boileau a dit ambitieux de gloire. Aujourd'hui
on l'emploie toujours absolument. Cet adj. peut
cire mis avant son subsl., quand l'analogie et
l'harmonie le permettent: Des projets ambitieux,
d'ambitieux projets.
Ambition. Subst. f. Ce mot ne régit pas les
noms, on ne dit pas l'ambition de la gloire ; mais
il régit les verbes, et l'on dit l'ambition d'acqué-
rir de la gloire.
Ambulant, Ambulante. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subsl.: Un commerce ambulant.
Ambulatoire. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst.
Ame. Subst. f. En terme de littérature et de
beaux-arls, il se dit de tout ce qui marque la vi-
vacité, la chaleur, l'énergie du sentiment. Don-
7ier de l'âme à un ouvrage, c'est y mettre du feu,
de la vivacité, de l'action, ^■oyez, i)our l'accen-
tuation de ce mot, l'article Accent.
Aménager. Y. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours avoir la prononciation du j, et
pour la lui conserver, lorsqu'il est suivi d'un a ou
d'un o, on met un e muet avant cet a ou cet o:
J'aménageais, j'aménageai ; et non \}^sj'aména-
gais, faménagai.
Amendable. Adj. des deux genres. On prononce
amandable II ne se met qu'après son subst. : Cas
amendables.
Amende, Amendement, Amender. Dans ces trois
mots, men se prononce comme man.
Aménité. Subst. f. L'Académie définit ce mol,
ce qui fait qu'une chose est agréable. Celle défi-
nition est mauvaise, car Vaménilé ne se dit
point des choses, si ce n'est des mœurs et du
slyle, du caractère et du langage, ^'ous n'avons
encore adopté ce mut tiré du latin que dans le
sens figuré. Marmonlcl dit de l'aménité: C'est
dans le caractère, dans les mœurs ou dans le lan-
gage, une douceur accompagnée de politesse et
de grâce. Aménité, continue cel auteur, se dit
aussi du style d'un écrivain, et cette (pialité con-
vient particulièrement au familier noble, et aux
ouvrages de senlimenl.
Si cette définition et celle explication sont jus-
tes, je ne crois pas qu'on f)uisse dire, comme le
Dictionnaire de l' Académie , Vaménilé d'un lieu,
l'aménité de l'air; ni en adoptant sa définition,
l'aménité d'un appartement, l'aménité d'une
place.
Amek, Amicre. Adj. Le r final se prononce. Il
se met avant ou après son subst., suivant les cir-
constances : Des regrets amers. D'amers regrets-
Voyez Adjectif.
Dans les champi d'Amphitrile et des ondes amèreê.
(Gbbsbet, Egl. X, 9.)
AMO
Là, dormant sur les rocs, nourris d"aniers feuilla|;es.
(Dellile, Géorg. Ill, 266.)
Amèrement. Adv. On peut lo mcllrc cn(rc
l'auxiliaire cl le |);irtiei|)C : Ils'est plaint amère-
ment, ou il s'est amèrement plaint des procédés
que l'on a eus envers lui.
Amehtume. Subsl. r. Au propre il n'a point de
pluriel: L'amertume de la coloquinte. Au ligure
il en a un ; Les amertumes de la vie.
Ajii. Sulist. ni. Il régil de avanl les noms de
choses et de licrsunncs: C'est l'ami lic mon oncle,
il est ami tic la gloire. Un ami de cœur, un
ami de colltge.
Voltaire a tlit ; Celte petite persécution Un at-
tira une foule d'amis. Amis, dans celle piirase,
agniliedcs partisans, des iiersoniics qui s'iiilcrcs-
senlà lui, ipii sont iJisposi'cs à le dijreiidre.
Ami, Amie. AiIJ. U s'emploie surtout en potîsie,
et dans le style cicvtj, cl se mcl aprtjs son subsl. :
Les des lins amis.
Clarcrel, avec qui il était ami, avait été celui
gui avait fuit courir (ctlc pièce. f\'ullaire.)
Connue ce nom est une i^'raiidc aulorilt", à forl
juste titre, et ipie peu de personnes ont écrit plus
purement t]iic l'auteur de celle phrase, il n'est pas
inutile de dire aux jeinies gens et aux c'tranirors
qu'elle est cxtrtjtnemeiil mauvaise, et qu'on n'est
pas ami avec tiuchiu'un. (Ch. iSodicr, Examen
critique des Dict.)
Amiable. Adj. des deux genres. Un accueil
amiable, des paroles amiables. On le met avant
son sub^t. diuis amiable compositeur.
Amiabi.emi;nt. Adv. 11 ne se iiiel qu'après le
verbe: Je lui ai parlé amiablement.
Amical, Amicale. Adj. Qui part de l'amitit}. 11
ne se dit point des personnes. On ne dit pas un
homme amical; mais un dit un accueil amical, des
vrolestatioiis amicales. Ce mot n'a point île plu-
riel au masculin.
AM1CALEME^T. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : Je lui ai parlé amicalement, cl non pas
je lui ai amicalement parlé.
Amict. Subsl. m. On prononce awi.
Amitié. Subsl. f. Faire amitié à quelqu'un,
c'est lui tcinoigncr de l'affeclion, delà bienveil-
lance. On ilil, faire des amitiés à queVfu'un,
pour, lui faire accueil, avoir pour lui des prtjve-
nances, lui (lire des paiolcs obligeantes et (]uj mar-
quent de l'affection. Faire amitié 'd\ec quelqu'un,
c'est se lieravcc lui par le sentiment de raiiiitic.
— Faites-moi l'amitié de... sh^nWlc faite s- 7noi le
plaisir de... ,-Jmitié, dans le sens de sentiment du
cœur, n'a point de |ihiriei. On fait des amitiés à
quelqu'un, mais on ci de l'amitié pi vr lui, et on
napas des amitiés pour lui. Cependant, en par-
lant d'unions cxiraordiiiaires, telles ipi'on les ra-
conte d'Orcsle cl de Pyladccl de quelipics outres,
je crois ipi'on pourrait dire ces amitiés-là sont
rares. Mais alors le mol a/rtiitesignilie plutôt l'u-
nion de deux amis, que le sentiment auquel on
donne ce nom .
Amnistie. Subsl. f. On prononce le -m et le s.
Pardon accordé à des rebelles ou à des déser-
teurs. Publier une amnistie.
Amoindriiî. A', a. de la 2''conj. Ilest peu usité.
On dit diminuer.
Amollir. V. o. de 13 2" conj. Selon l'Académie,
ce mot ne signifie autre chose au ligure, que ren-
dre mou el elfcminé. Gardons-nous d'adopter cette
définition. Amollir au figuré signifie aussi rendre
plus doux, plus humain, moins dur, moins féroce ;
AMO
»7
Ainsi quelquefois encore la ccrix de la natnrt
amollit nos cœurs farouches. (J.-J. Uousseau.)
Amoncelkr. V. a. de la l-cunj. On iloiible la
lettre l dans les temps de ce verbe ou celle lettre
est suivie d'tui e imiet: J'amoncelle, j'umnnceUe-
rai, il iimonccllera, il amoncellerait ; on ne nicl
qu'un l lorstpie celle lettre est suivie de toute au-
tre lettre qu'un cmuct: J'amoncelais, j'ai amon-
celé, ils amoncelèrent.
Amorckr. V. a. de la d'" conj. Dans ce verbe,
le c a la prononciation de se, et pour la lui con-
server à tous les temps et à lotîtes les personnes,
il faut mcllre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on écrit
7i(ws amorçons, j'amorçais, j'amorçai, cl non pas
710US amorcori.i, etc
Amocr. Subsl. Ce mot est masculin au singu-
lier tpiand il signifie le sentiiuciit par lequel le
ctLMir est attaché à un objel : Amour paternel,
amour filial, amour conjui/iil 11 clait aulrcfois fé-
minin au singulier, et plusieurs bons auteurs du
siècle dernier et de ce siècle lui ont donne ce
genre. Les poètes surtout n'ont suivi sur je iwint
aucune résic certaine; cl, n l'exception de l'a-
mourde Dieu, qui s'est conservé masculin, toutes
les autres espèces d'amour ont pris au singulier,
tantôt un genre, tantôt un autre.
On lit dans Voltaire :
Renferme cette amour et si sainte et si pure.
{Orcst., acl. IV, se. I, 25.)
Je crus tes dieuT, seigneur, et, saintement cruelle,
J'éloulTai pour mon fils mon amonr maternelle.
{OEd., acl. IV, se. I, 93.)
Si d'une égale amour votre cœur est cpri<.
[Zaïre, acl. I, «c. il, b5.)
Dans tous ces vers, A'ollairc fait omo«r féminin.
En voici d'autres où il le fait masculin :
Cet amour malheureux n'eut de témoin que moi.
(OEd., acl. m, se. I, 22.)
Et l'amour n'est puissant que par notra faiblesse.
[Brut., acl. II, se. l, 88.)
Cerl.iin de ma faililesse, il retourne h sa cour.
Insulter aux projets d'un téméraire amour.
(Brut., act. 11, se. m, 7.)
En vain de cet amour l'impérieuse voiv.
(OEd., act. IV, se. I, 95.)
Ne crois pas que mon cœur
De cet amour funeste ait pu nourrir Pardeur.
(OEd., act. Il, se. il, 16.)
Racine a dit aussi au masculin :
J'ai fait l'indigne aveu d'un amour qui l'oulraje.
[Phéd., act. III, se. m, 9.)
Poiil-êlrc le récit d'un amour si sauv.ige.
(Phcd., acl. II, se. II, 90.)
D'un amour éleriie^
Nous irons confirmer le serment solennel.
[Phéd., acl. V, se. I, 71.)
Après que le transport d'un amour plein d'horreur»
Jusqu'au lit de Ion père a porlù les fureurs.
[l'héd., acl. IV, se. Il, 15.)
Surtout si vous m'aime?., par cet Amour de mère.
[Iphig., acl. V, se. m, 57.)
58 AMP
Et il a dit aussi au féminin :
El soudain, renonçaml à l'ainour maternelle.
(Phéd.. acl. V, se. V, 15.)
Four parvenir an but de ses noir» amours.
[PMd., acl. IV, se. I, 7.)
Il est inutile do multiplier los exemples; on en
trouve de seiiiblablos dans presque tous les autres
poètes.
Les L'rammairiens veulent qu'au pluriel amours
ne s'eiiipli>ie (|u'.iu féuiiniii. les pucU's ont un
peu plus l'cspecié celle règle que la procodente.
Cependant Molière a dit [Fer/nues savanlcs,
acl. IV, se. n, 85) :
. . . Ces amours pour moi sont trop subtilises.
Et Vollairc [OEd., act. II, se. u, 30) :
r fallut outiller dans ses embrassemenls.
Et mes premier» amours et mes premiers serments.
Mais laissons les poètes violer les rOigles qui les
gênent ; cl si nous voulons écrire l'.ureinciit en
prose, imilons les bons auteurs en ce L'cnre, qui
font loujoiM-s amour masculin au singulier, cl fé-
minin au pluriel. I.a raison de ccûe excepijon
pour le pluriel vient sans doute de la nocessilé
de distinguer les amours prises pour les senti-
menls qui réunissent les deux sexes, des auiours
personniliés. En elTet, sans celle règle, il faudrait
dire également, en parlant des uns'et des autres,
de beaux amours, do laids amours, ce qui ne dis-
tinguerait pas assez les deux idées, et lornieiait
souven. équivcMpie. Disons donc en pariant des
sentimenls de l'amour, do balles amours, de Ini-
des amours, et disons de beaux amours, de laids
amours, en parlant de ces petits dieux ipie h my-
thologie nous peint si jolis, et que les mauv.iis
peintres nous repiésenlent si laids. — u Cette rai-
son nous paraît peu plausible, car il y a aussi au
singulier Icdieu Amour. El d'ailleurs nos huiis au-
teurs, même en prose, ont enqiloyé le masculin
au pliM'iel H faut donc rcconnaiti'e (pie cel em-
ploi est arbitraire, c'esl-à-dirc livre au eoi'it, au
lad, a la sensibilité de l'écrivain, (]i:i, scbtn les
circonstances et l'inspiration du taleiil, preri'rer.i
l'un ou l'autre genre. « (Lemaire, Grammaire des
Graviiiiuires, \i. US.)
AMocr.i.LSK.MKNT. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Soupirer amoureusement, regarder amou-
reusement.
A.MOLi!K(ix, Amoupel'se. Adj. On dit sans ré-
gime, être amoureux, et a\ec un régime, être
amoureux d'wr personne, cire amoureux d'une
chose. H peut se mettre avant son subsl.: Trans-
ports umourcii.r, uvioui-eux tru nsports . Cepen-
dant on ne dirait pas un amoureux liomme, une
amourcu.se femme. A'oyez-en la raison au mot
Adjcrlif.
.\MoviBLF.. Adj des deux genres, qui suit tou-
jouis son subst. : Un emploi amovible, une place
amorible.
AiirniBiE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'apiésson snbst. : Un animal umpliihie.
Ami- oi.ociK. Subsl. f. On dit ipi'il y a am-
phibologie d:ms une phrase, lorsiprclle est sus-
ceptible de deux inierprélalions dillerentes; et
cela vent dire tiu'elle est é()uivo(|ne, ambiguë.
L'amphibologie vient de la tournure de la
phrase, c'est-a-dire, de l'arrangement des mots,
.\MP
plutôt que de ce que les termes sont équivoques.
Quoiipie la langue rnineaise s'('iionce commu-
nément dans un ordre (pii semble picvonir toute
am|)hibologie, eependanl nous n'en avons que
troj) d'exemfiies. Olui (jui compose une phrase
amjiliibologiiinc s'cnlcntl, el par cela seul ilcroil
qu'il sera cniondii; mais celui qui lit n'est pas
dans la même disposition d'esprit, l! faut que
l'arrangement des mots le forcea ne pouvoir don-
ner à la phrase que lesensi|uc celui qui a écrit a
voulu lui faire entendre On ne s.iiiraii trop ré-
|Ȏler aux jeunes gens, (pi'on ne doit parler et
écrire que |iuur être enlentlu, et ipic l:i clarté est
la première el la jibis essentielle iiualitc du dis-
cours. (l)umarsais.)
Les ainpliiliologies sont orcasionnécs par les
pronoms il, elle, lui, eu.r, elles, leurs, le, la;
|)ar lesailjeclifs possessifs son, sa, ses. et par des
noms (jui ne sont pas dans la place ipic marque
la liî'ison des idées.
Les pronoms il, clic, etc., peuvent donner
lieu a des ampliib logics , parce que les objets
(ju'ils ex|)riment étant de l;i troisième per-
sonne, dès qu'il y a dans le discours plusieurs
noms du mémo genre el du même nomlire, on ne
s;iil souvent auquel doivent se npptjrier ces pro-
noms. Excmphï : Sumucl offrit .ion fi'lncausle à
Dieu, et il lui fut si agréable, qu'il Imiça au
mêiiie moment de grands tonnerres contre les
J'iiitistins. Le ra|)i)orl de ces |ironoms n'est pas
sensible. L-ii peut se rapporter également à Sa-
uuiel ou à Dieu. On aurait pu dire : Samuel of-
frit son holucausle, et Dieu le trouva si agréor
ble, qu'il, etc.
le principe de la plus grande liaison des idées
apprendra comment on ])put éviter ces défauts. Il
sul'lira de faire des observations sur (pielques
exemples. Dans le roi fit venir le maréchal, il
lui dit, il est évidemment le roi, et lui le maré-
chnl. Or, il l'aiit remanpier que, dims la seconde
pro])()silion, les in-unoms suivent l;i même subor-
dination qui existe entre les noms de la pre-
mière. y?^/j étant le premier sunsianlif dans la
|iieiniéic proposition, z/, qui est le premier pro-
nom de la seconde, doit se rapiiorler a nd ; ma-
réchal étant le sc'cond subslantil' de la iiremicre
jiroposiliuii, lui, ijui esl h; second pronom de la
seccnulc proposition, doit se raiipoiler a maré-
chal. La régie est donc, en pareil cas, de conser-
ver dans la seconde |iroposiiion l.i snboi-dination
(pli esl dans ia piemièie. Multiplions les noms el
les pronoms, el nous verrons ce prmcipc se con-
lirnier.
Le comte dit an mi que le maréchal voulait
attaquer l'ennemi, et il l'assura qu'il le force-
rail dans .ses rctrunche/iienls. Il n'y n point d'é-
(piivoipie dans celle iiériode, (juoitpie le premier
mend)re renferme quatre noms. La suiior.linatioD
esl exacte, ii.irce «pie les |iroi:oms d'iui<; proposi-
tion se rappoitenl aux nomsd'tuie pro|)osjlion de
même genre; cai- le rapport se lait de la |)rinci-
palc à la princip;ile, el de la subordonnée a la su-
bordonnée. // l'assura c-l la principiile du se-
cond membi'c, el les i)ronoms se i apportent à la
princi[ialc du premier, il à comte, le a roi. De
même qu'il le forcerait esl la subordomiée du
second membre, el les jdonoms se rapportent à la
subordonnée du iiremicr; il timarèchal, le t en-
nemi.
Mais toutes les périodes n'ont pas celte symé-
trie; car un des membres prnl avoir deux pro-
positions, tandis que l'autre n'en a ipi'une. Dans
le maréchal rit que l'ennemi voulait nous atta-
AMP
qtur , il le prvrint , la subordination marque
•ncorc sciisildcmi'iil lo i-np|)ort ; /e est \\q\\v l'en-
vemi, |i;ii((< i|iic rc iimt a|i|iai'lient à la phrase su-
borduiiiitT; U est [luiir le marcclial, qui est le su-
jet de il idiiasc iirincipale.
Ainsi, rcL-JL' ircnrralc, toutes les fois que Jans
te preiiiiiT niciiituc d'une période, il y a des
noms ^uliordi'inirs, les [jrunoins doivent suivre
dans le >oiund le mémo oi'die de suboi-dinaiidu.
Dans tout .iiilie e;is, la reirlc sera de rapporter le
pronom suiiordomie au |iremier nom qui sera
offert dans le diseours : Le comte ('lait à quel-
ques lù'in's ; le tniirèchiil djiprit qxie l'ciiiieini
voulait l'uttiiqiicr ; e'esl-a-dircr, voulait aitaipier
le comte. ^-J /n'iue (irait-on cmifié cette plitce au
comte, que le iniirei iuil opprit que l'ennemi vou-
lait l'attaque r ; c'esi-.i-diro, altaiiucr eetie plaee.
Or, puisipiodaiis le premier excnq)lc le prunom
se rapivorle a a. mie, et a cette place d;ms le se-
cond, il se rapporte tlone, en pareil cas, au nom
qui a été enoneé le premier. Par conséipient, il
se rapporterait à maréchal si le diseuurs com-
mençait Jiar celle piirasc : le maréchal apprit que
Venneii'i rotiln il l'attaquer. Aï\\?,\, lorsipi il n'y a
pas de snlKjrdiii.itidU de noms, le j>ronum sul)«r-
donné tient toujours la place du nom qui a été
énonce le premier
Je dis le pronom subordonné; car lorsqu'un
pronom est le sujet d'une [iroposiiion, il se rap-
porte toujours au derniei' nom : Le comte était
à quelques lieues, le maréciial dit qu'il voulait
\% joindre. Il, sujet delà pro|n)silior., est visible-
ment poiu' le maréciial, connne le, pronom sul)-
ordonné, est pour le comte. Ce soldat croit qu'W
est l'homme que vous demandez, isi une phrase
correele dans le casoù le soldat parlerait de lui-
même. Dans lout autrs cas il faudrait dire, cm<
que c'est l'homme que vous demandes.
Il suit de lout ec (]u'un vient de dire que, dans
une sniie l'c proposiiions, le pronom ne peut se
rapportera un même n(/m, qu'autant (juil est
toujours dans la même subordination. On s'expri-
mera claircmeni en disant : Loutre ami a rencon-
tré l'homme qui s'est fait cette a //litre ; il lui a
dit qu'il tenait de hnnne part qu'on menaçait de
Varréter, et qu'il avait méiue ouï dire qu'on le
traiterait en criminel d'Etat. Il est priwr votre
ami, connue le est pour Vhomme qui s'est fait
cette a//'airc; et la subordination est Irés-bien
observc'C. Si l'on deiiui>ait cette suboi'dination,
le discours serait lout a l'ait louche, l'^otre ami a
rencontré l'homme qui s'eut fait celle a//'nire ; il
lui a dit qu'\\ tenait de bonne part qu'\\ était
menacé d'être arrêté, et qu'W avait même ouï
dire qu'il serait traité en criminel d'Etat. Le
rapport de tous ces il n'est plus sensible, et le
lecteur est obliui- de deviner quels sont ceux(]ui
tiennent la plaïc de votre ami, cl ceux (]ui tien-
nent celle de l'homme qui s'est fait cette a/faire.
On se sert aussi du genre cl du noudue pour
inarquer le rapinnl des pronoms, mais il ne faut
pas, pour cela, nét:li:-'cr la subordination des
idées : Paris était renfermé dans une île; il
ne s'étendait pus au delà de la Cité. Il signifie
Paris, et celte consiruciion est correcte, parce
que le rapport est tout à la fois rendu sensible
par le gcmc et par la subordination ; car il est
sujet de la seconde proposition, comme Paris
l'est de la prcmiéie. Si l'on disait. Pans était
renfermé dans une île; elle... le genre parait
rapporter le (iionoin elle à ilc; mais cette con-
struction clioiiuerail la subordination des idées.
Ainsi, lorsque l'abbé de Vertot dit [Révolutions
AMP
!m
romaines, liv. I, t. T, p. 7^ : Rome, bâtie sur un
fond étrançjer, n'amit qu'un territoire firt borné;
on prétend qu'il... \:\ construelion ne sotirfrc
poini (fcqiiivn.pie, [.arec (pic le rapiKirt du pro-
nom il a territoire est marqué par le L'enre; elle
serait meilleure s'il élail encore uiar.pH' par la
subordination. En eiïei, en sultsiiiuant Paris à
Rome, il ne se rapportciail plus a territoire
mais à Paris. '
'J'ovt ce que l'œil peut apercevoir, dil l'abbé
Dubois, .yp trouve dans un tableau comme dans
la nature; elle... I.e genre du pronom ne per-
met ici aucune méprise. Mais si a 1'(cj7 on substi-
tuait la vue, la phrase deviendrail eipiivoqiie.
Cel écrivain n'a donc pas suivi la suboidinalion
des idées.
Il en est du nombre comme du genre; il ne
doit pas dis|)cnser de se conformer aux rètilcs
que nous avons données. L^es Romains n'avaient
qu'un territoire fort borné , il.s l'avaient conquis,
doit Cire [iréfcré a les Romains n'avaient qu'un
territoire fort borné, il avait été conquis ; car,
dans la seconde construelion , le nombre seul
force à rapporter le pronom il à territoire. L'or-
dre des idées le ferait, au coiuraire, rapporter au
nom, si ce nom était au singulier. Pour !e com-
prendre, il n'y aurait qu'a dire ; Purii n'avait
qu'un territoire fort borné, il... car alors le pro-
nom se i-apporlerail visiblement à Paris.
Une autre suite des règles que nous avons ex-
posées, c'est qu'un pronom doit nrcment se rap-
porter à un nom d'une proposition incidente;
car le pro|iie de celte espèce de imiposilion est
de n'attirer l'attention ipi'eii passant, en sorte
que l'espril se reporte toujours sur un des noms
(jui la précédent, et dont il est préoccupé. Des
excmpli's rendront la chose sensible.
'J'éiémaque, quis'était abandonne trop promp-
tement ii la joie d'être si bien traité par Calijpso,
reconnut la sagesse des con.ieils que Mentor ve-
nait de LUI donner. (Fénel., Télém., liv. I, t. I,
p. 7(5.) Calypso a|tparlient à la pro[)osition inci-
dente ; par consi-qucnt l'espril ne s'y arrête pas, et
il revient à Télémaque, auquel il rap[)orte le pro-
nom lui. Cette phrase est donc bien construite.
Un auteur sérieux n'est pas obligé de remplir
son esprit de toutes les ineptes applications que
l'on peut faire au sujet de quelques endroits de
ses ourrages, et encore moins de les supprimer.
[Des Ouvrages de l'esprit, p. 2. S.) La Bruyère
l'ait là une construelion forcée, eu rapportant le
pronom les à quelques endroits; car si le sens le
pouvait permeltrc, on le rapporterait à ineptes
applications.
Cette régie que le pronom se rapporte à l'idée
dont i'e>prit est préoccupé, a donni- lieu à des
tours éléga'.it-s. Quand le peuple hibreu entra
dans la terre promise, tout y célébra leurs an-
cêtres. (Uossuct.) Sescùi été plus lie avei- peu-
ple, leurs l'est plus avec l'idée dont l'esprit est
rempli; et, parcelle raison, il a di'i être |irefêré.
Une feîiiine infidèle, si elle est connue pour telle
de la personne intéressée, n'est qu'une infidèle;
s'il lu croit fidèle, elle est perfide. (La liruyèrc.
des Ecmmes, p. 2:3 ; Il <'Si lurl bien, jiaice (juc
ce n'est pas le mot personne qui reste a l'esprit,
c'est l'itlce d hnînme, de mari.
Il faut remarquer aussi ipi'cn s'écnrtant de la
subordinnlion, on en lie quelipiefois mieux les
idées. On dira il aime cette femme, mais elle ne
l'aime pas; plulôl que il aime cette femme, mais
il n'en est pus aimé. tC renversement a bonne
grâce toutes les fois que les membres tlunc pc«
60
AMP
riode expriment des idées qui sonl en opposition.
Une dcriiiprc ohservalion sur ces pronoms,
c'est qu'ils ne doivent jam:iis cire employés pour
un nom (]ui a été pris vaguement, (^omme ilssunt
originaiicment dans la classe de ces adjeclifs (|ue
nous avons nummés articles, ils doivent toujours
se rappurlcr à des noms déterminés. Ne dites
donc pas avec La Bruyère : Tout est illusion
quand il passe par Viina(]ination; ni ceux qui
écfircnt par humeur sont sujets à retiucher
leurs ouvrages; comme elle n'est pas toujours
fixe... (Des Ouvrages de l'esprit, p. 257.) // ne
peut se rapporter à tout, ni elle à humeur.
Les adjeclifs son, sa, ses, leur, ne sont pas
propres à marquer exactement les rapports, et il
faut de Padrosse pour y suppléer, f^alère alla
chez Lt'andrc, il y trouva son fils. 11 y a ici une
équivoi|uc qui devrait être Icvce par ce qui pré-
cède ; elle serait levée trop tard, si le lecteur était
obligé de lire ce qui suit : On uvaitassuréà fra-
iera que son fils avait péri clans vu naufrage;
cependant il veut en douter : ilpurcourt les ports
de mer, dans l'espérance d'en apprendre quel-
ques nouvelles; et, arrivé à Marseille, il des-
cend chez Léandrc : jugez, de son ravissement,
il y trouve son fils. C'est visiblement le ravisse-
ment et le fils de Valère. (Condillac, Art d'écrire,
chap. XI.) Voyez Louche.
Amphibologiqde. Adj. des deux genres. Qui
contient une amphibologie. Cet adjTsuit ordi-
nairement son subst. : Discours amphibologique,
phrase amphibologique.
.Amphibologiqcement. Adv. 11 ne se met qu'a-
I)rès le verbe : Il a parlé amphibulogiquement, et
non pas il a amphibulogiquement parlé.
A.MPHIG0UHI. Subst. m. Discours sans ordre,
sans suite, sans liaison, et qui ne présente aucun
sens raisoimiible.
AjiPHiGouRiQCE. Adj. des deux genres. 11 se dit
en littérature d'un style obscur, entortillé, pré-
cieux, où il entre du galimatias, des prétentions
et de raffélcric. Il se met ordinairement après
son subst.
* Amphioodriquement. Adv. Il ne se met qu'a-
près le verbe : H s'est expliqué amphigourique-
ment.
Ample. Aùj. des deux genres. 11 précède ordi-
nairement son subst., surtout quand il est em-
ployé seul : Ample repas , ample récit , ample
matière; un manteau très-ample , un recueil
fort ample.
Amplkmf.nt. Adj. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe. Il s'est expliqué am-
plement, ou il s'est amplement expliqué.^
Ampliatif, Ampli ative. Adj. il ne se met qu'a-
près son subst. : Bref ampliatif. Bulle amplia-
tive.
Amplificateur. Subst. m. Qui amplifie, qui
fait des amplifications. 11 se prend toujours en
mauvaise part. On ne dit pas amplificatrice. Les
dames amplifient assez souvent, mais c'est pour
l'intcrêl de leurs passions. Filles ne s'imposent
pas de sang-froid, comme certains hommes, la lâ-
che de bavarder des heures entières sur des ma-
tières qu'on peut éclaircir par une suite de rai-
sonnements simples, et d'éiouffer la vérité sous
un amas de paroles sonores. Celte manie d'ampli-
fier, que 1 on remarque encore quehjuefois au
barreau, est un reste de barbarie cpii disparaîtra
comme les autres devant les lumières du siècle.
Amplification. Subst. f. On prétend, dit Vol-
taire, que c'est une belle figure de rhétorique ;
peut-être aurait-on plus de raison si on l'appe-
AMP
lait un défaut. Quand on dit tout ce qu'on doit
dire, on n'amplifie pas ; et (juand on l'a dit, si on
amplifie, on dit irop.
J'ai vu auircfois dans les collèges donner des
prix d'amplification. Celait réellement enseigner
l'art d'cire diffus. Il eût mieux valu pcut-^lre
donner des prix à celui qui aurait resserré ses
pensées, et qui par la aurait appris à i)arleravec
plus d'énergie et de force. Mais, en évitant l'am-
plification, craignez la sécheresse.
J'ai entendu des professeurs enseigner que
certains morceaux de Virgile sont une amplifica-
tion, par exemple celui dont voici la traduction
{f^. 523 et suiv. du If^' liv. de l'Enéide) :
Las aslres de la nuit roui lienl dans le silence;
Kolc a suspendu les haleines des vents;
Tuiit se t.iit sur les eaux, dans les bots, dans les champs;
Fatigué des travaux qui vontijientot renaître.
Le tranquille taureau s'eudurt avec sun maître ;
Les malheureux humains ont oublié leurs maux;
Tout dort, tout s'abandonne au charme du repos:
Phéuisse veille et pleure.
Si la longue description du règne du sommeil
dans toute la nature ne faisait pas un contraste
admirable avec la cruelle inquiétude de Uidon,
ce morceau ne serait qu'une amplification pué-
rile ; c'est le mot Phénisse veille et pleure qui
en fait le charme.
La description delà tempête au premier livre
de l'Enéide n'est point une amplification ; c'est
une image ornée de tout ce qui arrive dans une
tempête ; il n'y a aucune idée répéiée, et la répé-
tition est le vice de tout ce qui n'est qu'amplifi-
cation.
Le plus beau rôle qu'on ait jamais mis sur le
théâtre dans aucune langue, esl celui de Phèdre ;
presque tout ce qu'elle dit serait une amplifica-
tion fatigante, si c'était un autre qui parlât de la
passion de Phèdre.
Parmi nous aujourd'hui, continue Voltaire, la
plupart des sermons, des oraisons funèbres, des
discours d'appareil, des harangues dans de cer-
taines cérémonies, sonl des amplifications en-
nuyeuses, des lieux communs cent et cent fois
répétés. 11 faudrait que tous ces discours fussent
très-rares pour être un peu supportables. Pour-
quoi parler quand on n'a rien a dire de nouveau ?
Il est temps de meure un frein à celte extrême
inlempcrancc. [Dictionn. philosophique )
Ampoii.:':, Ampoulée. Adj. Il ne se dit qu'au
figuré, en parlant des expressions du style, du
discours. On appelle style ampotdé, vers am-
poulé, discours ampoulé, un style, un vers, un
discours où l'on cnq)loic de grands mots a ex-
primer de petites choses, où la force de l'expres-
sion se déploie mal à propos, où la parole ex-
cède la pensée, exagère le sentiment. Le style
ampoulé est un style élevé outre mesure.
Mais c'est une erreur de penser que les de-
grés d'élévation du style soient inarqués pour
les divers genres. Le naturel et la vérité sont de
l'ussence de tous les gein-es, il n'en est aucun
qui n'admette le haut style, quand le sujet l'élève
et le soutient: il n'en est aucun où de grands
mots vides de sens, des figures exagérées, des
images qui donnent un corps giganles<iue à de
petites pensées, ne fassent de l'enflure, et ne for-
ment ce qu'on appelle un slyle ampoulé.
Rien n'est si froid, dit Voltaire, que le style
ampoulé. Un héros, dans une tragédie, dit qu'il
a essuyé une tempête, qu'il a vu périr son
ami dans cet orage. 11 touche, il intéresse, s'il
parle avec douleur de sa perte, s'il esl plus
AN
occupe de son ami que de tout le reste. 11 ne
touche point, il devient froid, s'il fait une des-
cription de la lenipcte, s'il parle de source de feu
houiUonnunt sur les eaux, et de la f.udrer/ui
gronde et qui frappe à sillons redoublés la terre
et l'onde.
La ilarpe a dit de Ronsard : Ce n'est pas non
plus par les idées qu'il peut être grand ; elles sont
ordiniiirement chez lui communes OU ampou-
lées, ((^ours de litt., t. 1\', p. 78.)
On dit un vers ampoulé, un style ampoulé, un
discours ampoulé; mais je ne pense pas ([u'on
puisse dire une idée ampoulée, j-înipaulé sup-
pose toujours de iriands mots. Le Pmjicit am-
puUus et sesquipedalia verha d'Horace, d'où ce
mol parait être tiré, nionlre assez, (pi'il ne i)eut
se dire ipic de l'enllurc du slylc et tics ijrands
mots vides de sens et d'idées. Lon4.'in compare
Clilaniue, (pii n'avait que du vent dans ses
écrits, à un homme qui ou vie une grande houche
pour soufllcr dans une petite flùle. Cet adj. ne se
met iju'aprésson suhst.
Ajilsxrle. Adj. des deux genres. Qui peut élre
amuse. On attribue ce mot à madame de Mainle-
non. Quel supplice, disait-elle, d'amuser un
homme qui n'est plus amusable! Ce mol doit
consoler de n'éire pas roi, et de n'être pas la fa-
vorite d'un grand roi. Cet adj. ne se met (lu'après
sonsubst.
Amusant, A.mdsante. Adj. verbal, tire du v.
amuser. 11 ne se met qu'après son suhst. : Un
homme amusant, une conversation amu.'ianle.
AjiusEMr.>T. Subst. m. L'Académie dit (jue ce
mot se prend dans le sens de promesses Ironqicu-
ses. C'est une erreur. On no dit pas tout ce que
vous me dites là ?i'est qu'un amusement, pour
dire n'e>l (ju'un moyen employé pour me trom-
per. 11 est vrai que le verbe awi/Acr se prend en
ce sens, et (]u'on dit, vous voulez m'umu.^cr jxir
ces paroles, pour dire, vous vouiez me tromper.
ISIais le subs'anlifn'a pas toujours les mêmes si-
gnifications tp:e le verbe d'où il est tiré.
Aîiu>E«. V. a. de la 1'" conj. Amuser quel-
qu'un ; amuser quelqu'un par des saillies, par
des contes, etc. ; cela m'amuse. Monlesipiieu a
dit dans les Lettres persanes: Ils amusent leurs
talents à des choses puériles.
S'ai/iuscr de quelque chose, s'amuser de quel-
qu'un. — S'amuser à quelque chose, s'amuser à
faire quelque chose.
A.MLso!i;K. Subst. f. Moyen d'amuser. Je ne
sais ou l'Académie a puisé ce mot. Elle nous le
dira probablement dans la nouvclii; édition qu'elle
prépare. — Dans celte nouvelle édition, elle dit
seulement qu'il est trés-peu usilé.
An, Annke. An est masculin, nwww est fémi-
nin. 11 me temble que l'on n'a pas établi d'une
maniéie claire la dilTérciscc que l'usage a mise
entre ces deux expressions.
An et année se disent également d'un espace
de tcuqis composé de douze mois; mais i).ii' le
premiei' on coiisid.M-ecel espace, ou comme un tout
indivisible, absli-aciioii l'aile de la durée et de
tout ce qui ]icul y avoir rappoit; ou comme une
durée simple, absliaclion faiie des rapports «pTclle
a ou tpi'elle peul avoir avec des effets, des évé-
neriiculs, ik's ré-ull;ils.
Année i\n contraire exprime la durée de douze
mois, rclalivcmcnl aux cirels,aux évéïiemcnlsqui
sont joints ou peuvent cire joinls à celle durée, cl
dont celle durée est ou peut cire la cause ou l'oc-
casion.
Je puis dire l'an passé, ou Vannéepassée ; dans
AN
61
Ac premier cas, je considère les douze mois comme
un point, connue un tout indivisible; dans le se-
cond, je les considère sous un i>oinl de viu> de du-
rée susceptible de produire tel ou tel effet. L'an
passé on craignait la guerre ;\\ n'y a dans cette
expression aucune idée de durée ;'la crainte de
la guerre existait à cette é|)0(pio. L'année passée
on a fait marcher sans cesse des In^upcs de pro-
vince en province. Ici on voit l'idée de durée;
car ce mouvement successif de troupes n'a pu se
faireque dans une durée de lemps divisible. L'an-
née dernière a été fertile, ahnndanle ; \r\ l'on
voil la durée présentée sous le rajjport des effets
(lu'elle a produits.
On dit la première année, la seconde année,
et non \ïws, le premier an, le second an, parce que
les ail cclifs premier cl second supposent néces-
sairement unedun-e conqxisée, ipii, pou\;mt être
considérée relativement a des cITcîs, ne peut
s'allier avec le mot an, qui en fait toujours abs-
traction.
Pouniuoi ne peut-on pas dire ce/ a«, et qu'on
ilil bien cette année? C'est (pie an élanl la réu-
nion de douze mois en un point indivisible, il ne
lient pas se dire d'une é|)oipie où ce> douze mois
ne sont pas écoulés, ou considi'ri's couuiic écou-
lés; au lieu (lu'a/iwc'e exprimant une durée conli-
nue, et par conséquent divisible, on peut ilirc
cette année, depuis le ronmienccmeiit du mois de
janvier jus(]u'a la lin ilu mois de dcicmbre, parce
que l'année dure pendant tout ce leuqis-la. L'an-
née commence bien , Cl non pas l'an couunence
bien; l'année finit bien, et non pas l'an linit bien.
L'année est composée de douze mois Ct non pas
l'un est composé de douze mois.
On m'objectera (pTon dit le premier jour de
l'an; mais celle expression consacrée ne se dit
que relativement a l'usage de se faire des visites
et des comiilimenlsau commcncemcnl de l'année.
C'esl un rcsic de l'ancien langage. Cela esl si vrai
(pi'on ne dit \y.\'i le dernier jaur de /'«;j,miisi«
dernier jour de l'année. Ou en peul dire autant
des expressions l'an 1819, le premier janvier ;
l'an dS20, le trente mars, qui sont icslées dans le
Style des notaires ct des praiiciens, cl qui remon-
leiil a un ancien usage. D'ailleurs ces expres-
sions Indiipieni une époque imlivisible dans une
dur'éc, mais dans une dni'éc qui n'a aucun rap-
port a un effet; ee qui rentre dans nos prineipcs.
Ou dit l'an quinzième, parce qu'iei les douze
mois sont considérés comme nue époipu-, comme
un point indivisible; el l'on dit la quinzième an-
née, parce qu'ici quinzième exprime une suite,
une série, et par conséipienl une durée ilont cette
ipiinzièuic année fait iiariic. C'esl par la même
raison qu'on dit il est dans sa quinzième année,
la quinzième année a été heureuse, malheu-
reuse, etc. \'oilît pourcpioi aussi un soiihailc la
biinne année, el non pas le b m an liiri jour, bon
an, est une csp.'ce de dit Ion populaire (lui ne
[jroiive rien contre noue observaiion.
On dit il ij a deux ans (juc je vis dans cette
attente; et non jias, H. ij a deu.v ann.cs que je
vis dans celte attente, \nurci\uci\:\i\<.ccHi: phrase,
an exprime a la vcriié une dur-c, ni.iis iiik; durée
simple, ipii n'a aucun rappori à un cfl'el, qui n'est
susceptible d'aucune (pialilicaiion. .Si Ion vou-
lail exprimer une durée siisrcpiblc d'elfeis, on
dirait, par exemple, j'ai reçu nujnurd'h'ii une
année de mon revenu. C'esl une durée iiroduc-
tivc.
Une preuve évidente que le mot an n'exprime
qu'une durée siiniilc, el fait abstraction de toute
62
ANA
qualilc de cette durée, c'est que ce mot ne prend |
jaiiKiisde i|iijlili(':ilirs |)ru|irt<ineiil dits. On no dit
pas lin biin (tn, un mutiruis an, un bel an, un
an d'u//nnJ(uit c, un un de di.sette, vu un fertile,
niais tiiio tienne unnec, une niaiivuise u/iiice, une
belle anntx\ une année l'iiirieuse, vue année
fertile, une unnie d'iibundunee, vue uiime de
disette, etc. On dil ;ilpMSivenicnl le imurel an,
cuniine on dil le premier jour de l'an. Bun an,
Tnu/ a», est une espace d'expression adverbiale,
qui est clrinij-vrc a la (piesiion
On dit viuiit itnii de guerre, si l'on vent seule-
ment Midiiii.er la durx' de la çnerrc. Il y a eu
dans ce siècle ring l ans de guerre. On dil rintjt
années de guerre, non [las, cunmic le dil îMai-
muntel, pnur api)iiyer davanla^'e sur la circon-
stance du li'uips, mais poui' fane sentir les ellels
produits par la durée île la iiuerre : Celle pro-
vince a été ruinic par vingt années do guerre. Cl
non pas ]>ur vingt ans de guerre, car les ajis ne
ruini'iii pas.
Voltaire n dil dans son inlroduclion au Siècle
de Liiuis XJf^: l'endant neuf cents années, le
génie des /''rancuis a trie presque toujaurs rétréci
sous un gcinemeincnt ynthiiiue. Il s'agit dans
cette pinase d'une durée t|ui a proiluil un elïet,
qui a réiii'ci le iri'iiio delà nation: le mot année
était le seul couvenuble.
Ce n'est ipie pnr une licence poétiipic (iue]Ra-
ciuc a pu dire [Ipkig., act. I, se. ii, SD) :
Je puis choisir, dit-on, ou beaucoup d'ans fans glaire,
Ou peu (Id jours ïuivis il'uiie luDgue iiiêmuire.
Ce ne sont pas les ans (pii ont de la gloire ou qui
en sont privés, ce sont les années.
Et La Foulaine,
Je suit sourd, les ans en sont la cause.
Les ans ne sont la cause de rien, ils ne prcson-
tenttpi'nne diuéesiinple,sai!S énergieel sanselfel.
* A^A^Al••. iMiK, Anabaptiste. Le p ne se pro-
nonce [njinl dans ces mots.
Anacuokiitk , ANAcnr.oMSME. Substanlifs mas-
cu'iins. Dans ces deux, mots le h ne se prononce
point.
AN*cRro>Tioi'E. Adj. des deux genres. Cet ad-
jectif se dit des pièces de poésie cuiuposées dans
le çoùt d'AiiacirDii et du style qui esl propre à
ceire sorte d<! poi-sie. I.'ode aiiaciéuntiipie cliante
les plaisiis, li!s ieii.\ folâtres. Les tableaux les plus
rianls île la naïuii', les mouveinenls les |)lus in-
génus du coMir iiuinain, renjouemenl, le jilaisir,
la moll(?sst', la n^sliiicnie de l'avenir, le doux em-
ploi du présent, les iblires d'une vie <légasoe
d'iiiquii-'.uile: vdiI.i les sujets <iue choisit la muse
d'Anancun, et que doivent clioisir ceux <pii veu-
lent s'exercer dans le genre (jui a illustre ce poêle
aimable.
Le genre anacréontiqiic exige le sentiment, la
naïveté, l air île la négligence, et une certaine
mollesse viibipiueuse dans le style. 11 nijelie la
sublilile des n IleXioiiS, la prol'oiiileiir des id'jcs,
et les tiiurs trop rc<-lii'rcl)és. L'espiil cl l'art ne
doivent point y paraître. C'est nn badlnage élc-
çani, lei:rr, dont la naïveté cl la délicatesse font
fe cliaruie. I.'ode anacréoiilique |»eut peimlre la
|)assioii de l'anionr dans toute sa vinlcncc, mais
loujouis avec it!s couleurs île la volnplé, et en
écartant ce que celli,' passion peut avoir de sinistre.
Nos bon iicsc lia iisniis sont di'si'desanacreoiiiiipies.
ÀNAor.AJiMK. .Subsl. f. Tiansposilion des lettres
<i'uh ix'iii, A>cL. ni. arrniiçciiicitv uU vùHibinaison
de ccsuiOincs lettres, d'où il résulte un sens avan-
ANA
tageux ou désavantageux a la personne a (jui aj»-
parlient ce nom.
L'anagramme est une pénible bagatelle dont la
mode est passi-e depuis longtemps.
Anu.ocie. Subsl r. Ce mol esl enlièrcmenl
grec, analiigiri. Il signiRe, en geni'ivil, la relation,
le rapport o*i l;i |)ro|)ortion qui: plusieurs choses
ont les unes avec les autres, quoique d'ailleurs
dil'fi'rcnles jtar des qualités qui leur sont propres.
l'ii grammaire, l'analogie esi un cerlain rai»-
port de ressendilance ou d'ap|iri)\iinaiioii entre
une lettre et une autre lettre, ou bien entre un
motet un autre mot, ou enliii entre une expres-
sion, un tour, une plirase, et une antre expression,
un autre tour, une autre phrase, l'ar exemple, il
y a de l'analogie entre le b el le p. Leur ddlerenoe
ne vieil! que de ce que les lèvres sont moins ser-
rées l'une contre l'autre dans la pioiionciaiion du
b, et qu'on les serre davanlago lorsqu'on veut
piononcer le/). Jl y a de l'analogie entre le sub-
stantif abijmc, et l'adjeclif pri>fnnd; parce que
l'idée d'tibymecumpiend celle de profondeur.
On donne, par analogie, diverses sigiiilicalions
au même mot, lorstpic, le détournant de sa signi-
licalion propre ou primitive, on l'api^lique à des
idées qui ont quelque analogie avec cette signifi-
cation |)rcmière. Dur se dit dans le sons propre,
d un corps dont les parties resislcnl aux efforts
(juGn fait pour les séparer, cl celte idée de rési-
stance l'a fait étendre à bien d'autres usages. —
Souvent le fil de l'analogie est si lin, qu'il échappe
si l'on n'a pas de la vivacité dans l'imagination,
delà finesse dans l'esprit. Un des devoirs de l'é-
crivain, c'est de rendre ce lil facile à saisir, et
pour cela, il doit se faire une loi de tirer ses fi-
gures des objets familiers à ceux pour qui ii écrit.
Tels sont les arts, les coutumes, les connaissances
communes, les préjugés, toutes les choses que
l'usage met dans le coinincrce.
L'analogie est d'un grand usage en grammaire
pour tirer des inductions touchant les accidents
des verbes.
La |)reinicre règle de l'art de parler et d'écrire,
c'est l'accord de la parole et de la iiensée, et cet
accord suppose une analogie. 11 y a l'analogie du
style, et on entend par là l'unité de ton cl de cou-
leur.
Analogique. Adj. des deux genres. Il suil tou-
jours son subst. : Ternies analogiques.
Analogiquement. Adv. qui se niel ordinaire-
ment après le verbe.
Analogue Adj. des deux genres, ijui a de l'a-
nalogie. On distingue les termes en univoques,
équivoipies el analogues. Les termes analogues
sonl ceux qui varient leur signilicalion, selon les
sujets auxquels on les aiiplique, c'est-a-dirc, qui
n'cxjtriment pas dans tous les sujets |irciiséinenl
la inéiiie idée, mais du moins quelque idée qui a
un rajiporl de cause, ou d'effet, ou de ressem-
blance à la première, (pii est principalement atta-
chée au mot analogue, l'ar exemple, ipiaml le mol
iat/j s'attribue à ranimai, a l'air et aux viandes,
l'idée jointe à ce mot est principalement la sauté
qui ne convient (pi'a l'animal; maison y joint une
autre idée aji(»rochanlc de lelle-la, qui esl d'cli*e
cause de la santé, laquelle fait qu'on dit qu'«/j
air est sain, qu'une viande esl saine, parce qu'ils
contribuent à conserver la santé. Ce que nous
voyons dans les objets <]ui frappent nos sens étant
une image de ceipii se passe dans l'intérieur de
l'âme, nous avons donné les mêmes noms aux pro-
priétés des corps et des esprits. Ainsi ayant . tou-
jours aperçu du mouvciucni cl du repos dans la
ANA
tnaticrc; ay;in[ remarqué le pciuhnnt ou l'incli-
nalion des cdiiis; a\;iiii vu <]ii(> l'air s'a^ilo, se
trouble, s'i'<-laiiril, (lue li's pliiUos se cleveli)|>-
[leiit, se loi lilieiii cl s'alï.iilil'.ssciil, nous avons dil
le mourciiiPiit, le rcjm.s, l'iticliiiatian el le pen-
chant de /'i//;/f, iiiiiis avons liil (|uc /V.s73/-t/ a-'u-
^ile, se Innililc, s'ichiirvit, se dircli.ppcse foili-
fie,s^a/f(ii/ilil Tciiis ces mois sunl analogues, [kw
le rappocl i|iii se tioiivc cuire une aclion de
l'àmc el une action du corps.
L'abbe Ciiaid a diviM> l'-s lan;;ucs en lanf/i/es
analogues, et Innoues Irautpi.siUres. Jl appelle
analogues eellis donl la syntaxe csl souniise a
l'ordre analviiiiue, paire tpie la suecessiijn des
mots dans le discouii» y suit la iiradaiion analyti-
que (les idiM's. l.îi niarcliede cc> lan^'iies csl elfee-
tivenicnl mntligi/e, el en ipieNiue sorte parallèle
à celle del'e.-in' t i:iéine,doiit elle suit pas a pas les
oiiéralioMs. les lan^'iics transpo^ilivcs sont eeUes
qui, dans l'clocnlinn, doiiiieiil aux mots des lei-
minaisons n-litivcs a l'oidic analyiiipic, cl qui
acquièrent aiusi le dioii de leur l'aire suivre dans
le discoui-s une inaielic libieet tout à l'ail indé-
peudaïUc de la ^uic(>ssiiin naturelle des idées. Le
français, I italien, l'espa^-nol, etc., soiU des lan-
gues aiiulogui's; le iriec, le lalin, ralleia;uid, elc,
sont des lanu-ues lianspt)silives.
Les ctran|:ers se servent souvent d'expressions,
de tours ou de |ilirases doul les m>oIs, a la vérité,
sont des mots l'raii<;ais, mais l'enseudtle ou la
conslriKliiin de ces mois n'est poiiil anulugve iwi
tour, à h manière de parlcj" de ceux (pii savent
la luni:ue. Dans la plii|)art des auteurs (|ui ont
écrit en grec ou eu laim, ou trouve des jibrascs
qui sont uniili,,;vrs au loiu- de lein- langue natu-
relle, mais i|iii ne sont pas conformes au tour
propre à la laiii:ue originale iju'ils ont voulu imi-
ter. Cet adj. ne se UjcI (ju'aprés son subsl.
Analyse. Subsl. L Ce mot, qui csl grec, signifie,
à proprcuKMil p rler, la résululinu ou le de\clop-
pement d'iu, loiil en ses parties. On appelle ana-
lyse d'un livre, d'un ouvrage, un précis, un ex-
trait fidèle d'un ouvrage, tel «lu'cn donnenl ou
qu'en doivent iloimcr le.-- journali>lcs. L'art d'une
analyse imiianialc consiste à bien saisir le biil de
l'aulcur, a c\|)u^cr ses principes, ses divisions,
le progrés île sa marche; à écai'ler ce qui peut
être élrangcr a son sujet; cl, sans lui déroljcr rien
de ce qu'il a de bon et d'e.vccllenl, à ne pas dis-
simuler scsflcraiils.
Onapi>clle,cn grammaire, analyse d'une phrase,
d'une i>ériodc, d'un disi-uui-s, la décomposilion
en toutes ses parties, d'une jilirasc, d'une pé-
riode, d'un discours, [>our en distinguer les élé-
ments, cl comiaiirc loiis les rapports qu'ils oui
entre eux. A'oyez Qinsiruciiun.
Analyser. V. a. île la i"^ conj. En termes de
grammaire, analyner vue phrase, v ne période,
un discours, i:'C'X h-s decomp;)Scr en toutes leurs
parties [KUir en mieux connailic l'ordre et la
suite. On «lit aussi faire l'unulgse d'une phrase,
d'une péi^ii 'de, elc.
Analvtii.iuk. .\dj. des deux genres, qui se met
toujours aj..'os smi subsl.
Analytiquk>ik.m Adv. ]] ne se met qu'après le
verbe: Piticéd^er uniilgliquement.
Ahabcmik. Subst. f. Le c/tt se prononce comme
dans chit-ane.
ANARciiiot'F.. Adj. des deux genres. Le chi se
prononce comme dans chicane. Cet adj. suit tou-
jours son subsl. : Discours anarchiqiies.
Anatomiqle. Adj des deux genres, qui semet
foujoursayrésson subst.
AKI
03
A^cÊTRES. Subst. m. qui n'a point de si-icu-
licr.
ANCIEN, Ancienne. Adj. On pciil le incllrc avant
son subsl. : Une loi ancienne, une ancienne loi ■
une coutume ancienne, une ancienne outinite.
An( iE\M..Mi NT. .Adv. On lient le melire av;nil
ou après le \crlie: .Incicnncmcnt on fuisuil cela •
ce/a se faisait anciennement, cela s'est fuit an-
ciennement.
Anuouii.le, ANDoriLLER, Andocillette. Dans
ces trois mots ou mouille les /.
.ANEODOTt. Siib>t. r. L'Académie dil qu'on
l'cinploie aussi ad|eelivemenl. Autrefois on rem-
ployait ainsi. On <lit aujouid'liiii unecdoiii/ve.
A.MKCuiiTiQi E. Adj. des deux genres, il ne se
met (pi'aprés son subsl.
A\c.ui. Subsl. m. On l'écrivait autrefois ainsi;
mais aujoiird'liul on écrit généralement //uw^ar,
et l'Académie l'écrit de inéine.
ANGK1.IOLE. Adj. des deux genres. Il ne se mol
guère qu'après son subsl. : Ùm esprit ongtlif/ue,
une beauté niigélique, une voLr ungélique ; — une
cherc ançélii/ite.
Ancélls. Subst m. On prononce le *.
Anglican, A^CLICANE. Adj. Il ne sp met j|u'a-
l^rés son subsl. : Le rite anglican, l'Eglise angli-
■june.
Anglicisme. Subst. m. Tdiolisme anglais, c'cst-
à-diie, façon de parler projirc a la langue an-
çlaise.
Angoisse. Subst. f.
L'air résonne «les cris qii'.iu ciol chaciiii enroie;
Âlbe enJ.:Ue d'angoisêe, cl les Rnin.iiii! de joie.
(Coii.N., Ilor., ici. IV, se. Il, 57.)
A'ollairc dit au sujcl de ces vers: On ne dit plus
guère angoisse, el pourquoi? Quel mot lui a-
t-oii siibslitué'/ Douleur, horreur, peine, afflie-
tiiins, ne sont pas di!S équivalents. Angoisse ex-
prime la douleur prcssaiiieel la crainte à ia fois.
[Jicmari/iies sur Corneille.)
Je pense iju'un auteur qui aurait besoin du
mol angoisse jiour exprimer sa pensée ferait très-
bien de s'en servir, et ipic les gens de goùl ne
lui en feraient poinl un reproclie.
Ancoha, Angola. Beaucoup de personnes cm-
|iloieiu ces mots l'un pour l'autre, mais Angola
est le nom propre d'un |»ays de la basse Étliiopie,
sur la ''Ole occidcnlale de l'Afrique, d'où l'on lire
les meilleuis nègres; cl Angora csl une ville de
l'Asie mineure, ou l'on trouve tb'S chèvres cl des
chats qui poilenl des soies longues el Unes, il ne
faut donc jrasdire d Un clial que c'est un ungula,
ni c'est un chat angora, mais c'est un chat d'//«-
gora, ou sim|ilemi'iil c'cit un angora. — L'Ai"idc-
mie. cil IStô, donne pour exemple: un chat an-
g'ira, une ihèvre angora, cl range ce mol parmi
les adjectifs.
AîvutiLLADE, Anguille. Dansées deux subsl.
on mouille les l.
Angllaibe. Adj. des deux genres. Il ne se met
(pi'après son subsl. : Figure angulaire, corps an-
gulaire.
A.NGCLELx, Angulf.csf.. Adj il suit toujours son
subst. : Un v^rps ungtileiur.
Ancustie, Anclstiék. Adj. que l'Académie dit
cire de jicu d'usage. Il n'est jws <lii tout usilé; el
quelqu'un ipii s'en scrviraii aujourd liui risque-
rait lie n èirc point compris.
Anhml, Amiiale. Ailj. l'M prose, il ne se met
qu'après son Mibsl. : f^ie animale. FucuUésan*-
wuies. Esprits animaux. Règne animal. Le.i
esprits vitaux el animaux.
64
ANO
Animal. Sul>st. m. Pcul-on àlrcafiimul de som- \
me an lien il»' O^'tr de somme, l'oimiio l'a fnit La '•
Fonlainc? Je ne le crois pas. (Cli. iNodior, fxo-
mencritùjiirdcsDict.) (Pour les noms des cris des i
animaux, el de leurs parlies, voyez Cris et l'ur- ;
ties.) I
Ammé, Animée. Partie, et adj. 11 régit les pre-
posilluns « el de: Animé au carnage, animé
d'un zèle courai/eux.
Ammosité. Subst f. L'Académie le déllnil,
mouvemeiu de liainc. L'atdmosilé n'est pas un
mouvcmcnl passairer, comme seinlde le faire en-
tendre l'Acadcmic'; mais un senlimcnt vif et per-
manent de haine contre (pioliin'un.
Anis. Sub>t. m. On ne prononce pas le s.
Annal, Annvle Adj. On prononce les deux n.
Une se met (jn'aprcs son subst. ; Possession an-
nale, procuration annule.
Annales, Annvlistes, Annate. Dans ces trois
mots, on prononce les deux «.
A>NÉE. A'oycz Jn.
A^^EXE, AN^EXi.R, Annihilation, Anniuilek.
Dans ces ([uatrc mots on prononce les deux n.
AwNivEr.sAii'.E. Adj. des deux genres. 11 suit
toujours son subst. : Jour anniversaire, fête an-
niversaire.
Annoncer. Y. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
lec a la prononciation de se; el pour la lui con-
server à tous les temps el ù toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous, toutes les fois
qu'il est suivi d'im a ou d'uno. Ainsi on écrit
nous annonçons, j'annonçais, j'annonçai, Cl non
pas mus annonçons, etc. 11 se dit des choses :
Sitôt que de ce jour
Lu trompette sacrée annonçait le retour.
(Rac, Athal., acll, se. i, 5.)
Cette action annonce un bon cœvr, u?i mauvais
cœur, etc. Ce verbe s'emploie avec le pronom
personnel : S'annoncer var des manières polies et
insinuantes. La bienfaisance s'annonce^ moins
par une protectùm distinguée et des libéralités
éclatantes, que par le sentiment qui nous inte-
resse aux malheureux. (Barlliélcmy.)
Annuel, Annuelle. Adj. Fn prose, ilse met tou-
jours après son subst. : Dignité annuelle.
Annulaire. Adj. des deux genres En prose, il
se met toujours après son subst.: Doigt annulaire.
Eclipse annulaire.
Anoblir. V. a. de la 2" conj. 11 signifie donner,
conférer la noblesse; c'est-a-dirc une qualité
imaginaire et de convention, que les rois don-
nent à qucUiues 1 crsiinnes de leurs Étals, en y
attachant des litres cl des privilégcs.U ne se dit
que des personnes : ^Yw^tr un négociant, un ar-
tiste, un savant. Les rois ont .s<iuvent anobli des
ministres qui les avaient avilis par leur con-
duite. On a beau anoblir un homme vil, il reste
toujours vil.
11 ne faut pas confondre ce verbe avec enno-
blir, qui sii-'iiilie donner de l'cclal, de la considé-
ration, de ['iiiiiiortante à une chose. Domcrgue
voudrait qtie l'on écrivit enmblir dans l'un cl
dans l'autre sens. 11 y a pourtant bien de la dif-
férence entre ces deux expressions.
Anojul. Adj. m. llsedil, en .-rammaire, des
verbes (jui ne sont pas conjugues conformément
au paradiL'mc ou modèle de leur conjugaison.
C'est ce ([u'on appelle aussi verbes irréguliers.
f^oyez ce mot.
Il ne faut p:is confondre les verbes anomaux
avec les verbes dcfcclifs. Ces derniers sont ceux
ANT
qui manquent de quelque temps, de quelque
mode, ou de (juchpie personne.
Anomalie. Subst. f. C'est le nom abstrait formé
\ïanomal. Fuyez ce mol. Anomnlie signifie irrô-
gularilé dans la conjugaison des verbes. Voyez
Conjugaison.
Anonyme. Adj. des deux genres, qui suit tou-
jours le subst.
Ant, Ent. Voyez, pour la formation du pluriel
dans les subst. cl les adj. lerininés ainsi, les ar- .
licles Formation el Adjectif.
Antagoniste. L'Académie a oublie de dire
qu'il se dit aussi des femmes Fcraud fait celte
remaniue. vSelon lui, antagoniste est donc aussi
féminin. En ce cas, je ne vois pas [xturquoi il
veut qu'on dise, en parlant d'une femme : yous
avez là un charmant antagoniste; el non pas
une charmante antagoniste ; cl je jiense qu'il
faut dire le dernier
Antécédent, Antécédente. Adj. qui suil tou-
jours son subst., et qui s'emploie aussi substan-
tivement. 11 se dit, en terme de grammaire, d'un
mot <)ui précède un adjectif conjonctif, ou une
proposition incidente. Dans Vhomme que Dieu a
doué de raison, Vhomme est ranlcccdeiil du con-
jonctif çwc, et il l'est aussi de la proposition inci-
dente Dieu a doué de raison.
Antépénultième. Adj. qui se prend substanti-
vement. On sous-enlenil syllabe. Un mol qui est
composé de ])lusicurs syllabes a une dernière syl-
labe, une pénultième, c'est-à-dire presque la
(icrnière, cl une antépénultième. En sorte que,
comme la pénultième précède la dernière, Van-
tépénultième précède la pénultième. Ainsi dans
générosité, té est la dernière, si la pénultième, et
ro l'antépcnuliième.
Antérieur, Antérieure. Adj. qui suit tou-
jours son subst. 11 régit ordinairement la prépo-
sition ci ; Cet événement est antérieur à mon
mariage. En termes de grammaire, on appelle
prétérit OU passé antérieur, un temps qui ex-
prime une chose faite avant une autre, dans un
temps passé; el futur antérieur, un temps qiii
maitiuê l'avenir avec rapport au passé, et fait
connailre que, dans le temps (ju'une chose arri-
vera, une autre chose, qui n'est pas encore, sera
passée, comme quand j'aurai fini mes affaires,
j'irai vous voir.
Antérieurement. Adv. lise met après le verbe:
Cela a été fait antérieurement. 11 exige un ré-
cime exprimé ou sous-entendu : Cette dette a été
contractic a?itérieurement ci la vôtre
Anthropophxge. Adj des deux genres qui
suil toujours son subst. : Peuple anthrr prphage .
Anti. Préiioiition inséparaiile ([ui entre dans
la cumiiosilion de plusieurs mots. Celle préposi-
tion vient (piclquefois de la préposition latine
ante, avant ; el alors elle signifie ce qui est ayant,
comme antichambre , anticabinet, anticiper,
faire une chose avant le li'inps, antidate, date
antérieure à la vraie date d'un acie, etc.
Souvent aussi anti vient de la préposilion g'-ec-
que««/t, contre, qui manpie ordinairement 0{>-
iwsition, ou alternative. Flic marque opposition
iit^ns antipodes, untidte. etc.
Quehiuel'uis, quand le inoi <iui suil a»/ii com-
mence par une voyelle, il se l'ait une èlisionde
l'i; ainsi on dit \q pôle antarctique, et non anti-
arctique.
Les livres de controverse cl ceux de disputes
littéraires portent souvent le nom d'anti. On u fait
un anti-lJalllct.
Antichambre. Subst. f. Quelques pci-sonnes le
ANT
font mal a propos masculin. Il doit avoir le même
genre que cliambro. (l)umarsais.)
Amii'hrase. Subsl. f. Conire-vérilé. Expres-
sion ou manière de parler par laquelle, en disant
une chose, on entend tout le conliairc. C'est ainsi
«ju'on dit d'un fripon ; 07t.' l'honnête homme!
Antiquaille. Subst. f. On mouille les l.
Antique. Adj. des deux geines. 11 peut précé-
der son subsl., cl il le précède souvent: C'est tin
antique xtsuge, c'est ttn usage antique.
Gardez donc de donner, ainsi que d.ins Clélio,
L'air ni l'esprit français h l'antique llatic.
(BoiL., .1. /■., III, IIIJ.)
L'Académie dit f\\\'antique se dit, par raillerie,
des personnes avancées en âge. Je ne crois pas
qu'on ait jamais dit d'un homme âgé ou d'une
femme âgée, c'est vn homme antique, c'est une
femme antique, iiuur exjirimer l'âge, à moins
que ce ne soit dans (|ucl(]ucs coteries de jeunes
gens mal élevés. Quand on dit (]u'mh homme,
qu'une femme a l'air antique, on ne veut ])as
dire qu'ils ont l'air vieux, mais (lu'ils ont des
manières, des habillements dont la mode est pas-
sée depuis bien longtemps. Une l'cmme peut ne
pas être très-vieille, et avoir l'air anli(iue.
ANTnHi;sE. Subsl. f. C'est une figure qui con-
siste à opposer des pensées les unes aux autres
pour Icm- donner plus de jour. Ainsi saint Paul a
dit : On nous maudit et nous bénissons. Les vers
suivants sont des exemples d'antithèses :
Je sentis tout mon corps ut transir et brdUr.
(lUc, Phèd., act. I, se. III, 124.)
Et, monte sur le faite, il aspire à descendre.
(Corn., C'tnn., act. II, sc.i, 16.)
Triste amante des morts, elle hait les vivants.
(Volt., Het^r., VII, 148.)
L'antithèse, lorsqu'elle se présente nalurelle-
ment, et qu'elle est avouée par le goût, donne au
style de la grâce el delà beauté; mais, lorsqu'elle
es't répétée sans cesse, et qu'elle parait cire dé-
générée en habitude chez l'écrivain qui l'em-
ploie, elle donne au stylo un air maniéré, et pro-
duit ce tju'on appelle des faux brillants. C'est ce
(}u'on remarque souvent dans le stylo de FIô-
chier, qui avait fait de l'antithèse sa figure favo-
rite.
A^TO^OMASE. Subst. f. Trope ou figure de rhé-
torique par laquelle on met un nom commun ou
une périphrase à la place d'un nom propre, ou
bien un nom propre à la place d'un nom com-
mun. Philosophe , orateur, poëte, roi, ville, sont
des noms communs; cependant l'antonomase en
fait des noms particuliers qui équivalent à des
noms proi'ics. Ainsi les anciens disaient \c pld-
losophe, piiur dire Arislote ; les Latins, l'orateur,
pour dire Cicéron ; le poète, pour dire Virgile;
et nous disons le père de la tragédie française,
pour dire Corneille.
Dans chaque royaume, quand on dit simple-
ment le roi, on entend le roi du pays où l'on est;
quand on dil la ville, on entend la capitale du
royaume, de la province ou du pays dans lequel
on est.
Les adjectifs ou épithètes sont des noms com-
muns que l'on peut appliquer aux différents ob-
jets auxquels ils conviennent ; l'antonomase en
fait des noms particuliers. L'inrincille, le con-
AP.V
65
querant, le grand, lo juste, le sage, se disent |Kir
antonomase de certains princes, ou d'autn^s
personnes particulières.
Nous avons un recueil ou abré:;é des lois des
anciens Français, qui a pour titi'e Lex salica.
Parmi ces lois, il y a un article (pii exclut les
femmes de la succession aux terres saliqucs, c'est-
à-dire aux fiefs. C'est une lui (pi'on n'a uliscrvéc
inviulablemcnl dans la suite «in'a l'égard des fem-
mes, ([u'on a toujours exihn's de la su< cession à
kl couronne. Cet usage, toujours observé, esl ce
qu'on appelle aujourd'hui loi suliquc, par anto-
nomase; c'est-a-dire que nous donnons a la loi
particulière d'exclure les femmes de la cuuronne,
un nom que nos pères donnèrent autrclois à un
recueil général de lois.
La seconde espèce d'antonomase est celle où
l'on prend un nom projire pour un nom commun,
ou pour un adjectif. C'est ain^i (]ue l'on dit d'un
prince cruel, c'est un Néron; ci d'un iioinme
sage et vertueux, c'est un Caton, etc. (Dumar-
sais.)
Anus. Subst. m. On prononce le 5.
Aoriste. Subst. m. On prononce orislc. Terme
de grammaire par lequel on désigne nn temps, et
particulièrement un prétérit indéterminé. J'ai
fuit est un prétérit déterminé ou plutôt absolu.
Au lieu que je fis est un aoriste, c'est-à-dire, un
jjrétérit indéfini, indéterminé, ou plutôt un pré-
térit relatif; car on peut dire absolument j'ai
fait, J'ai écrit, j'ai donné; au lieu que quand
on (lit je fis, j'écrivis, je donnai, il faut ajouter
quebiue expression qui détermine le temps où
l'action dont on parle a été faite : Je fis hier, j'é-
crivis il y a quinze jours.
Août. Subst. m. On prononce ovt. Nom du
Iniiticme mois de notre année. 11 vient par cor-
ruption de celui de l'empereur Auguste. Voltaire
voulait que l'on conservai ce dernier, el lui-
même écrivait ordinairement Auguste au lieu
A'uoût. Un président du l'arlemenl disait qu'il s'i-
maginait entendre des chats miauler, toutes les
luis que les procureurs disaient à laudicnce lu
mi-août. Depuis ce temi>s les grammairiens sont
convenus que l'on prononcerait oût. Mais, en ré
formant la prononciation, on aurait dû réformer
aussi l'orthographe; il n'y aurait pas tant de gens
•pli prononceraient encore uuût comme il est
écrit. La Fontaine a écrit oût:
Je TOUS paîrai, lui dit-cllu,
Avant l'oûÉ, foi d'animal.
Intérêt et principal.
(Liv. I, fable I, 12.)
Remuez votre champ dès qu'on aura fait Voit.
(Liv. V, fable ix, 10.)
AouTER. V. a. QC la d''' conj. On prononce l'a.
AouTERON. Subst. m. On |)rononce oûteron.
Apaiser. V. a. de la )■■'■ conj. On ne sait pas
trop pourquoi l'Académie écrit ce mol avec un
seul p, lorsqu'elle en met deux à appareiller, ap-
peler, etc.
Apaiser quelqu'un. Apaiser une querelle, une
sédition. Apaiser les flots. — Une personne en
colère s'apaise. La tempête s'apaise.
Corneille a dil dans Puhjeucte :
Âpaisex donc sa crainte.
(Act. I, se. I, 101.)
On apaise la colère el non la crainte. CVoltain-
Hemurques sur Corneille.)
66
APE
Apanage. Siibst, m. L'Académie ne le dit point
avec le l'ogiinc qu'il a dans les vers sinvanls :
Le préscnl seul est de noire apanage.
Et r.iTcnir peut consoler le sage.
Mais ne saurait altérer son repos.
(Volt., Ép<t., XLI, 22 )
ApiNAGER. V. a. de la J"^' conj. Dans ce verbe,
lo^ doit toujours se prononcer commi«j; et puur
lui conserver celle prononciation lorsqu'il est
>uivi d'un a ou d'un n, on met un e muet avant
cet a ou cet o: J'apana/jeais, apanageons ; et
non pa^j'apanagais, apanagons.
ApAnTÉ. Subsl. m. Il ne prend point de * au
|)luriel : Des aparté.
Apathique. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. : Un ^hnmmc apathiqvc,
vue femme (ipathiqve. — Une humeur apathi-
que. Cette apathique humeur. — On ne liil ni vn
apathique homme, ni une apathique femme. Nous
en avons exposé les raisons au mot Adjectif.
Aperceyable. Adj. des deux genres. Il ne so
dit guère qu'avec la négation, et est peu usité.
Apercevoir. V. a. do la 3^ conj. L'Académie
dit elle s'est aperçue de son erreur. On trouve
une très-grande difficulté à faire concorder cette
phrase avec les règles des participes. Il est clair,
dit-on, que se, dans cet exemple, n'est pas ré-
gime direct; car ce n'est pas elle qu'elle a aperçu.,
mais son erreur. On ne peut dire elle a aperçu
elle de son erreur. Cette phrase semble donc se
refuser à toute espèce d'analyse.
On peut répondre qu'il faut nécessairement que
se soit le régime d'aperçu, car ici il ne peut être
autre chose; et il faut bien qu'on l'ait senti,
puisqu'on a fait accorder ce participe avec le pro-
nom. Son erreurne saurait être le régime direct
du participe, car la préposition tfo, dont il est
précédé, s'oppose à cet emploi. Ne serait-il pas
plus naturel de voir une ellipse dans ces sortes du
phrases, que de les regarder fommedes idioiis-
mes, et d'avouer par là qu'on se trouve dans
l'impossibilité de les expliquer? Elle .'^est aper-
çue de sa faute ne pourrait-il pas se tourner
par, elle a aperçu elle coupable de sa faute,
ou ayant commis cette faute? De même, elle
s'est aperçue de so?i erreur ne pourrait-il pas si-
gnifier, elle a aperçu elle répréhensihle de son
erreur, ou ayant commis son erreur? Le de mis
avant les substantifs justiricrait pleinement celle
analyse; et le pronom se aurait l'emploi qui lui
est naturel. S'apercevoir de quelque chose, c'est
voir soi ayant la cnmtaissance de quelque chose.
Je m'aperçois du piège qu'on me tend, c'est je
vois moi ayant la connaissance du piège que l'on
me tend.
Faire apercevoir quelque chose à quelqu'un.
Apetisser. V. a. de la i" conj. On avait re-
proché à l'Académie d'avoir dit ((/lefi'sse?-, rape-
tiaservn manteau, au lieu (Vaccourcir ou i-ac-
eourcir un manteau. Dans son édition ile479Sct
dans celle de 4S35, elle n'a dit apetisser (juc
d'une figure : Cette figure est trop grande, il faut
l'ajpetisscr rrobabicment elle n'a entendu parler
ici que des figures qui sont l'objet des arts du
dessin. En effet, apetisser se dit des corps que
l'on rend plus petits dans toutes leurs dimen-
sions. On le dit aussi des corps qui paraissent
plus petits à mesure qu'ils s'éloignent de l'œil de
•elui qui les regarde. L'éloignement apetisse, ou
mieux, rapetisse les objets'.
.le ne pense pas qu'on dise, comme l'Académie,
^ue les jours apctissent après le snlMica d'été ;
APO
cl je m'appuie sur l'autorité ûo l'Académie clle-
mèiiie, qui, au mot accourdr, dit que les jours
s'accourcisscnt. Ln effet , ils deviennent plus
courts, cl ils ne deviennent pas plus petits. On
dit au mois de décembre (\vc les jours sont
courts ; mais on ne dit pas (ju'iZi sont petits. Un
petit jour est un jour (]ui commence, qui n'est
pas encore^ dans son éclat : Il ne faisait encore
] que petit jour. Par la même raison, on ne dit
pas comme l'Académie, qu'une étoffe s' apetisse a
l'eau, mais bien qu'elle s'y retire, comme on le
voit dans le même Dictionnaire de V Académie,
au mol Retirer.
Aphorisme. Subst. m. L'Académie a oublie de
dire que ce mot est particulièrement consacré à
la médecine et à la jurisprudence. On ne dit
point des aphorismes de morale, des aphorisnies
depolitùjtie, àmoinsquece ne soit en plaisanterie.
Aplanir. V. a. de la 2' conj. Féraud demande
avec raison pounjuoi l'Académie écrit aplanir,
aplanissement avec un p, tandis qu'elle écrit
avec deux p applaudir, applaudissement, appli-
quer, etc.
Apocope. Subst. f. Figure de diction qui a lien
lorsqu'on retranche quelque lellre ou quehpie
syllabe à la fin d'un mol : encor pour encore,
grand'messe pour grande messe, sont des apo-
copes.
Apocryphe. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subst.: Auteur apocryphe, livre apo-
cryphe.
Apologétiqoe Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Discours apologétique,
lettre apologétique.
Apologue. Subst. m. Petit récit qui couvre
une vérité du voile de l'allégorie. L'apologue fait
parler les dieux, les esprits, les hommes, les
animaux, les choses inanimées; c'est le genre. La
fable ne fait parler que les animaux et les choses
inanimées; c'est l'ospèce.
Apostat. Ce mot se prend au figuré dans lesens
de déserteur, transfuge ; mais alors il est déter-
miné par un complément ;
Apostats eiïronlés ilti goût et du bon sens.
(Gilbert, Le Dix-Huitiime Siècle, sal. I, 450.)
[Grammaire des Grammaire», p. 1077.)
Apostolique. Adj. des deux genres. Il ne se
met guère qu'après son subst.: Doctrine aposto-
lique, érudition apostolique, mission apostoli-
qiie, vie apostolique.
Apostoliquement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Il a prêché apostoliquement.
APOSTRoruE. Subst. f. Figure de rhétorique
dans la(]uelle l'orateur inlerrouipl le discours
qu'il tenait à l'auditoire, pour s'adresser direcle-
ment et nommément à (îuehjue personne^ soit
aux dieux, soit aux hommes, aux vivants ou aux
morts, ou à quelque être, même aux choses in-
animées, ou à des êtres métaphysiques, et qu'on
est en usage de personnifier. C'est ainsi que Bos-
suet a dit" dans son oraison funèbre de la du-
chesse d'Orléans (p. C2) : O mort! éloigne-loi de
ma pensée, etc.
L'apostrophe peut iiroduirc un grand effet
dans un discours oratoire; mais il faut qu'elle y
soit [ilacée à propos, et bien amenée par la cir-
constance. L'usage fréquent de celle figure ferait
un Ircs-mauvais effet. L'auditeur n'aime pa&
(in'on le perde tron souvent de vue.
APO
Apostrophe est un tcrnio de grammaire. On en-
tend par la une petite manpic en forme de vir-
gule ('), dont on se sert pour marquer l'élision
a'une voyelle, ccst-à-dirc, sa suppression à la
reneontre d'une autre voyelle.
Il y a dans la langue française trois lettres, «, c,
i, qui, so trouvant a la fin d'un mot, se suppri-
ment avant un autre mot qui commence par une
voyelle ou un h non aspiré.
En français, l'e muet ou féminin est la seule
voyelle qui s'élidc toujours devant une autre
voyelle, au moins dans la prononciation ; car,
dans l'écriture, on ne maniuc l'élision par l'a-
postrophe que dans les monosyllabes je, me, te,
se, le, ce, qvc, de, ne, et dans jusque cl quoique:
J'y cours, je m'y rendrai, je Vudmirc, il s'of-
fense, elle V avoue, c'est cela, qu'est-ce qu'il a?
d'après cela, n'y pensez plus, jusqu'alors, quoi
qu'il arrive.
L'« ne doit être supprimé que dans l'article
et dans le pronom Za .- l'âme, l'église , je l'en-
tends, pour je la entends. On dit la onzième, ce
qui est peut-être venu de ce que ce nom de
nombre s'écrit souvent en chiffres.
L'i ne se perd que dans la conjonction si, de-
vant les pronoms il, ils ; mais il se conserve
devant ei/e, elles. S'il vient, s'ils viennent. Mais
on dit si elle vient, si elles viennent.
Si, précédé de la conjonction et, s'emploie
dans la conversation pour cependant, avec cela,
néanmoins ; et alors il ne perd jamais sa voyelle,
non pas même devant le pronom il ou Us: Il est
brave et vaillant, et si il est doua! et facile.
L'e muet de grande s'élide quelquefois dans
la prononciation et dans l'écriture, devant des
substantifs qui commencent par une consonne.
On dit et on écrit grand' mère , grand' tante y
grand'rnesse , grand' chambre , grand' salle ,
grand' chère , grand' croix , grand' pitié. Cepen-
dant il n'y a que les mots grand'mère pour les-
quels la règle t>oit générale ; car, dans bien des
occasions, et en particulier quand le mot grande
est précédé de quelque prépositif ou équivalent
de l'article, l'e muet final ne souiFre pas d'élision,
et l'on dit une grande chambre, la plus grande
chère, la plus grande peine.
L'e muet de la préposition entre s'élide dans les
verbes réciproques, s' entr' accorder, s'enlr'ac-
compagner, s'enfr'accuser, s' enir' ouvrir, etc.
L'usage est partagé dans les cas suivants. Les
uns écrivent entre elle, entre elles, entre eux,
entre autres • et les autres entr'elle, entr'elles,
entr'eux, entr'autres. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'on écrit entre onze heures et midi,
entre itri bon et un mauvais ami , entre amis.
— Maintenant l'Académie ne met que entre eux,
entre outres. Voyez Entre.
L'e final de jusque s'élide devant «, au, aux,
ici : Jusqu'à Rome , jusqu'au ciel, jusqu'aux
nues , jusqu'ici.
L'e de puisque et de quoique ne s'élide que
quand les mots sont suivis de il, ils, elle, elles,
on, un, une , ou d'un mot avec lequel ces con-
jonctions sont immédiatement liées : Puisqu'il
le veut, quoi qu'on dise, puisqu'ainsi est. Mais
on écritj puisque aider les malheureux est un
devoir ; quoique étranger, etc.
L'e final de quelque ne s'élide que devant un,
une : quelqu'un, que/qu'une, et dans quel qu'il
soit, quelle qu'elle soif. Ou écrit quelque histo-
rien , quelque autre, quelque espoir.
L'e final de presque ne s'élide que dans pres-
qu'île. On kcïii presque achevé, presque usé, etc.
APP
O":
A et c ne s'élident pas d.ins le, lu, après lui
impéiatif, ni dans U adverbe : Menez-le à Paris,
ira-t-il là avec vous ?
^ et e ne s'élident |)as non plus dans de, le, lu,
que, ce, avant les mots huit, huitaine, huitième,
onze, onzième,' oui, un: Le huit du mois, dans
la huitaine, le onze, le onzième, le oui, le un.
La finale de contre ne s'élide jamais : contre -
allée, contre-amiral, contre eux, etc.
La diphlhongue do moi et de toi, lors(iue ces
mots sont placés après un impératif, s'élide de-
vant en, et ne s'élide pas devant y : Donnez-
m'en, va-t'en. Mais on dit conduise z-y-inoi, cl
non pas conduisez-m'y.
Apôtt.e. Subst. m. On écrivait autrefois rtpoi-
tre ; on a sup[)rimé le s, et la syllabe est restée
longue.
Apparaître. V. n. de la li' conj. Il se conjugue
romxnc paraître, avec cette différence qu'ff/)/ja-
raître prend tantôt l'auxiliaire être , et tantôt
l'auxiliaire avoir, cl que paraître ne jjrend (juc
le dernier. Les grammairiens disent que ce verbe
prend indifférenunent l'auxiliaire être ou l'auxi-
li;iire avoir. Cela n'est |)as naturel. Il faut néces-
sairement que chacun de ces verbes indique une
nuance différente, un jwinl de vue différent. —
Je pense qu'il faut dire o apparu quand l'action
d'apparaître n'est considérée (jne relativement au
spectre même qui l'a faite, et non relativement
à l'impression de l'apparition sur les [joi-sonnes.
Quand je dis ce spectre a apparu trois fois pen-
dant la nuit, je ne veux exprimer que l'action du
sj)ectre, indéjKîndammo.u de tout effet, de louteim-
pression. Mais quand on veut marquer l'impres-
sion de l'apparition sur les personnes, il faut dire
est apparu : Le spectre m'est apparu, nous est
apparu :
Vous m'êtes, en dormant, un peu Iritle apparu.
(La Fontaikb, iiv. YllI, toile xi, 19.)
Si l'on me demande à quelle heure le spectre
s'est rendu visible, je répondrai : il a apparu à
minuit; maïs si l'on veut savoir de moi à quelle
heure j'ai vu apparaître le spectre, je dirai : il
m'est apparu à minuit. Le premier offre un sens
actif, le second un sens passif. On ne peut jamais
dire le spectre m'a apparu.
Il faut convenir cepenùant que a apparu forme
un hiatus bien dur, et qu'on ferait bien de l'é-
viter.
Richelet, Jouberl, et le Dictùmnaire de Tré-
voux, prétendent que ce verbe peut être employé
avec le pronom personnel. A la vérité, le P. Bru-
moi a dit : Minerve s'apparaît d eux ; mais au-
cun bon écrivain ne l'a imité.
Il se dit des choses qui ne paraissent que ra-
rement et de loin en loin : // apparaît de temps
en temps sur la surface de la terre des hommes
rares et exquis qui brillent par leur vertu, et
dont les qualités éminentes jettent un éclat pro-
digieux. (La Bruyère.)
■ Apparemment. Adv. On le met au commence-
menl d'une phrase ou après le verbe : Apparem-
ment qu'il viendra, ou il viendra apparemment.
Apparence. Subst. L Féraud re|)roche avec
raison à l'Académie d'avoir dit sous apparence
de l'amitié. Dans cette phrase, (piand apparence
n'a point d'article, il n'en faut point mettre non
plus devant le substantif qui le suit; il sulht de
la préposition de : Sous apparence d'anntie. Mais
quand apparence est précède d'un article, il laut
68
APP
en donner un nu substanlif suivant ; Sous l'appa- |
rencc de l'a).\itié.
Api'Aiii;>T, Apparente. Adj. Quand il signilic
qui n'a que l'apparence sans réalité, il pcul se
mellic (icvaiil smii sul)Sl., en con^^ullanl l'oreille
cl lanalogic : Un apparent et fhtix talent. Le
monrcinenl apparent du soleil. Dans toutes les
autres Bij^nilioations, il suit son sub>t.
AppAr.oin. Y. n. et dcfectif de la 3* conj 11
n'est usiu- qu'a l'infinitif avec le vorhe faire, et a
la Iroisiénie personne sinçiiliore de l'inlinilif, où
il fait appert, Cl OÙ il ne s'emploie qu'inipcrson-
nellcnietu.
AppAitTENANT, APPARTENANTE. Adj. vcrbal tiré du
V. appartenir. Les irrammairiens ne sont pas d'ac-
coni sur l'emploi de cet adjci'iif vcrbal. Les uns
veulent (pj'on dise une maison apparlcnanl à
vn tel, avec le participe; les autres, vne maison
appartenante n vn tel, avec l'adjeeiif verbal.
Beau/.cc est du nombre des derniers, et l'Acadé-
mie |)arlaL'e celle opinion. Elle dit : Une maison
à lui appartenante, ^'ollaire *dil : Une ville ap-
partenante aux Hollandais. Bartliélemy : Il ap-
prit que quelques officiers de ses troupes, appar-
tenants aux premières familles d'Jlhènes, mé-
ditaient une trahison en faveur des Partîtes.
Appartenir. Y. n. et irrégulier de la 2'' conj 11
se conjugue comme tenir. Yoycz Irrégvlier. —
Quelquefois on emploie ce verbe impersonnel-
lement, alors il régit a devant les personnes, cl de
devant l'inlinilif: Il appartient aux pères de châ-
tier leurs enfants.
* s'Appartenir. Ce mol n'est point usilé. Ce-
pendant on le trouve très-bien appliqué dans une
réponse (juc fil un particulier à Henri lY. J qui
appartenez-vous'^ lui demandait le roi. A vioi,
répondit le particulier.
Appeau. Subsl. m. L'Académie le définit, sorte
de sifflet, etc. Tous les appeaux ne sont pas (les
siffleis. H y en a qu'on fait jouer avec la main. —
L'Académie dit aussi que l'on appelle appeaux
les oiseaux dont on se sert pour appeler les au-
tres oiseaux. — Oui, excepté les femelles de per-
drix, que l'on nomme chanterelles.
Appelant, Appelante. Adj. 11 ne se met qu'a-
près son subst. : La partie appelante.
Appeler. \ . a. de la 1"^^ conj. On double la
lellre/ dans les temps de ce verbe où celle lellre
est suivie d'un e muet: J'appelle, j'appellerai, il
appellera, il appellerait ; on ne met qu'un l lors-
que celle lettre est suivie de toute autre lellre
qu'un e muet: J'appelais, j'ai appelé, ils appelè-
rent.
Appellatif. Adj. On prononce les deux l. Kn
grammaire on appelle noms appellatifs ou com-
muns, les noms qui sont conmmns à des class(!s
d'êtres, par opposition aux noms propres, qui
n'expriment que des individus.
11 y a deux sortes de noms appellatifs: les uns
qui conviennent à tous les individus ou êtres
particuliers de différentes espèces; par exemple,
arbre convient a tous les noyers, à tous les oran-
gers, à tous les oliviers, etc. ; alors on dit que ces
sortes de noms appellatifs sont des noms de genre.
La seconde sorte de noms appellatifs ne convient
qu'aux individus d'une es|)èce, tels sont noyer,
olivier, oranger. Ainsi, animal est un nom de
genre, parce qu'il convient à tous les individus
de différentes espèces : car je puis dire ce chien
est un animal, cet éléphant est un animal, etc.
Chien, éléphant, lion, cheval, sont des noms d'es-
pèces.
APP
Les noms de genre peuvent devenir noms d'es-
pèces, si on les renferme sous des noms plus
étendus , |)ar exemple si je dis «lue l'arbre est un
être ou une substance, (jue l'animal est une sub-
stance. De même le nom d'espèce jmul devenir
nom de genre, s'il peut être dii de diverses sortes
d'individus subordonnés a ce nom. Par exemple,
c/iM?H sera un nom d'espèce par rapjwrl à animal;
mais chien deviendra un nom de genre par rap-
port aux différeiites espèces de chiens. Car il y a
des chiens qu'on appelle dogues, d'autres limiers,
d'aulrcs épagneuls, d'auli's braques, etc. ; iC sont
là autant d'espèces différentes de chiens. Ainsi
chien, qui comprend louics ces es|)èces, est alors
un nom de genre par rapport a ces e>pèces par-
ticulières, quoiqu'il pui>se être en même temps
nom d'espèce s'il est considéré relativement à un
nom plus élendu, tel qu animal ou substance:
ce qui fait voir (]ue ces mots genre, espèce, sonl
des termes mélaphysi()ues qui ne se tirent que de
la manière dont on les considère. (Dumarsais.)
Voyez Nom.
Appellation. Subsl. f. On prononce les deux /.
En termes de grammaire, il se dit de l'action de
nommer chaque lellre de l'alphabet.
On distingue aujourdhui l'ancicnneappellalioii
et la nouvelle. Autrefois les consonnes se pro-
nonçaient te, ce, dé, effe, gé, ache, elle, emme,
ennc, pé, qu, erre, esse, té, vé, icse, zède. Au-
jourd'hui on ne nomme les consonnes que par le
son propre qu'elles onl dans les syllabes où elles
se Irouvcnl, en ajoulaiil sculemenla ce son propre
celui de \'e muet, qui est l'effel de l'impulsion do
l'air nécessaire pour faire entendre la consonne.
Par exemple, on ap|)eile bo la lellre b, comme on
la prononce dans la dernière syllabe de tombe, ou
dans la première àcbesoin; de', Va lellre d, comme
on rcnlend dans la dernière syllabe de ronde; fe,
la lellre f, et ainsi des autres, qui n'ont qu'un
seul son.
Quant aux lettres qui ont plusieurs sons, comme
c, g, t, s, on les appelle par le son le plus naturel
et le plus ordinaire. Ainsi c se nomme que; g,
gue ; te, comme dans forte; s, se, comme dans
bourse.
Suivant la nouvelle appcUalion, toutes les let-
tres de l'alphabet sont du genre masculin; sui-
vant l'ancienne, les unes sont du genre masculin,
les autres du féminin.
Appendice. Subsl. m. Prononcez û/)pa»iidicc.
On nomme ainsi, en lerme de liUèralure, une
addition placée à la fin d'un ouvrage ou d'un
écrit, destinée à l'éclaircissement de ce qui n'a
pas été suffisamment expliqué, ou à tirer la con-
clusion de l'ouvrage.
Appendre. y. a. de la 4'' conj. Prononcez ap-
pandre.
Appentis. Subst. m. On prononce a/>an<i.
Appéter. y . a. de la l'^'' conj. Dans les temps
de ce verbe, \'e de pe est ouvert quand la syllabe
suivante finit par le son d une muet : J'appète,
tu appelés. Il est fermé lorstjue celle syllaue fi-
nit partout autre fon : Nous appétons, vous ap-
pelez. — Mirabeau a employéce mol dans un sens
figure : Tout en admirant la bravoure dans les
autres, ce roi n'eut pas ce ferment de sang qui
fait appeler la gloire.
Appétissant, Appétissante. Adj. qui suit tou-
jours son subsl. : friande appétissante
Applaudir. V. a. cl n. de la 2'' conj. Applau-
dir une chose, une personne. Applaudir à une
chose. Applaudir une chose, c'est témoigner pur
APP
des batlements de mains (jifon approuve une
chose, (ju'on la trouve bien faite, bien exéculce.
On a beaucoup applaudi, cette pièce. (}uand on
dit applaudir à une chose, les nii|>laudisscmcnts
ont pour objet une inaniêie parliculière d'agir ou
d'exécuter: Onu beaucoup applaudi au jeu de
cet acteur. — Dans le sens d'iippiobalion simple
sans battements de niauis, applaudir à une per-
sonne, c'est la ft'licilor du succès des moyens
qu'elle a choisis et cmi)iiiyOs pour faire une chose:
Le peuple applaudissait au gouvernement quilui
faisait avoir le pain à si bon marché. (Condillac.)
Applaudir à une chose, c'est tcmoii^ner qu'on l.i
trouve belle, juste, raisonnable et digne d'éloges.
On applaudit à un acte de vertu, de générosité,
de dévouement, de grandeur d'âme. On applaudit
à la conduite de quelqu'un.
AppLADDissEMt;?iT. Subst. m. L'Académiele dé-
finit, grande approbation, nianpiée soit par des
battements de mains, st)il par acclamation. L'ap-
plaudissement n'ai p.is une grande approbation,
mais le signe d'une grande approbation. Ce mot
signifie proprement baiicmeni de mains en signe
de félicitation, de joie, d'ajjprobation, de faveur.
— Figurcmcnt, c'est une api»robalion vive, mani-
festée par des éloges, par des louanges, par des
marques d'estime. Cette conduite mérite les ap-
plaudissements de tous les honnêtes gens. BulTon
a dit : Le souris est une marque de bienveil-
lance, d'applaudissement et de satisfaction inté-
rieure. {De l'homme, t. X, p. 'J'iO.) — Les applau-
dissements s'appliquent également aux choses et
aux personnes. Les applaudissements partent de
la sensibilité au plaisir (jue nous font les choses.
Une simple acclamation, un battement de mains,
suffisent pour les exprimer.
Applicable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst, et régit la préposition à ;
Cette amende est applicable aux pauvres. Ce
passage n'est pas applicable à la question.
Appliquer. V. a. de la 1" conj. Dans le sens
démettre une chose sur une autre, il régit .ywr.-
Appliquer un emplâtre sur un mal. Appliquer
des couleurs sur une toile. — Quand il signifie
faire toucher une chose à une autre, il régit à : Il
appliqua la coupe à ses lèvres. On dit aussi ap-
pliquer à la question, à la torture. Appliquer
une science à une autre. Appliquer une loi a un
cas particulier . Appliquer vu remède à une ma-
ladie, c'est en faire usage contre une maladie.
Appliquer un passage d'u7i auteur à une per-
sonne, à une circonstance. Appliquer une somme
à un usage. Appliquer son esprit à une science.
Appointé, ée; Désappointé, ée. Adj. Voyez
Appointer.
Appointé-Contraire. Terme de droit que La
Fontaine a transporté assez heureusement dans le
style de la fable. Celle expression n'a rien de dis-
tingué, mais elle n'est pas essenlieilcmenl con-
damnable, et l'abbé Desfontaines, qui a blâmé im
fabuliste de son temps de l'avoir employée, de-
vait se rap[)eler peul-élre que celui-ci n'en avait
point fait usage sans l'autorité de son modèle.
(Ch. Nodici', Examen crit. des Dict.)
Appointer. V. a. de la i'' conj. Soit que ce
mot, dit Voltaiie, vienne du latin punclum, ce
qui est iros-vraiscmblable, soit (ju'il vienne de
l'ancienne barbarie, (]ui se plaisait fort aux oins,
soin, coin, loin, fouin, hardoin, poing, grouin,
etc., il est certain que celte expression, bannie au-
jourd'hui mal à propos du langage, est très-né-
cessaire. Le naïf Amiot et l'énergique Montaigne
APP
G9
s'en servent souvent; il n'est pas même possible,
juscju'à [)résenl, d'en employer une autre — Ja
lui appointai l'hôtel des Llrsins. A sept heures
du soir, je m'y rendis, je fus désappointé. Com-
ment e\pliqucre/.-vous en un seul uioi le manque
de parole de celui qui devait venir a l'hùiel des
T'rsins, ;i sept heures du soir, et rcmiuirras de
celui qui est venu, et (jui ne trouve personne?
A-l-il été trompé dans son atlrnlc? Cela est
d'une longueur insupiiortable, et n'exprime pas
précisément la chose II a été désappointé : voilà
le mot. Servez-vous-en donc, vous ipii voidoz
(|u'on vous entende vite. Vous savez ipn> li.'s cir-
conlociUions sont la marque d'une lan^juc pau-
vre. Il ne faut pas dire f^ous me devez cinq
pièces de douze sou.i, (juand vous pouvez dire
f^ous me devez un écu.
Apposition. Subst. f. Figure de construction
(pii consiste à mettre ensemble, sans conjonction,
deux noms, dont l'im est un nom propre, et l'au-
tre un nom aiipellatif, en soi le (jnece dernier est
pris adjectivement, et est le qualificatif de l'au-
tre; c'est ainsi qu'on a dit, Flandre, théâtre
sanglant, c'est-à-dire , ipii est le théâtre san-
glant. (Dumarsais.)
Appréciable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'aiirèsson subst.
Apprfciatrur. Subst. m. Ona iMl appréciatrice
au féminin : Heureux qu i possède cette philosophie
appréciatrice de toutes choses. (Mercier.) Rien ne
s'oppose à l'emploi de cette exiircssion.
Appréciatif, Appréciative. Adj. 11 ne se met
qu'après son subst. : Elatappréciatifdemarchan-
dises.
Apprécier. V. a. de la \" conj. L'Académie le
définit, estimer, évaluer, fixer la valeur. — C'est
proprement juger du prix courant des choses dans
le commerce de la vente et de l'achat.
Appréhender. V. a. delà d" conj. Ce verbe
exige toujours le subjonctif dans la pn>posilio_n
subordonnée: J'appré.hende qu'il ne vienne, je
n'appréhende pus qu'il vienne. — I orstpi'on dé-
sire la chose, on appréhende (]u'clle n'arrive pas.
Alors la proposition subordonnée d'appréhi-nder
est toujours négative, cl la négation s'e\i)riine par
7ie pas, (\\ich\uc forme (jifait la proposition prin-
cipale : J'appréhende qu'il n'arrive pus, je n'ap-
préhende pus qu'il n'arrive pas , apprvhendez-
vous qu'il ji'arrive pas? — Lorsqu'on ne désire
pas la chose, on l'appréhende. Alors la proposi-
tion subordonni'e prend ne sans pas, si appréhen-
der n'esl ni négatif ni inlcrvo'znUf: J'appréhende
qu'Une vienne. Si «;)jB/-t'/je/i'7(?r est accompagné
de ne pas, la proposition subordonnée ne prend
pas ne: Je n'appréhende pas qu'il arrive — 11 en
est de même si appréhender est interiogatif, ou
accompagné de quelques mots qui |troduisciit l'ef-
fet do la négation : /)otV-o72 appréhender qu'il ar-
rive? On appréhende peu qu'il arrive. — Si appré-
hender est négalif cl inierrogalif en même temps,
on doit metlrc ne: N'appréhendez-vous pus qu'il
ne vienne? pour dire, il pourrait bien venir.
Apprendre. V. a. et irrégiilier de la 'i' conj
11 se conjugue comme prendre. Voyez ce mot.
Il faut doubler la loiirc n toutes les fois (pic
celte leilre doit être suivie d'un e muet : Qur
j'apprenne
Dans le sens d'acquérir des connaissances on
dit Apprendre quelque chose de quelqu'un. On
apprend de l'expérience. — Dans le sens d'cnsei-
gnci-, instruire, on apprend quelque chose a quel-
qu'un. — Dans les deux sens, il rcgit â devant les
70
APP
verbes : .-ipprcndrc ivlire, ;i écrire, à danser. Je
lui ai appris à lire.
Apprenti. Subst. m. Apprkntie. Subst. f.
Aulrefois on écrivait et l'on pronon(;ail appren-
tif cl apprentive . On a dit aussi apprentissc.
Boilcau disait apprentie, quoique certaines
éditions portent apprentive :
De livres et d'ccrils bourgeois admirateur,
Yais-je épouser ici quelque apprentie auteur î
(Sat. X, 463.)
Aujourd'hui on ne peut plus dire (xW apprentie
au IV'ininin.
Appkèter. y. a. de lal^conj. Avant un verbe,
il régit la proposition à: apprêter le dîner, apprê-
tera dîner.
Apprêts. Subst. m. pluriel. Préparatifs. L'Aca-
démie rindii|ue au siiigulicr, (juoiipi'il ne se dise
qu'au pluriel. A la vérité, elle avertit qu'il ne se
dit guère qu'au pluriel, mais elle ne donne aucun
exemple de cette prétendue exception. — Dans
toutes ses autres accepiions, ce mol ne se dit
qu'au singulier, ce que l'Académie ne dit pas.
Approbatedr. 11 l'ait au féminin approbatrice
Approbatif, Approbative. Adj. qui suit tou-
jours son subst. : Geste approbatif.
AppnocnANT, .approchante. Adj. verbal tiré du
V. approcher. Deux couleurs approchantes l'une
de l'mutre. W ne se met qu'après le subst.
Approche. Subst. f. L'approche de la nuit,
Vapproche de l'ennemi. On le met au pluriel, en
parlant de choses dont l'arrivée prochaine s'an-
nonce par plusieurs effets : Les approches de la
viort. On peut dire aussi Vapproche de la mort,
lorsque l'on considère la mort abstraction faite
des circonstances (jui indiquent son approche.
Approprier. Y. a. de la •I"'" conj. On dit, dans
le Dictionnaire de l'Académie, ({Kl' approprier se
dit dans le sens de mettre dans un état de pro-
preté. 11 y a longtemps (ju'on ne l'emploie plus
dans cette acception. On ne dit pas qu'wn appar-
tement est bien approprié, pour dire qu'on l'a
rendu bien propre.
Approximation. Subst. f. Dans le langage ordi-
naire, il se dit de l'action d'approcher de l'exac-
titude dans les idées, dans les jugements, etc. :
Heureusejnent les homrnes n'ont besoin que d'une
certaine analogie dans les idées, d'une certaine
approximation dans le langage, pour satisfaire
aux devoirs de la société. (Barthélémy.)
Appdi-main. Subst. m. On dit au pluriel des ap-
pui-main, sans .9. La pluralité tomljc sur le mot
canne ou baguetlequicst sous-entendu. — M. I.e-
mairecst d'avis(iu'il faut écrire des appuis-mains,
parce qu'il s'agit de plusieurs appuis qui peuvent
servir à plusieurs 7«a2'«s [Grammaire des Gram-
maires, p. 174.) — L'Académie ne se prononce
pas.
Appuïer. V. a. delà 1" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve toujours l'y qui
se trouve dans l'infinitif, excepté avant le son de
Ve muet. J'appuyais, j'appuyai ; j'appuie , tu ap-
puies, il appuie, j'appuierai, j'appuierais. — On
d\{. appuyer de, et appuyer pur : Il lui dnjinait
des instructions qu'il appuyait de divers exem-
ples. (Fénelon, Télémaquc.) Bien n'est moins se-
lon Dieu et selon le monde que d'appuyer tout
ce que l'on dit dans la conversation, jusqves
aux choses les plus insignifiantes, par de longs
et fastidieux serments. (La Biuyére, De la So-
ciété, 271 .)
APR
Apre. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subst. : Un fruit âpre; un chemin
âpre; une réprimande âpre, ou une âpre répri-
mande.
Apremekt. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : On l'a réprimandé âpre-
mcnt, ou on l'a âpremcnt réprimandé.
.\piiÈs. Préposition. Le* ne se prononce que dcr
vaut une voyelle. C'est une itrcposition de temps,
après le déluge ; ou d'ordre, après la cavalerie
venait l'infanterie. — (Juclquelois on l'emploie
dans le sens de contre, crier après quelqu'un;
de sur, ils sont deux chiens après un os; de à la
poursuite, la gendarmerie court après ces vo-
leurs.— Lorsqu'il est suivi d'un verbe, il régit le
verbe à l'inlinitif si ce verbe se rapporte au sujet
de la [)lirase, il alla se promener après avoir
dîné; et il régit la conjonction que avec l'indica-
tif, quand le verbe ne se rapporte pas au sujet de
la phrase, après que vous aurez fini. — Après ne
se met (jue devant les noms (pii expriment l'or-
dre, le temps ou le lieu : Après la pluie tient le
beau temps, après midi, après V antichambre
est an salon. C'est donc avec raison qu'on a cri-
tiqué ce vers de Pierre Corneille (Citf, act. II,
se. VII, 12) ;
Après son sang pour aoi mille fois répandu.
Et cet autre de Crébillou :
Après ce fils que je viens de le rendre.
Il fallait après que son sang a été mille fois ré-
pandu pour moi ; après que je t'ai rendu ce fils,
M. Ampère n'est point de cet avis. « Après et
auprès, dit-il , étaient dans l'origine le même mot,
adproximé pour proximè. Plus tard , on a réserTé
auprès pour désigner l'idée de proximité, de con-
tiguité appliquée à l'espace. La même idée appli-
quée an temps a été exprimée par après, et a été
étendue ;i tout ce qui suit un événement. En con-
séquence (le cette étymologie d'après, il est tout
naturel qu'il puisse avoir un régime direct comme
dans après cela, après tout. Les tournures fami-
lières être après un ouvrage, après quelqu'un, sont
bien dans le génie de la langue , et le vers de Cor-
neille est bon; car l'étymologie conduit mieux à
après son sang qu'à après que son sang.
On dit être après quelque chose, pour dire être
occupé à faire quelque chose : Jlya longtemps
qu'il est après cet ouvrage. Ëtreaprèsqucl^uvn,
le solliciter, le tourmenter pour l'engager à faire
quel<]UJ3 chose. Ces expressions sont familières. —
On Ali peindre d'après nature, d'après l'antique,
parler d'après quelqu'un.
Après tout signifie cependant, selon l'Acadé-
mie. Féraud observe avec raison qu'il signifie
plus souvent quand cela serait : Après tout, quel
mal y a-t-il d'avoir dit cela?
Après-dî.née , Après-solpée. Ces mots sont
féminins et s'écrivent avec un trait d'union. — Ils
font au pluriel des après-dînées, des après-sou-
pées. (Académie, 1835.) On dit après dîner \ors-
(ju'on veulnianpier simplement une époque^pos-
térieure au diner : J'irai vous voir après dîner,
cl alors on ne met point de trait d'union.
Après-midi. Tous les dictionnaires font ce sub-
stantif féminin. Quelques-uns de nos grammai-
riens modernes prétendent qu'il est lanlot mas-
culin, tanlôl féminin : masculin, lorsipie l'on con-
sidère un seul des moments qui cuiiiposent la
durée qu'il exprime; féminin, lorsque l'on veut
APR
parler de l;i ilurôo entière de cette pnrlie du jour.
Selon M. Domergue, on iMl j'irai vous voir cet
après-midi, comme on dit J'irai vous voir ce
soir, cet après dincr, cet après souper.
Si quelques personnes s'expriment ainsi, je
pense que c'e>t jinrabus. Une uprcs-midi est le
temps qui dure depuis midi jusqu'au soir. Dans
j'irai vous voir celte après-midi, ou j'irai pas-
ser cette après-midi avec vous, il n'ya rien qui ii:-
dique une dilïèrcnce d'idt-e ou de genre. La pro-
luière de ces piirases signifie J'irai vous voir dans
l'espace de temps qui s'écoulera aujourd'hui de-
puis midi jusqu'au soir; et l;i seconde, Je passe-
rai avec vous Tcspiice do temps qui s'écoulera
aujourd'hui depuis midi jusqu'au soir : c'est tou-
jours l'espace de temps, et l'espace de temps con-
sidéré comme durée. Toute la différence, c'est
que, dans le second exemple, l'espace de temps
est déterminé, et qu'il ne l'est pas dans le pre-
mier. Mais cette indétermination ne peut pas être
indiquée par le masculin au lieu du féminin.
Pourquoi donc inlruduire des innuvatiuns qui ne
signifient rien, et vouloir trouver des différences
su il n'en existe point? Ne vaut-il pas mieux
laisser les choses comme elles sont ?
D'ailleurs, il n'est pas vrai que dans firai
vous voir cet après-midi, on considère un seul
des moments qui composent l'après-midi ; au con-
traire, on les considère tous, et chacun comme
pouvant être celui où l'on ira voir.
Dans la langue latine, le mot dies est quelque-
fois masculin lorsqu'il indique une époque, et fé-
minin lorsqu'il signifie une durée : Hic dies, hœc
dies ; dies longa videtur opvs dehentHus. (Ho-
race.) Mais cette manière de s'exprimer était peu
usitée, et Cicéron disait ordinairement, dies se-
cundus, dies iertius, etc. Nous n'avons point
adopté cet usage, et nous exprimons celte diffé-
rence par des mots différents : jour, journée ;
an, année: soir, so-irée ; matin, matinée. De
sorte que, si par le substantif après-midi on eût
voulu exprimer tantôt une époque, tantôt une
durée, on aurait marqué cette distinction par des
termes différents; mais celte distinction n'était
pas nécessaire. Nous avons un moyen d'expri-
mer comme époque l'espace de temps qui suit
l'heure île midi. On dit avec la préposition, j'irai
vous voir après midi, aujourd'hui après midi, de-
main après midi. Cette distinction est donc in-
utile et contraire au génie de la langue.
Apropos. Subst. m. Vapropos est comme l'a-
venir, l'atour, fados, et plusieurs autres termes
pareils, qui ne composent plus aujourd'luii qu'un
mot, et qui en faisaient deux autrefois. Si vous
dites : ^ propos , j'oubliais de vous parler de
cette affaire , alors ce sont deux mots, et à de-
vient une préposition; mais si vous dites : F'uilù
vil apnpos heureux, un apropos bien adroit,
apropos n'est plus qu'un seul mot.
La iSIolhe a dit dans son ode intitulée V Aveu-
glement (v. 37) :
Le père du commerce aimable,
Dieu qu'à torl oublia la Fable,
Le sage, le prompt apropo$.
L'.\cadémie en fait deux mots dans son édition
de 1835.
Apte. .\dj. des deux genres. Il ne se met qu'a-
près son sulist.
Aquatique. Adj. des deux genres. On prononce
akouatique. En prose, cet adj. suit toujours son
.\RC
71
suhsl. : Des terres ar/uuti'iirs, des plantes aquu-
tirjucs, des animaux w/uaHijucs.
.Aqdeduo. Subst. m. Dans l'édition de 1762,
on lisait aqueduc sans accent sur \'e, et c'c^t ainsi
qu'on était convenu assez généralement 'le f. -
crire. L'Académie de 179S a renouvelé l'ancienne
orthographe en écrivant n7i/t'(/«c. — (.'.'était là évi-
demment une inadvertance; IWcadémic recon-
naît aujouid'liuio7H<'f/t.'r,. "[ elle toli'ie aq,t,'duc.
'.\. Lemaire, Grammaire des Gramm., p. 125.)
Aqueux, Aqueuse. Adj. On prononce a/«>uj- ;
il suit toujours son subst. : Humeur aqtiense, des
fruits aqueux.
Aquilin. Adj. m. rrononccz aJdlin. 11 ne se
met qu'après son subst. : Nez aquilin.
Aquilon. Subst. m. On prononce aA-('/o/j.
Arabe. Adj. des deux genres. La langue arabe.
Caractères arabes. Chiffres arabes. Chcvau.v
arabes. Il ne se met (ju'après son subst.
Arabesque. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Genre arabesque. Orno-
luents arabesques. Peintures arabesques. On
l'emploie aussi substantivement : Uts arabesques.
Ar.vbique. Adj. des deux genres (pii suit tou-
jours son subst., et ne se met qu'avec gommeci
golfe: Gomme arabique. Golfe Arabique.
Arable. Adj. des deux genres. Labourable. Ce
mot, recueilli par l'Académie, est inutile, puis-
que labourable signifie la même chose; aussi
n'est-il pas usité.
Aragne ou .\r.AiGNE. La Fontaine a employé ce
mot dans deux de ses fables, sans le faire passer
dans fusage. (Liv . III, fable viii, il, 3J, 35;
liv. X, fabFe vu, 21) On ne l'a revu dès lors que
dans les poésies de BonnevUle. (Ch. Nodier, Exa-
7nen critique des Dictionnaires.)
Aratoire. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'aprèsson subst. : Des instruments aratoires.
Arbitraire. Adj. des deux genres. En prose,
il se met après son subst. : Un pouvoir arbitraire.
Arbitrairement. Adv. Il se met après le verbe :
Agir arbitrairement.
Arbitral, Arbitrale. Adj. qui suit toujours
son subst., et qui n'a point de masculin au plu-
riel.
Arbitre. Subst. "N'oltaire a dit sur ce vers de
Corneille [Sertor., act. II, se. ii,57) :
Mais si de leur puissance ils vous laissent l'arbitre.
Être arbitre des rois se dit trcs-bicn, parce qu'en
eH'ct des rois i^uvcnl choisir ou recevoir un ar-
bitre. On est l'arbitre des lois, parce que souvent
les lois sont oppiisécs l'une à l'autre; Varbitrc
des Etats qui ont des prétentions ; mais non
[)as Varbitrc de la puissance.
Arboris.itios. Subst. f. L'Ac'adémie, qui me;
f adjectif «riOT-î^J, ne met point le subst. arbori-
salion. On donne ce nom à des dessins nature!.^
imitant des arbres ou des buissons, qu'on ob-
serve dans différentes pierres, surtout dans les
agates et dans une variété de pierres de l'io-
rciiCG.
■ Arborisé, Arborisée. Adj. qui suit toujours
son subst. : Pierre arboriséc.
Arc. Subst. m. Le c se prononce.
\rc-boutant, Arc-dolcleau. Substant. mascu-
lins Le c ne se prononce point dans ces raiols.
Ils font au iduricl urcs-boiitants, arcs-dou-
blcuux, parce qu'ils sont composés d'un subst. et
d'un adj qui doivent s'accorder eu nombre.
72
ARG
Arc-en-ciei.. Sulisl. m. On prononce arhdncicl,
mcincau plniii'l. (Acndéinie, 4835 ) 11 r-iiiaii plu-
riel urcs-e/i-ciel, parce (]u'ici c'csl le mol arcs
qui peut seul |)ieiidrc le signe du pluriel, puis-
qu'il y a |>lusicurs arcsen-ciel; mais ciel doit
rester au siiiiiulicr, i)uisque tous ces arcs sont
toujours dans le même ciel. Aoycz Composé.
Abchaïsme, Archange, Archéologie, Archéo-
LOGIQIE, AKCMKOI.OGUE, ARCHÉTYPE. DHHS CCS
mots, cil se prononce k.
Archi. .Mol (]ni ne se dit jamais seul, mais
qui, joint a d'autres mois, marque dans le sens
de ces derniers un de^'rc de sui)crioriie, en bien
ou en mal. On dit un arcln-vilain, un archi- fou.
Le cliii,')' |>ronoiice comme dans chicane ; a l'ex-
ception iï archiépiscopal et archiépiscopal, que
l'on prononce arkiépiscopal, arkiépiscopat.
Akghiépiscopal, Archiépiscopat. V. Archi.
Archontat, Archonte. Ces deux substantifs
se prononcent arkontut, arkonte.
ARDEM.Mr.NT. Adv. Il ne s'emploie qu'au figuré.
On peut le mettre entre l'auxiliaire et le parti-
cipe: Il m'en a sollicité ardemment, ou il m'en a
ardemment sollicité.
Ardent, Ardente. Adj. 11 peut se mettre
avant son subsl. '.Ardente soif, soif ardente ; ar-
dents transports, transports ardents. Voy. Em-
brasé.
Arder ou Ap.dre. V. a. de la l" conj. qui n'est
jilus usité, et qui signifiait brûler. Voltaire la
employé (piclqucfoisen plaisantant, et en paii.uit
de l'ails passés dans le leui|)S où il était en usage :
L'abbé de Prudes est le plus drôle d'hérésiarque
qui ait jamais été excommunié. Il est gai, il
est aimable, il supporte en riant sa mauvaise
fortuite. Si les Arius , les Jean Hus, les Lti-
ther, les Calvin, avaient été de cette liumeur-là,
les Pères des conciles, au lieu de vouloir les ar-
dre, se seraient pris par la main, et auraient
dansé en rond avec eux. — f^ous autres chrétiens
de la mer Britannique, vous avez plus tôt fait
cuire un de vos frères, soit le conseiller Anne
Dubourg, soit M ichcl Servet, soit tous ceux qui
furent ards sous Philippe II, surnommé le Dis-
cret, que nous ne faisons rôtir un rostbifà Lon-
dres. Il fit ardre réellement le corps et le sang do
l'Espagnol. (N'oit., Prix de la justice et de l'hu-
manité. Art. VIII.)
Ardeur. Subst. f. Les poêles disent ardeur au
singulier et au pluriel, pour dire amour.
Penses-tu q\ie sensible à l'honneur de Tliésée,
Il lui caclie l'ardeur dont je suis embrasée?
(Rac, Phéd., ad. III, se. m, 21.)
Il sait mes ardeurs insensées.
[Idem, ad. III, se. I, 29.)
Au propre, on le met au pluriel dans les phra-
ses suivantes : Les ardeurs du soleil, les ardeurs
de la canicule, les ardeurs de l'été.
Argent. Subsl. m. Ce mot, comme tous les
noms de métaux, est iTiasculin et n'a point de plu-
riel ; il signifie la masse de tout ce qu'on appelle
argent. C'est une esi)éce de nom propre.
On se sert souvent du mot argent pour expri-
mer de l'or : Monsieur, mules-vous me prêter
cent louis d'or? — Monsieur, je le voudrais de
t'iui mon cœur, mais je n'ai point d'argent.
Argentin, Argentine. Adj. En [irose, il suit
toujours son subsl. : Son argentin, voix argen-
tine.
Argile. Subst. f. Terre grasse propre à faire
ARR
des vases. "Voltaire, dans la tragédie d'Agatho-
de, représentée après sa mort, al'ail argde mas-
culin :
Vargtle par mes mainî autrefois façonné
A produit sur mon front l'or qui m'a couronné.
(Act. V, »c. m, 15.)
C'est un solécisme.
Argileux, Argileuse. Adj. qui suit toujours
son subst. : Terre argileuse.
Argot, Ergot. On confond quelquefois ces
deux mots.
Argotrsc dit d'un jargon dont se servent entre
eux les gueux et les filous de jjrofession, pour
n'être pas compris des autres persoimes. 11 se dit
aussi (le rextrémité d'une branche qu'un jardi-
nier négligent a laissée en taillant un arbre.
Ergot se dit d'inie sorte de i)elit ongle pointu
qui vient au derrière du pied de certains ani-
luaux, comme le coq, le chien, etc.
Argoter. Voyez £"(V7r)/e?-.
Arguer. V. a. de la 'l'"" conj. L'w et Ye se pro-
noncent séparément, i'arguë.
Ar.Gus. Subsl. m. On [irononce le s.
Ar.iDE. Adj. des deux genres. Au figuré, on
pourrait le mettre avant son subsl. : lia fortbien
traité cet aride sujet. Rousseau a dit en vers
l'aride vertu, dans le sens de stérile.
Aristocratique. Adj. des deux genres qui suit
ordinairement son sw.\)i,\.. : Etat aristocratique ,
gouvernement aristocratique,
Aristocratiocement. Adv. Il ne se met qu'a-
près le verbe. : Cet Etatestgouverné aristocrati-
quement, et non pas est aristocratiquement gou-
verné.
Arithmétique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Calcul arithmétique.
Abithmétiqitement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe: Il a procédé arithmétiqucment, et non
pas il a arithmétiquemenl procédé.
Akmillaire. Adj. f On prononce les deux l
sans les mouiller. 1! ne se met qu'après son subst.,
et n'est usité que dans cette locution : sphère ar-
millaire.
Armistice. Subst. m. Suspension d'armes.
En 1762, l'Académie faisait ce mol féminin,
et les écrivains suivaient l'Académie. Voltaire a
dit : Le comte de Steinboch demanda une armis-
tice ( Hist. de Bussie, part. II, chap. iv ), mais
en 1798, l'Académie a fait ce mol masculin avec
raison, selon nous; car il est tire du mot latin
ormistitium, (jui est neutre, et ces sortes de mots
sont ordinairement masculins en français.
Aromatique. Adj. des deux genres. II suit tou-
jours son subst. : Herbe aromatique, odeur aro-
matique.
Arracher. Y. a. de la l"^* conj. On dit arra-
cher de, et arracher à; mais dans quel cas faut-il
se servir de l'un ou de l'autre? C'est ce que l'A-
cadémie ne dit point. Essayons de découvrir la
différence de ces deux manières de s'exprima*.
On dit arracher un clou d'une muraille, arra-
cher une pierre d'un mur, arracher itne branche
d'un arbre.
Voltaire a dit :
Une femme avait vu par ces cœurs inhumains.
Un reste d'aliments arraché de ses mains.
[Henr., X, 2S3.)
On l'arrache des bras du malheureux Argirc.
(runcr., ad. III, se. ni, 6i.)
ÂRR
A ce nom, ds mes bras on arracha ta fille.
(.AJï.,act. Il, se. 17, 23.J
Vous l'aTez arraché d'une terre étrangère.
(Mérope, act. IV, se. ui, 5.)
Jj m'arrachai dts bras d'une mère éplorée.
[OEd., act IV, se. i, 153.)
A peine ai-je arraché ce secret do son cœur,
(Brut., acl. I, se. iv, 75.)
Racine :
N'attends pas qu'un père furieux
Te fasse avec opprobre arracher de ces lieux.
{Phéd., act. IV, se. Il, 121.)
Que des mains de Roiane ils viennent m'arraeher.
{Bajaz., act. II, se. m, 56.)
Ah ! de nos bras, sans doute, elle vient l'arracher.
(Ath., acl. II, se. II, 43.)
Si votre haine
Persévère à vouloir l'arraclier de mes mains.
( Iphig., act. IV, se. ix, 1.)
De mes bras (ont sanglants il faudra l'arracher.
(^Idem, acl. IV, se. IV, 145.)
Delille :
Arrache de son tlanc
D'affreux lambeaux suivis de longs ruisseaux de sang.
CÉnéid., II, 279. J
Dans tous ces exomiiles on voit indiciués le
lieu ou la chose d'où l'on arrache. C'est l'action
simple de tirer avec eflbit une chose d'un lieu,
ou de la séparer d'une autre chose à hniuelle elle
tenait, ou qui la relenail ; et dans ce cas, c'est a
la préposition de à mnrtiuer le rapport, parce
qu'il ne s'agit que d'extraciion.
Mais lorsqu'il est question d'une personne à
laquelle on veut «nlcver ce qui lui est cher, ou
ce qui fait partie d'elle-inénie, le rapport n'est
plus un simple rapport d'extraction, mais la per-
sonne que l'on veut priver de la chose qu'on ar-
rache est le vrai but de l'action. Ainsi on dit ar-
racher un œil, un Iras à vue personne, arracher
un enfant à sa mère, une épouse a son époux,
arracher de Vargent à tin avare-
Ainsi Racine a dit :
Ce n'est donc pas assez que ce funeste jour
A tout ce que j'aimais m'arrache sans retour.
{Uithrid., acl. II, se. VI, 7.)
Delille :
Plusieurs veillent assis à côté du bûcher;
Rien à ces chers ubjcls ne peut les arracher.
(iineïd., XI, 201.)
11 en est de même lorscju'il s'agit de soustraire
quelqu'un à un danger, à un crime, à quelipie
cause qui tend à nuire, etc. On arrache quel-
qu'un à la mort, à la vengeance de ses ennemis.
Du jour que j'arrachai cet enfanta la mort.
(Rac, A«h., act. I, se. II, 25.)
La nature, étcnnéeàce danger funeste,
En vous rendant un fils, vous arrache à l'inceste.
^YoLT., Sém., act. V, se. I, 3.)
Ton roi, jeune Biron, t'arrache à ces soldats,
Dont les coups redoublés achevaient ton trépas.
(Volt., Ilenr.)
lU les ont arrachés à la mer en furie.
(Volt., Orfsi., act. IV, se. Tiii, 13.)
ART 73
K(je veux l'arraclier aui tyrans Imposteurs,
Qui renversent les lois et corrompent les mœurs.
(Volt., Slahom.. act. I, se. ly, M»)
Leurs bras vont à U ra-e arracher riniiocenca.
[Idem, acl. V, »c. Il, 51.)
Regarde! ce vieillard ; c'est lui dont la prudencs
Aux mains de Polyiihonle arr.tclia son enfance.
(Volt., J/crop., act. V, se. vu, 16.)
A ce destin sévère
lUtez-vous, s'il se peut, d'arracher voire frère.
(Dklil., Enéid., ,\11, 247.)
.4n(!ANGEK. V. a. de la d^conj. Dansée verbe,
le^ doit toujours avoir la prononciation du j ; et
pour lui ciinservcr colle prononciation d.nis les
liMups où il est suivi d'un a ou d'un o, il faut
inetlre un e tnucl avant cet a ou cet o: J'arran-
geais, arrangeons, et non [)i\S j'arrangais, ar-
ra niions.
AiiKHEs. Suljst. f. pluriel. Le peuple a substi-
tué à ce mol celui A'erres, qui n'est pas fri'n-
çais On dit aussi denier à Dieu, cl non i)as der-
nier adieu, l'oinini! dil le i)eii|)lo.
AiifuÉr.E. Préposition insép:irablc(iuicnlrc d;ins
la coiiiposilion de plusieurs imils, pourlour faire
signifier quelque chose de postérieur, (jui est der-
rière, opposé a avant ou devant. F.lle ne change
point le sens des mots ([u'elle précède, et rcsle
toujours la inéine soit au masculin, suit au fémi-
nin, soit au singulier, soit au i)luriel: Une ar-
rière-bmt tique, des arrière-bnu tiques. Un ar-
rière-petit-jlls, des arrière-petits-jfils.
Arhiéré, Ap.iukrée. Adj. ijui ne se met qu'a-
prés son suhst. : Une rente arriérée, un revenu
arriéré. H s'emploie souvent avec la préposition
de: arriéré d'un terme, de deux termes
Arriver. V. n de la l" conj. Ce verbe ne
prend point l'auxiliaire avoir, parce qu'il ne si-
gniiie pas une action. Arriver, c'est litléralcment
toucher la rive, loucher au but de son voyage;
être arrivé, c'est être au but de son voyage. Ce
n'est pas avoir fait une action, c'est un cial.
Il ne faut pas dire comme ipiclques personnes,
en arrive ce qui pourra, mais en arrive ce qu'il
pourra. H v a ellipse dans ces sortes de phrases :
c'e.-^l coinini' ''i y avait en arrive ce qu'il pourra
en arriver.
Arrogamment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : // a répondu arrogamment. Cl non i)as il
a urriigainmenl répnndu.
Arrogance. Subst. f. L'arrogance n'est point,
comme le dit l'Académie, la lierié, l'orgueil, la
présomption. Pressez-les, dil La Bruyère, tor-
dez-lcs ; ils dégouttent l'orgueil, l'urrogunce, la
présomption. L'arrogance est une morgue joinle
a di'S manières hautaines et impérieuses, à des
lirélenlions hardies.
Arrogant, Arrogante. Adj. On peut quelque-
fois le metire avaiil son subst. : Un homme arro-
gant, une femme arrogante ; c'est un arrogant
personnage.
Arroger. V. a. de la l''* conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un j, et
pour lui conserver celle prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un c muet
avant cet a ou cet o: J'arrogeais, arrogeons, et
non \\StSJ'arroguis, arrogons
Arse.nic. Subst. m On ne prononce pas le c.
Art. Subst. m. Le t no se pronunce pas. Les
arts mécaniqties, les arts libéraux, l'art mili-
taire. L'art Repeindre, (le gouverner, de s'enri-
chir. L'art do plaire.
Article. Subst. m. Terme de grammaire. Les
\
74
ASG
articles sont le, la, les; le pour le masculin, lu
pour le fciiiiuiii, les pour le pluriel des deux t'cti-
rcs.
Nous avons traite au lonç à l'article Adjectif
de tout ce qui concerne l'article, que nous re-
gardons avec les meilleurs grammairiens connue
un véritable adjectif; mais dans le cours de cet
ouvrage nous lui laissons le nom d'article pour
nous conformer à l'usage. A'oycz Adjectifs pré-
positifs.
Si plusieurs substantifs sontréunis pour former
un même sujet, ou un même com|)lt'nient total, il
faut, ou qu'ils soient tous sans article, ou (pieTar-
licle soit ré|)elé avant chacun d'eux : Hommes,
femmes, enfants, tout accourait pour le voir ;
ou les hommes, les femmes, les enfants, tous
accouraient pour le voir. L'armée ennemie ra-
ragea villes, villages, hameaux ; ou l'armce en-
nemic ravagea les villes, les villages, les ha-
meaux.
Lorsque plusieurs adjectifs modifient des sub-
stantifs par des (lualitcs opposées, il faut répéter
Tarlicle avant chacun de ces adjectifs. Il faut
dire, le premier, le second étage ; la vingtième et
la trentième page; le bon et le mauvais vin ; les
vieilles et les jeunes gens; cl non jjas le premier et
secondétage, lu vingtième et trentième page, Gic.
Il faut dire de même mon père et ma mère, et non
pas mes père et mère.
Le seul cas où l'on puisse se dispenser de ré-
péter l'article avant plusieurs adjectifs qui mo-
difient un substantif, c'est lorsque le sens de ces
adjectifs exjjrime des qualités du même genre, et
qui sont, jjour ainsi dire, synonymes: Les belles
et mémorables actions de nos armées, la belle et
jeune Eglé, l'humble et timide innocetice.
Quand ces adjectifs sont accompagnés du terme
comparatif plus, il faut répéter l'article : C'est
l'homme le plus riche et le plus libéral que je
connaisse ; il pratique les plus hautes et les plus
excellentes vertus.
Ou dit les messieurs, on ne dit pas la madame,
les ?nadames,le monseigneur, les inesseignetirs ;
mais bien les dames, le seigneur, les seigneurs.
repcndanl on dit familièrement, elle fait la ma-
dame, pour elle prend de grands airs. On dit
aussi jouer à la madaine : Elle était trop heu-
reuse, étant petite, de jouer à la madame avec
nous. (Mol., Bourgeois gentilhomme, act. III,
se. Xll.)
Aetificiel, Ar.TiFiciKi.T.E. Adj. Il se met après
son sulsl. : Fleur artificielle, moyen artificiel.
Ar.TinciKLLEMKM. Adv. 11 ne se met qu'après
le verbe : Cela s'est fait artificiellement.
AnTiFiciEcsEMicM. Adv. On i)eul le mettre en-
tre l'auxiliaire et le particijjc: Il s'est conduit ar-
iificicuseiiient, il s'est artificicusement conduit
dans cette affaire.
Ar.TiFiciELx, Ai;tificiecse. Adj. Il se met or-
dinairement après son su bst. : Un homme artifi-
cieux, une femme artificieuse ; mais il y a des cas
où l'on [lourrait le mettre avant : C'est un artifi-
cieux coijuin. yoijez Adjectif
Ar.TiLi.ERiE, Artilleur. Lans ces deux mots,
on mouille les /.
AnTisTEMEM. Adv. On p.eut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Cela est travaillé ar-
iistcment, cela est artistement travaillé.
As. Subst. m. On prononce le s.
'Ascendance. Subst. f. Mot inusité que J.-J.
Rousseau a employé d'une manière heureuse.
La justice et l'inutilité de mes plaintes, d\{-\l, me
laissèrent dans l'âme un germe d'indignation
ASS
contre nos sottes institutions civiles. Une chose
empêcha ce germe de se dérclipper : ce fut le
charme le l'amitié qui tempérait et calmait ma
colère par Tascendance d'un sentiment plus
doux.
Ascendant, Ascendante. Adj. qui sut ÎOU'
jours son subst. : Ligne ascendante.
Ascétique. Adj. des deux genres qui suit ordi-
nairement son subst. : rie ascétique, auteur as-
cétique, ouvrage ascétique.
Asiatique. Adj. des deux genres qui suit ordi-
nairement son subst. :J)/a'Mr* ast«/igu<?s, stylé
asiatique, luxe asiatique.
Aspect. Subst. m. Dans ce mot, on orononce
le c, mais jamais le t final.
Asperger. V. a. de la 1" conj. Dans ce vcil)e,
\cg doit toujours se prononcer comme j, et pour
lui conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o: J'aspergeais, aspergeons, et non
l^i\Sj'aspergais, aspergons.
Aspirant, Aspirante. Adj. qui suit son subst.
Il n'est guère usité que dans celte phrase : Pompe
aspirante.
Aspiration. Subst. f. En termes de grammaire,
on entend par aspiration une certaineprononcia-
tion forte que l'on donne à une lettre, et ';ui se
fait par aspiration et respiration. Nous la mar-
quons par notre h, qui est tantôt muet, tantôt as-
piré. 11 est muet dans homme, hoimclc, héroï-
ne, etc.; il est aspiré dans haut, hauteur, héros,
royez H
Aspirer V. a. de la 1" conj. II régit la pré-
position à. On a beaucoup disputé sur ce vers de
Corneille .
Et monté sur le faite, il aspire à descendre.
(C.nn., act. II, se. 1,16.)
Racine, dit Voltaire, admirait surtout ce vers, et
le faisait admirer à ses enfants. En effet, ce mol
aspire, qui d'ordinaire s'emploie avec s'élever,
devient une beauté frapi)ante quand on le joint
à descendre. C'est cet heureux emploi des mots
qui fait la belle poésie, et qui fait passer un ou-
vrage à la postérité. {Remarques sur Corneille.)
Il est vrai qu'aspirer suppose ordinairement
une tendance vers une chose élevée : Aspirer à la
gloire, aux honjicurs. Mais souvent aussi ce
verbe ne renferme point cette idée accessoire, et
mar(|ue seulement un vif désir de pouvoir faire
quelque chose. Voltaire a dit :
C'est à servir l'Étal qiit leur çrand cœnr aspire.
(Slort de César, art. IH, se. Vlll, 18.)
Sai^-tu que ie sénat n'a point de vrai Romain
Qui n'afpire en secret h te percer le sein?
(idem, act. III, se. IV, 63.)
Il n'y a dans ces vers aucune idée d'élévation.
Il n'est donc pas nécessaire de faire remaniuer
le contraste entre monter et descendre, pour blâ-
mer ce vers, ou pour en montrer la beauié. Quand
on est monté sur le faite, cl qu'on désire ardem-
ment d'en descendre, on aspire à descendre.
L'expression est 1 telle; mais je ne jicnse pas
qu'elle renferme la hardiesse qu'on veut y trou-
ver. Voyez Alliances de mots.
Assaillant, Assaillante. Adj. verbal tiré du v.
assaillir. On mouille les l.
Assaillir. \. a. oi irrégulier de la l'"" conj.
Indicatif. — /'n'5<?/j^ J'assaille, tu assailles, il
assaille; nous assaillons, vous assaillez, ils assail-
lent. Imparfait. J'assa^illais, lu assaillais, ilassail-
ASS
lait; nous assaillions, vous assailliez, ils assail-
laient. Passé simple. J'assaillis, lu assaillis, il
assaillit; nous assaillîmes, vous assaillitcs, ilsas-
saillireul. Futur. J'assaillirai, tu assailliras, il as-
saillira; nous assaillirons, vous assaillirez, ils
assailliront.
Conditionnel. — Présent. J'assaillirais, tu as-
saillirais, il assaillirait; nous assaillirions, vous
assailliriez, ils assailliraient.
Impératif. — Présent, .\ssaillis, qu'il assaille;
assaillons, assaillez, tju'ils assaillent.
Subjonctif. — Présent. Que j'assaille, que lu
assailles, qu'il assaille ; que nous assaillions, ([ue
vous assailliez, qu'ils assaillcnl. Imparfait. Que
j'assaillisse, que tu assaillisses, qu'il assaillit; que
nous assiiiUissions, que vous assaillissiez, qu'ils
assaillissent.
Participe. — Présent. Assaillant. — Passé. As-
sailli, assaillie.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir; j'ai assailli, j'avais assailli, elc.
— Partout les l sont mouillés.
.\ssAssiN. Subst. m. Corneille en a fait un sub-
stantif féminin dans ce vers dei\'^tco;/îèrfe(act. 111,
se. VIII, 29) :
Et TOUS en avez moins à me croire assassine
Je ne sais, dit Voltaire, si le mot assassine,
pris comme substantif féminin, se peut dire; il
est certain du moins qu'il n'est pas d'usage. {lie-
marques sur Corneille.)
Assassin, Assassine. Adj. L'Académie dit qu'il
n'est d'usage qu'en poésie; Féraud dit que
dans le style élevé, cet adjectif serait un barba-
risme, et qu'il n'est que de la prose badine. Ce-
pendant on n'est guère porté à trouver un bar-
barisme dans ce vers de Delille {Enéide) :
Pour punir les forfails de sa inain assassine.
Assembler. V. a. de la 1" conj. Corneille a dit
dans Polyeucte (act. I, se. m, 23) :
Et 11 lt>i de riiymen qai vous lient assembles
N'ordonne pas qu'il tremLle alors que tous tremblez.
Le mol propre, dit Voltaire, est unis; on ne peut
se servir du mot assemblés que pour plusieurs
personnes. {Remarques sur Corneille.)
Asseoir, s'Asseoir. V. a. et pronom, de la 3'
conj. 11 est irrégulier, et voici sa conjugaison :
Indicatif. — Présent. Je m'assieds, tu t'assieds,
il s'assied; nous nous asseyons, vous vous as-
seyez, ils s'asseyent. Imparfait. Je m'asseyais,
tu t'asseyais, il s'asseyait; nous nous asseyions,
vous vous asseyiez, ils s'assoyaient. Passé sim-
ple. Je m'assis, tu t'assis, il s'assit; nous nous
assîmes, vous vous assîtes, ils s'assirent. Futur.
.le m'assiérai, ou je m'asscyerai, tu t'assiéras, il
■^"assiéra ; nous nous assiérons, on nous nous as-
'Cyeroris, vous vous asscycrez, ils s'as.eycront.
Conditionnel. — Présent. Je m'assiérais, ou je
m'asseycrais, tu l'a;siérais, il s'assiérait; nous
nous assiérions, ou nous nous asseyerions, elc.
Impératif. — Présent. Assieds-toi, asseyons-
nous, qu'ils s'asseyent.
Subjonctif.— Pre^e/j^. Que je m'asseye, que tu
t'asseyes, (ju'il s'asseye; que nous nous asseyions,
(lue vous vous asseyiez, qu'ils s'asseyent. Impar-
fait. Que je m'assisse, que tu t'assisses, ([u'il
s'assit ; que nous nous assissions, que vous vous
assissiez, qu'ils s'assissen..
ASS
75
Participe. — Présent. S'asscyant — Passé. As-
sis, assise.
Quelques grammairiens ont imaginé de débar-
rasser ce verbe des diflicultés de cette conjugai-
son , et ils conjuguent ainsi : Je m'asiuis , tu
t'assois, il s'assoit; 7iovs nous assaijnns, etc.;
J'assoyais , j'assoirai, j'assoirais ; assois- toi,
qu'il s'assoie, que nous nous assmjiuns, qu'ils
s'assoient ; s'assoir, s'assoyant, assis.
Il est certain que cette manière ilc conjuguer
ce verbe est beaucoup plus commode, et <iu'il se-
rait à souhaiter qu'elle fût adopicc; mais elle ne
l'est pas encore généralement. — L'Académie, dans
son édition de 1835, remarque qu'elle est qucl-
qucrois employée.
Assez. Adv. On ne prononce le z que devani
une voyelle. Avant les substantifs il régit la pré-
position c£e .• Assez de bien, assez <<? peines. Il
suit les verbes dans les temps sim[)lcs : // vtange
assez. Dans les tem[)s composés, il se met entre
l'auxiliaire et le participe : Il a assez man^é; cl
il peut précéder ou suivre l'infinitif: C'est assez
manger, c'est manger assez.
Assez sert quelquefois à affaiblir la significa-
tion des mots auxquels on le joint : // m'aborda-
d'un air assez impudent. Cela est assez bien,
c'est-à-dire, n'est pas tout à fait bien, mais médio-
crement bien. Cela paraît assez vrai, assez pro-
bable. Cette femme est assez bien.
On dit assez peu, et assez souvent, pour dire
simplement peu cl souvent : A-t-il beaucoup de
bie?i? assez peu. C'est un homme d'assez peu de
génie, d'assez peu d'e.'spril. Il va assez souvent
dans cette maison. On se trouve assez embar-
rassé d choisir.
Il ne faut pas confondre assez avec suffisam-
ment. Assez a plus de rapjiorl avec la quantité
qu'on veut avoir, et suffisamment à la (juantité
qu'on veut emitloyer.
Assidu, Assidue. Adj. qui ne se met qu'après
son subst., du moins en prose. Avant les person-
nes, il régit auprès : Assidu auprès du prince, un
mari assidu auprès de sa femme, on est assidu
auprès d'un malade. Avant des noms de choses
et des verbes, il légità/ // est assidu au travail;
il est assidu à lire, à écrire. On le met aussi ab
solument: Un enfant assidu, un ouvrier assidu
Assiduité. Subst. f. (/ifail deux syllabes.
Assidûment. Adv. L'Académie me"t un accent
<'irconflexe sur I'm, et je pense qu'elle a raison.
On écrivait autrefois assiduement, e Ve muet
rendait la syllabe longue. Ou a retrancht Ve muet,
et la syllabe est restée longue; l'accent circon-
flexe est nécessaire pour marquer cette qu'intité.
ASSIÉGEANT, Assiégeante. Adj. verbal tiré du v.
assiéger. Les troupes assiégeantes. On 1 3 dit
plus ordinairement comme substantif: Lésa mé-
geants.
AssiÉGEu. V. a. de la l" conj. Dans ce v ;rbe,
\c g doit toujours se prononcer commcj, et pour
lui conserver cette prononcialiou lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e mueî .tvant
cet a ou cet o : J'assiégeais, assiégeons, et non
pr,s j'assiègais, assiégons.
Assignable. Adj. des deux genres. On mouille
le gn. Il ne se met qu'après son subst. -.Il n'y a
pascntreces deux objets de différence assignable.
Assignat, Assigner, Assignation. Dans ces
mots, on mouille le qn.
Assise. Subst. f. Ce mot se dit au singulier et
au pluriel d'un rang de pierres de taille de mémi;
hauteur que l'on itosc horizontalement |)our con-
struire une muraille; mais assiic^ signifiant les
(\
\
76
ASS
séances extrnorJinaircs que licnncnt los magis-
trats dans diverses parties do la Franco jwur ren-
dre la justice, ne se dit (ju'au iduriel.
Assistant. Siibsl. m. Assistante. Subsl. f. 11
ne s'emploie qu'au pluriel. On dit mm des assi-
stanls, et non pas un assistant.
AssoMMAM, Assommer, Assommoir. On ne pro-
nonce qu'un /n.
Assonance. Subsl. f. Terme usité en rliétorique
et dans la poétique, pour siçnilier la propriété
qu'ont certains mois de se terminer par le même
son, sans cependani former des rimes. Dans la
prose et dans la poésie, il faut éviter les assonan-
ces. Dans la prose, il faut de plus éviter les
rimes.
Assobtissant. Assortissainte. Adj. 11 récit la
préposition à: Cette doublure n'est pas assortis-
sante à la robe.
Assoupir. V. a. delà 2'' conj. Dclille a dit
[Enéide, IX, 864) :
Et du dernier sommeil li mort vient l'assoupir.
Je ne crois pas (pi'on puisse dire assoupir d'un
sommeil, \oyc7. Assoupissement.
AssouPISSA^T, Assoupissante. Adj. verbal lire
du V. assoupir. 11 peut se mettre avant son
subsl : Liqueiirassovpissante .Langueur assou-
pissante. Ces assoupissantes vapeurs.
Assoupissement. Siibst. m. Ce mot n'a qu'un
sens passif; il ne signifie pas l'action d'assoupir,
mais l'étal d'une personne assoupie. On dit assou-
pir une affaire, une querelle, etc. ; mais on nc
dit pas l'assoupissement d'une affaire, d'une que-
relle, etc. On ne dit p;is non plus l'assoupisse-
ment de la douleur, comme on dit assoupir la
doxdeur.
Assourdir. V. a. de la T- conj. Ce mot ne si-
gnifie pas rendre sourd, mais seulement causer
une surdité passagère. Quand on est prés d'un
lieu où l'on tire le canon, on est assourdi, c'c^i-
à-dire que le l'ruil du canon empoche d'enten-
dre tout autre îu'uit; mais on n'est pas sourd
pour cela, et le bruit du canon cessé, on entend
comme àrordinairc On ne dirait pas tiue/eco/io«
a assourdi un ca nonnier, [lour iiwc (ju'il est de-
venu sourd dans l'exercice de son état; mais on
dirait que le canon l'a rendu sourd. Yollaire a
(ii\.{Premier dL-scours sur l'homme, ^\) :
Si Colin voit Paris, ce fracas de merTeilles
Sans rien dire à son cœur assourdit ses oreilles.
Assujettissant, Assujettissante. Adj. verbal
tiré du V. assujettir. Une charge assujettis-
sante. Des règles assujettissantes. 11 suit son
subst.
Assuré, Assurée. Adj. En parlant des choses,
il se met après son subsl., du moins en prose:
Des regards asstin's, une contenance assurée.
Appliqué au.x pi-rsonnes, il se prend en mauvaise
;',irt et se met avant : C'est un assuré menteur,
un assuré voleur.
Assurément. Adv. On le met tantôt avant le
verbe, tantôt après : Assurément il s'est mat com-
porté; il s'est mal comporté assurément ; on peut
aussi le mettre entre l'auxiliaire cl le participe :
// s'est assurément mal comporté.
Assurer. V a de la 1"^^ conj. Assurer un
m^songe. Assurer quelqu'un de quelque cl.cse.
Je vous en assure.
Doit-on dire .s'(;.ç57/re)' aux bontés de quelqu'un,
ou s'assurer duiis los bontés de quelqu'un, ou
AST
s'assurer sur les bontés de quelqu'un? Racine a
dit [Bajaz., ad. 11, se. i, 113) :
Hais je m'assure encore aux bonté- de Ion frèr»
La Harpe dit à l'occasion de ce vers : On dit je
m'assure dans roi bontés, et non pas je m'assure
à vos bontés. [Cours de Littérature.) — « L'Aca-
démie n'admet que ce régime : Malheur à celui
qui ne s'assure que daiis ses richesses! Elle dit
aussi s'assurer en Dieu. L'expression de Racine
"est un changemcnl de préposition , comme les
poêles s'en permetlonl qucUpiefois par licence. »
(A. Lemaire , Grammaire des Grammaires,
p. 1081.)
On dit s'assurer sur, dans le sens d'avoir con-
fiance.
Ne TOUS assurez pointeur ce cœur inconstant.
'Rac. P/iéd. act. V,sc. m, 10.) ■
Ne vons assurez noint sur ma faible puissance.
(Ûac, Iphig., ad. IV, se. IV, 70.)
Il en gcmit, et dit que sur personne
Il ne faudra s'assurer désormais.
lYOLT., Enf. Prod., acl. Y, se. Il, 50.)
Corneille et Racine ont employé assurer au
lieu de rassurer :
Un oracle m'assure, un songe me trivailie.
^CoRN.. iior., act. IV, se. iv, *7.]
M'assurer, dit Voltaire, ne signifie pas 7ne ras-
surer, etc'est?rte rassurer que l'auteurcnlcnd. Je
suis effrayé, on vie rassure; je doute d'une
chose, on m'assure qu'elle est ainsi.... Assurer
avec un régime direct ne s'emploie que pour cer-
tifier : J'assure ce fuit. En termes d'art, il signi-
fie affermir : Assurez cette solire, ce chevron-
{Remarques sur Corneille.)
On trouve la même faute dans les vers sui-
vants :
Princesse, assuni-Tous, je les prends sous ma garde.
(Rac, Àth., act. II, se. VII, 3.)
0 bonté qui m aêsnre autant qu'elle m'honore.
(Rac, Eith., act. III, se. vu, B4.)
Il lallait dire rassurez-vous, et me rassure.
Astérisque. Subsl. m. Terme de graminaireét
d'imprimerie. Signe qui est ordinairement en
forme d'étoile, que l'on met au-dessus ou auprès
d'un mot, pour indicpier au lecteur (|u'on le ren-
voie à un signe pareil, après lequel il trouvera
(juclque remarque ou explication. Une suite d'as-
lérisques ou de points imlique qu'il y a quel-
ques mois qui manquent. Dans cet ouvrage, les
aslérisfiuosqui précèdent cerUiins mots désignent
ceux qui ne se ti'ouvent point dans la dernière
édition du Dictionnaire de l'Académie.
Astre. Subsl. m. L'Académie ne l'indique
point dans le sens figuré des vers suivants :
On vil paraître Guise, et le peuple, inconstant.
Tourna liienlûl ses yeux vers cet astre éclatant.
(Volt., Henr., III, 65.)
Astreindre. V. a. et iirégulier de la \' conj.
Il se conjugue comme peindre.
Astronomique. Adj. des deux genres. En prose,
il suit ordinairemoiil son subsl. Gresset a dit eo
vers ses astronomiques romans.
Astuce. Voyez Fines se.
ATR
AsTUCiEcx, AsTDciEL'SE. Ailj . Cc mot peut se
mellre ;iv;im son subsl., en prose et en vers,
quand l'analoçic el l'harmonie le i)cnneUent : Un
homme aslucieus, une femme astucieuse; cet
astucieux procureur. On ncdil pas unastucieud-
homme. ^ oyez Adjectif.
* Athéistiqlf.. Adj. des deux genres. Mol in-
usilé que A'oUaire a employé heurcusemcnl :
Croirait-on qu' un jésuite irlandais a fourni des
armes à lu philosiphic athcislique, en préten-
dant que les animaux se formaient tout seuls?
Athlétique. Adj. des deux genres qui suil or-
dinairemcnl son sulisl. : Force athlttique.
Atlas. Subsl. m. On prononce le s.
Atolr. Subsl. m. 11 ne se mel ipi'au pluriel,
excepte dans celle phrase, dame d'atour. On
l'emploie sciuvenl en piaisanlanl : Elle a ses
beaux atours.
Atour>k, Atournée. Adj. Voliaire a dit : yous
souvenez-vous que vous avez une Pucellc d'une
vieille copie, et que cette Jeanne, négligée et ri-
dée, doit foire place à une Jeanne vn peu mieux
atournée? Celle expression, qui a vieilli, s'em-
ploie encore en iilaisanlant.
Atrabilaire. Adj. des deux genres. En prose,
il se met ordinairement après son subst. : Humeur
atrabilaire.
Atroce Adj des deux genres. L'Académie
dit qu'il ne se du guère que des crimes, des
injures el des supplices. Elle avoue cepen-
dant plus bas (|u'on dit une âme atroce ; et en
effet Monles(|uieii a dit : Il faut éviter les lois
pénales en fait de religion; elles impriment de
la crainte, il est vrai; 7nais, comme lu religion a
ses lois pénales aussi qxd inspirent la crainte,
l'une est effacée par Vautre. Entre ces deux
craintes différentes, les âmes deviemienl atro-
ces. [Esprit des Lois, liv. XXV, ch. xii.) De-
[mis Montesquieu, on a appliqué cet adjectilaux
personnes, cl l'on dil "-n- homme atroce, une
femme atroce.
Cet adjeclii peut, même en prose, se mettre
avant son subst., mais il faut pour cela qu'il y ail
une analogie étroite entre les ilcux mots. On ne
dira pas un atroce homme, une atroce femme;
mais on dira une atroce lâcheté, une atroce perfi-
die. 11 e>t naturel (]u'il y ail (luclquc chose d'a-
Iroce dans la làchelé et la periidie.
On ne dit pas un atroce crime., une atroce in-
jure, un atroce supplice, parce que les mots
crime, injure, supplice, n'ont pas une analogie
étroite avec l'adjcclit' atroce.
Atrocement. Adv. 11 n'est point usilé, el ne se
trouve que dans le Dictionnaire de l'Académie.
Atrocité. Subst. f. Yollaire a dit dans l'Or-
phelin de la Chine (act. 1, se. V, 24) :
Après l'alrocilé de Isur indigne sort, . . .
Sur quoi La Harpe a remarqué qu'on ne peut
à.\TC l'atrocité d'un sort, comme on dirait l'atro-
cité d'un traitement, d'un supplice, d'un pro-
cédé, etc., parce que le uiot atrocité suppose
toujours une intention el une action, et le sort
n'est rien de lout cela. [Cours de Littérature.)
On pourrait répondre que l'on dit le sort in-
juste, le sort crue/; que par conséquent on sup-
pose au sort une intention, une action ; el qu'ainsi
on peut dire vn sort atroce, comme on dit un
homme atroce. ïoule la faute de Voltaire, en em-
ployant celle expression, est d'avoir joint à sort
une épilhète trop vague, el qui n'a pas un rapport
asseï direct et assez marqué avec l'idée d'alrocitc.
ATT 77
Attachant, Aitac.uvnte. Ailj. verbal tiré du
V. attacher. Qui attache, i|ui lixe lorlemenl l'at-
tention : Une lecture attachante, un ouvrage at-
tachanl. Ln prose, il suit ordinairement son subsl.
Dans certains cas, il jKiurrail le iirccédcr: Je ne
pouvais m'arracher à cette altucitante lecture.
Attaquable. Adj. des deux genres. H ne se
mel qu'après son subsl., et ordinairement avec
la négation : Cette place n'est pas attaquable. —
L'Académie donne dans ses exemples, ce titre est
attaquable.
* .\ttarder (s'). V. pron. de la l'" conj. Se
mellre tard en roule, se retirer tard. Ce mol est
peu usité ; cependant il exprime une chose qui
ne peut s'exprimer autrement sans cm[)loycr plu-
sieurs mots.
Atteindre. Y. a. de la ^i' conj. Il se conjugue
comme peindre. On dil atteindre un certain âge,
atteindre quelqu'un, et atteindre à la perfec-
tion, atteindre au but. Voici la différence que
trouve Domerguc entre ces deux expressions. —
Atteindre avec le complément direct se dit dos
personnes en général, cl des choses auxquelles
on parvient sans difficulté, sans efforl : Il est dif-
ficile d'atteindre Racine; atteindre un certain
â(/c. Atteindre à suppose des difficultés a vain-
cre, des efforts à faire, cl se dit narticulièremcnt
des choses : Atteindre à la perfection. Voltaire
a dit dans Mérope (acl. II, se. i, 10) :
Triste effet de l'amour dont Totra âme est alleinle.
C'est à Mérope, dil La Harpe, que l'on parle
ainsi. Je ne sais si le mot atteinte cal bien juste
il le serait parfaitement s'il s'agissait d'un autre
amour. On dil très-bien qu'une femme est al-
leinle d'un amour violent , funeste, coupable,
parce (|ue la passion de l'amour emporte avec
elle l'idée d'une blessure, et que cette figure est
naturelle et vraie. Mais je ne crois pas que l'on
puisse dire les atteintes de l'amour maternel,
sentiment qui par lui-même est habituel et doux.
Au reste, comme l'amour maternel est dans Afc'-
rnpe une cause de douleurs, l'expression peut
encore se justifier, el mon observation est moins
une censure qu'un doute que je propose. [Cours
de Littérature.)
La dernière observation de La Harpe est plus
juste que la première. Dans la situation où se
trouve .Mérope, la douleur est tellement unie à l'a-
mour maternel, que cet amour n'est plus qu'un
sentiment douloureux. Or, on peut dire qu'on est
atteint d'un sentiment douloureux.
Atteinte. Subsl. f. Racine a dil dans Esther
(acl. III, se. 1,85):
De cet amas d'honneurs la douceur passagère
Fait sur mon cœur i peine une atteinte légère.
On dit donner une atteinte, porter une at-
teinte ; mais je ne crois pas qu'on puisse dire
faire une atteinte.
Atteler. V. a. de la 1" conj. On double la
lettre l dans les temps de ce verbe où celte lettre
est suivie d'un e muet : J'attelle, jattcllerai, tl
attellera, U attellerait; on ne mel qu'un /lors-
que celte lettre est suivie de toute autre lettre
(pi'un e muet : J'attelais, j ai attelé, ils attele-
'^^Attenant, Attenante. Adj. L'Académie lui
fait régir indifféremmenl les prc|)osilionsa ou de :
Un logis attenant à un autre. Son jardm est
attenant du mien. Attenant de est une expres-
sion populaire. Attenant vioni du verbe tenir,
(8
ATT
01, en co sens, ce verbe réjit la proposition à.
C'est donc aussi cette préposition que doit roirir
ladjcciif attr/iant. — H faut en dire autant de la
préposilion attenant-
AxTEirr V. a. de la 4' conj. Il régit le sub-
jonctif. Ne diies d^mc [)ns je l'uttends veinr,nu
lieu dej^atteiids'jv'i/ ricnne.
Féraud, qui prétend que ce verbe n'a pas or-
dinairement pour sujet un nom de chose, con-
vient cependant qu'on dit une demande n atten-
dait pas l'autre. l\.ncinc a. dit (/jo/ii^., act. I, se.
',27):
Tous C03 mille vaisseaux qui, charges de vingt rois,
^attendent que les Teuts pour partir sous vos lois.
et Delille {Enéide, Uv. VII, 878) :
Là les casques crensés attendent les panaches.
s'Attendre, dans le sens de être préparé,
compter sur, régit à devant les noms et_ devant
les verbes : Je nC attends à son retour ; je m^ at-
tends à le voir
S'attendre yj/e régit l'indicatif quand le sens
est aftirmalif : Je 7n attends qu'il vieyidra; il ré-
git le subjonctif quand le sens est négatif: Ne
vous attendez pas que Je le fasse.
Attendrir. V. a. de la 2'' conj. On dit s'atten-
drir sur quelqu'un, sur le sort de quelqu'un :
J'ai TU de vieux soldais qui servaient sous le père.
S'attendrir sur le GU et frémir de colère.
(YoLT., Oreete, acl. V, se. u, 56.)
Je m'attendris sur elle.
(Volt., Sémir., act. II, se. I, 71.)
D'après cela, Voltaire aurait eu tort de dire
dans Oreste (act. IV, se. viii, 6) :
Pour ces deus étrangers laissez-vous attendrir.
Mais il faut observer que ce n'est pas ici le même
sens. S'attendrir sur quelqu'un, c'est être sensi-
ble à son malheur, en avoir compassion. Mais
s'attendrir pour quelqu'un, c'est s'attendrir en
faveur de quelqu'un , prendre intérêt à quel-
qu'un, être disposé à le protéger, à le secourir, à
le défendre.
L'Académie définit ce mot, rendre tendre et
facile à manger. — On attendrit aussi ce qui ne
se mange pas : On peut attendrir le fer en le
mettant au feu.
Attendrissant, Attendrissante. Adj. verbal
lire du v. attendrir. Un spectacle attendris-
sant, une scène attendrissante. On peut dire
aussi cet attendrissant spectacle.
Attendu qle, façon de parier qui tient lieu de
conjonction ; elle régit l'indicatif : Attendu qu'il
est malade.
Attester. V. n. Tl régit à, contre et sur: At-
tenter à la vie de quelqu'un. Attenter contre le
prince. Attenter sur la personne, sur les droits
de quelqu'un.
Attentif, Attentive. Adj. Il suit toujours son
subst. : .ÉT/rc attentif à quelque chose . Etre at-
tentif à écouter ses maîtres, attentif à saisir
l'occasion.
Attention. Subst . f. Faire attention à quelque
chose. Avoir r attention de .. . Faire attention
que. 11 régit toujours l'indicatif, même dans les
phrases négatives : Il ne fait pas attention que la
chose n'est pas praticable.
Attention, dans le sens d'application d'esprit
ATT
et de disiiosition à obliger, n'a point de pluriel.
!)ans le sons de soins oflicieux, ii en a un : Avoir
des attentions pour quelqu'un.
Attentivement. Adv. Ou peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il avait écouté atten-
tivement ce discours, ou il avait attenticement
écouté ce discours.
Atticisjie. Subst. m. On fait sentir les deux t.
— Finesse, politesse de langage. L'«//ic/5;/t^ était
.linsi nommé d'Athènes, qui'était la ville de la
(Jrèce où l'on parlait le jilus purement, ('.a terme
est d'usage pour exprimer les grâces d'un style
léger et corre<'t.
Attiqce. .\(lj. des detix genres. On prononce
les deux /. Il suit toujours son subst. : Manière
attique ; sel attique. On prononce aussi les deux
t dans attique , substantif, terme d'architecture
Attirail. Subst. m. On mouille le l.
Attirant, Attirante, .\dj. verbal tiré du v.
attirer. Des paroles attirantes, des promesses
attirantes.
Aussitôt il se lève, et la troupe nJèle
Par ces mots attirants sent redoubler .«on lèle.
(BoiL., Lutr., lY, 215.)
Attirer. V. a. de la l'" conj. L'aimant attire
le fer. — Figuréraent : Attirer quelqu'un à son
parti, f^ous attirez sur vous les châtiments du
ciel.
Attitode. Subst. f. L'Académie l'explique par
situation, position du corps. 'L'attitude n'est ni
une situation, ni une position. C'est une manière
de tenir son corps relativement ar.x convenances,
au caractère des personnes, à leurs passions, à
létat actuel de leur àme. On ne dit pas la situa-
tion,\Vi position du respect, de la soumission, etc.;
on dit Vattitude du respect, de la soumission.
Attodchement. Subst. m. L'Académie le défi-
nit, action de toucher. Ainsi quand "U porte la
inain sur une table, sur une feuille de papier,
c'est un att'uchement. \J attouchement ne se fait
que sur les personnes, et non sur les choses.
C'est l'action de toucher une personne dans le
dessein do produire (juelque effet sur elle, ou
d'en éprouver soi-même, en la touchant. Attou-
chements déshonjiâtes
L'.\cadémie dit : On connaît la dureté ou la
vwllesse d'un corps par l'attouchement. Il fallai!
dire par le tact, ou par le toucher.
Attractif, Attractive. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Onguent attractif , vertu at-
tractive.
Attraire. V. a. et défectueux de la 4' conj.
C'est un vieux mot que l'Académie dit être en-
core usité à l'infinitif. Elle donne pour exemple :
Le sel est hnn pour attraire les pi/jeons. Je croi.s
(jue l'on dit pour attirer les pigeons. On en a fait
l'adjectif verbal attrayant.
Attrait. Subst. m. Ce qm attire agréablement,
ou bien goût, penchant, inclination. Dans ces.
deux sens, attrait ne prend point de pluriel. —
Attraits, au pluriel, se dit des qualités d'un ob-
jet, de l'effet desquelles résulte, soit la puis-
sance qu'il a de nous attirer vers lui, soit le pen-
chant qui nous y entraine.
Attrapoire. Subst. f. L'Académie le définit
tour de finesse doiu on se sert pour surprendre,
pour tromper quelqu'un. Ce mot n'est pas usité.
*Attrape-Parteri;e. Subst. f. Expression inusi-
tée (jue Voltnirca employée delà manière sui-
vante, en parlant de son Tancrède : N'allez pas
vous attendre à de belles tirades , a de cea
AUC
grands rers vrnflaiits, à des scyttciices, à des at-
trape-parterre : style médiocre, marche simple,
voilà ce que vous y trouverez. jMuis s'il y a de
l'intérêt, tout est sauvé.
Attrayant, Attrayante. Adj. verbal tiré du
V. attraire, qui n'est plus usité. Il se met avant
son subst. lorsque l'harmonie et l'analogie le
permettent : Les charmes attrayants de la vo-
lupté- Les attrayantes amorces du vice. Voyez
Adjectif.
Attribut. Subst. m. Terme de logique et de
grammaire. Toute proposition a un sujet et un attri-
but. Le sujet est la partie de la proposition qui ex-
prime la personne ou la chose à laquelle on attribue
quelque chose. L'attribut est la partie de la pro-
position qui exprime ce qu'on attribue au sujet.
Dans celte pro[X>sition, Dieu est Juste, Dieu est
le sujet, parce que c'est à Dieu que j'attribue la
qualité de justice. Juste est l'attribut, parce qu'il
exprinie une qualité que j'attribue à Dieu. Quel-
ques grammairiens regardent le verbe comme une
partie de l'atiribul, parce que le verbe est dit du
sujet, et marque l'action de l'esprit qui considère
le sujet comme étant de telle ou telle façon, comme
ayant ou faisant telle chose. Il est plus simple de
séparer le verbe de l'attribut, et de le regarder
conune le lien qui unit le sujet avec l'atil-ibut.
Voyez Proposition, Construction, Complexe.
Attristant, Attristante. Adj. verbal tiré du
V. attrister. Des nouvelles attristantes. On peut,
dans les cas convenables, le mettre avant son
subst : Ce sont d'attristants souvenirs. Voyez
Adjectif.
Ao. Mot formé par contraction de la préposi-
tion à et de l'article le. Il équivaut à à le, et se
met devant les noms masculins qui commencent
paruneconsonneou par un/i aspiré. Il fait au plu-
riel ŒT/J", contraction de la préposition à avec l'ar-
ticle les; alors il équivaut à à les. Voyez Adjec-
tif, Article.
Aucun, Ac^cne. Adj. collectif distributif, qui
désigne tous les individus de l'esiiècc nommée,
pris disiribulivement, communément avec rap-
port à un sens négatif : Aucune circonstance ne
peut vous faire chanjer d'uris; aucune raison
ne peut justifier le mensonge. Cet adjectif se met-
tait autrefois au pluriel ; Racine a dit dans Phè-
dre (act. I, se. I, 97) :
Dans mes lâcbes soupirs d'antant plus méprisable.
Qu'un long amas d'honneurs rend Thésée excusable;
Qu'aucuns monstres par moi domptés jusqu'aujourd'hui,
Ne m'ont acqnis le droit de faillir comme lui.
Boileau et Montesquieu l'ont employé de même,
et l'Académie donno pour axemple : Elle ne m'a
rendu aucuns soins ; il n'a fait aucunes disposi-
tions, aucuns préparatifs.
Aujourd'hui on ne met plu? aucun au pluriel,
si ce n'est dans le style marotique. D'Olivet en a
fait une règle d'après l'tisage; on pourrait ajouter
d'après la raison. En efi'et, aucun signifie pas un,
et on ne voit pas comment leplurid pourrait con-
venir à cette expression.
Il est vrai qu'on ne peut pas dire il ne m'a
rendu aucun soin, parce que, dans celte accep-
tion , le substantif soin n'a point de singulier.
Mais ce n'est point une raison pour forcer l'ad-
jectif aucun à prendre un nombre qu'il repousse,
et c'en est une pour ne pas joindre cet adjectif à
un substantif qui ne peut être mis qu'au pluriel.
Du reste, rien n'empêche de dire il na fait au-
tune disposition, aucun préparatif.
« Nous revendiquerons pour les écrivains la
AUG
79
faculté d'employer le pluriel. MM. Rrschcrelle
remarquent avec raison que, dans le iiassagecilé.
Racine eut facilement pu mettre le singulier; mais
qu'ici le pluriel indique plusieurs monstres dom|v
tés par Thésée. Si la pcnsOo est différente, les
deux locutions doivent éire admises. » (A. I.e-
maire, Grammaire des Grammaires, p /il9.)
Féraud prétend qu'aucun peut s'cuqiloycr sub-
stantivement, et qu'alors il signifie aucune per-
sonne. C'est une erreur. 11 apporte pour exem-
ple : Aucun n'est innocent devant Dieu. Mais
cette phrase, prise isolément, n'est pas fran(;aise.
Elle ne peut l'êlre qu'autant qu'elle serait liée à
une phrase précédente où l'on aurait exprimé un
substantif auquel aucun pourrait se rapporter, et
alors aucun serait toujours adjectif.
Aucun se met quelquefois sans négation dans
les phrases d'interrogation ou de doute, et alors
il peut se rendre par quelque, quelqu'un : De tous
mes amis, y en a-t-il aucun qui ait pu dire cela?
Je doute qu'il y ait aucun auteur sans défaut
On dit aucun de nous, aucu7i d'eux. Aucun
de vous r^ peut se plaindre de moi.
Aucun, suivi d'un des adjectifs conjonctifs,
qui, que, dont, etc., régit le subjonctif: // n'y a
aucun de ses sujets qui ne hasardât sa propre
vie pour conserver celle d'un 5t ic?i rut. (FéaeL,
Télém., liv. VllI, p. 27/j.)
Corneille a dit dans Rodogune (act. II, se. ii,
37):
Je te dirai bien plus sans violence aucune
Cet aucune ii la fin d'un vers, dit Voltaire, n'est
toléré que dans la comédie. {Remarques sur Cor-
neille.)
Adconement, Adv. L'Académie a oublié de diro
qu'il n'est plus usité.
Audace. Subst. L L'audace n'est pas, comme
le dit l'Académie, une hardiesse excessive. Ces',
un mouvement violent de l'àme, (pii porte à des
entreprises ou à des actions extraordinaires, au
mépris des obstacles les plus imposants, des bar-
rières les plus respectables et les plus sacrées, des
suites les plus dangereuses. La hardiesse marque
du courage et dp. l'assurance; l'audace, de la hau-
teur et de la témérité.
AUD.ACIEUSEMENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il a parlé au dacieu-
sement ; il a audacieusement répondu que. , .
Audacieux, Audacieuse. Adj. II se prend en
mauvaise part lorsque ni le substantif auquel il
est joint, ni les circonstances n'indiquent le con-
traire : (/« homme audacieux, un air auda-
cieux. Mais lorsiju'en parlant d'un poêle lyri-
que, on dit son vol audacieux, les circonstances
indiquent qu'il doit être pris en bonne part :
N'est-ce pas l'homme enfin, dont l'art auducieux
Dans le tour d'un compas a mesuré les cieux ?
(BoiL., «at. VIII, 165.)
Ici le substantif et les circonstances indiquent
qu'audacieux doit être pris en bonne part.
Quand cet adjectif est pris substantivement, il
se dit toujours en mauvaise part: C'est un auda-
cieux, un jeune audacieux.
Il f)eut se mettre avant son subst.: Cet auda-
cieux jeune homme.
AuGJiENTATiF, AuGMENTATivE. Adj. Terme de
grammaire qui se dit de certaines particules ou
de certaines terminaisons qui servent à augmenter
le sens des noms et des verbes: Savantasse .
lourdaud, sont des noms augmentatifs, parce que
80
AUP
les terminaisons asse et aud augincntcnl le sons
des mois sacant v\. lourd, l'rès cl fjft sont tics
pailiculcs ;iii_'menlalives ; elles aiigmcntcnl lo
sens tlc^ adjetlifs ou «les verbes auMiucls on 1rs
joint. On du aussi terminaison uiigmentutive.
AUGLIiAI,, AtGURALK. AlJj. 11 SUÏl tOUJOUl'S SOU
subsl. : Bcton avgvrul.
Auguste. Ailj. des doux irenres. Il fient se
mettre avant son sulisl. lorstjuc l'iiarmonie et les
circonsiances le i)eiinctlent : Une auçiitsle assem-
blée. Ses augustes parents. Son auguste mère.
ADJOuiiD'iiui. Adv. Girard veut que l'on écrive
aujourd'hui SM\^ apostrophe; mais personne n'a
adopté relie ortliou'raidie, et l'on érrii aujiur-
d'hui avec une apostrophe entre le d el le h.
On demande s'il faut {i'uc jusqu'à aujourd'hui,
ou jusqu'aujourd'hui.
Le dernier a iirévaiu, parce (pie la préposition
à est déjà renfermée dans le mol anjourd'lini ; car
c'est auiant fine s'il y avait à le jur de hui. On
doit donc dire jusqu'aujourd'hui sans préposi-
tion, (]uoi(|u'on ilise J!/S7m'« demain avec la pré-
position. Far la même raison, il ne faut pas dire
je suis assigne à aujourd'hui, i]noi(]u'on dise
QXGWJe suis assigné à demain; il faut dire je
suis assigné pour aujourd'hui, c'esl-à-dire, pour
comparaître aujourd'hui
Cependant l'Académie, dans son édition de
JS35, donne l'exemple suivant : J'ai différé jus-
qu'à aujourd'hui ou jusqu'aujourd'hui à vous
donner de mes nouvelles.
Aumône. Subst. f. Féraud observe avec raison
que ce mot ne doit èlre employé qu'en matière de
religion. L'aumône est une libéralité faite par des
chrétiens en vue de reliçion. Dans les autres cas,
on se sert du mol largesse, secours, bienfait.
AupAn.wANT. Adv. Il y a des personnes qui le
confondent avec la préposition aidant, cl lui don-
nent un régime connue à celle préposition. Elles
disent auparavant moi au lieu de avant moi,
auparavant de faire, au lieu d'avant de faire.
Le mot auparavant n'est jamais suivi d'un ré-
gime, el se dit toujours al)solumenl.
AupRt:s. Préposition de lieu. Elle régit la préposi-
tion de: Sa maison est auprès Aq la mienne. <)uc\-
quefoison la l'ail précéder de fow^, adverbe, pour
y donner un sens pins étroit: f^oyan/ que j'étais
tout auprès de lui. (FéncL, Télém., liv. V, l. I,
p. 192.1
On a 'disputé longlemps et on aisputc encore
pour savoir si, dans des phrases où l'on établit
une comparaison entre deux objets, il faut dire
auprès de ou au prix de. Par exemple, Vintérct
n'est rien auprès du devoir, ou au prix du devoir.
Quelques graunnairiens prétendent qu'il faut tou-
jours A'wc au prix, d'aulres qu'on peut employer
indifféremment l'une ou l'autre expression.
Il me semble tpjc la (juestion serait bientôt dé-
cidée si l'on voulait observer {\nauprcs cl au
_prtjr sont deux expressions différentes (|ui mar-
quent chacune une vue particulière de l'esiirit.
Quand je dis qu'une chose n'est rien auprès
dune aw/rc, j'entends par là que l'on remar-
querait une différence énorme entre l'exlérienr
de chacune de ces choses, si l'on pouvait les con-
sidérer l'une ar/prw de l'aulre. Mais je n'enlends
comparer ni le mérite intrinsèque de ces deux
choses, ni l'inlércl qu'on peut prendre à l'une ou
a l'antre, ni rai)i)lication qu'on peut en faire, ni
les avantages qu'on peut en retirer. Mais quand
je dis qu'une chose n'est rien au prix d'ime au-
tre, je veux parler du réel de chacune de ces
choses, des avantages qu'elles peuvent procurer,
AUR
<le l'intérêt qu'on peut y prendre, de l'apprccia-
lion tpi'on en pcuf faire. Ainsi, voulant comparer
seulemenl la grandeur de deux maisons, abslrac-
lion faile de leurs commodités, de leur prix, de
leur valeur, je tlirai votre maison n'est rien au-
près de la mienne. Mais si je veux vous faire en-
lendrc (]uc votre maison c-t irés-inférieure à la
mienne, relativement aux commodités, aux agré-
ments, à la valeur, au produit, elc , je dirai
voti'e maison n'est rien au pi'ix de lu mienne.
Je dirai donc, avec rAcad(Mnie, votre mal n'est
rien auprès du sien; la terre n'est qu'un point
auprès du reste de l'univers; avec Marmontel,
ti'us les ouvrages des homrnes sont vils et gros-
siers auprès des moindres ouvrages de la na-
ture, auprès d'un brin d'herbe nu de l'œil d'une
mouche. Dans ces exemjilcs, il n'est point ques-
tion de piix, de valeur, d'aiiprécialion.
Je dirai, avec Marmontel, l'intérêt n'est rien
au prix du devoir ; avec Thomas, tous les anciens
physiciens ne sont rien an prix des modernes
{Éloge de Descartes. Dans ces deux exemples
on compare deux choses rclaliveinent à l'inlércl
qiu; l'on doit y prendre, au \m\ que l'on doit y
meltre, à l'appréciation (pu; l'on doit en faire.
Qui est-ce qui ne conviendra pas ([ue l'on parle-
rait mal en disant l'intérêt n'est rien auprès du
devoir, les anciens physiciens ne sont rien au-
près des modernes ?
D'après ces observations, on ne pourrait ap-
[)rouver ces vers de Racine
Dites, dites pliilûl, cœur IngrAl et farouche,
Qu'oupr^J du diadème il n'est rion qui vou» touche.
[Frères ennemis, acl. .'., se. III, 68.)
Auprès de et près de expriment dans le sens
propre une idée de proximité. Mais^jrè* marque
une proximité plus vague, auprès une proximité
plus déterminée. // demeure près d'ici, signifie
que sa demeure n'est pas éloignée; il demeure
auprès d'ici, veut dire que sa demeure esl très-
peu éloignée. Ma 7nai.inn est près de l'église, en
dix minutes on va de l'une a l'autre; ma maison
est auprès de l'église, elle touche à l'église ou
à peu près. P?-ès est susceptible de plus ou de
moins, fort près, très-près, plus près, moins
près. Auprès n'en esl pas siisce|>tible; on ne dit
pasp^u* auprès, moins auprès. Il esl vrai qu'on
dit tout auprès, mais c'osi pour donner plus de
force à l'expression. — Auprès n'éveille une idée
d'assiduité ou de sontimenl ipie dans un sens (i-
cnré, où on l'emploie pour exprimer l'espèce de
proximité que produit la fré(i-nenlalion habi-
inelle, la familiarité, la faveur: Ou l'a placé au-
près du ministre. Cet enfant n'est pas en pen-
sion, il est auprès de sa mère Quand je vois au-
près des grands, à leur table, el quelquefois
dans leur familiarité, de ces hommes alertes,
intrigants, aventuriers, etc. (La Bruyère, Des
Grands, p. 302.)
AuRicDLAiiîE. Adj. qui ne se mel qu'après son
subsl. : Témoin auriculaire . Confessionauricti-
AuRORE. Subsl. f. L'Académie n'a pas dit que
ce mot se prend pour jour ;
Apprenez que Ninus, à sa dernière aurore,
Sur qu'un poison mortel en terminait le cours.
(Volt., Simir., acl. IV, s:, n, 57.)
Et la troisième aurore a revu nos Taisseaux,
Abandonnés sans guide à la merci des eaux.
(Dbl., £ntid., m, 257.)
AUS
Aussi. Conjonction. Pareillement, de même:
f^ousleroulez et moi aussi; il ne suffit pas d'être
estimalle,il faut aussi être aimahle. On voit que
cette conjonction se met à la lin du dernier mem-
bre de la plirase, comme dans le premier exem-
ple; ou dans ce dernier membre après le verbe,
comme dans le second. Elle ne se met jamais en-
tre le verbe auxiliaire et le participe. On ne dit
pas il l'a aussi fait, mais il l'a fait aussi.
Aussi se niel dans le sens afllrmalif : Je le veux
aussi. Dans le sens ncgalif, on dit non plus: Fous
ne le roulez pas, ni tuai non plus. D'après cela
on pourrait trouver une nèijlieence dans les vers
suivants ;
C^ madame
N'a pas l'honneur d'être cncor voire femme,
Elle n'esl point votre maîtresse aussi'.
(Volt., Enf. prod., acl. IV, se. iv, 46.^
Dans le sens de, c'est pourquoi, il se met au
commencement du second membre, et alors le
pronom sujet du verbe se met après le verbe
comine dans ks interrogations: On l'a viallraité;
aussi veut-il se retirer.
Aussi. Adv. H se joint aux adjectifs, aux par-
ticipes et aux adverbes. L'usage a lixc l'emploi de
cet adverbe aux seules propositions affirmatives
où il y a comparaison, soit entre deux sujets,
soit entre deux qualifications ou modifications'
pour en exprimer règalité : Horace est au.'isi en-
joué que solide. Aristide était aussi raillant
que juste.
Lorsque dans les propositions affirmatives, il
n'est question d'aucune comparaison d'égalité
entre deux choses différentes, mais seulement de
marquer par quelque circonstance lede^rré d'aug-
mentation ou de modification qu'on atïribue au
sujet, c'est à l'adverbe si à y figurer : L'amitié
est une chose si précieuse qu'il ne faut pas la
prodiguer. Une amitié si solide est à l'épreuve
flte^ow^— Ccpei, dam l'Académie, dans son édition
de 4835, dit qyi'aussi se prend quelquefois pour,
tellement, à ce point: Co7/ime«/ un homme aussi
sage a-t-il pu faire une pareille faute?
Girard prétend ijuc dans les propositions néga-
tives, inéme dans le cas de comparaison, il f;îiii
employer si: Personne ne vous a servi si utile-
ment que moi.
Plusieurs écrivains emploient indifféremment
dans ce cas si ou aussi: Il ne sera pas si con-
stant qu'il le dit. Il ne sera pas aussi constant
qt^il le dit. Nous sommes de l'avis de Girard.
Pourquoi établir une exception dont la nécessité
n'est pas sensible?
L'adveibe aussi, employé comme adverbe de
comparaison, doit toujours être suivi de que, et
janaais A& comme: Il est aussi savant que son
frère, et non comme son frère. Celte observation
est d'aular.l plus nécessaire, ipie l'on trouve assez
souvent ce comme dans Corn:ille et dans Mo-
lière, et que, de leur temps, ce n'était pas une
faute de l'employer ainsi.
Adssitôt que. Conjonction qui régit l'indicatif:
Aussitôt qu'il viendra, aussitôt qu'il parut.
Adstère. Adj. des deux genres. 11 se dit parli-
culiéremetil des choses : Fie austère, pénitence
austère. Cet adj. précède quelquefois son subsl. :
Il n'élevait par vie austère vertu au-dessus des
craintes et des complaisances humaines. (Flé-
chier.) ^
£n vain i'un lâche orgueil leur esprit reviiu
ALT 8i
Se couvre du manteau d'une aunire vertu.
(BoiL., Dite, au Roi, 99.)
Soit que son cœur jaloux d'une austért fierté.
(lUc, Dritann., act. II, se. il, 41.)
Pour le placer ainsi, il faut consulter l'oreille
et 1 analogie. On ne dit pas un austère homme
une austère règle. Mais on dit bien un austèr'
devoir.
AusTÈREMENT. Adv. On peut le mniire entre
l'auxiliaire et le participe : Il a toujours vécu
avsièrement, ou il a toujours austèremcnt vécu
AusTÉuiTÉ. Subst. f. Dans le sens de (pialit^ de
ce qui est austère, il ne prend point do pluriel :
L'austérité d'une règle, l'austérité des mœurs.—
On l'emploie au pluriel quand on le dit des pra-
tiques par lesquelles les saints et les gens (pii
poussent à un Ircs-haut dosré la sévérité de la
morale chrétienne inoriifienl leurs sens et affli-
gent leur corps : Pratiquer de grandes austé-
rités. L'Académie n'indique point cette distinc-
tion.
Austral, Acstrale. Adj. qui n'a point de pluriel
au masculin, et qui se met toujours après son
suijst. : Le pôle austral.
Autant. Adv. (jui marque l'égalité. 11 modifie
ordinairement les verbes , dans le même sens
qu'of/wnnodifie les adjectifs • .le l'aime autant
que son frère. Quchpiefois il est répété, dans une
phrase de deux membres, et il se mot alors à la
léle de chaque membre : Autant vous l'aimez,
autant il vous liait. Quel(|uefois on met autant
que au premier membre, et autant au second.
Mais autant que ton âme est bienTiisante et pure,
Autant leur cruauté fait frémir la nature.
(Volt., Alz., act. II, se. ii, 45.)
Corneilleaditdans/'oZye!/c/e(act. HT, se. iii,48):
Qu'il fasse autant pour soi comme je fais pour lui.
Voltaire dit au sujet de ce vers : On dit autant
que, et non pas autant comme. {Remarques sur
Corneille.)
Adtedr. Subst. m. Fn parlant d'une femme qui
a compose un ouvrage d'esprit, on dit qw'elle en
estVauteur; ondil aussi adjectivoiiicnl, c'est une
feinme auteur. Mais on ne dirait pas aile est la
première auteur de cette entreprise ; il faudrait
dire le premier auteur, ou chercher un autre
tour.
Une de mes chances était d'avoir toujours
dans mes liaisons des femmes auteurs. (J.-J.
Rousseau.)
Les femmes d'à présent sont bien loin de ces mœurs ;
Elles veulent écrire et devenir auteurs.
(Mol., Femmes savantrs, ict. II, se. vu, 75 )
Authentique. Adj des deux genres ipii ne se
met qu'après son subst. : ritre authentique, con-
trat authentique, acte authentique.
AuTHENTiQUEHENT. Adv. Oii pcul le mettre CD
Ire l'auxiliaire et le participe: l'a déclaré authen-
tiquement, ou il a authentiqueuieni déclaré.
AuTOCHTHONE. Subst.m. Voltaire a çni[iloyéad-
jeciivement ce mot dans un sens ipii n'est pas
usité. 11 écrit à un bibliothécaire «lu roi d'Espa-
gne : Je ne savais pas que vos auteurs eussent
jamais rien pris, viême des Italions; je les
croyawautochthones en fait de littérature : mais
je sais bien qu'ils n'ontjamais rien pris de nous,
et que nous avons beaucoup pris d'eux.
Autocrate. Subst. m On dit au féminin auto-
82
AUT
cratrice. C'est un lilro que prcnrenl les emi)e-
reurs de Russie. Il sisnilie, qui gouverne par
lui-même.
Il se prenJ aussi adjectivement. On n'a exé-
cuté aucun criminel sov s l'empire de l'autocnt-
trice f^lisaheth. (^'olt., Comment, sur le Litre
des délits et des peines. De la peine de mort.)
AuTO-DA-FÉ. Expression espagnole t]ui signifie
acte de foi, par laquelle on désigne les exécutions
barbares onionnces par l'inquisition, où l'on fait
expirer dans les flammes des malheureux qui
n'ont commis d'autre crime que de ne pas par-
tager les opinions religieuses des inquisiteurs.
Celte exprc^sion étant tirée d'une langue étran-
gère, ne prend point de s au pluriel : I)es auto-
da-fé.
Adtographe. Adj. desdeux genres. Qui est écrit
de la main même de l'auteur. 11 suit son subst. :
Une lettre autographe. Cette expression est du
style didacliciue Dans le langage ordinaire, on
dit original. Il s'emploie aussi substantivement
au masculin.
AcTOMXAL, Automnale. Adj. On prononce le «.
Il n'a point de pluriel au masculin. Les fièvres
automnales. Il suit toujours son subst.
Un grammairien moderne trouve qu'il faut être
bien scrupuleux de ne jias vouloir qu'on dise les
trois im.is automnaux . Lors, dit-il, qu'une ex-
pression est réclamée par la pensée, et qu'elle a
pour elle l'analogie et la raison, pourquoi ne jias
i'cmi)loyer? Ce grammairien n'a pas fait attention
que la pensée ne réclame point cette expression,
puisque nous avons les trois mois d'automne, qui
signifient la même chose.
Automne. Subst. On prononce autonne. Les
uns le font masculin, les autres féminin. L'Acadé-
mie le fait de l'un et de l'autre genre. Un grammai-
rien moderne veut qu'il soit masculin quand l'ad-
jectif le précède, tin bel autom?ie, et féminin
quand il en est suivi ; uTie automne froide et plu-
vieuse. Celte opinion n'est fondée sur aucun rai-
sonnement. .Mais ce qui devrait déterminer à faire
ce mot toujours masculin, c'est que tous les noms
des autres saisons sont de ce genre : Un bel été,
un printemps froid, un hiver sec ; pourquoi pas
vn automne pluvieux? C'est aujourd'hui l'opi-
nion et l'usage d'un grand nombre d'écrivains.
Ce mot se prend, figurément, pour l'âge de
l'homme qui approche de la vieillesse: Il est dans
son automne.
L'automne deTos jonrs
Vaut mieni que le prinlempî d'un autre.
(Volt., ÉpCtr.; XXXI, 67.)
Autour. Préposition. Autrefois on confondait ce
mol avec alentour, qui est un adverbe ; Autour de
la ville. Il rôde alentour. Autour a toujours un
régime; alentour n'en a point
Autre. Adj. des deux genres. Les anciens
grammairiens le font tantôt pronom, tantôt adjec-
tiL Ils le regardent comme pronom quand il n'f st
joint à aucun substantif, et qu'il n'est point relatif
ace qu'ils nomment le pronom en: Un autre que
moi ne vous parlerait pas arec autant de fran-
chise. Us rappellent adjectif ([uand il est joint à
un substantif, ou quand il est précédé du pronom
an: Un autre homme, une autre affaire. Cette
maison est tombée, il faut en bâtir une autre.
Autre est toujours adjectif. C'est un adjectif dis-
linctif qui désigne par une idée précise de diver-
sité. Lorsque le substantif auquel il a rapport
n'est pas exprimé, il esl sous-entendu : Un autre
AUT
que moi ne vous parlerait pas avec tant de fran-
chise, c'est-à-dire, une autre personne que moi
ne vous parlerait pas, etc.
Autre se dit des personnes cl des choses : Uti
autre frère. Une autre maison.
On demande s'il faut écrire en voici bien d'un
autre, ou en voici bien d'une autre. Les uns
écrivent de la première manière, les autres de la
seconde. Je pense qu'il faut écrire A'vne autre,
parce que l'analyse de cette phrase familière re-
vient à, voici Lien une autre clwse, une autre
aventure.
Bon, dit Climène, en Toici bien d'une autre ;
3Ia chère sœur, quelle idée est la vùlre?
(Volt., les Filles de Minée, 198. J
L'Académie, dans son édition de 1S35, admet
les deux locutions.
On dit l'une et l'autre, les uns et les autres,
pour maniuer une distinction entre plusieurs cho-
ses : L'un et l'autre hoimne, l'une et l'autre main}
je les ai vaincus l'un et l'autre, je les ai vaincus
les uns et les autres.
Lorsque l'un esl précédé d'une préposition, la
même préposition doit être répétée avant Vautre:
Je leur ai domié dix francs à l'un et à l'autre, je
suis content de l'un et àc l'autre, je serai juste
envers les uns et envers les autres. Cette répéti-
tion de la préposition, qui rend la distinction plus
marquée, est conforme à la i.aluredc la phrase,
dont la distinction fait le prineipal caractère.
On a disputé pour savoir si, après l'un et Vau-
tre, il faut mettre le verbe au singulier ou au plu-
riel. Les uns disaient l'uti et Vautre vous a obligé;
les autres, l'un et l'autre vous ont obligé. La dis-
pute sera terminée, si l'on fait attention que la
distinction est ici le véritable caractère de la
phrase, que tout ce qui concourt à la marquer
est dans l'ordre grammatical, et que ce qui tend à
la détruire est contraire à cet ordre. Quand je dis
Vitn et Vautre vous ont obligé, j'annonce par les
premiers mots Vun et Vaut)v, que la distinction
doit être établie dans toute la proposition, puisque
j'énonce le double sujet avec cette distinction, cl
par les moisvousont, je détruis cette distinction,
e( je présente le double sujet comme étant simple.
Il faut donc dire Vun et Vautre vous a obligé, et
non pas votis ont obligé. Ni Vun ni l'autre ne
vaut rien, et non pas ?ii Vun ni l'autre ne valent
rien.
C'est par la même raison que les substantifs qui
se rapportent à Vun et à Vautre se mettent tou-
jours au singulier; Vuneet Vautre maison, et non
pas Vunc et Vautre maisons. C'est comme s'il y
avait Tî/we maison, et Vautre maison.
L'un et l'autre rival, s'arrêtantau passage.
Se mesure des yeai, s'observe et s'envisage.
(BoiL., Lutr., V, 115.)
Cependant il faut dire ils s'attaquent l'un et
Vautre, ils moururent Vun et l'autre, parce que
le sujet de la proposition Us n'annonce pas la dis-
tinction, et que celte distinction n'est indiquée
que lorsque la proposition est complète. Si l'on di-
sait, par exemple, Us moururent Vun et Vautre
dans des sentiments de piété, il y aurait ellipse;
c'est comme si l'on disait ils moururent ; etl'un et
Vautre mourut dans des sentiments de piété.
Corneille a dit dans Héraclius (act. IV, se. v,
70):
.Fou» autres, saivei-rooi
Fous autres, dit Voltaire, ne se dit pomt ".ans
AIT
le slylc noble. {Jîc7narqucs sur Corneille.) Voyez
Accord.
Adtrefois. Adv. On le met qucliiuefois au
commeiicenicnl de la plirase : Autrefois on croyait
aux sorciers. Après un nom niodilio par un ou
plusieurs adjectifs, il se met entre le nom cl l'ad-
jectif, ou les ailjectifs: Cette ville autrefois su-
perbe, autre fis grande et i/uiff/iifique. Ouand il
modilie un verbe, il se met toujours après: O/i dî-
nait autrefois à deux heures, lia été autrefois
très-riche.
Autrement. Adv. Quand ce mot marque com-
paraison, il est suivi de que avec la négative ne:
Il parle autrement (ju'il ne pense, el non pas au-
trement qu'il pense.
AuTKDi. SuLsl. m. qui n'a point de pluriel. 11
sii-'iiilic, les autres hommes. C'est par erreur que
les anciens grammairiens ont mis ce mol au nom-
bre des pronoms, car il ne lient jamais la place
d'un nom.
La sisHiificalion du mol homme est renfermée
^ians ce mot, et de plus, par accessoire, celle
iVun autre. Ainsi quand on dil ne faire aucun
tort à autrui, ne di'sircz pas le bien d'aulvwi,
c'est comme si Ion disait ne faire aucun tort à
\\n autre lionune, ou aux autres hommes, 71e dé-
sirez pas le bien t/'un aulre homme, ou des au-
tres hommes. Or, s'il esl évident (jue la signilica-
tion du mol autrui est celk, d'homme, ce mol
doit élre de mcnic nature el do mémo espèce que
le mut homme lui-même; nonobstant l'idée acces-
soire rendue par un autre.
Autrui est ordinairement précédé d'une pré-
position : Juger lïautrui par soi-même, le bien
û'autrui. ISe point faire tort à autrui, être logé
chez autrui. On l'cnqiloic quehiuefois aussi en
régime direct : Tromper autrui.
On a avancé dans la Grammaire des Gram-
maires, p. 405, qu'on ne [leut pas faire rappor-
ter au mot autrui\cs adjeclifs possessifs son, sa,
ses, leur, lews, ei. réuiine simple, c'est-à-dire
quand les mot„ auxquels ils sont joints sont sans
préposition, et (ju'en ce cas il faut faire usage du
relatif e« et de l'article, el dire, par exemple, en
épousant les intérêts d'autrui, tious ne devons
vas en épouser lus passions; au lieu de nous ne
devons pas épuuser ses passions. On ajoute
qu'on peut faire rapporter ces adjectifs à autrui,
en régime indirect, c'est-à-dire (piand les adjec-
lifs auxtiuelr ces pronoms s^mt joints sont précé-
dés d'une préposition; el qu'ainsi l'on peut dire
nous repre7ions les défauts d'autrui, sans faire
attention à ses ou à leurs bonnes qualités. On
apporte pour raison de la première règle, que le
mot autrui présenianl quelque chose de vague
el d'indéfini, ne doit [joint être mis en rapjporl
avec les pronoms; on ne dil rien à l'appui de la
seconde
J'observe d'abord que la première de ces rè-
gles esl absoUimenl contraire à la règle générale,
qui dit qu'on doit emiiloyer les adjectifs posses-
sifs lorscju'on parle de personnes ou de choses
personnifiées. \ oyez Adjectifs possessifs. Or, le
mot autrui signifiant les autres hoinmes, ne dé-
sigue-t-il pas réellement des personnes? On n?
peut pas dire (\vi autrui a ses intérêts, ses ';■',..-
lités, ses vices, ses passions, parce que et irol
ne s'emploie jamais comme sujet d'une [iroposi-
tion; mais dans toutes les phrases où il est con-
struit selon l'usage, on peut y joindre les adjec-
tifs possessifs : Si l'on embrasse Les intérêts d'au-
trui, pourquoi n'excuseraii-oti pas ses défauts?
En second lieu, si, i-our appuyer celle règle.
AUX
83
on voulait tirer qucl<iue raison solide de ce qu'il
a plu aux L'rannnairieiis de mclfre ce subhlaniif
au nombre dos pronoms iudclinis, on pourrait
leur opposer le moi c/u(ci//i, tpi'ils ont placé dans
la même classe, el <jni cependant s'accommode
fort bien des adjectifs possessifs, ,1e pense tlonc
que la prétendue indétermination ipi'il a plu aux
grammairiens de prêter a ces nuiis n'cmiR-che
pas qu'on ne puisse leur appliquer les adjeelifs
possessifs, el que de même qu'on dit chacun a
ses défauts, ses bonnes qualités, etc., on [)eul
dire en épousant les intérêts d'autrui, on ne
l'oit pas épouser ses passions ; ou on reprend
suuvent les défauts d'autrui sans faire atten-
tion à ses bonnes qualités.
Je (conviens, du reste, (ju'on ne peut pas ap-
pliquer à ce mol les adjectifs possessifs leur ou
leurs, parce qu'il ne peut être mis au pluriel, ce
(pie supposeraient ces adjeclifs.
Du temps de Vaugeias, plusieurs personnes
regardaient autrui comme un vieux moi, et y
substituaient l'adjectif «»<.-(■. Ce ::i'anunairien s'é-
leva contre cet usage, .'^elon lui, ce serait mal
s'exprimer que de dire il ne faut pus désirer le
bien des autres, au lieu de il ne faut pus désirer
le bien d'autrui, parce que autre a relation aux
personnes dont il a déjà été parlé. Mais on parle-
rail bien en disant il ne faut pas ravir le bien
des uns pour U donner au.K aulres; el mal si l'on
disait il ne faut pas ravir le bien des uns pour
le donner à aulrui ; par la raison ipie (juiuid il y a
relation de pcrsomics, il faul dire autres; et que
quand il n'y a point de relation, il faul dire aj/^rMi.
D'ailleurs, ajoulo Vaugeias, autre s'applique aux
[lersonnes el aux choses; mais autrui ne se dit
(jue des personnes. L'Académie a confirmé cette
remarque; elle dit, dans son Dictionnaire, il ne
faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons
pas qui nous soit fait; Ci dans ses observations
sur Vaugeias, elle [lense, comme lui, que autre
serait une faute.
« Celle conclusionest beaucoup trop rigoureuse.
L'autorité de nos meilleurs écrivains prouve que
l'on peut très-bien dire les autres au lieu d'«H-
trui. Certes, nous n'hésiterons pas à dire avec
Massillon : Elle j'uçe des autres par elle-même.
L'Académie, d'ailleurs, admet aujourd'hui celle
locution: Use inéfœ toujours des autres. » {.\. I.c-
niaire. Grammaire des Grammaires, p. 406.)
AuxiLi.\ir,F.. Adj. des deux genres, qui s'em-
ploie tiuebiuefois substanlivenient au masculin.
On nomme verbes auxiliaires les verbes avoir et
rtre, qui entrent dans les formes composées des
temps. On peut dire en général que le verbe ^tr<?
entre dans les formes composées qui exfirimenl
lélat, et que le verbe avoir entre dans les formes
composées qui ex|)rimenl l'aclior:. Je suis aimé
exprime l'état du sujet ; j'ai aimé cxi>rime l'ac-
lion.
Cotte règle souffre une exception; car, quoi-
qu'on dise j'a! aimé cette pei sonne, on ne dira
pas/e m'ai aimé; \\ fant dire, je me suis aimé-
Il y a donc ici une distinction à faire. Ou l'ac-
lic;- à pour objet le sujet même qui agit, cl alors
il faul dire, avec le verbe être,ils'csi vu, il .«'est
tué, il s'csl reconnu; ou l'objet est différent du
sujet qui atril, et alors il faut dire, avec le verbe
avoir, il Vv. ru, il Ta tué, il l'a reconnu. C'est
ainsi qu'on doit toujours parler. On se sert en-
core du verbe être toutes les fois que le terme du
verbe esl le sujet de la proposition. A msi, quoi-
qu'on dise j'ai fait des difficultés à cet écrivain,
OU dit je me suis fait des difficultés.
84
AUX
A ces exceptions près, qui sont ollcs-niémes
une règle sans exception, la régie que nous avons
d'aboril tHal)lie doit être observée dans tous les
cas; c'esi-a-dire que le participe doit se con-
stniire avec le verbe ati^ir, toutes les fois qu'il
exi)riii)e une action; cl a\ccle verbe é/rp, loiiles
les fois qu'il exprime un èlal. On dit il a monté
ce cheval, il a descendu les degrés, parce (jne
monté &\- descendu expriment une action; cl on
ne |)eul s'y iroinpei', puisi]ue celle acliun a un
objet, ce cheval, ces degrés. Mais on dit il est
monté, il est descendu, parce qu'alors on consi-
dère moins l'aclioii dcmonicr, que l'état où l'on est
après avoir monté, .le dirai le régiment a passé
sous mes fenêtres, parce t]ne je songe a l'action
du réïiineiii (pii passait. Mais si (iiiel(]u"un me
demande s'il vicnl à temps pour le voir, je ré-
pondiai il est passé. C'est que je ne pense plus
qu'à l'élat.
En un mot, on ne peut pas choisir indifférem-
ment entre les deux auxiliaires, quoique les par-
ticipes puissent se construire égalemenl avec l'un
et avec l'autre. ]1 faut toujours considérer si l'on
veut exprimer un état, ou si l'on veut exprimer
une action; et c'est d'après celle règle (pi'on doil
choisir enlre il est accouru, il a accouru; il est
disparu , il a disparu; il est apparu, il a apparu ;
sa ficrrc est cessée, sa fècre a cessé ; il nous est
échappé, il nous a échappé.
Tous les exemples confirment celle règle. On
dit il est sorti, en parlant de quelqu'un (|ui n'est
pas chez lui, et il a sorti, en i)arlanl de quoiqu'un
(jui esl rcnlré. De même on dit il est demeuré à
Paris, de (lueKiu'un qui y est encore, etzZ a de-
7neuré à Paris, de quelqu'un qui y a élé et qui
n'y esl plus.
Toui ce que nous venons de dire est vrai des
participes qui expriment également un élat et une
iclion, cl nous n'avons parlé (]ue de ceux-là.
]\Iais quand le participe est de nature à n'expri-
mer qu'une aclion, il se construit toujours avec
le verbe avoir. On dit il a langui, il a dormi.
Quelques grammairiens modernes reconnais-
sent deux aulres verbes auxiliaires, c'est aller et
venir Le premier sert à former un futur pro-
chain, je mis faire; le second à former un passé
prochain, je viens de faire. (CondiUac.)
Conjugaison du verbe auxiliaire Avoir.
Infinitif.— Avoir.
Indicatif. — Présent. J'ai, tuas, il a ow elle a;
nous avons, vous avez, ils ont ou elles ont. — Im-
parfiiit. J'avais, tu avais, il avait o!< elle avr.il;
i;ous avions, vous aviez, ils avaient ou elles
.ivaienl. — Passé simple. J'eus, lu eus, il eut ou
'lie eui; nous eûmes, vous eûtes, ils eurent ou
rlles eurent. — Passé composé. J'ai eu, lu as eu, il
a eu ou elle a eu ; nous avons ou, vous avez eu, ils
ont eu ou elles ont eu. — Passé antérieur com-
posé. J'eus eu, lu euseu, il eut eu ou elle eut eu ;
nous eûmes eu, vous eûtes eu, ils eurent eu ou
ellec eurent eu. — Plu sqvcpar fait. J'avais eu, tu
avais eu, il avait eu or elle avait eu ; nous avions
eu, vous aviez eu, ils avaient eu ou elles avaient
eu. — Futur simple. J'aurai, lu auras, il aura 01/
elle aura ; nous aurons, vous aurez, ils auront ou
elles auront. — Fuiur composé. J'aurai eu, tu au-
ras eu, il aura eu ou clic .".ura eu; nous aurons
eu, vous aurez eu, ils auront eu ou elles auront
eu.
Conditionnel —Présent ou. futur. J'aurais, tu
aurais, il aurait ou elle aurait; nous aurions,
vous auriez, ils auraient ou elles auraient. —
AUX
Premier passé. J'aurais eu, tu aurais eu, il au-
rait eu 01/ elle aurait eu; nous aurions eu, vous
auriez eu, ils auraient eu ou elles auraient eu. —
Deuxième pasie. J'eusse eu, tu eusses eu, il
eût 01/ elle eùi eu; nous eussions en, vous eus-
siez eu, ils eussent eu ou elles eussent eu.
Impératif. — Présent ou futur simple. Aye,
qu'il ait; ayons, ayez, qu'ils aient r-j/ qu'elles
aient. — Futur composé. Aye eu, qu'il ail eu ou
«lu'elle ail eu; ayons eu, qu'ils aient eu ou
qu'elles aient eu.
Subjonctif. — Présent ou futur. Que j'aie, que
tu aies, qu'il ail ou qu'elle ail; que nous ayons,
que vous ayez, qu'ils aient ou qu'elles aient. —
Imparfait. (Juc j'eusse, que tu eusses, qu'il eût
ou iprelloeût; que nous eussions, que vous eus-
siez, qu'ils eussent ou qu'elles eussent. — Passé
()ue j'aie eu, (lue lu aieseu, qu'il ait eu ou qu'elle
ail eu ; que nous ayons eu, (]ue vous ayez eu,
(ju'ils aient eu ou qu'elles aient eu. — Plusque-
parfait. Que j'eusse eu, que tu eusses eu, qu'il
eût eu ou (lu'ollc eût eu ; que nous eussions eu,
que vous eussiez eu, (lu'il eussent eu ou qu'elles
eussent eu.
Participe. — Présent. Ayant. — Passé. Eu.
Conjugaison du verbe auxiliaire Être.
Infinitif. — Être.
Indicatif. — Présent. Je suis, lu es, il est ou
elle esl; nous sommes, vous êtes, ils sont ou elles
sont. — Imparfait. J'étais, lu étais, il était ou elle
était ; nous étions, vous étiez, ils étaient om elles
étaient. — Passe simple. Je fus, lu fus, il fut ou
elle fui; nous fûmes, vous Iules, ils furent o?r
elles furent. — Passé cojuposé. J'ai élé, lu as élé,
il a été OM elle a été; nous avons élé, vous avez
élé, ils onl élé ou rl'cs ont élé. — Passé antérieur
composé. J'eus élé, tu eus été, il eut élé ou elle
eut été ; nous eûmes été, vous eûtes élé, ils eu-
rent élé ou elles eurent élé. — Phi squepar fait.
J'avais élé, lu avais élé, il avait été ou elle avait
été; nous avions élé, vous aviez élé, ils avaient
été ou elles avaient élé. — Futur simple. Je serai,
iu seras, il sera ou elle sera ; nous serons, vous
Ferez, ils seront ou elles seront. — Futur composé.
J'aurai été, tu auras élé, il aura étéow elle aura
élé; nous aurons été, vous aurez élé, ils auront
clé ou elles auront élé.
Conditionnel. — Présent ou futur. Je serais, tu
serais, il sérail ; nous serions, vous seriez, ils ov-
elles seraient. — Premier passé. J'aurais été, tu
aurais élé, il aurait élé om elle aurait été; nous
aurionc élé, vous auriez été, ils auraient élé ou
elles auraient élé. — Deuxième passé. J'eusse
été, lu eusses élé, il eût été ou elle eût élé ; nous
eussions été, vous eussiez été, ils eussent été om
elles eussent été.
Impératif. — Présent ou futur simple. Sois,
qu'il soit OM qu'elle soit ; soyons, soyez, qu'ils
soient ou qu'elles soient. — Futur composé. Aye
été, qu'il ail élé ru qu'elle ail été; ayons été,
ayez élé, qu'ils aient été ou qu'elles aient été.
Subjonctif. — Présent ou futur, (^ue je sois,
que lu sois, qu'il soit ou qu'elle soit; que nous
soyons, que vous soyez, qu'ils soient ou qu'elles
soient. — Imparfait. Que je fusse , que tu
fusses, qu'il fût ou (pi'elle fût ; que nous fussions,
que vous fussiez, (pi'ils fusseni ou qu'elles fus-
sent.—Passe, «lue j'aie été, que tu aies élé, qu'i;
ait élé 01/ qu'elle ail été; (luc nous ayons élé, que
vous ayez élé, ()u'ds aient été om qu'elles aient
élé. — Plusqucparfait. Que j'eusse été, que tu
eusses élé, qu'il eût élé ou qu'elle eût élé; que
AVA
nous eussionsétc, que vous eussiez élé ou qu'elli s
eussent été.
Parlicipc. — Présent. ÊUinl. — Passé. Ëlé.
Voyez, au mol Irrégulier, la conjugaison des
verbes aller cl venir, que l'on emploie aussi
tomme verbes auxiliaires.
Il faut rcuiarquer qu'un verbe, lorsqu'il ilo-
vienl auxiliaire , ne conserve pas exaclemcnl sa
première signification. Par oxemplc, dans avair
fait cl avoir des vertus, l'idée qu'ol'fi'e le verbe
avoiî- n'esl pas ccrlaincmcnt la nicme. Elle n'esl
pas la même non plus dans/e suis, dans le sens
d'exister, cl je suis aimé; dans je vais à la cam-
pagne, cl je vais danser; dans je viens de Paris,
ci je viens de dîner.
Avance. Subst. f. On dit d'avance ou par
avance, et non pas à l'avance, comme disent
quelques-uns: Je m'en réj'ovis d'avance.
Mes larmes par avance avaient su la toucher.
(Rac, Iphig., act II, se. V, 63.)
Avancement. Subst. m. Ce mot n'a point de
pluriel.
Avancer. V. a. et n. de la 1" conj. Dans ce
verbe, le c a la prononciation de se; et pour la lui
conserver à tous les temps et à toutes les per-
sonnes, il faut meure une cédille dessous, toutes
les fois qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on
écrit nous avançons, j'avançais, j'avançai, et non
l)as nous avançons, etc. On dil avancer vers, et
non pas avancer de : Nous avancions vers la ville.
Des deux côtés du port, un vaste roc s'avance ,
Qui menace les cieui de son sommet immense.
(Delille, Enéide, I, 225)
Avant. Préposition qui marque préférence et
priorité de temps, ou d'ordre et de rang.iVoK*
venons après 'es personnes qui passent avant
nous; nous allons ûemèvc celles qui passent dc-
vanl. Celle opinion deGirard a l'ail dire à Féraud
Hu'avant répond à après et que devant répond à
derrière. Cela n'esl pas;exacl;ondil jnarchez de-
vant, je marclierai après, et non pasjV marche-
rai derrière, du moins dans le sens donl il est
question. Féraud en conclul qu'il iaul dire que
l'adjectif marche devant, et non pas avant son
subslanlif, comme le disent plusieurs grammai-
riens et l'Académie elle-même. D'après cela on
devrait dire, ce que Féraud lui-même ne dil
point, qu'un adjectif se met derrière un sub-
stantif.
On peut dire qu'î/rtûc/yec^i/'^e viet avant son
siibstantif ; el cela marque une priorité d'ordre,
el par consé(pjenl on dira bien aussi dans un sens
opposé, qu'un adjectif se viet apvcs so7i substan-
tif. Dans ces phrases, on suppose un rapport né-
cessaire d'ordre entre le subslanlif el l'adjeclif.
Mais si l'on faisait abstraction do ce rapport, on
pourrait cm|)loyer(fet'a7i^ comme l'emploient sou-
vent plusieurs grammairiens, el notamment Du-
marsais. L'adjectif et le substantif, l'adverbe et le
verbe doivent être rapprochés dans la construc-
tion, l'un doit être mis avant l'autre. Mais s'il s'a-
git de choses qui n'aient pas nécessairement entre
elles un rapport d'ordre, ou qu'on fasse abstrac-
1*9" de ce rap[)ort, on peut se servir de devant.
Si j'ai à placer un substantif et son article, je di-
rai bien il faut mettre l'article avant le sub-
stantif. Mais s'il est question de savoir s'il faut
donner ou non un article à un substantif, on dira
il faut mettre un article devant ce substantif, et
AVA
85
l'on parlerait mal en disant il faut mettre un
article avant ce subslanlif. On peut donc dire,
suivant les différentes vues dr ICspril, l'adjectif
se met avant le substantif, ou devant le sub-
stantif.
vivant que régit le subjonctif: Arant qu'il
vienne.
Féraud observe avec raison qu'il ne faut pas
mettre indiiféromment avant que avec le subjonc-
tif, el ara«< t/e avec l'inlinitif. On doit niellrc
avant de avec l'infinitif, quand cet infinitif se
ra|)porte au sujet delà ijroposjliontye hiiaipai/é
celle somme avant tic partir, c'esl-à-illre avant que
je |)arlissc. Mais si je voulais parler du déiiarl
de celui à qui j'ai payé la somme, il faudrait
dire^'e lui ai payé celle somme avant qu'il
partit, ou avuîit son départ, el non pas avant
de partir.
Les grammairiens donnent comme une l'ègle
positive que la proposition subordonnée a avant
que ne prend point la négative 7ie: Je vis entrer
un vieillard pâle et sec, que je reconnus pour
un nouvelliste avant (ju'il se fijl assis. (Montes-
quieu, CXXXIIe Lettre persane.)
Avant que son destin s'explique p.ar ma voix.
(Rac, Âth., ici l, se. ii, 13.)
Cependant Delille a dit dans sa Iraduclior
dRl'E7iéide{U,i)6i):
Je ne puis y toucher avant que des eaux pures
Du sang dont je suis teint n'aient lavé les souillures
On lit dans Marmonlel : -4 peine chacun se
contient dans l'attente du signal. Hâtez-vous
de le donner votis-mémes, avant que vos trom-
pettes ne vous échappent, et ne le donnent mal-
gré vous. Dans Buffon : Celui-ci le suit à la
chasse, et souvent lui enlève sa proie avant <lu'/7
ne l'ait entamée.
D'après ces exemples et plusieurs autres (pie
l'on trouve dans les bons écrivains, des gram-
mairiens modernes (yl/«HMe/ des amateurs de lu
langue) ont j)cnsé qu'il faut faire us;ige de ne
ai)yèi avant que, toutes les fois qu'il y a un doute
sur la réalité de l'action exprimée par le verbe
(jui suit avant que. (lette observation paraît juste,
el mérite d'être adoptre.
Avajit de, avant que de. Les grammairiens el
les écrivains sont très-parlagés sur ces deux ex-
pressions. Vaugclas et les écrivains du siècle de
Louis XIY, d'Ôlivel, Duinarsais, etc., sont pour
avant que de; Bcauzce veut que l'on dise avant
de, el les écrivains de nos jours mellent tantôt
l'un, tantôt l'autre.
Voici ce que dil Dumarsais pour appuyer son
ojdnion. 11 faut diie avant que de partir, ou
avant que vous partiez. Je sais poiirlant qu'il y
a des auteurs ijui veulent supprimer le «/we dans
ces phrases, el dire avant de se mettre à table;
mais je crois ciuc c'est une faute conire le bon
usage. Car ara/i/ étant une pré|)osilion, doit avoir
un complénient ou régime immédiat. Or, une pré-
position ne saurait cire ce complément. Je crois
(ju'on ne peut pas plus dire avant de, (]u'avaiit
pour, avant par, avant sur. De ne se niel avant
une piépDsilion (lue (juand il est partitif, parce
qu'alors il y a ellipse ; au lieu (jue dans avant
que, ce mot que, hoc qiwd, est le cumpléinent, ou,
comme on dil, le régime de la préposition avant.
Avant que de, c'esl-a-dire uvanl la chose tfe, etc
Avant que de répondre, examinez-vous bien,
(Jsrratf, act. II, se. IV, Î5.)
8G
AY.V
tiit Qiiinaiilt ; et c'est ainsi qu'ont parlé tous les
bons ailleurs de son temps, excepté en un très-
petit nombre d'occasions où une syllabe de i)lus
s'opposait à la mesure du vers D'ailicurs, connue
on d\[ pendant que, après que, depuis que, parce
que, l'analogie demande (jud'on dise avant que.
D'Olivel observe que Racine et Desprcaux ont
toujours dit avant que comme plus conlonne à
l'élymologic, qui est Yuntequam des Latins, et
qu'il n'y a ni cacophonie, ni répclition, ni tiuoi
que ce "puisse être qui blesse l'oreille, dans une
expression <iu'un long usage a établie, et à la-
quelle l'oreille est accouluince.
Beauzce croit qu'il est plus analogue et mieux
de dire avant de partir, avant de se mettre à
table. 11 se fonde sur ce (luo, qu;indon reganle-
rail avant comme une préposition, uvajit de par-
tir ne serait encore qu'une phrase elliptique ai-
sée à analyser, avant le moment de partir ; au
lieu qu'il est impossible d'analyser d'une manière
raisonnable et satisfaisanlc avant que de partir.
D'Olivel prétend juslitier cette phrase par l'éty-
mologie, qui, selon lui, est Yantequam du lalin.
Mais 1» Vante du latin est uniquement une pré-
position, et woUa avant, (jui est (juclquefoisnom,
l'est peut-être toujours; du moins l'un ne répon-
dant pas juste à l'autre, on ne peut pas dire que
l'un soit l'étymologie de l'autre. 2' Quand antc-
quain serait le juste correspondant de noire
avant que, cela pourrait-il autoriser avant que
de partir? Anieqtiam a-t-il jamais eu en lalin
pour complément un inlinilifou un gérondif ? Et
quand cela serait, prouvera-t-on jamais que nous
devrons parler en français comme on parle en
latin?
Quant à Dumarsais, il veut sauver la phrase
par l'intcrprclalion. Que, dit-il, hoc quod, est le
complément de la préposition avant; avant que
de, c'est-à-dire avant la chose de. Mais, en bonne
foi, hoc quod t,-\.-\ï jamais signilié la chose? d'sl
la chose que ou qui; et ce que ou qui reste tou-
jours à justifier prir une analyse satisfaisante.
L'usage, il est vrai, avait autorisé et consacré
avant que de; mais quelques poêles s'étant per-
mis, pour la mesure liu vers, de dire avant de,
et quelques prosateurs ayantosé, à Icursrisques,
les imiter, l'iisaçc s'est enfin partagé. Ainsi, con-
clut Beauzée, on peut du moins choisir aujour-
d'hui entre avant que de et avant de; et puis-
3UC l'analogie trouve mieux son compte dans la
erniérc phrase, et (luc d'ailleurs on y gagne de
la brièveté, il ne doit donc plus y avoir de partage,
et avant c/edoit mériter une préférence exclusive.
Il est bien difficile de ne pas se renilre aux
raisons de Beauzée. L'analyse qu'il donne d'a-
mnt de est claire, et ne saurait être contestée ;
o; il est certain ^\v^ avant de est bien jilus doux
qu'ai-an/ que de, surtout lorsque ce dernier est
suivi d'un troisième c muet. Pourquoi ne dirait-
on jias avant de partir, comme on dit prè.s- de
partir ? Dans ces vers de Yollairc :
Mes yeux seront témoins de voire fier courage,
El vous auront vu vaincre avant de se fermer.
(Tancr., act. I, se. i, 16t.)
Tu m'avais en horreur ouont de me connaître.
[Mahom., aclIII, se. viii, 50.)
Dans ces vers, dis-je, avavct giie de se, avant
que de vie, seraient bien durs.
Voltaire a dit ailleurs {Oreste, act. V, se. vi):
' El j'ai pu le prier avant que de mourir!
AVE
L'Académie approuve l'une el l'autre manière,
cl laisse la question indécise.
Avantager. V. a. de la 1" conj Dans ce verbe,
le^ se prononce toujours commcy,- et pour lui
conserver cette prononciation, lorsqu'il est suivi
d'un a ou d'un o, on met un e muet avant cet o
ou cet o: J'avantageais, avantageons, el non pas
j'avantagais, avantugons.
AvAMAGECSEMENT. Adv. On pcut Ic mctlrc entre
l'auxiliaire et le participe : Il est place avanta-
geusement, ou il est avantageusement placé.
Avantageux, Avantageuse. Adj. 11 suil ordi-
nairement son subsl. : Traité avantageux, place
avantageuse. — Un homme avantageux.
AvANT-couK fait au pluriel avant-cours ; avant-
coureur, avant-coureurs ; ava.nt-garde, avant-
gardes ; AVANT-GOUT, avant-goûts. Voyez Com-
posé.
Avant-scène fait au pluriel avajit-scènes. —
Girault-Duvivier écrit ava7it-scène <\w plurieUIl
nous semble qu'il a raison, car il s'agit d'un espace
(jui se trouve avant la scène. Yo^tz Composés.
Avant-toit fait au pluriel avant-toits ; avant-
train, avant-trains ; avant-veille, ara«<-reiM«s.
AvAKT-niER. Adv. Hier est de deux syllabes.
Il est d'une syllable dans avant-hier. Le t se fait
sentir, mais faiblement.
Avare, pris adjectivement, peut se placiT
avant son subst., lorsqu'ils une analogie étroite
avec ce subst. On ne dit pas un avare homme,
un avare ciel, un avare prince ; mais on dirait
bien une avare éco7inmie.
Avaricieux, Avariciecse. Adj. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant loreille el l'a-
nalogie: Un homme avaricieux, une femme ava-
ricieuse ; tin humeur avariciev se, cette avari-
cieuse humeur. Voyez Adjectif.
AvÉ, Avé-Maria. Subst. m. Une prend point
de s au pluriel. C'est une espèce de nom propre
qui signifie vinc prière uni(pie. Le pluriel de ce
mol ne marque que la ré|ietilioii de la prière,
mais non plusieurs individus compris dans ui.c
classe : Deux ylvé, trois Avé-Maria.
Avec. Préposition. Le c final se fait sentir. Au-
trefois on écrivait avecque.
Si plusieurs sujets d'une proposition sont lies
par la préposition avec, c'est le premier sujet
qui règle l'accord, sans aucun égard pour le
genre ni pour le nombre des sujets liés au pre-
mier sujet par la préposition avec : Presque toute
la Livonie, avec l'Estonie entière, avait été
abandonnée au roi de Suède (Volt., Hist. de
Russie., part. I, chap. XL)
Avenant, A venante. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un air avenant, des manières ave-
nantes. 11 est familier.
Avenir. V. défectueux de la 2= conj. Il ne se
dit plus guère qu'aux troisièmes personnes du
singulier,"encore est-ce dans le style marotique :
H avint, il aviendra, qu'il avienne. Il avintque,
s'il avenait que.
L'Académie dit je 7/ie résous à tout ce qui en
peut avenir, et Kacine a dit dans Miihridiite
(act.I, se. 1,105) :
. . .Quelque mallieur qu'il en puisse avenir.
Mais, selon Voltaire, qu'il en puisse avenir est
une expression qui, peu digne de la haute poésie
du temps de Racine, serait à peine aujourd'hui
française.
Aventurier, Aventurière. Ce mot se prend
AVI
adjectivement; Rousseau a dit (liv. II, Epitre II,
78) :
D'un jeune lulenr la muse arenturiére ,
et La Bruyère : Combien de 7iiots aventuriers qui
faraissent subitement, durant Uti temps, et que
ictttàt on ne revoit plus! {De la Socù'té, p. 2G9.)
Cet adj. ne peut se niellre qu'après son siil)st.
Ateptir. V. a. de la 2" conj. Avertir quel-
qu'un de qtielque chnse ;jc ruts avertis que. . .
Féraud blâme Raynal d'avoir dit : Les sauvages
ont la vue, l'odorat, l'ouïe, tous les sens d'une
finesse, d'une suhlUilc qui les avertit de loin sur
leurs dangers et sur leurs besoins. De leurs dan-
gers et de leurs besoins dirait autre chose. Sur
les dangers, c'est-à-dire sur les circonstances de
leurs dangers; sur leurs besoins, c'est-à-dire sur
ce qui peut coiilril)ucr à satisfaire leurs besoins.
Je connais en général la situation où je suis, et je
n'en suis pas alarmé; mais je n'en connais pas
toutes les circonstances, toutes les chances, tous
les dangers. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire
de m'averlirde ma situation; mais il est bon de
m'avertir sur 7na situation, c'est-à-dire sur les
circonstances, sur les dangers de ma situation. Je
conviens que cela ne se dit pas ordi.nairement ;
mais si celte expression rend une vue particu-
lière de l'esprit que l'on ne peut rendre autre-
mont en aussi peu de mots, pourquoi ne l'adop-
terai t-on pas?
Aveugle. Ce mot, pris adjectivement, peut se
mettre avant ou après son subst. dans le sens fi-
guré : Des désirs aveugles, d'avevgles désirs ;
Il ne soumission aveugle, une aveugle soumission.
Au propre, ilsuit son subst. : Un homme aveugle.
— Au figuré, aveugle régit sur : On est aveugle
sur ses défauts, clairvoyant sur ceux des autres.
A l'.Vvecgle, EN Aveugle. Façons de parler
adverbiales. L'Académie ne met aucune diffé-
rence entre tlles. Bouhours prétend qu'on doit
dire faire les choses en aveugle, et non pas à l'a-
veugle; et Racine a dit dans Andromaquo (act. I,
se. I, 97) :
Puisque après tant d'efforts ma résistance est vaine,
Je me livre en aveugle au transport qui m'entraîne.
Beauzée a mieux jugé de celte expression. Se-
lon lui, à Vaveuglc marque un défaut d'intelli-
gence; aveuglément, un abandon des lumières
de la raison : Qui agit ci l'aveugle, ne voit pas ;
qui agit aveuglément, ne veut pas voir.
AvEUGLEiiExM. Subsl. m. Les grammairiens di-
sent que ce mot ne se dit point au propre; ce- •
pendant on le trouve en ce sens dans plusieurs
ouvrages de médecine. Aujourd'hui ce mot ne se
dit qu'au figuré, pour exprimer la privation des
lumières de la raison ; et on cuipluic cécité au
propre : La seule incommodité à laquelle les La-
pons soient sujets, c'est la cécité. (Buffon , De
VHomvie, t. X, 376.)
Plus d'un charmant ouvrage
Était perdu pour moi ; mais à ma cécité
Ta secourabîe voix en transmet la beauté.
(Delille.)
Aveuglément. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il s'est jeté aveuglé-
ment dans le danger, ou il s'est aveuglément
jeté dans le danger. Voyez A l'Aveugle.
Avide. Adj des deux genres, .-iric/e, signifiant
au propre un désir immodéré de boire et de man-
ger, se dit absolument ; mais au figuré il régit
AVO
87
de : Avide de gloire, iï'honncurs, etc. Il peut pré-
céder son subst., lorsiiu'il a avec lui une analo-
gie étroite. On ne dit pas vn avide homme, mais
on dirait une avide soif de richesses. Avide et
soif oui une analogie étroite. \\})q/. Adjectif.
Avidement. .\dv. Il se met tiuclqucfuis entre
l'auxiliaire et le participe : Ils ont bu avidement,
ou ils ont avidement bu.
Avilir (s'). \ . pronom, qui régit la préposition
à, avant un infinitif.
La vertu s'mvilit à se justiner.
(Volt., QEd., act. II, se. iv, 76.)
Et, sans jamais t'afi7i> à répondre,
Laisse au mépris le soin de les confundrc.
(GnESSET, Epttre à ma llusc, -iTô.)
« Ce n'est point là ce qu'on peut appeler un ré-
gime du verbe s'avilir. La préposition devant
l'infinitif est employée ici dans le sens du géron-
dif, en se justifiant, en répondant. Ainsi, dans ce
vers de Corneille :
 vaincre sms péril on triomphe «ans gloire,
(Cid, acl. II, se. ii, 3S.|
on retrouve la même tournure, et jamais personne
ne sera tenté d'y voir un régime.» (A. Lemaire,
Grammaire des Gramm., pag. 607.)
Aviuss.iNT, Avilissante. Adj. verbal tiré du
V. avilir. Une situatioji avilissanle, une dépen~
dance avilissante. 11 suit ordinairement son
subst.; mais il y a des occasions où il pourrait
le précéder: Quelle avilissante précaution! Voy.
Adjectif.
Avis. Subst. m. Le s final ne se prononce point,
à moins qu'il ne soit suivi d'un mot (jui com-
mence par une voyelle ou un h non aspiré : Un
avis important.
Aviser. Y. a. de la 1" conj. L' .académie pré-
tend qu'il se dit familièrement pour apercevoir
de loin, et elle donne i)our exemple: Je l'avisai
dans la foule. On le disait autrefois en ce sens,
mais aujourd'hui il est absolument hors d'usage.
Aviver. \. a. de la 1" conj. Roucher, dans
son poëme intitulé les Mois, a employé ce mot en
un sens qui n'est point usité ; il a dit en parlant
du printemps (I, 133) :
Tout germe devant lui, tout se meut, tout s'ofive.
Le mot s'aviver, dit-il, révoltera sans doute;
mais je prie ceux qui le proscrivent d'observer
qu'il manque à notre langue. En effet, revivre,
s'animer, n'ont i)asle même sens ni la même éner-
gie que s'aviver.
Avocasser, V. a. de la l'^conj. Mercier pré-
tend qu'on peut l'employer pour signifier la ma-
nière ridicule dont (lucbiues avocats emploient
un style ampoulé dans les causes les plussim|)lcs.
Vn avocat, dit-il, commença un mémoire en ces
termes : Les couturières ont gémi trop longtemps
sous l'empire des tailleurs ; les temps sont arri-
vés où cet abus doit cesser. C'était plaisamment
avocasser. L'Académie \e déi\ml faire la profes-
sion d'avocat. Elle ajoute qu'il est familier et ne
se dit guère que par déniirremcnt.
Avoi.NE. Subst. f. L'Académie dit que quel-
(jues-uns prononcent encore aveine. 11 n'y a que
les gens de la campacne et les garçons d ccune
qui "disent aveine. il n'a de pluriel qu'en parlant
des avoines quand elles sont encore sur pied : Les
avoines sont belles, on commence à faucher les
avoines. Je crois ceiicndant qu'en termes de com-
88 HAC
inercc on peut dire j7 a acheté des avoines, pour
signilicr dos avoines de diffcrenlcs csiiéccs, cl
achclécs a divers marchands.
A^olK. V. a. et auxiliaire. Pour sa conjugaison,
voyez Auxiliaire. C'est un verbe irrégulier de
la Iroisicine conjugaison.
Ce verbe signilie dans l'origine posséder: Avoir
une maison- Mais dans la suite on l'a étendu à
d'autres usages, cl on a dit j'ui faim, j'ai s'df,
eij'ai mangVyj'ai chanté. Assurément il y a loin
de j'ai une maisi'H ii j'ai mangé ; imùs\ii verhc
avoir conserve, même dans cette dernière phrase,
des traces de sa signification primitive. J'ai
mangé, c'est je i)osscde l'action de manger, con-
sidérée connue passée.
Avoir se joint avec un grand nombre de noms
«tnployés sans article, avoir faim, avoir soif,
avoir envie; ou avec l'article, avoir la gloire,
avoir la honte, avoir la douleur. Dans ces der-
niers exemples, il demande de après le substantif :
Avoir la patience d'attendre, le plaisir de vain-
cre, etc. On dit aussi avec la préposition de, avoir
du plaisir, avoir de la peine ; et alors à se met
après le substantif, quand un verbe doil suivre
ce substantif.
On (i\[j'(ti à vous parler, j'ai à le remercier,
j'ai des lettres à écrire, des visites à rendre.
Alors les noms qui sont les régimes de l'infinitif
se mettent avant ces infinitifs, cl immcdialemenl
après avoir, comme s'ils étaient les régimes de
ce verbe.
BAI
Avoir joint à y se dit impersonnellement dans le
sens du verbe être. Il y a, il y avait, est le sens
du verbe être. C'est unetiucslion parmi les gram-
mairiens de savoir s'il faut dire il y eut cent
hommes tués, ou il y eut cent hommes àc tués,
c'est-à-dire si la jtréposition de est nécessaire ou
non dans ces sortes d" pinases. 1,' Académie, loin
d'éilaircir celle difficulté, ne donne d'exemple
ni de l'une ni de l'autre manière. Du temps de
Yaugelas, les sentiments et l'usage élaie./l parta-
gés. \oici les règles qui servent'aujourd'hui de
guide. Quand le substantif précètlc l'adjectif ou
le participe, il ne faul pas mettre la j)réposition
de. Ainsi il faut d\rc il y eut cent hommes tués.
Mais quand le substantif est sous-entendu, ou
qu'il est remplacé par le i)ronom en, il faul met-
tre la préposition. On dira donc, il y eut cent
hommes tués, et deux cents de blessés ; ou il y
eut cent hommes tués, et il y en eut deux cents
de blessés.
; On dit il y a de l'injustice, il y a de la cruauté
' à, etc. Voyez Auxiliaire.
Avril. Subst. m. L'Académie dit qu'on mouille
le l final. Nous pensons que celle décision est
contraire à l'usage. On prononce le l, mais sans
le mouiller.
Axe. Subst. m. On prononce acse.
AziME. Adj. des deux genres. 11 ne se met qu'a-
près son subsl. : Les pains azimes.
B.
B. Subsl. m. C'est la seconde lettre de l'alpha-
bet, et la première des consonnes. On proncnoeie.
Le Sun naturel de celle lettre est comme dans
Babylone, béat, bizarre, bonnet, butin.
I.ei conserve toujours la prononciation qui lui
est propre, soit au commencement, soit au milieu
des mots, excepte devant s et t, où on le prononce
comme \inp. Quoi(]u'on écrive observer, obtenir,
absent, avec un b, on doil prononcer opservcr,
optenir, apsent.
Le b final ne se prononce point dans plomb,
mais il se prononce dans les noms propres, Joab,
Moub, Job, .lacob, et dans radoub et rumh. « L'A-
cadémie n'indicpic pas la prononciation du mot
nabab ; le b final doit être articulé, comme aussi
dans rot; maisil ne sonne pas dans Doubs.» (A.Le-
maire, Grammaire des Grammaires, \). 3<i.) —
Quand le b est redoublé, comme dans sabbat,
rabbin, abbé et ses dérivés, on n'en prononce or-
dinairement (lu'un.
B est la maniuede la monnaie de Rouen; BB
est la niai(iuc de celle de Strasbourg.
Babil. Subsl. m. On mouille le l. H est fami-
lier.
Babillard, Babillardf,. Adj. Il suit son subsl. :
Un homme babillard, une femme babillarde.
On (lit que la joie est babillarde, pour dire que
l'on aime à faite part aux autres de la joie que
l'on éprouve.
Bac. Subsl. m. Le c se fait sentir.
Baccalauréat. Subsl. m. Les deux c se pronon-
eenl.
Bacchanale. Subst. f. On prononce baccanale.
Bacchante. Subsl. f. On \tvowmcç. baccante .
Bachique. Adj. des deux genres. 11 suit ordi-
nairement son subst. : Fête bachique, chanson ba-
chique
Badacd Subsl. m. Le c? final ne se prononce
point. En parlant d'une femme, on dit badaude.
Badin, Badine. Adj. 11 se mcl après son subst.:
Un hommç badin, un air badin.
Bahut. Subst. m. Le t ne se prononce pas. Ce
mot est vieux et ne se dit plus que des coffres
laits dans le goût anticpie.
Baie. Subst. f. Le golfe diffère de la baie en ce
qu'il est plus grand et la baie i)lus petite. Il y a
pourtant des ex<'eptionsà faire, et l'on connaît des
baies plus grandes que certains golfes, et qui, par
consé<|uenl, méritent mieux d'être a|ipelées gol-
fes : telles sont la baie de lludson, la baie de Baf-
fin, etc. Mais on leur a donné cette qualification
de baie avanl d'en avoir connu l'étendue; cl
d'ailleurs les navigateurs (jui font les premières
découvertes n'y regardent pas de si prés, et ne
cherchent pas tant de justesse dans les dénomina-
tions.
Manse est une espèce de golfe, mais plus petit
encore que la taie.
Baigner. Y. a. de la 1" conj. On mouille le ^n.
On a dit au figuré se baigner dans le sang :
Une impie élranjère
Du sceptre de D.ivid usurpe tous les droits,
Se baigne iTipuncment dans le sang de nos rois.
(Ric, Àth., act. I, se. I, 72.)
Dans le sang innoccnl la main va se baigner.
(Volt., Ah., aci. V, se. v, 12.)
On ne dit pas je vais baigner, allons baigner;
mai.> j'e vais vie baigner, allons noris baigner.
BAL
Baignoire, Bvigneui;, Baignelsc. Dans ces trois
mots 011 inouillc^H.
Bail. Sulist. m. Il fait au pluriel baux.
Bâillement. Subsl. m. Ternie de gramm. 11 y a
bàilleuiciil toutes les fois ([u'uii mol terminé jiar
UDCvoyclle esi suivi d'un aiiire iiiotcuiiconimenee
par une voyelle, eomme dans il m'vbliffCà à y al-
ler. Alore la bouelie demeure ouverte entre ces
deux voyelles, par la nécessilé de donner pas-
sage à l'air (]ui forme l'une, puis l'auire, sans au-
cune consonne inlcrmédiaire. Ce concours de
voyelles est plus pénible à exécuter pour celui
qui parle, et par conséquent moins agréable à en-
tendre pour celui qui écoule; au lieu qu'une con-
sonne faciliterait le passage d'une voyelle a l'au-
tre. C'est ce qui a fait que, dans toutes les lan-
gues, le mécanisme de la |)arolc a introduit ou
l'élision de la voyelle du premier mol, ou une
consonne euphonique entre les deux mots. En
français, excc|)té dans quelques monosyllabes, on
ne fait usage de l'élision que lorscjue le mot suivi
d'une voyelle est terminé par un c muet : Une sin-
cère amiliè, i)rononcez une sincer-aviitié- Dans
siil, on clide \'i, on écrit et on prononce s'il. On
dit aussi m'amie, dans le style familier, au lieu de
vta mie, ou mon amie. Is'os pères disaient ?«'«-
viour.
Nos voyelles sont quelquefois suivies d'un son
nasal, qui fait qu'on les appelle alors voyelles na-
sales Ce son nasal est un son qui peut élrc conti-
nué, ce qui est le caractère disiinclif de toute
voyelle. Ce son nasal laisse donc la bouche ou-
Verle, etquoiiiu'ilsoil marqué dans l'écriture par
un n, il est une vériudjie voyelle; et les poètes
doivent éviter dcle faire suivre par un mot qui
commence par une voyelle, à moins que ce ne
soit dans les occasions ou l'usage a introduit un n
euphonique entre la voyelle nasale et celle du mol
qui suit; [)ar exemple, un enfant. Ion homme, on
a, se prononcent comme unn-enfunt , lon-n-
Tiojnme, on-n-a, elc. Mais si le sulistantif pré-
cède, il y a ordinairement un bâillement : U/i ty-
ran odieux, un entretien honnête , cic. On nodii
pas un tyran-n-odieux , un entretien-n-ltr.ji-
nêle, etc. (Dumarsais.) Voyez Hiatus, Jpostri-
phe.
Baille!!. V. a. de la J" conj. Respirer en ou-
vrant la bouche involontairement.
Bailler. V. a. de la 1" conj. Il est vieux, et
on ne s'en sert plus guère qu'au barreau. 11 se
disait autrefois pour donner : Baillera ferme.
Bailleur. Subst. m. Qui baille fréquemment.
Au féminin, bâilleuse.
Bailleur, Bailleresse. Substantifs, l'un mas-
culin, l'autre féminin. Qui baille à ferme. Ou dit
bailleur de fonds, bailleresse de fonds.
*Bain-Marie. Subsl. m. Il fait au pluriel des
bains-Marie. Voyez Composé.
Baisecr. Subsl. m. Baisedse. Subsl. f. L'Aca-
démie l'indique adjectif, et donne pour exemple
tm grand baiseur, où il est substantif.
Bal. Subsl. m. 11 fait au pluriel bals et non pas
baux.
Voltaire l'a employé figurcmenl dans les vers
suivants [Premier Discours sur l'homme, k ) :
Ce monde est un grand hal où des fous d(>guisés
Sous les risibles noms d'éminence et d'allesse.
Pensent entier leur être et hausser leur bassesse.
Balance. Subst. f. Ce mot s'emploie souvent
au figuré :
B.Ul 89
Ma gloire inléressce emporte la haXantt.
(Rac, Ifhig., a,-l. IV, se. Tll, 6.)
.... Le dieu vengeur de l'innocence,
Toulprél i le juger, lient déjà U 6a<anc..
(lUc, Eilh., acl. V, ic. II, 15.)
Penses-lu qu'un instant m» vertu démentie
Eût mis dans la balance un homme ot la patrie?
(Volt., Mort dà Citar, acl. lit, se. ii, 40.)
Balayer. V. a. de la !"■ conj. Dan-, la conju-
gaison de ce verbe on conserve toujours Vy qui
se trouve dans l'infinitif, excepté av.mt e, es, ent
où l'on fait usage do Vi sinqiie : Je balaie, tu ba-
laies, il balaie, ils balaient; je balaierai, Je ba-
laierais.
Ballade, Ballant, Balle, Baller , Ballet,
Ballon, Ballot, Ballottage, Ballotte, Bal-^
LOTTER. Dans tous ces mots on ne prononce
qu'un l.
Balsamine. Subst. L On prononce balzamine.
Balsamique. Adj. des deux genres On pro-
nonce bulzamique. Cet adj. suU ordinairement
son subst. : Odeur balsamique, vertu balsamique.
Banal, Banale. Adj. U se met ordinairement
après son substantif. L'Académie ne donne point
d'exemple du pluriel masculin; mais je (lense
(lu'on peut dire cl qu'on dit des funrs banaux
des vtovlins banaux. — Dans sa dernière édi-
tion, l'Académie admet ce pluriel.
Banc. Subsl. m. Le c ne se prononce pas.
Bandit. Subst. m. Le t ne se prononce pas. Il
ne sedil point au féminin.
Banne, Bander, Banneret, Ban\eton, Ban-
nù-.re, Bannir, Bannissable, Bannissement. Dans
tous ces mots on ne prononce qu'un n.
Baptême, Baptiser. Dans ces deux mots on ne
prononce [loinl le p.
Baptismal, Baptismale. Adj. I.cp se prononce.
— L'Académie, dans sa dernière édition, dit qu'il
ne se prononce pas. Il se inel après son subsl.,
et fait baptismaux au pluriel masculin : Fonts
baptismaux.
Baptistairi:. Adj. (jui se met toujours après son
subst. '.Extrait baptistaire, registre baptislaire.
On ne prononce pasleju.
B\PTisTi;RE. Subst. m. Le ju ne se prononce,
point.
Barbare. Adj. des deux genres. 11 peut se met-
tre avant son subsl , lorsqu'il a avec ce substantif
une analogie clroile. On ne dit pas un barbare
homme, mais on pourrait dire, dans un cas con\ e-
nabie, cette barbare conduite \'oyez .adjectif.
Cet adjectif se dit en grammaire des termes et
des constructions inusitées; et en lilléralure, des
ou\rages où l'on ne remarque, d'un bouta l'autre,
ni art, ni goùl, ni génie. 11 ne faut donc pas
prendre à la lelire ce que dit Boileau (//. P., 111,
243);
D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre
Ecnd un poème entier ou burlesque ou barbare^
Il y a des poèmes où l'on trouve quelques mots
durs ou bizarres, et qui ne sont pas pour cela des
poèmes barbares.
B,iRBAREMENT. Adv. II uc sc met guère qu'a-
près le verlie. // a été traité barbaremenl. H est
peu usité.
Barbarisme. Sulist. m. Faute contre la pureté
de la langue. On fait un bariiarisinc, 1" en se ser-
vant d'un mot qui n'est pas du dictionnair'î de la
90
BAS
longue; c7 ^7 /«•;-, au lieu de Zokc/-; /jor con<r<?, au
lieu de nu contraire, elc. ; 2" en prenant un mot 1
dans un sens différent de celui qu'il a dans l'usage '
ordinaire, comme quand on se sert d'un adverbe ,
comme d'une préiwsiliun ; par exemiilc : Il est ar- \
rivé auparavant midi, youv avant midi; dessus
la table, pour sur la table; o en usant de cer-
taines façons de parler qui ne sont en usage que
dans une autre langue; comme quand on dit je
suis sec, pour &ivc j'ai soif.
Voltaire dislingue les barbarismes de mots et i
les barlxirismes de phrases. Egaliser les fortunes,
jiour épaler les fortunes; au parfait, au lieu de
jarfailement; éduqucr pour donner de V éduca-
tion, élever; voilà des barbarismes de mots. Je
crois de bien faire, au lieu àcje crois bien faire;
encenser aux dieux, pour encenser les dieux;
je vous aime tout ce qu'on peut aimer; voilà des
i)arbarismes de phrases. [Remarques sur le Cid,
acl. II, se. V, 22.) , .
Barboter. V. a. de la 1'^= conj. I,' Académie ne
dit pas qu'on peut remployer au figuré; il est
employé de cette manière dans les vers suivants :
ÂTant qu'un Allemand IrouTâl l'imprimerie.
Dans quel cloaque affreux barbotait ma patrie !
(Volt-, EpUre C, 117.)
Bargcignage. Subst. m. On mouille gn.
Bargcigser. V. a. de la i" conj. On raoudle
çn. On dit barguigner avec quelqu'un, il ne faut
pas tant barguigner pour
Il n'est plus temps q\i'avec moi l'on barguigne.
(Volt., Enf. prod., acl. II, se. vi, 87.)
I
Il est familier.
Barguignedr, Barguigneuse. Substantifs. On
mouille j7rt.
Baril. Subst. m. Le l ne se prononce pas.
Baroque. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Un goût baroque, une musique baro-
que. Cette baroque cérémonie.
Barre, Barread, Barrer, Barrette, Barri-
cade , Barricader , Barrière, Barrique, *Bar-
RCRE. Dans tous ces mots on ne prononce
qu'un r.
Barrière. Subst. f. Racine a employé ce mot
heureusement dans Bajazet et dans Briian-
nicus:
Des mm s de ce p.ilais ouvrez-lui la barrière.
[Bajaz., act. I, se. Il, 26.)
La barrière des murs est une expression très-
juste eu égard aux inurs du sérail.
Ai-je donc élevé si liant votre fortune,
Pour mettre une barrière entre mon fils et moi?
[Britann., act., I, se. Il, 16. J
Bas, Basse. Adj. On ne prononce le 5 du mas-
cidin que devant un mot qui commence par une
voyelle. On dit mie idée basse, une expression
basse, et dans cette acception, bas est synonyme
de trivial La bassesse des idées, des expressions,
est une bassesse de convention ou de mode. Telle
expression est liasse aujourd'hui qui ne l'était
pas il y a deux siècles. On trouve dans Molière
plusieurs expressions qui ne choquaient point de
son temps, et dont on ne peut plus aujourd'hui
faire usage sur le tliéâlre.
11 n'en est pas de même des choses qui sont
basses de leur nature. Elles peuvent plaire, lors-
BAS
qu'elles sont ennoblies par l'expression. Est-il
rien de plus bas inorale;iient que le caractère de
Narcisse? Cependant i)ar la manière dont i'a
traité Racine, il a autant de noblesse que celui
d'Agrippinc ou de Néron.
Cet adjectif peut se mettre avant son substantif,
lorsqu'il a une analogie étroite avec ce substantif.
On ne dit pas un bas homme , une basse feinme;
mais on dit une basse envie, une basse jalou
aie. "N'oyez Adjectif.
Corneille a dit dans Pompée (act. IV, se. iv,
12):
Mettant leur liaine bas.
Mettre bas, dit Voliaire, ne se dit plus, et n'a
jamais été un terme noble. {Remarques sur Cor-
neille.) Il se prend adverbialement : Ces dames
parlent bas.
* Baser. V. a. de la l""' conj. Il y a quelques
années qu'on inséra dans un journal des observa-
tions sur ce mot. On prétendait (ju'il est ignoble
et plat, qu'il a pris naissance dans la révolution,
et qu'il n'a été recueilli que par lepércDuchesne
et les farauds de la Courlillc.
Ce mot n'cbi point ignoble et plat, comme le
prétend l'auteur de cette critique. Il vient du
mot base, et l'on n'a jamais rien trouvé d'ignoble
et de bas dans les expressions suivantes : base
dorique, base coriniliienne, la buse de la jus-
tice, clc; il n'est pas vrai non plus que ce mol
ait eu la révolution pour berceau. Féraud, qui a
publié son dictionnaire en l'7S7, dit qu'il est fort
à la mode, et l'Académie, dans son édition de
J7&8, n'a pas manqué de le recueillir. Dans son
édition de 18jo, elle ne l'a pas admis.
Bas-fond, Bas-relief. (îiacun de ces mots
est composé d'un adjectif et d'un substantif, qvA
doivent prendre l'un et l'uutre la marque du plu-
riel : Bes bas-fonds, des bas-reliefs.
Basse-coktre. Subst. f. Voix qui est opposée,
qui est contre une autre sorte de voix. Ce mol
doit donc l'aire au pluriel d^cs basses-contre.
Basse-cotjr, Bassf. -fosse. Chacun de ces mot<-
est composé d'un adjectif et d'un substantif qui
' doivent prendre l'un et l'autre la maniue du plu-
I riel. : Des basses-cours, des basses- fusses.
Bassement. Adv. Onjjeut le mettre entre l'auxi-
' liaire et le participe : Il s'est conduit bassement,
I il s'est bassement conduit.
\ Bassesse. Subst. f. Il ne se dit qu'au figuré : La
' bassesse des scnliments. Quand il signifie senti-
ment bas, état bas, il ne prend point de pluriel :
Lu bassesse de .s n ci/ne. Quand il se dit des ac-
tions qui sont l'cITel de cesenlimenl, il en prend
un -.Commettre des bassesses — «La distinction
ne nousparait pas assez bien établie. Quand le mot
bassesse ïnûii]\ic le vice qui porte à des actions
indignes d'un honnête homme, il n'a pas de plu-
riel ; commeaussi lorsqu'il désigne le plus humble
decré de la naissance : la bassesse de leur âme,
la "bassesse de leur origine. .Mais quand il signifie
des sentiments bas, il me semble qu'on peut du-e
avec Boileau (A. T., IV, lit)) :
Le vers se sent toujours des bassesses du cœur. ■>
(A. hEimiT.E, Grammaire des Grammaircn, p. 141.)
On dit la bassesse d'une pensée, d'une expres-
sion, d'un mot, d'une tournure, en parlant d'une
pensée, d'une expression, d'un mol, d'une tour-
nure qui n'est en usace que parmi le bas peuple,
ou qui est au-dessous du sujet que l'on iraile,
BAT
ou du genre dans lequel on écrit. On dit la bas-
sesse du style, pour indiquer un style caraclfrisù
par ces sortes de défaut.
Quoi que TOUS écriviez, évitez la bassesse.
(BoiL., .1. P., I, 79.)
Il arrive que dans une langue, l'opinion attache
du ridicule ou de la bassesse a des images qui,
dans une autre langue, n'ont rien que de noble et
de décent. Kn ce sens ce mot n'a point de plu-
riel. Voyez Bas.
Basse-taill p, Bas-ventre. Cliacun de ces mots
est composé d'un adjectif et d'un substantif qui
doiventiprendrerunet l'autre la marque du pluriel.
Bat. Subst. m. Queue de poisson. Ou prononce
le t.
Bat. Subst. m. Selle pour les bétes de somme.
Le t ne se prononce point.
Bataille. Subst. f. On dit livrer bataille, mais
on ne dit pas présenter bataille, donner bataille.
Il faut dire /3)'t'se7j/(?r la bataille, donner la ba-
taille. — Dans sa dernière édition, l'Académie
n'admet pas présenter bataille, mais elle admet
donner bataille. On dit, en parlant d'une armée,
le corps de bataille, et non pas le corps de la ba-
taille. On dit aussi champ de bataille, cheval de
bataille.
Bataillcdx, Batailleuse. Adj. Ce mot n'est
point usité. J.-J. Rousseau l'a employé au fémi-
nin dans ses Confessions. En parlant d'un des
ouvrages de sa jeunesse qui annonçait du talent
pour la satire, il dit : J'ai le cœur trop peu hai-
neux pour vie prérahir d'un pareil talent ; mais
je crois qu'on peut juger par qxtelques écrits po-
lémiques faits de temps à autre pour ma dé-
fense, que si j'avais été d'humeur batailleuse,
mes agresseurs auraient eu rarement les rieiii's
de leur coté. (Part. I, liv. IV, l. XIV, p. 209.)
Bâtard, Bâtarde. Adj. Il suit ordinairement
son subst. : Un arbre bâtard, un fruitbâtard. Dans
le sens de qui est né hors de légitime mariage, ce
mot est devenu une injure, et n'est plus usité
dans le langage ordinaire. On dit enfant ?iaturel,
ou enfant né hors mariage.
Batt. Dans tous les motsqui commencent ainsi,
on ne prononce qu'un t, excepté dans battologie.
Battologie. Subst. f. Terme de grammaire et
de littérature. On prononce les deux t. On désigne
par ce mot un des vices de l'élocution, qui con-
siste dans une multiplicité de paroles qui ne
disent rien. C'est une abondance stérile de mots
vides de sens. Voyez Amplificateur, Amplification.
Battre. V. a. et irrégulier de la k' conj. Il se
conjugue de la manière suivante.
IndT —Présent. Je bats, tu bats, il bat; nous
battons, vous battez, ils battent. — Imparfait. Je
battais, tu battais, il battait; nous battions, vous
battiez, ils battaient. — Passé simple. Je battis,
tu battis, il battit; nous battîmes, vous battîtes,
ils battirent. —Futur. Je battrai, tu battras, il
battra; nous battrons, vous battrez, ils battront.
Conditionnel. — Présent. Je battrais, tu bat-
trais, il bâtirait; nous iiattrions, vous battriez,
ils battraient.
Impératif. — Présent. Bats, qu'il batte ;
battons, battez, qu'ils battent.
Subjonctif. — Présent. Que je balte, que tu
bJttes, qu'il balte; que nous battions, que vous
battiez, qu'ils battent. — Imparfait. Que je bat-
lisse, que tu battisses, qu'il battit; que nous
liattissions, que vous battissiez, qu'ils battissent.
Participe. — Présent. Battant. — Passé.
Battu, ue.
BEA
91
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
* Bavardise. Subst. f. rr..pos de bavard. Ce
mot n'est point usité. On dh harardage. Cepen-
dant J.-J. Rousseau a dit : Echauffez mire tête
et travaillez, (Vij/,ï aurez bientôt nubliv nu par-
donné ce.i bavardises de société.
BAviax, Baveuse. Adj. 11 ne se met qu'aprcs
son subst. : Un enfant baveux.
Bayer. V. n de la l"' conj. On prononce hé-îc.
Dans la conjugaison de ce verbe on coiiscr\'c
toujours \'ij ((ui se trouve dans l'iniinitif, excepté
avant e, es, ent : Je baie, tu baie.'i, ils baient ;je
baierai, etc. Bayer aux corneilles, s'amuser à
nçiarder en l'air niaisement.
.\llons, TOUS, vou.-- rèvei, el baya aux corneilles.
(Mol., Tartufe, ad. I, se. l, 168.)
BÉANT, Béante. Adj. verbal, tiré de l'ancien
verbe béer, qui n'est plus usité. Il se met après
son subst. : Gouffre béant, gueule béante.
Delille a dit lèvi-es béantes {Enéide, VI, 631) :
D'autres veulent crier, et leurs voix JéfaiUanlcs
Expirent de frayeur sur leurs lèvres béantes.
Béat. Subst. m. Béate. Subst. f. Il se dit par
dénigrement de ceux qui affectent un airde mys-
ticité dans leurs actions et dans leurs discours :
Faire le béat.
BÉ.VTIF1ER. V. a. de la 1" conj. Il y a celte dif-
i'érence entre béatifier et canoniser, que par la
première action, le pape ne prononce que comme
personne privée, et use seulement de son autorité
pour accorder à certaines personnes, à un ordre
religieux, à une communauté, le privilège de
rendre au béatifié un culte particulier. Au lieu
qu'en canonisant, le pape parle comme juge, après
un examen juridique , et détermine l'espèce de
culte qui doit être rendu au nouveau saint par
l'Eglise universelle.
Beau, Belle. Adj. Lorsqu'il est seul, il se mei
avant son subst : Un beau bâtiment; lorsqu'il es!
suivi d'un autre adjectif, il se met après : Une
maison belle et commode. Cette règle dérive de la
règle principale du langage, qui veut que les
idées qui ont des rapports soient présentées dans
la plus grande liaison possible. Quand je dis une
belle maison, l'adjcclif est immédiatement lié à
son substantif; mais dans une belle et commode
maison, celte liaison n'est pas si étroite, parce
que l'esprit est obligé de se porter sur deux mots
vagues avant de savoir à quel substantif ils ont
rapport.
Cet adjectif a deux masculins ausiDgulier,ôca«
el bel. On met le premier devrait les noms qui
commencent [lar une consonne, et le second de-
vant ceux qui commencent par une voyelle .
UnbeauchiUeau, un tel empire. Celte distinction
n'a lieu que pour les substantifs; car on dit beau
à voir, et non pas bel d voir. On dil aussi beau et
bon. \o)C7. Adjectif.
On dit avoir beau pour marquer des efrorls
continuels cl inutiles, pour faire faire une chose
ou pour l'empôcber.
C'est un gallicisme :
Crois que dorénavant, Cliimcne a beau parler;
Je ne l'ccouU plus que pbur la consoler.
iCoRN., Cid,acl. lY, se. ui, ii.)
J'ai beau faire el beau dire afin de l'irriter,
Il m'écoute si peu qu'il me force à douter.
[Cous., Iléracl., acl V, se. 11,25.)
92
BEA
On a beau étudier les hommes et les appro-
fondir, on s'y mécompte tous les jours [Y cwcX.,
Télém., liv. AU, t. II, p. 30). Il eut beau dire
que les Volontés sont libres et t/ii'il ne voulait iri
l'un ni Vautre , il fallut faire un choix (\ult.,
Candide, cliap. ii, l. l.N], p. 235) . Je serai
toujours ioire ; j';uii'.ii beau être tenté parla
bonne chère, par des vins délicieuar, par la sé-
duction de la SI cil' lé ; je n'aurai qu'a me repré-
senter les suites desexcès. ..je ne mangerai alors
que pur le besoin (A'oll., Memvon, t. LVI,
p. 157).
Bealcolp. Adv. Ce mol, coiisidOré comme ad-
verbe de (luanliié, régit la pré|)Osilioii de : Beau-
coup de monde, beaucoup d'esprit, Cic.
Ce mol, employé pour plusieurs, ne doil pas
être n)is seul; il faul y i\'}ou[er personnes oupens.
II ne faul doue pas dite beaucuup pensent, beau-
coup sont d'avis; mais beaucoup de personnes
pensent, beaucoup de gens sont d'avis. Cependaiil
on peul dire c^l coiivcrsalion, jV/i connais beau-
coup qui se persuadent, parce «[uc le pronom en,
qui est devant beaucoup, fait sous-entendrc le
TDOl personnes.
Lorscjue ce mol est suivi d'un subslanlif mis
au pluriel, le verbe se met au même nombre :
Beaucoup de gens pensent... Lorsqu'il esl suivi
d'un subslanlif mis au singulier, le verbe se met
au singulier : Beaucoup de monde se plaignait.
Veyez Accord, Adverbe.
Beaucoup, joint à un autre comparatif, mar-
que une augmcnialion considérable. S'il esl mis
après le comparatif, il doit toujours élre précédé
de la préposition de : Vous èles plus savant de
beaucoup; s'il esl devant, on peut le mettre avec
la préposition de ou sans celle préposition : Vous
êtes beaucoup plus savant que lui ; ou vous êtes
de beaucoup plus savant que lui. La seconde
manière dit plus (]ue la première.
On dit il s'en faut de beaucoup, quand on veul
exprimei' que la quanlilé qui devrait être dans
un objet n'y esl pas : Il s'en faut de beaucoup que
vous ne m'ayez payé tout ce que vous me devez.
On dit il s'en faut beaucoup quand on veul ex-
primer une grande différence entre deux choses
ou deux personnes : Il s'en faut beaucoup qu'il
soit aussi sage que son frère. Il s'en faut beau-
coup que cette étoffe soit aussi bonne que l'autre.
BEAt-FILS, BEAU-FRKfîE, BlCAU-Piir.E. CeS mOtS
étanl composés d'un subslanlif et d'un adjectif,
l'un el l'autre doil prendre la maniue du pluriel :
Des beaux-fils , des beaux- frères, des beaux-pères.
Beauté. Subsl. f.
Il la vit, mais au lieu d'oCTrir à ses beautés
Un hymen, etc.
(Rac, ilithrid., acl. I, se. 1,49.)
Autrefois on employait indifféremment le moi
beauté au pluriel ou au singulier, pour signifier
ce qui fait qu'une personne est belle. Mais au-
jourd'hui, en ce sens, on ne le met plus qu'au
singulier. On ne dit pas cette jeune personne a
des beautés ; il faut dire a c/e la beauté; mais on
dit qu'wn ouvrage a des beautés.
Pascal a dit : « Comme on dit beauté poétique ,
on devrait dire aussi beauté géométrique , el
beauté médicinale ; cependant on ne le dit [joint,
el la raison en esl qu'on sait bien quel esl l'ob-
jet de la gcomclrie, el quel est l'objet de la mé-
decine; mais on ne sait [las en quoi consiste l'a-
grément qui est- l'objet de la poésie. On ne sait
ce que c'e^l que ce modèle naturel qu'il faul imi-
ter; el faute de cette connaissance, on a inventé
BEL
de ccrlains termes bizarres, siècle d'or, mer-
veille de nos jours, fatal laurier, bel astre, etc.;
elon a|)[)elle ce jargon beauté poétique.» [Pensées.
l"part., art. x, § 25 )
On seul assez, dil Voltaire, combien ce mor-
ceau de Pascal esl |)itoyable. On sait qu'il n'y a
rien de beau, ni dans une médecine, ni dans les
l)ropriétés d'un triangle, et (]ue n')us n'appelons
beau que ce qui cause à noire àme et à nos sens
du plaisir cl de l'admiration. C'est ainsi que rai-
sonne Aristole; el Pascal raisonne ici fort mal.
Fatal laurier, bel astre, n'onl jamais été des
beautés poéticpies. S'il avait voulu savoir ce que
c'est, il n'avait qu'à lire les grands traits d'Ho-
mère, de \ irgile, d'Horace, d'Ovide, etc. [Dic-
tiiinn. phitosoph., '. .. Aristote.)
Bec. Subsl. m. On fait sentir le c. (Voyez Par-
ties des Animaux, i
BEC-D'A^E, Bec-de-cane, Bec-de-cygne, Bec-
DE-couBI^. Ces mots étant composés de deux sub-
stantifs joints par une préposition, il n'y a que
le |)remier substantif qui doive être au pluriel:
Des becs-d'âne, des becs-de-cane , des becs-de-
cygue, des becs-de-corbin.
Bec-de-grue. Subsl. f. Quoique ce nom soit
composé de deux substantifs, on ne dil pas des
becs-de-grue, parce que ce mot signifie une plante
à la totalité de laquelle on a donné ce nom. On
ne dil pas plus des becs-de grue que des mourons
ou des persils.
Becfigue. Subst. m. L'Académie l'écrit ainsi
dans sa dernière édition. Pluriel : Des becfigues.
Becquée. Subsl. f. L'Académie dil aussi bé-
quée. Ce dernier devrait être adopte, car c'est
ainsi qu'on piononce ce mot.
Bégayer, v. n. de la i'" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve toujours l'y qui
se trouve dans l'infinitif, excepté avant e, es, ent:
Je bégaie, tu bégaies , ils bégaient; je bégaie-
rai, etc. 11 s'emploie quelquefois activement
Toul cliarme en un enfant dont la langue sans fard,
A peine du Clet encor débarrassée.
Sait d'un air innocent bégayer sa pensée.
(BoiL., ÉpUre IX, 82.)
Bégueule. Subst. f. Voltaire l'a dit d'un
homme, en plaisantant : Non, mon cher, je ne
suis pas si bégvaulc ; je vous aime de tout mon
cœur, je travaille pour vous. (Volt., Corresp.)
Béjaune. Subst. m. Au propre, oiseau jeune
et niais. Au figuré, ce mol a été dit par cor-
ruption de bec-jaune, par allusion aux petits
oiseaux qui, avant d'être en étal de sortir du nid,
ont le bec jaune; et on la appliqué aux jeunes
gens simples el sans expérience. 11 se dil plus or-
dinairement des sottises el des inepties des igno-
rants et des gens sans expérience : On lui a mon-
tré son béjaune.
Bêlant, Bêlante. A dj. verbal tiré du v. bêler.
Il ne se met qu'après son subsl. : Des moutons
bêlants.
Bel-esprit. Subsl. m. On dit au pluriel des
beaux-esprits, en vertu de la règle qui veul que,
lorsqu'un mot est coniposé d'un adjeclif eld'un
subslanlif, on donne à l'un et à l'autre la marque
du pluriel.
Bellâtre. Subsl. in. Qui a un faux air de
beauté. Je ne crois pas que ce mot soit usilé au-
jourd'hui.
Belle-de-jour, Belle-de-ndit. Dans ces deux
subslaniifs composés, l'adjectif seul prendia mar-
que du pluriel : Des belle s-de- jour, desbelie.s-do-
nuit
BES
Belle-fille, Bellf.-mk.re, Bellk soeur. Ces mots
étant composés d'un siibslanlifet d'un ndjectif,
l'un et l'autre doit prendre la manpie du pluriel:
Les belles-filles, les belles-îiièrcs, les belles-sœurs.
Belligérant, Belligéhante. Adj. qui se met
toujours après son subst On prononce les deux l :
Les puissances belligérantes. Féraud prétend
que c'est un terme de gazette, et propose de le
remplacer par ht^lliqueux. Mais ces deux mots
signifient des choses différentes. Les puissances
belligérantes sont des puissances qui font ac-
tuellement la guerre, et qui peuvent ne pas être
belliqueuses ; car belliqueux signilic qui aime la
guerre, qui a les qualités qui rendent propre à la
guerre.
Belliqueux, Belliqueuse. Adj. On prononce
les deux l. On peut le mettre avant son subst.,
lorsqu'il a avec lui une analogie étroite. On ne dit
pas un belliqueux prince ; mais on peut dire une
belliqueuse ardeur.
Bellot, Bellotte. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. Il est du style familier.
Belvéder. Subst. m. Le ?'se l'ait sentir.
Bémol. Subst. m. 11 fait au pluriel, des bémols.
— Il S€ prend aussi adjectivement : Un si bémol,
un mi bémol, dessjbéinols
Bénédicité. ^uDst. m. Ce mot, étant tiré du la-
tin, ne doit pas plus prendre la marque du pluriel
que des ave et des te Deum : Des bénédicité.
Bénéficial, Bénéficiale. Adj Ce mol ne se dit
que des substantifs féminins matière et cause ; et
par conséquent il n'a point de pluriel au mascu-
lin. 11 suit toujours son subst.
Bénévole. Adj. des deux genres. En prose, il
se met après son subst. : Lecteur bénévole, audi-
teur bénévole.
BÉNir.NEMENT. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : On l'a traité bénignemetit.
Bémn, Bénigne. Adj. Au féminin, on mouille
^M. Il peut se mettre avant son subst., lorsque
l'harmonie et l'analogie le permettent : Une in-
fluence bénigne, cette bénigne influence.
Bénir. V. a. irrégulierde la 2'" conj. Son irrégu-
larité consiste en ce qu'il a deux participes passés.
Bénit, bénite, se dit de la bénédiction donnée
par les prêtres avec des cérémonies religieuses.
Du pain bénil, de l'eau bénite, un cierge bénit.
Venez voir mon église; elle n'est pas encore béni te.
{yo\\.., Lettre à M. Fernes. "25. Auguste 1/61.)
Béni, bénie, a toutes les autres signilîcations
de son verbe : Etre béni de Dieu et des hommes.
Des armes bénites par l'Eglise avec beaucoup
d'appareil, ne sont pas toujoues bénies du ciel
sur le champ de bataille.
Partout ailleurs bénir se conjugue comme em-
plir, et, comme le rcmartiue M. Boniface, on doit
écrire bé?ii, bénie, à tous les temps composés de
ce verbe actif, quel que soit d'ailleurs le sens
qu'on lui donne : L'eau que le prêtre a bénie.
Béquillard, Béquille, Béquiller, Béquillon.
Dans ces ijuatre mots on mouille les II.
Bercail. Subst. m. On mouille le L II n'a point
de pluriel.
Bercer. V. a. de lai" conj. Dans ce verbe, le
c a la prononciation de se; et, pour la lui con-
server à tous les temps et à toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on écrit
nous berçons , je berçais, je berçai, et non pas
nous berçons, etc.
Besoin. Subst. m. Besoin se dit de toutes les
choses nécessaires à l'homme pour satisfaire ses
besoins. L'Académie a omis cette acception, ou
niE
95
du moins l'a indiipiée d'une manière insuftisante
Je 7ne procurerai tous mes besoins, et pourvu
que je les aie, je ne me soucierai point que les
autres soient misérables. (Montesquieu, Lettres
persanes. ^
Avoir besoin de quelque chose. Je vous four-
nirai ce dont vous aurez besoin.
Bestial, Bestiale. Adj. Il n'a point de pluriel
au masculin. Fureur bestiale.
BrsTiALEMENT. Adv. Il lie se met qu';ipros le
verbe : // a toujours vécu bestialement.
Besthux, Bétail. L'Académie dit <pieiM/iat/x
signilie la même chose que bétail; que l'un est un
pluriel, cl l'autre un singulier. Féraud, déterminé
sans doute par ridenlilé de la signification des
deux mots, dit (juc bestiaux est le pluriel de bé-
tail. Je crois [)lulôt que bétail se dit de l'espcce,
le gros bétail, le petit bétail; et bestiaux des in-
dividus : Allez soigner les bestiav.r.
BÊTEMENT. Adv. Oii peut Ic iiiotlre entre l'auxi-
liaire et le participe : // a agi bêtement.
BiBus. On prononce les. H est toujours précède
de la préposition </e : C'est une affaire de bibus.
Bien. Subst. m. On ne fait point sentir un n eu-
phonique après ce mot su'vl d'une voyelle ou
d'un h non aspiré. On j>ron/>»;c:: ^c uu-n est a mot,
et non pas ce bie?i-n-cst à moi; cesc un iL..
souhaiter, et non pas t'est un bien-n-ù souhaiter.
£ie« est aussi adverbe. 11 exige l'article après
lui : Bie?! du monde, bien de l'argent, bien destens.
Cet adverbe se met toujours après le verbe
dans les temps simples : Il chante bien. Mais il se
met ordinaircincnl avant V'mïm'nW : Il faut bien
chanter; ci dans les temps composés, entre l'auxi-
liaire et le participe : lia bien chanté.
On prononce bien adverbe avec un « euphoni-
que lorsqu'il est suivi d'un adjectif, d'un ad-
verbe ou d'un verbe qui commencent par une
voyelle ou un h non aspiré ; C'est une fonction
bien-n-honorable, il a servi bie n-n-utilem ent la
patrie, il faut bie n-n-éc rire, etc. Mais si cet ad-
verbe est suivi de tout autre mot qu'un adjectif,
unadverbe ou un verbe, il ne se prononce pas avec
le n euphonique. Ainsi l'on prononce , il parlait
bien et à propos, et non pas, il parlait bien-n-et
à propos.
Au lieu de plus bien, on dit mieux. Mais on
dit moins bien et aussi bien.
Lors(pie cet adverbe est suivi d'un substantif
mis au pluriel, le verbe se met au môine nombre:
Bien des gens pensent. Voyez Accord, Adverbe,
Comparatif
BiEN-AiiiÉ, Bien-aimée. Adj. et subst. Il se pro-
nonce avec le n euphonique ; Son fils bien-n-ai-
mé, c'est ma bien-n-aimée.
BiEN-AisE. Adj. des deux genres. On prononce
avec le n euphonique, bicn-n-aise. On dit j/? suis
bien-aise de cela. On dit je suis bien aise de le
surprendre, et je suis bien-aise que vous le sur-
preniez. Dans le premier exemple, le verbe 5ur-
prendrf se rap\Mjric au sujet de la proposition;
dans le second, il ne s'y rapporie pas.
On dit substantivement, laissez jouer ces en-
fants tout leur bien-aise ; et J.-J. Kuusscau a
dit : Laissez-les haranguer tout leur bien-aise.
Féraud dit (juil n'a vu ni entendu nulle pai l cette
façon de pailer Quant à nous, n->us pensons
qu'elles'cmploie souvent dans le langage familier.
Bien-dire Subst. m. H n'a point de pluriel.
On dit «lue quelqu'un est sur son bien-dire; mais
on \)C lin \)[\s qu'il est sur ses bien-dire.
BiEN-DiSANT, BiKN-DisANTE. Adj". L'Acadcinie
dit qu'il signifie ijui parle bien et avec facilite,
94
BIE
et qu'on l'emploie aussi par opposition à médi-
sant. IS'ous pensons, cuminc Fcraud, qu'il n'est
plus usité ni dans l'une ni dans l'aiitie acception,
et particulièremcnl dans la seconde. Peut-être
pourrait-on dire en plaisantant, d'un homme qui
affecte de bien parler, c'est un hnmine bien-di-
sant ; ou substantivement, c'est un licn-disant;
mais nous n'en connaissons point d'exemple.
Bien-être. Sultst. m. 11 se prononce avec le n
euphonique, hien-n-êtrc.
BIE^FAls.^^cE. Subst. f. On prononce hienfe-
mnce dans le discours ordinaire. Ce mot, inventé
par l'abbé de Saint-Pierre {Mémoire pottr dimi-
nuer le nombre des procès, p. 37), a causé un
§rand scandale parmi les gens qui ne veulent <iuc
delà charité cl des aumônes; et l'abbé Desfon-
taines l'a tourne en ridicule dans son Diction-
naire névloffif/uc. Voltaire en fait l'éloge dans les
vers suivants, et aujourd'hui il est adopté généra-
lement.
Certain législateur, dont la plume féconde
Fit tant de vains projeta pour le bien de ce monde,
Et qni, depuis trente ans, écrit pour des ingrats.
Vient de créer un mol qui manque à Taugelas.
Ce mot est bienfesance; il me plail; il rasjcmble,
Si le cœur en est cru, bien des vertus ensemble.
Petits grammairiens, grands précepteurs des sots.
Oui peseï la parole et^ mesurez les mots.
Pareille expression tous semble hasardée,
Mais l'univers entier doit en chérir l'Idée.
'Septième Discours sur l'Homme, 117.)
Voyez Aumône.
Bienfaisant, Bienfaisante. Adj. On prononce
bienfcsant dans le discours ordinaire. Cet adj.
peut précéder son subst., quand l'harmonie et
l'analogie le permettent. J.-J. Rousseau a dit en
prose, la bienfaisante nature, et Rousseau en
vers, vos bienfaisantes mains. A'oyez Adjectif.
Bienheureux, BiENiiEcneusE. Adj. Dans la
prononciation, on fait sentir le n euphonique entre
bien et heureux, bicn-n-heurcux. On peut dans
certains cas le mettre avant son subst. Voyez >4a-
jectif.
Et je crojaii toucher au bienheureux moment.
(lUc, Bajas., act. I, se. IT, 18.)
Bienheureux n'est plus le mot propre dans ce
sens; on mettrait à présent.
Et je croyais toucher au fortuné moment.
(LUNEAU DE BoiSGBEMiliX.)
Quand bienheureux est joint à un verbe, il s'é-
crit en deux mots, et alors Men est adverbe, et
Jieureux adjectif : F'ovs êtes bien lieureux de l'a-
voir prévenu. On voit que cet adverbe doit pré-
céder l'adjectif.
Biennal, Biennale. Adj. Il se met après son
subst : Emploi hiennul, charge biennale. Em-
plois biennaux.
Bienséance. Subst. f. On d'\lco7inaître, obser-
ver les bienséances. — Dans le sens de convenance,
bienséance n'a point de pluriel. On dit cela est à
ma bienséance, à votre bienséance ; mais on ne
dit pas, à nos bienséances, à leurs bienséances .
Bienséances, en terme de littérature, se dit de
la conformité d'un ouvraged'espritavcc l'opinion,
les mœurs, les usages, le goùl du pays cl du siècle
■>ù l'on écrit. Les bienséances varient selon Irs
icmps et les lieux. Telles scènes qui choquent les
bienséances sur le théâtre français, passent pour
excellentes en Allemagne ou en Angleterre JNos
prédicateurs, qui [jarscmaient autrefois leurs ser-
BIZ
inons de citations d'auteurs païens, choqueraient
les bienséances s'ils voulaient le faire aujour-
d'hui. Il fut un temps où, sur la scène française,
les amantes et les princesses mêmes, déclaraient
leur passion avec une liberté et même une licence
qui révolterait aujourd'hui tout le monde.
Bienséant, Bienséante. Adj. qui ne se met
qu'après son snbst. : Conduite bienséante.
Bientôt. Adv. Le t ne se prononce que devant
une voyelle. Il se place après les temps simples
des verbes : Il reviendra bientôt ; entre l'auxiliaire
et le participe, lorsque les temps sont composés:
Il sera bientôt revenu. Quelquefois on le met au
commencement de la phrase : Bientôt vous le ver-
rez revenir.
Bienveillance. Subst. f. Ce mot n'a point de
pluriel.
Bienveillant, Bienveillante. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'harmonie et l'a-
nalogie le permettent. On ne dit pas un bienveil-
lant homme, une bienveillante femme; mais rien
n'empêcherait de dire un bienveillant accueil.
Voyez Adjectif.
Bifteck. Subst. m. Il fait au pluriel cfe* W/"-
tecks. [Dict. de l'Acad.)
Bigarruee. Subst. f. On dit la bigarrure du
style. C'est un défaut qui consiste à mêler dans
le même ouvrage des expressions nobles avec des
locutions basses. On trouve encore de cette bigar-
rure dans les pièces de Corneille.
Bigot, Bigote. Adj. On peut quelquefois, même
en prose, le mettre avant son subsl. On dirait fort
bien, dans sa bigote humeur, elle chassa son fils
de sa présence. Voyez Adjectif.
Bilieux, Bilieuse. Adj. Il se met toujours
après son subst.
Bill. Subsl. m. emprunté de l'anglais. On
mouille les IL
BiNAinE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Nombre binaire, arithméti-
que binaire.
Bipède. Adj. des deux genres. Il suit son subst. :
Un animal bipède.
Bis. Adv. On prononce le s. On l'emploie pour
demander que l'on répèle ce que l'on vient de
dire ou de chanter.
Bis, Bise. Adj. L'Académie ne le dit propre-
ment que du pain ou de la pâte. Elle a oublié qu'il
se dit aussi de la farine : De la farine bise, des
farines bises. Pain bis, pâte bise. On dit aussi
substantivement, le bis de la farine.
BiscoRNC, Biscornue. Adj Qui a une forme ir-
régulière et bizarre. Il est familier et ne se met
qu'après son subsl.
Bise. Subst. L II ne se met point au pluriel.
BisEï;. V. n. Terme d'agriculture qui signifie
noircir, dégénérer d'année en année : Le froment
est plus sujet à biser que les autres grains. Les
avoines bisent dans les terres froides.
Bizarre. Adj. des deux genres. Il peut, daus
certains cas, se mettre avant son subst. On ne ùit
pas un bizarre homme, une bizarre opinion ; iiiUiS
on pourrait dire une bizarre humeur.
Si l'on veut prendre une idée juste de la signi-
fication vie ce mot, ce n'est pas au Diitiunnaire
de l'Académie (|u'il faut avoir recours. Eile le dé-
finit, fantasque, extravagant, caiiricieux, et donne
[jour e.vcmples, sentiments bizarres, opinions
bizarres. A\nsi dds se?itimenis bizarres, des opi-
nions bizarres sont, selon l'Académie, des senti-
ments, des opinions fantasques, extravagants, ca-
pricieux. L'homme bizarre n'est ni l'Itomme
fantasque, yi l'homme capricieux. S'écarter du
BLA
çoùtpar vine singularité d'objet non convcnalle,
c'est être bizarre ; s'en écarter par excès de déli-
catesse, ou par une rei-licrche du mieux faite hors
de saison, c'est être fantusquc ; sen écarter |Kir
inconstance ou par changement subit do çoiil,
c'est être capricieux ; s'en écarter d'une manière
contraire au bon sens, c'est être cxtrava/janl.
En général l'adjectif bizarre signilie, (jui dif-
fère de plusieurs manières diverses des choses
de la même espèce, et s'écarte des règles générales
que la nature, l'usage ou l'opinion leur ont pres-
crites. ^'oyez Adjectif.
BizAKREMKNT. Adv. Ou pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est conduit bizar-
rement, il a bizarrement agi.
Blafard, Blafarde. Adj. Le dr\c se prononce
point au masculin. 11 se met ordinairement après
son subst. -.Fisuge blafard, lueur blafarde. Voyez
Adjectif.
Blâmable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., quand l'analogie et l'har-
monie le permettent; on ne dit pas une blâmable
action, parce qu'il n'y a pas une analogie assez
étroite entre blâmable et action; mais on pourrait
dire ces blâmables écarts, ces blâmables erreurs.
Voyez Adjectif.
Blanc, Blanche. Adj. Le c ne se prononce pas
au masculin. Iji jjrosc, il se met toujours après
son subst., excepte dans le proverbe, c'est bonnet
blanc et blanc bonnet. Si l'on doit blâmer .Molière
d'avoir dit dans V Étourdi (act. 1, se. iv, 14) :
Non, tout ce que je sais n'est que blanche magie,
ce n'est pas parce qu'il a mis l'adjectif blanche
ivant son substantif; mais parce que rnagie bla?i-
tlie est une expression composée de deux mots,
dont les places sont déterminées par l'usage, et
qu'il l'a dénaturée en mettant le premier celui qui
îoit être le dernier.
Blanc-bec Subst. m. On ne prononce pas le c
te blanc , on prononce celui de bec. Ici la plura-
lité ne peut tomber ni sur blanc, ni sur bec; mais
i?lle tombe sur un substantif qui est sous-entcodu.
Un blanc-bec, c'est-à-dire, un jeune homme sans
«xpérience. On écrit donc au pluriel des blanc-bec,
et non pas des blancs-becs. — Girault-Duvivicr
met au pluriel blancs-becs. [Grammaire des
Grammaires, p 18i.)
Blanchâtre. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Couleur blanchâtre.
Blanchement. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : Elle tient son enfant blanchement.
Blanchih. V. a. et n. dela2''conj. Delille a
dit {Enéide, V, 1052) :
L'ean blanchit soas la rame et le vaisseau fend l'onde.
Cette acception ne se trouve pas dans le Diction-
naire de l'Académie.
Blanchissant, Blanchissante. Adj. verbal tiré
du v. blanchir. L'Académie définit ce mot, qiii
blanchit, qui parait blanc; elle aurait du dire qu'il
ne se dit que de la mer agitée par les flots, (fe-
raud.)
Toyez tout l'Hellespont blanchissant sons nos rames.
ilUc, Iphij., act. I, se. T, 21.)
Blanc-seing. Subst. m. Il fait au pluriel des
blancs-seings. Voyez Composé.
Blasphémateur. Subst. m. L'Académie ne dit
pas blasphématrice. Féraud prétend que ce der-
nier est dur et peu usité. Il ne Post pas plus
r.LO
95
(\\\ admiratrice; et s'il n'était pas usité, il n'y
aurait pas d'uxprcssioii dans la langue pour sinnn
lier une femme qui blasphiuic.
Blasphém.uoire. Adj. des deux cenres. Il ne
se met guère jpi'après son subst. : Parole bluspké-
matvire, écrit blasphématoire.
Blaspuicme. Subst. m. Ce mot n'emporle pas
tout à fait l'idée de «acr/Zi^e. On dira d'un lioinine
qui aura pris le nom de Dieu en vain, (jui, dans
rcinportemcnt de la colère, aura ce qu'on aijpcllc
juré le nom de Dieu, c'est un blasphémateur;
mais on ne dira pas c'est un sacrilège. L'homme
sacrilège est celui qui se parjure sur l'Ëvangile,
qui étend sa rapacité sur les choses sacrées, qui
détruit les autels, qui trempe sa main dans le sang
des prêtres.
Blaspuémer. V. a. et n. de la l'^' conj. Blasphé-
mer Dieu.
C'est bien à tous d'oser ainsi noimner
Un dieu que votre louclie enseigne à blasphémer.
(lUc, Âth., act. lU, se. IV, 50.)
Mais je ne crois pas qu'on puisse dire, comme
Massillon, blasphémer qu'il n'y a point de Dieu.
Chaque âge et chaque nation a ru des esprits
noirs et superbes dire noti-seuleatcnt dans leur
cœur et en secret, 7nais oser blasphémer tout haut
qji'iln'ij a point de Dieu. [Petit Carême, su rie res-
pect que les grands doivent à lareligion, t.l,p.57.)
iù'iaud a eu raison de relever cette négligence.
Blèche. Adj. des deux genres. L'Acadcmic l-
donne pour un terme d'injure. Si cet adj. se dit
encore, il doit se mettre après son subst.
Bléchir. V. n. de la 2'' conj. L'Académie le dc-
liiiil, devenir blèche; je ne crois pas que ce mot
soil plus usité que l'adjectif blèche. Féraud ne le
met point, et Boistc dit avec raison qu'il est in-
usité.
Blême. Adj. des deux genres. L'Académie le
définit pâle, et elle définit Te mot pâle par ilème.
L'oii il résulterait que blême et pâle veulent dire
la même chose. On sait cependant que blême dit
beaucoup plus que pâle. Il se met ordinairement
après son subst.
Bleuir. V. n. de la 2" conj. Blêmir, selon l'A-
eadêmie, c'csl pâlir. — Blêmir ne se dit jilus. On
dit pâlir pour signifier devenir subitement pâle
ou blême.
INIercier voudrait que l'on employât ce mot dans
certaines circonstances : Le coupable fut inter-
rogé, et on le vit blêmir. Pâlir, dit Mercier, ne
serait pas le mot. On pâlit de détresse, de fureur,
de syncope ; blêmir rend la pâleur involontaire
du crime.
Je ne crois pas que cette remarque soit juste.
On pûlit aussi de crainte, d'effroi, et c'est le cas
d'un coupable que l'on interroge. La pâleur de
détresse, de fureur, de syncope, est aussi une pâ-
leur involontaire.
Blette. Subst. f. Selon l'Académie, c'est une
espèce d'amaranthe fort commune, qu'on emploie
quelquefois comme plante potagère. L'Académie
a mis aussi dans son Dictionnaire, bette, qu'elle
définit plante t*otagère,riu'on nomme aussi poircc.
Cesdeux mots paraissent indiquer la mêine plante.
Le mot 'Aette n'est en usage qu'a la iiallc. On dit
bette.
Bleu, Blece. Adj. qui se met toujours après
son subst. : Utie rcbe bleue, du ruban bleu.
Bleuâtre. Adj. des deux genres qui suit tou-
jours son subst.
Bloc. Subst. m. On prononce le c quand bl«x;
se prononce isolément, ou qu'il est à la fin d'une
96
BOI
phrase. Dans vmjez ce bloc, il faut prononcer le c.
Dans un bloc de marbre, on ne le i^rononfe pas.
Le c se prononce aussi quand le mol bloc est suivi
d'un mol (jui commence par une voyelle ou un h
non aspire. On dil faire nmrchè en bloc et en tus,
el dans celle façon de parler, on fail senlir le c de
bloc.
Blocus. Subst. m. On prononce le s.
Blond, Blonde. .Adj, Le rf ne se prononce poini
au masculin. Cel adjoclil' peut, dans cerlains cas,
se mettre avant son subslanlif. On ne dil pas ses
blonds pnils, sa blonde perruque ; mais on pour-
rait dire ses blonds cheveux, sa blonde chcrelurc,
parce que dan-; ces deux exemple^, blmds et che-
veux ou chevelure deviennent ctroilemont ana-
logues par l'idée commune d'ornemenl, de parure
naturelle: ce qui ne peut avoir lieu dans blonds
poils, ni blonde perruque. Les poêles l'ont un fré-
quent usage de celle inversion : le blond Phébus,
la blonde Cérès. Voyez Adjectif.
Blondin, Blondine. Subsl. L'Académie le défi-
nit, celui, celle qui a les cheveux blonds. Mais il
ajoute à celle signification une idée de mignar-
dise, de gentillesse. On entend aussi parce mot un
jeune homme blond, ou à peu près, qui fail le
beau .
BocAGER, Bocagère. .\dj. Delille l'a employé
dans une acception que l'Académie n'a pas indi-
quée {Enéide, VI, 943) :
Le Lélhé baigne en pais en rives hocagèrc».
Le poëte a sans doute voulu indiquer par là des
rives embellies par des bocages.
Bocal. Subst. m. On dil au pluriel iocawa?.
BoECF. Subsl. m. Féraud prélend (juc l'usage
actuel veut qu'on écrive beuf; cependant on ne
trouve guère celle orlhographe que dans son Dic-
tionnaire. Les grammairiens ne sont pas d'accord
sur la prononciation de ce mol. Les uns veulent
qu'on ne prononce jamaisle f; d'autres, qu'on le
prononce toujours au singulier cl jamais au plu-
riel ; d'aulres enfin, <]u'on ne le prononce point mj
singulier lorsqu'il est suivi d'un adjectif.
Il faut donc consulter l'usage, et voici, je crois,
ce qu'il prescrit. Le /"se prononce dans ce mol
lorsiju'il est au singulier, el même avec un adjec-
tif. On ne dil pas du beu fumé,du heu saU', du
heu entre-lardé. Je ne connais que l'expression
populaire bœuf-gras, par laquelle on exprime un
bœuf gras<iuc l'on (iroméncen pompe dans les rues
de Paris pendant le carnaval, où l'on supprime le
/"dans la prononciation
Féraud prétend qu'on prononce ner de hœu. Je
pense (|u'on prononce ner de bœuf.
Au pluriel le /"ne se prononce pas.
Et pour surcroit de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs,
(BoiL., Sot. VI, 53.)
— Dans sa dernière édition, l'Académie est du
mêri«e avis.
Boire. V. a. el irrégulier de la 4'" conj. Voici
•-A)mmcnt il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je bois, tu bois, il boit;
nous buvons, vous buvez, ils boivent. — Impar-
fait. Je buvais, tu buvais, il buvait; nous bu-
vions, vous buviez, ils buvaient. — /'awe simple.
Je bus, lu bus, il but; nous binncs, vous bùies,
ils burent. — Futur. Je boirai, tu boiras, il boira;
nous boirons, vous boirez, ils boiront.
Conditionnel.— /'re■■se«^ Je boirais, lu boirais, i
BON
il boirait ; nous boirions, vous boiriez, ils boi-
raient.
Impératif. — Présent. Bois, qu'il boive; bu-
vons, buvez, qu'ils boivent. — Subjonctif. — Pré-
sent. Que je boive, que lu boives, iju'il boive;
que nous buvions, (]uc vous buviez, (]u'ils boi-
vent. — Imparfait. (,>ue je busse, (]iie tu busses,
qu'il but ; (]uc nous bussions, que vous bussiez,
([u'ils bussent.
Partici|)e. — Pre'ie/i/. Buvant. —Passé. Bu,
bue.
Les temps composés se mettent avec l'auxi-
liaire avoir.
Boire du vi?i, de l'eau. L'Académie dit que le
papier boit, que la terra boit l'eau ; mais elle ne
donne aucun exemple qui ail rapport à l'emploi
«pie Rac!!ie fail de ce mot dans Phèdre (acl. II,
se. 1, 60) :
Et la terre liumeclêe
But à regret le sang du neveu.t d'ErcclilUée.
El Delille dans le vers suivant [Enéide, 1,8^7):
Tant que la mer boira les fleuves vagabonds. . . .
Celle dernière expression ne peut être tolérée
tpi'en poésie.
On dit boire un affront, boire le calice jusqu'à
la lie ; el en style d'Ecriture sainte, boire l'ini-
quité comme l'eau.
Boi.sEnx, BoisEDSE. Adj. Qui est de nature de
bois, dil l'Académie. Les naturalistes disent H-
gneux. L'un el l'autre ne se met qu'après son
subst.
BoiTEDx, BoiTEcsE. Adj. Pascal a appelé un
esprit mal fait vîi esprit boiteux. {Pensées, 1"
part., an. vin, § 11.) Il ne faut pas l'imiter en
cela ; mais il y aurait trop de sévérité à reprocher
à Delille d'avoir dit dans sa traduction de VÉ-
néide :
Tel le vaisseau boiteux se traînait avec peine.
Bombe. Subst. f. On dil la bombe a crevé, pour
exprimer l'action ; el la bombe est crevée, pour
exprimer l'état. Voltaire a dil .•
On entendait gronder ces bombe$ effroyables,
Pes troubles de la Flandre enfants abominables.
(Henr., VI, 199.)
Bon, Bon.ne. Adj. Meilleur csl le comparatif
de bon : Ceci est bon, mais cela est meilleur. Ce
comparatif est \>o\\v plus bon, qui ne se dit pas,
si ce n'est dans celle phrase : // n'est plus bon à
rien, qui veut dire il n'est plus propre à rien, il
ne vaut plus rien. Mais alors plus n'a pas le sens
comparatif. Cependant on dit moins bon, aussi
bon. Voyez Comparatif.
Cel adj. se met toujours avant son subsl., lors-
qu'il n'est pas accoin|)agné d'autres adjectifs :
Un bon homme, une bonne femme, du bon vin.
Quand je dis accom[)agné d'aulres adjectifs, on
sent bien que j'en cxccplc les prépositifs; mais
quand il y a plusieurs adjectifs, il peut se mettre
avant ou après : Un bon et brave homme, un
homme brave et généreux. On peut ai*si le met-
tre après, lorsqu'il est précédé d'un adverbe ; Du
vin très-bon, assez bon, extrêmement bon, etc.
En parlant d'une personne dont on croit tirer
quelques renseignements utiles, on dil elle est
bonite à entendre ; Cl l'on dil aussi dans un sens
analogue : Cet oiseau est bon à manger. Mais
BON
quand on dit d'une personne : Il est bon de l'en-
tendre, c'esl-à-dire, il est convenable de 1 en-
tendre.
Tout de bon ! nu commencement d'une phrase,
est une espèce d'inlcrjculion : 7 ont de bon.' vous
lui avez n pondu cela? c'est-à-dire, est-il liicn
vrai que vous lui avez repondu cclaf Dans le
cours de la phrase, tout de bon est adverbe, et si-
gnilie rcellemeiil, il se fâcha tout de bon. Bon
s'emploie aussi comme adverbe dans un autre
sens ; Ces /leurs sentent bon.
BoNACE. Subst. m. 11 n'est plus du style noble.
Bonasse. Adj. dos deux genres. 11 se dit des
personnes qui ont une bonté dont la simplicité
ou la bclise est le principe. Il est familier, et se
met toujours après son subst.
BOiN-cHi-.r:TiEN. Sulist. m. Sorte de poire. Je ne
pense pas (pi'on doive dire au pluriel, des bons-
chrétiens, ne rCil-ce qu'a cause de rOipiivoipie.
On dit abusivement au singulier, dans queNpies
cas seuiciiieni, du bon-chrétien, c"esl-à-(liie, des
poires de re>pcee dile bon-chrétien ; mais \\ faut
dire au |iluriel des poires de bon-chrétien. C'est
l'espèce (lui a le nom de bon-chrétien, et non
pas les individus. On m'objectera ])eut-élre que
Tondit au pluriel des reinettes, quoique ce nom
soit destiné à sigiiilicr une espèce. Mais, outre
qu'ici il n'y a point d'équivoipic, il faut obser-
ver ([ue ?-ej//ci/e est une dénomination positive
et absolue, au lieu queio« chrétien n'est qu'une
signification tirée d'un autre objet. On dit propre-
ment uuc poire de bon chrétien: cc n'est ([ue par
abus qu'on dit du bon-chrétien ; et , l'on ne peut
jamais dire en ce sens tin bon-chrétien comme on
dit une reinette. 11 serait ridicule de dire : J'ai
mangé un bon-chrttien, ou j'ai manyé des bons-
chrétiens. On dit U7ie prune de vionsieur, et si
quelques personnes disent par abus c/« monsieur,
il n'en faut pas conc)"re qu'on puisse dire, pour
désigner ces p.-iuies, un monsieur, ou des mon-
sieiirs, ou des messieurs. On ne dit p.is p\usj'ai
manyé des hons-chretiens, pour dire j'tn mangé
des poires de bon-chrétien, qu'on ne dit /'«;.'
mangé des messieurs, pour dire j'ai yn ange des
prunes de monsieur. Voyez Composé.
Bond. Subst. m. le d ne se prononce pas.
BoNDin. Y. n. de la 2' conj. Dclillc a appliqué
ce mot à la danse.
Tantôt leurs pieds légers, sur de riants gazons.
Bondissent en cadence au doux bruit des cliansons.
[Éniidc, YI, 861.)
Bondissant, Bondissante. Adj. verbal, tiré du
V. bondir. En prose, il suit toujours son subst.
Bonheur. Subst. m. On ])rononcc bo-neur. Dans
Je sens d'état heurei/.v, il n'a point de pluriel. On
ne dit pas_;'e/a"/<? vos bonheurs, niaisj'e/;r/c vtlre
bonheur. Dans le sens d'événement heurcu.v, il a
un pluriel : Il nous est arrivé plusieurs bonheurs
en un jour. On ne dit pas par bonheur que. L'A-
cad(îmie donne pour exeuqile : Il arriva par
bonheur pour lui que...; mais, dans celte phrase,
que est régi par il arriva, et non par bonheur.
Le bonheur vient du dehors, dit Voltaire, c'est
originairement une bonne heure ; la fvlicité csl l'é-
tat permanent, du mi uns pour (iuelque temps, d'une
âme conlenie, et cet état est bien rare ; un bonheur
vient, on a un bonheur ; mais on ne penl dire il
m'est venu une félicité, j'ai eu une félicité ; et
<luandon dit cet homme jouit d'une félicité par-
noo
07
faite, une alors n'est |)as pris nnm.«rJquon,. i,t
et siginhe seulement qu'on croit (pic sa félicit.1
est parfaite. On peut avoir un b„nl,cur sans élri-
heureux; un homme a en le ImnI.enr dVrham>er
a un piégc, cl n'eu est quelqmfui. ,,„o plus mal-
heureux ;on ne peut pas dirc.le lui ,|,i-,l '.oprouvo
la tvhcitc. Il y a encore de la dirrérem-e ei'iic «.
bonheur Cl le bonheur, (liiïeience que le mol fi-
licite n'admet |)oinl. Un bnnhcr csl un événe-
ment heureux, l.c bonheur, pris indrlinimciu
signilieunc suite de ces événemcnls. l.p phiisir
est un sentiment agréable et p;issaL'cr; le bon-
lieiir, consiilcré comme senlimenl, est une suite
de plaisirs, la prospérité une .suite d'heureux évé-
nemenis, la l'éliciié une jouissance intime de la
|irospérilè. On a dit cpie le bonheur csl pour les
riches, la félicité pour les sases, la bealimde
pour les pauvres d'esprit ; inaisîe bonheur parait
plulôi le pariage des riches .pi'il ne l'est en effet,
ella /"e/iW/t/esi unélal doiil on parle jibis (|u'on
ne l'éprouve. Ce mot ne se dit L-uére en jirose au
l)luriel, par la raison <pie c'est un ctai de l'âme
comme Irampiilliie, sagesse, repos; cependant la
poésie, <pii s'élève au-ilcssus de la prose, permet
que l'on dise ddn^Polyeucte (act. IV, se. v, 11)
Ou leurs félicitét doircut être iaCnies. . .
Et dans Zaïre (act. I, se. i, 77) :
Que vos félicités, s'il se peut, soient parfaites.
Bonhomme. Subsl. m. On prononce bo-nhomioe.
Il se dit d'un homme dont la bonlé semble avuir
pour i>i'incipe la rimplieilé ou la faiblesse 11 n"a
lioint de pluriel. On dit (pichpiefois en parlant
d'un enfant : Un petit bonhomme, le petit bon-
homme.
Bonhomie. Subst. f. On prononce bo-nnmie II
est familier, et ne se prend pas toujours en mau-
vaise part comme bonhomme. On dit j'aime .ia
bonh(>mie. On dit cette femme a beaucoup de
bonhomie, et je crois <iu'on dit mal; car le mot
bonhomie n'a aucun rapport au sexe.
Bonnement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il est convenu bonnement,
ou il est bonnement conrenu du fuit.
Bonnetade Subst. f. l.'Acadeinie le définit,
coup de bonnet, révérence. Je doute qu'on fût
entendu aujourd'hui si Ton scser\ait de ce mot.
Il faut en dire autant du verbe bonneler, cpii, se-
lon l'Académie, signifie rendre d(;s resjx'Cts et des
devoirs assidus à des [lersonncs dont on a besoin
Il faudrait ôler de nos Diclioniiaiies ces sortes de
mois, (|ui peuvent induire les étrangers en erreui
et leur faire dire et écrire des phrases ridicules.
— Kégnier a dit (sat. VIII, 173) :
Voyant un président, je lui parle d'.ifrdirc;
S'il avait des procès, qu'il était nécessiiro
D'être toujours après ces messieurs bonncttr.
Bonté. Subst. f. Dans le sens do qnalilé bonne
ou mauvaise d'une personne ou d'une elio.se, il ne
s'emploie qu'au singulier; mais lorsqu'il exprime
les actions particulières que l'on fait pi)iir obliger
il se met très-souvent au pluriel : Je suis bien rer
connaissant de toutes vos bonti'S.
BoQuiLLON. Subst. m. Vieux mol qui signifie
bûcheron, et qui a encore été agréablement eiTV
ployé par La Fontaine. (Cli. iNodicr, Exumt^
critique des Dict )
98
BOT
Borax. Subsl. m. A" se prononce comiucVs,
biiracs .
Bord. Subsl. m. Le <f nese prononce pas.
Boréal, Boréale. A<lj. qui ne se met qu'après
son subsl. : Pôle boréal; aurore boréale. Ce mol n'a
point (Je pluriel au masculin ; mais on dil forl bien
des aurores boréales.
"^RONi;. Adj. des doux genres el subsl. Fcraud
prétend qu'en parlant des personnes, il ne se dit
que subslantivenienl. On dit pourtant bien, ce me
semble, cet homme est borgne; cette femme est
borgne; et je crois qu'on dit aussi, en parlant
d'une femine, elle a un mari borgne, et d'une
mère, elle a un enfant borgne. — Subslantivenienl,
ce mol ne se dil point des animaux. Un cheval
borgne, un chien borgne. — Cet adj. suit toujours
son su bst .
Borgnesse. Subsl. f. C'est, dit rAcadémie, un
terme bas cl injurieux. 11 fallait donc le laisser au
Dictionnaire des halles.
Borne. Subsl. f. Voltaire a pris ce mot dans un
sens fi^'uré, lorsqu'il a dil dans j)/a7io?ne/ (act. I,
se. I, e'y) :
Ce n'est pas qu'à mon âge aux bornes de \\ vie.
^t dans 0;es/e (act. I, se. m, 11) :
Peut-élre que je touclie aux bornes de nia vie.
Borné, BoRNÉi.. Adj. Il suit toujours son subst. :
f/îi esprit borné, une fortune bornée.
BoRNOïER. V. n. de la 1"^ conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve l'y qui est dans
l'inOnilif, exccpto avant e, es, ent: Je bomoie, tu
bornoies, ils bornaient, je bornoierai, etc.
Bosquet. Subst. m. Le i ne se prononce pas.
Bosseler. V. a. de la i'" conj. Dans la conjugai-
son de ce verbe, on double la lettre l toutes les l'ois
qu'elle est suivie d'un e muet ou du son d'un e
iQuel : Je bosselle, tu bosselles, ilbosselle, ils bos-
sellent ; je bossellerai, etc. — L'Académie dil que
bosseler se dil des bosses qui se l'ont par accident
a une pièce d'arijenierie. C'est une erreur. Elle
confond bossuer i\ycc bosseler. Bosseler, c'est tra-
vailler en bosse sur de la vaisselle d'or pu d'ar-
gent. Bossuer, c'est faire des bosses à de la vais-
selle d'or, d argent, d'clain, en la laissant tomber,
ou de quclipie autre manière. — Dans son édition
de 1835, rAcad»''mie s'exprime ainsi : « Bosseler
ie dil (piebpicfois dans le sens de bossuer, cl
dors on l'emploie surtout avec le pronom |)erson-
lel : Cette écuelle s'est bosselée en tombant. »
BossD, Bossue. .4dj Fèraud prétend qu'en par-
iant des personnes, on ne l'emploie guère adjcc-
Uvemcnl. Cependant on dil cet homnw est bossu,
fette femme est bossue , elle a un enfant bossu.
Bossuer. V.a. delà l^conj. \oyez Bosseler.
Bot. Adj qui n'a point de féminin. Le i ne se
prononce pas. Jvoir un pied bot. On dil aussi
i'une personne qui a celle difformité, c'est un
pied-bot.
Botteler. 'V. a. de la i" conj. Dans la conju-
çaison de ce verbe, on double la lettre l toutes les
fuis qu'elle est suivie d'une muet ou du son d'un
e inucl : Je bottelle, tu bottellcs, il bottelle, ils bot-
tellent; je bottellerai, etc.
Botter. V. a. de la l'"' conj. L'Académie dit
que c'est faire des bottes; el elle donne pour
exemple, quel est le cordonnier qui vous botte?
Le Sens propre du mot botter, c'est chausser des
boites. On dil par extension, quel est le cordon-
BOU
nier qui vous botte comme on dit quel est la
tailleur qui vous habille? .Mais il ne s'ensuit pas
de là i]Ue fai.-e des bottes et botter, faire des ha-
bits et habiller, soient des expressions synony-
mes.
Bouc. Subst. m. On prononce le c. L'Académie
dit qu'on appelle barbe de bouc la barbe d'un
homme qui n'en a (ju'au menton; et elle donne
pour exemple, il a une barbe de bouc, une vraie
barbe de bouc. On a remanpic, avec raison, qiï'une
vraie barbe de bouc e^l la barbe d'un vrai bouc.
L'adjoclif rrai, vraie, ne peut être donné pour
épithéleà un substantif employé métaphorique-
ment, sans détruire la métaphore même.
^'ollaire a dit dans ses Remarques sur Cor-
neille : Les termes les plus bas emi)|i)yés à propos
s'ennoblissent. Racine, à:ms Aihalie, se sert des
mots de bouc et ûe chien avec succès. — Il faut re-
marquer ici que, par termes bas. Voltaire n'en-
tend pas les termes obscènes et malhonnêtes, mais
seulement ceux qui ne paraissent pas propres à
être employés dans la poésie et le discours ora-
toire. Bouc el chien ne sont des termes bas qu'en
ce sens; ce ne soni pas des ternies populaires,
car les gens les plus instruits et les mieux élevés
sont souvent obligés de s'en servir.
Bouche. Subsl. f. \o\C7. Parties des animaux.
— Dans les mois bouche, bouchée, boucher, bou-
chère, boucherie, la syllabe bou e>l brève, au lieu
qu'elle est longue dans boucher, verbe.
Bouche-trou. Subst. m. 11 fait au pluriel des
bouche-trous. [Giammaire des Grammaires,
p. 491.)
Bougon. Subst. m. Morceau empoisonné. —
Donner le boucon, dit l'Académie, n'est autre
chose qu'empoisonner. — C'est un vieux mot qui
n'est plus usité aujourd'hui. On disait autrefois
mystérieusement, et en parlant des gens qu'on ne
voulait pas traiter ouvertement d'empoisonneurs:
// lui a dor.r.é le boucon, ils lui ont donné le bou-
con. On parle plus franchement aujourd'hui; et,
(luelle que soit la dignité de la personne, on dit :
Jl l'a empoisonné, OU il Vu fait empoisonner .
Boudeur, Boudeuse. Adj. En prose il ne se met
qu'après son suhsl. : Un enfant boudeur, humeur
boudeuse. En vers, on pourrait dire, cette bou-
deuse humeur.
Boue. Subsl. f. L'Académie dit que c'est la
fange des rues el des chemins; or on sait que la
fange est de la boue presque liquide. Donc, selon
l'Académie, quand la boue n'est pas presque li-
quide, ce n'est plus delà bouc; l'Académie ne
nous dil pas ce que c'est.
Selon l'Académie, payer les boues et les lan-
ternes signifiait autrefois payer la taxe qui esl im-
posée pour renlévemenl des boues el l'entretien
des lanternes. On a remarque avec raison que
celte expression pouvait s'être introduite dans les
bureaux de la ville; mais que les académiciens
devaient dire payer pour les boues et les lan-
ternes.
Boueux, Boueuse. Adj. Il suit toujours son
subst. : Chemin boueux, rue boueuse; écriture
boueuse, estampe boueuse.
Bouffant, Bouffante. Adj. verbal, tiré du v.
bouffer. Il se met toujours après son subst. : Une
étoffe bouffante, une garniture bouffante.
Bouffissure. Subsl. f. La bouffissure du style
est le défaut du style ampoulé.
Bouffon, Bouffonne. Adj. Il peut se mstCre
BOU
avant sonsubst. On AU c'est vn bouffon person-
nage, dans sa hiuffonne humeur; cl en vers :
Aux accents insolents d'une boufj'onne joie
La sagesse, l'esprit, l'Uonnenr, furent en proie.
(BoiL., A. P., 111, 339.)
On l'emploie aussi subslanlivemciit. L'Acadé-
mie déliiiil irés-mal ce mol; c'esl, dil-cllc, un
personnage de tliéâlrc dont l'emploi est de faire
rire. — Tous les actcui-sde comédie dont l'emploi
est de faire rite ne sont pas |)Our cela des bouf-
fons. Celui qui joue le rôle de Tartufe fait rire,
sans faire de bouffonneries. — On entend par ce
mot un farceur, un jongleur, tout hoiinnc (]ui
fait inélier d'amuser la populace par des plaisan-
teries basses et grossières.
BooGEi;. \. n. de la l" conj. Dans ce verbe, le
ç doit toujours avoir la prononciation duj; el,
pour lui conserver celle prononciation (!?,:is les
temps où il est suivi d'un a ou d'un o, il faut
ineUre un e muet avant cet a ou cet o : Je hfntgcais,
nous bougeons, et non pas je hougais, nous bou-
gons. L'Académie dit qu'on s'en sert plus ordi-
nairement avec la négaiive; elle aurait dû ajouter
que dans les phrases négatives où il est employé,
on supprime pas. Je ne bougerai de là. Il ne
bouge de cette jnaison. — Dans son édition de 'J83o,
l'Académie admel il ne bouge de cette maison,
mais elle donne aussi les exemples suivants : Il ne
b ivge pas du cabaret; il ne bouge pas d'auprès
de cette femme. Girault-Duvivior dit que c'esl
dans le style familier qu'on supprime pas après
le verbe bouger.
Bouillant, Bouillame. Adj. verbal, tiré du v.
bouillir. On mouille les l. Au propre, il suit son
subst. Au ligure, il peut le précéder dans certains
cas : La bouillante jeunesse, dans sa bouillante
colère; el en vers :
La bouillante jeunesse est facile à séduire.
fVoLT., Brut., act. I, se. IV, 68.)
On dit bouillant de colère.
Guise était à leur tête, et, bouillant de colère.
Vengeait sur tous les miens les mânes de son père.
(H«ir., II, Ï53.)
Bouilli, Bouillie. Adj. Il se met toujours
après son subsl.
Booillir. V. n et irrégulier de la 2* conj.
Indicatif. — Présent. Je bous, tu bous, il bout;
Lous bouillons, vous bouillez, ils bouillent. Im-
parfait. Je bouillais, tu bouillais, il bouillait;
nous bouillions, vous bouilliez, ils bouillaient.
Passt': simple. Je bouillis, lu bouillis, il bouillit;
nous bouillimes, vous bouillîtes, ils bouillirent.
Futur. Je bouillirai, tu bouilliras, il bouillira;
nous bouillirons, vous bouillirez, ils bouilliront.
Condilionnel. — Présent. Je bouillirais, tu
bouillirais, il bouillirait; nous bouillirions, vous
bouilliriez, ils bouilliraient.
\wp(mV\^.— Présent. Bous, qu'il bouille; bouil-
lons, bouillez, qu'ils bouillent.
Subjonctif.— P/tscH^ Que je bouille, que lu
bouilles, qu'il bouille; que nous bouillions, que
vous bouilliez, qu'ils bouillent. Imparfait. Que
je bouillisse, que tu bouillisses, qu'il bouillit;
que nous bouillissions, que vous bouillissiez ,
qu'ils bouillissent.
Parlicipe. — Présent. Bouillant. — Passé.
Bouilli.
Ce verbe s'emploie ordinairement aux troisiè-
mes personnes. Pour le rendre actif el l'employer
à toutes les personnes, on se sert des temps du
BOU
'J9
verbe faire joints à l'inlinitif iouj//;;- : Je fui.i
bouillir, tu faisais bouillir ; nous ferons bouil-
lir, etc. On dil aussi l'eau, lo lait commence a
bouillir.
Condillac el M. de Wailly mellenl au futur
je bouillirai ou je louillcrai ; et au conditionnel
je bouillirais ou je bouillerais ; mais le dernier
n'est pas usité.
Bouilloire. Subsl. f. On mouille les Z.
BoDiLLON. Subst. m. On mouille les Z.
Déjà leurs nefs, perù.\nl l'aspect de la Sicile,
Voguaient à pleine voile, cl de Ponde docile
Fendaient d'un cours heureux les 6our!(on« écumanti.
[Delil., Ènéiâ., I, 57.)
Bouillonnant, BoriLLO>iNANTE. Adj. verbal ,
lire du V. bouillir. Un sang bouillonnant.
Aux sables bouillonnant» l'onde livre la guerre.
(Dblil., Ênéid., I, 158.)
Bouillonner. V. n. de la \" conj II s'emploie
figurément. En voici des exemples:
La lionle, la colère,
La fureur d'un héros, le désespoir d'un père,
El la vengeance avongle, et la folle douleur,
CouiI(onnen( à la fois dans le fond de son coeur.
(Deul., Ênrtd., X, 12U.)
Bocledx. Subsl. m. L'Académie dil qu'on
l'emploie pour signilior un cheval trapu et qui
n'est propre qu'à des ouvrages de fatigue. Celte
explication n'est pas exacte. On dit d'un cheval
qui chemine bien, (]u'z7 est bon bouleux, el il
n'est pas nécessaire, pour qu'on se serve de cette
expression, que ce cheval soit irapu; de môme
qu'on dit d'un homme qui est bon piolon, qu'il
chemine bien, sans égard à sa taille et a sa gros-
seur.
BouQUER. V. a. de la l'^conj. C'esl un terme
populaire. — Regnard a dil dans le Légataire (acl.
II, se. XI, 39) :
Moi seul j'ai fait bouquer toute la Faculté.
Bouquet. Subst. m. Terme de belles-lcl'res. On
nomme ainsi une pelilc pièce de vers ad "î-ssôc à
une personne le jour de sa fête. C'e-t le plus sou-
vent un madrigal ou une chanson. Lecaraiière
de cette sorte de jioésie est la délicatesse ou la
gaieté. La fadeur en esl le défaut le plus ordi-
naire, comme de toute espèce de louange. (Mar-
montel.)
Bourbeux, Bourbeise. Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : Eau bourbeuse, rivière bour-
beuse.
Bourde. Subst. f On lit dans /e Menteur un
Corneille (acl. lil, se. v, 78) :
Appelez-moi grand fourbe et grand douneur de bourdc:>.
Celle expression, dil Voltaire, esl aujourd'hui un
peu basse. Flic vient de l'ancien mot bourdeler,
bordeler, qui signifiait se réjouir.-
BouuDER. y. a. de la \" conj. L'Acîidànie a
mis ce mot dans son Dictionnaire; mais il n'est
plus usité, même parmi le peuple, li en esl de
même de bourdeur.
Bourgeois. Subsl. m Corneille a dil dans Ni-
cffmède (acl I, se. n, 47) :
Et ne savcî-vons plu5 qu'il n'est princes ni rois
Qu'elle daigD* égaler à «es moindres bourgeoit •
iOO
BOU
L'c\']UCS6ion de hmirqeois, dil ^■ollaire, est
bfinnio (In slyli^ iiolilc D:ms vin Él;il monarchi-
que vn bvrgenis est un homme du commun.
(Jicmarqiies sur Curncille.)
Boiiigenis so |ii('hii aussi adjectivement, et
alors il ne so met iin'après son subst. : Un air
bourgeois, ihs riinnièrps b xirgcoiscs.
Bour.OF.oisKMi NT. Adv. Une se met guère qu'a-
près le vcrhc : Il II tni'jmirs vi'cvhnurijeniscmciit.
Bour.nviMK. Sulisl. 1". L'Acadcmie dit que c'est
une pianio poiaiière propieà tempérer i'àcrclé du
sansj 01 delà liilc. I. 'Académie aurait dû substi-
tuer vièdiciile à pntaqcic.
Bocnr.Ki K.n. \ .i\. «le la 1" conj. Il ne s'emploie
qu'au (i;:uié. 1 oi-S(p:o dans ce \ erl)e la lettre / est
suivie d'un c muei,on met un accent grave sur l'e
qui la précède : La conscience bourrelé les 7né-
chants (Acad.)
BoinRo, BuLT.ncF.. Adj. 11 se met toujours
après son sulist. : Un homme bourru, v?i esprit
bourru, une Innneur bmirruc
Bour.SE. Stiiisl. f. L'Académie dit qu'on donne
le nom de bourse à deux sacs de cuir, qui se
mettent des deux côlés, au-devant delà selle du
cheval. Ce «pic l'Académ e indique par cette
description se woimwc saciche.
BoDr.fOL'FFi É , Boc!;soi;fflée. Adj. Il se met
aprcsson subst.au propre et au figuré : Unvisage
boursovfflè.
On appelle style boursovfflè, un style formé
de grands mots vides de sens.
BocsiLLEUR. Subst. m. On dil bousilleuse au
féminin.
BooT. Subst. m. Le t ne se prononce que de-
vant une voyelle ou un h non aspiré.
Mais je sens que bient&t ma doacenr est à bout.
(Rac, Ath,, acl. II, se. V, 159.)
Être à bout, expression familière, mais qui
n'est iK)int déplacée ici .
Parii est plein de ces pellls houti d'homme,
Yiins, fiers, fous, sols, dont le caquet m'assomme.
(Volt., A'av., acl. II, se. xii, 21.)
Voyez Fin.
BooTATST. Adj. m. Selon l'Académie, c'est un
terme qui a le même sens que butant, et (jui n'est
d'usage «pravec le mot arc. — On a icinaripié
au sujet de cet article que boutant était auliefois
le participe du vcrlie bovter; cl (juc i(/<a/i/ était
le participe du verbe buter; (]uc l'un de ces
mots ne se <lil |)as jjour l'autre, comme l'avance
rAcadéuiio, et que chacun dcics vcibes a sa si-
gnification propre. Ce «pii est boutant appuie |>ar
un bout; ce qui est butant ajipuie par sa masse.
BooTE-EN-rr.AiN. Subst. m. Ce mot ne pioiul
point de s au pluriel : Des bnute-en-train. 11 si-
gnifie dos Iiumuics qui l)oulcnt, c'csl-a-dire cpii
mettent les autres en train; cl dans cctlc plira-e,
ni le vcriiC Ixtutn, ni l'expression en train, ne
peuvent prcnilrc un s On dit mettre les autres en
train, et non pas en trains.
Boi;te-fi;u. Subsi. m. L'Académie met au plu-
riel </<?s bt'ulc-fcux. Mais ce mol, coinjiosé du
verbe bouter cl du subsiaulif /i7^^ ne iicut ad-
mettre le signe du iduricl. On ne peut mcitieun
i à boute, qui est un verbe; on ne peut [las mettre
Un j à f:-u; car des boute-feu signifie de gens
qui, de des>ein prémédité, boutent, ou mettent le
feu, et non jias \cf.feux.
BocTF.-uoRs. Subst. m., composé du verbe
bouter et ae la préjiosition hors, prise adverbia
BRA
Icment. Or, comme ni le verbe ni 1 adverbe ne
peuvent prendre la manpie du pluriel affectée
aux substantifs et aux adjectifs, il faut écrire des
boute-hors Ici hors ne prend un s que parce
qu'il se trouve naturellement à la fin de ce mol.
Bodte-sf.llk. Subst. m. Ce mot comiiosé signi-
fiant le signal ipie l'on donne avec la trompette
pour avertir la cav;dcrie de seller les chevaux,
ne prend point de s au pluriel.
* BoiiTE-TOUT-ccir.E Subsl. m. On doit dire au
pluriel des b utc-tout-cuire, car on ne peut don-
ner le signe ilu |)liuicl, alïecté au siibsianlif el a
ladjectif, ni à boute ni à cuire, qui sont deux
verbes.
* BocT-sAiGNEDX. Subst. m. On doit dire au
pluriel des bouts-saigneux, parce que boutasi un
substantif susceptible de prendre la marque du
pluriel.
BotTS-r.iMÉs. Subst. m. plur. On doit donner
un s à bout et à rhné, parce que ce mot est com-
posé d'un subsianlil' et d'un adjectif, qui, selon
la règle générale, doivent s'accorder en genre et
en nombie.
Ce sont des rimes disposées par ordre «lu'on
donne à un pucle pour les remplir. Les bottts-
riniés sont aujourd'hui abandonnés aux mauvais
poêles.
Brachial, BRAcniw.E. Adj. On prononce bra-
kial. 11 fait au pluriel brachiaux. Muscle bra-
chial, artère brachiale, ncrfi, brachiaux.
Braif.. Subst f. L'Académie dit que c'est un
linge dont on enveloppe le derrière des enfants.
— Braie est un vieux mot (pii signifie caleçon,
culotte, et que 'l'on a ensuite mis seulement au
pluriel. On dit encore sortir d'une affaire les
braies nettes, pour dire s'en tirer heureuse-
ment.
Mais braie ne signifie point, comme a dit l'A-
cadémie, un linge dont on enveloppe le derrière
des enfants. Les linges dont on enveloppe les
enfants sont nommés les uns lances, les autres
couches. Aucun des linges qui composent une
layelte n'est nommé braie.
Braillard, Braillardf,Brailleiir,Braillecse.
Adj. L'Académie n'indique pas bien clairement
la différence qu'il y a enlre ces deux mots. Cette
diirérence consiste, je pense, en ce que le pre-
mier est usiié, el <|ue le second l'est trés-[)eu. Ils
se mctlent après leur substantif.
Braire. V. n. cl défectueux de la 4" conj. Il
ne s'emploie ((u'a l'inlinitif, braire, aux troisiè-
mes personnes du présent de l'infinitif, il brait,
ils braient; cl aux lioisièmes personnes du futur
et du coiiditiuimcl, -il bruira, ils brairont, il
brairait, ils brairaient.
BRA^cHu, BRA^cHUE. Adj. qui ne se met qu'a-
près son substantif.
BRA^DO.^s. Subst. m. Téraud dit que 6ra«rfo«
est vieux au figuré. 11 cA vrai que nos poètes di-
sent/e flainbcuri de Vuinour, au lieu du brandon
de l'amour. Mais, comme le dil le Dictionnaire
de l'Académie, les brandons de la discorde, vn
brandon de la guerre, sont usités dans le style
élevé.
BR^^LA^T, Branlante. Adj. verbal tiré du
v. branler. En prose, il ne se met qu'après son
subst. : La tète branlante.
Bras. Subst. m. Le jncse prononce qu'avant
une voyelle ou un /t non aspiré. Féraud observe
avec raison, je crois, que se jeter dans les bras
de quelqu'un est mieux dil dans le sens propre <'l
naturel; et que se jeter entre les bras de quel-
qu'un est plus convenable au figuré, pour dire
BRA
»e mettre sous la protection de quelqu'un, im-
plorer son secours.
On dit se jeter dans les bras du sommeil, dans
les bras du repos, dans les bras de l'amour.
Et bientôt, fatigué d'un moment do réveil,
Las, et se rejetant dans les bras du sommeil...
(YOLT., Ucnr., m, 105.)
".oligny languissait dans le» iras du repos.
{Idem, H, 179.)
Mais nourri jusqu'alors au milieu de la cour,
Danf le «p.in des plaisirs, da|M les bras de l'amour.
■' [Idem, tu, 173.)
Voltaire a dit aussi dans les bras de l'orgueil.
Qu'un vieu^ sultan s'endorme avec l'ignominie,
Dans les bras df l'orgueil et d'un re|ios fatal.
Ses bâchas assoupis le serviront fort mal.
[Hpltrc XCVIII, 60.)
Brassard. Subst. m On ne prononce pns le d.
Brasser. V. a. de In 1"' conj. L'Acaiioinic dit
que ce mol siirnillc (i^'iircinciit pralicpicr, tra-
mer, néïocicr bccrèteiiicnl , et (|u'il ne se dit
qu'en maiiv.iisc part. — 11 est vieux en ce sens.
On ne dit \t\\is brasser vue trahison, brasser quel-
que chose en ut re l'Elut- Ou dit tout au i)lus, en
parlant de quciipieiniriïiie obscure relative à des
particuliers, il se brasse quelque chose ; on brasse
quelque chose contre vous.
Bravade. Subsl. f. Delille a dit débiter des
bravades.
Il est be.\u de vous voir, redoutable en paroles,
Débiter sans péril los bravades frivoles.
{Enéide, XI, 435.)
Br.AVE. Adj. des deux genres. On le met tantôt
avant, tantôt après son sulislanlif : suivant (pi'il est
ainsi placé, sa signiliL-ation est (inchpioroisdilTé-
rente. Un brave hu7nme c^\. un lionnclc lioininc ;
un homme brave est nu iiomine (|ui a de la bra-
vu'are; cependant on dit dans le sens de bravoure,
u/i brave cujntainc, un brave soldat; l'iinalogie
qu'il y a euire ces deux mots sauve l'ccpiivociue.
Brave, dans la langue du i)euplc, signilie |(ro-
pre, bien mis, bien paré : f^(,us voilà bien brave,
bien paré, en parlant d'une iiersoime du peuple
qui ne s'habille p;is pioprenient tous les jours.
En ce sens il suit idujonrs son subsiautii".
Féraud prcleiul (]ue brave, subst., s'emploie
le plus souvent au iilurici, et qu'il se prend
pres'jue toujours en mauvaise j)ari. — Brave
Remploie souvent au singulier. C'est un brave;
el il se |)rciid en bonne jiarl : Les braves de
l'armée française. Ce régiment n'était composé
que de braves.
8RAVE.MENT. Adv. Vaillamment On peut le
moltre entre l'auxiliaireei le participe : Il a com-
bat lu bravement, ou il a bravement combattu.
Bravei!. \ . a de la i" conj. Bacine a dit bra-
ver la douleur, braver Vaversiou.
Vous triomphez, cruelle, el bravez ma douleur.
[Iphig., act. Il, se. V, 55.)
Que pour lui des Persans bravant l'aversion. . .
[Esth., acl. IV, se. I, 45.)
Braverie. L'Académie définit ce mot, macni-
ficence en babils; elle dit qu'il est du slylefa-
milier, el qu'il vieillit. Elle aurait pu dire ipi'il
n'est plus usiié. On ne dit jilus aujourd'hui que
des femmes, (\\\edes enfants aiment la braverie.
Bravo. Terme emprunté de l'italien , espèce
BRÉ
101
d exclamation pour témoiïnor son approbation
I iwur api-laudir \.n parlju.f, l'une femuip, on de-
vrait diic47-nrn. On fait aussi unsubstaïUir de ce
j mot. Il ne devrait poiiii pioudre de s ;ui pluriel-
j cependant plusieurs .-luleurs lui en dununil un'
—On trouve l'exeuiiilc suiviuil liiuis Ui I)iitii>n-
[ vairedc l'Académie, publii; en 1S.;5 : 6',,/, dis-
I cours fut suivi de mille bravos.
I Bravourk. Sid»st. r. Qu;iliié du brave I.'Aca-
1 di niie dit (lu'il signifie «lui-hpiefois li-s actions de
v.dcin-, et (pi'en ee sens il u'osi d'usage ipi'au
pluriel : Jl raconte ses bravoures à tout mmiicnt.
Si ce iriol est usité eu ce sens, it; n'esi que dans
le style nunilior. — Dans i:i dernière édnion de
son Dutionuaire, l'Acadénue reinaniue (pie ce
sens est iieii usité.
Braytr. V. a. lie la i" conj Dans l;i conju-
gaison (le ce verbe, ou conserve l'y ipii esi dans
rmliniiif, excepié devant un e niiiei ou le son de
IV iiiuct ; Je braic, tu braies, il bruit, ils braient;
je braicrai, ote.
Biîr.iiis. Sub-t. f le 5 ne se iirononcc pas. On
dit brebis comptées, le loup 1rs maii//e; à brebis
compt, es csluw solécisme. On a remaripu- (pie ce
piuverlic ne signifie pas, coiiime l'a dit l'Acadé-
mie, (pie les iiîccaiilions ne gaianiisscnl pasirètrc
trompé, ou ipie l'excès de piccauiion csl daime-
rcn.v ; mais (pi'il veu! dire (prit ue surfit pas d'a-
voir compté ses brebis pour savoir les conserver,
Brècuk. Subst. f.
Mais gardez-vous aussi d'oublier voire faute;
Et comme elle fait brëch' au pouvoir suuierain.
(CoRX., iVicom., acl. II, se. ii, 43.)
Cette expression, faire brèche, dit Voltaire, n'est
pins d'usage. Ce n'est pas (pie l'idée ne soit no-
ble; mais en français, toutes les fois (jue le mot
faiie n'esl pas suivi d'un article, il foiiiic une fa-
çon (le iiailer Irop familière : Faire assaut, faire
force de voiles, faire de nécessité vertu, faire
ferme, faire brèche, faire halte, etc.; toutes ex-
pressions bannies du vers lieroniuc. {liemurques
sur Corneille.)
Bl•.^;(:nE■DE^T. Adj Cet hovnne est brèche dent,
cette fille est brèche-dent. On ne dit |t(iint un
brèclie-dcnt, une brèche-dent. — t'.eiieiidaiu l'A-
cademie rcinanpie, dans sa dernière édiiion, qu'il
s'emploie ipielipiefois subsianlivcment : C'est
vn brèche-dent, une pelilc briche-dont. Au plu-
riel on doit écrire des hommes brèche dent, des
femmes brèche-dent ; car la i)liiralilé ne tombe pas
sur les deiils, mais sur les personnes aux(pielles
il manque (pieKiuc dent de devant.
Bri F, Brkve. Adj. On prononce le f.
L'Académie donne poiu' exemiilo : Le temps
que vous vie donnez est bien bref. Celle phrase
n'esl pas fraïu.'aisc; on ne dit pas un temps bref,
mais un temps court. Bref est vieux en ce .sens.
Ou dit subsianlivcment, en parlant des sylla-
bes, les brèves et les longues.
BiiKF. Adv. On fait sentir le/". Il n'est que du
style familier.
BiiKF. Subst. m. On fait sentir le f.
Bréuaigne. Adj. f. On mouille j7/(e .^^elon l'A
cadémie, il se dil des femelles des aniinaiix qu»
sont stériles, et le peuple l'emploie siibsianlive-
ment en parlant des femmes slerilcs : C'est une
bréhaigiie .
Brahaigne, Braheigve , Brahin , Braingue,
Brehagne, Brehenne, Brehait, Brri.'^igne, Bre-
liain, Brehaine, sont (Je vieux mois (]ui signifiaient
stérile, im|)uissanl, iiifruclueux. ()ui ne peut rien
produire. On a conscvvcbreliaine ai brehagne dans
102
BRI
la véiJorie, pour sienilifr une biche qui n'ençcn-
(Irc point. Mais si l'on dil cncurc une femme
iréhaignc, OU en parlant il une femme, une bré-
haigne, ce ne |)eut être (jue ilans <iuei(iue village
éloigné (le la capitale.
Br.KsiLi.ER. V. a. I.' .Académie dil que ce mot
signilie rompre en petits morceaux. C'est un
vieux mot (\\i\ avait autrefois cette signification.
.Te doute qu'il soit usité aiijovirdiiui. Dans la
Brie et la Picardie, les gens de la campagne di-
sent bersillcr dans le même sens.
Bkipe. L'Académie dit tiu'on appelle figuré-
menl et dans le style familier, brides à veavx,
de sottes raisons, de sots raisonnements qui ne
sont capables de persuader «pie des gens simples :
Tout ce que vous me dites là sont brides à veaux.
11 y a bien longtemps qu'on ne se sert plus de
celle expression.
Brider. V. a. de la 1" conj. Ce mot n'est point
admis dans le style noble, à moins (pi'il ne soit
joint à quelque expression (jui le relève. Boileau
a dit {Satire IV, 115) :
Cest elle (laraUon) qui, farouche au milieu des plaisirs,
D'un remords importun vient hridtr nos désira.
Beièvement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il lui a répondu briè-
vement que, ou il lui a brièvement répondu que.
Brillamment. Adv. Il se met ordinairement
après le verbe : Il s'est înontré brillamment dans
cette bataille.
Brillant, Brillante. Adj. verbal tiré du v.
briller. On mouille les l. Il peut se mettre avant
son subst., quand l'harmonie et l'analogie le per-
BW'ttent. On dit brillants appas, brillantes clar-
.es. On l'emploie aussi substantivement.
Bris. Subsl. m. Les dictionnaires disent que
l'on prononce le s; mais ils veulent dire sans
doute que le s fait que la syllabe est longue. —
L'Académie dit, dans la dernière édition de son
Dictionnaire, qu'on doit prononcer le s.
*Brise-cod. Subst. m. On appelle ainsi un es-
calier où l'on risque de tomber, si l'on n'y prend
pas garde. Ce mot étant composé d'un verbe et d'un
substantif, et le pluriel ne pouvant tomber que
sur le mol escalier, et non sur le substantif com,
on doit écrire sans 5, des brise-cou.
Brise-glace. Subst. m. Espèce d'arc-boutanl
qu'on mel en avant des piles d'un pont pour bri-
ser les glaces et les séparer. On dil des brise-
glace. On ne met point de 5 à brise, parce que
c'est un verbe ; on n'en met point à glace, parce
que la pluralité ne tombe pas sur glace, mais sur
la chose qui sert à briser la glace.
Brisement. Subsl. m. L'Académie ne le dil au
propre (juc des flots, et au figuré que du brise-
ment de cœur que cause la douleur du péché.
Mais Bossuel a dit le brisement des images et des
autels.
Briser. V. a. de la \" conj. On dil figurément
briser l'orgueil de quelqu'un, briser l£ caractère
de quelqu'un. VAciiiémïe.ue lui donne point ce
sens.
Que n'ai-je point tenté? que ponrais-jeplus faire
Pour fléchir, pour 6n»cr Ion cruel caractère?
(TiOLT., Orttte, act. II, »c. v, 61.)
Brise-raison. Subsl. m. Au pluriel, on ne mel
de £ ni à brise, qui est un verbe, ni à raison,
qui, dans le sens où il esl pris, n'a point de plu-
riel. On dil des brise-raison.
BniSE-scELLÉ. Subst. m. On dit au pluriel des
BRU
brise-scellè sans s, parce que la pluralité tombe
sur les gens qui brisent les scellés, cl non hur le
verbe briser ou le substaiilif scellé.
Brise-vent. Subst. m. On dit au pluriel dcsiru»-
vent, et non des brise-vents, parce (pie la plura-
lité tombe sur les choses qui brisent le vent, et
non sur le vent uièmc.
Broc. Subsl. m. On ne prononce pas le c, ex-
cepté dans celte expression populaire, de bric
et de broc.
Brocard. Subsl. m. Le d ne se prononce pas.
L'Académie le définit, parole de moquerie,
raillerie piquante. — Le brocard csl, a proprement
parler, une injure [ilulôl qu'une raillerie. La
raillerie, tant qu'elle ne sort point des bornes
que lui pi'cscrii la politesse, est rcffet de la gaieté
cl de la légèreté de l'esprit ; elle épargne l'hon-
néle homme, et le ridicule ([u'ellc aîlaque csl
souvent si léger, (ju'clle n'a jias même le droit
d'offenser. Le brocard, au contraire, annonce un
fond de malignité; il offense et ulcère le cœur.
Cetl(3 expression csl familière.
BiiocARui.K. V. a. de la l" conj. Ce n'est pas,
coimne dil l'Académie , piquer par des paroles
plai-santcs et satiriques; inai^ insuller, piijuer vi-
vement par des traits saiiriipics. 11 n'y a rien de
plaisant dans la signification de ce mot.
Brodequin. Subsl. m. Le brodequin était chez
les anciens une chaussure particulière affectée
aux comédiens (juand ils jouaient la comédie.
Quand ils jouaient la tragédie, ils chaussaient le
cothurne. On dit chausser le brodequin, pour
dire faire des comédies ou jouer la comédie; et
chausser le cothurne, pour dire faire des tragé-
dies, ou jouer la tragédie.
Brouillamini. Subsl. m. Expression familière
qui signifie désordre, brouillerie, confusion. Vol-
taire a dit dans le même ^ens cmbrovillamini;
quelques pereonnes le disent, mais on ne le
trouve point dans les dictionnaires.
Brouillard. Subst. m. On ne prononce pas
le d.
BRomLLER. V. a. de la d" conj. Voltaire re-
marque que ce mol, trop familier, ne doit jamais
entrer dans la tragédie. [Remarques sur Cor-
neille.)
Brouillon, Brouillonne. Adj. Il suil son subst. :
Esprit brouillon, humeur brouillonne.
Broyer. V. a. de la 1" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve l'y qui est dans
î inlinilif, excepté avant un e muet ou le son d'un
e muet : Je broie, tu broies, il broie, ils broient;
je broierai, etc.
Br.tiNER. V. impersonnel delà l" conj., «jui se
dil de lu bruine qui tombe. // bruine. La bruine
esl une pluie cxlrèmeinent fine. Quchiues per-
sonnes disent : // brouine ou il brouillasse. Ces
deux mots ne sont point français.
Bruire V. n. cl defeclueiix de la 4» conj. Ce
verbe se dil à l'infinitif, bruire; à la troisième
personne du singulier du présent de l'indicatif,
il bruit ;[xu\ troisièmes personnes de l'imparfait
du même mode, il bruyait, ils bruyaient; et au
participe présent, bruyant.
Bruit. Subsl. in. Bacinc a employé ce mot
dans des sens que n'indique iwinl l'Académie :
Déjà de ma faveur on adore le bruit. . .
(Brȣan.,act. V, se. m, 35.)
Et mon choix que llallail le bruit de sa noblesse.
ilphig., act. H, se. IV, 17.)
Je fus soudain frappé du bruit de son trépas.
[Sfithrid., ad. I, se. 1,81.)
BRU
Ils ont à soutenir le bruit de leurs eiploils.
[Bajaz., act. I, se. I, 56.)
Voltaire a dit : On ne dit pas semer la renom-
mée, comme on dit, dans le discours familier, se-
mer le bruit. [Reviarq. sur Rodogune, act. I,
se. I, 40.)
*Brolabi.e. Adj. des deux genres. 11 ne se
trouve point dans les dictionnaires. Cependant il
existe une certaine classe de cens qui disent fré-
quemment cest un livre brûhihle, et même c'est
un homme brùluhle. Si vous voulez vous ri'jouir,
dit Y o\[ahc, parles uupeu de mon hrù\Mc livre
a quelques jansi'nisles. [C()Tesp.) On voit i)ar
cet exemple que cet adj. i)eiit précéder son subsl.
Brûlant, Bhulamk. Adj. verbal tiré du v. brû-
ler. En prose et au proiire, il suit toujours son
subst. Au liu'iiié, il |)pul quelquefois le précéder :
Des feux hrûlanls, de brûlantes ardeurs.
Ouaiid il a un régime, il cesse d'être adjectif,
pour redevenir participe : Des lampes brûlant
devant l'autel.
Voyez Enflammé.
D'un bras déterminé, d'un œil brilant de rage.
Parmi ses ennemis chacun s'ouvre un passage.
(Volt., Henr., VI, 252.)
Brolé, Brûlée. Adj. Il suit toujours son subst. :
Dit pain brûlé, de la viande brûlée, un cerveau
brûlé.
Brûler. V. a. de la l''e conj. L'Académie dit
bien qu'on brûle d'ambition, qu'on bride d'a-
mmir; mais elle ne dit pas (pic l'ambition. , que
\'am.our brûle quelqu'un. Racine l'a dit :
Hais quelque ambition, quelque amour qui me irile.
[Bajaz., ad. II, se. V, 77.)
L'amour vit dans son cœur et brAle dans ses veines.
(Delil., Enéid., IV, 108.)
Et du penp!e et des grands la colère insensée
BrAlait de le punir de sa faveur passée.
(Volt., OEd., act. I, se. m, 79.)
L'Académie dit je brûle de vous revoir, je
brûle d'aller là. Kacinc a dit dans Iphigénic
(act. II, se. V, 17) :
.... Vous brùlei que je ne sots partie.
On voit par cet exemple que le verbe brûler,
dans le sens de désirer ardemment, exige le sub-
jonctif dans '.es propositions subordonnées.
Brule-tout. Subst. m. Il ne change pas au
pluriel.
Brumeux. Adj. m. qui se met ordinairement
^présson subsl. : jTcmps brumeux, cielbrumeux.
Brun, Brune. Adj. Il suit toujours son subst.:
Un homme brun, une couleur brune.
Brunetth. Subst. f. On donnait autrefois ce
nom à une espèce de chanson dont l'air est facile
et simple, et le style gahuu et naturel, quelque-
fois tendre et souvent enjoué. On les ,'q)pelait
ainsi, parce tpi'il est arrivé souvent que dans ces
chansons, le poète, s'adressant à une jeune fille,
lui a donné le nom de brunet/e, petite brune.
On appelait aussi brunettes les airs sur lesquels
enchantait ces chansons.
Brusque. Adj. des deux genres: Un liomme
brusque, une femme brusque, une humeur brus-
que. On peut, dans certains cas, le mettre avant
son subst. : Sa brusque humeur.
Cans vos brusque/s chagrins je ne puis vous comprendre.
(Mol-, MisanChr., act. I, se. i, C.j
DUR
103
Brut, Brute. Adj. On prononce le t tlnal. Plu-
sieurs auteurs, et ciiiic autres I.a Bruyère ot
Massillon. ont écrit brute au masculin. Il ne faut
pas suivre leur exemple en <cla. Cet adj. suit
toujours son subsl. : Du sucre brut, un diamant
brut.
Brutal, Brutale. Adj. II peut se mettre avant
son subsl., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent. On dit un homme brutal, une femme
brutale, et non pas un brutal liomme, une brutale
femme. Mais ou peut dire celte brutale passion,
cette brutale ignorance. \ oyez Adjectif.
Brutalement. Adv. On i)eul le meiire entre
l'auxiliaire et le parlicipe : // s'est comporté bru-
talement, ou il s'est brutalement comporté.
BRUYA^T, B;'.UYANTE. Adj. vcrbal tiré du v
bruire. On peut quchpicfois le mellre avant son
subst. : Sa bruyante voix, ses cris bruyants ; un
homme bruyant.
Bucolique. Adj. des deux genres tpii suit tou-
jours son subsl. : Poème bucolique, poésie bucoli-
que, genre bucolique.
Bucolique signilie la même chose que pastoral,
et se dit des poésies (pii regardent les bergers et
les troupeaux. — H se prend aussi subslantive-
ment, mais seulement au pluriel. L'Académie dit
qu'en cette acception il ne se dit guère que dans
celle phrase : les Bucoliques de f^irgile, pour
dire les Églogues de Airgilc. C'est une erreur; on
dit les bucoliques, pour signifier les poésies pas-
torales. Les bucoli(iues ont quelque conformité
avec la comédie; elles sont, comme celle-ci, une
image, une imilation delà vie commune et ordi-
naire; avec celle différence toutefois, (jue la co-
médie représente les mœurs des lialiilanis de la
ville, et les bucoliques les occupations des gens
de la campagne. Taiiiôl ce [>ociiie n'est qu'un m ■
nologue, tantôt il a la forme de dialogue; qui
quefois il est en action, quelquefois eu récii ; Oi
enfin mêlé de récils ou d'actions. Dans la poésie
française, toute mesure est admise pour ce
poème.
Buissonneux, Buissonneuse. Adj. qui ne se mei
qu'après son subsl. : Pays buissonneux, campa-
gne buissonneuse.
Burlesque. Adj. des deux genres. On peut le
iiîctlre avant son subsl., en consultant l'oreille et
l'analogie : Une figure burlesque, une burlesque
figure. — Il se dit particulièremenl d'une sorte de
poésie triviale et plaisante qu'on emploie pour je
ter du ridicule sur les choses et sur les |)ersof»-
nes -.Style burlesque, expressions burlesques, vers
burlesques, le genre burlesque, un poème burles-
que.
—La principale différence entre le style maro-
lique et le style burlescjuc, c'est que le maro-
tique fait un choix, et que le burlesque s'accom-
mode de tout. Le premier est le |)lussim|)le, mais
celle simplicité a sa noblesse, et lorsque son siècle
ne lui fournit iioint d'expressions naturelles, il
les emprunte des siècles passés. Le dernier est
'tas et rampant, et va chercher dans le langage de
la populace des expressions iiroscriles par la dé-
cence et i)ar le bon goût. L'un se dévoue à la na-
ture; mais il commence i)ar examiner si les ob-
jets qu'elle lui présente sont propres à entier dans
ses tableaux, n'y en admettant aucun «jui n'a[)-
porte avec soi (luclque délicale.'^se et ipieiquc en-
jouement. L'autre donne, pour ainsi dire, léie
baissée dans la bouffonnerie, cl adopte par firé-
ference tout ce qu'il y a de plus extravagant et de
plus ridicule
La parodie et \e burlesque sont aussi des genres
104
CAIi
trés-difiï'rpnls, cl le firgile travexti «le Scnrron
n'csl lien iimins qu'une |>;iroilic de l'Éncide. La
bonne iiMimlic esl une pkiisjniieiic line, ra|)iiblc
d';nnusi'r cl il'iuslriiire les esprits les plus Si'iiscs
et les jiliis p.ilis. le burlesque esi une IjoulTonnc-
rie mi ~ei aille <pii ne pc;il plaire (]u'a la populace.
BuKLKSQUKMEXT. Adv. Oii poul Ic uieUic enlre
l'auxiliaire ci le parlic'po : // x'esl exprimé biir-
leafuemeiil, mi il s'est burlesqucmciit exprimé.
Bu'SAi., IkRSAi.K. Ad|. Il fait i///.s(/i/x au |ilu-
ricl ^la^culiu : Un édit bursiil, des édits biir-
saux.
Buse. Sul>sl. ni. On i)rononrei(/57i'c.
Bit. Siilisi. m. On prononce le / ImimI quand
ce mol Irrminc la plnasi-, riser au but; ou (piaml
il esl dcviiiil une voyelle ou un /; non aspiic;
c'est le but aiir/vel, iiroiioncc/. le bu-t-aiiquel; on
ne prunonce piiuil le / devaui une consoime : Le
hut que vous Vous proposez.
c.vc
Bdtin. Subst. m. On dil remporter la victoire,
et emporter le butin.
*Bltireux, Butirfxse. Adj. (jui ne se met
qu'après son subsl. : Les parties butireuses du
lait.
* BuTORDERiE. Subst. f. VoUairc a employé ce
mol inusilé, mais personne ne 1 a imilé. f^ous me
parlez, dil-il, de l'Histnire uitirersdlc, nu plutôt
de l'Essai sur les sottises de ce plt,bc ; je ferais
vn gros vUume des miennes, mais je me console
I en parcourant les bulordcries de cet unirers.
i BuvAHLE. Adj. m. C'esl un Icrme familier que
I l'on cm|)loic qncliiucfois au lieu ûi: potable en par-
lant (lu vin : Ce vin n'est pus btirnblc.
I Buveur. Subsl. m. Buvi;use. Suhsl. f. 1,'Aca-
I demie ne mel |)aslc dernier; cepcmlnnl on dil uiie
j burcuse d'eau, comme on dil vn buveur d'eau. —
j Kn ^833 l'Académie l'admcl, mais seulement dans
celle loculion.
c.
C. Subsl. m. On l'appelle ce divanl e cl i, cl he
devant H, n, u.
Quoique nnus ayons un caraolère pour le c, et
un autre pour b; g, cepeuilanl lorsipic la pronon-
ciation du c a clc clian^'co en celle du g, par
exemple druisle mol second G\ ses dérives, utuis y
avons coiisi-rvc le c parce (pie les yeux s'claient
accoulumcsa ly voir. Ainsi nmis éciivons tou-
jours secind, seciindemcnt , seconder, cpioique
nous iirohonc tins, surloul dans la coiivcrsaliuii,
segond, scgiindemeiit, segnndcr.
C initial, i»u d.ins le curps d'un mol, conserve
le son qui lui est propi'e devant n, o, u, l, n, r,
i; néanmoins devant u, il rend un son moins
dur.
11 ne se pnmonce pas au milieu des mots
quand il e>t suivi d'un q ou de ca, co, cu,cl, cr.
On prononce iiquérir,ticréditer, etc., quoiqu'on
écrive acquérir, accréditer, etc.
Avant e <'l i, il itiend le son accidentel de se,
ceinture, dire ; il en est de même avant a, o, u,
quand <»n mel une cédille dessous : Façade, gar-
çon, reçu.
On ne f.iit (tas sonner le c final sur la vi.yelle
initiale du mol suivanl, si ce n'est d.ins ipielipics
occasions assez rares qui scronl indiiiuces dans
ce Dictionnaire.
Dans le redmiblemcnl, les deux ce ne se pro-
noncent <pi avant e ou i. l.e premier c |irend le
son propre, el br jccond, le son accidenlel. Ainsi
accepter, accideut, se prunonccnt akcepter, uk-
cidciit.
C, a la fin des mois, ne se prononce point dans
estomac, crue, accruC, mure, échecs (jcn), tabac,
jonc, lacs (lileis , arsenic, escroc, tronc, clerc,
cric, porc, eu-. Mais on le prononce dans bec,
échec (perle), estoc, aqueduc agaric, syndic, tric-
trac, arec, clc.
C, dans le ctiminerce, est destiné à remplacer
le mol C'iuipte; c. c, compte cvrant; c. c,
compte ouvert. Il reniplace all^si le mol centime.
— l-iimu-upie, celle Ici tree-l l'exiiression abréiiee
du mol ctinto. — C esl la inanpic distinclive d'un
des hôiels dc^ monnaies de 1 rame, celui (|ui a
ététransf re de Saini-I.ô à Caen. CC. esl la mar-
que de la monnaie de Besancon.
* (,ABAH>T, l'.ACALANTF.. Adj. vcrbal tiré du v.
cabalcr. Une secte cabalante. L'Académie ne le
I mel pas. Peut-être n'esl-il pas assez généralement
I adopte.
Cabalelr. Subsl. m. L'Académie ne lui donne
point de féminin. Féraiid rcmaniuc, avec rai.son,
qu'il y a bien des femmes tpii cabalenl, et il
|)ense, en conscipience, «pi'on peut dire une ca-
I balcuse. INous soumies de son avis.
i Cabane. Subst. f. Voliairc a remarque que co-
bnne est agréable et du baul si y le, el que taudis
esl une expression du |)ciiple. Celle différence est
sensible dans les deux tradiiclions de la strophe
d'Horace, Pallida mors, la première par Racan,
la seconde par iMallierbe. Bacan dil {Ode bachi-
que à M. Ménars, 37) :
Les lois de la mort .<iont fatales
Aussi bien aux maisons royales
Qu'aux taudis couverts de roseaux.
Malherbe dil bien mieux [Consolation à M. du
Périer, 77) :
Le pauvre en sa cabant, où le cliaume le couvre,
Est sujet à ses lois.
Cabanon. Subsl. m. On donne ce nom dans
rpichpies prisons, cl parliculièrement à Bicélre,
à des cachots très-obscurs dans le.^ipiels on enfer-
mait certains prisonniers. — Le peuple dit par cor-
ruption galbunon.
(iABRKR (se). V. pronom, de la 1" conj. L'Aca-
démie dil (ju'il signifie fi.'urémenl s'einporler de
dépit ou de colère, se révolter contre un conseil,
une remontrance. On a remar(pié que se cabrer
ne se dit liçuréinent que d'un inférieur à l'égard
de son supérieur.
Cacade. Subst. f. Au figuré, faire une cacade
esl une expression liès-famibcre.
Caciiectioue. Adj. des deux genres. Il ne se
mel qu'après son subsl. : Sang cachectique.
Cachet. Subst. m. On ne prononce point le t
final.
Cacheter. V. a. de la 4" conj. On double le t
dans les temps de ce verbe où celle lelire esl sui-
vie d'un e muet : Je cachette, il cachette ; on ne
met |)lus qu'un t lorsque celle lettre isl suivie de
toute autre lettre : N"us cachetons, j'ai cacheté
Cacochyme. Adj. des deux genres. Il suit tou-
CAD
jours son subsl. : Corps cacochyme, esprit caco-
chyme, humeur cacochyme.
Cacophome. Subst. I". Vice d'élocnlion. C'est
ou la rcncoiilie des Icitres ou des syll.ibcs qui se
choquent d'une m.inière dés;i!:rc;ibic, ou l;i répé-
tition trop rié<|ueiitc des inèuies ieilres ou des
marnes syihdics. l.a cicoplionie qui résulte de la
rencontre de deux voyelles se nomme hiutus ou
bâillement, comme dans il alla à Avignon.
La Harpe a reuiar(]u6 des cacophonies dans les
vers suivants de \ oliaire :
El d'un œil vigilant épiant sa conduilc,
Jl la traite en esclave, et la tratnc :i si siiilc.
[Oreate, act. I, se. I, 25.)
f-iffilant, épiant, il la traite, il la traîne, ces
consonnes, si voisines les unes des autres, dit La
Harpe, olfensent les oreilles délicates [Cours de
littérature).
VM bien, cher Azéma, ce ciel parle par vous.
(Sémir., ael. V, se. Il, 44.)
Glaça sa faible main.
(Idem, ad. lY, se. ii, 95.)
Depuis U mort d'un père, un jour plu» plein d'effroi.
(Oreste, ael. Il, se. vi, 2.)
Palier pur, r/laca sa, plus plein, cacophonies
suivant La Harpe (Caurs de littérature). Si plus
plein est une cacophonie, il doit être bien dil'li-
cilc d'écrire sans en faire.
Cadavéreux, CadavépiELSe. Adj. T.n prose, il
se met toujours après son subst. : Un teint cada-
véreux, une odeur cadavéreuse.
Cadeac Subst. m. Féraud prétend que cadeau
dans le sens de présent n'est p;is du bel usage,
l\ se trompe. On dit lrcs-l)ien /îuVe un cudea.i
quelqu'un, pour dire lui faire un présent d'une
chose que l'on pense lui devoir être agréable.
Cadence. 3ubst f. La mesure qui rè^le le
mouvement de celui qui danse. VoUwive l'a em-
ployé pour siïniiler la mesure (pii rèirle le mou-
vement de celui qui marche et qui i)arle.
S» graTÏté marche et parle en cadence.
(Enf. prod., ad. 1, se. I, 28.)
Cadence est aussi un terme de belles-letlrcs.
Ce mot siijnilie, dans le discours oratoire et dans
la poésie, la marche harmonieuse de la prose et
des vers, qu'un ap|)ellc auireinent nombre. —
La prose, sans être mesurée comme les vers,
doit cependant cire nombreuse, et l'uraleur doit
avoir soin (leconlenler rorciile, doiU le jugement
est si facile; à révolter, lui efl'el, la plus belle
pensée a l)ien de la peine à plaiie lors(pi'ellc est
énoncée en termes durs et mal arrangés. Si l'o-
reille est agréablement (laliée d'un discours doux
et coulant, elle est cho(piée tpiand le nond)reest
trop court, m;d soutenu, ipiand la chute est trop
rapide. C'est ce (pii fait que le siyle hache ne pa-
rait pas être convenable aux orateurs.
Cadène. Subst. f. C'est, dit l'Académie, une
chaîne de fer dont on attache les forçats, et elle
ajoute qu'il est vieux. Fcraud dit (juc c'est un
mot purement provençal, et je crois qu'il a
raison .
Cadis. Subst. m. On ne prononce point le s.
Sorte de serge de laine.
C.iDOLE. Subst. m. Loquet. Ce mot n'est usité
que parmi les serruriers, qui aujourd'hui disent
aussi loquet.
Caduc, Cadoqoe. Adj. On fait sentir le c final.
CAL
105
Cet adj. peut précéder son subst. lorsque l'anaio
gie et l'harmonie le |iermeilont. On ne dit p:is un
caduc lige, mais on pourrait dire lu cudui/ue
vieillesse.
Cafard, Cafvude. Adj. Te d final ne se pro-
nonce pas. Il suit ordinairement son subst. : Un
air cafard, une humeur cafarde.
L'Acailr-mie le délinit hypocrite, bigot llya
de la différence entre ces trois exinessiuns.
{.'hypocrite jonc la di'volion alin de cacliei ses
vic(!s; le cafard affecte inic (h-voijon ^cilui-
s.uito, poiu' la faire servir à ses ii'is: le bi(/i>i se
voue aux polites praliipies de la diMolion, alin de
se dispenser des devoirs de la vi;ii(> pieié.
Cafktikr. Subst. m. L'Académie le dit d'un
marchand de rafraicliissemenls cpii pri'pne le
cafi!. On ne dit plus anjourd hni que limonadier,
cl limonadière en parlant d'ime fcnune
CA(;^ARD, Cagnardk. Ailj. On nKjnille le çn. Il
se met après son subst. : Une vie cagnarde.
Cagnarder. V. n. de la 1" conj. On mouille
le ffn.
Cagot, Cagote. Adj. Il se met après son subst :
Un air cagot, des vianicrcs cagntcs. L'Aca-
démie le délinil, celui qui a une dévotion
fausse ou mal entendue. — le cagni, dit Uou-
band, charge le rùle de la dévotion, dans la vue
d'être inqiunéincnl méchant ou pervei's.
Cacnkux, Cagm-use. Adj. cpii se met toujours
après son subsl. : Pieds cagneux, jambes ca-
gneuses, un homme cagneux, une femme ca-
gneuse On mouille le y/j.
■* Cajolabli:. Adj. des deux genres. Susceptible
d'être cajolé. Ce mot ne peut cire employé (juc
dansquci(|ncs circoiisOmces particidières, coinine
d.uis celle phrase de J.-J. l<ous'^eau : Madame
de ff^arcns se mit à cnjiler Grossi, qui pour-
tant n était pas trop cajolable. {Confessions,
1'" part., liv. V, t. XIV, p 2')4.)
(^alamistrf.r. V. a. de la 1"' conj. C'est un
vieux mot i]ui signifiait friser, meure îles <'he-
lenx c.it boucle, et dont on ne se sert pins au-
jourd'hui cpie [)oiir jeter du ridicule sur une fri-
sure faite avec Iroj) d'affectation.
C>LAMiTf:ux, Calamithjse. Adj. H suit ordi-
nairement son subst. : Des temps calamileu.v.
Calcaire. Adj. des deux genres qui se met
toiijouis après son subst. : Terre calcaire, pierre
calcaire.
Calcul. Subst. m. On prononce le l (inal. Au-
jourd'hui ce mot s'emploie fré:pienimenlan ligure.
On dil, en parlant d'iuie affaire qui n'a pas rcussi,
mus avez fuit un vianvais calcul, pour dire,
vous avez mal concerté vos mesures.
CiLcuLARLE. Adj. dcs dcux genres. H ne se
met qu'après son subslanlif.
Caiculi-.i-.. V. a. de la 1" conj. Ce mol se dit
souvent aujourd'hui au figuré : 0« calcule une
ajfaire, on calcule ses dcmarches.
Cai.kmboir. Subsl. m. C'est l'abus que l'on
fait «l'un mol susceplilde de jilusiem-s interpréta-
tions; ici que le mot pièce, qui s'emplo!C de
tant de manières: pièces de tlicâtrc, pièce de
vin, etc. P;n-cxemi)le. en ilisanl qu'on d'. il don-
ner a iMi théâtre imc fort jolie pi' ce de deux
sous, on fiM-a de ce mol l'abus que nous apiielons
calembour. On peut s'amuser un inslani de ces
bagatelles, mais on ne doit y mettre m prelenlion
ni importance.
Calice. Sui:st. m. On dit au figure boire le
calice, avaler le calice, boire le calice jusqu'à
la lie.
i06
CAN
Qaoi! du ealiea amer d'un m&lhenr si durable
Fiul-il boire j longs traits la lie insupporlableT
(Volt., Ait., act. Y, »c. m, 8.)
Callecx, Callecse. Adj. qui se met toujours
après le subsl. : Un ulcère calleux , un corps
calleux.
Calme. Subst. m. Féraud demande si l'on peut
dire arec calme, comme on dit arec tranquillité,
el il se déclare pour la négative. Je suis de son
avis, et voici mes raisons. Le calme est causé
par des objets extérieurs ou indépendants de la
volonté. Un malade est calme, dit IWcadémie,
lorsqu'il est sans agitation et sans douleur. La
tranquillité, au contraire, est dans la dépendance
de la volonté de l'homme. Quelipic trouble qui
agite son àme, quelques inquiétudes qui le lour-
menlcnt, il peut devenir tranquille à force de
réflexion, décourage cl de philosophie; et dans
cet état, il agit avec tranqviJlilé. On ne peut
donc pas dire ([u'i/n homme fuit une action avec
calme, parce qu'il ne peut pas employer pour
agir une chose (lui ne dépend pas de lui ; mais on
peut dire qu'ii agit dans le calme. Ou dit, au con-
traire, (\\i'un homme agit avec tranquillité, parce
qu'en faisant l'action, il fait usage de la tran-
quillité qu'il s'est procurée.
Calme. Adj. des deux genres. Des eaux cal-
mes, vn air calme. 11 ne se met guère qu'après
son subst.
Calomniateur. Subst. m.; on dit au féminin
calomniatrice.
Calomnieh. V. a. de la 1''^ conj. Il peut se dire
en parlant des actions, des intentions, etc. : On a
calomnié 7nes intentions, on a calomnié mes
démarches.
Calommeusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire el le participe : Jl a été accusé calom-
nieusement,il a été calorunieusement accusé.
Calojinikux, Calommelse. Adj. 11 se met ordi-
nairement après son subsl. :Z>wcoi/rscaZo7rt7«CHx,
imputations calomnieuses. On pourrait dire ces
calomnieuses imputations.
Calqcer, Décalqcer. Verbes actifs. On con-
fond (luelquefois ces deux expressions, dont le
sens est bien différent. Calr/uer, c'est transporter
un dessin d'un corps sur un autre, eu passant une
pointe sur les traits du premier afin de les impri-
mer sur l'autre. Décalquer , c'est reporter les
traits du dessin calqué sur un autre papier, sur
une autre toile; c'c-st en tirer une conlre-cpreure.
Calus. Subst. m. On prononce le .s.
Camp. Subst. m. On prononce can.
Campagnard, Campagnarde. A<lj. On ne pro-
nonce pas le d au masculin. 11 suit ordinairement
son subsl. : Un air campagnard, des manières
campagnardes. ^
Campagne. Subst. f. Être en campagne si-
gnifie cire en inouvemcnl, être hors de chez soi ;
et c'est dans ce sens qu'un dit que les troupes
.■sont en cainpagne , comme on dit il s'est mis en
campagne pour découvrir ce qu'il cherche. Met-
tre SCS amis en campagne. Il a mis lien des gens
en campagne. Etre en campagne, en parlant d'un
particulier, c'est clic en voyage ; être à la cam-
pagne, c'est être dans une maison de campagne
pour y passer quelque tcuips.
Campos. Subst. m. On ne prononce pas le«.
Camus, Camuse. Adj. On ne prononce pas \& s
au masculin. 11 se met après son subst. : (/« homme
camus, une femme camuse, un chien camus.
Canaille, subst. f. Ce mot, le plus trivial de
la langue, a été employé une fois dans la tragé-
CAP
die (act. V, se. ii, v. 14, de la Médée de Corneille,
édit. de f^oltaire] :
Qaoi ! TOUS conlinoez, canailUt infidèles 1
ce qui n'autorisera aucun lexicographe à l'indi-
quer comme poétique. [Examen crit. des Dict.)
Canard. Subsl. m. On ne prononce pas le d.
Cancer. Subst. m. On prononce le r.
Candeur. Subst. L L'Académie le définit jtm-
relé d'âme. — La candeur n'est pas la pureté
d'âme, mais imc qualité qui résulte de celle pu-
reté. C'est la (jualilé d'une àme jjure et innocente
«jui, pénétrée de l'amour de la vérité, el ne con-
naissant point l'abus que les autres en font, se
montre constamment telle qu'elle esl, sans pré-
caution et sans défiance. Agir avec candeur, une
conduite pleine de candeur.
Candide. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et l'har-
monie le permettent. On ne dit pas un candide
homîne, une candide femme, une candide àme ;
maison pourrait dire un candide aveu.
Candidement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire elle participe: lia avoué candidement
sa faute, ou il a candidement avoué sa faute. 11
est peu usilé.
Cane. Subst. L On lit dimslc Dictionnaire de
l'Académie : « On dit figurcmcnl el familièrement,
qu'ww homme a fait la cane, lorsqu'il a marque
de la peur dans une occasion où il fallait témoi-
gner du courage.)) — Cela peut s'être dit populai-
rement, mais cela ne se dit plus.
Canif. Subst. m. On prononce le /*.
Canonial, Canoniale. Adj. On ne l'emploie
point au pluriel masculin. 11 suit toujours son
subst.
Canonique. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subst.
Canoniqcement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : H a toujours vécu canoniquement.
Cantate. Subst. L Petit poëme fait pour être
mis en musique, contenant le rs'-nt d'une action
galante ou héroïque. Il est composé d'un récit
qui expose le sujet, d'un air en rondeau, d'un se-
cond récit, et d'un dernier air contenant le point
moral de l'ouvrage.
Cantatrice. Subst. f. Il se dit particulièrement
des chanteuses italiennes distinguées par leurs ta-
lents, qui chanlent dans les concerts ou les opé-
ras. Une célèbre cantatrice. En parlant d'un
homme, on dit chanteur.
Cap. Subst. m. On fait sentir le j».
CAP.ABLE. Adj. des deux genres. Il prend ordi-
nairement un régime : Capable de tout, capable
du lien et du mal, capable de reconnaissance,
capable d'exercer un emploi. 11 ne se met <ju'a-
près son subsl.
Capacité. Subst. f. Capacité, avec la préposi-
tion de pour régime, a un sens actif. Il se dit de
celui qui sait, et non de ce dont on est capable.
On dit la capacité de l'esprit \iO\lT les affaires ;
mais on ne dit pas la capacité des affaires, quoi-
qu'on dise être capable des affaires, ou des
grandes affaires. Ce substantif n'a point de plu-
riel. — Cependant, en matière bénéficialc, on dit :
Les titres et capacités d'un cccli'sia.ttique, pour
signifier les actes et les prières qui servent à mon-
trer (pi'il est capable de posséder le bénéfice qu'il
demande. (Acad., d835.)
Capillaire. Adj. des deux genres qui suit tou-
jours son subsl. : Tuyaux capillaires, veines
capillaires. On ne mouille pas les l.
CAQ
Capital, Capitale. Adj. qui se met toujours
après Sun subbt. : faille capitale, peine capitale.
Il fait capitaujc au pluriel : Les points capitaux,
lespt'cht's capitaux.
Lettre capitale. Voyez Majuscule.
Capitan. Subst. m. Fanfaron, faux brave. A
l'occasion du vers suivant de Corneille,
Etdédiiigne de Toir la ciel qui le brahit.
(Pomp., acl. II, se. Il, 70.)
Voltaire a dit : On peut-dc'daigncrdc regarder un
ami perfide ; mais dédai^'iicr de regarder le ciel,
parce ipi'on se supiwsc trahi |)ar le ciel, cela est
d'un cupitan pliilôt (juc d'un héros. [Rcmarq.
sur Corneille.)
Capitedx, Capiteuse. Adj. L'Académie dit rtw
capiteux et liqueur capiteuse. Fcraud pi'éteiul
que cet adjectif n'a point de féminin, et qu'il ne
se dit que du vin. Je crois qu'il se troiupc; ce
mot signifie qui porte à la tète ; on peut le ilii'e de
toute liqueur qui produit cet effet, et par consé-
quent de certaines bières.
Capjtolaire. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Assemblée capitulaire, acte
capitulaire .
Capitllairement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Les chanoines awc//i-
blés capitula ire ment, OU capitulaire ment assem-
blés.
Capot. Subst. m. On ne prononce point le t.
Capkice. Subst. m. Avoir des caprices, suivre
ses caprices, dépendre des caprices d" autrui-
Il se dit des êtres moraux : Les caprices du
sort, les caprices de la fortune, /es caprices de
l'amour, ^'oyez Fantaisie.
Capriciecsement. Adv. Il ne se met guère qu'a-
près le verbe : Il a agi capricieusement.
Capriciedx, Capriciedse. Adj. Il peut quelque-
fois se mettiC avant son subst. ; Cette capricieuse
humeur. La Fortune, cette capricieuse divinité,
esprit capricieux. Un homme capricieux, une
femme capricieuse.
Captiecsemert. Adv. H ne se met qu'après le
verbe.
Captiecx, Captieuse. Adj. lise dit particuliè-
rement des raisonnements et des discours qui ten-
dent à séduire par de belles apparences.
On peut le mclire avant son subst., en consul-
tant l'oreille et l'analogie : Discours captieux,
raisonnement captieux. Ce captieux raisonne-
ment.
L'Académie pense qu'il se dit aussi des per-
sonnes. Féraud dit qu'on ne le dit guère des per-
sonnes. .Je pense qu'on peut dire vu homme cap-
lieux, pour signifier un homme qui a l'art d'in-
duire en erreur, et desurprendre par des discours
captieux.
Captif, Captive. Adj. On prononce le /"au
masculin. En prose, cet adjectif suit toijjoursson
subst. Delille a dit des dépouilles captives ; l'e.x-
pression me semble bien hardie.
Antonr de cet amas de dépouilles captivei
Se pressent les enfants ot les mère» plaintive».
[Enéide, II, lOei.)
Captivité. Subst. m. Ce mot n'a point de plu-
riel. Bossuet a dit s'é/ever au-dessus des captivi-
tés. On ne le dirait pas aujourd'hui.
Caquet. Subst. m. On ne prononce point le t.
La Bruyère l'a employé au pluriel, en le souli-
gnant : C'est une petite ville d'où l'on a banni les
CAR
\01
caquets. Aujourd'hui on dit faire des caqueU,
écouler des caquets, clc.
Caqdetage, Caqueterie. Le premier est un
subst. m., le second un subst. f. L'Académif dA-
finit ces deux mots, action de caqueter. On tlii
caquetage, anus caqueterie c^l lré>-|K;u usilè
Car. Conjonction. Elle sert à lier deux proposi-
tions, en indi(iuant la seconde coniine raibt.u de
la première; Il plaira, car il est aimable.
Caractère. Subst. m. Le caractère d'un iioinnie
dépend des difl'érentes (pialités «jui le modifient:
c'est par là qu'il est triste ou gai, vif ou h-nt,
doux ou colère. Il en est de niènie des différents
sujets que traite un écrivain, lis sont siisceiUiblcs
dedilïérents caractères, parce (ju'ils sont suscep-
tibles de diifcrentes niodificalioiis. Mais ce n'est
pas assez de leur donner le caractère (pii leur est
propre, il faut encore les modifier suivant les sen-
timents que nous devons éprouver en écrivant.
Un ambitieux ne parlera i)asavec le même intérêt
de la gloire et des plaisirs; un avare, du gain cl
des divertissements; un amant, de sa maîtresse
et d'une personne pour laiiuelle il n'a que de
l'estime. Le langage <iue nous tenons lorsque nous
parlons de choses qui nous touchent, est bien
différent de celui cjne nous tenons lors(iue nous
parlons de choses qui ne nous touchent pas; et
noire discours se modifie naturellement de loulcs
les choses qui se passent en nous. Sommes-nous
accablés de tristesse, nos discours prennent la
teinte sombre qui règne dans notre ànie : ils sont
tristes comme r.os pensées. La gaieté séduit-cUc
notre imagination par de riantes images, nos dis-
cours sont animés par la vivacité qui la caracté-
rise : ils reçoivent d'elle le reflet des couleurs
dont elle brille.
Le caractère du style doit donc se former de
deux choses : des qualités du sujet (lu'iin traite,
et des sentiments dont un écrivain doit être af-
fecté.
Chaque pensée considérée en elle-même peut
avoir autant de caractères qu'elle est susceptible
de modifications différentes. Il n'en est pas de
même lorsqu'on la considère comme faisant par-
tie d'un discours. C'est à ce (jui i)récéde, à ce qui
suit, à l'objet qu'on a en vue, à l'inlérél qu'on y
prend, et en général aux circonstances où l'on
parle, à indiquer les modifications aux(iucllcs on
doit la préférence. C'est au choix des termes, à
celui des tours, et même à l'arrangement des mots,
à exprimer ces modifications; car il n'est rien qui
n'y puisse contribuer. Voilà pourquoi, dans un
cas donné, quel qu'il soit, il y a toujours une ex-
pression (|ui est la meilleure, et qu'il faut savoir
saisir. Voyez 7our, S/yle
Caractéristique. Adj. pris substantivement.
C'est un mot dont on se sert particulièrement en
grammaire pour exprimer la principale IcUrc d'un
mot, qui se conserve dans la plupart de ses temps,
de ses modes, do ses dérivés, de ses composés. La
caractéristique ujaniuc souvent l'otymologie d'un
mot, et elle doit être conservée dans son ortho-
graphe , comme le r dans les mots course ,
mort, etc. ,
Caiuhnal, Cardinale. Adj. qui ne se met nu a-
près son subst. Il fait cardinaux a» pluriel mas-
culin : Les vertus cardinales, les points car dx-
C'est aussi un terme de grammaire. On appelle
adjectifs de nombre cardinaux les adjectifs qui
servent à marquer la quantité des persuimes ou
des choses, et répondent a la question combien y
en a-t-il? Ce sont un, deux, trois, quatre, etc.
i08
CAR
— Lorsqu'un nombre ciirdinal est précc'do de en,
l'adjeilif t|iii suit ce nombre est ordin;iircincnl
prccoili' lie l:i [ireposilion dc-Surinillc liuhitauls,
il n'y en a pas vu de riche. Avanl un suhstiiiilir,
on suiMiriiiic de, cl l'on prend un aulrc tour. Ou
ne ilil p;is sur duc mille cmiihattunts, il y en eut
cent de prisonniers ; m;iis il y en eut cent qui
furent faits prisonniers, OU cent furent faits
prisonniers.
CARKMK-pnENANT. Subsl. RI. 11 ue cbançe pas
au pluriel, car il si;-'iiilio des bonnnos uiasipics
aux juursi.'ras,(iiiaiid le carême premUcumi menée.
{Grammaire des Grammaires, p. 1'j2 )
Cabessant, C.ARKSSAMi;. Atlj. verbal lire du v.
caresser llsemcl oïdinairemcnlaprèsson subsl. :
Un en fant caressant, liiimeur caressante .
Carks>er. m . a. de la !"■ ronj. Selon le père
BouJKiui'S, caresser cl faire des caresses, uu faire
caresse, ne miuI pas synonymes. Le [)remier ne se
dit (pi'au propre, le becoud au (içuré, et signilic
traiter les cens d'une manière el d'un air ijui
monirc (]!i'on les aime, qu'on les eslimc. Le roi
fit bcaticcvp de caresses à l'amiral, et non pas le
caressa bt-aiicnup Celle rcmartjue parait jusie. —
II se dit liv'uréiuenl des cboscs.
. . . Que des justes dicui Zopire soit puni.
Si tu vois cctlc main, ju:>qu'ici libre et pure,
Careiser la révolte el llatler l'imposture !
(Volt., JUahom., acl. I, se. I, 4.)
Carnassier, Carnassière. Adj. En prose, il se
met ajirès smi subsl. : Animal carnassier, des oi-
seaux carnassiers.
Cariié, Carrée. Adj. qui suit toujours son
SUbst. : Fif/ure carrée, tulle carrée,ho7utetcarré.
Cet adjcciif cx|)rmiaiil une qualité absolue,
n'est susceptible ni d'extension ni de reslriclioii;
et par coubciiuont ne pont cire employé ni au
comparalif ni au supcrlalif, e'esl-à-dirc avec les
mots plus, extrêmement, infiniment , moins,
aussi, autant, si, combien^ ou avec tout aulrc
mol qui exprime le |)lus ou le mouis.
Carreler. V. a. de la \" coiij. Dans la con-
jugaison de ce verbe on double la lellre l toulo ;
les fois (lu'elic est suivie d'un e muet ou du son
d'un e miiel :Je carrelle, tu carrelles, ils car-
rellent ; je carrellerai, etc.
Lm.i.lsii.m. kù> . 11 1^1 se r.cl qy'après le verbe .
Cela est planté carrément, cl non pas cela est
carrément planté
Carrièi'.e. Subst. f. Voltaire a dit ;
L'un et l'autre à ces mots, dans un char de lumière.
Des cieuxen un moment traversent la carrière.
(Hsnr., Ytl, 41.)
Ce gendarme effronté
Qui sous le nom d'une lille suivante,
Donne carrière à sa langue impudente.
\Enf. prod., act. I, se. iv, 54.)
On dit aussi donner carrière à ses idées, à
son imaginatiirn.
Caistaver. V. a. de la \" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe on conserve l'y qui est dans
rinlinilif, excepte avant un e muet (jii le son d'nn
c innct : Je curtaic, ta cartaics, il cartuie, ils
cariaient ; Je carlaierai, eic.
CAinii.AGiiNEux, Cartilagineise. Adj. qui ne se
met <iu'a|irès son subst.
Cahtouche 11 faut dislinguei' cartouche, snb-
slanlif masculm, (|ui désigne un cerlainoriiemenl
de sciilpliire, de peinture ou de gravure, el car-
touche, subslanlif féminin, qui signilie la cliarge
CAS
entière d'une arme à feu, ou un congé donné à ui*
militaire.
Cas. Subst. m. Terme de grammaire. Il y a
des langues, telles que la française, où les rela-
tions des noms entre eux sonl manpiécs par l'or-
dre dans letiuel ils sonl énoncés, ou la place qu'on
leur donne. Par exemple, (|uand je dis Pierre
aime Paul, on comprend ipie Pierre est le sujet
ou la personne qui fait l'action exprimée par le
verbe aime, parce que ce mun est placé avant ce
verbe; cl l'un comprend que Paul est l'objet où
vient se leiininer celle action, parce tpie ce nom
est placé après ce même verbe. 11 y a d'autres
langues où les relalions respectives des mois ne
sonl pas mditpiées par leur i)la(c, mais par des
terminaisons différcnlcs. Ainsi en lalin, on dirait
Petrus antul Pavlum, pourcxpriiiier Pierre aime
Paul. La lermiiiaison us de Petrus indiquerait le
snjcl, la tcrininaisun um do Puulum indiquerait
l'objet; cl l'on dirait (jne Petrus est à un cas que
l'on appelle iiomiiialit', el Paulum à un autre cas
que l'on nomme accusatif. Lorsipie les relations
des noms sont marquées par la place qu'ils occu-
pent dans la phrase, on ne saurait les faire changer
de place sans détruire l'ordre qui faii tju'ils for-
menl le! ou tel sens. Ainsi Paul aime Pierre vou-
drait dire aiiirc chose tpie Pierre aime Paul, et
aime Pierre Paul ne sérail pas com[)ris.
Au contraire, dans les langues (pii ont des cas,
quelcjuc place que l'on donne aux noms, leurs
terminaisons indiquent loiijotirs leurs relations.
Soit que je dise en lalin Petrus amat Paulum,
ou Paulum amat Petrus, ou amat Petrus Pau-
lum, les terminaisons vs et um feront toujours
connailrc que Pierre est le sujet, cl Paul l'objet.
La langue française n'ayant |)oint de cas, il est
inutile de nous étendre sur cet article. Nous re-
nianpierons scnlemcnl {]uc les anciens grammai-
riens français, ayant voulu former la grammaire
française sur le modèle de la grammaire latine,
ont donné des cas à la première, parce que la se-
conde en a. Ils ont dit, par exemple, à l'occasion
de la phrase cilée ci-dessus, que Pierre est au
nominatif parce qu'il répond au latin Petrus, el
que Paul est à l'accusatif parce qu'il répond à
Pavlum ■
La philosophie ayant étendu ses influences sur
la grammaire comme sur les autres scit^nces, les
graimnairicns modernes ont banni de la gram-
maire française ces dénominations tpii causaient
de rembarras sans iirodnirc aucune utilité. Ce-
pendant l'ancien système n'est pas encore telle-
incnl aboli, qu'il ne se retrouve plus ou moins
dans quehiucs grammaires el dans quelques dic-
tioimaires. Delà résultent souvent luie confusion
el un désordre ijui dérotitenl ou rebutent les pci-
sonnesqui veulent étudier notre langue. Féraud,
en convenant (jne la suppression des cas et de.s
déclinaisons est tuie chose raisonnable, ne les con-
serve pas moins en faveur des jeunes gens et des
étrangers tjui sont accoutumés à l'ancien sys-
tème: comme si on facilitait l'élude d'une science
en y laissant des dénominations sans objet, el des
règles sans fondement. Nous avons lâché d'é\iter
dans notre ouvrage les inconvénienlsel les embar-
ras qui résultent nécessairement de l'amalgame
de l'ancien el du nouveau système. La grammaire
y est traitée d'une manière uniforme, suivant les
l)rincipesdes grammairiens modernes, (jui, depuis
un demi-sicde, ont répandu tant do lumière sur
colle science. En rappariant les oi»inions ou les
décisions dos auteurs, nous avons accommodé
leurs expressions au système général de l'ou-
CAT
vrage, et nous avons fait noire possililc pour ne
rien laisser dans nos articles iiariiculiers qui fùi
en contradiction avec les principes ([ue nous avons
adoptés.
Cas se dit aussi pour accident, aventure, con-
jonclurp, occasion. On dildans celle acception au
cas que, el en cas de. On disait autrefois en cas
que. Bcauzée trouve avec raison une différence
entre ces deux expressions, el décide qu'on ne doit
pas dire en cas que. 11 niolive son o|)iiiion |)arcc
principe, que lout ce ipii cxiije un anleccdenl
le suppose déterminé individueilonient ; or, il ne
peut l'élre ijue par article, ^u cas renferme cet
article; au cas que, c'csl-a-dire dans le cas
que; mais en cas n'a poinl d'ailicle, Il ne doit
donc pas cire suivi de que. 11 faut donc direaw
cas que cela soil, avec le sulijonctif ; cl en cas
de refus, avec la préiiosilion de et un subslanlif.
Cas, Cvsse. Adj. L'.'Vcadéniie dit (ju'ilcsl vieux ;
Féraud dit qu'il n'est |iliis d'usage au masculin ;
cependant Voltaire l'a employé {E/if. prud., act.
V, se. iiô) :
L'un TOUS traînait sa voix de pédagogue.
L'autre braillait d'un ton cas, d'un air rogue.
Casamer, CASA?iii:uE. Adj. 11 suit toujours son
subst. : f^ie casa/aère, humeur casanière.
Caséecx, Caséecse. Adj. Jl ne se met qu'après
son subst.
Cassant, Cassa>te. Adj. verbal tiré du v. cas-
ser. Il se met après son subst.
Casse-coo. Subst. m. Ce mot étant composé
d'un verbe et d'un suiislaniif, le verbe ne peut
prendre le s au pluriel ; le subslantif ne peut le
prendre non plus, puisque la pluralité lomlie sur
les lieux où Ion esi exposé à se casser le cou, et
non sur les cous. Il faut donc dire au pluriel des
casse-cou, et non pas des casse-cous.
Casse-cul. On poul appliquera ce mot composé
ce qu'on a dit sur le mot casse-cou.
Casse-nojsktte, Cassf.-noix. Voyez au mol
Composé le passage où il est cpiestion des sub-
sianlii's c(im|)Osés d'un vcrlie ci d'un substantif.
Casse-tête. Voyez Casse-cnu. M. l.eniairo est
d'avis d'écrire des casses-lcte lorsqu'il s'agit
de travaux faliganls qui cassent la tète, cl des
casse-tôles, ipiand il est (lucslion des armes
propres à ca.ï«er les tôles. {Grammaire des Gram-
maires, p. 187.)
Castagnettes. Subst. f. On mouille le i/n.
L'Académie met castagnette au singulier, et ne
donne des exemples que du pluriel. La casta-
nnette, au singulier, est une des deux ou trois
palellcs d'ardoise, de bois ou d'auire malièrc,
dont on compose l'instrument nommé casta-
gnettes au pluriel. Jouer des castagnettes, dan-
ser avec des castagnettes.
Casuel, Caslelle. Adj. Fortuit, accidentel,
qui peut arriver ou n'arrivcrpas. — C'est un usage
assez général, surtout a Taris, d'employer ce mol
dans le sens de fragile : La porcelaine est ca-
sueUe, ce vase est casuel. Les grammairiens n'ap-
prouvent pas cette expression en ce sens.
Catachrèse. Subst. f. On prononce catacrèse.
Figure de rhétorique. Les langues les plus ri-
ches n'ont pas un assez grand nombre de mots
pour exprimer chaque idée |)arliculière par un
signe qui ne soit que le signe i)roprc de celte
idée. Ainsi l'on esl souvent obligé d'emprunter
le mot pro[ire de quelque autre idce <iui a le
plus de rapport à celle (|u'on veut exprimer; et
cet emploi se fait par catachrèse. Par exemple,
C.VU 109
l'usage ordinaire est de clouer des fers sous les
picd> des chevaux, ce (pii s'apj)clle ferrer un
cheval. Mais s'il arrive qu'au lieu de fer on se
sç>rve uargcnl, on du :i|,,is ^lue les chevaux sont
ferrés dnrgent, pinlùl (|uo d'invcnlur uiinou-
veau mol cjui ne serait pas enicndii. On ferre
aussi d'argent une casselle, etc. Alors ferrer
signifie, [wr extension, g.irnir d'ar^'onl au lieu de
fer. On dil de même aller ôi ihenit .sur un bâ-
ton, pour dire se mellie sur un bàlon de la même
manièio ipioii se |)lace a clicvid. Parricide se
dil non-seulement de celui »iui lue son père, ce
(]ui esl le premier usage de ce mol; mais il se dil
encore par cxlensioii de celui (pii fait mourir sa
mère, ou (luebiu'un de ses iiarcnls, ou eulin
(jnelque personne sacrée Ainsi la calaclncsc esl
un ecarl (|ue certains mois font de leur première
signilicaliun, pour en prendre une autre ijui y
a rapport; el c'est aussi ce (pi'on appelle <?x-
tcnsion. La raison rcjeiie ces c\pressioiis, mais
la ncccssilé les excuse; et le sens qu'on y atta-
che sauve ta conlradiclion qu'elles |iresciiienl.
CatahTiHal, Catariihale. Ailj. Il nesemcl qu'a-
près son subst. : Fierté caturrliule.
Catauiiheux, Catarrheuse. Adj. 11 ne se met
qu'après son subst. ; Fièvre cutarrheuse, vieil-
lard cutarrlieux.
CATASTiioi'HE. Subsl. L C'csl Ic changement
ou la révolution qui arrive a la lin de l'action
d'un poème dramatique et (]ui la lermine. On
n'altaclic plus à ce mol que l'idée d'un cvcne-
iiiciit funeste.
Catéchisme. Subst. m. A'olUiirc a dil {Epitre,
ACVli, (j7) :
Et dans l'Europe enfin l'heureux lolérantisnic.
De tout esprit bien fait devient te cuteclnonr.
Catéchumène. Adj. des deux genres. On ne
prononce point le h.
CATÉGouiQtEMENT. Adv. On Ic mcl après le
verbe : lia parlé catégoriquement, Cl non pas il
a catégoriquement parlé.
Catholique. Adj. des deux genres. Au propre,
il ne se met (ju'après son subst. : La foi cailwli-
que, la religion catlwlique.
Catholiquejient. Adv. 11 se met après le
verbe : Il a prêché cutholiquement, cl non pas
il a cathiliquement prêché.
Caucuemar. Subsl. m. On prononce cochemar.
Causatif, Causativë. Adj. Terme de gram-
maire, il se dil des conjonctions dont on se serl
|)our rendre raison de ce qui a été dil : Parti-
cule causutive, conjonction cuusutive.
Cacse. Subsl. f. On dit, dans le sens de prè[M)-
silion, à cause de, et à cause que. Le premier
régit toujours un nom ou un pronom; le scccnd
rcgil l'indicatif: A cause du tnaurais temps, à
cause qu'il fait mauvais temps.
Calseub, Calsel'se. Adj. 11 se met toujours
après son subsl. : Homme causeur, femme cau-
seuse, humeur causeuse.
Caustiqle. Adj. des deux genres. 11 se met or-
dinairemcnl après son subsl. Au lignrc, il poui^
rait quelquefois se mettre avant : Elle prétend,
dans sa caustique humeur, Cli--.
CAUTELEi:st,MK>T. Adv. lise melapii-sle verbe:
Il a agi cauteleuse ment, el non Jias il a caute-
leuseutent agi. ,. „
CAtTELEDX, Cal'teleose. Adj. II nc se mei
qu'a|)rôs son subsl. : Un homme cauteleux, un
esprit cauteleux. L'Académie ne le dit .pic des
personnes el de ce qui a lapiiori aux i)crsonnes;
je pense qu'on pourrait dire une réponse caute-
ilO
CE
leuse; et alors on pourrait le mettre avant son
subst., en consullanl roreillc et l'analogie.
Cavalier. Snl)St m. On dit au féminin cara-
lière, en parlant d'une Tcmnie qui monte bien à
cheval : Celte femme est vne bonne cavalière. —
L'Académie n'admet point ce féminin.
Cav.ilier, Cavalière. Adj. Il se met après son I
subst. : Un air cavalier, vne rrpouse cavalière.
Cavalièrtment. Adv. Il se inel ordinairomenl
après le veriie : On l'a traité cavalièrement.
Caverneux, Cavernflse. Adj. (|ui ne se met
qu'après son subst. : Lieux caverneux, monta-
gnes caverneuses, corps caverneux.
Ce. .\dj. dcnionsiralif. Il fait au féminin cette,
et ces au pluriel. Ce no se met au masculin que
devant les noms qui commencent par une con-
sonne ou un h aspiié : Ce roi, ce ht'ros. De-
vant une voyelle ou un h muet, on écrit cl on
prononce cet : Cet ami, cet homme. H se dit des
personnes et des choses
Cet adjectif a toujours rapport à un nom ex-
primé ou sous-entendu, ou a quehjiics mots de
la phrase qui le précèdent, ou qui équivalent à
un nom. Dans cet homme est mon ami, cette
maison est agréable, ce jardin me plaît beau-
coup, cet, cette et ce ont rapjwrt aux substantifs
qui i»récèdent. Dans t7 ne faut faire que ce qui
est honnête, ce a rapport a des chnsa honnêtes.
Ce se joint souvent au verbe être. Alors il se
met quelquefois au commencement d'une pro-
position, soit pour lui donner plus de force, soit
pour lier cette proposition à ce qui précède.
Quand après avoir parlé des Phéniciens et décrit
l'esprit d'industrie et d'invention qui distincuait
ce peuple, je dis ce furent eux fui inventèrent
l'écriture, celte proposition est liée par ce à ce
que je viens de dire ; elle ne le serait pas si je
disais simplement ils inventèrent Vécriture Si
je dis c'est le devoir d'un chrétien de pai donner
à ses ennemis, l'expression a plus d'énergie que
si je disais simi)lemonl le devoir d'un chrétien
est de pardonner à ses ennemis.
Lorsque de deux propositions, la première doit
être qualifiée par la seconde, ce joint au verbe
être se met au commencement de celte swondc
proposition, pour indiquer ce rapport, marquer le
caractère (pialilicalif de la projwsition qu'il com-
mence, et former sous ce point de vue la liaison
des deux pro|)Ositions. Se dévouer à la cause de
la philosophie est le devoir de tous les hommes
qui pensent; voilà deux propositions dont la der-
nière qualilie la première; mais on sent que ce
rapport est bien mieux marqué, et que la liaison
formée par ce rajjport est bien mieux indicjuéc
quand on dit : Se dévouer tout entier ci la cause
de la philosophie, c'est le devoir de tous les hom-
mes qui pensent. Ce?,l parle même principe qu'on
dit, boire, manger, dormir, c'est le partage de la
brute; penser avec liberté, sentir avec délica-
tesse, agir avec courage, c'est le partage de
l'homme. Dans ces deux exemples, ce rassemble
les idées partielles du premier membre, et les in-
dique comme une seule chose, ce qui les singula-
rise et les rend analogues au second.
Domcrgue prétend que dans cet cxcmpie, se
dévoiler entièrement à la philosophie , c'est le de-
voir de tous les hommes qui pensent, le ce n'est
nécessaire que parce que s^dévouer, <pn est l'i-
dée principale de la première proposition, étant
accompagné de plusieurs compléments, se trouve
trop éloigné de la seconde. Le ce, dit-il, sert dans
cet excm|)le à rapprocher le plus «lu'il est possible
deux choses qu'il faut séparer le moins possible.
CE
Mais, selon lui, .orsque les idées principales des
deux propositions ne sont point séparées, ou
qu'elles ne le sont que par un complément très-
court, ce est inutile, parce (|u'il n'y a point de rap-
prochement a faire Ainsi l'on disait autrefois au
parlement, qui condamnait au feu les ou\ rages des
philosophes, brûler n'est pas répondre.
Je pense que cet académicien s'est trompé : te
ce est nécessaire moins jiour le rapprocheinenldes
deux parties principales des propositions, que
pour la liaison de ces deux propositions sous le
rapport qui les caractérise. 11 est vrai que l'on
peut dire brûler n'est pas répondre, nier n'est
pas prouver ; mais il faut observer (juc ces phra-
ses sont des phrases négatives, qui signilient que
lu première idée n'est pas semblable à la seconde;
et que ce joiiitàe*^, étant particulièrement des-
tiné à indifiuer la liaison, la convenance des deux
idées, figurerait mal dans une phrase qui exprime
disparité, diseonvenancc. On ne dit pas dans le
sens négatif, brûler ce n'est pas répondre, nier ce
7i'est pas prouver ;mw\s on dit dans le sens affir-
malif, penser c'est vivre, flatter c'est tromper
Quelquefois ce, au commencement d'une pro-
position qui est liée avec une proposition anté-
cédente, semble n'indiquer qu'une personne ou
une chose dont on a déjà parlé dans la première
proposition : J'aime Pierre, c'est un bon ami; ce
c'est Pierre; je lis volontiers Bacine et Des-
préaux, ce sont de grands poètes ; ce est pour
Racine et Despréaux.
De là quelques grammairiens ont pensé que ce
n'est pas une faute de substituer dans ces phrases
il ou ils à ce.
Certainement ce ne serait pas une faute, si l'on
n'avait pas intention d'indi(]uer une liaison entre
les deux propositions; dans le cas contraire, c'en
serait une. Si après avoir dity'rtî/ne /'terre, je dis
il est bon architecte, il n'y a point de faute si je
ne veux marquer aucune liaison entre mon amitié
pour lui et son ha!)ilelé dans l'architecture. Mais
si je dis j'aime Pierre, il a pris soin de ma jeu-
nesse, je fais une faute si je veux marquer une
liaison entre mon attachement pour Pierre et les
soins qu'il a pris de ma jeunesse. Il faut donc que
je dise, i)our marquer cette liaison, c'est lui qui a
pris soin de ma jeunesse. On ne peut donc pas,
dans ces sortes de phrases, substituer indifférem-
ment il ou elle à ce.
Si plusieurs substantifs au singulier suivent le
verbe être précédé de ce, ce verbe se met au singu-
lier : C'est l'avarice et l'ambition qui troublent le
monde, et non pas ce sont, etc.
Si de ces substantifs le premier est au singu-
lier : et l'autre ou les autres au pluriel, le verbe
être se met aussi au singulier: C'est la gloire etl.es
plaisirs qu'il a en vue. Si au contraire le premier
est au pluriel, et les autres au singulier, le verbe
se met au pluriel : Ce sont les plaisirs et la gloire
qu'il a en vue. Cependant si ie substantif pluriel
est suivi il'un substantif singulier précédé d'une
négation, le verbe se met au singulier: Los dieux
décident de tout, c'est donc les dieux et non pas
la mer qu'il faut craindre- (Fénel., Télcm..,
liv. VI, t. 1, p. 220.) C'est comme s'il y avait ce
n'est pas la mer, ce sont les dieux qu'il faut
craindre.
Mais si le substantif ou les substantifs sont au
pluriel, le verbe se met aussi au pluriel : Ce sont
les ingrats, les menteurs, les flatteurs qui ont
loué le vice. (Fénel., Télém., liv. XVIII, t. II,
p. 216.)
11 faut observer que dans tous les exemples que
CEI)
nous venons de cilcr, ce se rapporte aux sulv-
stantils ([ui le suivcul : C'est l'avarice et l'ambi-
tion qui troublent le monde, c'csl-à-dirc l'avarice
et l'ambition est ce qui trouble le monde ; ce sont
les plaisirs et la gloire qu'il a en vue, c'est-à-dire
les pl'ii-firs et la gloire sont ce qu'il a en vue.
Mai> quand ce ne se rapporte pas aux substan-
tifs qui le suivent, mais à un ou a plusieurs sub-
slanlils qui procèdent, alors le verbe être doit
s'accorder en nombre avec ce substantif ou ces
substantifs. Ainsi, quoi qu'en dise l'craud.bufiun
a eu raison de dire, dans son Histoire naturelle
de l'homme : Les nègres blancs sont des nègres dé-
générés de leur race, ce ne sont pas une espèce
d'hmme particulière et constante. Ce est ici pour
ces nègres blancs, ou jiour ils, se rapportant a ces
nègres blancs; et si l'on peut dire ces nègres
blancs ne sont pas, ou ils ne sont pas une espèce
4'homvie particulière et constante, on peut bien
dire aussi ce ne sont pus, etc.
Le temps du verbe cire précédé de ce est dé-
terminé par le tenqis du verbe suivant. Ainsi il
faut dire c*? sera nous ywj' jouirons de ses bien-
faits, et non pas c'est nous qui jouirons. Ce fut
Cicéron qui sauva la république, et non pas c'est
Cicéron qui sauva la république .
Quand ce joint au verbe être est suivi d'un in-
llnilif, d'un adverbe, ou de l'une des prépositions
a ou de, la seconde partie de la phrase doit être
jointe à la i)remicrepar la conjonction que : C'est
autoriser le mal que de l'excuser, c'est là qu'il
faut aller, c'est à vous qu'il veut parler, c'est
de vous qu'il s'agit. Voyez Adjectifs démonstra-
tifs
Lorsque ce est suivi d'un adjectif relatif qui,
que, dont, quelquefois on le répète, et quelque-
lois on ne le répète pas au second membre de
phrase. Voyez Èépétition.
Ceci, Cela. Adjectifsdémonslratifsqui so disent
d''S choses, coinaie celui et celle se disent des per-
sonnes. Ceci indique l'objet qui est le plus près
(le nous, ei cela l'objet le plus éloigné.
Ouehjuefois ceci et cela se disent seuls, et sans
rapport à la dislance plus ou moins grande des
olijets : Ceci m'étonne, cela me surprend. En jiar-
iani d'un objet qu'on tient et qu'on montre, ou
qu'on met entre les mains de celui à qui l'on
parle, on dit voyez ceci, examinez cela. Alors
ceci ei cela ne signifient autre chose que l'objet
que je vous montre, ou l'objet que je remets entre
vos mains. On dit dans le même sens, que dites-
vous de ceci? que pensez-vous de cela ?
Dans le discours très-familier, cela se dit qnel-
([uefois avec rapport aux persomies : Cette petite
fille est une sotte, cela ne sait pas dire un mot.
Il n'est bon qu'au palais; cela suit les lois, et
voilà tout. On dit aussi, en parlant d'un enfant,
cela ne fuit que. jouer, que rire, etc.
On dit aussi, dans le langage familier, c'est
parler, cela ; voilà paiicr, cela; pour dire, voilà
ce qui s'appelle parler clairement, avec courage,
avec fermeté. "V oyez Adjectifs démonstratifs.
Cécité. Suljst. t. Voyez Aveuglement.
Cédant, Cédante. Adj. verbal tiré du v, céder.
Il ne se dit qu'on termes de pratique, et ne
s'emploie guère que substantivement : Le cédant
et le cessionnaire.
CÉDILLE. Subst. f. La cédille est une espèce
de petit c que l'on met sous le c lorsijuc, par la
raison de l'élymologie, on conserve le c devant
un a, un o ou un w. Ainsi de glace, glacer, on
écrii glaçant, glaçon ; de menace, menaça7it ; de
France^ français; de recevoir, reçu, etc. En ces
CEL H,
occasions, la cédille manjuc que le c doit avoir
la même prononciation douce qu'il a dans le pri-
mitif. Par cette pratique, le dérivé ne perd mim
la lettre caractéristi(iue, cl conserve ainsi la
marque de son origine. (Dumai-sais.)
Ckindre. V. a. de la 4' conj. Il se conjugue
COmmopeindre.
Ceint, Ceinte. Pari, passé du verbe ceindre.
Employé adjectivement, il régit la iircposjiiun de.
Le front ceint de lauriers, une ville ceinte d'une
muraille.
Cela. Voyez Ceci.
Célèbre. Adj. des deux genres. On peut 1.-
mettre avant son subsl., loisiiue l'analogie ei
rharmonie le pcruictlent : Un homme cclèbre,
une femme célèbre, un auteur célèbre, un célèbrr
auteur, un musicien célèbre, cette assemblée cé-
lèbre, cette célèbre assemblée.
Ce mot régit quchpiefoisla préposition p«r ei
la préposition ^ot/?'; Célèbre par ses exploits, par
ses vertus; célèbre pour sa piété, pour sa aoc-
trine.
iioileau a dit célèbre en naufrages.
Sais-lu dans quels périls aujourd'hui lu l'engages?
Celle mer où lu cours est célèbre en naufrages.
Je crois qu'on ne peut pas plus dire célèbre
en naufrages, que célèbre en malheurs, en com-
bats, en exploits. — «Comment pourrait-on mieux
dire? l.'u^agc et l'Académie permcltenl dédire
fameux en naufrages. L'analogie osl coinitlèlc.
(A. Lemaire, Grammaire des Grammaires,
p. 2S5.)
Celer. 'V . a. de la 1'''" conj. Il fait au présent
je cèle ; AVI futur, je cèlerai. Je ne vous cèlerai
pas que... [Dict. de l'Académie.)
Céleste. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subsl., lursciue l'analogie cl
rhnrmonie le permettent : Les globes celâtes, les
influences célestes, le courroux céleste, le cé-
leste courrouj;.
Celci, Celui-ci, Celci-la. Adjertifs démon-
slralifs formes de ce. Celui est foi nié de ce et de
lui, et son féminin celle de ce et de elle, a quoi
on a ajouté ci et la, pour faire ce/i/i-c», celui-là.
Celui fait ceux au pluriel. Le fcminin celle
formeson pluriel par l'aildilion d'un *, celles. Ci
et là n'adinottenl aucune variation.
Celui, celle, ceux, ont toujours rapport à un
nom cx|)rimé ou sous-entendu. Dans celui qui
vous parle, V\ mut homme est suus-enlendu ; c'est
coninic s'il y avait celui homme qui vous parle,
où l'on voit (lue l'adjeclif celui modilie le mot
/io//t;/ic en le désignant. Dans les jjiirases où le
nom est ainsi sous-entendu, ces adjectifs ne se
disent (pic des peisonnes.
Quand ces adjectifs se disent des choses, Ils se
rapportent toujours à un nom exprimé qui les
précède ou qui les suit : C'est une belle maison
que celle que nous venons de voir; voilà CCUX
de mes livres que j'ai achetés hier.
Ces adjectifs doivent nécessairement élre sui-
vis des mots di-, qui, que, dont, ci, là .• Ce fut
celui de tous les jeunes gens que j'aimais le
plus. (Fénclon.) C'est celle qui demande à vous
parler, f^oilà ceux dont /'ai fui' choix. Voyet
celle-ci, examines celle-là.
Il suil de la qu'un nom, un adjectif ou un par-
ticipe, ne doivent jias suivre immédialcmcnl ces
adjectifs. Ainsi l'on ne peut pas dire celuilwmme,
celui tableau. On ne dira p is non [)lus ; En vous
parlant de ces ouvrages, j'ai oublié ceux fait*
H2
CEL
par mon oncle ; il faut dire ceiij; qui ont clé faits
par mon oncle ; ni ce f/iàl n'est pas celui domi-
nant, mais et' g(ût nesl pas celui qui est domi-
nant.
Celui-ci Cl celui-là ne peuvent èlic suivis
(l'un ailjcclif i-onjonctif, lurstiu'il n'y a dans la
pliiMsc «juiine (iroijosilion dunl ils sont le sujet.
On ne peut pas &\ic ce/ui-ci qui disait, celui-là
qui chantait. Il faut dire ou celui-ci disait, ce-
lui là cliuntail, ou celui gui disait, celui qui
chantait.
Mais ipiand il y a deux pro|)ositions, celui-là
on celui-ci peut être par lui-inèmc le sujet de
l'une, et par le moyen d'un adjectif eonjonctif,
le sujet de l'auiic. Ainsi l'on diia ceux-là se
iritupent qui craient que..., celui-là est heu-
reux qui ne di'sire rien ; ve mù revient à ceux-
là se trompent, lesquels ceux-là croient que. . . ,
celui-là est heureux, lequel celui-là ne désire
rien. On dit de même celui-ci, qui est yrand,
me convient mieux que celui-là, qui est petit ;
c'est-à-dire, celui-ci me convient mieu.r, lequel
celui-ci est grand, que ne me cnni'ient celui-là,
lequel celui-là est petit. On ne peut pas dire
ceux-là qui aiment Dieu gardent ses comman-
dements, pai'ce nue ceux là et qui ne peuvent
pas être le sujet de la pr(uniére |)roposilion; mais
on dirait très-bien ceux-là aiment Dieu qui gar-
dent ses commandements, parce (jne ceux-là se-
rait le sujet de la première proposition, et qui le
sujet de la seconde.
11 faut observer (pie dans les phrases telles que,
ceux-là se trompent qui croient. . . celui-là est
heureux qui ne désire rien, là est une |)articule
sural)nndantc <pii ne sert t|u'a appuyer davanlaire
sur celui, mais qui ne change rien au sens. Dans
CCS phrases, on ne pourraiT pas mettre ceux-ci
ou celui-ci au lieu de ceux-là ou celui-là. C'est
ce ([ue "Voltaire a remarque à l'occasion de ce
vers du Menteur [ad. IV, se. i, 21) :
Si celle-ci venait qui m'a renda sa lettre.
Il faudrait, dit-il, celle-là ou celle. Le mol celle
Bc doit pas se sé()arer de qui.
On dit aussi c'est celui-là qui m'a volé, c'est
relui-ci qu'il faut arrêter, c'est celle-là que je
préfère. Dans ces phrases il y a réellement deux
priipt>sili<ins. C'est comine si l'on disait voyez
celui-là, lequel celui-là m'a volé ; voyez celui-ci,
lequel celui-ci il faut arrêter ; voyez celle-là, la-
quelle celle-là j'ai en rue.
(Juand celui-ci et celui-là ont rapport à des
personnes ou à des choses dont il vient d'être
question dans le discours, celui-ci se dit de la
personne ou de la cho^e (lui a été nommée la der-
nière, et celui-là, de celle qui a été nonunèe au-
paravant : Le magistrat et le guerrier serrent
également la patrie: celui-ci /jurso/t courage, ce-
lui-la par sa sagesse. L'agriculture et le com-
merce sont également utiles à un Etat: celui-ci
enrichit ses habitants , celle-là les nourrit. —
n (Juchpicfois dans les énuinérations on se sert
de CCS deux pronoms sans qu'ils aient rap-
port à un substantif exprime : Celui-ci meurt
dans les prospérités et dans les richesses ; celui-
là dans la misère et dans l'amertume de son
âme. (Flcchier )
« Mais quand le pronom n'a rapport qu'à un
seul siibstaniif exprimé,- peut-on indifféremment
mettre l'un ])our l'autre? 1 a Grammaire natio-
nale se, prononce [lour l'aflirmativc, à propos do
celle plirase de Pascal : Si j'avais écrit les Pro-
CEN
vinciales d'un style dogmatique, il n'y aurait eu
que les savants qui les auraient lues, et ccux-la
n'en avaient pas besoin. {Pensées. W Part., Art.
^VII, § 78.) 11 nous semble cependant que
ceux-ci ne rendrait pas la pcnsre de Pascal;
il veut opposer les savants à une autre classe
de lecteurs; il y a donc dans sa pensée deux
termes de rapport, l'un exprimé, l'autre sous-
entendu, et c'est ce (]u'd fait parfaiiemenl com-
prendre par le pronom ceux-là, ipii est l'in-
dice dun second terme. L'un de ces mots ne peut
donc pas remplacer l'autre sans changer la nuance
de ."idée. » (A. Lomaire, Grammaire des Gram-
maires, p. 3(52.) Voyez Ailjectifs démonstratifs
Cendiîe. Subst. f. 11 se dit pour mort.
J'ai donné comme loi des larmes à sa cendre.
(Volt., Alz., acl.I, se. ir, 27.)
S'ils ont aimé Liius, ils vengeront sa cendre.
(Volt., OEd., acl. l, se. m, 116.)
Arrête, et respecte ma cendre.
Quand il en sera temps je l'y ferai descendre.
(Volt., Stmir., acl. III, se. vi, 96.)
Cela signifie proprement, dit La Harpe, je le
ferai descendre dans ma cendre; ce qui n'est
pas français. Mais les idées de cendre el de tombe
sont si voisines, que la pensée les confond par
approximation, el se prête à l'ellipse qu'il faut
supposer, dans la tombe où est ma cendre. Cette
licence n'esl peut-être pas une faute, mais n'est
pas non plus une beauté. [Cours de Littér.)
Ce.\dbé, Cendrée Adj. Oui est de couleur de
cendre. Il ne se met (]u'aprésson subst.
Cenlrecx, Cendreuse, oui est couvert de cen-
dres. 11 ne se met qu'après son subst. : Son ha-
bit est tout cendreux.
Cénobitique. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. ■ f^ie cénobitique.
Censcrable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille el
l'analogie : Une action censurable, une pjy posi-
tion censurable, celte censurable proposition.
Cent. Adj. numéral des deux genres. Cent
prend un * au pluriel, (juand il est suivi d'un
substantif pluriel, el on prononce le* quand ce
substantif commence par une voyelle ou un h
non aspire : Deux cents soldats, trois cents hom-
mes. Il faut observer (pren ce cas, cent est re-
gardé comme un substantif pris pour centaine ;
c'est comme s'il y avait deux centaines de sol-
dats, trois centaines d'houimes.
Mais cent s'écrit sans s au pluriel, quand il est
suivi d'un autre nombre, ou qu'il est employé
dans les dates : Deux cent vingt chevaux, l'an
viilhuit cent. Il s'emploie quelquefois pour uu
nombre incertain, mais fort grand :
Cent fois la bêle a vu l'homme hypocondre
Adorer le métal que lui-même il lit fondre.
(BoiL., sal. VIII, 267.)
Centenaire Adj. des deux genres qui suit tou-
jours son subst. : Nombre centenaire, prescrip-
tion centenaire, possession centenaire. 11 Se dit
substantivement d'une personne (jui a cent ans :
Un centenaire.
CE^TIÉME. Adj. des deux genres qui se prend
substantivement. Comme adjectif, il précède or-
dinairement son subst. : La centième année.
Comine subslantif, il ne faut pas confondre le trois-
centième avec les trois centièmes. Le trois-cen-
tième de cent est un tiers, puisque la trois-cen-
tième partie de cent csl la mcinc chose que la
CER
troisième partie de un. Les trois centièmes décent
sont trois, i)iiis<iiic In ccniicinc pari ic de iciii est un.
Centimk. Stili-l. m. C'est a tort que plusieurs
persiiniirs le l'ont féininin.
Centiul, CENTiiALK. A(!j. Il suit toujours son
subsl. : Pniiii cetitrul, ligne centrale. On ne lui
donne point ijc plniicl au iniiscnlin.
Cent-slissks. Sulist. m. pi. H se disait d'une
partie do la irariledu roi, qni était composée de
Suisses, au notnlirc de cent. On disait, au sin-
gulier, u/i CeniSiiisxe, pour dire un dos Ccnl-
Suisscs [Dict. del'Acad.)
Cep. Sulist. m 1,'Acailomie ne dit pas si l'on
prononce lo p. l-'orand dit (pi'on le jiroMonce. 11
nous scnil)lc qu'on ne le prononce que lors(iue le
uiol se dit isolement ou à la fin d'une phrase.
On ne prononce pas lepdnns un cep de rigne.
Cependant Adv. Dans le sens de |)cndaiit cola,
pendant ce tenq)slà, il se met au conunoncen:ent
de la |)tM'ase : Cependant l'ennemi appri chuit.
Dans le sens de néanmoins, toutefois, nonobstant
cola, il se met à la icte du second membre de la
phrase, ou après le verlic : On disait qu'il ne
viendrait pas, cependant il c\t venu, ou il est
venu cependant.
Cercueil. Subsl. m. On prononce cerg'weîï. Il
se dit figurcmcnt en parlant de la mort :
Dût sa (étnérilé le conduire aa cercueil.
(Volt., Uenr.,ym, 367.)
On dit creuser son tombeau, mais on ne dit pas
crevser soit cercueil.
CÉRÉJioMiELx, Cékémonieuse. Adj. Il se met
toujours après son subst. : Un homme cérémo-
nieux.
Cerf. Subsl. m. Fèraud dit, d'après l'Acadé-
mie, que le /'ne se prononce jamais dans ce mot.
En 47ii2 l'Académie l'avait docidc ainsi; mais
en 171)8 et or !S35, elle a décide autrement. Elle
ne fait point d.' rcmaniue au mot ceif, et dit au
mot cerf-r< luitt, (|u'il faut jjronoiicor cer-ro-
lant, ce qui indique assez qu'ailleurs lo /"doit
se prononcer dans ce mot. Cette dernière décision
doit ctie i)roroièeà la première, le /"se prononce
a la fin du mol cerf, lorsiiuc co mut est dit iso-
lement, ou (pi'il se trouve à la fin d'une phrase.
On dit un cerf, et non pas un C':!r. Mais on dit,
sans prononcer lo/", cer dix cors, cl dans la jtliqiart
des expressions consacrées dans la vénerie, on ne
prononce pas cette lettre, ce ijui a sans doute
donne lieu a l'erreur de l'Acadéune de I7()2.
Ckrf-voi.ant. Subsl. m. On prononce cer-
volant. L'Académie ne donne aucun exemple
du pluriel ; mais comme ce mot est conqiosé
d'un adjectif et d'un substantif, il doit faire au
pluriel cerfs-vifliints.
Certain, Certaine. Adj. Dans le sens de %Tai,
d'assuré, il se met toujours ajirès son substantif :
Chose certaine, nouvelle certaine, avis cer-
tain.
Certain, dans le sens de quelque, se dit des
personnes et «les choses, et se met toujours avant
son subst. C'est un prépositif. Certaines gens,
certaines choses.
Cl•:RT^IM:.ME^T. Adv. Dans le sens d'affirmation,
il se met avanl le verbe : Certainement il a bien
fait de se comporter ainsi Dans le sens de in-
dubitalileiiicnl.il se met après : Suves-vous cela
cerluiiiemcni?
Qucbiucs per.'ionnes disent certainement que.
Celle iuculion n'est pas adoptée par le ton
CES
113
Certifier. V. a. do la i" ronj. Dans le scM
affirinalif, d ro|:ii l'mdhauf : ./c pois certifier ou,
cela est. Dans lo sens néiratif. il ,oi:it le subjonc-
tif : Je ne certifie pas que cela sni'l. Dans le scni
inlerrogatif, on [wut le faire suivre .le l'indioalif
ou du subjonctif, selon la diiforonio vue de l'e».
prit. Je dis puis-jc certifier que cela cst^ lors-
que je suis certain que la chose n'c^ pas; el
puis-je certifier que cela snii? lorsipie je n'ai
pas la cortiiudoipic la chose est.
Certitude. Subst. f. Aviir la certitude de quel-
que chose. Savoir une chose arec certitude.
Cessant, CfSSANTE. Adj. verbal, tiré du verbe
cesser. Il se met a()rès sou subst. : 'J'uutc affhire
cessante.
Cesser. "V. a. et n. de la i" conj. I,' Académie
donne ptjur exemple : Sa fièvre csl cessée, et la
goutte a cessé de le tnurmentcr. Cola veut dire
que le vorlie cesser |)renil tantôt l'auxiliaire (?/r«
et tani<')t l'auxiliaire amir. .Mais dans «luol cas
prend- il l'un ou l'autre? On se sort <lo l'auxi-
liaire aroj'r quand on veut exprimer une action.
On dit la fièvre a cessé, si l'on veut cv[irimcr
qu'elle a cessé d'agir. On dit de mémo la goutte
a cessé, les plaintes ont cessé, les chnnts ont
cessé. Mais si l'on veut expriinor l'état qui résulte
lie la ces&ition de l'ï-ction, on einpluiora l'auxi-
liaire e/re, et l'on dira sa fièvre est cessée, la
peste est cessée, les fêtes sont cessées. V. .auxi-
liaire.
Après ce verbe on peut supprimer pas ou
pi int; cette suppression a lieu quand on ne veut
j)as exprimer une continuation absolue et non
inleiromiiue. Quand on dit d'un ouvrier <pr?7
ne cesse de travailler, cela vent diie qu'il cm-
|itoie au travail tout le temps ipi'il [vont y em-
ployer, n ne cesse de travailler du matin au
soir, ne veut pas dire qu'il travaille du malin au
soir continnollomonl et sans inlernqiliun, mais
(pi'il travaille continMolloment, à l'exiojilion des
heures des ropas. Mais si l'on voulait exprimer
une continuation absolue de travail, s;iiis aucune
espèce d'ini(>rruplion , il faudrait motire pas:
Depuis deux heures, il n'a pas cessé de travail-
ler. Il 7i'a pas cessé de truvaillcr depuis son
dîner.
Césupe. Subst. f. On apjjolle ainsi un repos
fpio l'on prend dans la prunoiici;ilion d'im vers,
après un certain nombre de syllabes. C:; repos
soul.iL'o la respiration, et produit une cadence
ai-'iéable à l'oreille. Ce sonl ces ilenx motifs
(pii ont introduit la césure dans les vers.
la césure sé[) ne les vers on doux p irtics, dont
cbacune est appelée hémistiche, c'esl-a-dire demi-
vers, moitié de vers.
En français, la césure ou repos es! mal |)Iacée
entre certains mots (pii doivoiil èli'e dits tout de
suite, et i|ui font ensemide un sons insr'parable,
selon la maïuére ordinairode jiarlor ot ilo lire. Tels
sonl la pi-éposition et son comidèincnt ; ainsi le
vers suivant est défectueux :
Adieu, je m'tn vais à... Paris pour mes aftairc».
11 en est de morne du verbe est qui joint l'at-
tribut et le sujet, comme dans ce vers :
On saU que la chair est... fragile i|iieli|ii«fiii».
Tar la même raison, on no doit jamais disposer
le substantif ot l'ailjerlif de fa.;";i .|iio l'un finisse
le piemier homislirlio, et que I aulie coiûmcnce
Je second, i omme dans ce vers :
Irit doDt la beauté... charmante nous attire
8
{i4
Cil A
Cf'pendant, si le substantif faisait le repos du
premier héinislicho, cl qu'il fût suivi de doux
adjectifs (]ui achevassent le sens, le vci-s serait
bon, comme dans :
Il est une ignorance.
et sainte et salutaire.
(Sact.)
Ce qui fait voir qu'en toutes les occasions, la
grande r^glo, c'est de s'en rapporter à son ju^e-
mi'nt.
Dans les grands vers, c'cst-à-dirc dans ceux
Je douze syllabes, la césure doit être après la
sixième syllabe :
Jeune et Taillant héros... dont la haute sagesse.
(BoiL., Disc, au roi, 1.)
Observez que celte syllabe doit êlrc une syl!;ibc
pleine ; qu'ainsi le repos no peut se faire sur une
syllabe qui finirait par un e mucl. Ou bien il
faut alors que cet e muet se trouve à la septième
syllabe, et s'élide avec le mot qui le suit :
Et qui seul, sans ministre... i l'exemple des dieux.
Soutiens tout par toi-même... et vois tout par tes yeux.
[BoiL., Disc, au roi, 2.)
Dans les vers de dix syl'.ibes, la césure doit
élre après la quatriciT>e syllabe :
Ce monde-ci... n'est qu'une œuvre comique
Où chacun fait... ses r6Ies différents.
iRoL'SSEir.)
Il n'y a point de césure prescrite pour les
vers de huit syllabes, ni pour ceux de sept ; ce-
pendant on peut observer que ces sortes de vers
sont bien plus harmonieux quand il y a une
césure après la troisième ou la quatrième syllabe
dans les vers de huit syllabes, et après la troi-
sième dans ceux de sept.
Au reste, on ne parle ici que des vers du louze,
de dix, de huit et de sept syllabes. Les autres
sont moins harmonieux , et n'entrent guère que
dans le chant et dans les pièces de caprice (Du-
marsais).
Cet. Voyez Ce et adjectifs démonstratifs.
Ch. Ces deux lettres prennent le son du k
quand elles sont immèdialeiuent suivies d'un l,
Chloris; d'un n, Arachné ; d'un r, Chrysis.
Quand elles sont suivies d'un m, elles prennent
le son du g, drachme. Dans les noms lires de
l'hébreu ou du grec, ch a le son du k, Nahucho-
donosor, Archétipe. Mais plusieurs mois de celle
classe, étant devenus plus communs (}ue les au-
tres parmi le peuple, se sont inscnsildemenl éloi-
gnés de leur prononciation originelle, pour pren-
dre r(!lle du ch français ; tels sont : archevêque,
archidiacre, archiduc, archiprêtre, architecte,
chéruMii, chimie, chirurgien, Achille, Ezéchias,
Machiavel (d'où machiavélisme , machiavéli-
Chacdn, Chacune. Ce mot n est point un pro-
nom, comme le prétendent la plupart des gram-
mairiens; car il ne se met jamais à la place d'un
nom. C'est un adjectif collectif dislributif qui
détermine tous les individus compris dans l'idée
d'un nom commun a élre pris distributivemcnt
avec nippon à un sens afiirmalif ; au contraire
d'aucun, aucune, qui les font prendre distribuli-
vemeiil avec rapport à un sens négatif.
Chacun s'emploie seul avec relation à un nom
commun connu, soit pour avoir été énoncé au-
paravant, soit pour être suffisamment déterminé
CIIA
I par les circonstances de renonciation. Ainsi,
après avoir |)arlé de livres, on dira chae^un coûta
six francs ; ajirès avoir parle de Pierre et de
Paul, chacun d'eux y a consenti; ajirès avoir
parlé de dames, cluicune avait une parure diffé-
rente ; el l'un voit, dans ces phrases, que chacun
est en concordance avec les noms communs
livre, homme, dames, et qu'il en suit le genre.
En ce sens, il se dit des personnes el des
choses : Chacune d'elles fut surprise. Ces ta-
bleaux ont chacun leur mérite.
Quelquefois il s'emploie d'une manière absolue
en apparence, conmie ijuand on dit cJiacun se
'plaint de son état, chacun se dit ami, chacun
veut être heureux. 3Iais le sens indiiiue assez
que dans ces phrases chacun se dit pour chacun
homme. Dans ce cas, chacun se rapportant au
nom connnun homme, qui ^l <lu masculin, il ne
peut être mis au féminin. Dans aucun cas il ne
peut élre mis au pluriel, parce qu'il désigne tou-
jours des individus pris l'un après l'autre. On
disait autrefois un chacun ; celle façon de parler
n'est plus admise.
Quelquefois chacun, quoique toujours singu-
lier, est tanlôl suivi de son, sa, ses, le, lui ou
elle; cl tantôt de leur, leurs, eux ou elles. On
demande dans quels cas il faut employer l'un ou
l'autre de ces mots. Doit-on dire, par exemple, il
a donné à chacun sa part, ou à chacun leur
part; ils ont apporté chacun son n/frande OU cha-
cun leur offrande; il faut remettre ces livres,
chacun à sa place, ou chacun à leur place; les
deux rois fuisuieiil chanter le Te Deum, chacun
dans Sun camp, OU chacun dans leur camp; ils
se rendirent chacun an poste gui lui était assi-
gné, ou qui leur était assigné; la loi lie tous
les hommes chacun en ce qui les concerne ou en
ce qui le concerne, etc.? C'est demander dans
quel cas les adjectifs possessifs, ou loul autre mot
suseepliLle d'un duublc rapport, peut être mis en
rapport avec le nom collectif dont chacun est le
dislributif, ou avoe i.i, dislributif lui-même. Par
exeini)le, quand je dis il faut remettre ces livres
chacun à S3i place, je fais rapporter l'adjectif pos-
sessif «a à l'adjectif dislributif chacun; et si je
dis, il faut remettre ces livres chacun à leur
place, je fais rapporter l'adjectif possessif leur au
nom collectif ;£rre*
Toute difficulté seradonc levée, si l'on juge
bien auquel de l'adjectif dislributif ou du nom
collectif doit se rapporter l'adjectif possessif, ou
loul auire mot susceptible de l'un ou l'aulre rap-
port.
Dans les phrases où le nom pluriel dont chacun
est le dislributif n'est exprime ni par lui-même,
ni par un pronom personnel, l'adjectif possessif
ne peut se rapporter (ju'au dislributif chacun, •
l'on dira par conséquent il a donné à chacun sa
part; Je donnerai à chacun sa récompense : je
récompenserai chacun selon son mérite ; après la
cérémonie , toute la compagnie se retira chacvn
chez soi, etc.
La difficulté ne peut donc avoir lieu que dans
les phrases où l'on trouve l'adjectif dislribui f
chacun, et le nom collectif pluriel dont il est le
dislributif, comme dans les hommes^ cnt beau
demander conseil, ils agissent toujours cha-
cun selon leur fantaisie, ou selon sa fantaisie,
OÙ l'on voit dans la même phrase, el le nom co[-
lectif/iOTn/ncA-, et l'adjectif chacun qui est le dis-
lributif de ce nom.
Dans ce cas, disent quelques grammairiens, il
faut examiner auquel des deux, ou du nom >'.->-
CHA
riel, ou du distribuliT singulier, répond plus di-
reclcnicnt le rapport de possession qu'on vcMit
exprimer par l'adjectif possessif. S'il repond au
dislributif, employez son, sa ses; s'il répond au
pluriel, leur, leurs, doit énoncer le rapport en
question. La régie serait excellente si l'on nou?
faisait connaitre en même temps les moyens de
distinguer ces deux rapports différents.
D'autres grammairiens ont essayé de faire dis-
tinguer ces rapports, et ils ont dit : Le rapport de
possession répond plus directement au distribu-
tif singulier lorsque chacun est jilacé ajjrés le ré-
gime du verbe. Alors le sens collectif exprimé
parle i)luriel est fini, et c'est audistributif c/iac(/«
à remplir la fonction qui lui est propre, en repré-
sentant l'espèce entière distribuée en individus.
Mais le rapport de possession répond [ilus direc-
lemcnl au nom pluriel lorsque chacmt est placé
avant le régime; car alors le sens collectif n'est
pas fini (]uand le dislributif chacun se montre
dans la phrase, et alors le sens collectif doit y ré-
gner jusqu'à la fin. D'après cette règle, il faudrait
dire : Il faut remettre ces liv7-es chacun à sa
place, et ces livres ont chacun leur mérite.
Mais pour les verbes (pii n'ont point de régime,
ces grammairiens ont éif lollemcnt embarrasses,
que pour montrer, par exem[)le, s'il faut dire
tous les juges ont opini; chacun selon S>es lumiè-
res, ou tous les juges ont opiné, chacun selon
leurs lumières, ils uiit dit qu'il fallait connaît it:
l'intention de l'auteur.
De ces diverses notions on peut, je pense, ti-
rer une règle génemle ijui s'ap[)liiiue à tous les
cas. Ou chacun est place dans la jdirase après un
sens collectif fini, ou il y est énoncé avant que ce
sens soit fini. Dans le premier cas, le possessif ik»il
se rapporter au dislributif cliacvn; dans le se-
cond, ildoitserapfKjrter au nom collectif pluriel.
k\'n%\ l'on dira : Ils ont apporté chacun leur of-
frande. Il faut remettre ces livres-là chacun à
sa place. (Acau.) lundis que les deu-x rois fai-
saient chanter des Te Deum, chacun dans son
camp. (Yoll., Candide, chaj). ni.) Ils se rendi-
rent chacu.i au poste qui leur ctait assigné. L^i
loi lie tous les hommes chacun en ce gui le
concerne. l'ous les juges ont opiné chacun selon
ses lumières ; tous les juges ont donné leur avis
chacun selon ses lumières; tous les juges ont
donné chacun leur avis suivant leurs lumières.
Voyez Adjectifs possessifs.
On disait autrefois uii chacun dit, un chacun
remarque; celle façon de parler n'est plus usitée.
La Harpe dit, drus son Coursde littérature, qu'un
chacun n'est pas du style noble; il aurait dû dire
qu'il est déplacé dans tous les styles.
Chagrin. Subst. m. Ce mot n'a de pluriel que
dans le sens de peine, déplaisir :
De plui «Tuels soucis, des chagrins plus pressants
Occapent moncoui-age et régnent sur mes sens.
(AoLT., Catil., »ct. II, se. i, 27.)
La Harpe a dit, à l'occasion de ces vers : Des
chagrins et des soucis ne régnent point sur les
âCns. {Cours de littérature.)
M. Lemaiie est d'avis que le mol chagrin, dans
le sens d'Iuancur, [eut s'employer au pluriel, et
il cite à l'appui de son opinion ce vers de Mo-
lière (Misanthr., act. I, se. vi) :
DaTis vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre.
Chagrin, Chagrine. Adj. Au masculin, il suit
CHA
115
toujours son subst. Au féminin, il peut le précé-
der : La chagrine vieillesse.
Chagrinant, Cuagriname. Adj. verbal, tiré du
V. chagriner; il ne se met qu'après son sul>st. :
Un homme chagrinant, une nouvelle chagri-
nante, des propos chagrinants.
Chagriner. V. a de la i" conj.
Plièdre ici tous chagrina et blesse votro vue.
(lUc, PWd., act. I, 6C. I, 38.)
ChaIne. Subst. f. Mettre à la chaîne, tenir à
la chaîne.
Ils tiennent sous leurs pieds tout un peuple à la chatnt.
(Volt., Henr., VII, 329.)
Racine a dit la cliaîne du sanq {Androm.,
act. I,sc. 11,104):
Du sang qui vous unit je sais l'étroite chaîne.
L'Académie dit la chaîne des idées. On dit
aussi la chaîne des vérités. En ce seijs, il est mis
pour enchaîncmcnl.
On appelle chaîne des êtres créés, cette grada-
tion d'êtres (pii s'élèvent depuis le plus léger
atome jusqu'à l'Etre suprême.
Chaire. Subst. f . On dit la chaire do vérité; on
dit aussi quelquefois la chaire de l'erreur ou du
mensonge.
Vous, malheureux, assis dans la chaire empestée.
Où le mensonge régne et répand son poison...
(Ràc, Ath,, act. III, ic. ir, 53.1
Chalcograpue , Chalcographie , ChaldaÏqde.
Dans ces trois mots, cha se prononce ca.
Chaledr. Subst. f. Je ne crois pas (|u'on dise
aujourd'hui, comme le prétend l'At-adomie, cha-
leur de foie, pour dire un mouvcnieni de colère
Itrompt et passager; mais on dit /« chaleur d\in
transport :
D'un coapaLl4 transport écoulant la chaleur.
(Rac, Iphig., act. V, se. ii, 72.'
il se dit de la vivacité de l'esprit, et de ce qui
exprime cette vivacité : Pour peu qu'on ait de
chaleur dans l'esprit, on a besoin de métaphores
cl d'expressions figurées pour se faire entendre.
(J.-J. llousseau.) Dans ces poésies, les grandes
idées sont rendues avec simplicité, et les senti-
ments élevés avec chaleur. Un style pie in de cha-
leur.
Chalecreux, Chaleureuse. Adj. Qui a beau-
coup de chaleur naturelle. On a dit autrefois cha-
loureux; et l'Académie, dans la première édition
de son Dictionnaire, disait indifféremment cAa-
leureux et chahureux. Ce dernier n'est plus
«site, et le i)remicr l'est fort peu, et seulement
dans lelangMgp populaire. — 11 se dit encore au
sens moral ; Paroles chaleureuses, style chaleu-
reux.
Chaut. Subst. m. On ne prononce point le *.
Chamailler, Chamaillis. Dans ces deux mots
on mouille les l.
Chamarrer. V. a. de la I" conj. Ce verbe se
prend aujourd'hui en mauvaise pari, tant au pro-
[ire qu'au figuré. Un habit chamarré est un ha-
bit ridicule et de mauvais goût. Il en est de
méu.ed'un discours chamarré d'anliihèses et de
métaphores. Voltaire a dit chamarré d'orgueil
{Indiscret, se. m, 16) :
Horace est un vieux fnu, pluWt qu'un vieux teipnaor.
Tout chamarré d'orgueil, pétri de faux hooneu/-,
Asseï bas J la cour, important à la ville.
H6
CHA
Chambre. Subst. f. On ilil un ralet de cham-
bre, cl non |);is vu homme de chunihre ; une femme
de chaii.lrc. Cl non pas vue fille de chamhre. —
J.-J. lloiis^cail a dil en ri.bc de chambre, pour
dire diins linlimiU', dans le pailictilier: Les hom-
mes changent de lungiige comme d'hiibifs; ils ne
disent la vérité qii'cw loliC de ilianil)io; en habit
de parade, ilx ne surent plus que mentir. I-"éraiid
trouve dans celle j)liiase l'en)|)liasc ordinaire de
l'exaséralion louuunicrc de i aulcur. Ce jugc-
mcni est bien dur
CHAJinniÈRR. Siibsl. f. L'Académie dit que c'est
une servante de personnes de pcliie condition.
Cette délinilion n'est point exacte; une cliani-
briôre c>t une servante (pii a soin des ciianibies,
qui sert da;is la chambre, et (pii ne fait pas la
cuisine. Il y a des nicMiages où l'on a une cuisi-
nière cl une ciiauibricrc, cl celte cliainbricrc est
appelée fcinnic de chambre p:ir les l'cinnies, (jui
croient par la se donner du relief. Féraud prélend
que ce nuin est bas, et (pi'il n'y a que le peuple
qui s'en sert. Cela n'est |)as exact.
Champ. Subsl m. On ne prononce point le p.
Figurcnicnt, ovrrir un champ, ouvrir un vaste
champ à quelqu'un, c'esl le mellre à uièine de se
disiingucr, d'acquérir de la gloire :
El que puisse bienlil le ciel qui nous arrête
Ouvrir un champ plut nokle à re cœur excité
P»r le prix glorieux Jont vous !'a»ei llallé !
(Rac, Iphig., acl. I, se. Il, 11.)
On dit aussi le champ de la gloire :
Dam le champ dt la gloire, il ne fait que d'entrer;
Il y iiiarclie en aveugle, on l'y peut égarer.
(Volt., Brut., acl, I, se. iv, 66.)
Champêtre, ko], des deux genres. On le met
avant son sul)Sl., lorsque l'analogie cl rharmonie
le permellent : Lieux champêtres, maison cham-
têire , musique champêtre, séjour cliainpclre,
liavipctre séjour; r^^as champêtre, champêtie
epas.
Achevons (te dicter ces champ^tr?» leçons.
iDelille, Géorg., III, 63.)
J'obtiens souvent le prix des champitre$ concerts.
iGiiESSET, Bglog.,U, 40.)
Voyez Agreste.
CuANCF.LANT, Chancelante. Adj. verbal lire du
V. chiniccler. 11 se dit au propre cl au ligure ;
Alarcher d'un pas chancelant, démarche chan-
celante, fortune chancelante, foi chancelante.
On peut rarement le melire avant son subsl., cl
seulcuicnl au féminin : Cette chancelante résolu-
tion-
Cha FICELER. V. a de la 1" conj. On double les
I dans les icnq)s de ce verbe où celte lettre est
suivie d un e muet; Je chancelle, je chancelle-
rai, il clianccllera, il chancellerait ; on ne mot
qu'un Hurstpic celle lettre est suivieilc toute autre
IcUre tiu'un e muet : Je chancc'ai, yui chancelé,
ils chaïuelcrent. Uacuic a dit dans Andromuque
(act. IV, se. m, 27) :^
... Hé quoi ! votre liainc chancelle !
Et Monlcsquicii dans les Lettres persanes : Les
tmns infatu;ublcs soutiennent la vertu lorsqu'elle
ehaucclle.
Chamceamt, C!m>ce-,nte. Adj verbal tiré du
CHA
V. changer. En prose, il ne se met qu'après son
SubSt. : Un homme changeant, un esprit chan-
geant, humeur changeante, cmleur changeante.
Chancemknt. Subsl. m. l'i-raud leproclio à l'A-
cadcniie de n'avoir pas \\\\% être d'vn grand chan-
gement, [JOur dire cire fort changé, en parlant
du vis;ig<^, cl |>ar rapp<jrl à la sanié. Il prétend
que cette locutinn est reçue dans b- style familier.
Je pense (pie l-Vraud est dans rcrrenr acelégard,
cl l'cxcnqile (ju'il cite ne fait (jue me confirmer
dans mon sentiment.
CnA>GF.». V. a et n delà 4 "conj Dans ce verbe,
lej7 se i)rononce toujours comme y,- cl |)Our lui
conserver celle prononciation, lors(pi'il est suivi
d'un a ou d'un o, on met un e muet avant cet a
ou cet 0 : Je changeais, changeons. Cl lion pas je
chungais, changnns. 1,'Académie dit cluinger de
résiiulinn, changer d'avis. li scmbleniit, d'après
cela, (ju'on doit dire changer de dessein, et on
le dit en elfcl. Mais Voltaire a dit, dans la Mort
de César, changer ses desseins (Act. 111, SC.
V, 31) :
Qui change ses dciseine dêcouvra sa faiblesse.
Racine a dit dans Bérénice (act.I, se. m, 9) :
Peut-être avant la nuit l'heureuse Bérénice
Change le nom de reine au nom d'impcralrice.
On ne dit point changer au, mais changer en-
La vraie phrase en prose serait : Changer le nom
de reine en celui d'impératrice. Le seul cas où
l'on du changer au, c'est dans celle plirase pro-
verbiale c/i07i(7<?/'(/w t^o/ic a;/ 7inir ; Cl dans cette
phrase mysti(]uc, le vin est changé an sang, le
pain est changé au corps de Jésus-Christ. (Lu-
neau de Boisjcrmain )
Uacinc a mieux dit dans Àthalie (act. I, se. i,
43)
L'audace d'une femme, arrêtant ce concours.
En des jours ténébreux a changé ces beaux jours.
Changer, dans le sens de se défaire i^'une chose
P'Hir en prendre une autre, dcmamlc la préposi-
tion pmn', ou la préposition contre : Il a changé
sa vieille vaisselle pour de la ncure. Il a changé
ses tableaux contre des meubles. Changer, dans
le sens de convertir une chose en une autre, de-
mande la préposition en, comme nous venons de
le viiir.
Changer prend l'auxiliaire aroir lorsqu'on veut
exprimer l'action : Il a changé de visage, il a
changé d'arts.
Mais quand on veut exprimer l'état qui résulte
de l'aclion, on emploie l'auxiliaire être : Cet
homme est changé à ne pas l^ reconnaître. Cette
femme est bien cliangée depuis sa dernière ma-
ladie.
Chantant, Chantante. Adj. verbal tiré du v.
chant^. Le t ne se prononce pas au masculin. Il
ne siguilie pas «jui cliante, mais ipii se chante ai-
sément. Il suit son sul)Sl. : Un air chantant, une
musique chantante. Il signifie aussi (pii est pro-
pre a cire mis en chant : ^'^ers chantants, parole»
chantantes.
Cha>teup.. .Subsl. m. On dit chanteuse en
pailanl d'une femme; et cantatrice en jKirlant
des célèbres chanteuses italiennes.
CuANTONSF.r,. V. n. de la 1'* conj. Il signifie
chanter à demi-roix. Férauil prélend qu'on dit
dans le même sens chantiller, et <|u'il est même
CIIA
plus usité que chaittonntr. Cependant il cite un
exemplo de chantnnncr, et il n'en cite iwiiil de
chantiller. Ce dernier n'est pas usité.
Chaos. Siilist. m. le A ne se prononce point,
et le s lin;d ne se prononce que devant une voyelle
ou un h non asjiiré.
Chapklkr. \. a de In i" conj. On double la
lettre / dans les temps de ce verl)e où cette lettre
est suivie (l'un c muet • Je chapelle, tu chapelles,
Usfhapclh'nt,je chapcllcrai. On ne met qu'un /
lorsque letlo letii'c est suivie de luute autre lettre
qu'un e muet : Je chupelaisje chapelai.j'aicha-
pele.
Chaqdk Adj. Ce mot n'est proprement qu'un
adjectif qui sert a marquer distrihulion ou parti-
tion enire (iiusleii> personnes ou plusieurs ciio-
ses; il e>l des deux ircnrcs, mais il n'a point île
pluriel, et précède toujours son suhsianiit', dont
il ne peut élrc sépare que par un autre adjectif:
Chaque homme, chaque personne, et chaque nou-
vel avis.
Chaque ne doit pas être confondu avec cha-
cvn. En anwvA, chuquc doit toujours se mettre
avec un suhslaniif, auiiuel il a rapfwrt. Chacun,
au contraiic, s'emploie absolument et sans sub-
stantif.
Char. Sulist. m. Selon l'Académie, on dit fi-
gurémcnt s'ultacher au char de quelqu'un, pour
dires'ailaclier a sa fortune. Racine a dit en ce
sens s'enchaîner {fphiçf., acl. 11, se. v, 38J :
Moi-même à Tolrc cliar je m'élois enchaînée.
Charcctif.r. Subst. m. Charcutière. Subsl. f.,
et non pas Chaircutier, Chuirculière, comme on
disait autrefois.
Chahceh. V. a. de la \" conj. Dans ce verbe,
le 51 se prononce toujours comme j, et pour lui
conserver cette prononciation lorsiju'il est suivi
d'un a ou d'un o, on met un e muet avant cet a
ou cet o : Je chargeais, chargeons, et non pas
je chargais, churgnns.
Charitablr. Adj. des deux genres. 11 peut pré-
céder son sul)Sl., lors(pic l'analogie et l'harmonie
lepern;eiteni. On ne peut \):is iï\rc un charitable
Aowwe; mais on dit une charitable personne ,
un charitable avis.
Charitablf.mi.nt. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On l'a averti chari-
tablement, ou un l'achuritiiblement averti.
Charité. Su!)st. f. Quand il signifie la vertu
que l'on appelle charité, il n'a [)oint de pluriel.
On dit, mémo eu parlant à i)lusieurs personnes :
Je recommande ce malheureux à votre charité,
et non pas à ros charités. Il i\c se met au [)luricl
que lorsiju'il sigmiie les actes de la charité, des
aumônes : Faire des charités. On rem[)loie aussi
au plurel dans cette façon de parler : Prêter
une charité, prêter des charités à quelqu'un,
pour dire le calomnier.
Charles. JNum propre. En prose, on l'écrit
toujours avec un s. En vers, on conserve ou l'on
supprime celle lettre, selon le besoin de la me-
sure.
Charmant, Charmante. Adj. verbal tiré du v.
charmer. Il se dit des |iersonnesct des choses, cl
peut se mcltrcavanl son sui)st. : Unhnmme char-
mant, une femme charmante, lieux charmants ;
une charmante musique, une charmante société;
une fête charmante, une charmante fête. Voyez
Adjectif.
Charme. Subsl. m. L'Académie a confondu
cn.v
117
charme, puissance secrète qui attire, avec har-
mes, attraits. <7;>pa*. Quand lUicme a dit , ^b-
drom., act. II, se. v, 49) :
Quel charme, malgré tous, tcfj elle laus all.rc T
il n'a pas entendu parler des attraits, des ai.i.fls-
en ce sens, charme n'a [H.int de |)luriel- niais
charmes, dans le sens d'aitraits, d'appas 'ne se
dit(|u'au pluriel. On ne dit ly^-nin' une femme a
un charme, mais qu'elle a des char?iie.i.
Voltaire a fait un heureux emploi de ce mot
dans les vers suivanls(.7/3., act. IV, se. n, 2'î) :
Pcril-élre une Espagnole cùl promis da»»nUge :
Elle eùl pu prodiguer les charmea de scj pleuri.
On a reproché a d'Alembert d'avoir dit dans
son parallèle de Despréauv, Ilacine et Voltaire :
Cette facilité délicieuse pour l'e.iprit et pour
l'oreille est un des principaux chaianes que la
lecture de Bacinc fuit éprouver. C'est la, dit
Linguel, un barbarisme de phrase, pour emprun-
ter une expression de .M. de Voliaire.On dit éprou-
ver de l'ennui, de la crainte, de la joie, parce
que ces sentiments sont le résuliat d'un jH'incipe
qui affecte l'àme; mais on ne peut dire éprouver
des charmes, parce que les charmes sont ce prin-
cijie même.
Charmer. V. a. de lal." conj. Voltaire a dit
{EpîtreXXy,\):
L'tieureux lalenl dont vous charmei la France.
Quoique cette phrase n'ait |)oint d'exemple
analogue dans le Dictionnaire de l'Académie, je
pense qu'elle peut être admise en [wésie. En prose,
il faudrait dire : Il charme toute la France par
son talent ou par ses talents.
Charmille. Subst. f On mouille les l.
Charnage. Subst. m. Ce mot, que l'Académie
donne comme une expression po|)ulaire qui veut
dire le temps auquel il est permis de manger de
la chair, est vieux, et n'est plus usité nulle |)arl,
CuAr.NEL, Charnelle, Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : Appétit charnel, plaisir.t
charnels.
CHAR^ELLESIENT. Adv. H nc se met qu'après le
verbe.
Charnu, Charnde. ,\dj. (jui suit toujours son
subst. : Un corps charnu, des pruneaux char-
?ius.
Charrette. Subst. f. On ne prononce qu'un >•
dans charrette, charretée, charretier, charroti,
charrue, etc. L'Académie les écrit avec deux rr,
et tous les lexicographes, religieux imitateurs de
l'Académie, les ont écrits avccdcux rr. l'eut-ctre
rAcadémic actuelle nous permeltra-t-clle de les
écrire comme on les (irononce. En attendant le
code (pi'clle nous prépare, soumettons-nous. —
Dans sa nouvelle édition, l'Académie a conservé
à ces mots leur orthographe.
CuARTRE. Subst. f. L'Académie nousdit qu'il est
vieux. On disait autrefois cur/re ou chartre, pour
dire prison; et nous avons des vestiges de cette
sigmiicaiion dans le nom de s;iinl Denis de la
Chartre, que l'on a donné au lieu où l'on croit
que saint Denis a été mis en prison. Ce mot vient
du latin carcer.
Mais on appelait charte, du latin carta, les
actes publics, les pièces authentiques, les lettres,
privilèges et autres choses de cette espèce. Dans
la suite, on a dit chartre par corruption, cl au-
jourd'hui l'Académie appelle chartre ou cJuirtu
il8
CHA
les anciens liires, les anciennes Icllres patentes
des rois, des princes, etc. L'Académie a fait pré-
valoir le mol charlre: l'élvinologie devrait faire
préférer c/(ar/<?. — Ch. Nodier est aussi d'avis qu'il
ne faut employer le mol chartre que dans le sens
de prison, ou en parlant du /nJè* dos eiifanls. Au
reste, dans les ouvrages de paléographie ri'cem-
nienl puMiés, et notamment iKins celui de M. Na-
lalis de Wailly, c'est totijoui^s le mot charle(\\\'o\\
emploie p(nir désigner les anciens actes; et quoi-
que l'Académie dise l'Ecnlc des Chartres, la so-
ciété des anciens élèves de cette école a donne le
titre de Billinthèque de V Ecole des Chartes au
recueil périodique qu'elle publie.
Chautrirr. Subst. m. On disait autrefois car-
trier, pour prisonnier et geôlier, du latin carce-
rarius. Quand l'usage ab'jsif de dire chartre
pour «hartc a été introduit, on a dit chartricr,
pour signifier le lieu où l'on conserve les chartes,
c'est-à-dire, les anciens titres, lettres patentes, etc. ;
et ce mol est venu jusipi'a nous. Si l'on préferait
le mot charte à celui de chartre, il faudrait dire
charlcrier au lieu de chartrier. Mais ce dernier
tsl reçu depuis trop longtemps pour (pi'on par-
vienne aisément à le changer; et son analogie
avec le mot chartre le fera probableineul conser-
ver. Voyez Chartre.
Chasse. Subst. f. L'Académie dit également
donner la chasse aux enne:itis, et donner la
chasse aux vaisseavx ennemis. Sur terre, on dit
donner la chasse avx ennemis. Mais en terme
de marine, chasse K" :iii d'un vaisseau qui en
poursuit un autre; alors ou dit c?o?i7ie;' chasse, et
non pas donner la chasse. On dit du vaisseau (pii
poursuit qu'z7 donne chasse, et de celui qui fuit,
qu'i7 prend chasse. Quand le vaisseau qui jorc/jo!
c/!tJ5*e continue de tirer sur celui qui lui donne
chasse, on dit qu^il sontient chasse.
c;HASsi:-c.ot]siN. Subst. m. On le dit familière-
ment d'un vin qui est si mauvais, qu'il engage
les gens à qui on en fait boire à ne plus revenir.
Ce mot composé, se disant du mauvais vin, et
non de diiférenles sortes devins, n'a point de
pluriel.
Chasse-marée. Subst. m. On dit au jiliuiel des
chasse-marée , c'est-à-dire des voiliiriers qui
chassent la marée, qui amènent la man'c. La plu-
ralité tombe sur voiturier, (jui est sous-entendu.
Ils n'apportent pas lesmarécs, mais la marée.
Chasse-modcheo. Subst. m. L'.\cadémie écrit
au singtdier chasse-mouche, et cependant elle le
définit, i>ctit balai avec lequel on chasse les
mouches. D'après cette définition, il faut écrire
chasse-mouches au singulier comme av pluriel.
Chasskh V a. et n. On dit activement chasser
le cerf, le sanglier, le chevreuil, le renard, le
h'CT? e ,■ et cela veut dire poursuivre ces animaux
avec des chiens et tacher de les forcer, ou de
les tuer au passage On dit neulralement chas.;cr
avx perdnx , aux bécasses, aux oiseaux, au
lièvre, etc., c'est-à-dire chercher ces animaux
pour les t\ier quand on les rencontre, ou les at-
tirer dans des filets pour les prendre. // y a, dit
Buffon, deux espèces de loups cerviers ; les uns
plus grands, qui chassent et attaquent les daims
et les cerfs ; les autres plus petits, qui ne chas-
sent ffuè7-e qu'au lièvre.
Chassfxr. Subst. m. En prose, en parlant d'une
femme, on dit une chasseuse: en poésie, on dit
chasseresse :
La jenne chat&rretie
Qoe TOUS me dépeignez, nous n'avons d^ns ces bois
CHA
Ni rencontre ses p.is, ni reconnu sa Toix.
(Uelil., Éntid., I, 446.)
Chassieux, Chassiecse. Adj. qui ne se met
qu'après son subst.
Chaste. Adj. des deux genres. II se dit des
personnes et des choses, et peut se mettre avant
son subst., quand l'analogie et l'harmonie le per-
mettent. On ne dirait pas un chaste homme, une
chaste femme; mais on dit une chaste épouse,
un chaste amour; on dit ^tre chaste de corps et
d'esprit.
Féraud prétend, d'après une vieille remarque
de Ménage, que chaste ne se dit |)resque plus
des personnes. L'Académie n'est pas de cet avis;
elle met un homme chaste, une femme chaste,
et nous pensons qu'elle a raison.
Cn\sTi;.Mr.\T. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : // a toujours vécu chastement.
Chasteté. Subst. f. Ce substantif na point de
pluriel.
Châtain. Adj. m. On ne s'en sert que pour
exprimer cette couleur de cheveux qui est en-
tre le blond et le noir, et qui se rapproche de la
teinte de la châtaigne: Cheveux châtains. Cet ad-
jectif ne prend pas la marque du pluriel quand il
est suivi d'un autre adjectif qui le modifie: Des
chereux châtaiîi clair, châtain cendré.
Chat-huant. Subst. m. Les t ne se prononcent
pas, et le h du second mot est aspiré. Ce mot
étant composé d'un substantif et d'un adjectif,
l'un et l'autre doit premlre la marque du pluriel.
On dit des chats-hvaiiis.
Chatouili.f.îiekt. Subst. m. On mouille lesZ.
Chatouiller. Y. a. de la 1" conj. On mouille
les l. L'Académie dit que ce mol signifie liguré-
ment dire des choses qui plaisent, qui flattent.
Féraud prétend qu'il est peu usité dans cette ac-
ception. 11 se dit mieux des choses que des per-
sonnes.
Ces noms de roi des rois, et de clicf de la Grèce,
Chatouilloient de mon cœiir l'orgueilleuse toiblesse.
(Uac, Iphig., acU I, se. 1, 79.)
La louange chatouille et gagne les espriU.
(La Font., Ut. I, fab. xir, 5.)
Un auteur vertueux, dans ses vers innocent?.
Ne corrompt point le cirureu chatOHtIlant les sens.
(Bon.., .4. P., IV, 105.)
Chatouilleux, Chvtocillebse. A<lj. Il no se
met guère qu'après son subst. : Un homme cha-
touilleux, une affaire chatouilleuse, une question
chatouilleuse.
CH.\TOYAi<iT, Chatoyante. Adj. verbal tiré du
verbe c/ta/oytr 11 suit ordinairement sou subst. :
Couleur chatoyante.
Chatoyer. V. n. de la l" conj. C'est une ex-
pression tirée de l'œil du chat , et transportée
dansja connaissance des pierres. C'est monlror,
dans une certaine exposition à la lumière, un ou
plusieurs rayons brillants , colorés ou non co-
lorés au dedans ou h la surface, portant d'un
point ccmme centre, s'étendant vers les bords de
la pierre, et disparaissrant à une aiurc exposition.
Chaud, Chaude. Adj. Il se met après son subst. .
Temps chaud, eau chaude , fer chaud. Selon
l'Académie, on dit qu'un homme est chaud do
vin, pour dire qu'il a un peu trop bu. Cette fa-
çon de parler est très-peu usitée. Voyez. Em-
brasé.
Chaudement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il est vêtu chaudement.
CHE
ou il est chaudement vêtu. — lî a ^uivi chaude-
ment cette affaire, OU il a chaudement sriiri
cette affliirc. Vollairc dit, dans ses Remarques
sur Corneil/e, quc cet adverbe esl proscrit du
style noble.
Chadffe-cike. Subst. m. Ce mot étant compose
d'un verbe et d'un substantif, et la pJuraliiê ne
tombant point sur le substantif, on doit écrire des
chauffi-cire.
Cbai;iie. Subst. m. On dit naître suus le chau-
me, vivre scnis le chaume; mais je ne crois pas
qu'on dise, comme l'a dit \ oltairc, naître aux
chaumes :
La fille qai naquit aux chaumes do Nanlcrrc.
(£p«r« LXXXVII, IS.)
Chacsse-pied. Subst. m. Ce mol étant composé
d'un verbe et d'un substantif, et la pluralité ne
tombant point sur le substantif, mais sur l'ins-
trument nommé ainsi, on doit écrire Ae^ chausse-
pied.
CHAussf.s. Subst. f. pluriel. Vieux mot qui s'est
dit d'abord des bas, de la chaussure des jambes,
et ensuite du vêlement de l'homuie, depuis la
ceinture justju'aux genoux. Ce mol, en ce sens,
n'est plus usité que dans quelques expressions
proverbiales. Ou l'a remplacé par les mois bas,
culotte, pantalon.
Chalssc-tr Ai'E. Subst. f. Ce mot est composé
d'un verLe et d'un substantif, le verbe ne prend
point de .y au pluriel, mais le substantif eu prend
un : Des chausse-trapcs .
Chacve. Adj. des deux genres. L'Académie le
définit, qui n'a plus de cheveux, ou qui n'en a
guère. D'après cela, on pourrait dire d'un homme
qui s'est fait raser toute la tète, ou une très-
grande partie de la tête, qu il est chauve; car un
tel homme n'a plus de cheveux ou n'en a guère.
On sent l'incxuclitude de cette dclinition. Un
homme chance est un homme dont les cheveux
•sont tombés, surtout du devant de la têle, sans
qu'il y ait lieu d'espérer qu'ils reviennent, ce qui
esl causé ordinairement par une maladie, par le
gnmd âge, etc. Il ne se met qu'après son subst. :
Un homme chauve, une femme chauve, une tête
chcncve .
Chauve-souris. Subst. f. Ce mut étant com-
posé d'un substantif et d'un adjectif, l'un et
l'autre prend la marque du pluriel : Des chauves-
souris. — «11 faut dire aux étrangers qu'il n'est
pas permis de lui faire subir une inversion sur
lui-même, et d'écrire souris-chauve, comme La
Fontaine, dans sa mauvaise fuble du Buisson.
(Liv.XIl, fable vi:, 38.)"
(Cil. Nodier, Examen crit. des Die t.)
Chef. Subst. m. On prononce le f.
Chef-d'oecvre. Subst. m. Le /"ne se prononce
pas. Ce mol étant composé de deux substantifs
unis par une préposition, le premier doit prendre
un s au pluriel , le second n'en doit point
prendre ; Des chefs-d'œuvre. On dit absolu-
ment et par manière de raillerie ou de reproche,
vous avez fait là un beau chef-d'œuvre ; mais
quand le mot chef-d'œuvre est joint par la prépo-
sition de à un autre substantif, il peut se prendre
en bonne ou en mauvaise part. Ùnclief-d'œuvre
d'habileté, un clief-d'œuvre de bêtise.
Chef-lieu. Subst. m. On prononce le f. Ce mot
étant composé de deux substantifs, sur lesquels
tombe également la pluralité, on doit écrire des
chefs-lieux ; ce sont plusieurs lieux, et ces lieux
sont chefs.
CHE
119
Chêmer (se).V. pronominal. On disait autrefois
chômer, pour maigrir, tomber en étisie. Ce mot
n'est plus usité.
CuEMiM. Subst. m. Ce mol s'emploie souvenl
au figuré :
L'oreille est le chemin du cniir.
(Voit., Èpttrt ÏLVII, 41. J
Aricie a trouTé le cA;niin de son cœur.
(Rlc, Phèd., ad. IV, se. Ti, 11.)
Se peut-il qu'un soldai de ce monstre inipostenr
Ait Ironvé malgré lui le chemin do mon cœur!
(Volt., Mahom., acl. Hl, se. viil, 38.)
Cheminer. "V. n. de lal/' conj. Faire du che-
min. Féraud reproche à l'Académie de n'avoir
pasremaïqué que ce mol esl vieux. 11 a tort;
quchpie vieux ((u'il soit, il est néiessaire. et nous
n'avons rien pour le remplacer. ïl y a do la diffé-
rence entre un himmc qui chemine bien, et un
homme qui marche bien ; d'ailleurs te dernier esl
équivoque. Les chameaux d'Arabie, dit Buffon,
cheminent quatre jiurs sans buire.
Si ce mot est vieux, je crois que c'est au figuré.
On ne dit plus cet homme chemine bien, pour
dire cet homme sait aller à ses fins, fait ce (ju'il
faut pour s'avancer. On dit cet homme va son
chemin, va bien son chemin; et l'on ne dit pas,
comme le prétend l'Académie, qu'un poè'me,
qu'une oraison chemine bien, pour due que l'ou-
vrage est bien suivi, que les parties en sont bien
disposées. On dit ce discours, ce poé'me est bien
su ivi.
Chenil. Subst. m. Le l ne se prononce pas.
Chenu, Chenue. Adj. Ce mot est Tieux
prose. Ou l'emploie encora en vers :
Ce TÎeillard chenu qui s'avance,
Le Temps, dont je sul)is les lois
(Volt., Épitre XLV, 19.)
Cheptel. Subst. m. Le p ne se prononce pas.
Cher, CHi;RE. Adj. Dans le sens de tendrement
aimé, cet adjectif, lorsqu'il est employé sans ré-
gime, précède toujours son subst. :]Uon cherami,
ma chère amie, mon cher oncle, ina chère nièce.
Mais quand il est suivi d'un régime, il suit son
subst. : Un homme cher à sq famille. Dans les au-
tres sens de cet adjectif, il suit toujours son
subst. : Une marchandise chère, ce marchand est
cher. Il faut en excepter l'expression chère annce,
que l'on emploie quebiuefois pour dire une an-
née pendant laquelle le ble a été beaucoup plus
cher qu'à l'ordmaire.
Cher se prend adverbialement : Prendre cher,
acheter cher.
Vous m'avez vendu cher vos secours inhumains.
(Rac, Baj., act. V, se. I, 15.)
Chercher. V. a. de la 1"conj. Ce verbe ne se
dit point au passif. On ne dit pas/? suis cher-
ché, vous êtes cherchés. On dit sans article cher-
cher querelle, chercher noise, chercher malheur,
chercher fortune, et ces expressions sont exclues
du style noble, comme l'a remarqué "V'olUiire.
Le verbe cherchera des acceptions très-diver-
ses. En voici quelques exemples :
Hélas ! quand son cpée alloil chercher mon sein.
(Rac , Phéd., acl. 111, se. i, 12.)
Il tombe alteinl d'un trait qui ne le cherchait pa«.
(DiHL., Ènéii , X, 1070.)
i20
CFIE
J'écarte des soupçons peut-être légitimes,
Et je n'ai pu besoin de lui clirrclifT des crinic!.
(\'0LT., Uenr., II, 169.)
Maintenant je me eherehe et ne me troiiTe plus.
(lUc, Phéd., act. II, se. Il, 86.)
Clierchcr devant un infiiiilif régit la préposition
à : // cherche à mus tromper.
Chebchkur. Subst. m. Il n'est guère employé
queil;m-le slyleioniitiuc ou fainilicr. En parlant
d'une rcninic, on dit chercheuse.
CiiÈRKME>T. Adv. OniKjullcincltrc entre l'auxi-
liaire et le parlici|)C-: // a payé chèrement sa
faute, ou il u chèrement payé sa faute.
Chéri, Chêuik. Adj. 11 se met après son subst.,
et rciiit (|Ui'lipicfuis la |>ri'posilion de : Chéri de
sa famille, de ses raisins.
Chkhissarle. Adj. des deux genres qui ne se
met (prajuès son subst.
Chkrso.nksf., Subst. f On jjrononcc kerso/ièse
Chétif, CiiÉiivK. Adj. On i)runonee le /'du
masculin 11 est du style fainiliei-, et peut se met-
tre avant son subst., quand l'analogie et l'iiaruiu-
nielc perinetienl : U/ie mine chélivc, une chétive
créature, faire une chétive récolte.
Et moi, ehélif, de vos suivants le moindre.
Combien de fois, las ! me suis-je vu poindre
De traiti pareils.
(J.-B. Rooss., liv. I, épit. III, 49.)
Cbétivchent. Adv On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire et le participe : // a toujours
vécu chétivement, bu il a toujours chétivement
vécu.
Chevaleresque Adj. des deux genres. On peut
quchpicfoisle meure avant son subsl. : Courage
chevaleresque , enthousiasme chevaleresque , ce
chevaleresque enthousiasme.
CuEVAU-LÉGEr.s. Subst. m. pi. 11 se disait autre-
fois de cerlaines compagnies de cavalerie légère,
qui faisaient pariie de la maison du roi. On disait
aussi, au singulier, unchevau-léger, un des cava-
liers dont ces compagnies étaient composées.
{Dict. de l'Acad.)
Chevelu, Cheviclue. Adj. qui se met toujours
après Sun subst. : Bucinc chevelue.
Chevelure. Subst. f. L'Académie le delinit les
cheveux. On a ol>scrvé que celte dclinilion est
fautive, et qu'il fallait dire tous les cheveux de
la tête d'une personne.
Chicville. Subsl. f. En poésie, on appelle che-
ville tout mut (jui n'ajuulc rien a une pensée, cl
qui n'est mis dans un vers ijue |)our la mesure
ou pour la rime, tt en général on apiielle chcri/le,
soit en vers, soit en prose, toui ce qui est de pur
remplissage. Corneille a dit {Pol., act. 11, se. u,
58):
C'est une impiété qui n'eut jamais d'exemple ;
Je ne puis y penser sans frémir à l'instant,
Et crains de faire un crime en vous la racontant.
San* frémir dit tout; à l'instant est ce qu'on
appelle uneclieville. {\ o\l. , Jiemarques .sur Cot-
neille) — On remarque encore des chevilles dans
les vers suivants du même auteur [Hor., act. U,
se. VI, 5) :
JVon, non, mon frère, non ; jo ne viens en ee lieu
Que pour vous embrasser et pour vous dire adieu.
Ces trois non, et en ce lieu, font un mauvais ef-
fet. On sent (jue le mut lieu esi pour la rime, cl
les no;» redoublés pour lu mesure. Ces négligen-
CHO
CCS, si pardonnables dans un bel ouvrage, sont
rcmartpiées aujourd'hui; mais ces lermcs, en c$
lieu, en ces lieux, cessent d'élrc des expressions
oiseuses, des chevilles, ipiaiid ils signilient (ju'ori
doit cire en ce lieu (ilulôl i\u'uilleurs. (Voltaire,
Remarques sur Corneille )
Cheviller. \ . a. de la 1" conj On dit cheviller
des vers :
Ce beau nom de machine ronde
Que nos lla-qucs auteurs, en ch«villu>i( leurs vers.
Donnaient à l'aventure h ce plat univers.
(^VoLT., £>)f«r» X.\X1X, 10.)
Chevrillard. Subst. m. On ne prononce point
\cd.
Chez. Préposition. On ne prononce le z que de-
vant une voyelle nu un h non as|>iré. Il signifie
dans la maison de, au logis de. Chez vini, chez
vous. 11 est (luelquefois jireccdé de la préposition
de : Je sors de chez lui On l'emploie ipielqucfois
dans le sens de^a;v/u' .• Chez les Athéniens, chez
les Grecs. S'il est vruique vous désiriez de faire
régner chez vous les lois de Minos. '^Fcuclon,
l^élémaque.)
Chiche. Adj. des deux genres. 11 se met après
son subst. On l'emploie souvent avec un régime-
Chiche de ses pari.U's, chiche tic ses pas, chiche
de ses peines, chichf de louanges. Touiescesex
pressions sont familières.
Chicot. Subst. m. Ou ne prononce point le t.
Chimérique. Adj. dcsdrux genres. Il ne se dit
que des choses '.Dessein chimérique, espérances
chimériques, elc. Il peut se mettre avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le permet-
tent : Occupé de tant de chimériques prijets, il
oubliait
Chimique. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subsl. : Opération chimique, remède
chimique.
Chiquet. Subst. m. On ne prononce point le t.
Chir4gre. Subst. f. Goutic qui attaque les
mains. On prononce kiragre.
CiiiRocnAi'HAiRt;. Adj. dtjs deux genres, qui se
met toujours après son subsl. On prononce kiro-
graphaire.
Chirologie, Chiromancie, Chiromancien, Chis-
TE, Chlamvde, Chlorate, Chlore, Ciiloriqde,
Chlorose, Chlorotique, Chlorure. Dans tous
ces mots ch se prononce k
Choc Subsl. m. On prononce le c final.
Choeur. Subst m. On prononce cœur.
Cn(UR. V. n. et defeclueux de la 3 conj. U ne
se dit guère qu'à l'inliniiif, choir, cl au participe
I)assé, chu, chue; choir, au propre, s'emploie en
vers :
Ainsi qu'on voit sous cent mains diligentes
Choir les épis des moissons jannissaiiles.
(VOLTAinB.)
En prose, il est du style familier et badin : Il s'est
laissé choir U prend l'auxiliaire être. Ce verbe
est peu usité.
Choisir. V. a. de la 2* conj. Delille a dit
[Géorg., II, 3H):
Enfin, à ton vignoble ai-tu choiêi la terre?
Il semblerait, par cet exemple, qu'on pourrait dire
choisir une chose à une autre. Mais cette façon
de parler n'est pas fréquemment usitée. On s'en
sert plutôt en parlant des personnes; et on dit
I
CHO
choisir quelque chose à quelqu'un : Choisissez-
moi ce qu'il y a de meilleur.
Choisir ne régit pas dcssubstanlifs sans arlicle
ou sans [troposilion. On ne dit pas i7 a été choisi
youveriicvr, mais il a été chnisi\to\xr gouverneur ;
ils le choisirent [KJtir leur chef.
On dil choisir enlre plusieurs, choisir parmi
plusieurs, lei-aiid [)onse qu'oii ne peiil pas dire
choisir de, cl criiiipic, en consc(iuencc, ces vers
dcBoilcau (^. P.,lll,2'il):
O le plaisant projet d'un parle ignorant.
Qui de Uai de héros 11 choisir Childebrand I
Cette critique n'est point fondée ; choisir entre,
choisir parmi, el choisir de, se <liscnl (•galciiicnt,
et expniiionl ililTéieiilos vues de rcspiil. Clwùir
entre plusieurs supi>osc que la chose choisie a
plus frappé que les auties:
Quoi ! Roxane, seigiieur, qu'Amurat a choisie
Entre tant de beautt^s. . .
(Rac, Baj., ict. I, te. 1, 97.)
Choisir parmi plusieu/s suppose une comparai-
son faite de plusieurs clrnscs : Jîomulus choisit
parmi tout le peuple ce qu'il y avait de meilleur
pour en former le conseil public. (Bossucl, Disc.
surl'I/ist. univers., 111*^ |>;irt., cii. vu, p. d'JS )
Choisir de suppose un examen rigoureux, el un
choix qui marque une |)réi'orence iwriiculiore.
L'Académie cl dit : Choisissez des deux.
Lorsipic ce verbe est suivi d'un inlinilif, il régit
la préposition de:
A. qui choiiirici-Tous, mon Gis, de ressembler?
(lUc, Ath., ici. rV, se. 11, 20.)
Choix. Subst. m. On peut dire faire chois,
san.s prépositif;
De quelque heureux époux que l'on dût faire choix.
{KkC, Iphig., act. I, se. III, 27.)
Chômable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après Sun subst. L'accent circondcxc est néces-
saire parce que Vo se prononce long, el que le mot
semble venir de c/irti^me On en peut dire autant
de chômage cl de chômer.
Choquam, Choqiante. Adj. verbal tiré du v.
choquer. L'Académie dit un homme choquant,
mais il semble <]ue cet adjeciif ne se dit (pic des
choses : Un air choquant, une mine chiquante.
Cet homme a quelque chose de choquant dans ses
manières. 11 se met ordinairement après son
subsl.
Choqder. V. a. de la 1" conj. Dans le sens de
dépl.iire, on dil ce qui me choque en lui, ce qui
me choque de lui, ce qui vie choque da-ns cette
chose, de cette chose, c'est que, elc. Ce qui me
choque de ces beaux esprits, c'est qu'ils ne se
rendent pas utiles à leur patrie. (Mo:ite>(piicu,
Lettres persanes.) L'Académie ne donne point
d'exemple de ce loiir.
Choraïque, Chorée, Chorége, Chorégraphe,
Chorégraphie, Chorégraphique, Ciiorévèque,
Choriambe, Chorkjn, Choriste, Cuorographie,
Chorographique, Choroïde. Dans tous ces mots,
cho se prononce ko.
Chorus. Subst. m. On prononce corus en fai-
sant sentir le s linal.
Chose. Subsl. i. Quand ce nom est précédé de
l'adjectif ^rant/e, cet adjectif perd i'e inuel final,
et prend l'apostrophe, grand' chose. Voyez Apo-
strophe.
cim
121
Quelque chose, employé comme un seul mot
est toujours masculin : Demandez-moi quelque
chose, et je vous le donnerai. On m'a dit quel-
que chose qui est très-[)\;\'\si\u{. .li je fait quelque
chose que vous n'ayez fait? Il y « dans ce livre
quelque chose qui mérite d'être lu.
S'il y a un adjctlil" entre quel,,uc cl chose, alors
ce n'est plus un seul mot, el chose ro|iiciid son
genre fcminin : Quelques belles choses que roi/j
disiez.
Lorsque quelque chose est suivi d'un adjectif,
il faut le joindre â cet adjeciif par la préjiosiiioij
de : J'ui vu quelque chose de beau, et non \w^j'a\
vu quelque chose beau. .S'il arrive (pic rein|i|ui de
b pré|(osilioii de occasionne un son dur ol dés-
agréable, il vaul mieux employer un aiilre tour
<iue de faiie une faute de fiaiiç^iis en supprimant
la préposition. Ainsi, par exemple, au lieu de
dire il l'exhortait à faire quelque cho.te de di'ine
de sa naissance, on [wurrait dire il l'exhortait
à faire quelque chose qui fut digne de sa nais-
sance.
On désigne ^indislinclement par ce mol loul
élre inanimé. Etre est plus général que chose, en
ce qu'il se dil indislinclemenl de tout ce qui e.M,
au lieu ipi'il y a des élres dont chose ne se dit
pas. On ne dit pas de Dieu que c'est uuo. chose;
on ne le dil pas de l'homme. Chose se prend aussi
par op|)Osilion à mot; ainsi il y a le mot et la
chose. 11 est aussi opposé à simulacre ou appa-
rence.
CHoo-FLEDR.Subst.m.Il fait au pluriel c/towj-
fleurs. Chou est un siibslanlif, el l'on considère
fleur comme un adjeciif. On peut en dire autant
de chou-navet et de chou-rave.
Choyer. V. a. de la i" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve l'y qui est dans
rinlniitif, excepté avant un e muet .Je choie, tu
choies, il clwie, elles choient, je choierai, etc. Il
est familier.
Chrême, Chrêmeau, Chrestomathie. Dans ces
trois mots, on ne prononce point le A.
Chrétiik, CHllÉ^II:^^•[:. Adj. Ou prononce cr^-
iicn, créticniic. Il se dit des personnes cl des cho-
ses, el se met ordinairement après son subsl. : Le
peuple chrétien, le inonde chrétien, la relit/ion
chrétienne, le nom chrétien. On dirait bien cette
chrétienne reino ni ronce.
CURÉTIE^NEMliNT, ClIliÉTI ENTÉ. DailS CCS dcUI
mots, on ne prononce point le h, el la pénultième
du mol chrétienté se prononce comme dans chré-
tien .
Chrétiennement. Adv. On pcnl le mettre enlre
l'auxiliaire el le participe: // « souffert chrétien-
nement tous les maux que Dieu lui a envoyés,
ou il a chrétiennement souffert, elc.
Christ. Subsl. m. Prononcez Crist, en faisant
sentir le * el le t. On prononce ainsi ce mot Im-s-
(]u'il est seul; mais lursipi'on le joint au mol Jé-
sus, comme dans Jésus-Christ, on prononce Jé-
su-Cri.
Cup.lstianis.me. Subst. m. Prononcez cristia-
nisme.
* Christiaqce. Adj. f. Mol inusité que Voltaire
a employé au lieu de clirélicnne : Les rcli/ions
dominantes, la grecque, la romaine, l'égyp/iaque,
la syriaque, avaient leurs mystères, la cliristia-
que voulut avoi'- les siens aussi: chnque société
cliristiaque eut donc ses mystères, qui n'étaient
pas même communiqués aux catéchumènes, et
que les baptisés juraient, sous les plus horribles
serments, de ne jamais révéler. {Ilist. de l'cta-
ilissemcnt du christianisme, chap. X.)
122
CIG
CIR
Chromatiqce, CiinÔME, Chronicité, CiiROMQrE,
CunOMQUEl'R, CHUONOGRAMME, * CuRONOGRArnE,
Chronologie, Chronologiqie, CnnONOLocisTE,
Chronologce, Chronosiètre, Chrysalide, Chty-
SAMHfcvE, Chrysocale, Ciirysocole, Chryso-
couE, Chrysolithe, Chrysoprase. Prononcez la
première syllabe de tous ces mots comme s'il n'y
avait poiiit'de h.
CncT. Interjection. On prononce le /. L'Aca-
démie dit que c'est un mot dont on se sert pour
avertir ou ordonner de faire silence. — On se sert
du mot chut, pour avertir de faire silence; mais
j»our imposer silence on se sert du mot paix ou
du mot sili'/ice.
Chcte. Subsl.f. L'Acad<^mie l'écrit sans accent
circonflexe sur Vu. Quelques grammairiens pré-
tendent que cet accent est nécessaire; et d'Oli-
vet, dans sa prosodie, dit que dans la terminaison
en iite, u est bref, excepté dans fâtc. H nous sem-
ble cependant que tout le monde prononce cet w
long; et je crois d'autant jilus que l'accent est
nécessaire, que l'on prononçait autrefois cheuie.
L'accent doit remplacer l'e sujiprimé. Toutes les
régies que donne l'abbé d'Olivcl dans sa prosodie
ne sont pas sûres.
Ci. Ce mot sert à désigner l'endroit oii est ce-
lui qui parle, ou du moins un lieu qui est proche
de lui, ou bien encore une chose présente. 11 se
met toujours après le nom; ce temps-ci, cet
hommc-ci. Il n'y a que dans les épilapnes où ci
commence la phrase : Ci-gît.
Ci s'oppose quclquefoisà l'adverbe là, qui alors
se joint à un nom pour faire voir que la chose dont
on parle est éloignée : Cet homme-ci, cet homme-
là. Ci marque l'objet le plus proche, là l'objet le
plus éloigné
Ci joint à des adjectifs ou à des adverbes les
précède ordinairement : Les témoins ci-présents,
le mémoire ci-joîjit. Ci-devant, ci-après.
Ci se met après les prépositions entre et par :
Entre-ciet demain, par-ci, par-là. Voyez Adjec-
tifs démonstratifs .
CiKL. Subst. m. Dans le sens propre, il l'ait
deux au pluriel : La voûte des deux ; dans le
sens (iguré, il fait ciels: Des ciels de lit, de ta-
bleaux, de carrière.
L'Académie dit que le ciel sLgnilie le séjour
des bienheureux, le paradis. Il signifie aussi une
félicité parfaite:
Un tel hifmen, une union .<! clière,
Si l'on en Toit, c'est le ciel sur la terre.
(Volt., Enf. prod., act. II, se. i, 19.]
Ciel, selon l'Académie, se prend pour Dieu
même, pour la Providence, pour la volonté di-
vine. Dans ce sens, on dit aussi deux :
Nous préserrent les deux d'un si funeste abus !
(Volt., Brut., act. II, se. iv, 45.)
Voltaire a dit, dans Brutus, le ciel de la cour:
Je sais bien que la cour, seigneur, a ses naufrages ;
Mais ses jours sont plus beaux, son ciel a moins d'orages.
(Volt., Brut., act. II, se. il, 59.)
CiGARRE. Mol emprunté de l'espagnol cigarro.
Petit rouleau fait avec une feuille de tabac des-
tiné à être fumé. Quelques lexicographes le font
masculin, à cause de cigarro, qui est masculiv. en
espagnol; d'autres le font féminin, à cause de sa
terminaison, qui indique ce genre. Nous sommes
de l'avis de ces derniers. — Maintenant tout le
monde fait ce mot masculin, et on l'écrit généra-
lement avec un seul r. « D'après l'élymologie, il
faudrait écrire cigarre, dit M. Lemairc, mais PA-
cadomie ne met (ju'uii r, sans dnute [;our con-
stater l'usage établi plutôt que pour décider la
question. » (Grammaire des Grammaires,
p. d25.)
Cigogne. Subst. f. On mouille le^w. On écrivait
autrefois cicognc, et l'on prononçait cigogne. Au-
jourd'hui on l'écrit eoiTUiicon le prononce.
CiGCE. Subst. f. Prontmcez guo comme dans
aiguë.
Cil. Subst. m. L'Académie dit qu'il faut mouil-
ler le l liii:d; la plupart des autres dictionnaires
disent (ju'il faut prononcer le l sans le mouiller.
L'usage est pour les derniers.
CiLLEMENT, CiLLER. Daiis CCS dcux mots les l
sont mouillés.
Cime. Subst. f. L'Académie le déQnit, le som-
met, la jiartie la plus haute d'une montagne,
d'un arbre, d'un rocher, etc. C'est la partie la
plus haute, remarquable par sa forme pointue : La
dme d'u/i arbre, d'un rocher, d'un clocher, d'un
corps pyramidal.
Ciment. Subst. m. Cijiester. V. a. delà 1"
conj. Le premier ne se dit guère que dans le
sens propre. Le second s'emploie au propre et au
figuré : Cimenter du pavé, cimenter la paix.
Cimetière. SubsL m. Ce mot n'est pas admis
dans le style noble.
CiKÉr.AJBF Adj. des deux, genres. Il ne se met
qu'après son subst.
CI^GLER. V. n. et a. Dans ce dernier sens, l'A-
cadémie dit qii'il signifie frajiper avec quelque
chose de délié ou de pliant : Cingler le vidage d'un
coi/p de fouet. Ou l'Académie se trom]>c ici, ou
elle s'est trompée au mot sangler, ou bien il y a
dans la langue deux mots jKMir exprimer la
même idée. On dit ligurémcnt, dit l'Académie au
mot sangler, sangler vu coup de fouet. L'analogie
semble indiquer (ju'il faut se servir de sangler et
non de cingler, et l'on peut assurer qu'ici î'usage
est conforme à l'analogie. Ou dit sangler un coup
de fouet, mais cingler le visage d'un coup de
fiuet ne se trouve que dans le TUctûmnaire de
l'Académie. On ne dit pas non plus, comme le
prétend l'Acadomic, que le vent, que la pluie
cingle le visage, mais coupe le visage.
Cinq. Adj. numéral des deux genres Le p final
se prononce, cinquc, â moins que cet adjectif ne
soit immédiatement suivi de son substantif mas-
culin commençant par une consonne ou un h as-
piré : Cinq cavaliers se i)rononce cein-cavalicrs ;
cinq ans se prononce cein-cans.
Cinquante. Adj. numéral des deux genres. Il
précède son subst. Cinquante hommes, cinquante
chevaux. — On dit chapitre dnquante, article cin-
quante. Alors cinquante est pris \\o\iv citiquan—
tième.
Cinquième. Adj. des deux genres. Nombre
d'ordre. Il précède son subst. : Le cinquième roi,
la cinquième fois.
Cinquièmement. Adv. On peut le mettre au
commencement de la phrase, ou après le verbe :
Cinquièmement, je tous dirai que Je vous
dirai cinquièmement que On ne le met jamais
entre l'auxiliaire et le participe.
Circoncire. Y. a. et défectueux de la 4" conj.
Voici comment on le conjugue.
Indicatif. — Présent. Je circoncis, tu circoncis,
il circoncit; nous circoncisons, vous circoncisez,
ils circoncisent. — Imparfait. Je circoncisais, tu
circoncisais, il circoncisait; nous circoncisions,
■vous circoncisiez, ils circoncisaient — Passé
CIR
simple. Je circoncis, lu circoncis, il circomii;
nous circoncîmes, vous ciiconcîies,ils cironri
rem. — Futur. Je circoncirai, tu circoncints, i!
circoncira; nous circoncirons, v us circoncirez,
ils circonciront.
Condilloiinci. — Présent Je circoncirais, lu cir-
concirais, il circoncirait; nous circoncirions, vous
circonciriez, iU rirconciniicn".
Impéralil. — Présent. Circoncis, qu'il circon-
cise; circoncisons, circoncisez, qu'ils circon-
cisent.
Subjonctif. — Présent. Que je circoncise, que
lu circoncises, qu'il circoncise; que nous circon-
cisions, que vous circoncisiez, qu'ils circonci-
sent.— Imparfait. Manque.
Participe. — Présent. Manque — Passé. Cir-
concis, circoncise.
Ses temps composés se fonnentavec rauxlllaire
avoir.
CiRCOHFLE.XE. \6j. m. Il se dit d'un accent qu'on
met sur certaines lettres pour marquer qu'elles
sont restées longues après la suppression d'une
lettre. Voyez Accent.
CiRcoKLOccTiON. Subsl. f. Courtc définition qui
s'emploie pour désigner une chose qu'on ne peut
ou qu'on ne veut pns nommer. Souvent on ne
peut ou on ne veut pas nommer une chose parce
que le mot qui sert à la désigner est ou trop bas
ou trop ramilicr pour le sujet que l'on traite;
alors ou se sert de la circonlocution. SI OKnone
disait à Phèdre, dans la tragédie de ce nom, il y
a trois jours que vous n^arez ni bu ni viange,
l'expression ne conviendrait i)asà la dignité de la
muse tragique, llaclnc l'a ennoblie en disant:
Et le jour a trois fuis chassé la nuit obscure,
Depuis que rolre corps languit sans nourriture.
(Acl. I, se. III, 41. 1
Quelquefois la circonlocution n'empêche pns
que l'on n'emploie le nom. Elle sert alors à pein-
dre d'abord la chose avec des accessoires dont
l'idée se joignant naturellement au nom lorsqu'il
vient à paraître, le rend beaucoup plus expressif
qu'il ne le serait sans la circonlocution. C'est ce
qu'on voit dans la fuble de La Fontaine intitulée
les Animaux malades de la peste (liv. VII,
fab. 1, 1) :
Un mal qui répand la terreur.
Mal que le ciel en sa fureur
Intenta pour punir les crimes de la terre ;
La pe$te (puisqu'il faut l'appeler par son nom},
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Le grand usage de la circonlocution est pour les
choses de délicatesse, de finesse ou de décence;
car ces trois caractères de la pensée tiennent aux
soins qu'on a de la voiler à demi par une expres-
sion mystérieuse, et d'éviter par un détour la
trop grande clarté du mot juste et précis.
Circonscrire. V a. et Irrégulier de la 4' conj.
Il se conjugue comme écrire, frayes ce mot.
CiRCOKspECT, Circonspecte. Adj. Il suit tou-
jours s<")n subst. : Un homme circonspect, une
femme circonspecte. Quehjuet'uis 11 prend un ré-
gime : Etre circonspect dans ses paroles, dans
ses actions.
* Circonstanciel. Subst. m. Quelques grammai-
riens ODt donné ce nom à un membre de la phrase
qui sert a exposer, soit la manière d'être du verbe,
soit la circonstance dans laquelle a lieu l'Idée
qu'il exprime. Le circonstanciel est ordinaire-
ment exprimé par des conjonctions, par des adver-
CIT
!«3
bcs conjonctifs, ou par tout autre mot proiH-e a
indiiiuer la jonction ou l'union. Dans cf lie phrase.
J8 vous aime tendrement, tendrement est le cir-
constanciel du verbe aimer; dans je vous aime-
rai toujours, toujours est un autre circonstanciel
de ce verbe.
Circonvenir. V.a. de la 2' conj. L' .académie ne
le donne que dans le sens d'employer des inovcns
rlificieux auprès de (lucltju'un pour le détermi-
ner à faire ce qu'on souhaite di> lui.
Féraud trouve mauvais qu'un auteur moderne
ait donné à ce mot li> sens d'cntovrcr. Cet auteur,
dit-Il, peu fait au langage du Palais, n'a pas com-
pris la vraie signification de ce mot. \ollaire, (pii
comprenait bien tous les larcages, s'en est servi
dans ce sens : Je n'ai pas vn moment, mon cher
ami; je suis circonvenu d'affaires, d'ouvriers,
d'embarras et de maladies. [Correspondance.)
CiRcci.MiiE Adj. des deux genres. 11 suit tou-
jours son siilisl. : Forme circulaire, mouvement
circulaire. — Lettre circulaire.
Circulairement. Il ne se met qu'après le verbe:
Les cieux se meuvent circulairement.
Circulant, Circdlante. Adj. verbal tiré du v.
circuler. Il suit son subst.: Jlichesses circulan-
tes, espèces circulantes, billets circtdants.
CiRcuLEr,. V. n. de la 1" conj. Ce mot se dit
proprement du mouvement d'un corps ou d'un
point qui décrit un cercle; maison l'a appliqué
au mouvement des corps qui décrivent des cour-
bes non circulaires, par exoiniile au mouvement
des planètes, qui ne décrivent point autour du so-
leil des cercles, mais des ellipses. On l'a apiiliqué
aussi au mouvement du sang, i)ar lequel ce lliiide
est porté aux artères, et revient au cœur par les
veines. En général, le mot circuler peut s'appli-
quer, par analogie, au mouvement d'un corps cpii,
sans sortir d'un certain espace, fait dans cet es-
pace un chemin quelconque, en revenant de
temps en temps au même point d'où II est parti.
Cisailler fis villes. Dans ces deux mots, on
mouille les(.
Ciseaux. Subst. m. pi. Instrument de fer com-
posé de deux branches tranchantes en dedans, et
jointesensembie par un clou. Ciseaux de tailleur,
de lingère. Une paire de ciseaux. — 11 s'emploie
(luelquefoisau singulier: Mettre le ciseau dan'i
une étoffe. — En mythologie, on dit le ciseau de
la Parque.
Ciseler. V. a. de la 1" conj. Dans la conjugai-
son de ce verbe, on double la lettre l lorsqu'elle
est suivie d'un e muet : Je ciselle, tu ciseUes, ils
ciscllent,je cisollcrai,je cisellerais, etc.
Citation. Subst. f. C'est l'usage et l'application
que l'on fait en parlant ou en écrivant d'une pen-
sée ou d'une expression employée allleurè; le tout
pour confirmer son raisonnement par une autorite
lespcclable, ou pour répandre plus d'agrément
dans son discours ou dans sa composition.
Faire des citations, expression qui s'est intro-
duite par abus dans la langue. On dit citer.
Citer. V.a. délai"' conj. Citer nn tribunal,
citer devant le juge, citer i\ comparaître. — Citer
des auteurs, citer son auteur.
Citériecr, CiTÉBiEur.E. Adj. qui ne se met
qu'après son subsl.
Citoyen, Citoyenne. Substantifs. Les citoyens et
les citoyennes , dit l'Académie, sont les habitants
d'une ville, d'une cité.— Les habitants d'une yillc
ne sont citovcns que lorsqu'ils sont membres
d'une république, qu'ils ont droit de suflrage
dans les assemblées publiques, et qu'ils font par-
lie du souverain. Dans ce sens, il n'y a point de
i24
CLA
citoyenne, à moins que l'on n'entende par là la
femme d'un ciioycn. Dans les nutnaivliies Icm-
pérc'CS, un tlil t\\i'uii homme esl bon citajcn, pour
dire «lu'il csl allaclio à I ■ |ialrio. Ainsi nii lioiinnc
peut ('lie ciliiyon «lans ccHc tlcniière ar< e|ilii)ii,
sans èlrc ciloyon dans la |iiomitic. J.-J. Hoiis-
seau, *lil FcimiuI, so i|iiaiiliai( de cU'iycn de Gé-
nère ; |iliisioiii's so siinl iii(ii|iiés de colle ipialili-
calioii. lies plusieurs la élaii-nl des iLMidiMiiis; cl
s'il raliait alors se nii)i|iiei' de t|iicli|u'uii, c'olail
d'un puole (|ui se qualiliuilcn France de ciloycn
de Calais-.
Cuil., CiviLE Adj. qui suit loujouisson siihsl :
La rie cirile, des iniiiiières cirilca. l.'Acadoiiiic
dil être cirii a l'Oiraid de tout le monde, envers
tout te monde l'Iéclilcr avail dil ciril a ceii.và qui
il ne piiiiruil être fucoraile {Oraison fnn. de
M. de Lumoiijnon, p. Kili.), l'I rAcadoiiiie avail
ado|)lé ce régime dans son édition de 17()i; elle
ne l'a pas mis dans celles de 1 /i>S el de 1835. Kn
cela, (Ho a pruliK) de la rcmanpic dcFéraud.
CiviLEiiKM. Adv. Avec civijiio. Il no se mol
gU(>ro (pi'après le verlie : // nous a reçus cicile-
■m.evt,je l'ui traité civilement. 11 signiiie aussi
en niaiidMe civile
Civilisé, Civilisée. Adj. Il ne se met qu'a|ir(:s
son subst. : Les peuples civilisés, les nations ci-
vilisées .
Civilité. Subst. f. Dans le sens d'honncletc,
courtoisie, manière lionncle de vivre el de con-
Terser dans le monde, ce mol n'a point de pluriel.
Il en a un dans le sens d'actions, de paroles civi-
les, do compliments, etc.
Corneille a dil AdWiPulijcucte (act. II, se. v, 11) :
Nous ne nous combattrons que à& civilité.
Voltaire fait observer dans ses Remarques que
c'est un vers de comédie.
Civique. Adj. f. qui suit son subst. et n'esl
d'usage (iii'en ces phrases : Cuuronne civique,
vertus civiques.
Claib , CuiBE. Adj. Dans toutes ses accep-
tions, cet adj. ne se met (praprés son subst. : Un
feu clair — Des armes claires, un teint clair. —
De lu toile claire. — Une idée claire.
Ce mol s'emploie aussi adverbialement: f^oir
clair, parler liant etclair. Ondilsenier clair, \K*iir
dire répandre la graine do loin en loin, et en
moindre (piantilc (ju'on ne le fait ordinaireineiit.
C'est (le celte expression (ju'on a fuit l'udjeclir
clairsemé, frayez ce mol.
Claihemknt. Adv. On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire cl le paiticipc : // s'est expli-
qué clairement, ou il s'est clairement expli/iié.
Claire-voie. Subst. m. Quand il sigiiilic une
ouveriuio faite à icz dc-cliaussce dans lo mur
d'un |iarc ou d'un jardin, et <|ui n'est fcniiée (pie
par une grille ou par un Hjssii, il faut écrire au
pluriel des claires-voies. Dans ses autres accep-
tions, il n'a point de pluri(.'l, ijarce qu'il ne s'em-
ploie (lu'adverbialemenl.On dit fait a claire-voie,
de rcspacomenl dos solives d'un idanclier, des
poteaux d'une cloison, des chevrons d'un com-
ble, etc., lorsque cel espacement est jibis large
qu'il n'a coutume de l'clic dans les anlres ou-
vrages de même nature, soit qu'on l'ait prali(pié
ainsi par économie, soil à cause du peu décharge.
En terme d'agricullure, on sème d claire-voie
quand les sillons sont fort écartes les uns dos au-
tres, ou (pie la quantité de semence (|u'on répand
étant peu considérable relalivcmenl à l'espace
qu'on ensemence, les grains laissent entre eux de
CLA
grands intervalles vides. Les ouvrages des van-
niers sont à ciaire-toie lors(iiie le tissu d'osier
laisse des inlervalU s a J"ur; et il en esl de même
de l'ouvrage des lissuiiers.
Cl.\ib-se.mé, Clmii-se.mée. Adj. Dans ce mot
compose, clair est adverbe, et ne prend jamais
la iiiar(pie m du IVininin ni du pluriel. Semé suii
la régie des autres adjectifs, et se met, selon les
cas, au masculin ou au t'oininin, au singulier ou
au pluriel : Du blé clair-seme, de l'uvuine clair-
semée, des oryes clair-seuues.
CLAiiivoYAi>r, Claikvoyame. Adj. il ne se dil
qu'au ligure, el suit toujours son subst. : Un
homme clairvoyant, un esprit cUiirvoyunt. Vol-
iaire du, dans ses Remarques sur Corneille, (pjc
le mol clairvoyant esl baimi du si} le noIilc.Dans
ce mut compose, voyant esl un adjoclil' verbal, el
prend par coiiséiiucnl la mar(|uo du |iluriel.
Clameur. Subst. 1'. C'est un grand ci'i, suivant
lAcadcmie. Celle explication esl Irés-incomplèle.
Un homme a (jui l'un lait une u{>(M'alton doulou-
reuse |>ousse ordinairement de yrunds cris, et ce
ne sont |)as des clameurs. On pousse de grands
cris de joie, et ces grands cris ne sont i>as des cla-
meurs. Le mut tiu/«ei//-ciiipuric l'iilec de plainte,
de demande, d'accusation, de réclamations faites
sans retenue, sans modoraliuii, avec le dessein de
cummunniuer auxaulres le soulimenl de mécon-
lenieinenl ou d'indignation dont on esl animé :
Les clameurs d'un koiame qui se plaint, les cla-
meurs d'une populace mutinée. On dit au singu-
lier lu Llameur publique, pour indi(iuer le soulè-
vcmenl du peuple coiiire un scélérat.
Clandestin, Clandesiine. Adj. On peut le met-
tre avant son subst., quand l'analogie el l'harmo-
nie le [lormeltenl : Mariage clandestin, assem-
blée clandestine. Celte clandestine assemblée.
Clandestinement. Adv. 11 ne se met guère
(piaprcs le verbe : // s'est marié clandestitie-
inent, ils se sont assemblés clandestinement.
Claqueu. a . a. de la i'\ cuiij. \ ollaire l'a dit
dans le sens d'applaudir (Epitre à M. Fulkcner
en tète d'Alzire) :
El le parterre favorable
Au lieu de siitler m'a claqut.
Cla()ueur. Subst. m. Mot nouveau. Nom que
l'on a donne à 'j-îs gens (jui se chargent, pour de
l'argent ou ()U(;i(iiie aulre récompense, d'applau-
dir a lurl el a traveis les pièces nouvelles et les
acieiir.i ou les actrices.
Clakté. Subst. m. il s'emploie au figuré dans
le sens de lumières. Voltaire a dil dans Alzire
(act. V, se. va, 45) :
Aux clartés dei cliréliens si son Ime e^t ouverte
Ce vers prouve, contre l'Académie et contre Fé-
raud, (jue clartés se dil des personnes.
Clarté se dit aussi du discours. On ne parle et
l'on n'écrit (pie pour se faire entendre. On ne se
fait bien entendre (lue luisiiu'on s'exprime avec
clarté. La clarté est la (pialiié jKir hupiellc un dis-
cours est propre à donner a ceux «jui l'entendent
ou (pli le lisent la vraie connaissance de ce que
l'auteur voulait leur faire penser. Ainsi tout ce
(jui, dans un discours, scrl a bien faire saisir la
lionsce précise de l'auteur, contribue a la clarté ;
tout ce qui empêche de bien sjiisir celle pensée
est un défaut contre la clarté.
Tour éi:rire avec clarté, il faut penser avec
clarté; car comment pourrait-on rendre claire-
ment par des paroles ce que l'on n'aperçoit que
CLA
confupémenl dans son esprit? Un peintre pour-
rait-il se Huiler de faire un porlrail ressemManl
d'une per>onne qu'il ne verrai! (jne dans l'éloi-
gnenicnl ou a iravei-s un nuaire? 11 faul donc
qu'un auieiir qui veut s'cvpniner avec fl;iilé
commence par meUre de la darié dans ses con-
ceplions, el de la dislinrlion dans ses i'Iécs. 11
faul que l'idce priiici|);de qu'il vcul coininuni-
quer lui soii familière, (pi'il a|)er(,-oive d'une ma-
nière claire la convenance îles modilicalinns sous
lesquelles il veiil la faire envisai:cr, cl qu'il seule
avec justesse l'erTel des accessoires dont il vent
l'orner ou rcmlicllir. Il faul que toutes ces clioscs
puissent se iirc^enier facilement à son esprit, tan-
tôt séparcmenl, tantôt dans leurs liaisons el leur
ensemlile; et c'est alors seulement (pi'il pourra
choisir pour exprimer sa pensée des mots qui,
comme autant de couleurs diverses, rendront l'a-
cilement, par leurs combinaisons et leurs rcllcts,
l'image qui leur servira de modelé.
Pour cire clair, il ne suflit pas de se faire en-
tendre, il faut aussi se faire entendre racileincnt.
L'esprit n'aime pas ce qui lui cause da la peine,
et l'atlcntion de l'auditeur ou du lecteur se sou-
tient dillicileincnt , lors(pie le travail qu'exiu'C
l'intelligence d'une idée lui fait [)révoir un travail
semblat)le pour celles qui vont suivre.
La clarté demande (pi'on choisisse les termes
qui rcndciit exactement les idées, ([u'on dégage le
discours de toute superllnitc, que le rapport des
mots ne soil j.imais équivocpie, el (|uc toutes les
phrases, construites les unes pour les autres, mar-
quent sensiblement la liaison et la gradation des
pensées.
Rien !ic nuit plus à la clarté du discours que le
trop grand dé^irde montrer de l'esprit. De la ré-
sulte souvent l'affeclalion du style, Icmploi abu-
sif des termes ligures, et les expressions recher-
chées qui loiil prendre la pensée d'un auteur dans
un tout autre sens que celui (|u'il avait en vue.
Les Iropcs, nour être clairs, ne doivent pas cire
tirés de trop loin, et pris de choses qui ne don-
nent pas occasion a l âme de penser d'abord a ce
qu'il faut qu'elle se représente pour découvrir la
pensée de l'auteur. L'idée du tropc doit être tel-
lement liée avec celle du mot propre, <iu'ellcsse
suivent, cl qu'en excitant l'une des deux, l'autre
soil renouvelée. Le défaut de cette liaison rend
les tropes obscurs.
Si le trop graml désir de montrer de l'esprit est
une cause t|ui nuit à la clarté du discours, celui
de montrer de léruililion en est une autre C est
souvent une alïeclation déplacée chez certains
auteurs, »pie l'usage des termes d'arts et des ex-
pressions si-icnliliques, auxquels ils pouvaient ai-
sément substituer des termes et des expressions
d'usage ordinuu-e, que « liaipie lecteur un peu
écliiiié et ipii sail sa langue comprend aiséineiit.
Ce défaut csl assez, ordinairement celui des char-
latans el des ignorants; el tel chirurgien (pii ne
sait |Kis le latin alTecte de donner des noms grecs
qu'il ne coin|ireiid pas à des choses qu'il icn-
drait beaucoup mieux dans sa langue naturelle.
La lr(»p grande brièveté est souvent uw obsia-
cleà la clarié. (hiclqucfois un auteur familiarisé
avec un sujet qu'il étudie depuis longiem|)s, veut
épargner du temps cl de la peine, [irévcnir l'en-
nui ([u'inspiient les détails néccssai-es a l'inielli-
gence du sujel aux personnes qui les savent. Il
suppose que ces détails, ces idées interméiliairos
qui lient le principe a la consétpiencc, sont aussi
familiers a ses lecteurs qu'a lui-même. Sur ce
prétexte, il se disiicnse de les donner, et le lec-
CLO
125
teur, qui ne voit i)as la liaison des idées, ne com-
prend plus ce qu'il lit. C'est un défaut dans lequel
tombent souvent les gens lrés-s:ivants Nous ter-
minerons cet article par un pas^ancde d'Alcmbcrl
sur la clarté : « la clarté, (pii ôsi la loi fonda-
mentale du discours, dit cet illnslie auteur, con-
siste a se faire entendie sans jK-ine i»ii y iiarvicnl
par deux moyens : en menant les idées . li;iLune
à sa place dans l'ordre naturel, cl en exprunant
neilcment chacune de ces idées, les idées sont
exprimées nettement et facilement, si l'on évite
les tours ambigus, les phrases iroj! louiiuos, trop
chargées d'idées incidenies et acccsMiuesa I idée
piincqtalc; les tours épigraininatiques, dont la
multitude ne peut sentir la linesse; car l'orateur
doit bc souvenir (pi'il parle pour la multitude. »
"N'oyez Elociitimi.
Classique. Adj. des deux genres qui suit tou-
jours son siibsl. : Aiilcvrciussiqiic. — (!e mot se
dit des auteurs que l'on explique dans les collè-
ges.— 11 se dit aussi des auteurs inoilernes qui
peuvent être proposés pour modèles pour la
beauté du style. — Nous ap|)elons auteurs clas-
siques, dans notre langue, les bons autt'urs du
siècle de Louis XI \, tels que Uacine, Boileau,
l-'énelon, ctc , et (juelqiies auteurs du dix-hui-
tième siècle, lelsipic BulTon, Voltaire, Jean-Jac-
(jnes lîoiisseaii, etc.
Claude. Nom i>iopre. Les grammairiens ont
ilit -généralement ipie l'on prononi;ait GlunJe. La
Graiiiiuuirc des Graminnires, d'après Wailly,
décide (|ue l'on doit prononcer comme on écrit.
iS'ous sommes bien aussi de cet avis; mais ni
Wailly, ni la Graimnaire îles Graiiiinnires, ne
sont parvenusa changer raiieieime iinmouciation.
Claustral, CnusTnxLE. Ailj. Il l'ail cliiuslraux-
au pluriel masculin : Les lieux claustniuj:.
Clef, iubsi. f. On ne piononee point le f.
Clijmence. Subst. f. Ce mot n'a point de plu-
riel.
Clément, Clémente. Adj. (pii suit toujours son
subst. : Prince clément, père clément, j^je clé-
ment.
Clerc. Subst. m. le c final ne se prononce pas,
excepte dans le mol coinpos(; c/erc-à-uuntrc.
Clérical, Cléricale. Ailj. Il ne se met qu'a-
prés son subst. : Ordre rlirical, titre clérical.
Clékicalement. Adv. il ne se met (pi'aprcs le
verbe : // est vêtu cln-iculcmcnt.
Cluiatérique. Adj. des deux genres (pii ne se
met ipTaprès son subst. : Année climutirique.
Clinquant. Subst m. Ce mol se dit au ligure
des faux brillants d'un ouvrage d'esjuit Boileau
a dit le clinquant du lasse [Sut. IX, 4/5.); Cres-
SCl, le clinquant de l'esprit.
Cloaque. Subst. Dans ipiclques dictionnaires
on le fait masculin et l'cminin; dans d'autres, seu-
lement masculin. L'Académie le l'ait léminin en
|iarlant des ouvrages des anciens, semlilables à
ceux que nous nommons é^oiUs ; cl masculin
dans toutes les antres acceptions. On ne voit pas
trop pourquoi l'Académie a embarrasse la langue
de celte distinction frivole. Anjounl'liui, la plu-
pari des auteurs le font maseiilin dans iimiesses
acceptious, el nous pensons qu'on doit les nniier.
{.'Encyclopédie le lait masculin, même en parlant
des cliiuqiies des anciens.
Ci-ORRË. V. a. et déicilucux de la k' conj,
L'Académie écrit clnrc. On léirit géncrahinent
avec deux r. Ce verbe n'est en usage ipi'aux irois
personnes du présenl singulier de rm.licatif : J»
clos, tu clos, U dut; an fiilur simple dc' 1 indica-
tif, je clorrai; au présent du conditionnel, jflcfc»"-
126
COI
rais; au participe passé, clos, close. Les temps
composés sont usités et se forment avec l'auxi-
liaire at-nir.
Ce verbe est peu usité dans le sens de fermer.
11 lest diuaiUagc dans le sens (rciilcnner, d'en-
tourer, d'environner de murailles, de haies, de
fossés : Clorre un jardin, un parc, une ville;
clorre de murailles, de haies ; clorro un compte,
un inventaire. A oltaire dit, dans ses Ilcmarqucs
sur Corneille, (jue ce mol n'est pas d'usage dans
le style trafique.
Clïsiére. Subst. m. L'Académie dit qu'on se
sert plus ordinairement du mot lacement, ou de
celui de remède. C'est le dernier qui est le plus
usité.
Co, coji, COL, COR Cl coN. Particule prépositive
empruntée de la préposition lalinc cM7/i,avcc,(iue
l'on met au commencemcnl de certains mots, el
qui garde le ï^cns de la préposition latine. On se
sert de co devant un mol sinij)lc qui commence
par une voyelle ou par un h muet : Coadjuteur,
coêternel, coïncidence , coopération, cohabiter,
cohéritier. On emploie com devant une des con-
sonnes labiales, b, p ou m: Combattre, compéti-
teur, commutation. On se sert de col quand le
mot simple connncncepar /; Collection, colliger;
le mot colporteur \\c?>\. point contraire à celle rè-
gle, il signifie porteur an col. On fait usage de
cor devant les mots qui commencent par r : Cor-
rélatif, correspondance. Dans toutes les autres
occasions, on se sert de con : Concordance, con-
denser, considération, conglutiner, conjonctif,
connexion, conquérir, conspirer, contemporain,
convention, etc.
CoACTiF, CoACTivE. Adj. qui ne se met qu'après
son subsl. : Puissance coactive, pouvoir coactif.
Coche. Subsl. 11 est masculin lorsqu'il signiue
une voiture d'eau ou de terre ; il est féminin lors-
qu'on lui fait signifier une cnlaiUure faile dans
un corps solide, ou bien une truie.
CoDiciLLAiRE. Adj. dcs dcux gcnrcs. On pro-
nonce les / sans les mouiller.
Codicille. Subst. m. On prononce codicUe,
comme s'il n'y avait qu'un l. .Je ne sais pourquoi
l'Académie l'écrit avec deux l.
Coeur. Subst. m. L'expression deprendre cœur,
pour prendre des senlimenls, n'est guère permise
que quand un dit : Prenez un cœur nouveau,
ou bien reprendre cœur, reprendre courage.
(Volt., Rem. sur Nicomède, act. 1, se. i, (55.)
On dit le cœur parle, c'est 7non cœur qui vous
parle :
Je veux que l'on soit homme et qu'en toute rencontre
Le fond de notre cceur dans nos discours se montre,
Que ce soit lui qui parle.
(Mol., MUanthr., act. I, se. i, 69.)
Est-ce donc votre cœur qui vient de nous parler ?
(ItAC, Iphig., acU I, se. m, 8.)
Cognassier. Subst. m. On mouille le gn.
CoG^AT, CoGNATioN. Daus ces deux mots le g
se prononce durement: Coguenat, coguenation,
en passant légèrement sur^«e.
CoGNÉE.CoGNER. Daus CCS uiots on mouille le^«.
Coi, CoiTE. Adj. Féraud dit qu'il faut dire cuie
au féminin, et que coite est un gasconismc.
C'est une erreur; on dit coite à Paris et partout
où l'on se pique de bien parler. Il n'est guère
d'usage (lue dans ces pLrases : Se tenir coi, de-
meurer c'u;et je ne pense pas qu'on dise, comme
le prétend l'Académie , une chambre coite, pour
si^ilier une chambre bien fermée et bien chaude.
COL
Coing. Subst. m. Gros fruit à pcpin. Autrefois
on écrivait aussi c<u/i;mais l'orthographe actuelle
est la meilleure, (larce que par là on distingue ce
mot du mot coin, qui signifie angle.
CoLKRE. Subst. f. :
Pressé de toutes parts des coUrei célestes.
(CoBN., Pomp., act. 1, se. I, 85.)
Vollaire remarque que colère, substantif, n'ad-
met point le pluriel :
Sans emprunter ta main pour scrrir ma eolire.
Je saurai bien venger mon pays et mon père.
(Coïix., Cin., acl. III, se. iv, llî.,
^'oltaire dit, au sujet de ces vers : Le mot de co-
lère ne parait iieut-élre jias assez juste. On ne
sent point de colère pour la mort d'un père mis
au nombre des proscrits il y a trente ans. Le mot
de rcssentimentiCYViW. plus propre. Mais, en poé-
sie, colère peut signifier indignation, ressenti-
7nent, souvenir des injures, désir de vengeance.
[Bem. sur Corneille.)
Colère. Adj. des deux genres qui ne se dilque
des personnes, et qui suit toujours son subst. :
Un homme colère, une femme colère. 11 signifie
qui est sujet à la colère; et il ne faut pas le con-
fundre avec colérique, qui signifie qui est enclin
a la colère, ou qui porto à la colère. Le premier
désigne proprement l'habitude, la fréquence des
accès; le second, la disposition, la propension, la
pente naturelle.
Colérique. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. Il n'esl guère d'usage que
dans le style didactique. Voyez Colère.
Colifichet. Subsl. m. Boufllers a employé ce
mot adjectivement :
L'éclat est le moyen de plaire.
Dans ce siècle coliGcliet ;
La raiàon semble roturière,
Et devant le fasié se tait.
Collaborateur, Collaboratrice, Collataire,
Collatéral, Collateub, Collatif. Dans lous ces
mots on fait sentir les deux /.
Collation. Subsl. f. Lorsque ce mol signifie
un léger repas, on prononce colation; lorsqu'il a
un au Ire sens, les deux l se prononcent.
COLLATIONNER. V. 3. dc .Q A." COHJ. LorSqU'ïl
signifie prendre un léger repas, on prononce co-
lationner ; lorsqu'il a un autre sens, les deux l
se prononcent.
Collectif, Collective. Adj. On prononce le f
final au masculin. Cei adjectif se dit de certains
norassubslantifsqui présentent àrespritl'idée d'un
tout, d'un ensemble formé par l'assemblage d-
plusieurs individus de même espèce. Par exem
|)le, armée est un terme collectif; il nous pré-
sente l'idée singulière d'un ensemble, d'un tout
formé par l'assemblage ou la réunion de plusieurs
soldats. Peuple est aussi un terme collectif, parce
qu'il excite dans l'esprit l'idée de plusieurs per-
sonnes rassemblées en un corps politique, vivant
en société sous les mêmes lois. Forêt est encore
un nom collectif; car ce mot, sous une expression
singulière, excite l'idée de plusieurs arbres qui
sont l'un auprès de l'autre. Ainsi le nom collectif
nous donne l'idée d'unité par une pluralité as-
semblée.
Mais observez que, pour qu'un nom soit col-
lectif, il ne suffit pas (]uc le tout soit composé de
parties divisibles; il faut que ces parties soient
acluellcmenl séparées, cl {pi'elles aient chacune
COL
ieur être à pari; autreineiil les noms de chaciue
corps particulier seraient jiulant de noms collec-
tifs; car tout corps est divisible. Ainsi homme
n'est pas un nom collectil', quoique l'homme soit
composé de différenles parties; mais iJi/ie est un
nom collectif, soit qu'on prenne ce mot pour \in
assemblage de différentes maisons, ou pour une
société de divers habitaïUs. 11 en est de même de
multitude, quantité, régivieiit, troupe, la plu-
part, etc. (Dumai;sais.)
On a dibtinsué deux sortes de collectifs : les
collectifs généraux, tels que peuple, aniu'e, ctc ,
qui exprimciil une lullecliun entière; et les col-
lectifs partitifs, ([ul n'expriment (lu'une partie du
Ja collection, tels que lu plupart, partie, nom-
bre,cic. Ouand le collectif général est suivi d'un
pluriel, l'adjectif, le pronom et le verbe s'accor-
dent, non avec le i>luriel, mais avc,c le collectif :
L'armée des infidèles fut entièrement défaite,
et non furent, etc. Au contraire, le pluriel qui
suit le collectif partitif détermine le nombre du
verbe, du pronom et de l'adjeclif: Une partie
des infidèles xj furent tués, el non jKis y fut tuée.
La raison que l'on donne de celte différence, c'est
que le partitif et le pluriel qui le suit ne font
qu'une expression, au lieu (jue le collectif gêné
rai présente une idée, indépendamment de ce qui
peut suivre. On dit seuls armée, peuple, fo-
rêt, etc.; mais on ne jjcut dire nombre, par-
tie, etc., sans les accoui|xiL'ner de quelque aulre
mot. Féraud remarque, au sujet de cette règle,
•lu'aprcs les collectifs généraux, ([uoiqu'ils soient
au singulier, on met souvent le^j pronoms per-
sonnels au pluriel. Il n'aurait pas du dire que
cela arrive souvent, mais seulement quelquefois
en vers. L'exemple de llacine, qu'il cite à l'appui
de cette an^^rwCn, pr''"ve que le cas est rare, et
particulier à la poésie; c<u •'^He construc-
tion, que l'on ne peut trouver fautive en vers,
paraîtrait extraordinaire en prose :
Tout ce peuple captif, qui tremble au nom d'un maître,
SoDtient mal un ponvoir qui ne fait que de naître;
II» ont pour s'affranchir les yeux toujours omerts.
(^Alcx., act. II, se. II, 15.)
Quant aux collectifs partitifs, on pourrait dire
aussi qu'il y a des cas oii l'on ne ferait pas une
faute en mettant le singulier au lieu du pluriel.
Ainsi on neut dire, suivant les cas et les acces-
soires de Vidée qu'on veut exprimer, utie partie
des soldats s'enfuit, ou une partie des soldats
s'enfuirent ; c'est à celui qui parle ou qui écrit
à distinguer si c'est le singulier ou le pluriel qui
convient mieux à l'impression qu'il veut produire
en exprimant son idée.
Collectivement. Adv. Dans un sens collectif.
L'homvie, se dit de tous les hommes pris collec-
tivement. Cet adverbe ^e met toujours ai)rès le
verbe : On les a pris collectivement, et nou pas on
les a collectivement pris.
Collégial, Collégiale. Adj. L'Académie ob-
serve que ce mot n'est guère usité qu'au féminin,
et dans cette phrase, église collégiale; mais
Féraud pense qu'on le dit aussi de ce qui sent
le collège ; Poëte collégial, production collégiale.
11 est vrai que Gresset a dit en ce sens des
poètes cdiégiaux; mais cet exemple ne suffit pas
pour établir l'usage.
Coller. Y. a. de la d'' conj. On dit coller sa
bouche à quelque chose:
Au seuil de ces parvis, à leurs portes sacrées.
COM ;-27
Elles collent leurs Louche», entrelacent leur» br»i.
IDlul., Èniid., II, 658.)
Se coller ne signilie pas seulement se tenir
droit contre. Delillc a dit :
Il dit, baise nos pieds, les inonde de larmes.
Se colle à nos genoux. . .
{Ènéid., III, 830.)
Il a dit aussi :
Le sang noir et glacé qui collait ses cheveux.
[Ènéid., II, 368.)
Colophane. Subst. f. Plusieurs disent colv-
pho-ne. Il est vrai tiue, suivant l'iine, celle sub-
stance résineuse nous avait élé apportée de Co-
lophane, ville d'ionie; ainsi, selon les règles,
on devrait dire colvpkone ; mais, selon l'usage,
qui est plus fort (ji:e les règles, il faut dire tolc-
phane. {Grammaire des Grammaires, p. ItlUS.)
Coi.oban-, CoLOi-.AME. Adj. vcrbal tiré du v.
colorer. Il ne se met qu'après son subst. : Des
drogues colorantes.
CoLOEFR. y. a. de la 1" conj. 11 signifie figu-
rément, dit l'Académie, donner une belle appa-
rence à tiuelque chose de mauvais. — Il n'est
pas nécess;iire (lue la chose qu'on veut colorer
soit mauvaise :
Que d'un prétexte heureux la trompeuse apparence
Colore ces apprêts. . .
(Uelil., Ènéid., IV, 416.)
Au propre, il ne faut pas confondre colorer
avec colorier. Le premier se dil des couleurs
naturelles : Le .toleil colore les fruits ; le second
se dit des couleurs arliliciellcs: Un peintre qui
colorie bien. — Cependant l'Académie, dans son
édition de 1835, donnu les exemples suivants à
l'article colorer: L'art de colorer le verre, le
cristal. Colorer le verre en bleu, en rouge, elc.
L'auteur d'un ouvrage publié on lS3b sous le
titre de Dictionnaire du langage vicieux, donne
une définition qui explique les exemples donnés
par l'Académie, v. Colorer, c'est donner une cou-
leur naturelle ou artificielle, mais d'une seule
teinte. Colorier, c'est apposer avec art des cou-
leurs sur (juehiue chose. Ainsi un rerrc coloré
est un verre qui a une leinie de couleur quel-
conque; un verre colorié c^i un verre qui re-
présenlc quelque chose en peinture. «
Coloris. Subst. m. Ce mot , qui est propre-
ment un terme de |)einlure, se dit par extension
des pensées, de l'imagination, du style et de
rexjH-ession. C'est à l'imagiiialion a fournir des
tours qui donnent un colons vrai a chaque pen-
sée. Le coloris du style est une suite du coloris
de l'imaginaiion. Le coloris de l'expression lient
à la richesse du langage métapliori<pic. Voyez
Propriété.
Co:.ossAL, Colossale. Adj. Il ne se met qu'a-
près son sul)St. : Une figure colossale, une statue
colossale. 11 n'a point de pluriel au masculin; on
ne dit ni colossaux, ni colossals.
Combat. Subst. m. L'Ac^ndémic i\l donner un
combat. Cette expression n'est point usilée. On
dil donner une bataille. — Corneille a dit dans
le Cid (act. I, se. iv, 51) gagner des combats;
on l'a crili(iué. Mais, dit Vollairc, sj 1 on gagne
des batailles, pouniuoi ne gagnerait-nn pas des
combats? [Remarques sur les sentiments de
l'Académie sur le Cid.)
Combattre. Y. a., n. et irrégulier de la 4' conj.
128
COM
Il se conjugue coniiTic battre. Voyez ce mol. Com-
battre ses eiiticriis, combattre ses mauvais pen-
chants, combattre ;ivec quelqu'un ilc piililesse,
li' honnêteté. MoKlcsqiiicii n dit ihins los Lettres
persanes : Quand rous cumbutlez gracieusement
arec vos compagnes , ilc char/nes , de douceur
et lïenjonement...
L'Ac;idéiiiic ne dit point être combattu de.
Crébillon a dit :
Et dt quelque! remords que je (oi't combattu.. ,
[Rhadam., aci. 111, se. Il, 18.]
Quand du moindre intérêt le cœur est comftaCtu...
[Pyrr., act. I, se. V, 5.)
El Racine {Ipliig., acl. II, se. ii, 27.) :
D'oB soin cruel ma joie est ici comtattu;, . ,
Féraud prélcnd qu'en prose il faut dire être
combattu par : Je si/is combattu par des senti-
ments tout ipposés. Je crois cependant cpi'on di-
rait mieux /e* ie/(<w//c«;5 dont il est combattu,
que les sentiments par lesquels il est combattu.
Combien. Adv. de quaiiiilé. L'adverbe de
quanlitc, dit d'Oiivct, a cela de remanpiable,
qu'élaiit uni à un suhstanlif par la particule de,
il n'csi à l'éirard de ce substantif «juc comme un
simple adjcciif, puis(iue l'un el l'autre ensemble
ne [ncsciilcnl qu'une idée luialc et indivisible.
Aussi est-ce une rogle sans exception ([ue dans
toutes les phrases ou l'adverbe de ipiantilc fait
partie du sujet, la syniaxe est fondée sur le nom-
bre et le genre du substantif: Combien de gens
sont trompés par les apparences ! f^ovs ne savez
pas combien cette maison a coûté d'argent.
Comblé, Comrlée. Part, et adj. Autrefois,^ ce
mol au masculin n'clait (]uc participe : Etre
comblé de biens, de gloire, de faveurs. Aujour-
d'hui on 1 emploie adjectivement sans régime, et
dans le sens de ravi, enchanté :
Je suis com'ilé, ravi.
De retrouver enfin mon plus fidèle ami.
(Gress., Méchant, act. II, se. vu, t.)
Le même auteur a dit, dans le même sens, vous
me comblez . . .
Celle façon de parler est affectée, et Gresset la
mcl dans la bouche d'un personnage ridicule.
CoMBLEB. V. a. de la 1"^* conj. Racine a dit
dans Iphigénie (act. I, se. ii, 67) :
Ainsi, pour tous venger tant de rois assemblés.
D'un opprobre éternel retourneront comblée.
On dit covvert d'un opprobre éternel, mais on
ne dit pas '\\i'nn en est comblé.
L'Académie ne joint au mot combler , pris li-
gurémcnl, ipic des substantifs (|ui ex|>riincnl des
biens, «les çiàces, des faveurs, ou d'autres
choses de celle espèce. P'ilc semble indiquer par
là que ce vci'bc ne saurait s'allier avec les maux,
les [tciiies, eie. Cependant Vollaire a dit dans
Sémiramis (act. 1, se. vi, 3) :
Je verrai donc mes maux ou combléi ou finis,.
Et plus loin (act. V, se. viii, 5) :
Le ciel est satisfait, la vengeance est comblée.
CosiBDSTiBLE. Adj. dcs dcux. gcuves qui ne se
met qu'après son subsl. : Matières combus-
tibles
COM
CoMBiSTiON. Subsl. f. On prononce combus-
tion, avec le son du /, cl non pas combuscion,
avec le son du c.
Fcraud |)rcleiid que ce mot se dit toujours
avec la préposition en. On le dit sans celle pré-
position, et au prdpic et au liçiiré : Lair est
nécessaire à la combustion. [Dict. de l'Acad.)
Co.MÉDiE. Subsl. f. On disait aiilrcfois ai/er ô
la comédie, en iKirlaiil de toiiics sorics de pièces
de ihcàlie, comme Iragi-comcdie, pastorale, etc.
Aujourd'hui l'on dit en ce sens aller au spec-
tacle.
CoMiQDE. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subsl. : Une pièce comique, un poète
comique. On appelle force comique, ces grands
trails tpii approfondissent les caraclércs, et qui
vont chercher le vice jiisijue d.ms les replis de
l'àme pour lexposcr en plein ihcàtrc au mépris
des s|»ecUilcurs.
Comique. Subst. m. On dit un comique pour
dire un acteur comique, un pccle cnjiiique : Mo-
lière est le modèle des comiques. — Comique se
jnend aussi [wiir le genre de la comédie: Le
haut comique, le bas comique.
Co.MiQLEJiE.NT. Adv. Il iic sc mct guère qu'a-
[)rés le verbe : Il a traité comiqucmcnt ce sujet.
CoMMA^DER. V. a. de la 1" conj. 11 s'emploie
ngurcment au sens mural :
Le devoir me eommonde
Que je venge le meurtre, et que je vous défende.
(Volt., lltr., act. lit, sc. vi, 3.)
Delillc a dit dans un sens qui n'est pas indi-
(lué par l'Académie :
Si ce cœur, trop puni d'avoir été sensible.
Ne «'était eommonde de rester inllesible.
(Énéid., IV, 27.)
On dit commander à quelqu'un ; mais on ne
à\[[)ascom7iiandcr quelqu'un, s\ ce n'est en termes
de guerre. C'est ce que Voltaire a remarqué dans
|os vers suivants de Corneille [Jîodog., act. II,
sc. 11, 67.) :
Ne saurois-tu juger que si je nomme un roi.
C'est pour le commander et combattre pour moi?
On commande iine armée, dit Voltaire, on com-
mande à une nation; on ne commande point
un homme, exceplc lorscju'à la guerre un hom-
me est commande par un aiilrc pour cire de
tranchée, |)our aller reconnaître, pour attaquer.
\^Reinarques sur Corneille }
CoMMK. Conjonclion. 11 s'emploie pour de même
que : Il est hardi comme un lion ; pour dans le
tem[)S ipie : Comme Abruhavi éliiit près de frap-
per son fils Isaac, un ange vint l'avertir ; {Mur
I)arre que, vu que : Cominc l'e.^iime publique est
l'ibjet qui fait produire de grandes chiises, c'est
aussi par de grandes choses qu'il faut l'obtenir
ou du moins la mériter; pour jjar exemple : On
met ordinairement un S à la fin des substantifs
pluriels, comme 7//» amt, des amis; jioiir pres-
que : Gn le trouva comme 7iinrt ; jionr en quelque
sorle : (Jn véritable ami est comme un autre soi-
même.
On peut ajoutera ces significations, tirées des
grammaiies.que coj/ime se dit aussi pour en <|ualité
de : Il aqit comme tuteur de ses enfants; il agit
comme fondé de pouvoir. Dans ce vers de Vol-
taire [Deujcième discours sur l'Iiomme, d621 :
11 agit comme libre, et p.irlc comme esclave.
COM
le p'-omicr comme signifie, d'après sa qualité
d'homme litre, et le second, confornicmenl à son
étal «i'cschivc.
I.a conjonction cMnmojit ne peut cire employée
dans ancune de ces significations; au lien (lu'oii
penl (juciuelois se servir de comme d.ins celle
qui est pnrliiulièrc à cnmmcvt, c'est-à-iliie, pour
signilici- de quelle manière: Je ne vous diniipas
comme la ville fut emportée d'assaut; voici
comme l'affaire se passa.
rontefuis comme ne saurait s'em|)loyer pour
omineiit (|n;nid on iiilerroge. On ne |)ent pas
dire comme rovs a-t-il reçu? au lieu de comment
vous a-l-il reçu? —Il y a cette remarque a faire
àurleuiploi de comme au lieu de comment siirni-
fianl de «luelic manière. Quand on dit ivii/ez com-
ment il travaille, cela tomlicsur la manière dont
il travaille; et si l'on dit en raillant voyez comme
il travaille, cel.i tombe sur la persoime. et fait
entendre ipie celui cpii doit travailler ne travaille
point, ou i|n"il ne travaille pas comme il faut.
La conjonction comme, employée au premier
memhre d'une phrase, ne se répète pas au second ;
on met à ce second meudjre et que : Comme ilai-
•nait les plaisirs, et i\nHl saisissait toutes les
occasions de s'en procurer. . ,
Une rèdc générale que l'on doit appliquera
la conjonction comme, c'est q\ie dans la même
phrase un mot ne doit pas cire pris dans deux
sens différents, le père Bouliours a donc hlâmé
la phrase suivante : Ne considérons pas la vie
comme vu cercle de plaisirs, mais comme une
source de bonheur, quand on sait en jouir connue
certains hommes, le iroisicmc cnnnne, dit-il,
fail ici un mauvais effet, parce (ju'ilest pris dans
un autre ordre que les deux premiers.
Le vers suivant de Corneille a été juslement
critiqué :
Et comme pour toi seul l'amour veut oue je vive.
(Cin., act lU, so.'iv, 12i.)
Toutes les plirascs qui commencent par comme,
dit Voltaire, sentent la dissertation, le raisonne-
ment; et la chaleur du sentiment ne permet guère
ce tour prosai<iue. [Bem. sur Corneille.)
Comme si régit l'indicatif : // me parle comme
si j'étais sin esclave.
Commencer. V. a. et n. de lai" conj. Devant
un infinitif, il régit tantôt la pré|)osilion à, tantôt
la préposition de. On dit il commence à marcher,
et UconiiiicnceÛG marcher. On ne trouve rien de
certain dans les grannnaires, ni dans les di(;tion-
naircs , sur l'emploi de ces deux expressions.
Vaugi'las est d'avis ([u'on peut les employer in-
différemment, et pense aussi que la dernière est
plus usitée; et Boulioius, (jui était d'aLord pour
commencer à, avoue ensuite (pi'tn peut se servir
également de l'une ou de l'autre préposition.
11 me semlile (pie les grammairiens nous au-
raient donné quelque chose de plus précis sur
cette matière, si. au lieu de chercher les motifs de
leurs décisions dans des exemples matériels tirés
des auteurs, ils les eussent puisés dans la iialuie
des deux prépositions, et dans la nuance particu-
lière (pie chacune d'elh^s doit donner a l'idi-e.
Commencer, suivi d'un infinitif, ex[irimc une
action ou des actions présentées comme le com-
mer.cement d'une icndancc \ers un but, ou le
commencement d'une action présentée comme
pouvant ou devant cire continuée jus<pj'à la lin.
Dan- le premier cas, il faut employer la préposition
o,car la nature de celte prcposilion est de mar-
quer le rapport à un but. Marcher est une habi-
COM
129
ude, est un but auquel les enfants tendent pai
la naluie de leur conforniiition. Ainsi, iiour dire
qu un enfant fait depuis (luelqne leiiips des ,ic-
lions qui tendent à former celle h.ibiiiide a ai-
teindre ce but, il f;nil dire cet enfant commence
a marcher. Dans le second cas. il Paul einiilovcr
la préposition de, qui, étant esseiiiicll(<inciit ex-
tractive, marque le |)oint d'oii l'on pan avec
rapport a la conlinuJlé et à la lin de l'action Si
(jonc, voulant faire marcher un enlaiit, il refuse
d'abord de se mettre en mouvement, et (pi'en-
siiilo il s'y mette tout à coup, je dirai, dans ce
moment, il commence de marcher, parce .pie je
veux exi>rimer son inemier monvemenf, non re-
lalivement à un but, mais par iapi)o;t a son inac-
tion précédente (jui est le point de di-part. Il est
sorti de son inaction, il a fait un mouvement |)our
en sortir; voilà tout ce (pie j'ai voulu e\priiner
et tout ce (juc j'exiirimc par la prcposilion de. De
même je dirai en commence de bàiir sur celte
/'lace, sans rapport au but (pie l'on se jiropose
dans la construction ; et on commence i\ bâtir ma
maison, avec rajiiiort a ce but. Nous commen-
çons de d'tncr, c'est-à-dire , nous eoinmonçons
l'action de diner, action (jui doit être continuée
jus(pi'à la fin. \\ n'y a point là de but inar(iué.
On dira bien je commence de voir clair dans sa
conduite; c'est une action (jui doit avoir sa con-
tinuation cl sa fin. Je commence d'y voir clair;
bientôt j'y verrai jibis clair, et a la lin j'y verra'i
clair tout à fait. IMais on ne dira pas^'e commence
(j'-' voir qua vous m'avez trompé ; il faudra dire
je commence a voir. Ce n'est point ici une action
•pii a son commencement, sa continualion et sa
fin; c'est un Irait de lumière (pii a frappé tout
d'un coup, qui a frappé pour la piemicre fois.
Auparavant, on liC voyait pas ipTon était trompé;
on voit actuellement ([u'oii l'est, c'e>t un but al-
toipi. Qu'un malade, loiiimenlé depuis lonirtcTips
par des insomnies, prenne cluMpic jour (pichpies
heurcsde repos, on dira (pi'il commence à dormir,
c'est-à-dire, à tendre au but ainjuel il aspire, le re-
lourd'un sommeil régh;. Maisen parlant d'un hom-
me qui se pijrte bien, et (jui dort bien toutes les
nuits, je dirai il commence de dormir, pimr mar-
quer le comineiicemeiil d'un sommeil ipii doit du-
rer. Hacine a dit dans Phèdre (act. U, se. ii, 63) :
Puisque j'ai commencé de rompre II silence.
C'est une action susceptible d'être continuée, il
n'y a point de but inarune; pi j'énelon a dit les
vents commencèrent à .s'apaiser ('JVlém., liv. VI
t.^ 1, 221.) H y a un but ampiel tendcni k's vents|
c'est-à-dire, le calme Ou commence ii'écrir'e
vne lettre, c'est une action siisceptilih; d'être
continuée jus(pi'à la lin. On ammenre iVovvrir
la tranchée. Mais on commence à s'ennuyer, à
se dépiter, à .ie courroucer ; ce ne sont pom'.des
actions (jur l'on fait, ce sont des éials (pie l'on
éi)ronvc, et qui ont une grailaiioii, un lerme.
J.-J. llousseau a dit : Je commence de fréquen-
ter les spectacles, de .souper en ville; et je com-
v:cnce à voir les diff cultes de l'étude du monde.
Marinoiilel exprime auliement celle difrcicnce
Commencer o, dit-il, di'signe une action qui
aura du progrès, de l'accroissement :
J'adore le Seigneur, on m'explique «a loi;
Dans son livre Jivin on rn*Mppi.:rMl i l.i lire.
Et déjà de ma m.iin je enmvi^ncr i l'ecrirt
fUic, Ath., acl. Il, se. vil, 49.)
Nous observons ici (pie le mot commencer
*^0
COM
sans la proposition à ou de, ou avec l'une ou
l'autre de CCS [;rcposilions, dcsisnc loujoiirs une
action qui aura du progrès, de l'accroissement :
Je commence vn outrage qui doit être ou «jui
peul cire continué, aclicvé. Dans commencer
iVécrire vne letliv , écrire désigne une action
qcil aura du progrès jusqu'à la lin. Dans je
commence à l'i'-cnre, des vers cités, ce n'est pas
parce que l'action indique du inogrés, de l'ac-
croisseuKMil, (jue l'on a cini>loyo la préposiiiun
à, mais piirco qu'il s'agit d'un hul à atteindre.
Le but do reniant est d'écrire la loi, il coiniiicnco
à faire des pr ":rés vers ce but, il commence à
récrire. Nou> serions parfaitement d'accord avec
Marmontel , si l'observation était rédigée ainsi
qu'il suit : Commencer à désigne une action (jui
aura du progrés, de l'accroissement vers un but.
Commencërde, continue Marmontel, iKîint une
action complète qui aura de la durée :
Ses IranSDorls d6s longtcaips commencent dVo/dfer.
(Kac, Britan., act. 111, se. i, 5.)
Commencer de ne peint pas toujours une ac-
tion complote. Dans Texemplc donné par l'Aca-
démie, il et rail commencé d'écrire ■sa lettre,
écrire ne peint pas une action complote; ou si
l'on voulait soutenir le contraire, 11 faudrait con-
venir que ce verbe peint aussi une action com-
plète dans je commence à l'écrire. On dit il
avait commencé d'écrire sa lettre, non parce
qu'écrire peint une action complète, mais i)arce
qu'il s'agit ici du commencement d'une action
présentée comme pouvant ou devant étru conti-
nuée jusqu'à la fin et non comme tcnd.'ini à un
but. — L'Académie, dans son édition de IS3t),
donne une décision favorable à Marmontel. Com-
mencer de, dit-elle, désigne une action qi.i
aura de hi durée ; commencer à désigne une
action qui aura du progrès, de l'accroissement.
-Elle ajoute (ju'on dit quelquefois commencer
à povx commencer de : Commençons à dîner.
Commensal. Subst. m. 11 se dit de ceux qui
mangent à la même table : C'est mon commen-
tai. 11 fait au pluriel commensaux.
CoJiMEMT. Voyez Comme.
CoMMER. V. n. de la \"= conj. C'est un vieux
mot tout à fait hors d'usage, que l'Académie nous
donne pour une expression du style familier. 11
signifiait comparer. Fcraud prétend que ce mot
sent un peu le jargon des sociétés de la capitale.
Je doute qu'il y ait une coterie de Paris où il
fiit compris.
CoMJiF.RÇABLE. Adj. dcs dcux gcnrcs qui ne se
met qu'après son subst. : Effets commerçables,
billets commerçables.
CojiMERciAL, Co.MVEF.ciALE. Adj. Qui appartient
au commerce. 11 fait commerciaux au pluriel
masculin : Opérations commerciales, effets com-
merciaux.
Commettre. X. a. et irrég. de la 4" conj. Il
se conjugue comme Mettre. Voyez ce mot.
Commettre, dans le sens de compromettre, ex-
poser, ne prend point de régime indirect. On dit
prenez garde de vie commettre, je ne vous com-
mettrai point. Mais on ne dit pas/e ne tous
commettrai pas à un affront, llacine a donc fait
une faute en disant dans Jphigénie (act. Il,
se. IV, 5) :
Aux affronts d'un refus crai^int de me commettre;
et dans Bajazet{ac\.. IV, se-, i, 39) :
Hais à d'autret périlt je crair; de le coramtttrs.
COM
Selon la remarque de d'Olivet, on dit tré5»-biin
commettre quelqu'un, et se covimetlre, pour si-
gnifier s'e.\|)0scr soi-mcinc à recevoir cpielquo
déplaisir; mais ce verbe ne s'enq)loie qu'abso-
lument, cl on ne dit point se commettre à quel-
que chose.
Commode. Adj. des deux genres. 11 se met or-
dinairement après son subst.": Une vie commode,
des principes commodes. Lcs poëtcs le font quel-
quefois précéder.
Commodément. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parliciiie ; // est logé commodé-
ment, ou il est commodément logé.
CoMMDN, Commune. Adj. En termes de gram-
maire, il se dit du genre par rapport aux noms.
Tour bien entendre ce que les grammairiens ap-
pellent genre commun, il faut observer cpic les
individus de chaque espèce d'animal sont divisés
en deux ordres, l'ordre des màljs et Tordre des
femelles. Lu nom est dit être du masculin dans
les animaux, quand il est dit d'un individu de
l'ordre des mâles; au contraire, il est du genre
féminin quand il est dit d'tui individu de l'ordre
des femelles. Ainsi coq est du genre masculin, et
poule du genre féminin. A l'égard dos noms d'êtres
inanimés, tel que soleil, lune, terre, etc., ces
sortes de noms n'ont point de genres pro|)rement
dits. Cependant on dit que le soleil est du genre
masculin, et que la lune est du genre féininic,
ce qui ne veut dire autre chose, sinon que lors-
qu'on voudra joindre un adjectif à soleil, l'usage
veut que des deux terminaisons de l'adjectif on
choisisse celle qui est déjà consacrée aux noms
substantifs des mâles dans l'ordre des anunaux.
Ainsi on dira heau soleil , comme on dit beau
coq; et l'un dira belle lune, comme on dit lelle
poule. A l'égard du genre comviun, on dit qu'un
nom est de ce genre, c'est-à-dire, de cette classe
ou sorte, lorsqu'il a une terminaison qui con-
vient également au mâle et à la femelle. Ainsi
auteur est du genre comnnm. On dit d'une dame
(\\i'elle est auteur d'un tel ouvrage. Qui est du
genre commun. On dit un homme cm», etc.; une
femme qui, etc. Fidèle, sage, sont des adjectifs
du genre commun : Un amant fidèle, une femme
fidèle. (Dumarsais.)
Quand commun signifie général, unanime, il
faut le placer avant son subst. : D'une commune
voix, et non pas d'une voix commune. Ou dit la
commune opinion, OU l'opinion commune. Le
bruit commun.
Cet adjectif régit quelquefois la préposition à
ou la prépiisiliun avec : Le nom d'animal est
commun a l'Iionime et à la bête ; j'ai cela de
commun avec lui.
Lorsqu'il est employé sans régime, il a un
sens différent de celui (lu'oii lui donne lorsqu'il
régit la préposition à: JDes disgrûccs communes
sont des disgrâces peu considérables; mais des
disgrâces communes à tous les hommes sont des
disgrâces auxfiuelles tous les hommes jxîuveot
être sujets, et qui peuvent être des disgrâces
considérables.
Communal, Communale. Adj. Il ne se met
qu'après son subst., et fait communaux au plu-
riel : Biens communaux .
Co:iDiuNÉMENT. Adv. H se met ordinairement
après le verbe: Cela s'est pratiqué communément
autrefois.
CoMMCNicABLE. Adj. dcs dcux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Une pièce communir
cable.
COMrusiC'TiF, CoMMONiCATiVE. Adj. qui suit
COM
toujours son subst. : Ce savant est communicatif.
Compacte. Ailj. ilcs deux ïcmcs. Il ne se met
qu'après son siitist. : Un métal compacte.
Compagne. Subst. f. On mouille le gn. L'Aca-
démie ne le dil poini dans les acccpiions sui-
vantes :
Les bergers, pleins d'effroi, dans les bois se cachèrent:
Et leurs tristes inollios, compagnes de leurs pas.
Emportent leurs enfants gémissants dan.< leurs bras.
O'OLT., Ilenr., VUI, 78.)
Cesl li, c'est au milieu de cette cour affreuse.
Des plaisirs des humains compatit» ni.ilheureuse.
Que l'Ainour a choisi son séjour éternel.
{Idem, IX, 53.)
Je ne crois pas qu'on puisse proposer ce der-
nier exemple coiiime un niodolc. Une cour com-
pagne mallienreiise ilcs plaisirs des humains est
une phrase bien extraordinaire.
CoMPACME, Compagnon, Compagsonsage. Dans
ces trois mots on nioiiiUe le gn.
CoMPAiîABLE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. Il léirit la préposition à : Un
homvie comparable aux plus (jrands hommes.
Il régit aussi la préposition cerec, lorsqu'il s'a-
git de choses qui sont d'une nature absolument
différente; et alors cet adjeetif ne s'cinidoie qu'a-
vec la négative : L'esprit n'est pas comparable
avec la inulicre.
Comparaison. Subst. f. On appelle ainsi une fi-
gure de rhétorique et de poésie qui sert a l'orne-
ment et à réclaircissement d'un discours ou d'un
poëme. Elle sert à rendre plus sensible, par une
image, une qualité, une action, une idée, un sen-
timent, uue vérité abstraite. Lorsque, par exem-
ple, nous sommes vivement frappés de t]uel(pie
ijualité extraordinaire d'un objet, il arrive sou-
vent que nous trouvons de la difficulté à rendre
cette (jualiié sensible, précisément parce qu'elle
est extraordinaire dans l'objet que nous voulons
peindre, et qi.e toutes les expressions que nous
empruntons de la nature de cet objet même ne
peuvent le tirer qu'imi)arfailement de la classe
commune dont il lait partie. Si je dis qu'i/n hé-
ros vole au combat, qu'une fevime est belle, qu'un
homme est léger à la course, je n'en exprime rien
qui ne soit dans la nature de tous les héros, de
toutes les belles femmes, de tous les hommes qui
sont légers à Ui course. IMais si je dis du héros
qu'il vole au combat comme un lion, de la femme
(]\x'elle est belle comme un astre, de l'homme qu'z7
est léger comme un cerf, ces comparaisons du hé-
ros avec le lion, de la femme avec un astre, de
l'homme avec le cerf, rendent plus sensibles les
qualités que je voudrais peimlie dans chacun de
ces objets, parce qu'elles les font voir semblables
à des qualités de la mémo espèce que l'on connaît
mieux dans les nouveaux objets qui sont présen-
tés, et où l'on est accoutumé de les voir à leur
plus haut degré. Los comjiaraisons sont comme
autant de traits de lumié:-e qui nous montrent
dans les deux objets un rapjwrt imprévu et frap-
pant, et nous font embellir le premier de tout ce
qui nous a séduits dans le second.
Puisque la comparaison doit rendre un objet
plus sens'ble, par la connaissance subite d'un rap-
port frappant, il faut tpie ce rap[K)rt soit clair,
qu'il embrasse tout entier l'objet à l'expression
duquel il doit concourir, et que l'image qui doit
caractériser, enrichir ou embellir cet objet, soit
plus familière et mieux connue; il faut enlinque
cette image soit plus vive. La comparaison d'un
héros qui vole aux combats, avec un superbe
CO.M
131
coursier qui s'élance dans la carrière, ne serait
pas assez claire, elle n'emliras-crau pas entière-
ment lesciualiicsquel'on veut exprimer, i»arceque
le coursier n'a pas un rapport sensd)lc avec celte
ardeur liellitpieusc qui ne connaît aucun obstacle,
ne respire que le carnage et répand au loin là
terreur. Au contraire, la comparaisun avec le lion
est juste et sensible, parce qu'elle dffn? tous ces
rapports. Le nom seul de l'animal, dnnl on con-
naît toutes les qualités, les fait voir tout à coup
à l'esprit.
Quoiqu'il ait plu aux écrivains didactiques de
caractériser cette ligure comme particulière à l'é-
loquence et à la poésie, elle a lieu dans tous les
genres et dans tous les styles, et fré(iuenMnent elle
jirète de l'énergie et des charmes aux phrases les
plus simples ile la convcisatiun familière. Une
femme du peiqile dira que son adversaire s'est
jetée sur elle comme une furie; le philosopht
écrira dans son cabinet (]ue les hommes ont peut
de la mort comme les enfants ont peur des ténè-
bres; cl le i)oete et l'orateur, pour rendre leurs
idées plus sensibles, emprunteront des images
qu'ils embelliront des détails et des expressions
que comportent le genre dans lequel ils écrivent
et le sujet particulier qu'ils trailent.
Dans la métaphore, il y a une sorte de compa-
raison, ou quelque rapport éipiivalent entre .1
mot au<iuel on doime un sens métaphorique,
l'objet à quoi on veut l'applitjuer. Par exemplt
quand on dit d'un homme en colère c'est un
lion, lion est pris alors dans un sens métaphori-
que; on comiiarc rhominc en colère au lion, et
voilà ce qui distingue la métaphore des autres fi-
gures. Il y a celte difl'érence entre la métaphore
et la comparaison, que dans la comparaison on se
sert de termes ([ui font connaître ipie l'on com-
pare une chose à une autre; par exemple, si l'on
dit d'un homme en colère qu'i7 est comme un
lion, c'est une comparaison. Mais quand on dit
simi)lcment c'est un lion, la comparaison n'est
alors que dans l'esprit et non dans les termes,
c'est une métaphore. Voyez Métaphore.
La comparaison est en elle-même une excursion
du génie du poète, et cette excursion n'est pas
également naturelle dans tous les génies. Plus
l'àme est occupée de son objet direcl, moins elle
regarde autour d'elle; plus le mouvement (pii
l'eniportc est rapide, plus elle est impatiente dô
obstacles et des détours ; enfin, plus le sentiment a
de chaleur et de force, i)lus il maîtrise 1 imagina-
lion et l'cmpéche de s'égarer. Il suit de lii que la
narration tranquille admet des comparaisons fré-
quentes, développées, étendues cl prises de loin ;
qu'à mesure qu'elle s'anime, elle en veut moins,
les veut plus concises et aperçues de plus près;
que dans le pathétique, elles ne doivent être
qu'indiquées par un trait rapide; et ([ue s'il s'en
présente queltiues-unes dans la véhémence de la
passion, un seul mol doit les exprimer.
Quant â la source de la comiiaraison, elle est
prise communément dans la réalité des choses,
mais quelquefois aussi dans l'opinion et dans l'hy-
pothèse du merveilleux. Ainsi Voltaire compare
les ligueurs aux géants; ainsi, après avoir dit du
vertueux Mornay {Uenr., IX, 207) :
Jamais l'air de la cour, et son souffle infect*,
K'altêra de son cœur l'austère pureté,
ajoute •
Belle Aréthuse, ainsi ton onde fortuné»
Roule au sein furieux d'Araphitritectonnée
152
COM
Un erislal toujours pur et des flols toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l'amertume dus mers.
(£x(rai( de divers autturs.)
Comparaison est aussi un terme de crainmaire.
Voyez Comparatif cl AJJvLlif.
CosipauaIiuk. \ . n. de la 4' conj. JFuilly cl
quelijiies auires çraiiiiiiairiens pivlcudctit (jne ce
verbe prend indiUfremiiienl les auxiliaires «rot'r
ou être, ^ous ne MJnunes pas de cet avis. On dit
je suis tombé, \MUT c^wwncY i étal d'une persuiuie
qui a fait l'ai liuii de lund)er. Mais^e suis om-
paru n'exprime i)ijintiin élal.(^)uand ma comparu-
tion est passi'e, j'ai lail l'aclion de cuinparailie, cl
il n'en resulle pas un étal di^lini^ué de l'elal |)ré-
cédenl. Il laul dune suivie en cela l'Acadeinie,
qui dil il n'a puint comparu.
CojipAiiAiiF. Adj. pris substantivement. C'est
un terme de t'rammaiie. l'uur bien entendre rc
mol, il faut observer (juc les objets pcuvenl cire
aualiliés ou absolument, sans aucun ra|)purt a
'autres objets, ou relalivement, c'esl-à-dirc, par
rapfwrt a d'aulres objets.
Lors(|u'on tiualilie un objet absoluracnt, l'ad-
jeclif ijualiticalil oi diiélre au ijositil, parce qu'il
est comme la première pierre ipii est posée pour
servir de rondement au.t autres degrés de signi-
flcation. Ces degrés sont appelés conununcmenl
dcgrcs de comparaison. César était vaillant, le
soleil est brillant; vaillant Cl brillant soûl au
positif.
Quand on qualifie un objet relativement à un au-
tre objet ou à d'autres objets, alors il y a entre ces
objets ou un rapport d'egalilé, ou un rappoi l de
supériorité, ou enlin un rap|)orl de prccminence.
S'il y a un l'ajiporl tlVgalité, l'adjcclilcpialilicatif
est toujours regardé comme étant au posilil ; alors
l'égalité esl niariiuéc par les adverbes autant que,
aussi que : César était aussi brave i\\i' Alexandre
l'avait été ; si nous i lions plus pruclies des étoi-
les, elles nous paraîtraient aussi brillantes «jue
le soleil ; aux solstices, les nuits sont aussi lon-
gues (]uc les jours.
Lorsipi'un observe un rapport de jjIus ou un
rapport de moins dans la qualité, aiois l'adjeclif
qui énonce ce rapport esl dit élre au comparalif.
C'est le second degi'c de signilication, ou, comme,
on dil, de comparaison -.Pierre est plus savant
que Paul, lu lune est moins brillante que le so-
leil; ou l'on voit (jue le comparatiresl distingué
par l'aùdiiion du inu[ plus ou du mot 7noins.
Nous n'avons en français de comparatifs en un
seul nuil «pie meilleur, pire et moindre. Meil-
leur est le cumparalif de bon : Ceci est bon ;'viais
cela est meilleur. Ce comparatif esl poui' plus
}on, qui ne se dil pas, si ce n'est dans celle phrase,
il n'est jdus bon ù rien, qui vcul dire, il ne vaut
plus rien. Mais alors />^i/a' n'a pas le sens compa-
ratif. De même au lieu de plus lien, on dit
mieux. Cependant on dit moins bon, aussi bien,
moins bien, aussi bon.
Moivure est le comparalif de petit : Cette co-
lonne est moindre que l'autre ; son mal n'est jias
moindre que le votre. (Acad.) Moindre est aussi
le co.npaialif de bon en ce sens : Ce vin-là est
moindre 171/C l'autre. jAcad.) Pire est le compa-
ralif de mauvais dans ce vers de Boiloau {Art
poét., 64):
Souvent tapeur d'un mal nous conduit dans un pire.
Enfin le troisième degré est appelé superlatif,
et marque la ([ualilé portée au suprême degré de
plus ou de moins. Voyez Superlatif.
COM
Dans les comparatifs d'excis ou de défaut, si
\eque est suivi d'un rerbe, ce verbe doit ctreac-
conq)agnc de la négative ne : Il est plus vertueux
que vous ne croyez, il est moins beau que vous
repensez. Cependant on ne met puint celle né-
gaiivc quand le verbe esl accompagné d'une con-
jonction, comme quand, lorsque : Il est plus ver-
tueux que loi-sijue roj/5 tarez connu ; celle mair
son est moins belle que (piand on Va achetée.
Quoique l'adjeclif affecic les deux termes de
comparaison, on ne le Joint qu'an iircmier : //
est aussi sage que vous, je suis plus malheu-
reux que lui, vous êtes moins à plaindre que moi;
c'est conune si l'on disait il est aussi sage que
vous êtes sage, etc. Yaugclas croyait qu'un
homme ne pouvait pas dire a une femme je suis
plus vieux que mus, parce que deux, masculin,
ne peut convenir à la femme. L'usage a décidé
la question, et celte locution est généralement
usiice aujourd'hui. C'est une phrase elliptique, et
l'on sent qu'on sous-enlend que vous n'iies vieille.
Çotriparafif est aussi employé ddjeclivement
en termes de grammaire. On appelle conjonctions
comparatives celles qui expriment ie.s rapports
de convenance, de parité, et qui servent à mar-
quer des comparaisons. Comme, Je viême que,
ainsi que, etc., sont des conjonctions compara-
tives.
Co.iiPAr,Er.. V. a. de la \" conj. Comparer f^ir-
gile et Homère, f^irgile- à Homère, f^irgile avec
Homère. \\ doit exister (piclqnosdifférences 3nlre
ces trois phrases, rclalivemeni à leur significa-
tion. Essayons de les découvrir.
Quand on co?iipare deux choses, on suppose
qu'il y a entre l'une et l'autre des rapports que
l'on ne connaît point, cl qu'on cherche à dé-
couvrir. On me présente deux pièces de toile
que je vois pour la première fris, je les com-
pare, et je juge de la ressemblance ou de la
dilTcrcncc qu'il y a entre elles; mais d.ms com-
parer une chose à vue autre, la i)réj)Osilion à
marque un rapport entre deux idées dont l'une
esl supposée applicable à l'autre. Or, voici com-
ment je conçois ce rapport. Après avoir examiné
une des deux pièces de toile, et m'éirc fait une
idée de ses qualités, si je veux appliquer cette
idée des qualités connues de la première pièce
aux qualités inconnues de la seconde, je dois
dire comparons mainienanl cette pièce à l'autre.
Dans ces deux cas, on su[)pose<pie les pièces ont
quchpie chose de commun qui est le fondement
de la comparaison; par exemple, ce ijue les deux
l)icccs de toile ont de commun, c'est que l'une
cl l'aulre est un tissu de lil ou de colon. On
ne saurait en ce sens comparer l'une à l'autre
deux choses qui n'ont rien de commun, on ne
compare pas une pièce de tuile à une barre de
fer. Cependant on peul établir une comparaison
enlre une pièce de toile cl une baiTC de fer, non
pour appliiiucr à l'une l'idée des (lualités de
l'autre, d'après une base commune, mais au
contraire pour établir la différence de leurs qua-
lilcs, d'après la différence de leur iialuie. Mais
alors je dirai comparer une pièce de toile av»c
une barre de fur, et non à une barre de fer.
I.cs orateurs chrétiens disent tous les jours :
Comparez la vie du juste avec celle du pé-
cheur, et vous verrez combien l'une est heu-
reuse et l'autre miséruhie ; s'ils dis.iienl à celle
du pécheur, ils diraienl mal. On compare la
vertu avec le vice, mais on ne compare pas
la rertn au vice. Comparer ri suppose donc une
analogie, un rapport commun de ressemblance
COM
entre les deux lermcs; comparer avec éloigne
l'idée de ce iniiport. Biifl'on a maïqué cxaclcincnl
celle dilTcroiiLC dans les phrases suivanlcs :
Comparo/is les œuvres de la nature aux ouvrages
de l'homme. Il y a analogie, il y a un ra|ip(irt
commun lie rcsscnihiance eiiire les œuvres ci les
ouvrages, et c'esi celle analogie, c'e^l celle res-
semblance ipii esi la base de la comparaison. Quo
Von compare lu docilitt', la soumission du chien,
avec la fierté et la férocité du tigre : l'un paraît
être l'uiiii de l'Immi/ie, et l'autre son ennemi.
Ici nul rapport de rcsseniblance, rien de com-
mun enlre les deux termes; au conlraire , ils
sonl tout à fiiii opposes.
C'est, je crois, d'après ces nuances dans les
expressions, (|uc l'on dit (7 n'y a point d'église
que l'on puisse comparer à Saint-Pierre de
Rome, c'esi-a-dire, qui ail avec celle église quel-
que chose de commun (pii puisse servir de base à
la comparaison. On ne dirait pas il n'y a point d'é-
glise que l'on puisse comparer avec Saint-Pierre
de Rome. C'est par la même raison qu'un homme
orgueilleux dit : f^ous osez vous comparer à moi!
et non pas vous osez vous comparer avec 7noi.'
c'est-à-dire, vous osez supposer qu'il y a entre
vous et moi quelque chose de commun qui
puisse servir de buse à une comparaison Voyez
.adjectif.
Coupai oin. V. n. et irrcg. de la 3= conj. 11 a
le même sens (lue comparaître ; mais comparoir
ne se dit (lu'au palais, et dans ces phrases de
pratique : .Issignation à comparoir, être assigné
à comparoir.
C0.MPATIBLE. Adj. des deux genres. Au smgu-
licr, il régit la préposition avec : Son humeur
n'est pus compatible avec la mienne. Au pluriel,
on peut rcuq)loyer sans régime ; Leurs humetirs
ne sont pas compatibles.
Compatissait, Compatissante. Adj. On peut
le mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Cette compatissante
amitié.
CoMPLAisAMMENT. Adv. On pcul Ic mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il m'a écouté com-
plaisamment, ou il m'a complaisamment écouté.
CoMPLAisAMJE. Subst. f. L'Académie le définit,
douceur et facdité de caractère qui fail qu'on
se conforme, qu'on acquiesce aux scntimenls,
aux volontés d'auirui. Celle définition est très-
mauvaise. L'idée princi|)ale de complaisance est
le désir de i)laiie à quehiu'un; l'idée principale
d'acquiescer est l'amour de la paix. Ainsi la dou-
ceur, la facilité de caractère ijui l'ail qu'on se
conforme, (pi'on acquiesce aux sentiments, aux
volontés d'auirui, n'est pas de la complaisance,
mais une disposition à céder aux autres par
amour de la paix. La complaisance est une dis-
position d'esprit par laquelle on sacrifie sa vo-
lonté a celle des autres, dans la vue de leur
plaire; c'est le soin, le désir de complaire, de
faire ce (pii plaii aux autres.
Ce mol employé pour signifier la disposition
d'esprit n'a point de pluriel. Mais lorsqu'il se dit
des ellels de la complaisance, il s'emploie à ce
nombre : Elle a de grandes complaisances pour
ses enfants, f^ous avez eu tant de complaisances
pour moi.
Complaisant, Complaisante. Adj. En prose,
on ne lui donne point de régime. Racine et Mo-
lière lui en ont donné un en vers :
Les dieux à vos désirs toujours si complaisants.
(/p/115., acl. I, se. I, 15.;
COM «33
Les uns, parce qu'ils lont méchinli si malfiiMnls,
El les autres, pour *lre aux mL'clunts complaitanU.
(Hiaanthr., acl. I, se. i, 119.)
L'Académie ne le dit que des personnes ou
des choses qui ont rapport aux iiersonnns ' f/ii
homme complaisant, un e.vp/-// d< ux et cn'nplai-
sant. Humeur complaisante. Je ne pense i)as
qu'on puisse l'employer aiihemenl en prose;
mais DeliUe a dil en vers [Énéid., VllI, 115) \
El, sans que les rameurs lutlcnl contre les eaux,
La vague comflaiiantt obéit aux vaisseaux.
Celle cpithète est très-bien placée ici.
Cet adjectif peut quehpiefois se placer avant
son subst., en consultant l'oreiile et l'analogie :
Cette complaisante humeur.
11 s'emploie aussi substantivement :
Eh quoi! vil complaisant, tous louei des soltiseï!
(Mol., Jri«an(hr., acl. I, se. ii, 77.)
Complément. Subst. m. Terme de grammaire.
On doit regarder comme complémoiiî d'un mol
ce qu'on ajoute à ce mot pour en délcrminer la
signification de quelque manière que ce puisse
être. Or , il y a deux sortes de mots dont
la signification peut être déterminée par des
compléments: 1" tous ceux qui ont une signiG-
cation générale susceptible de différents degrés;
2" ceux qui ont une signification relative à un
terme quelconque.
Les mots dont la signification générale est
susceptible de différents degrés exigent néces-
sairement un complément, dés qu'il faut assigner
à cette signification quelque degré délerminé.
Tels sont les noms apiiellatifs, les adjectifs et les
adverbes, qui, renfermant dans leur signification
une idée de quantité, sont susccplilifes do ce
qu'on appelle degrés de signification; et enfin
tous les verbes dont l'idée individuelle peut aussi
recevoir ces différents degrés. Voici des exem-
ples.- Livre est un nom ap|)cllalif; h significa-
tion générale en est restreinte (juand on dit un
livre nouveau, le livre de Pierre, un livre de
grammaire , un livre qui peut être iili/e; el
dans ces phrases, nouveau, de Pierre, de gram-
maire, qui peut être utile, sont autant de com-
pléments du nein livre. Savant est un adjeeiif,
la signification en est restreinte quand on dii, par
exemple, qu'un homme c%\. peu savant, (juil est
fort savant, qu'il est plus savant que sage, (ju'il
est moins savant qu'un autre, etc. Dans toutes
ces phrases, les différents compléments de l'ad-
jectif savant sonl peu, fort, plus que sage,
moins qu'un autre. Il en est de même, par exem-
ple, du verbe aimer On aime simplement et
sans détermination de degrés; on aime peu ,
on aime beaucoup, on aime ardemment, on aime
plus sincèrement, on aime en apparence, on
aime avec une constance qiie rien ne peut al-
térer, voilà autant de manières de déterminer le
degré de la sisinification du verbe aimer, el con-
sèquemment autant de compléments de ce verbe.
L'adverbe sagement peut recevoir aussi divers
compléments; on peut dire peu sagement, plus
sagement que jamais, aussi sagement qu'heu^
reusement, sagement sans affectation, etc.
Les mots qui ont une significaiion relative
exigent de même un complérnenl, des qu'il faut
délcrminer l'idée générale de la relation par celie
d'un terme conséquent. Tels sont plusieurs noms
api«ellatifs, plusieurs adjectifs, (pielques adver-
bes et toutes les prépositions. Exemples de noms
154
COM
relatifs : Le fondateur de Rome, le père de
Cicèron, la mère des Gracqucs, etc. Dans tous
ces expiniilcs, le cumplcinent commence par de.
Exemples d'adjectifs rclitifs : Nécessaircà larie,
digne de louange, facile a concevoir, etc. Fxeiii-
ples de veibes relatifs : Aimer Dieu, craindre
sa Justice, aller à la ville, revenir de l'armée,
passer par le jardin, ressembler à rjue/'/u'un, se
repentir de sa faute, commencer à Loire, dé-
sirer d'être riihe, eio. (luand on dit donner
quelque chose à quelqu'un, recevoir un présent
de son ami, les vcibes donner et recevoir ont
chacun (les coniploincnls qui tonil)cnt sur l'idée
de la relation qu'ds expriment, exemples d'ad-
verlMîs relatifs : Jlelativement à vos intérêts, in-
dépendamment des circnnstances, quant à moi,
pourvu que vous le vouliez, conformément « la
nature. Ou.int aux prépositions, il est de leur
essence d'exiger un complément, qui est un nom,
un pronom, ou un inliniiif.
Un mot qui sert de complément à un autre mot
peut lui-même en exiger un second qui, par In
jnêine raison, peut encore cire suivi d'un troi-
sième, auquel unquairièmcsera pareillement sub-
ordonné, et ainsi de suite ; de sorte que chaque
complément étant nécessaire 6 la plénitude du
sens du mot qu'il modilic, les deux derniers con-
stituent le complémonl total de l'antépénultième,
les trois premiers font la totalité du comi)lémeiit
de celui qui précède ranté|)énuliiéme, et ainsi de
suite jus(|u'au iircmiercomplémenl.qui ne remplit
toute sa desiiiiation qu'autant qu'il est accom|)a-
gné de tous ceux qui lui sont subordonnés. Par
exemple, dans cette phrase : Nous avons à vivre
avec des hommes semblables à ?ious, ce dernier
nous est le complément de la proposition « ,• a nous
est celui de l'ailjectif semblables; semblables à
nous est le complément total du nom appelialif/e*
hommes ; les hommes semblables à nous, c'est ia
totalité du complément de la préposition des ou de
les ; des hommes semblables ci nous, esi le complé-
ment total d'un nom ap|)ellalif sous-entendu, par
exemple, la multitude ; la multitude des hommes
semblables à nous, c'est le couiplém<;nt de la pré-
position avec ; avec la 7nvl/itude des hommes sem-
blables à noM5, c'est celui de l'inlinilif î7/r?-e; v;'-
vre avec la multitude des hommes semblables à
nous est la lotalité du complément de la jiréposi-
tion à; à vivre avec la multitude des hommes
semblables à nous, c'est le complément total d'un
nom ai)pcllalif sous-chlendu qui doit exprimer
l'objet du verbe avons, par exemple, oJii^a^io;/;
ainsi obUgalùin à vivre avec la multitude des
hommes semblables d nous est le complément
total du verbe avons. Ce verbe, avec la totalité de
son complémenl, est l'attribut total dont le sujet
est nous.
Il suit de cette observation qu'un complément
I)eul ctrecomplexeoii incomplexe. Le complément
est incomplexc quand il est exprimé par un seul
mol, qui est ou un nom, ou un pronom, ou un
adjectif, ou un infinitif, ou un adverbe, comme
dans avec soi7i, pour f^us, raison favorable, sans
répondre un mot, vivre honnêtement. I.e com-
plément est complexe quand il est exprimé par
plusieurs mots dont le premier, selon l'ordre ana-
iytique,modiûe immédiatement lemotantécédenl,
et est lui-même modilii' par le suivant, comme
avec le soin requis, pour nous tous, raison favo-
rable à ma cause, sans répondre un mot, vivre
fort honnêtement.
Un même mot, et spécialement le verbe, peut
admettre autant de compléments différents qu'il
COM
peut y avoir de manières possibles de déterminer
sa signification. Voici les principaux avec les noms
qu'on leur donne.
On appelle complément oljeclif celui qui ex-
prime l'objet sur lequel tombe directement le
rapi>orl énoncé par le mot complété. Tel est le
conqilémcnl de toute préposition : A moi, chez
nous, envers Dieu, contre la loi, pour dire, elc.
Tel est aussi lecomplémcnl immédiat de tout verbe
actif relatif : Aimer la vertu, désirer des riches-
ses, bâtir une maison, teindre une étoffe, etc.
Plusieurs verbes relatifs exigent , outre le com-
plémenl objectif qui est sans préposition, un autre
complément indirect qui est énoncé par une pré-
position; ce dernier ^"li[)[tQ\\c co7nplément relatif.
Ainsi, dans celle phrase, dinner un livre au pu-
blic, le verbe donner exise deux compléments; un
livre, qui est le complément objectif, et au public,
qui est le complément relatif. Ces deux complé-
ments sont ce que les grammairiens appellent
aussi régime direct, et régime indirect. Un livre
est le régime direct du verbe donner, et au public,
le ri'giuie indirect de ce verbe.
On appelle compléments circonstanciels de lieu
ceux qui expriment des circonstances de lieu,
comme vivre à Paris, être au lit, venir de Rome,
partir de sa province, passer pur Lyon, aller en
Italie parvicr, aller en Afrique, passer d'Angle-
terre en Ecosse.
D'autres compléments, que l'on nomme complé-
ments auxiliaires, expriment l'iustruinent et les
moyens de l'action énoncée par le mot complété,
comme se conduire avec précaution, frapper du
bâton, obtenir un empld jjar prolcctioîi, etc. On
peut encore com])rendre dans celte classe ce
qu'on appelle complément matériel, c'est-à-dire,
celui qui exprime la matière dont une chose est
faite : Une statue d'or, une fortune cimentée du
sang des malheureux.
On nomme complément circonstanciel de cause
celui (pji énonce ime cause soit efficiente, soit oc-
casionnelle. Ainsi quand on dit j/n tableau peint
par Rubens, par Rubens exprime un complément
circonstanciel de cause. On apjX'lle complément
circonstanciel de fin, celui qui énonce une cause
finale, comme dans Dieu nous a créés pour sa
gloire.
On appelle simplement modificatif le complé-
ment ([ui exprime une manière particulière
d'être, qu'il faut ajouter à l'idce princijyale du
mot complété. Ordinairement cette expression est
un adverbe de manière simple ou modifié, ou bien
une phrase adverbiale commençant par une pré-
position, comme dans vivre honnêtement, vivre
conformément aux lois, parler avec facilité.
11 y a aussi des complétnents circonstanciels
de temps; ce sont ceux qui énoncent ou un point
fixe dans la suite continue du temps, ou une durée
dont on n'assigne ni le commcncemenl ni la fin,
comme dans il mourut hier, il a vécu trente
ans, etc.
11 est indispensable de distinguer les différentes
sortes de compléments, afin d'entendre plus nette-
ment l'ordre que la construction peut leur assi-
gner. Voici les règles générales qui servent à
établir cet ordre.
La grammaire générale établit une règle qui est
commune à presque toutes les langues; la voici :
De plusieurs com|)lcineiits (jui tombent sur le
même mot, il faut mciire le plus court, le pre-
mier après le mot conqjlélé ; ensuite le plus court
de ceux qui reslenl, et ainsi de suite jusqu'au
plus long, qui reste le dernier; exemple : Car-
COM
thage, qui faisait la qverre avec son opulence
contre la paiirreté roviuinc, avait pur cela même
dudésarantar/c. (Moiilcsquicu, Grandeur et dé-
cadence des B'iiiaijis, cli. iv.) Dans celle propo-
sition complexe, le vcibe principal avait est suivi
de deux couipléinents; le premier est un complé-
menl ciix'onstancicl de ciiusc^ par cela même, le-
quel est |>liis court que le complémenl ohjeclil'rfi/
désavantar/c, (pii en conscciuenccest placé le der-
nier. Dans la proposition incidente (jui fait partie
du sujet principal, le x^ïhc faisait a: 1" un com-
plément objectif, la guerre; 2" un complément
auxiliaire qui est plus loiiii, (ivec son opulence;
3° cnlin, un coinitlcnienl relatif qui est le plus
long de tous, contre lu pauvreté romaine.
La raison de cette régie, c'est que dans l'ordre
analytique, la relation d'un complément au mot
qu'il complote est d'autant plus sensible (pic les
deux termes sont plus rapprochés. Or, il est con-
stant que la phrase a d'autant plus de netteté que
le rapport mutuel de ses parties est plus marqué.
Ainsi il importe à la netteté de l'expression de n'é-
loigner d'un mot que le moins qu'il est possible
ce qui lui sert de complément. Cependant, quand
plusieurs compléments concourent a la détermi-
nation d'un même terme, ils ne peuvent pas tous
le suivre immédiatement, et il ne reste plus qu'à
en rapprocher le plus qu'il est possible celui qu'on
est forcé de tenir éloigné : c'est ce fjue l'on fait
en mettant d'abord le premier celui qui est le
plus court, et réservant pour la fin celui qui a le
plus d'étendue.
Si chacun des compléments qui concourent à
la détermination d'un même terme a une certaine
étendue, il peut encore arriver que le dernier se
trouve assez éloigné du centre commun, pour n'y
avoir plus une relation aussi marquée tpi'il im
porte ;i la clarté de la phrase. Dans ce cas, l'ana-
lyse même autorise une sorte d'hyperbatc qui,
loin de nuire à la clarté de renonciation, sert au
contraire à l'augmenter, en fortifiant les traits des
rapports mutuels des parties de la phrase. l'Ile
consiste à placer avant le mot comjjlété l'un de ses
corEplcmcnts. Ce n'est ni l'objet, ni le relatif;
c'est communément un complément auxiliaire,
ou modificatif, ou de cause, ou de fin, ou de
temps, ou dclieu. .\insi, dans l'exemple cité, .Mon-
tesquieu aurait pu dire, en transposant le complé-
ment auxiliaire de la proposition incidente: Car-
thage, qui avec son opulence faisait la guerre
contre la pauvreté romaine; el la phrase n'aurait
été ni moins claire; ni beaucoup moins harmo-
nieuse. Peut-être aurait-elle perdu quelque chose
de son énergie, parla séparation des termes oppo-
sés, son opulence et la pauvreté romaine; et c'est
probablement ce qui a assuré la préférence au
tour adopté par l'auteur.
Cette règle générale étant dictée par l'intérêt
de la clarté, si son observation rigoureuse y était
contraire, il faudrait s'en écarter. Par exemple, la
régie veut que l'on dise : L'Évangile inspire une
piété qui n'a rien de suspect aux personnes qui
veulent être sincèrement à Dieu; mais cette con-
struction présente une équivoque, car on ne voit
pas clairement si le mot personne est régi par le
▼erbe inspire, ou par l'aujectif suspect. Ici donc,
l'observation de la règle faite pour la plus grande
clarté nuit elle-même à cette clarté. 11 faut donc
préférer l'esprit à la lettre, et s'écarter de la règle
pour en atteindre le but. On dira, en mettant le
complément le plus long le piemier : L'Evangile
inspire aux personnes qui veulent être sincère-
ment à Dieu une piété qui n'a ric7i de suspect.
COM
135
Celte construction ôte l'équivoque, mais il faut
avouer qu'elle est moins claire que si l'on avait pu
suivre la règle sans inconvcnionl ; car l'esprit seul
que le complément objectif est trop cloiL-né.
Jusqu'ici nous n'avons aiiiilicpié cetlc règle
qu'à l'ordre des complémenis dllféicnts d'un
mot, mais elle doit s'entendre aussi dos parties
intégrantes d'un même complément réunies par
quchiue conjonction Parmi les parties iniégran-
tes d'un même compléinenl, il faut prendre celles
qui sont les plus courtes pour les i)lacer les pre-
mières, et réserver les plus longues pour la fin;
et il faillies placer ainsi, parccHcmême raison de
netteté (]ue nous avons expliquée tout à l'Iieurc,
en parlant de l'ordre des compléments difrércnls
d'un même mot. Par exemple, dans Dieu agit
avec justice et par des voies inejfubles, voilà un
complément comiiosé de deux parues, avec jus-
tice et par des voies iiieffuliles. \.c pî'emier étant
le plus court, doit obtenir la i)icmièie i)la('e, et
l'on sent que l'on parlerait mal en disant : Dieu
agit par des voies incjfalles et avec justice.
Mais si cette même partie que l'on plai.e la pre-
mière, (larcc (|u'elle est la plus couiie. devenait
plus longue par quehiiie a(liliii<m, il faudiail la
placer la dernière, el l'on dirait : Dieu agit par
des voies ineffables et avec une justice que nous
devons adorer en tremblant.
C'est par cette règle ainsi entendue que l'on
découvrira le vice de la phrase suivante, citée
par Vaugelas : Je fermerai la bouche ci ceux qui
le blâment, quand je leur aurai montré que ta
façon d'écrire est excellente, qiioiquclle s'élffi-
gne un peu de nos anciens poètes, qu'ils louent
plutôt pZ\ un dégoût des choses présentes que
par les sentiments d'une véritable estime, et
• pi'il mérite le nom de poète. Cette derniéie par-
tie intégrante de la totalité du comi>léinent objec-
tif est déplacée, parce ([u'clle est la plus courte
et pourtant la dernière I.a relation du verbe
montrer à ce complément n'est plus assez sensi-
ble; il fallait dire : Quand je leur aurai montré
qu'il mérite le nom de poêle, et que sa fiçon d'é-
crire est excellente, quoiqu'elle s'éloigne, etc.
A cette règle, que l'on peut reganler comme le
principe fondamental de la construction, il faut
en ajouter quehpies autres ipii concernent en-
core rarrangeineiit tics coinpléiiicnls.
Si les divers coinpléiiieiits d'un même mot ou
les différentes parties du même comiiloinenl ont
à peu près la môme élendue, il faut placer le plus
près du mot celui des coiniilémenis auquel il a
un rapport plus nécessaire. Or, le rapiiort au com-
plément modificatif est le plus nécessaire de tous,
puis au complément objectif, eiisiiile la relation
au complément relatif; les autres soiil à peu prés
à un degré égal d'importance. Ainsi il faut dire:
L'Evangile mspire insensiblement (complément
modificatif) la piété (complément objectif ou ré-
gime direct) aux fidèles (coini»lémenl relatif ou
régime indirect).
Une autre remarque non moins importante,
c'est qu'il ne faut jamais rompre l'unité d'un
complément total, pour jeter entre ses parties un
autre complément du mémo mot. I.a raison de
cette règle est évidente. H ne faut pas séparer des
parties qui représentent un objet indivisible.
C'est dans la violation de celte règle que con-
siste le défaut de quel<iues phrases censurées jus-
tement pa/ Thomas Corneille. Par exemple : On
leur peut conter quelque histoire remarquable
sur les principales villes qui y attache la mé-
moire Il est évident qu<5 ranteccdcnl de qui, c est
i36
COM
quelque hist ire remarquable. Cl que iCl anlécé-
denl. nvcc la iiroposilion incidcnie qui y attache
la mémoire, cxj)iimc une idée toUilc qui est le
complémoMl objeclif ou le réj-'imc diiocl ilu verbe
conter. L'uiiilè est donc rompuo par l'arrange-
mcnl de celle j)l)rase, cl il fallait dire: On peut
leur co}iter sur les principales villes quelque
histoire remarquable qui y attache la mémoire.
C'est le iiièinc déraiil dans cptie |)lirasc : // y
a un air de vanité et d'affectation dans Pline le
jeune qui pâte ses lettres. L'uiiilc est rompue, et
il fallait dire : Il y a dans Pline le jeune un air
de vanité et d'affectation qui gâte ses lettres. On
trouve une faute de la mémo espèce dans La
Bruyère [Des Ouvrages de l'Esprit, p. 26!) : Il
y a des endroits dans l'opéra qui laissent en dé-
sirer d'autres. 11 devait dire : Il y a dans l'opéra
des endroits qui en laissent désirer d'autres.
Beauzée, dont nous avons lire cet article en
très-grande partie, prétend (jue le mot de régime,
particulier aux langues transpositives, doit éir(!
banni de la langue française, et suppléé par le
mol de complément. Nous n'entrerons point dans
celle discussion, qui est étrangère à notre objet.
iNlais cointne le mol régime est emi)loyc par la
plupart des graminairiens, lorsqu'ils parlent de
complément objeciif cl relatif des verbes, cl (pi'ils
appellent 1 un régime direct, ci \'ù\\\Y(i régime indi-
rect; comme d',i\\\eurscc mol nous parait cxpriincr
clairement les rapports du verbe avec ses complé-
ments nécessaires, et qu'il est assez indiflcrcnl de
quels termes on se serve, pourvu que l'on com-
prenne bien ceux que l'on emploie, nous avons
cru devoir conserver le mol régime pour les ver-
bes seulement. D'après celte remarque, tous les
régimes sont des compléments, mais tous les com-
pléments ne sont pas des régimes. Nous ne don-
nerons ce nom q\i*aux compléments nécessaires
des verbes, c'est a-dire, à ceux (juc Beauzée ap-
pelle leur complément objectif et leur complé-
ment relatif. Voyez Bégimeci Construction.
Complet, Complète. Adj. Il suit toujours son
subst. : Un habit complet, vue victoire complète.
Complètement. Adv. On peut le mellre entre
l'auxdiaire et le participe : L'ennemi a été battu
complétcfnenl, OU a été complètement battu.
Complexe. Adj. des deux genres. ïeriïie de lo-
gique et de grammaire. Ce mol vient du latin
complcxus, qui signifie embrassé, composé.
I.e sujet d'une préposition est complexe lors-
qu'il est acconqiagné de quelque adjectif ou de
queUjue autre modilicatif. 11 est opposé au sujet
simple, qui est énoncé en un seul mol. Dans
Alexandre vainquit Darius, Alexandre est un
sujet simple. Mais si je dis Alexandre, fils de
Philippe, ou Alexandre, roi de Macédoine ,
voilà un sujet complexe. Il faut bien distinguer
dans le sujet complexe le sujet personnel ou in-
dividuel, et les mots qui le rendent sujet com-
plexe. Dans l'exenqilc ci-dessus, Alexandre est
le sujet personnel ; fils de Philippe, ou roi de
Macédoine, sont des mots qui, n'étant point sé-
parés d'Alexandre, rendent ce mol sujet com-
plexe.
L'attribut d'une proposition peut cire aussi
COm[)lexc. Si je (.Us Alexandre vainquit Darius,
roi de Perse, l'attribut est complexe.
Les propositions sont également incomplexes
ou complexes, selon la forme de renonciation de
leur sujet et de leur attribut, l'ne proposition
incomi)lexe est celle dont le sujet et raltribut
sont également incomplexes. Une proposition
COM
complexe est celle dont le sujet ou l'attribut, ou
même tous les deux sont complexes.
Les termes se divisent en simples et com-
plexes. Les termes sinqilcs sont ceux (|ui, par un
seul mot, expriment un objel quel (pi'il soit.
Ainsi Iiiime,Socrate, homme, ville, etc., sont des
termes simples. Les termes complexes sont com-
posés de plusieurs termes joints ensemble, tels
(|uc un homme prudent, un corps tra nspareni,
Alexandre, fils de Philippe, CU\ Celle addition
se fait (jucbpiefois par un adjectif conjonclif,
comme si je dis un corps qui est transparent,
Alexandre qui est fils de l'hilippe, etc.
Ce (pril y a de rcmanpiable dans ces termes
complexes, c'est que l'addition (pic l'on fait à un
terme simple est de deux sortes, l'une qu'on peut
appeler exi)licalive,et l'autiedéierminaiive. L'ad-
dition est explicative (juand elle ne fait (juc dé-
velopper ou ce qui était enfermé dans la com-
préhension de lidée du premier terme, ou du
moins ce qui lui convient comme un de ses ac-
cidents, pourvu qu'il lui convienne généralement
cl dans toute son étendue ; comme si'je dis l'hom-
me, quidésire d'être heureux, ou l'homme, qui est
mo7-tel. Ces additions ne sont que des explica-
tions, parce qu'elles ne changent point du tout
l'idi'e {\'homme, et ne la restreignent point à ne
signifier qu'une partie des hoinmes, mais mar-
quent seulement ce qui convient à tous les hom-
mes. Toutes les additions dont on accompagne
les noms qui marquent distinctement un individu
sont de celle sorte : Jules César, quia été le plus
grand capitaine du monde ; Paris, qui est la plus
belle ville de l'Europe ; car les termes indivi-
duels, dislinclcmenl exprimés, se prennent tou-
jours dans toute leur étendue, et sont déterminés
aulanl <pj'ils peuvent l'être.
L'autre sorte d'addition, qu'on peut appeler
déterminalive, a lieu quaml ce ((u'on ajoute à un
mot général en reslrcint la signification, et fait
(ju'il ne se prend plus j^u»" '.e mot général dans
toute son étendue, inaissCiioment pour une par-
tie de celle étendue: coinme si je dis les corps
transparents, les hoir-mes savants, un animal
raisonnable. Ces addilions ne sont pas de sim-
l)les explications, mais des délcrininations, parce
qu'elles restreignent I étendue du premier terme,
en faisant que le mol corps ne signilie plus qu'une
partie des corps, et ain^i des autres
On peut distinguer de plus deux sortes de ter-
mes complexes : les uns dans l'expression, et les
autres dans le sens seulement. Les premiers soûl
ceux dont l'addition est exprimée; les derniers
sont ceux dont l'addition n'est point exprimée,
mais seulement sous-cnlcnduc , comme quand
nous disons en France le roi; c'est un terme
complexe dans le sens, parce <iue nous n'avons
pas dans l'esprit, en prononçant ce mot de roi,
la seule idée générale ipii répond à ce mot, mais
nous y joignons mentalement l'idée du roi ré-
gnant actuellement en France.
Une chose plus remaripialile encore dans ces
termes complexes, c'est (piil y en a (]ui sont dé-
terminés dans la vérllé à un seul individu, et qui
ne laissent pas de conserver une ccriaine univer-
salité é(|uivoque, qu'on peut ap|)elerune équivo-
que d'erreur; parce que les liommes demeurant
d'accord que ce terme ne signilie qu'une chose
unicpie, faute de bien discerner quelle est véri-
lableinent cette chose unique, l'appliquent les
uns à une clio>e, les autres a une autre; ce qui
fait qu'il a besoin d'être encore déterminé, ou par
diverses circonstances, ou par la suite du dis-
COM
cours, afin que Von sache précisémcnl ce qu'il
signifie. Ainsi Icinol (Icre/tjtV'/i nesigiiilicijiriinc
seule et unique lelision; ui;iis parce (]uc cliaque
peuple cl cIkkiuc secle cioil que sa religion est
la vérilalile, ce mol est trcs-cquivoqiic ilans la
bouche lies hommes, quoique par erreur; et si
on lil ilans nu historien (ju'un prince a élé zélé
pour la vi'riiahlp relii;ion, on ne saurait dire ce
qu'il a cnlcndu par la, si l'on ne sait de quelle
religion a éié cci hisloricn. Les termes complexes
qui sont ainsi é(pii\o(]ues par erreur sont prin-
cipalemcnl ceux qui reiifermenl des qualités dont
les sens ne jugent noinl, mais seulement l'esprit,
sur lesquelles il est facile, par conséquent, que
les honunes aient tlivers sentiments.
Les termes de comparaison sont aussi sujets à
être équivoques par erreur : l.e phis grand (,éù-
mètre de Purix, le plus savait/, le plus adroit.
Quoique ces termes soient déterminés |)ar des
conditions individuelles, n'y ayant qu'un seul
homme qui soit le pins grand gi'oinètrc do Paris,
néanmoins ce mot peut cire lacilcment attribué
à plusieurs, parce qu'il est fort aisé que les hom-
mes soient partagés de sentiment sur ce sujet, et
qu'ainsi plusieurs donnent ce nom à celui que
chacun croit avoir cet avantage par-dessus les
autres.
Co.MPLExiTi':. Subst. f. Ce mol nouveau appar-
tient particulièrement à la logique et à la gram-
maire; il peut être utile dans un grand n<)mbre
d'occasions; il signifie la qualité de ce qui est
complexe. Beau/ée a d'il : Jl y a dans chacun
des mots d'une langue une cnviplcxitè. d'idées qui
est la source de tnus les inalenlendus.
CoMPMCK. Adj. des deux geiu'es. Il régit ordi-
nairement la préposition de. cl se |irend toujours
en mauvaise part : Complice d'un a.fsassin, d'un
voleur ; complice d'un assassinat, d'un vol.
Co.MPLiMENï. Subst. m. le mol de compliment,
dit Vollaire, ne se peut recevoir dans la tragédie,
s'il n'est ennobli i)ar une épilhèlc. [Remarques
sur Corneille.)
Il y a une nuance entre faire compliment à
quelqu'un, cl complimenter quelqu'un. Elle est
plus facile à saisir (ju'a définir. On complimente
les rois dans certaines circonstances; o?i leur
adresse tin compliment, mais on ne leur fuit pas
U7i compliment, w: des compliments. Faire com-
pliment, c'est l'éliciter; faire des compliments
OU un compliment, c'ot Taire des politesses ou
des éloges. Complimenter, c'est faire une haran-
gue d'apparat, un discours respectueux, etc.
ifiraimaire des Grammaires, p. 1097.) Voyez
Complimenter.
CojiPLni ENTER. V. a. de la l"conj. Ce verbe
ne se dit guère que des compliments d'apparal :
On compliuientc un roi, un prince, à son pas-
sage dans une ville. On complimente un géné-
ral après une victoire remportée. Complimenter
quelqu'un régit la préposition sur, quand l'ac-
lion de complimenter a pour objet (lUcNiuc fait,
quelque événement : On le complimenta sur le
succès de son entreprise. Tous les corps de l'E-
tat vinrent complimenter le roi sur cette glo-
rieuse victoire. — Cumplimenler ne signifie pas
la même chose que faire des compliments, ou
faire compliment. — Faire des compliments,
c'est dire ou écrire à queli|u'un quchpie chose
d'agréable, de fiaticur, en lui témoignant l'estime
qu'on a pour lui, l'idée (pic l'on a de ses bonnes
qualités, l'intércl que l'on prend à ce qui le tou-
che : Un compliment est souvent une fadeur, ou.
une inutilité, ou un mensonge, ce qui netnpêche
COM
137
pas que ce ne soit quelquefois un devoir. — Fair*
des cojnplimcnts signifie quelquefois faire des
cérémonies, faire des'civiliiés, disputer de civili-
tés : Laissons là les compliments, .^i/issons sans
compliment, f^otre ouvrage m'a paru charmant,
je vous le dis sans complimcnl. Je vous en
fais mon compliment se dit d'une clioso parli-
culièrc dont on l'èlicile quehiu'un : F'ousl'HceM
emporté sur tous vos rivaux , je vous en fais mon
compliment. F^ous avez obtenu une place hono-
rable, je vous en fais mon compliment. A'oycz
Compliment.
Co.MPLiQuf:, CojiPLiouÉc. .\dj. On dit que le su-
jet d'une pièce de thcâlre est lro|) compliqué,
pour dire qu'il n'est pas assez simple, ou qu'il
embrasse des événements dont la liaison n'est
pas assez sensible.
CoMPoiîTEP.. Y. a. et n. de la 1" conj. : Ce sujet
ne ciintporlc pas tant d'ornements. Le caractère
d'ambassadeur ne comporte pas (\\\'ilen use au-
trement. Il s'est bien comporté, il s'est mal com-
porté dans cette affaire. Se comporter en ami,
en homme de bien.
Composé, Composée. Adj. Ce terme est souvent
employé en grammaire. On dislingue les mots
composés et les mots dérivés. Les mots composés
sont ceu.K qui sont formés de plusieurs racines,
comme abaissement, qui est formé de à et de Jas.
Un mot déri\é est formé d'une seide racine, avec
quelque différence dans la terminaison, comme
forte nient de fort. Vu mot |)eut être à la fois dé-
rivé et composé, connue abaissement, dérivé de
abaissé, <.\m est lui-même dérivé de « et de bas.
La plupart des subslantil's composés sont écrits
et imprimés sans distinction de leurs jiarties.
Ainsi on écrit immortel, et non i)as im-mortel;
indépendant, et non pas in-dépendant. Mais il y
en a plusieurs où l'usage exige que les parties
soient séparées par un tiret, comme passe-port,
chef-d'œuvre, arc-en-ciel, etc. La inanièie dont
il faut indiquer le pluriel de ces noms est encore
indécise, parce que les grammairiens ne sont pas
d'accord sur ce point, et que l'Académie, loin de
les accorder, se contredit souvent dans les exem-
ples qu'elle donne.
Cependant, puiscjue les mots qui entrent dans
la conq)osition des substantifs composés y sont
distingués par une séparation, il parait naturel de
les considérer, à l'égard du nombre, comme s'ils
étaient entièrement séparés, et de leur donner ou
non la marque du pluriel, selon que leur nature
le comiiorlc ou ne le comporte jias.
Les mois pcuveni être composés de deux sub-
stantifs, comme dans Hôtel-Dieu ; d'un adjectif et
d'un substantif, comme dans petit-maître ; d'un
verbe et d'un substantif, comme dans passe-
droit; d'un verbe et d'un adverl)e, ou de deux
verbes, ou de deux mots invariables, comme dans
passe-partout, laisse z-passer, après-midi ; d'une
jH-éposilion ou d'un adverbe cl d'un subslanlif,
comme dans contre-coup, vice-roi; d'un mol (jui
ne s'emjdoie pas isolément et d'un substantif ou
d'un adjectif, comme dans pie-grièche, franc-
alleu; de plusieurs mots étrangers : mezzo-ter-
mine , uutn-da-fé ; de deux substantifs liés |iar
une pré[)Osition, comme dans chef-d'œuvre, arc-
en-ciel. Examinons la nature de ces mois dans
chacun des cas que nous venons d'indiquer, et
cherchons les règles que l'on doit suivre pour
leur donner ou leur refuser la marque du plu-
riel.
Dans les mots composés de deux substantifs,
ordinairement il y a ellipse. Par e.xcmple dans
158
COM
Hôtel-Dicii , Fcle-Diev, garde-marine , hain-
marie, la ])roi)OSiiion de csl évidemment sous-
enleiidiie. Car un Hôtel-Dieu csl un liôlcl de Dieu;
Fête-Dieu, la fclc de Dieu ; un garde-marine,
un ^';iide de la marine; un hain-marlc, un bain
invenlé par une fenimc nomniée Marie, ou, com-
me d'aulrcsle iHcicndonl, un bain do mer. Or,
oomine dans la phrase pleine on ne donncrail
jioinl le si|-'ne du pluriel au second sulislanlif,
on ne doit pas non plus donner ce signe à ce
même subslanlif dans la |ilnase eiliptitiue; caria
sous-enlcnic li'un mol ne ciianuc rien aux rap-
ports des autres mots de la phrase. On dira donc
des Hûlcls- Dieu, pour des hôtels de Dieu; des
Fètes-Divu, pour des fêtes de Dieu ; des gardes-
marine, ]ioui' des cardes de la marine ; des hains-
maric, [lourdes bahis de Marie.
Quel(|uefois rclli|>se consiste non-seulement
dans la sujipression de la préposition, mais aussi
dans celle d'un substantif sur lociucl seul doit
tomber la pluralité. Par exemple, quand on dit
des rcine-chiude, le mol prunes est sous-en-
tendu; c'est ce mot seul tjui est susccpliljle de
recevoir la maniue du pluriel , cl la phrase
pleine porte des prunes de la reine Claude. Des
dame -Jean ne si'^miic des bouteilles de la dame
Jeanne; des rosc-cnds, des clicvalicrs distin-
gués par une ruse et une croix. On sent que dans
tous ces exemples la pliiralilé doit tomber sur les
substantifs sous-entendus , et que les autres
mots ne doivent pas plus prendre la mar-
que du pluriel qu'ils ne la prendraient dans la
construction pleine. — L'Académie écrit des
reijies-claude el des rose-croix; elle n'indique
. pas le [iluriel des autres mois doul il est question
dans ce paragraphe.
Il en est de même des substantifs composés tête-
a-tête, pied-à-terre, el autres semblables. Des têle-
à-tête veut dire des conver.-alions, des entrevues
où l'on est létc à léte, seul «à seul ; des pied-
à-terre siïuilie des lieux, des logements où l'on
met le pied à terre. C'est donc sur les deux mots
sous-entendus , entrevues et lieua; , que doit
tomber la pluralité, et non sur tête-à-tête ou
pied-à-terre, qui ne sont (jue des modifications
ou des compléments des subslaniifs sous-eu-
lendus.
Quand un substantif est composé d'un sub-
stantif et d'un adjectif, il faut examiner si la
phrase est pleine ou si elle est elliptique. Dans
le premier cas, le sens tombant directement s,.,-
le substantif modifié par l'adjectif, l'un el l'autre
sont susceptibles de recevoir la marque du plu-
riel : Des pelits-Titaîlres, des bas-reliefs, des
basses -ccurs, des hluncs-seings, des bouts-ri/nés,
des mortes-paijes, des plates-landes, elc. Mais
lorsque la jibrase est elliptique, de manière que
le substantif sur letpicl tombe la pluralité est
sous-entciidu, il ne faut donner la marque du
pluriel ni au substantif exprimé, ni a l'adjectif qui
lui csl joint. Quand on dit un blanc-bec, on sent
bien que le sens ne tombe point sur le substantif
lec, mais sur un jeune homme sans expérience à
qui l'on donne le nom de blune-bcc. Le mol
jeune homme est donc sous-cntendu , c'est sur
ce mol que tombe la pluralité, cl l'on doit dire
des blanc-bec, el non pas des blancs-becs. 11 eii
est de même du mol rouge-gorge. On ne veut
point désigner par ce mol des gorges rouges, mais
des oiseaux (jui ont la gorge rouge; el c'est sur
le mot oiseau, qui est sous-cntendu, (pic doit
tomber la [iluralité. 11 faut donc dire des rouge-
gorge, cl non pas des rouges-gorges, (luand on dit
CO.M
des pont-neuf, on ne veut pas exprimer des jDf>/i/«,
mais des chansons de l'espèce de celles que l'on
chante sur le pont Neuf. Il faut donc dire des
pont-nevf, et non |)as des ponts-neufs , suppri-
mant la marque du pluriel, comme est supprimé
le mol chansons, auquel elle ajjparlienl. —
L'Académie écrit des ponts-neufs el des rouges-
gorges.
Parmi les mots composés d'un substantif ei
d'un adjectif, il faut placer le mot chef-lieu.
Quoi(|ue le mot chef ne soit employé parmi nous
que comme substantif, on l'employait autrefois
adjectivement, pour signifier principal. C'est en-
core dans ce sens qu'il est pris dans le mot chef-
lieu; et par conso(pient il faut le faire accorder
avec Sun substantif, cl dire des chefs-lieux ,
parce qti'il n'y a pas d'ellipse, et que la pluralité
tombe directement sur Ztew.
Dans les substantifs composés d'un verbe et
d'un substantif, le substantif est régime direct du
verbe, et il y a un sujet sous-entendu, sur lequel
tombe la pluralité. LU abat-Jour est une fenêtre
qui abat le jour; un abat-vent, une charpente
qui abat le vent; un boute-feu, un homme qui
boule ou met le feu ; un coupe-gorge, un lieu où
l'on coupe la gorge. Dans tous ces exemples, la
pluralité tombe sur fenêtre, charpente, homme,
lieu, qui sonl sous-entendus. Le verl)C ne peut
prendre la maniue du pluriel propre aux sub-
stantifs, c'esl-à-dire un s, parce que, par sa na-
ture de verbe, il repousse cette manjuc.
Quant au subslanlif exprimé, il prendra ou ne
prendra pas la manjue du pluriel, selon qu'il ex-
prime un singulier ou un pluriel dans la phrase
pleine. Ainsi on dira des abat-Jour, des abat-
vent, parce qu'il s'agit d'objets qui abattent le
Jour, (jui abattent le vent; el non pas qui abat-
tent les Jours, qui abattent les vents; mais on
dira des chusse-mnuches , des casse-noisettes,
parce t}uil s'agit d'ustensiles qui servent à chas-
ser les mouches, à casser les noisettes, et non
pas à chasser une mouche , à casser une noi-
sette.
Lorsque les substantifs sont composés d'un
verbe et d'un adverbe, ou de deux verbes, ou de
deux mois invariables, il ne peut y avoir de dif-
ficulté. Qu'il y ail ellii)se ou non, on ne saurait
donner ia marque du pluriel particulière aux
noms, c'est-à-dire \c s, à des mots qui, par leur
nature , ne sont point susceptibles de recevoir
celle martiue. On ilira donc des passe-partout,
des laissez-pusscr, des après-midi, elc.
Si le substantif est composé d'une préposition
ou d'un adverbe, cl d'un substantif, ni la pré-
position, ni l'adverbe, ne peuvent prendre la
marque du pluriel, qu'ils ne prennent jamais
d'aucune manière; mais la pluralité tombe sur
le subslanlif qui les suit, parce qu'il n'y a point
d'ellipse, el que c'est sur le seul subslanlif ([u'elle
peut tomber. On dira donc des contre-coups, des
contre-marches, des contre-murs, des vice-rois,
des vice-amiraux, des semi-tons, elc.
Quelquefois, il entre dans la composition des
substantifs des mois qui, employés autrefois iso-
lément, ne le sont plus aujourd'hui que joints a
d'aulres mois; ces mots sonl employés dans la
composition des substantifs, ou comme substan-
tifs, ou comme adjectifs, cl par conséquent ils
doivent prendre la maniue du pluriel; ainsi on
écrit des pies-grièches, parce quc^/'/èc/ie est un
vieux mot qui ne s'emploie plus seul. C'était
un adjectif qui signifiait inconunodc. Ou dit aussi
des francs-alleux, parce {{u'alleux csl un vieux
COM
nom substantif qui ne s'emploie plus seul, mais i
qui conserve dans le mot composé franc-ulleu
son caractère de substantif.
Il y a des subslanlils composes de i)lusieurs
mots étrangers, tels que Te-Dcvm, mezzo-ter-
mine, auto-da-fé. les iiiar(]uos du pluriel pour
les noms étant dilïércntes dans chaque langue,
il serait ridicule d'appliquer les manpies de la
nôtre a des mots qui ne sont pas faits pour les
recevoir. On ne donnera donc point à ces mots la
gaarquc du pluriel, par la même raison qu'on ne
4« donne point aux verbes, aux prépositions et
•WX adverbes français (jui entrent dans la com-
gisilion des substantifs. On écrira donc des Te-
eum, des mezzo-termine, des atito-da-fé, etc.
On écrira des vasistas, avec un s, parce (jue ce
mol est composé des trois mots allemands was is
das, et que le dernier, âas, a un s final dans la
tangue d'où il est tiré.
On peut appliquer à tous les cas les règles que
nous venons d'indiquer, et cette application se
trouvera toute faite , dans ce Dictionnaire , à
chaque mot composé usité dans notre langue.
Voyez Langue française. Sens.
CojiPosEP.. y. a. cl n. de lai" conj. L'Acadé-
mie a remarque avec raison qu'on dit composer
ses gestes, sa mine et ses regards, etc.; mais
Féraud a eu tort d'ajouter qu'on dit comjtoser
son visage à la joie. L'exemple qu'il en rapporte
est lire d'un auteur qui ne peut faire autorité.
Compréhension. Subsl. f. Bossuet donne à ce
mot une acception que les dictionnaires n'indi-
quent point. C'est la faculté de comprendre en
même temps dans son esprit l'ensemble d'une
chose compliquée avec tous les détails qui s'y
ratlOcLicnl : Le voyez-vous covime il considère
tous les avantages qu'il peut ou domier oit pren-
dre! arec quelle vivacité il se met dans l'esprit,
en vn moment, les temps, tes lieux, les person-
nes ; et non-seulement leurs intérêts et leurs
talents, mais encore leurs limneurs et leurs ca-
prices!... Rien n'échappe à sa prévoyance
Avec cette prodigieuse compréhension de tout le
détail et du plan universel de la guerre
{Oraison fun. du prince de Coudé, p. 307.)
CoiipnENDRE. V. a. et irrégulier de la 4' conj. Il
se conjugue comme /);-c/ic/re. Voyez ce mot.
11 faut doubler la lettre n, toutes les fois qu'elle
doit être suivie d'un e muet : Que Je comprenne.
On ditjV comprends qu'il doit être fâché, qu'il
doit être en colère ; je ne comprends pas que c(da
puisse avoir lieu. On voit, par ces exemples,
qu'avec la conjonction que, le verbe de la phrase
subordonnée est mis à l'indicatif quand le sens
est affirmatif , et au subjonctif quand le sens nsl
négatif.
Compris. On dit adverbialement y compris,
non compris. On dit il donne tous les ans mille
écus aux pauvres, y compris ou non compris les
aumônes extraordinaires ; cl il donne tous les
ans mille écus aux pauvres, les uuviônes e.vlra-
ordinaircs i/ comjjrises ou non comprises. Il est
vraisembiaiilc que, dans le itrcmier cas, l'ad-
jectif place avant le nom se rai)portc à ceci, «pii
esl sous-entendu , ceci compris; et que placé
après le nom, il en prend le genre et le nombre.
Comptabilité. Subst. f. Le p ne se prononce
pas.
Comptable. Adj. des deux genres qui suit tou-
jours son subst. On ne prononce pas \ep : Em-
ployé comptable, quittance comptable.
Au figuré, cet adjectif, appliqué aux personnes,
COM
130
régit a ou eyjreri- ; ;q,pli,5,ié aux cliuses, il réeil
de: JNous sommes comptables à Dieu ou envers
Dieu de toutes nos actions; nous sommes comp
tables a lu patrie de nos talents.
CoMi-TE. Subst. m. On ne i.rononcc pas le»
On dit rendre compte à quelqu'un de quelrL,
chose; mais dans cette façon do parler et iions
toutes cellesoù un verbe est suivi d'un sut.scmiif
sans article, on no peut mettre le subsianiif ;,'vant
le verbe. Ces mots rendre compte, faire qrùce
avoir raison, demander pardon, ne forinoni en
quelque sorte qu'une seule expression, rendue
par une construction consacrée. Si l'on rorunt
cette construction, l'idée disparail, ou du moins
ne se présente plus que d'une manière forcée On
ne peut donc pas dire cow/p/e rendre au lieu de
rendre compte ; grâce faire m lieu àc faire grâce-
raison avoir an lieu de avoir raison ; pardon dé-
mander au lieu de demander pardon C'est donc
avec raison qu'on a critiqué ce vers de Racine :
De mille autres secrets j'aurais compte à voua rendre.
{Britann., act. Ill, se. vii, 63.)
1! faut dire sans adjectif possessif faire compte
sur quelqu'un, sur quelque cliose. Faire compte
.■ittr, c'est compter.
Faire son compte, au fiiïurc, sisnifie ou être
assuré, être persuadé, et alors ri régit que; ou
prendre la résolution, et, dans ce cas, il est suivi
de la préposition de. Voltaire a dit dans le pre-
mier sens {Indiscr., se. xviii, 1) :
Oui, croyez ma cousine, e\. faites votre comptt
Que ce jeune éventé »ous couvrira de lionfe;
et dans le second sens {Nan., act. II, se. xii, 2) :
Vous faites donc à la lin votre compte
De me donner la baronne pour bru.
Compter. V. a. de la l«conj. On ne prononce
pas \e p. On dit compter pour dans le sens de ré-
l)Ulcr, estimer. Racine emploie souvent cette ex-
pression :
Quoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie.
Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie
(EsM., act. II, se. 1,51.)
Certes, plus je médite et moins je rae figure
Que vous m'osiez compter pour votre créature.
(Cntan., act. I, se. ii, 25.)
II ne faut pas imiter Boileau, qui a dit en ce sen
compter rien (Sat. III, 58) :
Jloi qui ne compte rien, ni le vin, ni la cliére;
ni Corneille, qui a dit plus mal encore coTnpter à
rien [Poly., act. VI, se. m, 47) :
Je ne vous compte à rien le nom de mon époux.
On dit compter au nombre, et mettre an rang.
C'est donc avec raison qu'on a critiqué les vers
suivants de Racine [Mithrid., act. I, se. i, 1J5) :
Et l'on sait que toujours h Colcliide et ses princes
Ont compté le Bosplior« au rang de leurs provinces.
CoMPTOiE. Subst. m. l.c p ne se prononce pas.
Comté. Subst. Ce mot élait autrefois féminin,
il a été ensuite masculin et féminin. Aujourd'hui
on le fait toujours masculin, si ce n'est en parlant
140
CON
de l'ancienne province de France (jue l'on nom-
me la franche- Comlé.
CoNCKiT, (loNctPTiON. DaHS CCS deux mots ou
prononce le p.
Concernant. Ce mot est le pnrticipe présent du
verbe concerner, dont on a fait une proposillini;
et par consc(nit'nl il no cliangc point, cl ne prend
ni le fcininin ni le |)iuricl : Une loi concernant les
patenlcs, cl nun i)as concernante.
CoNCKRTÉ, C.ONCKRTÉK. Part. Cl adj. Onà\lvne
entreprise bien concertée, des gens bien coucrv-
tés, des înesures concertées. A ollaire a dit une
énigme concertée [OEd., act. 1, se. i, 51) :
Le monstre chaque jour, dans Tbèbe épouTantce,
Proposait une énigme avec art concertée.
CoNcrnTO Subst. m. Ce mot, emprunte de l'i-
talien, ne prend point de * au pluriel : Des con-
certo.
CoNCKTTi. Subst. m. C'est un mot emprunte
de l'ilaiicn, qui ne prend point de s au pluriel.
Concevable. Adj. des deux genres. 11 se met
toujours après son subst. : Cela est concevable.
Une telle audace iiest pus concerahlc.
CoNcnoïnE, Conchyliologie, Conchyliolociste,
CoNCHYTE. Dans ces ipialre mois A se prononce k.
Conciliant, Conciliante. Adj. verbal tiré du
verbe concilier. 11 ne sc met qu'après son subst. :
Un espHt conciliant.
CoNciLiATEuu. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dil conciliatrice.
Ce siibsiaiuif s'emploie adjectivement en par-
lant des choses : Les femmes nous enseigne7it
cette éloquence persuasive et conciliatrice qui
convient ù la société. (.Marmontel.)
Concis, Concise. Adj. Il se met ordinairement
après son subst. : Un discours concis, un style
concis A'uye/. Luconiqrie.
Concision. Subst. f. Qualité de ce qui est con-
cis.
Concldant, Concluante. Adj. verbal tiré du
verbe conclure. 11 suit toujours son subst. : Un
argument concluant, xine raison concluante.
Conclure. V. a. el irrégulier de la 4" conj. 11
se conjugue de la manière suivante :
Indicatif. — Présent. Je conclus, tu conclus, il
canclui; nous concluons, vous concluez, ils con-
cluent.— Imparfait. Je concluais, lu concluais,
il concluait; nous concluions, vous concluiez, ils
concluaient. — Passé simple. Je conclus, tu con-
clus, il coiulul; nous conclûmes, vous conclùies,
ils conclurent. — Futur. Je conclurai, tu conclu-
ras, il conclura; nous conclurons, vous conclu-
rez, ils concluront.
Condilionncl. — Présent. Je conclurais, tu con-
clurais, il conclurait; nous conclurions, vous
concluriez, ils concluraient.
Imiiciatif. —Présent. Conclus, qu'il conclue ;
concluons, concluez, qu'ils concluent.
Subjonctif. — Présent. Que je conclue, que tu
conclues, qu'il conclue; ipie nous concluions,
que vous concluiez, qu'ils concluenl — finpar-
fait. Que je conclusse, (lue tu conclusses, tpi'il
conclut; que nous conclussions, que vous con-
clussiez, (pi'ils conclussent.
Participe.— /"reiCrt^ Concluant. — Passé. Con-
clu, conclue.
Les temps composés sc forment avec l'auxi-
liaire avoir.
Ce verbe se dit ordinairement des personnes.
On le dil pourtant quelquefois des passages, des
CON
preuves «pi'on allègue : Cet argument conclut
bien, cette preuve ne conclut pas. Mais alors ce
verbe sc dit aipsolumcnt el sans régime. — Cepen-
dant Pascal a dit dans ses Pensées p. 140) : Cette
impuissance ne conclut autre chose que la fai-
blesse de notre raison, pour dire : De cette im-
puissance on ne peut conclure autre chose
que, etc.
Dans le sens affirinatif, ce verbe exige l'indica-
tif à la proposition subordonnée: // conclut delà
que vous livcz tort. Dans le sens négatif ou intcr-
rogalif il demande le subjonctif : Ne concluez
pas de là que /'aie tort. Conclurez-vous de là
que j'iiic tort?
Curncillc a dit {Cin., act. I, sc. m, 23) :
Voici le jour heureux
Qui doit conclure enfin nos desseins généreux.
Le mot dessein, dit Voltaire, ne convient pas à
conclure : il me semble qu'o« conclut une affaire,
un traité, un inarché ; <]uc Vo?i consomme un des-
sein, qu'on l'exécute, qu'on l'effectue. Peut-être
que le mot remplir eût été plus juste et plus
poétique que conclure. [Remarques sur Cor-
neille.)
Conclusion. Subst. f. C'est ainsi qu'on appelle
en logique la proposition qu'on avait à prouver
el qu'on aéduil des principes. On donne aussi ce
même nom généralement en logicpie, en inétaphy-
siijue, en morale et en jibysique sculastiiiue, aux
diiïérenles propositions qu'on y déinonhe, el aux
démonstrations que l'on emploie a cet effet.
CoNCLusivE. Adj. f. Terme de graminaire. Il se
dil des conjonctions dont on se sert pour tirer une
induction, une conséquence de quelque proposi-
tion piécédente. Or, donc, ainsi, sont des con-
jonctions conclusivcs.
Co.NcoBDANCE. Subsl. f. Tcrmc de grammaire.
On entend par ce mot runiforinité ou ressem-
blance qui doit sc trouver dans la même proposi-
tion ou dans la mcnic énoncialion, entre ce qu'on
appelle les accidents des mots, tels que le genre,
le nombre et la personne; c'cst-à-diie (pic si un
substantif cl un adjectif l'onl un sens partiel dans
une proposition, et qu'ils concouicnt ensemble à
former le sens total de celle proposition, ils doi-
vent être au ni^mc genre et au même nombre :
c'est ce ijui s'ai-peUe concordance ou accord. Les
grammaiiietis français distinguent la concordance
de radjeclilet du subslanlif, (jui doivent s'accor-
der en genre et en nombre; et celle du sujet avec
le verbe, (jui doivent s'accorder en personne et
en nombre. Voyez Accord.
Concourir. V. n. et irrégulier de la 2" conj. Il
se conjugue comme courir. 11 rc;il à devant les
noms el les verbes: Tout concon-l à ma ruine.
Ils ont tous concouru à le perdre, .l'ai concouru.
à faire réussir cette entreprise. On dit concourir
avec quelqu'un : Il a concouru avec moi à faire
réussir cette entreprise. 11 régit p.iw/-, en parlant
(riinc chose ipie l'on s'efforce d'obtenir : // a con-
couru [>onvlc prix- de l'Académie. Ces deux piè-
ces ont concouru jjour le prix.
CoNCRKT. Adj. i'crine de grammaire. C'est le
corrélatif d'aisfra «7 (voyez ce mot); il se met tou
jours après son subst. : Terme concret.
Concubine. Subsl. f. L'Académie donne ce mol
comme une cx|)ression du langage ordinaire. La
définition (pi'clle eu donne peut induire les ctran
gcrs en erreur. C'est, dil-cllo, celle (jui, n'étant
point mariée avec un houimc, vit avec lui comme
si elle était sa femme. D'après cela il ne serait
CON
pas éfonnnnl qu'un Allemnml dit en parlniit d'un
homme tnii vji ;ivoc une femme (ju'il n';i poiiu
épcusce, i\u'il rit uvcc une concvhine, (]u'i7 en-
tretient vne concubine; ce qui serait lics-ii<ii-
cule. Concubine est un terme de jurisprudence
mi de murale eliréiiennc. 11 en est de mémo du
mot concuhiHdqe. — \ oici un passage des Prii-
cieuses ridicules (se. v) (lui semble contraire à
celte opinion : Madei.on. La belle galanterie que
la leur! Quoi, dcbuler d\ibnrd par le inaria//e?
— GoRGiBLS. El par où veux-tu donc qu'ils débu-
tent ? par le concubinayc?
Co^cur.REjiMEM. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Ils ont agi concurremment.
CoNDAVNAiîLR. Adj. dcs dcux gcnrcs. On ne
prononee jwint le w. On peut le mettre avant son
subsU, (piand l'analogie et l'harmonie le permet-
tent : Une action condamnable, un homme con-
damnable ; cette condamnable action.
Condamnation. Subst. f. On ne prononce point
le m.
Condamner. X.n. de la l'" conj. On ne prononce
pas le 7«. On dit condamner, être condamné à
une peine ; être condamné par vn tribunal.
Dans le sens de blâmer, désapprouver, on dit
itre condamné de :
CON
\\\
0 ciel !
notre amour est condamné dt toi.
(Rac, Baj., act. I, se. iv, 86.)
Ce mot signifie souvent que, par la nature des
choses ou des circonstances, on est prive pour
toujours de linéique avantage, ou soumis a (]ucl-
que nécessité fàclicuse. C'est ainsi qu'on dit je
suis condamne à ne plus vous voir. Je suis con-
damné à Souffrir toute ma rie.
Condescendance. Subst. f. Avoir delà condes-
cendance ])ouv quclqii'u7i. Devant un inlniitif, il
régit à : Sa condescendance à pardonner les fau-
tes qu'il devait punir.
L'Académie le définit, complaisance qui fait
qu'on se rend aux sentiments, aux volontés de
quelqu'un. — La condescendance n'est pas la com-
plaisance. La condescendance fait (ju'on se re-
lâche de sa sévérité, des droits rigoureux de son
autorité, de sa supériorité, de sa liberté, de sa
volonté, pour se prêter aux faiblesses, aux défauts
d'autrui. ],a complaisance est une disposition
d'esprit par laquolle on s;icrifie sa volonté à celle
des autres, dans la vue de leur plaire. Il faut de la
complaisance pour tous, Ct de la condescendance
pour les faibles, jiour les infortunés, pour les
gens que l'on eni|iluie. Avec de la cojuplaisance
on est d'un connncrce doux, avec de la condes-
cendance on est d'un commerce commode.
Condescendant, Condescendante. Adj. verbal
tire du v. condescendre. C'est l'Académie (jui a
formé cet adjcciil'. Il n'est [)oint usité.
Condescendre, V. n de la 4' conj. Ce n'est pas,
comme le dit l'Académie, se rendre aux senti-
ments, à la volonté di? (juelqu'un : c'est se relâ-
cher de sa sévéï'ité, des droits rigoureux de son
autorité, de sa supériorité, de sa liberté, de sa vo-
lonté, |iour se préicr aux faiblesses, aux goùls,
aux défauts de (picliiu'un. Celui (lui se rend aux
senlimenls, a la volonté de son supérieur, ne con-
descend pas.
Conditionné, Conditionnée. Adj. Il se dit des
marchandises ipii ont les conditions requises. Il
est ordinairement accompagné des adverbes bien
ou vtal : Des marchandises b\cn conditionnées,
mal conditionnées.
Conditionnel Adj. que l'on prend aussi sub-
stantivement. Qui dépend de certaines condi-
tions.
En termes de grammaire, on appelle condition-
nel un mode du verbe dont les toin|is expriment
l'aflirmation avec di'pendance d'une condition.
Ce mode a plusieurs temps. Je ferais, ipie les
grammairiens appellent le conditionnel présent,
est un présent ou un futur, suivanl les circonstan-
ces du discours, et on peut remployer sans dé-
terminer aucune époque : Je ferais actuellement
votre aff7iire, si vous in'en aviez parlé plus tôt,
est un [irésent ; je ferais votre affaire aranlqu'û
fût peu, si elle dépendait unii/uement de moi,
est lin futur; enfin je ferais vn rnjage à Rome,
si j'étais plus jeune, est un futur dont l'époque
peut, à notre choix, être ou n'être pas délcrniinée.
En général, celle forme exprime presque toujours
un futur ; Je l'attends, il m'a promis qu'il vien-
drait ; viendrait est pour viendra, et l'usage le
préfère parce que l'exécution de ce (pTon promet
dépend toujours de quelques conditions expri-
mées ou supposées.
Au passé on d\l j'aurais fait votre affaire, si
vous m'en aviez parlé, ou j'eusse fait votre af-
faire, sivoxis m'en eussiez parlé. La différence
entre ces deux temps consiste en ce que j'aurais
fuit manpie plus particulièrement le temps où
l'affaire aurait été entreprise, ct \\\\c j'eusse fait
mar(|ue pins iiarliculicremeni le temps où elle eût
été finie; j'aurais fait signifie, je me serais oc-
cupé a faire ; j'eusse fait signifie, l'affaire serait
faite.
On dit encore j'aurais eu fait, et c'est un
passé antérieur à un autre passé : Si vous m'a-
viez écrit, j'aurais eu fait votre affaire avant
que vous fussiez ari~ivé. Dans cet exemple, 7"'aM-
ruis eu fuit est antérieur à avant que vous fus-
siez arrivé, qui l'est lui-même à l'époque ac-
tuelle. Voyez Modes.
Résumé.
Présent ou futur. — Je ferais.
Ce temps peut être un présent ou un futur, sui-
vant les circonstances.
Passé. — J'aurais fait.
Ce passé marque pariiciilicrement le temps où
l'affaire aurait été entreprise.
Passé. — J'eusse fait.
Ce passé manpie particulièrement le temps où
l'affaire eût été finie.
Passé antérieur. — J'aurais eu fait.
C'est un passé antérieur à une é[)oque qui est
elle-inéine antérieure à l'époque actuelle.
CoNDiTioNNELLEMENT. Adv. Il nc sc mct gucrc
qu'après le verbe : Il a promis conditionnelle-
vient.
Conducteur. Subst. m. En parlant d'une fem-
me, on dit conductrice.
Conduire. "V. a. de la 4' conj. Racine a em-
ployé ce verbe dans des ac'ceptions (pi'on ne
trouve point dans \c Diction nuire del' Académie:
Reconnoissez Je» coups que vous aurni eonduili.
[Iphtg., ad. V, se. ii, 96.)
Que ma crédule main conduis» le couteau.
[Idem, aci. 111, se. TI, Si.)
Voltaire a dit dans la Ilenriade (IV, 233) :
Le mensonge .«ublil qui conduit êe$ diteouri,
De la vérité même empruntant le Secours.
i42
CON
On lit dans VIphigcniedc Racine (act. 11, se. i.
4li7):
Je me laissai conduire à cet aimable gnide.
On a remarqué avec raison qu'il serait plus exact
de dire par cet aimable guide, car se laisser
conduire à quelqu'un, c'est se laisser conduire
auprès de quel<iu'un.
Ce mot s'emploie ligurément, tant au sens phy- i
sique qu'au sens moral.' On dit, par exemple, I
qu un chcuiin, i\\i'une route conduit à un en- \
droit, qu'une galerie conduit à un appartement,
qu'une avenue conduit à un château; et que la
vertu conduit au bonheur, le vice au malheur :
Ce poste peut conduire très aisément uji Iwmrne
d'esprit qui est sage, à des emplois et à des
places tiranlagcuses. (Voltaire.)
CoDuiTE. Siii)st. r. Ce nom n'a point de plu-
riel, si ce n'est en lermcs d'iiydraulique, en par-
lant des tuyaux des aqueducs qui conduisent les
eaux d'un endroit à un autre.
CoNFABDLATiON. Subst. f. L'Académic le défi-
nit, entretien familier, et prétend qu'il ne se dit
qu'en plaisanterie. 11 sentit difticilc de trouver
dans les auteurs un exemple de cette sorte de
plaisanterie. — Confabulaiion est un vieux mol
qui n'est usité ni sérieusement ni en plaisanle-
rie. On peut en dire autant de con fabuler.
Confesse. Subst. Il ne prend ni genre ni arti-
cle, et ne se met jamais qu'avec un verbe, comme
aller à confesse, être ù cojifesse, revenir de con-
fesse, retourner à confesse. On peut regarder à
confesse comme une expression adverbiale.
Confesser. V. a. de la l'" ci mj. L'Académie ne le
dit que des personnes qui avouent une chose qui
a rapport à eux. On le dit aussi en parlant des au-
tres:
Il le faut confesser à sa gloire,
Son ctEOT n'enferme point une malice noire.
(Rac, Britan., act. V, se. m, 27.)
)Iais tou3 ils con/Vssoicnt qnc si jamais les dieux
Ne mirent sur le trône an roi plus glorieux,
Également comblé de leurs faveors secrètes,
Jamais père ne fut plus heureux que tous l'êtes.
(Rac, Iphig., act. I, se. iv, 17.)
CouFTANCE. L'Académie n'a pas dit '.Etre plein
de confiance sur les discours de quelqu'un ; Ra-
cine l'a dit [Bajaz., act. I, se. m, 2U) :
Tingt fois lur los discourt pleine de conSance. . .
Il semble qu'il y a de la différence"" entre être
plein de confiance dans les discours de quel-
qu'un, et êtr^' plein dn confiance sur les discours
de quelqu'un. Le [iremier parait avoir plus de
rapporta la sincérité, à la vérité des discours;
le second, à la sûreté des promesses. On peut
dire être plein de confiance sur les discours de
quelqu'un, comme on dit se confier sur la bonne
foi, sur Véqvité de quelqu'un. — On a de la con-
fiance en quelqu'un, dans le mérite et les talents
de quelqu'un. On a de la défiance de, et de la
confiance en. Fonlenelle a donc fait une faute en
écrivant au sujet de Corneille: Il fit la comédie
de Mélile, qui parut en d623. . ., et sur la con-
fiance qu'on eut (lu nouvel auteur, etc. (Volt.,
Remarques sur la f^ie de Corneille.)
Copiant, Codifiante. Adj. verbal tiré du v.
confier. Il ne se met qu'après son subst. : Un
homme confiant, une femme confiante.
CoNFiDniiMUNT. Adv. Il ne se met jamais qu'a-
CO-N
près le verbe. On ne dit pas je lui ai confidem-
■laent écrit, niaise» lui ai écrit confidcmment.
Confident, Confidente. Subst. Racine a dit :
Prêt à faire sur tous éclater la vengeance
D'un geste confident de notre intelligence.
(JBritan., act. III, se. Tll, 3S.)
Confident est mis ici pour interprète.
Confidentiel, CoNFlDF,^TIELLE. A<lj. Il suit
toujours son subst. : Lettre confidentielle, note
confidentielle. Il est oppi-sé à officiel
Confidentiellement. Adv. Il se met toujours
après le verbe : Il m'a dit, il m'a écrit confiden-
tiellement, et non [las il m'a confidentiellement
dit, ou U m'a confidentiellement écrit.
Confier. V. a. de la 1" conj. L'Académie du
se confier en la providence de Dieu, se confier en
ses amis ; mais clic ne dit |)as se confier sur la
probité, sur l'équité de quelqu'un:
Sur l'équité des dieux nous osons nous confier.
(Rac, Phèd., ad. V, se. i, 25.)'
On a critiqué avec raison ces vers de Racine
[Mithrid., act. I, se. i, 65) :
Elle trahit mon père et rendit aux Romainf
La place et les trésors confiés en ses mains.
On dit se confier en quelqu'un, et confier quel-
que chose à quelqu'un.
Confiner. V. a. delà 1" conj. L'Académie ne
lui donne pas un sens figuré, ^'oltai^e a dit dans
sa cinquantième épltrc (vers 13) :
Je plains tout être faible, .iveugle en sa manie,
Qui dans un seul objet con/î;io son génie.
On dit aussi se confiner : Se confiner dans une
province.
Confire. V. a. et irrégulier de la 4' conj.
Voici comment il se conjugue:
Indicatif. — Présent. Je confis, tu confis, il
conlîi; nous confisons, vous confisez, ils confi-
sent.— Imparfait. Je confisais, tti confisais, il
confisait; nous confisions, vous confisiez, ils con-
fisaient.—/'as^e Jimp^c. Je confis, tu confis, il
confit; nous confimcs, vous confites, ils confi-
rent.—F^/^/r. Je confirai, tu confiras, il confira;
nous confirons, vous confirez, ils confiront.
Conditionnel. — Présent. Je confirais, lu confi-
rais, il confirait; nous confirions, vous confiriez,
ils confiraient.
Impératif. — Présent. Confis, qu'il confise;
confisons, confisez, qu'ils confisent.
Subjonctif.— /'/v.çc/i/. Que je confise, que tu
confises, qu'il confise; que nous confisions, que
vous confisiez, qu'ils confisent. — L'imparfait
n'est pas usité.
Participe. — Présent. Confisant. — Passé. Con-
fit, confite.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
CONFIRMATIF, CoNFIBMATIVE. Adj. 11 SUit tOU-
jours son subst. : yJrrét confirmatif, sentence
confirmalive.
CoNFir.jiATiON. Subst. f. Suivant l'Académie,
c'est ce qui rend une chose ferme et stable,
Ainsi, fors(iu'on met un éiai à une muraille,
un appui à un mur, un tuteur à un arbre, on y
met une confirmation. Il n'y a [jcrsonnc qui ne
sente le ridicule de cette définition.
CoNFiscABLE. Adj. dcs dcux gcurcs, qui secMt
toujours après son subst. : Des marchandise*
confiscubles
CON
CospiTEOR. Subst. m. 11 ne prend point de s
2U pluriel : Des confileor. On prononce l'e l'er-
mé, quoiqu'il ne prenne i);is raccenl ai^'u.
L'Académie ne mel poiiil ccl accent. Pcul-èlro
serait-il mieux de le mettre.
Co^FITUP,lF.a. Subst. m. CoNFiToniÈrE. Subst. f.
C'est, selon l'Académie, celui ou celle qui vend
des rondlures. Ou n'ai)i)clle point confiturier
celui qui vend des conlilures, mais confiseur,
marchand confiseur.
Conflit. Subsl. m. On ne prononce point le
t final.
Co?ifo:hdre. Y. a. delà -i'conj. Confondre n'est
pas précisément convaincre en causant de la
honte. Confondre -un adomniateur, ce n'est pas
le convaincre, c'est le démasquer, c'est montrer
qu'il en a imposé :
Près d'imposer silence à ce bruit imposteur,
Achille en veut coiinaitrc et confondre l'auteur.
(Uac, Iphi(j., act. III, se. I, 9.)
Se confondre signille bien se troubler, comme
le dit l'Académie :
Dès Tos premiers regards je Tai vu se confondre.
(Rac, Vhéd., act. II, se. I, 4i.)
Conforme. Adj. dos deux genres. Use met après
son subst., et a un régime exprimé ou sous-cn-
tendu avec Ie(]ucl il est joint par la préposition o.-
La copie est conforme à l'original.
CoKFor.MÉjiENT. Adv. Cet adverbe étant tou-
jours suivi de la jjrcposition à, ne peut se placer
entre l'auxiliaire et le participe; on peut le mettre
avant ou ajirés le verbe : J'ai agi conformément
à vos intentions, ou conformément à vos inten-
'ions, je me suis transporté, etc.
CoNFOUMER. V. a. de lal"^ conj. Il s'emploie
avec le pronom personnel : Se conformer à la
volonté, se cou furmer aus inclinations, a ua; fa-
çons de vivre de quelqu'un, se conformer aux
temps, se conformer aux lieux, se conforvier
aux circonstances.
* Confortable. Subst. m. Anglicisme très-intel-
ligible et très-nécessaire en français, où il n'a pas
d'équivalent. Ce mot exprime un état de com-
modité et de bien-clrc qui approche du plaisir,
et auquel tous les hommes aspirent naturellcmcnl
sans que cette tendance puisse leur être im-
putée à mollesse et à rclàclieracnt de mœurs.
C'est le but de l'épicurisine bien entendu, dans
sa juste acception, c'est-à-dire, de la véritable
sagesse. (Ch. Nodier, Examen crit. des Dicl.)
CoNFDS, CcNFusE. Adj. Eu prose, il se met
après son subst. : Un bruit confus, des cris
confus. Les poètes le font quclquelois précéder:
Au lieu de cet amas, de ce confus mélange. . .
(Del., Jardins, 1, 19o.)
Confus appliqué aux personnes récit quelque-
fois la piC[>osili>)ïi de : Il se retira confus de su
méprise.
Conflsément. Adv. lise met après le verbe, et
jamais entre l'auxiliaire et le parlicipe : J'en ai
entendu parler confusément, et non pas j'eîi ai
confu-iément entendu parler.
Congé. Subst. m. Permission qu'un supérieur
accorde à un inférieur de faire quelque chose.
On lit dans Corneille {Cin., act. III, se. m, 32) :
Et je ne puis plus rien que par votre congé.
Par votre congé ne se dit plus, dit Voltaire,
CON
143
et en effet ne devait pas se dire, puisque ce mot
vient de congédier, qui ne signilicpas permettre.
[Remarques sur Corneille.)
Conjectural, Conjixturale. Adj. Il se met
toujours après son subst. : Preuve conjecturale,
science conjecturale, art conjectural.
Co^JlXTur.A^EMl;^T. Adv. 'il ne peut se mettre
entre l'auxiliaire et le participe. On ne dit pas
il en a conjecturalemeni parlé, mais il. en n
parlé conjecluralement.
Conjointement. Adv* Ensemble, l'im avec
l'autre : Jgir conjointement. 11 régit aussi la
préposition avec : J'ai agi conjointement avec
eux. Il ne peut se mettre entre l'auxiliaire et le
participe_ On ne dit pas nous avons conjointe-
ment agi, mais nous avons agi conjointement.
CoNJONCTiF, Conjonctive. \A\. qui se prend
substantivement. Terme de grannnaire qui se dit
particulièreaieiit de certaines particules ([ui lient
un mot à un autre mot, ou un sens à un autre
sens. La conjonction et est une conjonctive. On
l'appelle aussi copulative.
Kl) second lieu, le mot co?tjonctif a été substi-
tué par (pielipics grammairiens a celui de sub-
jonctif, tpii est le nom d'un mode des verbes,
parce tjue souvent les temps du subjonctif sont
précédés d'une conjonction ; mais ce n'est nulle-
ment en vertu de la conjonction que le verbe
est mis au subjonctif : c'est uniquement parce
qu'il est subordonné à une aflirination directe,
exprimée ou sous-entendue. L'indicatifest souvent
piécédc de conjonctions, sans cesser pour cela
d'èlre appelé indicatif. On doit donc conserver la
dénomination de subjonctif. L'indicatif affirme
directement et ne suppose rien; au lieu que
les terminaisons du subjonctif sont toujours su-
bordonnées à un indicatif exprimé ou sous-
entendu. Le subjonctif est ainsi api)elé parce
qu'il est toujours dépendant de quel<pie autre
verbe qui le précède. Conservons donc le terme
de subjonctif, et regardons-le comme un mode
adjoint cl dépendant non d'une conjonction,
mais d'un sens énoncé par un indicatif. (Dumar-
sais.) Voyez Subjonctif.
Nous avons appelé, d'après Condillac, adjec-
tifs conjonctifs les mots qui, que, dont, lequel,
laquelle, quoique tous les autres grammairiens
les mettent dans la classe des pronoms. Voyez
Adjectif.
Conjonction. Subst. f. Terme de grammaire.
On donne ce nom à de petits mots (jui servent à
exprimer la liaison (pic l'esprit met entre des mots
et des mots, ou entre des propositions et des
jiroiwsitions. Quand je dis le frère et la sœur,
et est une conjonction qui annonce que je lie
ces Acu\ mots afin de les rendre ensemble le
sujet d'une proposition qui, par celte liaison,
écpiivaudra à deux propositions. Le frère et la
sœur sont sages équivaut à le frère est sage, la
sœur est sage. Il en est de même lorsque je dis
ni le frère ni la sœur; on sent ijne je considère
ces deux noms comme le sujet d'une même pro-
position, et que je porte lemémejugemcnlsurrun
et sur l'autre, avec cette différence que par la
conjonction et j'ai annoncé une proposition af-
firmative, et (pie par la conjonction «ij'annoncf
une proposition négative.
Deux proiwsitioiis ne se lient que par les rap.
ports (lu'clles ont l'une à l'aiilrc. Une proposi
tion se lie-t-clle à une précédente comme con-
séquence , nous avons les conjonctions donc ,
ainsi; comme preuve, car; comme opposé,
mais, cependant, pourtant; affirment-elles en-
144
CON
semble, nous avons la conjonction et ; nient-elles
ensemble, ni; afliiinenl elles séparcMncnt , on
soi-ie que des deux une seule puisse èlrc vraie,
on. U y a autant de conjunclioiis qu'il y a de
diffcicnccs dans les points de vue sous tesiiuels
noire esprit observe un rapport entre un mol et
un autre mot, ou entre une pensée et une autre
pensée. Ces différences sont autant de manières
particulières de lier les propositions et les i)é-
riodcs.
Les grammairiens npp(?llent cnnjntictinns cnpii-
hilivcs celles dont la l'onction est seulement de
li'T, sans ajouter aucune idée particulière; telles
sont et cl ni. Ils apiiellent avgmeniutivcs celles
ipii lient par une idée accessoire d'accroisse-
ment et d'augmenlation , telles ([ue de plus ,
d'uillci'rs, outre que, an sui-phis; allcmatires
ou disjotictires,Qc\\cs(\\i\ lient en marquant al-
ternative, distinction, i)arlilion, connue on, ou
bien, sinon, tantôt; hijpnthétif/iies ou condiiinn-
nclles, celles qui lient en marquant une condi-
tion, une supposition, une hypolhésc, comme si,
soit, pourvu que, à moins que, quand, sauf;
adreisatives, celles qui lient en faisant servir
l'une à conlre-balanccr l'autre, comme mais,
quoique, combien que, encore que, loin que, au
contraire, au lieu de, au moins; extensives ,
celles qui lient par extension de sens, comme
jusque, enfin, aussi, même., tant ; périodiques,
celles qui lient en marquant une circonstance de
temps, comme pendant, durant que, tandis que,
tant que, aussitôt que, dès que, avant que, de-
puis que ; cansatives, celles qui lient en mar-
quant la cause d'une chose ou la raison pour-
quoi on la fait, comme afin, parce que, puisque,
car, comme, attendu que, de même que, aussi;
conclusives, celles (]ui servent a déduire une con-
séquence d'une proposition précédente, comme
donc, vu, par conséquent, c^est pourquoi, aussi,
partant ; explicatives, cc\lcs qu\ lient par forme
d'explication, comme comme, savoir, surtout,
de sorte que, ainsi que, do façon que, c'est-à-
dire ; transitives, celles (|ui lient en marquant
un passage ou une transition d'une chose à une
autre, comme or, au reste, après tout, de là,
quant à.
La conjonction que est d'un grand usage dans
la langue française. L'abbé Girard la nomme cow-
jonctioîi conductive, parce qu'elle sert à conduire
le sens à son coniplémcnl. Voyez Que.
Il n'y a point de conjonction (|ui ne suppose
au moins un sens précédent; car ce qui joint
doit être entre deux termes. Mais ce sens peut
être (luelipieiois transposé, ce (jui arrive avec la
conjonction conditionnelles, qui |»cut fort bien
commencer un discours : Si vous êtes utile à lu
société, elle pourvoira à vos besoins. Ces deux
phrases sont liées par la conjonction si; c'est
comme s'il y avait la société pou rvoii-a à vos be-
soins si roi/5 lui êtes utile. Maison ne i)cul pas
connnenccr un discours par mais, et, or, donc,
etc. S'il arrive (]u'un discours commence ainsi
en apparence, c'est qu'il est censé la suite d'un
autre (|ui s'est Iciui antérieurement, et (|uc l'ora-
teur ou l'écrivain l'a sous-entendu poiu- donner
plus de véhémence a son début. C'est ainsi que
Malherbe commence une ode à Louis XllI
(liv. II) :
Done DQ nouveau labeur à tes armes s'apprélc
Voyez Dojic.
La place des conjonctions dépend de celles
CON
qu'occupent les propositions qu'elles i)récédent.
(Juand une phrase est composée de deux pro-
positions unies par une conjonction, l'harmonie
et la clarté demandent ordinairement (jue la i)lus
courte soit placée la première : Lorsqu'on est
honnête homme, on a bien de la peine à soup-
çonner les autres de ne l'être pas Puisque la
nature se contente de peu, ù quoi bon une table
servie avec soviplnosilé et prufusinn? Quand on
est vertueux, on ne peut haïr lu partie d'une
religion qui ne prêche que ht vertu. On jilace-
rait mal à la un de chacune de ces phrases
la proposition partielle (|ui les commence. On
s'exprimerait mal si l'on .lisait : On a bien de
la peine ù soupçonner son semblable de n'être
pas honnête homme, lorsqu'on l'est soi-même.
On ne peut haïr la partie d'une religion qui ne
prêche que la vertu, quand on est vertueux. A
quoi bon une table servie avec somptuosité et
profusion , puisque la nature se contente de
peu?
Nous donnerons à l'article de chaque conjonc-
tion les règles (pi'ellcs doivent suivre, et les ob-
servations dont elles sont siisceptihles.
Conjugaison. .Subst. f. L'inllnitif exprime le
verbe avec abstraction de tous les accessoires
relatifs aux modes et aux temps Kn regardant
celte forme comme la première que les verbes
ont eue, on voit que, suivant les variations dont
elle est susceptible, elle ajoutera différents ac-
cesjioires à la signilicalion des verbes.
Les infinitifs ont des terminaisons différentes.
Les uns se lerininent en er, comme chanter; en
ir, comme emplir; en oir, comme recevoir; en
re, comme rendre. Tiailcs les terminaisons des
inlinilifs ])eu\ ent se rapporter a ces quatre.
On a observé que tous les verbes dont l'in-
finitif se termine en er i)rem)ent en gc'néral dans
leurs temps et dans leurs modes les mômes
formes qw'aimer; en conséquence, on a regardé
les variations de ce verbe comme le modèle
dc> variations de tous ceux qui se terminent de
la même manière, et on en a lait une classe sous
le nom de preiTiière conjugaison. Ainsi tous les
verbes dont l'inlinilif est terminé en er sont de
la in'cmière conjugaison. On a imaginé de même
trois autres conjugaisons ; la seconde, dont les
infinitifs sont terminés en ir; la troisième, dont les
infinitifs sont terminés en oir, et enfin la qua-
trième, dont les infinitifs sont terminés en re.
Conjuguer un verbe, c'est lui faire prendre
successivement, sur le modèle d'un verbe qui
sert de règle, toutes les formes (pie produisent
les modes, c'est-à-dire, les formes de l'indicatif,
de rinq)éralif, du conditionnel, du subjonctif,
de l'infinitif et du participe.
CluKpie conjugaison ayant un modèle, on re-
garde connue réguliers tous les verbes (ilii, ayant
à l'infiDilif la môme terminaison que celui qui
sert de règle, se conjuguent exactement de la
môme manière. Calmer, par exemple, est un
verbe régulier, parce (juc dans tous ses temps et
dans tous ses modes il se conjugue comme aimer,
(jui est le modèle de la conjugaison des verbes
dont l'infinitif est terminé en er.
On api)elle verbes irréguliers tous ceux dont
les variations ne sont pas conformes à celles du
verbe (|ui doit servir de moible, et verbes défec-
tueux ceux qui manquent de (pielque temps ou
de (luehiue mode. .Hier, par exemple, est un
verbe irrègulicr de la iiremière conjugaison,
parce qu'il ne se conjugue i)as conuac aimer,
quoique sou infinitif soit aussi terminé en er
CON
FaiUir est un verbe défectueux de la seconde
conjugnisim, ii.ircc qu'il n'est en nsiii-'c qu'à l'in-
im\ùi'faillir. cl .mx \n>si'<; je faillis, f ai failli,
j'avais failli. Qtirrir est i>liis déloclueux en-
core; il ne se «lit «lii'à rinlinilif.
En consiilciMiil les verbes par rapport aux con-
jugaisons, il y en a donc de trois espèces : les
verbes réguliers, les verbes irrégxdiers, et les
verbes défectueux.
Nousrcniaripierons, dans les conjugaisons, des
formes sinq)lcs : Je fais, je fis, je sors, je sariis;
et des formes coinposcos : J'ai fait, j'avais fait,
je suis sirti, j'étais sorti.
Les verbes avoir cl être, qui entrent dans les
formes coniposccs, cl (jui se joignent au participe
passé, se nonimonl verbes auxiliaires, parce qu'ils
concourent à la foiinaiion des temps composés.
Jller cs\. aussi un verbe auxiliaire dans la forma-
tion du futur prochain, je rais faire; et venir
en est un autre dans la formation du passé pro-
chain,/e viens de faire.
l.e verbe sulislanlif être peut être employé
avec le participe présent : Pierre est aimant; ci
avec le participe passe : Pierre est aimé. Il est
dans ces deux phrases le même verbe, dont le
propre est d'exprimer la coexistence de l'attribut
avec le sujet. Or, quand on <lit Pierre est ai-
mant, Pierre est le sujet de laclion, comme il
l'est de la proposition; c'est lui qui agit. Au con-
traire, il n'est [)lus le sujet de l'action quand on
dit Pierre est aimé. 11 en est l'objet; il n'agit
donc plus, et c'est ce qu'on appelle être passif.
Etre aimant renferme deux éléments, auxquels
on peut substiluei' aimer, verbe adjectif que l'on
peut nonuner verbe d'action, et que les gram-
iiiuiricns nomment verbe actif.
Etre aimé renferme également deux éléments,
auxquels les Latins substituaient amari, verbe
qu'ils nommaient passif, parce que, dans les mo-
des de ce ve :t)e, le sujet est l'objet de l'action.
Notre langue ne peut rien substituer à ces deux
éléments ; elle n'a donc point proprement de verbe
passif. En cl'fet, c'est avec les participes du passé,
joints aux dilférenlcs formes du verbe cire, que
nous traduisons les verbes passifs des Latins.
Comme on a nommé verbes actifs ceux dont
l'aclion se icruiinc à un objet différent du sujet
delà |)ro|)osition, et verbes passifs ceux dont le
sujet de la proposition est l'objet même de l'ac-
tion, les verbes actifs et les verbes passifs ont
emporté l'idée d'un objet sur lequel une action
se termine. Kn conséciuence, les graunnairiens
ont appelé verbes neutres, c'est-à-dire, qui ne
sont ni actifs ni passifs, tous ceux où ils ne
voyaient iioinl d'action, reposer, dormir; et tous
ceux où ils voyaient une action qui ne se termi-
nait pas sur un objet, marcher, rire.
Les grammairiens distinguent encore trois es-
pèces de verbes: des reries réfléchis, dont l'ac-
tion réflécliit en (pielquc sorte sur le sujet : Je
me connais, je me trompe ; des verbes récipro-
ques, dont l'action réfléchit allernativcment d'un
sujet sur un autre : Pierre et Parti se battent ; en-
fin des voies impersonnels, qu'ils appellent ainsi
parce qu'ils ne s'emploient ni avec la première,
ni avec la seconde personne : Il faut, il pleut.
(Condillac.)
Après avoir renvoyé le lecteur au mot Auxi-
liaire, pour prendre connaissance des conjugai-
sons des\erbes qui portent ce nom, nous allons
donner des modèles de toutes les conjugaisons de
la langue française.
CON
Première conjugaison en ER.
Modèle, Chanter.
145
Infinitif —Chanter.
Indicatif. — Présent. Je chante, tu chantes, il
chaule ou elle chaule; nous chaulons, vous chan-
tez, ils chanteut ou elles chanlcul. — Imparfait.
Je chanlais, tu chantais, il chanlailow elle chan-
tait; nous chantions, vous chantiez, ils clian-
laient ou elles chantaient. — Passé prochain. Je
viens de chanter, lu viens de chanter, il vient de
chanter ou elle vient de chauler; nous venons de
chauler, vous venez de chauler, ils viennent de
chanter ou elles viennent de chanter. — Passé
prochain antérieur. Je venais de chanter, lu ve-
nais de chanter, il venait de chauler ou elle ve-
nait declianler; nous venions de chauler, vous
veniez de cliauler, ils venaient de chauler o?/ elles
venaient de chanter. — Passé prochain posté-
rieur. Je vienilrai de chanter, tu viendras de
chanter, il viendra déchanter ou elle viendra de
chanier; nous viendrons de chauler, vous vien-
drez de chauler, ils viendront de chauler ou elles
viendront de chanier. — Passé simple. Je chan-
tai, tu chaulas, il clvanla ou elle chanta ; nous
chantâmes, vous chaniàles,ils clianlèreut ou elles
chantèrent. — Passé composé J'ai chanu-, tu as
chaulé, il a chaulé ou. elle a chanté; nous avons
chanté, vous avez chanté, ils ont chanté ou elles
ont clianté. — Passé antérieur composé. J'eus
chanté, tu eus chanté, il eut chanté ou elle eut
chaulé; nous eûmes chaule, vous eûtes chanté,
ils eurent chanté ou elles eurent chanté. — Fu-
tur antérieur surcomposé. J'ai eu chanti', lu as
eu chaulé, il a eu chanté ou elle a eu chanté;
nous avons eu chanté, vous avez eu chanté, ils
ont eu chanté 0!/ elles ont eu chanté. — Plusque-
parfait. J'avais chaulé, tu avais chanté, il avait
chaulé ou elle avait chanté; nous aviuns chanté,
vous aviez chanté, ils avaient chanté ou elles
avaient chanté. — -Futur simple. Je chaulerai, tu
chanteras, il chantera ou elle chantera; nous
chanterons, vous chaulerez , ils chauleront ou
elles chanteront. — Futur composé. J'aurai
chanlé, tu auras chanté, il aura chaulé ou elle
aura chanté; nous aurons chanlé, vous aurez
clianté, ils auront chaulé ou elles auront chanté
— Futur prochain. Je vais chanier, tu vas chan-
ter, il va cliauler ou elle va chanter; no\is allons
chauler, vous allez chauler, ils vont chauler oj
elles vont chanier. — Futur prochain antérieur.
J'allais chanier, lu allais chanier, il allait chan-
ter o!^ elle allait chanter; nous allions chantt
vous alliez chanter, ils allaient chanter ou eUo;.
allaient chanter.
Conditionnel. — Présent ou futur. Je chante-
rais, lu chaulerais, il chaulerait ou elle chante-
rait ; nous chanterions, vous chanteriez, ils chan-
teraient ou elles chanteraient. — Premier passé.
J'aurais chanté, lu aurais chanté, il auraitchanté
ou elle aurait chante; nous aurions chanlé, vous
auriez chanté, ils auraient chanlé ou elles au-
raient chanté.— i'eco/ii/josst'. J'eusse chanté, lu
eusses chanlé, il eût chanlé o;/ elle eût cJianlé;
nous eussions chanlé, vous eussiez chanté, ils
eussent chanlé ou elles eussent chanlé. — Passé
prochain. Je viendrais de chauler, lu viendrais
de chanter, il viendrait de chanter ou elle vien-
drait de chanter; nous viendrions de chanter,
vous viendriez de chanier, ils viendraient de
chanier OM elles viendraient de chanter.
Impératif. — Présent ou futur simple. Chante,
10
$46
CON
qu'il chnnlc ou qu'elle chante ; cliantons, elmn-
tez, qu'ils chanlcut ou qu'oUoschnntonl. — Futur
composé. Aie ciiaiilé, qu'il ail chaulé ou »iii'clle
ail cliaiiié; ayons chanté, qu'ils aient chanté oti
qu'elles aient chanté.
Subjonctif. — Présent ou futur. Que je chante,
que lu chantes, qu'il chante w <iu'elle chante;
que nous chantions, que vous chantiez, ([u'ils
chantent ou qu'elles cliantenl. — Imparfait. (Juc
je chant;i«6c, (]ue tu chantasses, qu'il chantât ou
qu'elle chaniàt; (|uenous chantassions, que vous
chantassiez, qu'ils chantassent om qu'elles chan-
tassent.— Pusse. <.Kie j'aie chanté, que lu aies
clianlé, qu'il ait chanté on qu'elle ait chanté;
que nous avons chanté, que vous ayez chanté,
qu'ils aient chanté OH qu'elles aient chanté. —
P/uiçwf/iHr/fiii.Quej'eussechantéjque tu eusses
chanté, qu'il eut chanté ou qu'elle eût chanté;
que nous eussions chanté, que vous eussiez
chanté, qu'ils eussent chanté ou qu'elles eussent
chanté. — Passé prochain. Oue je vienne de chan-
ter, que tu viennes de chanter, qu'il vienne de
chanter om qu'elle vienne de chanter; que nous
venions de chanter, que vous veniez de chanter,
qu'ils viennent de chanter ou qu'elles viennent
déchanter. — Passé prochain antérieur. Que je
vinsse de chanter, que tu vinsses de chanter,
qu'il vint déchanter oii qu'elle vint de chanter;
que nous vinssions de chauler, que vous vins-
siez de chanter, qu'ils vinssent de chanter ou
qu'elles vinssent de chanter. — Fvtur prochain.
Que j'aille chanter, que tu ailles chanter, qu'il
aille chanter ou qu'elle aille chanter; que nous
allions chanter, que vous alliez chanter, qu'ils
aillent chanter ou qu'elles aillent chanter.— Fu-
tvr prochain antérieur. Que j'allasse chanter,
que tu allasses chanter, qu'il allât chanter ou
qu'elleallàt chanter; ([ue nousallassicns chanter,
que vous allassiez chanter, qu'ils allassent chanter
ou (ju'elles allassent chanter.
Participe. — Présent. Chantant. — Passé.
Chanté, chantée. Voyez Irrégulier et Défec-
tueux.
Seconde conjugaison en ir..
Modèle, Emplir.
Inlinitif.— Einjjlir.
Indicatif. — Présent. J'emplis, tu emplis, il
emplit ou elle emplit; nous emplissons, vous em-
plissez, ils emplissent ou elles emplissent. — Im-
parfait. J'emplissais, tu emplissais, il emplissait
OM elle emplissait; nous emplissions, vous em-
plissiez, ils emplissaient ou elles emplissaient. —
Pasité prochain Je viens d'emplir, tu viens d'em-
plir, il vient d'cuii)lir ou elle vient d'emplir;
nous venons d'ernplir, vous venez d'emplir, ils
viennent d'emplir oî/ elles viennent d'emplir. —
Passé prochain unlérieur. Je venais d'emplir, tu
venais d'emplir, il venait d'emplir ov elle venait
d'cnq)lir; nous venions d'emplir, vous veniez
d'cmiilir, ils venaient d'emplir ou elles venaient
d'emplir. — Passé prochain postérieur. Je vien-
drai d'eini)lir, lu viendras d'emplir, il viendra
d'emplir ou elle viendra d'emplir; nous vien-
drons d'cinplir, vous viendrez d'emplir, ils vien-
dront d'emplir ou elles viendront d'emplir. —
Passé simple. J'emiilis, lu cm|)lis, il emplit ou
elle emplit; nous cm|ilimes, vous empliies, ils
emplirent ou elles emplirent. — Passé composé.
J'ai empli, tu as empli, il a empli ou elle a em-
pli; nous avons empli, vous avez empli, ils ont
empli ou elles ont empli. — Passé antérieur
CON
composé. J'eus empli, tu eus empli, il eut em-
pli ou elle eut empli ; nous eûmes cm]ili, vous
eûtes empli, ils curent empli ou elles eurent em-
pli.— Passé antérieur surcomposé. J'ai eu em-
l)li, lu a'^'^u empli, ii a eu empli ou elle a eu em-
|)li; nous avons eu emi»li, vous avez eu empli,
ils ont eu enqili ou elles ont eu emi)li. — Plus-
qucparfait. J'avais empli, tu avais empli, il avait
empli ou elle avait empli; nn.is avions empli,
vous aviez empli, ils avaient emiili ou elles avaient
empli. — Futur simple. J'emjjlirai, tu em[)liras,
il emi>lirao)^ elle emplira; nous en)y)lirons, vous
emiilirez, ils empliront ou elles empliron*. — Fu-
tur composé. J'aurai empli, lu auias cmj)li, il
aura empli ou. elle aura empli ; nous aurons em-
pli, vous aurez empli, ils auront empli ou elles
auront enq)li. — Futur prochain. Je vais ou je
vas emplir, tu vas emplir, il va cmjiliro?/ elle va
emplir; nous allons cmjilir, vons allez emplir, ils
vont emplir ou elles vont cm] lir. — Futur pro-
chain antérieur. J'allais emplir, tu allais emplir,
il allait emplir 01/ elle allait omiilir; nous allions
emplir, vous alliez emplir, ils allaient emplir ou
elles allaient emplir.
Conditionnel. — Présent ou futur J'emplirais,
lu emplirais, il emplirait ou elle emplirait ; nous
emplirions, vous empliriez, ils empliraient ou
elles empliraient. — Prcrnier passé. J'aurais em-
pli, lu aurais empli, il aurait empli ou elle aurait
empli; nous aurions empli, vous auriez empli,
ils auraient empli ou elles auraient empli. — Se-
cond passé. J'eusse empli, tu eusses empli, il eût
empli ou elle eût empli; nous eussions empli,
vous eussiez empli, ils eussent empli ou elles
eussent empli. — Passé prochain. Je viendrais
d'emplir, tu viendrais d'emplir, il viendrait d'em-
plir o' elle viendrait d'emplir; nous viendrions
d'emplir, vous viendriez d'emplir, ils viendraient
d'emplir o« elles viendraient d'emidir.
Impératif. — Présent ou futur simple. Emplis,
qu'il emplisse ou qti'elle emplisse; emplissons,
emplissez,qu'ilsemplissent'iî/ qu'elles emplissent.
— Futur composé. Aie empli, qu'il ait empli ou
qu'elle ait empli; ayons empli, ayez empli, qu'ils
aient empli ou (lu'ellcs aient empli.
Subjonctif. — Présent ou /"î//>?r. Que j'emplisse,
que tu emplisses, qu'il eniplisse ou. qu'elle em-
plisse; <iue nous emplissions, que vous emplis-
siez, qu'ils emplissent ou qu'elles emplissent. —
Imparfait- Que j'emplisse, que tu emplisses,
qu'il emplit ou qu'elle emplit; que nous e;nplis-
sions, que vousemi)lissiez, qu'ils emjilisseiu ou
qu'elles emplissent. — Passé. ()uo j'aie empli, que
tu aies empli, qu'il ail empli ou qu'elle ail em-
pli ; que nous ayons emiili, (pie vous ayez empli,
qu'ils aient empli om qu'elles aient empli. — Plus-
queparfait. Que j'eusse empli, que tu eusses em-
pli, qu'il eût empli ou qu'elle eût empli; que
nous eussions empli, que vous eussiez empli,
qu'ils eussent empli ou qu'elles eussent empli. —
Passé prochain. Que je vienne d'emplir, que tu
viennes d'emidir, (ju'il vienne d'cmiiliroj/ qu'elle
vienne d'emplir; (jue nous venions d'emplir, que
vous veniez d'emplir, qu'ils viennent d'em|)lir ou
qu'elles viennent d'emplir. — Passé prochain an-
térieur. Que je vinsse d'emplir, que tu vinsses
d'emplir, qu'il vint d'emplir om qu'elle vint d'em-
plir; que nous vmssions d'emplir, (pic vous vins-
siez d'emplir, qu'ils vinssent d'emplir ou qu'elles
vinssent d'emplir. — Futur prochain. Que j'aille
emplir, que tu ailles emplir, qu'il aille emplir om
qu'elle aille emplir; que nous allions emplir, que
vous alliez emplir, qu'ils aillent emplir ou qu'elles
CON
aillent emplir. — Fvtur prochain antérieur. Que ■
j'alhisse emplir, que lu ;ilhsses emplir, (pi'il allât
emplir ou qu'elle allât ciuplir; que uous allas-
sions emplir, que vous allassiez cuiplir, (ju'ils al- ^
hissent emplir OK qu'elles allassent emplir. I
Participe. — Présent. Emplissant. — Passé.
F.mpli, emplie.
Troisième conjugaison eu oir..
Modèle, Recevoir.
Infinitif.— Recevoir.
IùAkaWL — Présent. Je reçois, tu reçois, il
reçoit ou elle reçoit; nous recevons, vous rece-
vez, ils reçoivent ou elles reçoivent. — Imparfait.
Je recevais, tu recevais, il recevait ou elle rece-
vait ; nous recevions, vous receviez, ils rece-
vaient cm elles recevaient. — Passé prochain. Je
viens de recevoir, lu viens de recevoir, il vient
de recevoir «/m elle vient de recevoir; nous ve-
nons de recevoir, vous venez de recevoir, ils
viennent de recevoir ou elles viennent de rece-
voir. — Passé prochain ajitérieur. Je venais de
iccevoir, lu venais de recevoir, il venait de rece-
voir ou elle venait de recevoir; nous venions de
recevoir, vous veniez de recevoir, ils venaienl de
recevoir ou elles venaient de recevoir. — Passé
présent postérieur, .le viendrai de recevoir, tu
viendras de recevoir, il viendra do recevoir ou
elle viendra de recevoir; nous viendrons de re-
cevoir, vous viendrez de recevoir, ils viendront
de recevoir ou elles viendront de recevoir. —
Passé simple. Je reçus, tu reçus, il reçut ou elle
reçut; nous reçûmes, vous reçûtes, ils reçurent
ou elles reçurent. — Passe composé. J'ai reçu, tu
as reçu, il a reçu ou elle a reçu; nous avons
reçu, vous avez reçu, ils ont reçu ou elles ont
reçu. — Passé antérieur composé. J'eus reçu, lu
eus reçu, il eut reçu ou elle eut reçu ; nous eûmes
reçu, vous eûtes reçu, ils eurent reçu ou elles eu-
rent reçu. — PdssL antérieur surco/itposé. J'ai eu
reçu, tu as eu reçu, il a eu reçu ou elle a eu
reçu; nous avons eu reçu, vous avez eu reçu,
ils ont eu reçu ou elles ont eu reçu. — Plusquo-
parfait. J'avais reçu, lu avais rc-u, il avait reçu
ou elle avait reçu; nous avions reçu, vous aviez
reçu, ils avaient reçu ou elles avaient reçu. —
Futur simple. Je recevrai, lu recevras, il rece-
cevra ou elle recevra; nous rccevi-ons, vous re-
cevrez, ils recevronl ou elles recevront. — Futur
composé. J'aurai reçu, lu auras reçu, il aura
reçu ou elle aura reçu; nous aurons reçu, vous
aurez reçu, ils aur .ni reçu ou elles auront reçu.
— Futur prochain. Je vais ou je vas recevoir, tu
vas recevoir, il va ou elle va recevoir; nous allons
recevoir, vous allez recevoir, ils vont recevoir ou
elles vont recevoir.— Fk^;//- prochain antérieur.
J'allais recevoir, lu allais recevoir, il allait rece-
voir ou elle allait recevoir; nous allions recevoir,
vous alliez recevoir, ils allaient recevoir ou elles
allaient recevoir.
Conditionnel. — Prescrit ou futur. Je rece-
vrais, lu recevrais, il recevrait om elle recevrait;
nous recevrions, vous recevriez, ils recevraient
ou elles recevraient. — Premier passé J'aurais
reçu, lu aurais reçu, il aurait reçu ou elle aurait
reçu; nous aurions reçu, vous auriez reçu, ils
auraient reçu ou elles auraient reçu. —J'eco;»/
passe. J'eusse reçu, tu eusses reçu, il eût reçu
ou elle eût reçu; nous eussions roçu, vous eus-
siez reçu, ils cus^enl reçu nu elles eussent reçu.
— Passé prochain. Je viendrais de recevoir, lu
viendrais de recevoir, il viendrait de recevoir nu
CON
147
elle viendrait de recevoir; nous viendrions de
recevoir, vous vicn.lrioz de recevoir, ils viori
(Iraient ou elles viemlraicnt de recevoir.
Impératif.— /'rcs<?/(< ou futur simple. Reçois,
qu'il reçoive ou qu'elle reçoive; recevons, rece-
vez, qu'ils reçoivent ou (lu'elli'.^ reçoivent. — Fu-
tur composé. .\ie reçu, qu'il ail reçu 01/ ipielle
ait reçu ; ayons reçu, ayez reçu, qu'ils aient reçu
ou qu'elles aient reçu.
Subjonctif. — Présent ou futur. Que je re-
çoive, que lu reçoi\es, qu'il reçoive om qu elle
reçoive ; que nous recevions, (pie vous reccN iez,
«iu'ils reçoivent OM qu'elles reçoivent. — Impar-
fait. (^)ue je reçusse, que tu reçusses, qu'il reçût
ou qu'elle reçût ; que nous reçussions, (]ue vous
reçussiez, qu'ils reçussent om (lu'clles reçussent.
— Passé. Que j'aie reçu, que lu aies reçu, mi'il
ail reçu ou «pi'elleail reçu; cpie nous ayons reçu,
que vous ayez reçu, (ju'ils -lient reçu ou qu'elles
aient reçu. — Plusqueparfait. •,)ue j'eusse reçu,
que tu eusses reçu, iju'il eût reçu ou qu'elle eût
reçu; que nous eussions reçu, tpie vous eussiez
reçu, qu'ils eussent reçu om qu'elles eussent reçu.
—Passé prnchain. Que je vinsse de recevoir, (pio
tu vinsses de recevoir, (pril vint de recevoir om
qu'elle vint de recevoir; que nous vinssions de
recevoir, que vous vinssiez de recevoir, qu'ils
vinssent de recevoir om qu'elles vinssent de rece-
voir.— Futur prochain . Que j'aille recevoir, que
lu ailles recevoir, qu'il aille recevoir ou qu'elle
aille recevoir; que nous allions recevoir, (jue
vous alliez recevoir, qu'ils aillent recevoir ou
qu'elles aillent recevoir. — F'utur prochain anté-
rieur. Que j'allasse recevoir, que tu allasses re-
cevoir, qu'il allât recevoir ou qu'elle allât rece
voir; que nous allassions recevoir, (jue vous
allassiez recevoir, qu'ils allassent recevoir ou
qu'elles allassent recevoir.
Participe. — Présent. Recevant. — Passé.
Reçu, reçue.
Quatrième conjugaison en re.
Modèle, Rendre.
Infinitif. — Rendre.
Indicatif. — Présent. Je rends, tu rends, il rend
r>u elle rend; nous reiid<jns, vous rend"z, ils ren-
dent ou elles rendent. — Imparfait. Je rendais, tu
rendais, il rendait ou elle rendait; nous rendions,
vous rendiez, ils rendaient ou elles rendaient. —
Passé prochain. Je viens de rendre, tu viens de
rendre, il vient de rendre ou elle vient de rendre;
nous venons de rendre, vous venez de rendre, ils
viennent de rendre nu elles viennent de rendre.
— Passé prochain antérieur. Je venais de ren-
dre, II? venais de rendre, il venait de rendre ov.
elle venait de rendre ; nous venions de rendre,
vous veniez de rendre, ils venaient de rendre ov
elles venaient de rendre. — Passé, prochain pnsti~
rieur. Je viendi'ai de rendre, lu viendras de ren-
dre, il viendra de rendre ou elle viendra de ren-
dre; nous viendrons de rendre, vous viendrez di
rendre, ils viendront derendie ok elles viendroni
de rendre. — Passé simple. Je rendis, lu rendis.
il rendit ou elle rendit; nous rendimes, vous ren-
dîtes, ils rendirent ou elles rendirent. — Passé,
composé. J'ai rendu, tu as rendu, il a rendu ou
elle a rendu ; nous avons rendu, vous avez rendu,
ils ont rendu om elles ont rendu. — Passé anté-
rieur composé- J'eus rendu, lu eus rendu, il ci!'
rendu nu elle eut rendu; nous eûmes rendu, r >-.:Jà
eûtes rendu , ils eurent rendu ou elles eurent
rendu. — Passé antérieur surcomposé. J'ai eu
148
CON
ren<Ki, tu as eu rendu, il a eu rendu ou elle a eu
rendu; nous avons eu rendu, vous avez eu rendu,
ils ont eu rendu ou elles onl eu rendu. — l'ius-
queparj'ait. J'avais rendu, tu avais rendu, il avait
rendu ou elle avait rendu; nous avions rendu,
vous aviez rendu, ils avaient rendu ou elles
avaient rendu. — / utvr simple- Je rendrai, tu
rendras, il rendra ou elle rendra; nous rendrons,
vous rendrez, ils rendront ou elles rendront. —
Futur composé. J'aurai rendu, lu auias rendu,
il aura rendu ou elle aura renuu, nous aurons
rendu, vous aurez rendu, ils auront rendu ou
elles auront rendu. — Futur prochain. Je vais ou
je vas rendre, lu vas rendre, il va rendre ou elle
va rendre; nous allons rendre, vous allez rendre,
ils vont rendre ou elles vont rendre. — Futur pro-
chain a/itérieur. J';\\\a\s rendre, lu allais rendre,
il allait rendre om elle allait rendre; nous allions
reiidie, vous alliez rendre, ils allaient rendre eu
elles allaient rendre.
Conditionnel. — Présent ou futur. Je rendrais,
tu rendrais, il rendrait ou elle rendrait ; nous ren-
drions, vous rendriez, ils rendraiei.t ou elles ren-
draient.— Premier passé. J'auiais rendu, tu au-
rais rendu, il aurait rendu ou elle aurait rendu ;
nous aurions rendu , vous auriez rendu , ils
auraient rendu ou elles auraient rendu. — Secojid
passé. J'eusse rendu, tu eusses rendu, il eut
rendu ou elle eût rendu; nous eussions rendu,
vouseussiez rendu, ils eussent rendu ou elles eus-
sent rendu. — Passé prochain, ic. vien-drais de ren-
dre, tu viendrais de rendre, il viendrait de rendre
ou elle viendrait de rendre ; nous viendrions de
rendre, vous viendriez de rendre, ils viendraient
de rendre ou elles viendraient de rendre.
Impératif. — Présent ou futur simple. Rends,
qu'il rende ou qu'elle rende; rendons, rendez,
qu'ils rendent ou «ju'elles rendent. —Futur com-
posé. Aie rendu, qu'il ail rendu ou tiu'elle ait
rendu; ayons rendu, ayez rendu, qu'ils aient
rendu ou qu'elles aient rendu.
Subjonctif. Présent ou futur. Que je rende,
que tu rendes, (|u'il rende ou qu'elle rende; ()ue
nous rendions, que vous rendiez, qu'ils rendent
OM qu'elles rendent. — Imparfait. Que je rendisse,
que lu rendi>scs, (juil rendit ou qu'elle rendit;
que nous rendi^sions, que vous rendissiez, qu'ils
rendissent ou qu'elles rendissent. — Passé. Que
j'aie rendu, que tu aies rendu, iju'il ait rendu ou
qu'elle ait rendu; (]ue nous ayons rendu, i]i:c
vous ayez rendu, qu'ils aient rendu ou iiu'ciles
aient rendu. — Plusqucparfuit. «Jue j'eusse rendu,
que lu eusses rendu, qu'il eût rendu ou qu'elle
eût rendu ; que nous eussions rendu, ([ue vous
eussiez rendu, qu'ils eussent rendu ou (lu'cUcs
eussent rendu. — Passé prochain. Que je vienne
de rendre, que tu vienne.^ de rendre, (|u'il vienne
de rendre ow tju'elle vienne de rendre; (jue nous
venions de rendre, que vous veniez de rendre,
qu'ils viennent de lendre ou qu'elles viennent de
rendre. — Passé prochain antérieur. (,)ue je vinsse
de rendre, que lu vinsses de rendre, (ju'il vint de
rendre ou <|u'elie vint de rendre; (jue nous vins-
sions de rendre, que vous vinssiez de rendre,
ju'ils vins.sent de rendre ou qu'elles vinssent de
/endre. — Futur prochain. Que j'aille rendre, que
lu ailles rendre, qu'il aille rendre ou qu'elle aille
rendre; que nous allions rendre, <iue vous alliez
rendre, qu'ils aillent ou «lu'elles aillent rendre. —
Futur prochain antérieur. Que j'allasse rendre,
que lu allasses rendre, iju'il allât ou quelle allât
rendre; que nous allassions rendre, que vous al-
lassiez rendre, qu'ils ou qu'elles allassent rendre.
CON,
Participe. — Présent. Rendant.— /•a^se. Rendu,
rendue, \oyez Irrégulier, Passif cl Neutre.
C0\JDG.\L, Co>JL-GALE. Adj. 11 SUit loUJOUrS SOU
subsl., et fait au i)luriel niaseidin conjugaux.
Tout le monde sent (pi'on ne i)cul |)as dire un
traite conj'w/al, xtn contrat conjugal, une béné-
diction conjugale; cependant on pourrait le dire,
si l'on adnieliait la delinilion (jue l'.Acadcmic nous
donne de ce mot. C'est, <lil-elle, ce qui concerne
l'union entre le mari et la femme. Ainsi un ser-
iiion sur l'union des cpouK serait un sermon con-
jugal; un conlral de mariaire serait un contrat
conjugal; wm bénédiction nuptiale serait i/7ieié-
nédiction conjugale. — Conjuyul ne signiiic pas
ce (jui concerne l'union du mari et de la femme ;
mais ce qui a un rar.porl d'eflel avec celle union,
ce qui en découle eonune d'une source, ce qui
dérive de sa nature : Lien conjugal, union conju-
gale, antour conjugal, foi conjugale, devoir con-
jugal, félicité conjugale, c[c. — Les jj'rammairiens
et les lexicograidies n'indiquent pas de pluriel à
ce mot, mais il nous semble (piC l'on jiourrait
très-bien dire des liens, aes devoirs conjugaux.
[Grammaire des Gramviaires,\\. 239)
CoNjuG.tLCMENT. Adv. il sc mct toujours après
le verbe. On ne peut pas dire ils ont conjugale-
ment vécu; mais ils ont vécu cn}jngulement.
CoNJuGui;r.. V. a. de la l'conj. Assembler ou
réciter les différentes inflexions et terminaisons
que reçoit un verbe, selon les lemps cl les modes.
CoNJLRATEUR. Subsl. m. Cc mot ne signilie pas
un simple conjuré; mais un clief, un promoteur,
un des plus ardents complices d'une conjuration.
— L'Académie remaniuc dans sa nouvelle édition
que ce sens est peu usité.
CoNjcRATio\. Subst. f. L'Académie dit qu'on
l'emploie au pluriel dans le sens de prières. 11
nous semble (lue c'est une erreur . Le verbe con-
jurer se prend en ce sens; mais il n'en est pas de
même du substanliL On ne dit pas H emploie les
conjurations, je vie rendis à ses conjurations.
Voyez Conspiration.
*CoxNAissABi.E. Adj. des deux genres, qui se
met toujours après son subsl. 11 n'est guère d'u-
sage qu avec la négative : Un homme qui n'est
pas connaissable.
CoN^Aiss.vNCE. Subst. L Cc substantif ne prend
un pluriel que quand il signilie, en paidant des
siiences, les connaissances diverses ([uc l'on pos-
sède : Cet homme u bien des connaissances ; ou
(luand il s'applii|ue aux peisonnes avec lesquelles
on a qucl<pics liaisons d'habitude : Je ne veux
pas faire de nouvelles connaissances.
On prend pour des amis de simples connaissance»,
El que de ropcnlirs suivent ces imprudences !
(Gbess., i/e'cA., acl. IV, se. iv, 24.)
Co^^•AI.ssEDR. Subst. m. Comnaissecse. Subsl. f.
11 s'emploie absulumenl : I^ous êtes connaisseur,
vous n'êtes pas connaisseur ; ou bien avec la pré-
position en: Connaisseur en musique, en ta-
bleaux. Connaisseuse en vers.
CoNNAiTr.E. V. a. de la 4' conj. Use dit négati-
vement des passions (ju'on n'a point éprouvées :
Je ne connaissais pas l'amour.
Antoine, tu l« sais, n« eonnatt point l'envie.
{Volt., Mort de Cc'sar, acl. I, sc. I, 5.)
Voltaire l'a dil sans négalion dans la même tra-
gédie (acl. m, si:. VI 11. 3S) :
... Si 5.) oTiudi: imc eût connu I) venjewct.
C0>'
On lit dans Coincillo [Nicom., act. I, se. m,
CON
i4&
25)
Ah! seigneur, excuse?, si, vous connaissant nul.
On connaît mal, dit Yollaire, quand on se
trompe au caraclèrc. I.aodicc dit à Clcopâlie
{Rodoq., net. II, se. ii, 77) : Je vous connaissais
mal. Pholln du {Powpv.e, ael. I\', se. i, 25) : J'ai
mal connu Ct'sar. Mais (piand on ignore quel est
l'hoinmc à iiiii l'on |iarlo, il faut dire Je ne le
connaissais pas. iJiemaïqiics sur Corneille.)
On dit connailre quelqu'un, je le connais.
Connaître vnc chose ù quelqu'un, savoir qu'il
l'a, qu'il la possède : Je lui connais vnc terre et
deux maisons à Paris. Je lui connais un goût
décidé povr les plaisirs. — On dit faire connaî-
tre quelque chose d quelqu'un, cl être connu de
quelqu'un. Cependant, avee les pronoms person-
nels, on dit cela m'est co7inv ; comment savcs-
vous que cela ne leur était pas connu? — Uaus
le sens de eoniiaisseur, on dit se connaître en
tableaux, en musique. On dit aussi s'y connaî-
tre, il s'y connaît, lorstju'il a cl6 question aupa-
ravant de la cliose dont il s'agit.
Connaître, dans le sens d'avoir autorité de
juger de quelques matières, est neutre, et se
construit toujours avec de ou un équivalent :
Si la justice vient à connaître dti fait.
Elle est un peu brutale et saisit au collet.
(Regnard, Légat., act. IV, se. m, 8.)
* Connecter. V. a. délai" conj. Cemotn'cst
point usité. Frédéric II l'a employé dans une de
ses lettres à Yollaire : Je vous e?iverrai la tra-
duction du Traité de Dieu, de l'Ame et du
MoïKle, jtjar Ji^olf, dès qti'clle sera achevée; et
je suis sûr que la force de l'évidence vous
frappera dans toutes les propositions, qui se
suivent fféomé'riquement et i^inmcvicni les unes
arec les autres comme les anneaux d'une
chaîne.
Connu, Connue. Adj. Il récit de, par, à et en :
On est connu de tout le monde. On est connu
par son esprit, par ses talents, par ses forfaits.
On est connu eu France, en Angleterre. On est
connu à Paris.
Connu seul parmi nous par ta clémence auguste.
(Volt., AU., act. V, se. v, 10.)
CoNQUÉniR. V. a. et irrég. de la 2'' eonj. Il se
conjugue comme acquérir. Mais il n'est guère
usité qu'à l'nilinitif, co/(7?/f'rù-, au passé simple,
je conquis, aux leuq)S composés, j'ai conquis,
j'avais conquis, etc., au participe présent, con-
quérant , et au participe passé conquis , con-
quise.
CoNQuÈTf:. Subst. f. Voltaire a dit dans une
acception que n'indique point l'Académie (Henr.,
II, 238) :
Et l'on porta sa ti-te aux pieds de Médicis,
Conquête digne d'elle et digne de son fils.
Consacrer. V. a. de la d" conj. Voici quel-
ques acceptions de ce mot que l'Académie n'a
pas indiquées :
Surtout j'ai cru devoir aux larmes, aux prières,
Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières
(Rac, Ath., act. I, se. ii, 31.)
Thàbes depuis longtemps aux horreurs consacrée.
(Volt., OEd., ad. I, se. i, 7.)
On dit qu'MM lieu est consacré à la dnulcur,
q\]'une som7ne est consacrée au soulagement des
pauvres, etc.
Consacrer se dit |)our rendre étoin(>I, rendre
lierpétuel dans la mémoire des Iminines : feWe
seule action, par laquelle il finit su rii^, d it
consacrer sa mémoire (A'oliairc). On con-
sacra cet événement par plusieurs monuments.
C'est dans le mémo sens cpie le temps consacre
les usages, que certains iisages sont consacrés.
Les v.iaqcs les plus consacrés chez un peuple
paraissent aux autres ou extravagants ou haïs
sables. (Voltaire.)
Les droits de mes aïeux que Rome a consacre».
(Rac, Britan., ad. IV, 8C. ii, 7.)
Consanguin , Consanguine. Adj. L'm ne se
prononce point. 11 ne se met qu'après son sub-
stantif
Consanguinité. Subst. f. On fait sentir I'm, qui
fait diplilliongue avec Vi.
CoNsciKNCE. Subst. f. Terme de métaphysi-
que. Selon l'Académie, il se dit de la connais-
sance qu'on a d'une vérité par ic sentiment
intéiiour. Ce n'est pas là ce ipie les métaphysi-
ciens entendent i)ar conscience. Le mol con-
science, pris en ce sens, est un sentiment que
donne à l'âine la connaissance des pereeptiom
qui sont en elle. Si, comme le vent I.ocke ,
l'àine n'a ])oinl de perceptions dont elle ne
prenne connaissance, en sorte qu'il y ;,il contra-
diction (|u'une perception ne lui soit pas connue,
la itcrccplion et la conscience doivent étie prises
pour une seule cl même opération. Si au con-
traire il y a dans l'àmc des jiereeptions dont
elle ne prend jamais connaissance, ainsi (pic le
prétendent les cartésiens, les maleluaneliistes et
les Icibniziens, la conscience et la iierccption
sont deux opérations trcs-distinctes. Le sentiment
de Locke iiarait le mieux fondé; car il ne pa-
raît pas qu'il y ail des perceptions dont l'âme
ne prenne qiiehiue connaissance plus ou moins
forte; d'uii il résulte <pie la perccplion el^ la
conscience ne sont réellement qu'une même
opération sous deux noms. En tant qu'on
ne considère cette opération que comme une
impression dans l'àine, on peut lui conserver le
nom de perception; et en tant qu'elle avertit
l'àinc de sa présence, on peut lui donner celui
de conscience . (l.c chevalier de .JaucDurt.) Cdn-
dillac a dit : J'appelle perception l'impression
qui se produit en nous ù la présence des ob-
jets; sensatiiin, cette même impression, en tant
qu'elle vient par les sens; conrience, la con-
naissance qu'on en prend. Quand nous ne fixons
point notre attention, en sorte que nous rece-
vons les perceptions qui se produisent en nous,
sans être plus avertis des unes que des autres,
la conscience est si légère, que, si l'on nous
retire de cet état, nous ne nous souvenons pas
d'en avoir éprouvé.
L'Acadcmie ne définit pas mieux le mol con-
science pris dans le sens moral. C'est, (iit-clle,
une lumière intérieure, un sentiment inlcncur
par leipiel l'humnie se rend témoignage a lui-
mcine du bien et du mal qn't\ fait. La con-
sorte qu'il conclut en Ini-mcine que les premières
sont oji ne .sont nas conformes aux dernières
sont ou ne sont pas con
150
CON
Co.NSciENciEiSEMENT. Adv. Il sc mcl jiprcs le
verbe; // a agi consciencieusement, Ci non pas
U a consciencieusement agi.
Consciencieux, Consciencieuse. Aiij. H suit
ordinairemcnl son subsl. : Un homme conscien-
cievx, vne femme consciencieuse.
Consécutif , Conslcutive. Adj. Il ne se dit
qu'au pluriel, puisqu'il a rapport à plusieurs
choses (jui se suivent : Pendant trois jours
consccutifs.
Coxsécltivement. Adv. Il se met loujoursaprès
le verbe et jarcais entre l'auxiliaire et le participe:
// a eu consécutivement trois maladies.
CoNSiiii,. Subst. ni. L'Académie le définit,
avis que l'on donne a (juciqu'un sur ce qu'il doit
faire ou ne pas l'aire. r\ous l'avons dcliiii dans
notre J^ourcau Dictii niiairc de la langue fran-
çaise, raisons cxposi'os à <iuclqu'un dans la vue
'de l'ensaïrer à faire ou à ne i);is l'aire une chose,
ou de Tcclaircr dans la conduite ([u'il doit tenir.
— Conseil en ce sens n'a point de régime par
lui-même; il ne régit les noms et les verbes
qu'à l'aide des verbes auxquels il est joint. Ce-
pendant J.-J. Rousse-ju a dit : Je finirai ce
que j'ai à dire par un conseil à vies adver-
saires. Féraud prétend qu'il aurait ùi'i dire en
donnant un conseil à vies adversaires. C'est
bien là le sens de la phrase; mais pourquoi Rous-
seau n'aurait-il pas pu l'exprimer par un tour
elliptique? Celte plirasc elliptique est claire; c'est
tout ce qu'il faut.
On dit demander conseil à, et prendre conseil
de, sans arlicie; mais on ne ilit pas suivre con-
seil, comme Uollin ; C'était un petit esprit, mais
fier, plein de lui-même, et qui aurait cru se
dêslwnorer sHl avait demandé ou suivi conseil.
Féraud, qui fait celle remarque, convient ce-
pendant <jue l'Académie dit suivre co7iseil, n\ms
il condamne également celle phrase dans l'Aca-
démie cl dans KoUin. C'est sans doute celle faute
de l'Académie (jui aura induit Rollin en erreur.
Dans la dernière édition de son Dictionnaire on
ne trouve point col exemple, probablement d'a-
près l'observation do Féraud.
Prendre conseil se dit figurément et élégam-
ment des choses mêmes: Je prendrai conseil de
la situation de son âme. (Marmoniel.) C'est-à-
dire, celle situation réglera mes démarches, ma
conduite. Maurice prend conseil des événe-
ments, distribue des secours, donne des ordres,
elc. (Thomas.)
Toi gui, courant à ta ruine,
Bejelaut toute discipline,
N'as pris conseil que de les sens.
;J.-B. Ilouss., liï. I, Ode iv, 59.1
On dit aussi au sens figuré suivre les con-
seils :
Qu'un cœur qu'ont endurci la fati^e et les ans.
Suivit d'un vain plaisir les conseils imprudents.
(Rac, Baj., acl. I, sc. I, 179.)
Bacine a dit dans les Frères ennemis (act. I,
se. V, 47):
Vous inspiret au roi vos contrits dangereux.
On ne le dirait pas aujourd'hui. On inspire, on
conseille des démarches ; on n'inspire pas des
conseils. Mais du teuqis -de Racine , on em-
ployait conseil pour dessein, résolution. Bos-
suet a dit : On prit aussitôt après d'autres con-
seils, et il voulait dire d'autres résolutions.
CON
En parlant de la Providence, on donnait autre-
fois à conseils le sens de décrets. Bossuct a dil :
yoiki l'ardre des cmseils de Dieu. Aujourd'hui
on ne lui donne plus ce sens. — On dit proverbia-
lement/a nuit porte conseil, pour signifier qu'il
ne faut pas jtrendre un parti à la hâte, qu'il faut
se donner le loisir de réfléchir sur une affaire.
Conseiller. Subst. m. Conseillèhe. Subst. f.
Celui, celle qui donne conseil. Conseillère ne sc
dil pas souvent au propre ; on dit cependant
d'une femme tiui a donné un bon on un mauvais
conseil, i\\ïcïïe est ujie bonne ou une mauvaiso
conseillère. — On le dit au figuré : Le déses-
poir est un mauvais conseiller, la faim est une
mauvaise conseillère.
Consentant, Consentante. Adj. verbal tiré du
V. conscniir. 11 ne se dit qu'en style de palais, et
suit toujours son subst. : La partie consen-
tante.
On no dit pas dans le langage ordinaire, j'en
suis- consentant, elle en est consentante; mais
j'y consens, elle y consent.
Consentement. Subsl. m. Ce mot n'a point de
pluriel : Il a donné son consentement, ils ont
donné leur consentement ; donner son consente-
ment à une entreprise; cela s'est fait de mon
consentement.
Consentir. "V. n. et irrégulicr de la 2' conj. II
se conjugue comme sentir. Voyez Irrégulier. Ce
verbe exige le subjonctif dans la proposition sub-
ordonnée : Je consentis qu'il s'él ignût.
Selon l'Académie, ce verbe régit la préposition
à devant un nom : Consentir à i/?j mariage. On
ne peut donc pas dire comme Corneille {Menteur,
act. "V, sc. ni, 49) :
. . . Mon indulgence, au dernier point venue,
Consentait à tes yeux l'/iymen d'une inconnue.
Consentir, dil Voltaire, est un verbe neutre qui
régit la préposition à. On ne dit pas consentir
quelque chose, mais à quelque chose. Dans quel-
ques éditions, on a substitué approuvait à con-
sentait. [Remarques sur Corneille)
L'Académie ne dil point quelle préposition ré-
git ce verbe devant un infinitif. Dil-on consentir
à faire une chose ou consentir de faire une chose"*
Consentir à est plus usité; cependant on trouve
consentir de dans de bons auteurs, et il y a ap-
parence que, dans la remarque de Voltaire que
nous venons de rapporter, il n'a entendu parler
que du verbe consentir suivi d'un substantif,
car on lit dans une de ses Icltrcs, je consens de
prêter, mais je ne veux plus perdre. Racine dit
aussi :
César lui-même ici consent de vous entendre.
(Britan., act. IV, sc. I, 2,)
Je puis me plaindre à tous du sang que j'ii T«rsé,
Mais enfin je consens d'oublier le passé.
(Androm., aci. IV, sc. V, 69.)
Je pense «pi'il faut employer à lorsqu'il s'agit
d'une action tiue l'un consent à faire; et que de
est préférable lorsiiu'il est ([ueslion seulement de
ne pas défendre, de ne pas empêcher, de ne pas
s'opposer. On dira donc, je consens de le voir, de
l'entendre, c'est-à-dire, je ne m'oppose pas à ce
(pi'il se présente devant moi, à ce iiu'il me parle;
mais on dira/e consens à vous suivre, je consens
à partir; et si celle lemarque a quelque justesse,
A ollaire aurait dû dire : Je consens à prêter, et
non pas je consens de prêter.
CON
CoNSKQuoiMENT. Adv. D'iinc manière consi'-
qiientc. 11 se incl toujours après le vorlie, «H n'a
point (Je rèïiinc en ce sens. Quand il sigiiilie en
consèciuence, il rèsit la préposition à : Consé-
quevimcnt à 7ws arrangements.
CoNSKQi'EKCE. Yovcz Conséquent.
CONSÉQDENT, CONSÉQUF.NTE. Adj. DcpuiS IIH dc-
mi-sièclc l'abus s'était établi d'employer consé-
quent dans le sens d'important, de cousidéi'able.
Quelipies autours s'en étaient servis en ce sens, et
les gens frivoles, toujours avitics de ce cpii a
l'air de la nouveauté, l'avaient introduit dans les
salons. Aujourd'lmi on dit important, considéra-
ble. Il n'y a plus guère que (pielipies bourgeois
sans instruction qui disent, qwHls font un com-
merce conséquent, qu'ils ont fait une entreprise
conséquente ; et en parlant ainsi ils l'ont sourire
les personnes (jui savent leur langue. On a banni
avec raison cette ex[)ression, parce (jue la langue
n'en a pas besoin, et qu'elle est contraire au sens
naturel du mot.
A la vérité, l'Académie dit conséquence pour
importance, et elle donne pour exemples de cette
acception un homme de conséquence ; un lioinme
de peu. de conséquence ; ri ne affaire de consé-
quence; une place, une charge, un emploi de
conséquence.
On pourrait penser que, puisiiu'on dit consé-
quence pour importance, il devrait être permis de
dire aussi conséquent \)ouv importa?it ; ce raison-
nement n'est pas jusie; car il arrive souvent dans
notre langue que le substantif est pris dans des ac-
ceptions qui ne peuvent convenir à l'adjectif. On
dit conséquence pour importance, mais aucun dic-
tionnaire ne s'est servi du mot important pour
cxplicpicr celui de conséquent.
Mais est-il bien vrai que l'oiidi-e, ou du moins
•que l'on doive dire conséquence pour impor-
ia/jcc? Dans les exemples (jue donne l'Académie
pour appuyer cette assertion, j'en trouve un qui
ne peut y av oir rapport. Quand on ilit une affaire
de conséquence, on ne veut pas dire \tne affaire
d'importance, mais une affaire (pii a ou qui est
susce|>lible d'avoir des suites importantes. C'est
dans le même sens qu'on dit une entreprise de
conséquence, une guerre de conséquence, et cela
est Conforme au sens de suites que l'Académie
donne au mot conséquence. Mais je ne saurais
trouver aucun rapport immédiat entre consé-
quence et importance, cl un homme de consé-
quence me parait aussi étrange qu'tt« homme
conséquent, dans le sens abusif où on l'emploie.
Voici comment je pense que cette façon de
parler se sera introduite. On aura dit d'abord
une affaire de conséçiuencc , une entreprise de
conséquence, une guerre de conséquence, pour
dire une affaire, une entreprise, ruie guerre tpii a
ou qui est susceptible d'avoir des suites impor-
tantes: Comme les rois de Macédoine ne pouvaient
pas entretenir un grand nombre de troupes, le
moindre échec était de conséquence. (Montes-
quieu, Grandeur et décadence des Romains,
chap. v.) Ensuite on aura dit abusivement un
homme de conséquence, une terre de conséquence,
comme on dit abusivement aujourd'hui un
homme conséquent, un emploi conséquetit. L'Aca-
démie ayant à rendre compte de ces expressions,
les aura rangées sans examen sous la même rubri-
auo, et des lecteurs bénévoles ont cru, sur la foi
e l'Académie, qu'on pouvait dire conséquence
pour importance. Mais que signifieul un homme
de conséquence, une terre de conséquence'? et
quel est l'écrivain sensé qui voudrait aujourd'hui
CON
151
employer ces expressions, quoique l'Académie les
a[iiprouve?
Conservateur. Subst. m. Conservatrice. Subst.
f. 11 ne se dit qu'avec la prép)siiion de ou un
adjectif i)0Ssessif : Dieu est le conservateur de
toutes choses; il a été notre conservateur. Il se
prend aussi adjectivement : Les lois conserva-
trices des propriétés
Conserver. V. a. de la l"^' conj. On dit aussi
se cojiscrver, dit l'Académie, pour dire se con-
duire si bien, si sagement en un temps difficile,
nu cnlrc des iiersonnes ennemies ou de contraire
humeur, que l'on ne se mette mal avec personne.
File donne pour exemple de cette accci)tion : On a
bien de la peine à se conserver entre deux par-
tis si animés l'un contre l'autre. Féraud observe
avec raison (pie l'.Vcadémie a confondu ici se con-
server avec se maintenir.
Considérable. Adj. des deux genres. Il se met
ordinairement après son sui)st. : Une dépense
considérable, tm ouvrage co7isidérable. Voyez
Conséquent.
Considérablement. Adv. Cet adverbe peut se
mettre entre l'auxiliaire et le participe: Ilacon-
sidérablement perdu on il a perdu considérable-
ment. Il s'emjjloie sans régime.
CoNsiDÉR.vnoN. Subst. f. Ce substantif n'a de
pluriel que dans le sens de raison, motif: Ils'e.it
déterminé par toutes ces considérations.
Consistant, Consistante. Adj. verbal tiré du
V. consister. Il régit la préposition en : Une es-
cadre consistante en vingt vaisseaux. Il ne se met
qu'après son subst.
Consister. V. n. de la l^conj. On ûii la per-
fection de l'homme consiste dansie bon usage de
sa raison. (Acad.) Tout son savoir consiste dans
quelques morceaux qu il a appris par cœur. On
emploie la préposition c/a/i* devant les sulisiantifs.
Devant les verbes, on emploie la préposition à .•
La libéralité consiste moins à donner beaucoup
qu'à donfter ci propos. (La 15ruyèie, Du Cœur,
p. 282.) L'esprit delà conversation consiste bien
moins à montrer beaucoup d'esprit qu'à en faire
trouver aux attires. (Idem, De la Société, p. 2S7.J
Lorsque consister signifie, être composé de, il
régit la préposition en : Son revenu consiste en
rentes, en blés, etc. Cette maison consiste en une
cour, un rez-de-chaussée, trois étages, etc. Cette
flotte cojisiste en tant de vaisseaux.
Consjstorial, Consistoriale. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. Il fait au pluriel con-
sistoriaux.
Consolable. Adj. des deux genres. Il est peu
usité. L'Académie le met avec la négation : Il
n'est pas consolable. C'est la seule manière dont
on puisse l'employer; mais il vaut mieux dire
il est inconsolable.
L'Académie, dans ses observations sur les re-
maïques de Vaugelas, décide (juc consolable ne
se dit point de la douleur. L'usage n'a pas res-
pecté celte décision. On dit consoler la douleur,
et douleur inconsolable : Il était abattu par une
douleur 7?/e rien ne pouvait consoler. (Fénelon,
Télémaque, liv. XVI, tom. II, p. 101.)
Consolant, Consolante. Adj. verbal lire du
V. consoler- Il peut se mettre avant son subst. :
Cette consolante nouvelle. Il régit pour devant
les noms : Cette nouvelle est bien consolante pour
vous ; et de devant les verbes : H est bien conso-
lant pour un père de voir ses enfants se porter
au bien.
Il ne se dit ordinairement que des choses; ce-
pendant, en parlant d'une personne, on dit il
152
CON
n'est pas cnnsolmit ; ot on pnrinnt ironiquement à
une ]tersoiiiic qui picvoit dosclioses alilii-'eMiiles :
f^ous ii'ctcs pus consolant.
Co>soL\TFUR Siibsi. m. Consolatrice. Siibsl. f.
Il régit la piéposilion de : Il est le consilalcur
des affligés. — On l'einitloic adjcctivcniciit : Un
espoir consolateur.
CoNSOLATiF, CoNSOLATivE. Adj. Inuslto <iue l'A-
cadcniio n mis dans son Dictionnaire. On ne dit
pas V7ie in'vvcllc consolatire, mais vve nouvelle
ûonsolai.te. — rascai a employé ce mol plusieurs
l'ois : Je tmus coimncnccrai ce que j'ui ù vous
dire par vn discours bien consulalii" ci ceux qui
ullt assez de liberté d'esprit pour le concevoir au
fort de la douleur. (Pasral, Pensées, |). 34 J) -/e
vous dirai sur cela vu beau mot de saint Augus-
tin , et bien consolalif jooMr de certaines per-
sonnes. (Id., p. 3()U.)
Consolation. Subst. f. Il ne se dit pas seule-
ment du soulagement que l'on donne à rafllir-
tion, a la douleur, au déplaisir de queliju'uu ; il
se dit aussi d'un véritable sujet de salisi'aclioii
ou do joie : C'est V7ie grande consolation pour
un père de voir ses enfants se porter au bien.
On dit avi.ir de la consolation à faire quelque
chose. Cl avoir la consnlalion de faire quelque
chose. la première phrase se dit d'une conso-
lation que l'on se fait à soi-même, d'une chose
à lacpicUe on attache de la consolation : J'ui de
la consi Idlion à penser que vous prenez part «
mes peines, la seconde se dit d'une chose tpii
est Tiaiinenl une consolation par sa nature : Jl
vous en crûlera, sans doute ; mais il y va de ma
vie, et mus aurez la consolation de m'avoir
sauvé. (Marmontel.)
Consoler. Y. a. de la 1"^' oonj. Il peut se dire
des choses, soit en vers, soit en prose : Les scien-
ces et les arts ont éclairé, consolé la terre, pen-
dant que les guerres la désolaient (Voltaire.) //
connaît pour les devoirs pénibles un prix qui
tonsole de leurs rigueurs. (J.-J. Rousseau.)
f^enez consoler mon agonie. (Voltaire.)
De peur d'aigrir les maux qu'elle veut consoler.
Commencez, console* de funestes amours.
On dit consoler quelqu'un dans ses peines,
consoler quelqu'un sur quelque chose, consoler
quelqu'un de quelque chose.
On peut dire il se console d'avoir perdu son
bien ; mais on ne peut pas dire je le console d'a-
voir perdu son bien, la raison en est qu'ici
rin(iiiiiir «roù- doit se rapporter au sujet de la
phrase ; qu'il s'y rapporte dans la première phrase,
et qu'il ne s'y rapporte pas dans la seconde.
CoNSOMMATELR. Subst. ui. C'cst UM tcrmo d'é-
conomie poiiii<iue, qui se dit de ceux qui con-
somment les denrées, par opposition à ccu.xqui
les produisent par le moyen de la culture cl des
fabriciucs : Les cultivateurs, les fabricants et
les consommateurs. Je ne vois pas pouniuoi, on
ce sens, on ne dirait j)as consommatrices au Ic-
minin.
Féraud prétend que con.tommateur ne se dit
que dans cette phrase consacrée : Jésus-Cln-ist
est l'auteur etle consommateur de notre foi. Dans
cette [iliiasc, consouimateur ne signifie pas,
comme dans l'acception préccdcnlc, qui con-
somme; mais qui achève, qui accoini)lit.
Consommation. Subst. f. C'est un terme d'éco-
nomie politique qui se dit de l'action de se ser-
vir des choses qui se détruisent par l'usage,
comme le blé, le vin, la viande, etc., et de l'effet
CON
de celte action : Faire une grande con.tomma-
tion en viande, en blé. Les productions croissent
en raison des cnnsnnimations — Ce mol siguilie
aussi accoinpiisscmeni, achèvement : La con-
sommation du sacrifice, la consommation des
siècles.
Bcauzée dit la consommation du sacrifice, et
la consommation de l'hostie. Bossuet a dit la con-
sorntnation actuelle de l'Eucharistie. Nous pen-
sons que consommation ne doit se dire, on ce
sons, que de la destruction des dourécs par l'u-
sage; et (jue ce terme doit rester dans le langage
du commerce ou de l'économie politique. On
doit donc dire la ctnsomption, et non la consorn-
mation de l'hoslic.
Consommer. Y. a. delà l^conj. Voltaire a dit
{Alz., act. Y, se. vil, 4) dans un sens que l'on
ne trouve i)oint indique dans le Dictionnaire de
V Académie :
Tu Tcux donc jusqu'au bout consommer ta fureur.
En lisant les définitions que l'.^cadi'inie donne
des \cvhcs consommer et consumer, on n'aperçoit
pas bien la différence qu'il y a eiilrc les signiR-
cations de ces deux mots. Consommer, dit-elle,
se dit des choses qui se détruisent par l'usage,
comme vin, viande, bois, et toutes sortes de pro-
visions. Consumer, selon celle même .\cadéKie,
signifie détruire, user, réduire à rien. Or, on dé-
truit, on réduit à rien le vin, la viande, le bois
et les autres sortes de provisions que l'on con-
somme. On peut donc dire également con-
sommer des denrées, et consumer des den-
rées. On le disait autrefois; aujourd'hui on ne
dit plus que consommer en ce sens. 1, 'idée com-
mune de destruction entre dans la signification
d« ces deux mots; mais consommer suppose
une destruction utile, nécessaire, relative à la
reproduction; consumer ne présente qu'une des-
tru-clion pure et simple, abstraction faile de tout
autre rapport: Les habitants d'une ville consom-
ment tant de blé, de vin, etc. \.\\ incendie con-
sume \G's,m-A\?,or\s, lesdélruil. On coHsow/ne beau-
coup de bois dans une maison, |)our se chauffer
ou pour faire la cuisine ; le l'eu de celle chemi-
née était si ardent, i\n"\\ consuma six bûches c/i un
quart d'heure. Consommation est le substantif
de consommer^ cl consomption celui de consu-
mer.
CoNSONNANCE. Subst. f. Ou onlcnd i)ar ce mot
la ressemblance des sons des mots dans la même
phrase ou période. La consonnance se trouve
dans nos rimes, mais nous ne voulons la voir que
là; et nous sommes blesses lorsque deux mois de
même son se trouvent l'un près de l'autre, comme
les beaux esprits pour prix, etc. Si Cicéron, etc.
Mais même, etc. En prose, il faut éviter égale-
mont les rimes et les consonnance?; cependant
elles se trouvent IVécpiemuient dans nos prover-
bes : Qui langue a, à Rome va; à bon chat bon
rat; quand il fait beau, prend ton manteau;
quand il pleut, prends-le si tu veux; qui terre a,
guerre a, etc.
Consonne. Subst. f. On divise les lettres en
voyelles et en consonnes. Les voyelles sont ainsi
a|)i»eléesdu mot voix, parce (prclles se fonl en-
tendre par elles-mêmes, qu'elles forment toutes
seules un son, une voix. Les consonnes, au con-
traire, ne sont entendues qu'avec l'air (jui fait la
voix ou voyelle, et c'est de là ipie vient le nom
de coH*07i«e,c'e.>t-à-dirc {\\\'\ sonne arec un autre.
L'alphabet français a dix-neul consonnes, sa-
CON
voir : h, c, d, f, g, h, j, k, l, m, n, p, 7, r, s, f,
v,x, s. Les consonnes ont reçu difrérenls noms,
relaliveuionl aux divers orgones (jui seivenl a les
prononcer. On api)ellc labiales celles à la forma-
tion desquelles les lèvres sont principalemenl em-
ployées, telles (juc b,p, v, f, m ; linguales, celles
à la formation desiinelles la langue contribue par-
ticulièieiiieiit, telles (|uc d, n, l, r; palatu/es,
celles dont le son s'exécute dans l'intérieur de la
bouche, vers le milieu de la langue et le |)alais,
telles que g, j, c, k, q, el les sons mouillés ill,
il, ail, aille; dentales ou sifflantes, celles dont
le son s'excculc vers la poinic de la langue ap-
puyée contre les lévi'cs, telles (juc z ci c doux;
nasales, celles qui se prononcent un peu du nez,
telles que m, n, gn ; gutturales, celles (jui sont
prononcées avec une as(iii'alion forte, et par un
mouvement du fond de la gorge. Il n'y a de con-
sonne gutturale en français que la lettre h quand
elle est aspirée.
Autrefois on appelait les consonnes hé, ce, dé,
effe, gé, ache, elle, emmc, enne, pé, qu, erre,
esse, té, vé, icse , zède. Mais aujourd'hui on
désigne les consonnes i)ar le son propre qu'elles
ont dans les syllabes où elles se trouvent , en ajou-
tant seulement à ce son pioprc celui de Ve
muet, qui est l'effet de l'impulsion de l'air né-
cessaire pour faire entendre la consonne. Ainsi,
au lieu de dire «h lé, un ce, vn dé, une effe,
on dit vn be, vn ce, un de, un fe, etc.
Suivant cctlc nouvelle appellation, toutes les
lettres de l'alpliabct sont masculines; suivant
l'ancienne, il yen a (jui sont l'cminincs, et d'autres
masculines. Voyez chaque consonnc-a son article.
Dans plusieurs mots on tlouble les consonnes,
ou par raison d'étymologie, comme opposer, of-
frir, à cause d'opponei-e , offerrr; ou contre
l'étyinologie, comme donner, honneur, personne,
homme, etc. , qui viennent de donare, honor,
persona, etc. L'usage seul peut apprendre quand
les consonnes se doublent ou ne se doublent pas
dans un mot. Cependant voici quelques remar-
ques qui pourront cire utiles en plusieurs occa-
sions.
On ne double jamais les consonnes h, j, k,
q, V, x; mais on double les consonnes b, c, d, f,
g, l, m., n, p, r, s et t.
Une règle générale, et qui ne souffre que très-
peu d'exceptions, c'est que (juand les consonnes
sont doublées, et ([uc ce n'est pas par raison d'é-
tymologie, c'est presque toujours parce que les
syllabes qu'elles forment sont brèves. Les con-
sonnes (lui se doublent le plus ordinairement
par celte raison, sont /, m, n, p, t ; comme dans
ces mots inoelle, pomme, couronne, frapper,
trompette. Les mêmes consonnes sont siuq)les
dans les mois pnële, dôme, trône, tempête, parce
que les syllabes qui les précèdent sont longues.
Cependant ces consonnes ne se doublent pas
après toutes les voyelles. Les voyelles a et e, et
surtout la dernière, sont celles qui font le plus
communément doubler le / dans les syllabes
brèves; et ce doublement à l'égard de l'e sert
encore à le faire prononcer ouvert, comme dans
belle, selle, chandelle, libelle, sentinelle, vais-
selle, etc.
Le VI se double souvent après Va, Ve et Vo,
quand la syllabe est brève : Grammaire, anuno-
niac, femme, homme, somme. 11 en est de même
à l'égard du n: Bannir, canne, viéridienne,
colonne.
Le p se double à la fin, et plus souvent au
commencement des mots, après les voyelles a,
CON
153
0 : frapper , envelopper, apprendre, rapporter, op-
poser, opprimer, etc. — L'Académie écrit super,
taper, quoi(;ue l'a soit bref.
Le t se double après a, e, 0, u, mais principa-
lement après e, tant pour avertir (pie la syllabe
est brève ijue pour faire prononcer l'e ouvert :
Patte, battre, bagatelle, viouchclte, etc.
Souvent la raison d'étyniologie empèelie que
les consonnes ne se doublent, quoiipie employées
dans des syllabes brèves, comme dans scandale,
lame, opérer, dispute, etc. Souvent aussi, sans
aucune raison d'étyinologic, les syllabes sont
brèves et les consonnes siuqtlcs, comme dans
cabale, culbute, etc.
On i)cut encore établir une règle générale
pour le doublement des consonnes : c'est que
toutes les fois qu'un mot commence par les
voyelles a ou 0, el qu'elles y sont employées
comme prépositions inséparables, les consonnes
qui les suivent se doublent. On connaît (pièces
voyelles sont employées connue pré|)osiiions
inséparables dans un mol, lorsqu'eii les retran-
chant de ce mot, ce qui reste est un mot fran-
çais (pii entrait (Jans la composition du premier
Ainsi en retranchant la voyelle a du mot ap-
prendre, il reste /)?'(?/irfr(?, qui est un autre mol
français. La voyellcfl y était d<mc employée comme
préposition inséparable, el i)ar conséipient ap-
prendre est un mot composé dont le simple est
prendre. Suivant celte règle, les consonnes sont
doubles dans les mots acclamations, accole?; ac-
commoder, affermir, apparaître, etc. En géné-
ral, quand une voyelle connncnce un mol com-
posé, on double la consonne (pii suit lorsiiuc après
celle consonne il y a une voyelle.
On doit doubler la consoime dans la formation
des temps des verbes quand ce doublement a
lieu à leur racine, (pii est l'inlinitiL On écrira
donc vous frappez , je mouille, vous promet-
tez, clc, parce que rinlinilif s'écrit avec deux
p, deux l, etc. : Frapper, mouil/er, promettre.
Après avoir établi comme règle générale que
quand les consonnes sont doubles, c'est pj-esque
toujours parce (pie les syllabes (prclles fonnent
sont brèves, nous élablirons comme une au Ire règle
générale que le doublement des coiisoimis n'a lieu
pour aucune consonne après une voyelle longue
ou marquée d'un accent cii'connexc. Ainsi, on
écrit côte Cl cnite, bâtiment et battement, tête et
tette, etc.; ajnhition, danse, temple, infraction,
ombre, etc.
Les consonnes les plus favorables à l'harmonie
son! celles qui détachent le plus distinctement les
sons, et (pie l'organe cx('ciile avec le plus d'ai-
sance cl de v(;lul)ililc. Telles sont les articula-
tions simples de la langue avec le i)alais, de la
langue avec les dents, de la lèvre iniérieure avec
les dents, et des deux lèvi-es en^cinhle.
Le /, la plus douce des articulations, semble
comnuini(]uer sa mollesse aux syllabes dures
qu'elle sépare. Fcnelon en a fait un usage mer-
veilleux dans son style : On fit couler, dit Télé-
inaipie, des flots d'huile douce et luisante sur
tous les membres de mon corps. (Liv. Y, I. I,
p. iS'J.)
Le /, si j'ose le dire, est lui-même comme une
huile onctueuse qui, répandue dans le slyle, en
adoucit le frottement; cl le retour fiéipient de
l'article le, lu, las, (ju'on reproche à notre lan-
gage, est peut-être ce qui contribue le i)lus à
bii donner de la mélodie.
Le gazouillement du l mouillé peut servir
quekiuefois à l'harmonie imitable, mais on en
154
CON
doit réserver l'usage pour les peintures qut le
demanileiil. L'articulation iiiouillce (lui termine
le mot règne sérail insoutenable si elle revenait
fréqucuunent.
* Co^splIlANCE. Subst. m. Mot inusité, em-
ployé par Mirabeau dans le iiassaçe suivant : Le
corps social et politique exige que les pouvoirs
qui les gouvernent aient une concordance et une
conspira nce c/i^Tei/x/)our arriver au ii// qu'ils
se proposent, c'est-à-dire à la perlection du gou-
vernement.
Conspiration. Si.bst. f. L'Académie explique
ce mot par conjuration. Ces deux mots ne si-
gnilieiit pas la même chose. La conspiration^ dit
Roubaud, est l'intelligence sourde de gens unis
de sentiments pour se défaire ou se délivrer, par
quebpie grand coup, de certains personnages ou
de certains corps importants , puissants ou ac-
crédités dans l'Élat, et changer la face des
choses, et quclipiefois aiissi pour nuire à des
particuliers. La conjtiratir.n est l'association, ou
plutôt la confédération liée et cimentée entre des
citoyens ou des sujets puissants ou armés, pour
opérer , par des entreprises éclatantes et vio-
lentes, une révolution mémorable dans la chose
publique.
CoNSPiFER. V. a. de la 1" conj. Conspirer à,
c'est concourir à : Tout conspire à la fortune, à
la ruine, à la destruction de, etc.
Tout ce que vous voyei con.«pire à vo» d»»irt.
(Rac, Britan., act. U, 8C. m, 123.)
Tout m'afflige et me nuit et conspire o me nuire.
(Rac, Phéd., act. I, se. m, 9.)
Conspirer contre annonce un mauvais dessein:
Conspirer contre VÉtat; ils conspirent contre
vous. — Il est quelcpiefois actif, et il se dit alors
en mauvaise part : Ils ont conspiré la l'uine de
VÉlat; ils ont conspiré 7ua perte.
Féraud dit que quand conspirer se dit des
choses, il régit la préiwsition à devant l'infinitif:
Tout conspire à me chagriner, à vie ruiner ; et
(lu'cn parlant des personnes, il régit pour. Ce-
pendant \ oltaire a dit en parlant des choses : La
nature conspira avec la fortune pour accabler
l'État. — Conspirer régit à avant un infinitif,
lorsqu'il signifie concourir, et pour lorsqu'il si-
gnifie faire une conspiration.
CoNSTAMjiENT. A(lv. Il pcut SB mettre entre
l'auxiliaire et le participe, surtout quand le sens
du verbe n'est i)as comidet. On dit il a con-
stamment résisté; maison dit mieux encore il
a constamment refusé de répondre. On ne
pourrait pas mci;ic dire autrement. Il a refusé
de répondre constamment offrirait un autre
sens.
Constance. Subst. f. L'Académie définit ce
mot, vertu par laquelle l'àme est affermie contre
les choses qui sont capables de l'ébranler, telles
que la douleur, l'adversité, les tourments, etc.
Celte définition parait plutôt convenir à la fer-
vieté. — La constance est une vertu par laciuellc
l'àme, toujours ferme dans l'état où elle s'est
mise, ou dans les résolutions qu'elle a formées,
y ])ersiste imperturbablement, et ne peut être
ébranlée ni par l'espoir ni par la crainte. La
constance suppose nécessairement une action,
une résolution antérieure dans le sujet. La con-
stance est une conduite conséquente, une réso-
lution soutenue, c'est ce que la dcfinilion de
ÏAcadémie n'indique point. Celle définition ne
convienl point non i>lus à la constance en amour;
CON
celTe que nous donnons y oc;n vient également. La
fermeté est le courage de suivre ses desseins et
sa raison; la constance est une persévérance dans
ses gotits. L'homme ferme résiste à la séduction,
aux forces étrangères, à lui-même; l'homme
constant n'est point ému i)ar de nouveaux objets,
il suit le même penchant, qui l'entraîne toujours
également.
Constant, Constanti:. Adj. Ce mut peut précé-
der son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent ; Celte constante fidélité, ce constant
amour, ^'oyez Adjectif.
Constant régit dans ou en: H est constant
dans l'adversité ; elle est constante en amour OU
dans ses amours.
Il est constant que régit l'indicatif quand le
sens est dffirmalif , et le sul)jonctif ([uand le sens
est négatif ou inlerrogalif : // sst constant qu'il a
dit cela, il n'est pas constant qu'il ait dit cela.
Est-il constant qu'il ait dit cela?
Constant, dans le sens de persévérant, régit
dunsow en : en, lorsquelc substantif qui suit est
pris dans un sens général ou indéterminé: Con-
stant en amour, en amitié ; dans, lorscjue le^b-
stanlifest pris Jans un sens déterminé : Constant
dans ses imours, constant dans la foi.
Consterner. Y. a. de la l"^' conj. Delille et Ra-
cine l'ont dit des choses :
Déjà la Renommée, indiscrèle déesse,
A da ca bruit fatal consterné sa tendreste.
{Enéide, lY, 427.)
Ne vous fig'urez point que dans celte journée
D'un lâche désespoir ma vertu consternée. . .
(Rac, Baj., act. II, se. v, 69.)
On est accablé d'un désespoir, abattu par le déa-
espoir, dit La Harpe, et l'on n'en est pas con-
sterné. On ne peut cire consterné que du déses-
poir d' autrui : Je l'ai vu dans -un désespoir qui
m'a consterné. {Cours de littérature.)
On est consterné des choses ([ui sont l'occasion
de la consternation ; on est consterné par les
sentiments intérieurs qui produisent la conster-
nation : .!e suis consterné de cette nouvelle, de
cet événement; je fus consterné par une terreur
subite.
CoNSTrrDANT, Constituante. Adj. verbal tiré
du V. constituer. Il se dit en style de pratique
et en physitpie : Ledit sieur constituant, ladite
dame constituante. Les parties constituantes
d'un corps.
Constitutif, Constitutive. Adj. Il se mcîl tou-
jours après son subst.
Constitutionnel, Constitutionnelle. Adj. Il
se met ai)rés son subst.: Acte constitutionnel.
Construction. Subsl. f. Terme de grammaire.
Ce mot vient du latin construere, qui veut dire
bàlir, arranger. La construction est l'arrangement
des mots dans le discours.
La netteté du discours dépend beaucoup des
constructions. Mais comment connaitrons-nous
l'ordre que nous devons donner aux mots, si
nous ne concevons pas celui que les idées sui-
vent (piand elles s'offrent à l'esprit? Découvri-
rons-nous couimenl nous devons écrire , si nous
ignorons comment nous concevons? Celte recher-
che parait d'abord difficile; ceiendant elle se
réduit à quelque chose de bien simi)le. F.n effet,
lorsque nous concevons, nous ne faisons et ne
pouvons faire que des jugements; et si nous ob-
servons notre esprit lorsqu'il en fait un, nous
CON
saurons ce qui lui arrive lorsqu'il en fait plu-
sieurs.
A roccasion des Grecs, je puis ponscr aux fa-
Ues qu'ils ont imagiiices, comme à l'occasion des
fables, je puis penser aux Grecs. L'ordre dans le-
quel ces idées naissent en moi n'a donc rien de
fixe.
Mais lorsque je dis les Grecs eut imuginc
des fables, ces idées ne suivent plus aucun ordre
do succession : elles me sont toutes également
présentes au moment où je prononce les Grecs.
Voilà ce qu'on iippelle ji/^/e»-. Un jugement n'est
donc que le rapport aperçu entre des idées qui se
présenleut également à l'esprit.
Quand un jugcmeiU renferme un plus grand
nombre d'idées, nous n'en découvrons les rai>-
porlsque parce tiuc nous les saisissons encore tous
ensemlile. Car pour juger il faut comparer, et on
ne compare i)as des choses (pi'on n'aperçoit pas
en même teinjjs. Lorsque je dis les Grecs igno-
rants ont imaginé des fables grossières, no\\-'s>c\x-
lemenl j'r;perçois le raj)port des Grecs aux fables
imaginées , mais j'aperçois encore au môme in-
stant le c-araclcre d'ignorance que je donne aux
Grecs, et celui de grossièreté que je donne aux
fables. Si toutes ces choses ne s'offraient pas à la
fois à mon esprit, je les modiliei'ais au hasard : il
pourrait m'arriver de dire les Grecs éclairés ont
imaginé des fables raisonnables ; et je ne saurais
pourquoi je préférerais une épilhéle à une autre.
Il est vrai que je puis d'abord avoir dit seule-
ment les Grecs ont imaginé des fables, cl avoir
ensuite ajouté les caractères d'ignorance et de
grossièreté. Par là je n'aurais achevé le jugement
qu'en deux reprises; mais enfin je ne puis m'as-
surer qu'il est exact dans toutes ses parties, que
parce que je l'embrasse dans toute son étendue.
Je dis plus, c'est que si notre esprit sent que
deux jugements ont cpiclque rapport l'un avec
l'autre, il faut nécessairement (ju'il les saisisse
tous les deux à la fois. Les Grecs étaient trop
ignorants pour ne pas imaginer des fables gros-
sières ; et ils avaient trop d'esprit pour ne les
pas imaginer agréables ; on ne saisit l'opposition
qui est entre ces idées que parce que l'on aper-
çoit les deux jugements ensemble.
Quoique plusieurs idées se |)résentent en même
temps à nous lorsque nous pigeons, »iue nous
raisonnons, que nous faisons un système, nous
remarquons qu'elles s'arrangent dans un certain
ordre. 11 y a une subordination qui les lie les
unes aux autres. Or, plus celte liaison est grande,
plus elle est sensible, plus aussi nous concevons
avec netteté et étendue. Si nous détruisons cet
ordre, la lumière se dissipe, nous n'apercevons
plus que quehiues faibles lueurs.
Puisque celte liaison nous est si nécessaire
pour concevoir nos propres idées, on comprend
combien il est nécessaire de la conserver dans le
discours. Le langage doit donc exprimer sensible-
ment cet ordre, cette subordination, celte liaison.
Par conséquent, le principe (pie l'on doit se faire
en écrivant est de se conformer toujours à la plus
grande liaison des idées.
Ce iirincipe donnera au style différents carac-
tères. Si nous réllèchissons sur nous-mêmes,
nous remarquerons que nos idées se présentent
dans un ordre qui change suivant les sentiments
dont nous sommes affectés. Telle dans une occa-
sion nous frappe vivement, qui se fait à peine
apercevoir dans une autre. Do là naissent autant
de manièics de concevoir une même chose, que
nous éprouvons successivement d'espèces de
CON
155
passions. De sorte que si nous conservons cet or-
dre dans le discours, nous conununiquerons nos
sentiments en communi(piaut nos idées.
11 est essentiel d'observer (pic dans une propo-
sition tous les mots sont subordonnes à un seul.
Dans cette plii:;se, im prince éclairé est persuadé
qve tous les hommes sont égaux, et qu'il ne se met
au-dessus d'eux qu'en donnant l'exemple des
vertus ; éclairé est subordonné à prince; est per-
suadé, à prince éclaii-é ; qve tous Icshavuncs sont
égaux et qu'il ne se met au-dessus d'eux, à per-
suadé ; et qu'en leur donnant l'exemple des ver-
tus, il ne se met au-dessus d'eux.
Le propre des mots sulxirdonnés est de modi-
fier les aulrcs,.soit en lesdélcnninant, soit en les
ex|)liquant. Éclairé modifie prince, parce (ju'il
le détermine à une classe moins générale; et tout
le reste de la phrase modifie/)rj«ce éclairé, parce
qu'il cxidique l'idée qu'on s'en fait. 11 faut rcmar-
(luer aussi que tous les mots des [iropositions
particulières sont subordonnés les uns aux autres,
dans le même ordre où ils sont ici placés.
Ces rapports de subordination se reconnaissent
à différents signes : au genre et au nombre , jom»-
ces éclairés, princesses éclairées; à la place que
les mois occupent, comme on le voit dans tout le
tissu de cette phrase; aux conjonctions, comme
dans cet exemple, qve, et; aux prépositions,
comme de et à.
Quand je considère dans mon esprit le juge-
ment par lequel j'attribue la justice à Dieu, je vois
deux idées, celle de Dieu cl celle de la justice, et
je les vois liées d£ manière que l'une esl subor-
donnée à l'autre. En effet, en liant ces deux idées
pour en former un ju^^emenl, la premicre qui s'est
présentée à mon esprit, c'est celle de Dieu ; car il
faut connaître un objet avant de lui allribuer quc;!-
<iue chose. X>teM est donc l'idée première, i'idcc
principale, et justice l'idée seconde, l'idée sub-
ordonnée; et si je veux exprimer d'une manière
claire ce jugement par des mots, il faudra (jne je
conserve dans l'arrangement de ces mois l'ordre
qui existe dans les idées que chacun de
ces mois exprimera. J'énoncerai donc le sujet
«vant l'attribut, el pour faire comprendre que ces
deux objets sont liés dans mon esprit, je placerai
entre l'un et l'nulrc le verbe iiui_ exprime cette
liaison. Je dirai donc Dieu est juste, et par la
place que je donne à chacun de ces mots, j'exprime
les rapports qui les déterminent successivement,
et la liaison qui les unil, pour en former une pro-
position complote.
Voilà la construction naturelle des mots essen-
tiels d'une proposition simple. Mais chacun de
ces mots peut être modifié par d'auUes mots.
Voyons quelles peuvent être ces modilicaiionsct
comment elles doivent être i)lacées.
Les modifications sont ou des adjectifs, ou des
adverbes, ou des substanlil's précédés d'une pré-
position, ou d'autres propositions, ou tout cela
ensemble. Nous allons traiter successivement
des modifications du nom, de celles du verbe, et
de celles de l'atribut, en expu.sant les excellents
principes ipie Condillac a donnés sur cette ma-
tière.
Des modifications du nom. — Le nom est pro-
prement le premier terme de la proposition, puis
que c'est à lui que tous les autres se rapportent.
1 Ouand la modification du nom est un adjectif,
là liaison est égale, (iuel<iuc arrangement (lu'on
suive. Lorsque je dis courageux soldat, on voit
bien qu'au moment où je [)rononce courageux,
je pense à un nom que j'ai dessein de modifier.
15G
CON
Soldat, quoique énonce le second , est donc le
premier <l;ins l'ordre dos idées, cl covraqeux est
un mol siiliurdoiiné. De là n:iissenl deux sortes
deconslriiclions : l'une (]iii suit la siibordiniilioii
des mots, et que nous nommerons construction
directe, comme dans soldat cnvruçieva: ; l'autre
qui s'en crarie, el t|ue nous nommerons construc-
tion renversée, ou inversion, comme dans cou-
ragevx sddat.
Mais l'usîige ne laisse pns toujours la liberté de
mettre à notre choix l'adjectif avant ou après le
nom , et il ne parait pas suivre en cela de loi bien
fixe. Voyez adjectif.
Si le nom est moilifio par un suiislanlif précédé
d'une préposition, ou ce subslantil'e^t pns d'une
manière vague, ou il a ini sens déterminé. Dans
le premier cas, l'usage ne permet qu'une seule
construction : L'homme de fortune a presque
tovjovrs des reve7-s à craindre ; on ne dira pas
de fortune l'homme. Dans le second cas, on a le
choix cnire deux constructions; on i)cul dire :
Enfin les revers de la fortune sont ù crctindre,
et de la fortune enfin les rerers sont ù craindre.
De la frtune est une idée déicrmiiiée, sur la-
quelle l'esprit s'arrôic; il attend le nom qu'elle
modifie, et il lie l'un à l'autre. Il ne lui est pas
si naturel de se lixer d'abord sur une idée va-
gue; c'est pourquoi l'on ne peut pas dire de for-
tune l'homme.
Il faut remarquer que la transiiosilion du sub-
stantif avant le nom qu'il modifie demande qu'ils
soient séparés l'un de l'autre par quelque ciiose,
et cela ne nuit pas à la liaison des idées; car il
y a des cas où les idées ne sont liées qu'autani
que les mots se suivent immédiatemenl, el il y en
a d'autres où la conslruciion écarte les idées jiour
en rendre la liaison plus sensible. Tout railifice
consiste à présenter d'abord l'idée qui, dans l'or-
dre direct, devrait élre la dernière; l'esprit la fixe
et la lie lui-même a celle dont elle esl sé|>arée, et
qu'elle lui a fait attendre. Quand on lit de la for-
tvne, on attend le nom que ce substantif déter-
mine; el aussitôt (]u'on lit les revers, la liaison
est faite. Or, la liaison est la même, soit que la
construction ra[)proche elle-même les idées en
rapprochant les mois, soit qu'elle écarle les mots
avec cet art qui engage l'esprit a rapprocher lui-
mêmeles idées. Ccsdeuxconsîruclionsont chacune
des avantages, et sont, selon les cas, piéférables
l'une a l'autre. L'ordre direct est le point fixe que
l'on ne doit jamais perdre de vue. Les construc-
tions peuvent s'en écarter; mais il faut (ju'elles
puissent y revenir sans effort, aulremeni elles se-
ront obscures, ou du moins embarrassées. De la
fortune enfin les revers sont a craindre, ne s'en-
tend (pie |)arce que resjirit rétablit naturellement
l'ordre direct, qui esl lesrevers de la fortune sont
à craindre.
Dans CCS phrases : Un excellent fruit d'I-
talie, vn fruit excellent d'Italie, le nom frvit
esl m.odilic par un adjectif, excellent, el par un
subslaniif indélerininé, précédé d'une préposi-
tion, d'Italie. On a ici deux consiruclions, parce
(\n'excellenl peut avoir deux |)laces différentes.
Dans la première, cependant, fruit se lie mieux
avec ses inodilieations, parce qu'il esl place entre
les deux; aussi esl-elle préférable. Avec l'adjectif
bon on n'aurait absolument qu'une consiruction,
parce <iue l'adjectif bon ne peut pas être mis après
son suhstaiiiif, el que par conséquent on ne peut
pas dire fruit hon.
Quand le siibstanlifqui modifie esl déterminé,
on a quelquefois quatre constructiims, et d'au-
CON
1res fois deux. Exemples de quatre constructions :
La victoire sanglante de Fontenni; la sanglante
victoire de l'ontrnji ; de Fontenoi la victoire
sangUmtc ; de Fontenoi la sanglante victoire.
Exemples de deux constructions : Les attirails
assujettissants de la grandeur; de la grandeur
les attirailsassiijcttissunts. On a le choix de qua-
tre coiislructiuiis dans la i)reinière phrase, parce
(pic l'adjcciif |)eul se metire avant ou après le
subslanlif ; il n'y en a que deux dans la seconde,
parce que l'adjectif doii nécessairement suivre le
subslanlif. Chacune de ces constructions a son
usage, comme on le verra dans la suite; elon ne
doit pas les employer indifféremment. On dira
l'ambitieux , l'intrépide , le téméraire roi de
Suède, et le roi de Suède ambitieux, intrépide,
téméraire ; et on ne dira jamais, le roi ambitieux,
intrépide , téméraire de Suède. De Suède esl
un substantif pris vaguemeni, el qui par consé-
(pient ne peul pas élre séparé du nom qu'il mo-
difie.
Si l'on voulait n'employer qu'une seule épi-
Ihcle, on ne pourrait la Iransporier après le sub-
slanlif (jue dans le cas où elle sciait accompagnée
de quelque circonstance, et comme renfermée
dans une parenthèse. Vous ne direz pas le roi
do Suède téméraire entreprit, quoi(iue vous
puissiez dire le roi de Suède, téméraire en cette
occasion , entreprit. Alors téméraire est à sa
place, parce qu'il doit se lier à la circonstance
exprimée par ces mots, en cette occasion ; vous
pourriez dire aussi, téméraire eji cette occasion,
le roi de Suède entreprit.
11 faut toujours prendre garde que les transpo-
sitions ne donnent point lieu à des équivoques.
Ne dites donc pas peintures des mœurs vires et
brillantes; car d'un côlé on verrait que vous
voulez que les épilhèlcs moiWficni peintures, et
de l'autre elles paraîtraient modifier mœurs.
On peul encore remanjucr qu'il doil y avoir
une certaine proportion enlre les parties d'une
phrase. Si celle proportion n'y élait pas, l'oreille
en serait blessée; et tout ce qui l'offense cause
une distraction qui ne permet pas à l'esprit de
saisir égalemenl la liaison des idées. Ne dites donc
pas on trouve dans La Bruyère des peintures
vives, brillantes et vraies des mœui-s. Il serait
mieux de retrancher quchiue chose d'un côté el
d'ajouter de l'autre, en disant on trouve dans La
Bruyère des peintures vives et brillantes des
mœurs de son siècle. En général, il ne faut pas
multiplier les épithéles sans nccessiK', car tout
mot qui n'est pas nécessaire nuit à la liaisi^n. Au
reste, sans compter les épiihcles, il suffit d'avoir
lespril juste pour discerner les consiruclions qui
allèrent la liaison des idées; il serait ridicule de
s'assujettir a coinpierles mois.
Si la modification est une proposition, elle se
joint au nom par le moyen des adjectifs conjonc-
tif qui, que, dont, etc., précédés quelquefois
d'une préposition : L'homme qui m'a parlé de
vous, que vous connaissez, à qui vous avez obli-
gation. Ces propositions inciilenles doivent tou-
jours suivre le nom lorsqu'elles en sont les seules
modifications. S'il y en a plusieurs, il faut les
disposer dans la gradalion des idées : l'urenne,
qui attaqua les troupes de l'Empire avec une
armée bien inférieure, qui les défit dans plu-
sieurs combats consécutifs, et qui rnit nos fron-
tières à l'abri de toute insulte.
Si la modification esl tout à la fois formée par
des adjectifs, des substantifs el des proi)ositions,
les adjectifs el les substantifs se construisent
CON
comme nous l'avons rciiiarqué, et les i»roposi-
tions incidentes ne viennent jamais qu'après : La
sanglante victoire de Fontenoi , sur laquelle
M. f^oltaire a fait iinpoëine. On voit par là (|iio
les modilicalions qui licnnenl le plus au nom sont
celles qui smit expiiuices par un adjectif ou par
un subslanlif précédé d'une préposition; (ju'il
est de la nature de l'adjeclif conjonctif d'être
toujours entre les idées qu'il lie ensemble, et ([ue
par consé(|ucnl les propositions incidentes ne
sauraient cire transposées.
Des modifications de Vutlrihtit. — Quand l'at-
tribut est un adjectil", il |)cul cire modifié i)ar un
adverbe ou par un sui).Manlirpréccdé d'une pré-
position, les adverbes de quanlilé doivent tou-
jours précéder l'adjcctil' : Les plié numèiies sont
plus communs depuis que les observa leurs sont
moins rares. Ceux de manière pcnivenl le iirécé-
der ou le suivre : // est ouvertement a:ubitieux,
il est ambitieux ouvertement. Si les suhslanlifs
précédés d'une jiréposition sont l'éiiuivalciU d'un
adverbe, ils doivent eue placés après l'adjectif:
Jl est économe sa/is avarice, il est courageux
avec prudence. Ces expi'cssions , sans avarice,
avec prudence, mariiucnt la manière dont on est
économe ou coura^'cux. Mais si les subslaniils
précédés d'une pré|)osition indiquaient moins la
manière que le rapport au terme, à la cause, ou
à queUpies circonstances, alors les transpositions
auront lieu ou n'auront pas lieu, suivant les cas :
La tige des plantes est toujours perpendiculaire
à r/io?-z.30/j; rapport au terme. Un prince 71'est
grand que par les connaissances et les vertus;
rapport à la cause. On est bien inférieur aux
autres quand (,71 ne leur est supérieur que par
la naissance ; rapport à une circonsiance. Dans
ces exem[)lcs, aucun des noms précédés d'une
préposition ne saurait changer de place.
Quelquefois l'adjeclif et le verbe sont renfer-
més dans un seul mot. Alors rien n'est si com-
mun que d 'S exemples où les transpositions ne
sont pas permises: J'envie mieux commander à
ceux qîii possèdent deVor que d'en posséder moi-
même , disait Fabricius aux ambassadeurs de
Pyrrhus.
Exemples où la transposition peut se faire :
Aux yeux des flatteurs, un tyran est un grand
homme i mais aux yeux de son peuple, Vest-il?
Pour son âge, il est bien peu ucancé. Avec de
l'attention, on se corrige de ses mauvaises ha-
bitudes ; avec de l'application, on en acquiert de
bonnes. On jiourrail égalcmenl dire un tyran est
un grand homme aux yeux des flatteurs, mais
Vest-il aux yeux de so?i peuple ? Jl est bien peu
avancé pour son âge, etc.
Après Sait l parait David, David paraît après
Saiil. Dans ces deux constructions , les idées
sont également liées, car l'une n'est (jue le ren-
versement de l'antre. Mais dans David après
Saiil parait , après Saiil David paraît, la liai-
son n est pas si grande. Si nous ajoutons sur le
trône, voici les constructions où les mois se sui-
vront dans la plus grande liaison. Après Saiil,
David parait sur le trône, sur le trône David
parait après Saiil. La liaison ne serait plus si
sensible si l'on disait David paraît après Saiil
sur le trône; car sur le trône est une ciicon-
stance qui ne doit fairequ'une idée avec le verbe
paraît. Si le nom est accompagné de plusieurs
niodilications, on ne pourra se permettre ((u'une
seule construction : Après Saiil paraît un Da-
vid, cet admirable berger, vainqueur de Goliath
et de tous les ennemis du peuple de Dieu;
CON
157
grand roi, grand conquérant, grand pr.phète ,
di(/ne de chanter les mervei''es de lu toute-
puissance dirine, homme enfin selon le cœur de
Dieu, et qui par sa pénitence a fait même tourner
son crime ci la gloire de son Créateur. (IJossucl,
Disc, siirl'hist. univ., 1" pa;'l.,chap. \', p 23)11
est aisé de sentir i^uninoi cette conslrndion est
la seule bonne. David paraît après Saiil, voilà
les parties essentielles de la proposition, et le
principe de la liaison des idées exige (pi'elles
soient rapprochées leplusiiu'il est possible; or,
dans la phrase (jn'on vicnj de lire, ces parties
essentielles se toiudient. I^lles seraient s(';parées
d'une manière cho(]nanlc si l'on disait ■ David,
cet adiitirablo berger, vainqueur de Goliath et
de tous les ennemis du peuple de Dieu; grand
roi et grand conquérant, grand prophète, digne
de chauler les merveilles de la toute-puissance
divine, homme enfin selon le cœur de Dieu, ci
qui par sa pénitence a fait mémo tourner soji
crime à la gloire de soti Créateur, parait après
Saiil.
Il faut observer sur les lemi» composés, qu'on
peut dire également : Les flatteurs vi us ont gâté
priidigieusement , OU vous ont prodigieusement
gâté. Mais l'usage ne laisse [ras la liberté de
transposer tous les adverbes, et on ne peut
dire, par exemple, les flatteurs vous ont gâté
bien, (^iiand la modification est exprimée par un
substantif précédé d'une préposition, elle ne doit
jamais précéder le participe. On ne dira pas il
710US a avec magnificence traités, quoiipi'on dise
il nous a 7uagnifiqucment traités. La raison de
cette différence, c'est cpie la modification ne
formant (prune seule idée avec le participe, on
ne peut la faire précéder que dans le cas où l'on
ne craindrait pas tiu'elle se liât avec le verbe. Or,
dans il 710US a avec mag/iificence, avec semble-
rait se lier au verbe a.
Lorsque l'allribul est un substantif, ses modi-
fications doivent suivre les règles (pic nous avons
établies en paiianl des modifications du nom ou
du sujet, en observant cependant (jue les trans-
positions ne sont pas aussi fié(pientes avec l'at-
tribut. (Juoiiju'on pnjssc liirc le téméraire roi de
Suède a ruiné ses Etats, on ne dira pas Char-
les XII était un téméraire roi. La laison en est
sensible. Au conmiencement de la proposition,
le sujet n'est d'abord lié a rien, puis(iue c'est à
lui (pie tous les autres mots doivent se lier à
mesure (|u'ils sont énoncés. Il est donc indiffé-
rent (jue je le nomme directement, ou (]ue je
l'annonce |)ar un qualificatif (pii le fait attendre
naturellement; je dirai donc égalemcnl bien u/i
fruit excellent, un excellent fruit. Mais lors(]ue
le nom est l'attribut de la |)roposilion, il est lié
d'avance avec le verbe, il est attendu immé-
diatement avec le verbe, et je romps la liaison, je
lrorni)e l'attente, si je fais paraître un inodifi-
catif de ce nom avant ce nom même. Quand j'ai
dit Charles X II était, on attend l'allribul. Si je
dis un téméraire, ce qui n'est (pi'un (inalificatif
de l'allribul, la liaison est rompue: si je dis un
roi, elle est enliére.
Des modifications duverbe. — En |)arlant des
modifications de ratiribnt, nous avons parlé des
verbes qui le renferment. Il ne s'agira donc ici
que du verbe être, qui est distinct cl séparé de
raltribni.
Les modifications du verbe être comprennent
les circonstances de temps, de lieu, d'oidre, et
le degré d'assurance avec leipul on juge. Ces
modilicalions peuvent prendre différentes places.
158
CON
On peut dire ("iralcmcnt : Les conseils agréables
sont rarement des conseils utiles; ou rare-
ment des conseils agréables so7it des conseils
utiles. Ce qui flatte les passions n'est pas
d'ordinaire ce qui rend heureux ; ou d'ordinaire
ce (jui flatte les passions n'est pas ce qui rend
heureux. Il était déjà bien habile il y a deux
atis. Déjà cl il y a deux ans sont des inodili-
cations du vcrlic être : la première ne peut se
déplacer, parce turclic tient essenlicilonienl au
veri)c; la seconde [)eul être mise au cominonce-
menl, parce (pi'cllc lient à la proposition entière.
11 ne faut jamais perdre de vue que les idées
ne sont j;imais plus liées (jue lorsquo l'onirc est
direct , et qu'on ne doit se permettre des in-
versions qu'autant que la liaison demeure la
même.
Des propositions composées par la multitude
des rapports. — Nous avons examiné les pro-
positions composées par différentes modifica-
tions; nous allons maintenant examiner celles
qui le sont par la multitude des rapports.
Un verbe peut avoir rapp^irl à un objet : J'en-
voie ce livre ; à un terme, à voire ami; à un
motif ou à une fin, pour lui faire plaisir; à une
circonstance, dans sa nouveauté; à un moyen,
par une commodité. 11 semble d'abord qu'il suf-
firait d'ajouter toutes ces choses les unes aux
autres; cependant le plus médiocre écrivain ne
se permettrait pas celte phrase : J'envoie ce livre
à votre ami pour lui faire plaisir, dans sa nou-
veauté, par une commodité. Cherchons la ma-
nière dont doivent être construits ces différents
rappi)rls.
Premièrement , le même rapport a beau être
répété, la [)hrasc n'en sera pas moins c .irrecle.
Telle est la phrase suivante, qui est très-claire,
a[U4iquc le rapport d'objet y soit répété cinq
f«is : Vous ne connaissez pas Tcnnui qui dévore
les grands, Z'obsession où. ils sont de cette mul-
titude de valets dont ils ne peuvent se passer,
rinqtiiétudc quiles porte à changer de lieu sans
en trouver un qui leur plaise, la peine qu'ils
ont à remplir leur journée, et la tristesse qui
les suit jusque sur le trône [Lettres de madame
de Main tenon). Dans ce cas, ou il y a quelque
gradation entre les idées , ou il n'y en a point.
S'il y a une gradation, il faut s'assujettir à Tordre
qu'elle inditjue ; s'il n'y en a point, on peut les
disposer comme on veut, ou du moins on n'a que
l'oreille à consulter.
Les liomains savaient profiter admirablement
de tout ce qu'ils voyaient du7is les autres peu-
ples de coinviodc pour les campements, [lour les
ordres de bataille, pour le genre même des ar-
mes, en un mot, pour faciliter tant l'attaque
que la défense. (BuSsuet, Disc, sur Vhist. univ.,
IIP part., chap. vi, p. 46y.) Voilà un exemple
où un adjectif, commode, a l'apport à plusieurs
lins indiquées par la |)rcpositiou pour. Que ce
soit un verbe ou un adjectif, et quelque soit le
rapport, pourvu (}u'il soit toujours le même, il
est évident que la construction ne souffre point
de difficulté. La gradation des idées était le
genre des armes, les campements et les ordres
de bataille; mais Bossuel a fait un renverse-
ment, parce qu'il a voulu faire sentir jusipi'où
les Romains portaient l'attention qu'il leur at-
tribue ; c'est à quoi contribue encore l'adjectif
même.
Comme il y a une gradation entre les rapports
de même espèce, il y en a une également entre les
rapports d'espèces différentes. Le verbe est plus
CON
lié à son objet qu'à son t'arme, et à son terme
qu'à une circonstance. Si, par exemple, je m'in-
terromps après avoir dit l'envoie... on ne me de-
mandera pas d'abord à qui? ni où? à moins qu'on
ne si'it d'ailleurs ce que j'ai dessein d'envoyer;
on demandera quoi^ Si j'ajoute un livre, la
première «pieslion ne sera \)ni pourquoi? m par
quelle occasion? mais plutôt à qui? On volt
par 11 que ce qu'il y a de plus lié au verbe,
c'est l'objet, et qu'après l'ob'et c'est le terme. II
sera donc mieux doiVivc j'envoie ce livre à votre
ami, (\\\c j'envoie à vire ami ce livre. Remar-
quons que le sens de celte phrase , pour êlre
fini, doit renfermer im objet et un tenue; et
qu'il n'est pas nécessaire qu'il renferme les cir-
constances, le moyen, la fin ou le motif. Or, on
peut appeler nécessaires toutes les idées sans
lcs(iuelles le sens ne saurait être terminé, e"
sur-ajoutécs les cirronstances, le moyen, la fin,
le motif, toutes les idées en un mot qu'on ajoute
à un sens déjà fini.
Puisque le sens est terminé indépendamment
des idées sur-ajoulées, il est évident que lorsque
aucune n'est énoncée, le verbe ne poitc pas à
faire des questions sur l'une plutôtque sur l'autre.
Files n'y sont pas liées essentiellement. Si l'on fait
des questions, ce sera uniquement par un esprit
de curiosité, et elles pourront avoir jiour objet les
circonstances plutôt que les moyens, les moyens
plutôt que la fin, et réciproquement. Je puis
ajonter une circonstance à la phrase donnée pour
exemple : J'envoie ce livre à votre ami dans sa
nouveauté, n'altère point la liaison des idées; elle
est à sa place, et la construction est bien faite. Je
puis encore substituera la circonstance, la fin ou
Icmoyen, et je dirai également h'Kn, j'envoie ce
livre à votre ami, pour lui faire plaisir; ci j'envoie
ce livre à votre ami par une commodité. Mais si
je veux rassembler les circonstances, les moyens
et la fin, je n'ai pas de raison pour commencer par
l'une de ces idées plutôt que par l'autre; voilà
pourquoi la construction devient choquante. Cha-
cune d'elles a le même droit de précéder, et la der-
nière paraît hors de sa place. Lors donc que je
dis j'envoie ce livre à votre ami, dans sa nou-
veauté, pour lui faire plaisir, par une commo-
dité, ces idées, j^our lui faire plaisir, par une
commodité, terminent mal la phrase, parce qu'elles
sont trop séparées du verbeauquel elles se rappor-
tent, et que d'ailleurs elles ne sont pas liées entre
elles.
la multitude des rapports n'est donc un dé-
faut que parce qu'elle altère la liaison des idées;
et cette altération commence lorsiju'à l'objet et
au terme on ajoute encore deux rapports, la règle
générale est donc que le verbe ne peut jamais
avoir que trois rajiports après lui. Je dis après
lui, car le sens étant fini indépendamment des
idées sur-ajoulées, le verbe ne leur manpie point
de i)lace; il n'est pas plus lié aux unes qu'aux au-
tres, et elles peuvent commencer ou terminer la
phrase.
Par le moyen de ces transpositions, on peut
faire entrer dans la même phrase un rapport de
plus. On dira donc : Pour faire plaisir à votre
ami, je lui envoie ce livre dans sa nouveauté ;
et cette construction est mieux (\\\c, j'envoie ce
livre à votre ami, dans sa nouveauté, pour lui
faire plaisir. Quand nous commençcms la pre-
mière construction, l'idée sur-ajouléc pour faire
plaisir à votre ami attire noire attenlion, et nous
fait attendre le verbe auquel elle est subordonnée
Aussitôt donc que nous Visons j'envoie, nous l'y
CON
lions naturcllcmcnl. Il n'en est pas de même do
la seconde construclion. Au contraire, quand
nous arrivons au mol «oKreaw^e, nous n'attendons
plus rien. Le sens portera bien a lier encore /jot/r
lui faire plaisir à j'envoie, mais la liaison ne se
fera pas si naturellement. Il faut qu'une phrase
semble faite d'un seul jet; il ne faut pas qu'on
paraisse y revenir à jdusieurs rciu'ises. Or, (juand
on ajoute à la lin plusieurs idées à un sens fini,
il semble qu'on a oublié ce qu'on veut dire, et
qu'on est obligé d'y revenir à iilusicurs fois.
La règle est donc qu'on peut faire entrer dans
une pbrascaulant d'idées sur-ajoutéescju'on veut,
lorsqu'elles ont tontes le nicmc rapport avec le
verbe; mais si elles ont dos rapports différents,
on n'en pciU faire entrer (pj'une, lorsqu'on n'en
mel poiiU au commencement ; et on en peut faire
entrer deux, lorsqu'on en met une au coumicncc-
ment et une à la lin.
Il ne faut pas croire cependant qu'on soit tou-
joure libre de changer la jjlacc des idées sur-ajou-
lécs. Dans, le mi reçut fièrement les députés de
Tournay,pour avoir osé tenir en saprésence (Fel-
lisson, Hist. de Louis Xlf^, liv. Y, l ii, p. 171),
on ne peut rien transposer. Mais s'il avait d'abord
été question du roi cl de ces députés, on aurait
pu dire également le mi les reçut fèrement pour
avoir osé tenir en sa présence, ou pour avoir osé
tenir en sa présence, le roi les reçut fièrement.
Il faut éviter les transpositions,'lorsqu'ilcn peut
naître quelque équivoque. Quoiqu'on puisse
dire par la voie de l'expérience, la philosophie
fait des progrès, on ne dira i)as, ce n'est pas en
imuginant qu'on découvre la vérité; par la voie
d^s expériences, la philosophie fait des progrès.
ÇA\v,par lu voie des e.rpériences, se rapporterait
a ce qui précède, comme à ce qui suit.
Le terme n'a pas une jilace aussi fixe que l'ob-
jet, et l'on peul souvent le transposer. Juw yeux
de l'ignorance, tout est prodige ou tout est natu-
rel, fait un sens fini; ce qui montre que le terme
peul être au nombre des idées sur-ajoulées. Les
circonstances peuvent à leur tour devenir dos
idées nécessaires. En voici un exemple lire de
Bossuel : Près du déluge se rangent le décroisse-
mcnt de lu vie humaine, le changement dans le
vivre, et une nouvelle nourriture substituée aux
fruits delà terre; qiie/qnes préceptes donnés à
Noé de vive voix seulement , la confusion des
langues arrivée à la tour de Babel, etc. {Disc.
sur l'hist. univers., l" part, chap. ii, p. 13.)
Près du déluge cs\. une circonstance absolument
nécessaire pour terminer le sens du verbe se ran-
gent. Ecmarciuons que Bossuel n'a i)as suivi l'or-
dre direct, |>arcc (ju'il l'a irouvé moins jjropre à
lier les idées. En effet, s'il ciit dit le décroisse-
ment de la vie humaine, le changement dans le
vivre, etc., se rangent près du déluge, l'esprit
eût été suspendu |)ar l'énumération de cette uuil-
tilude de sujets, cl la liaison n'eût été formée
qu'a la fin de la phrase; au lieu que, dans la con-
struction qu'il a choisie, chaque nom se lie au
verbe à mesure (]u'il est prononce. Avec un peu
de réflexion, on sent facilement les occasions où
l'on peul à son choix se permettre l'ordre direct
ou l'ordre renversé. On peul dire également le
rouge, l'orangé, le jaune, le vert, le bleu, l'in-
digo, le violet, entrent dans la composition de
chaque faisceau de lumière, ou dans la compo-
sition de chaque faisceau de lumière entrent le
rouge, l'orangé, etc. Mais quand je disque deux
constructions sont bonnes , c'est que je con-
sidère une phrase comme isolée. Dans la suite
CON
159
d'un discours, le choix n'est Jamais indifférent
Nous avons vu que l'objet doit suivre le verbi-
et précéder le terme, et cela est vrai toutes les
fois que l'objet et le terme ne sont pas plus com-
posés l'un que l'autre. Mais si l'objet est plus
composé, le principe de la liaison des idées veut
que le terme précède l'objet. On dira fort bien
avec madame de Maintenon : M. dv Cutinatsait
son métier, jnais il ne connaît pas Dieu ; le roi
71 aime pas à confier ses affaires à des gens sans
dévotion. (Lettre xli, à la comtesse de Saint-
Géran.) Ce tour exprime mieux, (lUc le roi n'aime
pas à confier à des gens sans dévotion ses affai-
res, etc. Mais si l'on disait M. de Cntinat ne con-
naît pus Dieu, le roi ne confie pas le commande-
ment de ses armées à des incrédules, ce lour ne
serait pas le meilleur, quoitpie les idées y suivent
le même ordre que dans le premier exemple. 11
serait mieux de transporter le terme avant l'objet,
cl de dire : Le roi ne confie pas à des incrédules
le commandement de ses années. La raison de
cette transposition, c'est cpie ce terme est trop
éloigné du verbe, lorsipi'il en est séparé par un
objet exprimé en beaucuup plus de mots. S'il
était lui-même à peu près aussi composé, il fau-
drait lui faire reprendre sa place, et préférer ce
lour ; Le roi 7ie confie pas le commandement de
ses armées à des hommes qui sorit sa7is reli-
gion, à celui-ci, le roi 7\e confie pas à des hom-
mes qui sont sans i-eligion le comviundement de
ses armées. Lorsqu'il faut que le terme ou l'objet
soil séparé du verbe par plusieurs mots, c'est par
le terme qu'on doit finir, jiarcc que par sa nature
il est moins lié au verbe. C'est ainsi que, suivant
les circonstances, les mêmes idées s'arrangent dif-
féremment. Ces règles reviennent à celles que
nous avons données pour la construction des
compléments. "V'oyez Complé7iie7its.
Des propositions composées de plusieurs su-
jets ou de plusieurs attributs. — On peut com-
parer plusieurs sujets avec un même attribut,
plusieurs attributs avec un même sujet, ou tout
à la fois plusieurs sujets et plusieurs attributs;
et dans tous les cas, on a une proposition com-
posée de plusieurs autres. La construction de
ces sortes de propositions ne souffre point de
difficulté. Lorsijue Boileau peint la mollesse par
ce vers {Lutr., II, 164) :
Soupire, élend les bras, ferme l'œil, cl 3'endort,
il renferme quatre attributs dans une proposi-
tion, cl il les présente dans la gradation (jui les
lie davantage. L'ordre des mots est donc alors
déterminé par la gradation des idées, et on n'a pas
à choisir entre deux constructions. Si la gradation
n'a pas lieu, les idées seront également liées, quel
que soit l'ordre qu'on leur donne. En pareil cas
les constructions seront arbitraires, il suffira de
consulter l'oreille.
De la construction des diverses propositions
entre elles. — On distingue dans le discours des
propositions principales, des projiosiiions subor-
données, et des propositions incid'Mites. Exami-
nons comment ces diverses propositions se lient
entre elles.
Les propositions principales se lient par la
gradation des idées, par les conjoncti(ms, par
l'opposition, ou parce que les dernières expli-
quent les premières. Par la gradation : D'un
côté, Vâme donne son attention, elle compare,
elle juge, elle réfléchit, elle imagine, elle rai-
sonne ; de l'autre, elle a des besoins, des désirs,
160
CON
elle a des passions, elle pense, en un mot. Par
la enul;iliuii ol les conjonctions: Le peuple at-
tache uniquement son estime aux richesses et
au povvbir, cl les arands selineurs se laissent
gouverner par l'opinion du peuple, l'ar l'oiilio-
silioii : le désœiivrcincnl fait sentir le poids
des grandeurs, roccupalion les rendrait faciles
à supporter. Par l'opposilion el par les con-
jonclions : Les Macédoniens savent combat-
tre tes hommes, mais les Scythes savent com-
battre la faim et la soif. IMirascs liées à une
aulrc, parce qu'elles s'cxplitiuent : Chaque espèce
commence où une autre finit. Rien ne ressemble
plus à des animaux que certaines plantes ; rien
ne ressemble plus à des plantes que ccrluiiis
animaux ; il y a des corps organisés qui diffe-
rent ù peine des corps bruts. (Fonlencllc.) Dans
lous ces cxcni|ilcs il y a une gradation d'idccs
qui en fait la neltclé.
De la construction des propositions subordon-
nées avec lu principale. — ISous avons vu que,
dans Tordre direct des idées, le sujet est le pre-
mier mot de la proposition. Or, la phrase princi-
pale est également la première; c'est a elle que
se rapporieiil toutes les phrases subordonnées,
comme tous les mots se rapportent an sujet. Pour
dcmcler une phrase principale entre les autres, il
suflii dune de consulter l'ordre direct des idées.
Quelquefois l'arrangement de ces phrases est con-
forme ù l'ordre direct : Alcibiade coupa la queue
ie son chien, afin que les Athéniens parlassent
de cette singularité. D'aulies l'ois l'ordre ren-
versé a la |)rcférence : Lorsque les écrevisses
quittent leur enveloppe extérieure, elles se dé-
font lie leur estomac et s'en font un autre. La
construction directe serait les écrevisses se dé-
font de leur estomac et s'en font un autre lors-
qu'elles, etc .
Dans une suite de phrases, chaque phrase prin-
cipale peut en avoir une subordonnée : L'intelli-
gence nm/s 7uanque (principale) pour découvrir
les causes naturelles (subordonnée) ; les yeux
même nous manquent pour voir les effets. Deux
phrases principales peuvent être renfermces dan^>
une seule; alors une première phrase subordon-
née [)ourra se rapporter à l'une, et une seconde
pourra se rapi>orier à l'autre : Madame de La
Fayette et mndame de Coula nycs essuyaient des
railleries; celle-là, parce qu'elle avait tin lit
galonné d'or; celle-ci, parce quelle avait un va-
let de chauibre.
On |)cut subordonner une phrase à un seul
mot, à un seul verbe, s'il est à l'impératif; Son-
ges que viius lui devez la vie.
Une phrase jwut éirc subordonnéeà une phrase
qui l'est ellc-mcmc : Comptez, dit madame de
Maintcnon, que presque tous les homtnes noient
leurs parents el leurs amis, pour dire un mot de
plus au roi, et pour lui montrer qu'ils lui sacri-
fient tout.
L'nc plirascest souvent comme enveloppée par
des propositions subordonnées : Çuand un prince
veut se faire aiuier de ses sujets, il n'est rien
qu'il ne tente pour faire régner partout la jus-
tice.
Un grand nombre de propositions peuvent cire
subordonnées à une seule : yous avez vu i\\i'unc
subordination de causes et d'effets suppose néces-
sairement un premier principe; que l'ordre qui
est dans tnut ce que nous observons prouve son
intelligence et su puissance infinie ; (\\i'il est in-
dépendant, parce qu'il est le premier ; i\\i'il est
libre, parce que, connaissant tout et pouvant
CON
tout, il fait tout ce qu'il veut ; qu'il est immense
et éternel; qu't'/ existe dans tous les temps el
dans tous les lieux ; qvi'il a été, est et sera par-
tout la première cause, et (pie son action em-
brasse tout ce qui existe ; i\u' il est immuable,
parce que, ne pouvant acquérir de connaissaîi-
ces, il ne peut changer de dessein; i\\x'il est
juste, parce que, connaissant tout et pouvant
tout, il connaît le mieux, il le peut, et qu'iln'est
pas en lui de ne pas le vouloir; '\\i'cnfi?i tous
ses attributs nous donnent une idée de la Pro-
vidence par laquelle ce premier principe que
710US appelons Dieu pourvoit à tout.
Dans tous les exemples que nous venons de
mettre sous les yeux, la liaison est aussi grande
qu'elle peut l'être, el il ne manque rien à la net-
teté des conslruclions. Tantôt la phrase subor-
donnée précède la pliiase principale, et tantôt
elle la suit. (Jnand elle la précède, il faut que
dés qu'on arrive à la jn-incipale on voie que
c'est celle à huinelle la subordonnée se rap-
porte. Par exenqtlc : Tandis que les hommes
adoptent avec tant de facilité des opinions qu'ils
7i' entendent pas, ils se refusent aux vérités les
plus claires. A peine lise/,- vous ils, «lue vous
voyez que c'est le conuncnccmenl de la phrase
principale, à laquelle vous devez rapporter la
précédente.
Lorsque la i)hrase subordonnée vient après, il
faut aussi «lu'en lisant le premier mol vous connais-
siez à quelle phrase principale vous devez la rap-
porter. Par exemple : On remarque des choses
si singulières sur les insectes , qu'on croirait
que les animaux les plus admirables par le mé-
canisme soîit ceux qui nous ressemblent Tnoins.
On n'a pas besoin délire ici toute la phrase sub-
ordonnée pour connaître la phrase principale
dont elle dépend.
Yoix^i un exenq)le où celte liaison est altérée :
Pfllybe voyait les Romains du inilieu de la
Méditerranée porter leurs regards partout aux
environs, jusqu'aux Espagnes et jusqu'en Sy-
rie; observer ce qui s'y passait; s'avancer ré-
gulicrernent et de proche en proche; s'affermir
avant que de s'étendre ; ne se point charger de
trop d'affaires ; dissimuler quelque temps et, se
déclarer à propos; attendre qu'Annibal fût
vaincti pour désarmer Philippe, roi de Macé-
doine, qui l'avait favorisé ; après avoir: com-
mencé l'affaire, n'être jamais las ni contents
jusqu'à ce que tout fiil fiiit; ne laisser aux Ma-
cédoniens aucun moment pour se reconnaître ,
et après les avoir vaincus, rendre par un décret
public à la Grèce, si lunglemps captive, la li-
berté, à laquelle elle ne pensait plus; par ce
moyen, répandre d'un cote la terreur, et de l'au-
tre la vénération de leur nom : c'en était assez
pour faire voir que les Romains ne s'avançaient
pas à la conquête du monde par hasard, mais
pur conduite. (Bossuel, Discours sur l'Histoire
univ., 111' iiarl., chap. yi, /i86.)
Après avoir commencé l'affaire, après les uvoii
vaincus par ce moyen, sont des expressions qui
suspendent la liaison, el qui rendent le discours
languissant. Après avoir commencé l'affaire a
même l'inconvcnient de paraître appartenir à la
piirasc qui précède comme à celle qui suit. 1.
faut éviter toule équivoque; car ce n'est pas as-
sez que, quand on a lu une phrase, on sente la
vraie liaison des idées; Il faut que dès les pre
micrs mots on ne puiss-.; pas s'y méprendre.
Puisque la liaison des proposilions ne saurait
se faire sentir trop rapidement, il serait mieux
CON
(l'insérer les suspensions dans le cours d'une
jilirase, tiuc de les placer au comuienccmeiit. Il
semble (lonc qu'il eût l'alUi dire répandre par
ce moyen, plutôt (]uejB«r ce moyen répandre.
Rciiiarqucz aussi que du milieu de la Médi-
terranée l'ait une équivoque : on ne sait d'a-
bord si c'est l'olybe tjui voyait du milieu de la
Méditerranée, ou si ce sont les Romains qui por-
taient du milieu, etc.
Un autre défaut, c'est de construire une suite
de projiosilions successivement subordonnées les
unes aux autres.
Le Corrége était si rempli de ce qu'il enten-
dait dire de Raphaël, qu'il s'était imaginé qu'il
fallait que l'artisan qui faisait une si grande
fortune dans le monde fût d'un mérite bien su-
périeur. ( Dubos, liéflexions critiques sur la
poésie et sur la peinture, t. II, p. 45.)
Ce n'est i)as parce que les que sont répétés
que nous sommes choqués de ces constructions :
il y a de longues phrases où cette conjonction
est fort répétée ; c'est donc parce que la même
conjonction sert à marquer des sub«rdinations
toutes différentes.
On peut se permcltre deux que employés de la
sorte, parce qu'il est bien difficile de les éviter;
mais on ne doit jamais s'en permettre davantage.
Le fil des idées échappe, quand on subordonne
trois ou quatre propositions successivement les
unes aux autres. Voici encore un exemple de ce
défaut :
Je fis entendre au roi qu'autant que j'avais
pu pénétrer, je voyais que le prince d'Orange
se flattait que le roi d'Angleterre se démettrait
de sa couronne.
Quel(|uefois un écrivain s'embarrasse, par la
difficulté où il est de lier également à une phrase
princiiiale plusieurs phrasessubordonnées. JNicolc
a dit :
La volonté de Dieu étant toujours juste et
toujours suinte, elle est aussi toujours adora-
ble, toujours digne de soumission et d'amour,
quoique les effets nous on soient quelquefois
durs et pénibles, puisqu'il u'y a que des âmes in-
justes qui puissent trouver à redire à la justice.
La proi)osilion principale est ici, la volonté de
Dieu est toti jours adorable , etc. Elle est pré-
cédée d'une proi)ositiun subordonnée et suivie
de deux. Kclranchez la dernière, puisqu'il n'y
a, etc., la construction sera bonne; mais cette
phrase répand de l'embarras i)arce (lu'elle n'est
pas à sa place, car elle se rapporte immédiate-
ment ù la principale ; de la confusion, parce
qu'elle parait d'abord se rapporter à la subor-
donnée qui la précède. On ne corrigerait pas ce
défaut en faisant une transposition; mais on tom-
berait au contraire dans un autre. Il n'y avait
qu'un moyen de l'éviter, c'était de dire : La vo-
lonté de Dieu est toujours digne de soumission
et d'amour, quoique les effets en soient quelque-
fois durs et pénibles ; il n'y a que des âmes in-
justes qui puissent trouver à redire à la justice.
vous voyez qu'en retranchant la conjonction ,
vous faites de la phrase subordonnée une phrase
principale, et cjuc, par ce moyen, elle se lie à ce
qui la précède.
Quand une proposition principale se lie natu-
rellement à d'autres, il faut bien se garder d'en
faire une phrase subordonnée; car si les con-
jonctions n'embarrassent pas le discours , elles
le rendent au moins languissant. Je pourrais
dire ; On ne sent guère dans les divertissements
de la cour que de la tristesse, de la fatigue
CON
i6l
et de l'ennui; cl le plaisir fuit à proportion
qu'on le cherche, parce que nos princes n'ont
plus rien de nouveau à voir , parce qu'ils voient
tout dans leur enfance, et que dès le berceau on
leur préparc leur ennui.
Mais uiadamc de Mainlenon dit l)eaucoup
mieux :
On ne sent guère dans les dircrtissemcnts de
la cour que do la tristesie, de la fatigue et de
l'ennui; et le plaisir fuit à proportion qu'on le
cherche. IVos princes n'ont plus rien de nouveau
à voir, parce qu'ils voient tout dans leur enfance:
dès le berceau on leur prépare leur ennui.
Les phrases subordonnées se lient aux prin-
cipales ;
i° Par les conjonctions, comme nous venons
de le voir dans les exemples précédents.
2" En mettant à l'infinitif le verbe de la sub-
ordonnée : La rosée paraît tomber d'une certaine
région de l'air; 7nais les bons observateurs la
voient s'élever de la terre jusqu'à cette région
11 faut remarquer cependant que l'on pourrai'
en pareil cas considérer la subordonnée et la
principale comme ne formant qu'une seule
l)hrase; car, dans le vrai, l'un de ces verbes n'esl
qu'une circonstance de l'autre : Parait tomber,
c'est tomber en apparence; voir s'élever, c'est
s'eleverà la vue; maisil importe peu de discuter
ici s'il y a deux propositions ou s'il n'y enatiu'une.
3"^ La subordonnée se lie à la principale par
des prépositions : Les arts et les sciences suffi-
raient seuls pour rendre un règne glorieux, pour
étendre la langue d'une nation peut-être plus
que des conqu-étes ; pour lui donner l'empire de
l'esprit et de l'industrie, également flatteur et
utile; pour attirer chez elle tine multitude d'é-
trangers qui l'enrichissent par leur curiosité.
4" Par des gérondifs : yous étudiez une
montre, et vous en découvrez le mécanisme en la
décomposant , en arrangeant sous vos yeu.v
toutes les parties, en les examinant séparément,
en observant comment elles s'agencent les unes
avec les autres, et en considérant comment le
mouvement passe du premier ressort .jusqu'à
l'aiguille : en analysant de la même manière
les opérations de votre âme, vous découvrirez
ce qui se passe en vous quand vous pensez. Re-
marquez que c'est i)ropremcnl la préposition en
qui lie ici les i)hrascs.
5" Enfin par des participes : Les hommes se
sont rassemblés, ont bâtides villes, et ont formé
des sociétés, considérant les malheurs d'une
vie sauvage, réfléchissant sur les secours qu'ils
pourraient se donner, découvrant de nouveaux
■moyens pour soulager leurs besoins, et commen-
çant à donner naissance aux artsetatix sciences.
Ce sont là les participes, car vous pourriez dire :
parce qu'ils ont considéré, parce qu'ils ont ré-
fléclii, etc. On sent que ces sortes de jjroposilions
subordonnées peuvent se Iransposercoinme toutes
les autres. Mais il ne faut insérer aucune ex-
pression qui puisse suspendre la liaison et rendre
les constructions languissantes; il faut éviter
les équivoques et se souvenir que le rapport de
chaque pro[tosition subordonnée doit se faire
sentir des le premier mot.
De la construction des propositions inci-
dentes. — La place d'une pro|)osiiion incidente
est après le substantif qu'elle modifie, et elle se
lie à ce substantif par le moyen des adjectifs
conjonctifs qui, que, dont, etc. : Les substances
ont des qualités relatives (jUC îious pouvons
connaître, et elles en ont aussi ({ue nous igno-
11
162
CON
rerons toujours, parce qiiU y a des comparai-
sons que nous ne pouvons pus faire ; elles ont
encore des qualités absolues que nous ne décou-
vrirons jamais. Les pliilosiphes qui se sont
flattés de remonter à l'essence des choses, et qui
ont cru trouver Ui nature de Vùinc et du corps,
ont dit des absurdités, ou ont prononcé des mots
qui ne signifient rien. Les sens que la nature
nous a dénués pour voirait dehorx, ne nous ap-
prennent paint pourquoi les corps sont étendus,
et 710US interrogeons en vain cette conscience
par laquelle ?ious observons ce gui se pusse en
nous; nous ne pouvons savoir ce qui rend Véime
sensible. Dans cet exemple, il y a des i)ioposi-
lions inculcnips qui suivent immédiaieineiil le
iubslanlif ([u'cllcs inodilienl : Des comparaisons
que, les philosophes qui. Il y en a d'aulres qui
ne sont séparées du subslanlif que par des ad-
jex^lifs : Des qualités relatives que, des qualités
absolues que. Elles doivent èlre ainsi séparées,
parce tpi'ellcs ne se' rapportent pas uniquement
au substantif qualités, mais au subslanlif déjà
modilié par les adjectifs ?•e/a^^^;e5 ou absolues. A
ne eonsulicr que les mots, la séparaiion est encore
plus grande liims elles en ont aussi que nous igno-
rerons toujours. Mais si on consulte le sens,
on verra que la proposition incidcnle suit im-
médiatement le substantif qu'elle modifie; car
elles en ont aussi est la même chose que elles
ont aussi des qualités.
,'usqu'ici les constructions ne souffrent point
de (»>r'"cullés. Il sera utile cependant de s'anéter
sur quoques exemples :
Le microscope nous fait voir des animaux qui
sont vingt-sept viillions de fois plus petits que
le ciron. Nous connaissons neuf planètes qui
étaient inconnues aux anciens. Le tumulte et
l'agitation quientiroiine le trône, en bannit les
réflexions, et ne laisse jamais le souverain avec
lui-même [Massillon.) Oest l'adulation qui fuit
d'un bon prince un prince né pour le malheur
de son peuple ; c'est elle qui fait du sceptre un
joug accablant, et qui, à force de louer les fai-
blesses des rois, rend leurs vertus mêmes mé-
prisables. (Massillon, Petit Carême, sur les ten-
tations des grands, p. 563.) Je ne suis pas sicon-
vaincu de notre ignorance par les choses qui sont
et dont la raison nous est inconnue, que par
celles qui ?ie sont pas et dont nous croyons trou-
ver la raison. (Foiilcnelle.)
On voit dans ces exemples que la proposition
incidcnle se lie à un nom par le moyen des ad-
jectifs ci>njonclil's qui, que, dont, etc.
Des grammairiens disent que les adjectifs con-
Jonctifs se rai)portent toujours au substantif qui
lès précède iinmédiatemcnt; mais cette règle est
tout à fait fausse. Dans celle phrase : Si nous
vous reproclwns sans cesse des mouvements
d'habitude dont vous devriez vous défaire, c'est
que vous songes peu à vous corrirjer, dont ne
se rapjiorte ccrlaincment pas à habitude; car un
adjectif conjonctif ne se rapporte jamais à un
nom qui n'a pas été déterminé par un article, ou
par quelque chose d'équivalent. En effet, d'//a-
bilude n'est pas là pour être modifie par ce qui
suit, mais pour Miodificrlui-mcmccequi précède.
Voila pourquoi l'esprit lie naiurelleiiient dont
a mouveiiienls. En pareil cas, ce serait faire une
faute (pie de rapporter le conjonctif au dernier
substantif. Ainsi Verlol s'est mal exprimé lors-
qu'il a dit il les fit patriciens, avant de les élever
à la dignité de sénateurs, qui se trouvèrent jus-
qu'au nombre de trois cents. {Révolutions romai-
CON
nés, liv. I, t. I, p. 22.) Si, en lisant celle jihrase,
on s'arrête au conjonctif, on croira d'abord que
la proposition incidente va m*dilier dionité. Il
n'était dom- pas natun-1 qu'elle modifiât séna-
teurs. "N'oici un excinjilo d'une autre es|)ète : Il
a fallu avant toute chose vous faire lire dans
l'Ecriture sainte l'histoire du peuple de Dieu,
qui faille fondement de la relinion. (Bu>suet,
Avant-propos du Disc, sur Vliist. univ-, p. 6.)
Ici, du peuple ilù[crm'mc l'espèce iriiisloire, el
de Dieu détermine l'espèce de peuple. Ces deux
mots étant sulfisammenl déterminés, l'esprit ne
s'y arrête plus, il remonte au substantif /iw/oo-e,
el rapporte à ce nom la proposition incidente.
Voilà donc un second cas où le conjonctif se
lie à un substantif éloigné. On serait ciRupié de
cette construction : Fous avez appris l'histoire
du perrple de Dieu, qui est le créateur du ciel
et de la terre. C'est donc une règlede rapporter le
conjonctif au substantif le plus éloigné, loulcs les
fois que le dernier substantif, n'étant employé
que pour déterminer le premier, ne demande
lui-même aucune modification. Mais si l'on di-
sait avec Bossuet: On vous a montré avec soin
l'histoire de ce grand royaume «jue vous êtes
obligé de rendre heureux {Avant-propos du
Disc, sur l'hisl. univ., ]>. 6), que se rapporte-
rait à ce grand royaume ; car si ce substantif
commence à être déterminé, il ne l'est pas assez,
el il fait encore attendre quehpie autre modifi-
cation. Voila le seul cas où la iiroposition inci-
dente appartient au dernier substantif.
Jusqu'ici on n'a parle que des constructions
où les substantifs se déterminent successive-
ment, parce que ce sont les seuls qui puissent
embarrasser. Dans les autres, on sent que la
construction doit être faite de manière que le
conjonctif suive immédiatement le subslanlif au-
quel il a rapport. On ne dira donc pas ils trou-
vèrent des obstacles dans cette guerre (\\\'ils
surmontèrent , ni ils trouvèrent dans cette
guerre des obstacles qu'ils entreprirent ; mais
on dira ils trouvèrent dans cette guerre des obs-
tacles qu'î?* surmontèrent.
On dit une espèce de fruit qui est raikr en
hiver, une sorte de bois qui est dur, parce que
l'esprit s'arrêtant sur les mots fruit et bois, déjà
détermines par ce qui précède, leur rapporte
tout ce qui suit. Par la même raison, une troupe
de soldats qui pillèrent le château, sera mieux
qu'une troupe de soldats qui piWn le château.
La règle générale que l'on doit se faire dans ces
sortes (le cas, c'est de n'avoir nul égard a la forme
matérielle du discours, de ne jwint examiner quel
est le dernier substantif, mais de considêrcrl'idée
sur laquelle l'esprilsc porte le plus naturellement.
Voici un passage de Fléchicr où vous trouve-
rez des exemples de toute espèce :
Cette sagesse (de Tu renne) était la source de
tant de prospérités éclatantes. Elle entretenait
cette union des soldats avec leur chef, qui rend
une armée invincible . elle répandait dans les
troupes un esprit de force, de courage, et de con-
fiance qui leur faisait tout souffrir, tout entre-
prendre dans l'exécution de ses desseins ; elle
i rendait enfin des hommes grossiers capables de
I gloire. Car, messieurs, qu'est ce qu'utie armée?
C'est un corps animé d'une infinité de passions
différentes , qu'un homme habile fait Jnouvoir
pour la défense de la patrie ; c'est une troupe
d'hommes armés qui suivent aveuglément les
ordres d'un chef, dont ils ne save?il pas les in-
tentions; c'est une multitude d'âmes, pour /«
CON
plupart viles et mercenaires, qui, sans sont/er à
leur propre rcpuiaiù'n, travaillent à celle des
rois et des conquérants ; c'est vnasscmUage con-
fus de libertins qu'il faut assujettir à l'ohtis-
sance, de lâches qu'il faut mener au combat, de
téméraires qu'il faut retenir, d'impatients qu'il
faut accoutumera la constance. [Oraison funèbre
de Turennc, p. 117)
Exerçons-nous encore sur d'autres exemples.
Celle consiruclion, les tableaux de Jiubens qui
sont au Ltixembovrg, esl Ibrl correcte; car on
sent que Kiibcns n'est là (jue pour dL-ierniiner
l'espèce de tableaux, et (ju'il ne demande point
d'être modilié. On dirait au contraire les ta-
bleaux de ce peintre qui vient de Jiume , parce
i\\xc peintre veut une modification.
Les tableaux de Jiubens, quiest un grand pein-
tre, est donc une consiruclion forcée. Le lecteur
croit d'abord <iue le conjonclil' qui se rapporte à
tableaux, et il voit ensuite qu'il se rapporte à
Rubcns. Celte éciuivoque est momentanée, elle
est levée sur-le-champ; mais enfin c'est une
équivoque, elles constructions ne sont jamais
plus nettes que lorsque le rapport indique par ce
qui précède n'est jamais changé par ce (jui suit.
C'est un effet de la providence divine qui est
conforme à ce qui a été prédit ; c'est xtn effet de
la providence divine qui vcUIp sur 7ious. Voila
deux constructions sur lesquelles les grammai-
riens ont beaucoup disserté. Dans la preniière,
qui est conforme se rapporte à effet, comme il
doit s'y rapporter; car si on disait, sans achever
la phrase, c'est un effet de la providence divine
qui, on rapporterait naturellement qui à effet,
plutôt qu'à providence divine, jiarce (]ue ce mot
est celui sur lequel rallenlion s'arrête jilus parti-
culièrement. On est prévenu qn'un effet est l'i-
dée principale dont on va s'occuper, et celle par
conséquent qui sera modifiée. Quand ensuite on
Ut de la providence divine, l'attention ne s'y ar-
rête pas comnr." sur des mots qui font attendre
quelques modifications; au contraire, on juge
qu'ils ne sont là que pour déterminer l'espèce
d'effet dont on parle, et par conséquent l'esprit
revient naturellement au mot effet, auquel on lie
la proposition incidente, quiest conforme. Il esl
donc encore naturel de rapporter, dans la seconde
phrase, leconjonctif ym' au mot effet, et cepen-
dant le mot veille force à le rapporter à provi-
vidence divine. Ce conjonclif a donc alors un
double rapport. Cependant il serait rigoureux de
condamner ces sortesde constructions, car l'équi-
voque ne s'aperçoit pas lorsque le sens la lève
sur-le-champ.
Il y a des écrivains qui, faute d'avoir saisi la
nature de ces constructions, rapportent la propo-
sition incidente au dernier sulJslanlif. Ils disent
avec confiance les tableaux de Jiubens, qui est
un grand peintre. Mais lorsqu'ils veulent que la
proposition incidente modifie le premier, ils di-
sent, dans la crainte d'une équivoque imaginaire,
les tableaux de Jiubens lesquels ; c'est un effet de
la providence divine lequel. Enfin ils sont au
bout de toutes leurs ressources, (juand les deux
substantifs sont au même genre et au même nom-
bre. C'est une punition de la providence divine ;
ils n'ont plus ici de moyen pour éviter ré(iuivo-
que. Le conjonclif lequel a mauvaise grâce dans
ces dernières consiriictions. C'est (pie si ce
conjonclif est emi>loyé pour raiiprociierd'un mot
une proposition qui devrait [ilulôt appaitenir à
une auire, on est choqué parce qu'on sent une
violence faite à la liaison des idées; si, au con-
CON
IC.5
traire, ce conjonclif sert à lier une projH)siiiuii a
un mot auquel elle se liait déjà d'clie-méme, ou
est encore choqué, parce qu'on n'aime pas aiwr-
cevoir des |»récautioiis supcrllues.
En effet, nous voulons qu'un écrivain soit clair,
et qu'il le soii sans travail. La bcaiiic des con-
structions dépend toujours de l'ordic des idées,
et le lecteur est fatigué des efforts d'un écrivain
parce t|u'il les partage.
JHusieurs propositions incidentes ptuvent se
rapporter à un seul substantif:
Tel fut cet empereur (Titus) sous qui Rome adorée
Vil renaître les jours de Saturne et de llliée,
Qui rendit de son joug l'univers amoureux;
Çu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux;
Qui soupirait le soir si sa main fortunée
N'avait par ses bienfaits signalé sa journée.
(BoiL., Épdre I, 109.)
Tous ces qui se rapportent à empereur, ceux qui
en sont le plus loin comme celui qui en esl le plus
près, et celle construction est fort bonne.
La construction suivante, au contraire, esl
très-défectueuse, quoique le conjonclif se rai>-
porte presque toujours au subslanlif qui le jiré-
cède presque immédiatement : // faut se conduire
par les lumières de la foi, qui nous apprennent
que l'insensibilité est d'elle-même tin très-grand
mal qui nous doit faire app-<-éhender cette me-
nace terrible que Dieu fuit aux âmes qui ne
sont pas assez touchées de sa crainte. (Nicole,
Essais de morale, 3' traité. De lu crainte de
Dieu, chap. iv.) Ce n'est pas là une phrase où
les idées soient liées, c'est une suite de jilirases
qui tiennent mal ensemble. L'esprit s'écarte in-
sensiblement du point d'où il esl parti, et on ne
sait plus où l'on est. En effet, le iircmicr qui se
rapporte à lumière, \e second n grand mal OU à
insensibilité, le troisième à menace, et le dernier
à âmes.
W semble que Nicole aurait pu dire : Il faut se
conduire par les lumières de lu foi, qui nous ap-
prennent que l'insensibilité est d'elle-même un
très-grand mal, et qu'elle doit nous faire appré-
hender cette menace terrible que Dieu fait aux
âmes trop peu touchées de sa crainte.
On n'ignore pas que peu, de temps après la
mort d'Auguste, la poésie, qui avait brillé avec
tant d'éclat suus les yeux de ce prince, s'éclipsa
peu à peu sous ses successeurs, et demeura enfin
comme éteinte dans les ténèbres de la barbarie,
qui amena du fond du Nord ce déluge de nations
féroces f\n'\, des débris de l'empire romain, forma
la plupart des roijaumes t\m subsistent aujour-
d'hui dans l'Europe, (i)ubos.)
Il y a ici le même défaut que dans l'exemple
précédent : car un conjonclif se ra|)portc à ténè-
bres, un autre à nations, cl le dernier à royau-
mes.
Le vice esl encore plus grand lorsque les con-
jonclifs se rapportent lanlôl au dernier siilistan-
lif, tanlôt à un substantif éloigné ; car il en résulte
ou de l'embarras ou des êquivocpies.
Nous tombons sa?ts y penser dans une infinité
de petites fautes à l'égard de ceux avec qui
nous vivons, (jui disposent à prendre en mau-
vaise part ce qu'ils souffriraient sans peine,
s'ils n'avaient dtjà un routmencemcnt d'aigreur
dans l'esprit. {^\iH)\t:, Essais de morale, k' yvit\\.é.
Des moijens de conserver la paix parmi les
hommes, chap. ii.)
On pourrait éviicr le second qui en disant et
parla nous les disposons, Clc.
Qui ne croirait que ceux que Dieu a éclaires
16 i
CON
par de ii pures lumières, à gui il a découvert la
double fin et la doiible éternité de bonheur ou de
misère {\\\\ les attend, qui ont l'esprit rempli Je
ces grands et effroyables ubjets,i\\Ù ont préféré
Dieu à toute chose, qui 7ie croirait, dis-je, qu'ils
sont incapables d'être touchés des bagatelles du
mondée (Nicole.)
Si en lisant ces exemples vous vous arrélcz à
chaque 71/», vous remarquerez (juc vous rappoi-
tcz nalurcllemcnl le second au nicuie nom auquel
vous avez rapporlé le premier; et cepcndanl ,
lorsque vous conlinuez de lire, le sens demande
que vous le rapportiez à un autre. Ces doubles
rapports sont toujours vicieux, parce que, s'ils ne
causent pas d'ccpiivoqucs, ils embarrassent au
moins la construction.
Les étoiles fixes fie sauraient être moins éloi-
gnées de la terre que de vingt-sept mille sis
cent soixante fois la distance d'ici au soleil, qui
est de trente mil/ions de lieues.
On ne peut pas absolument blâmer cette der-
nière proposition incidente; mais il me semble
qu'elle termine mal la phrase, et qu'un tour où
on l'eût évitée eût été ])réfcrable.
Il 7i'y a personne dans le monde si bien lié
avec 710IIS de société et de bienveillance, qui ?ious
goûte, qui nous fuit mille offres de services, et
qui -nous sert quelquefois, qui n'ait en soi, par
l'attachement à son intérêt, des dispositions très-
proches à rompre acoc nous, (l.a Bruyère.)
Il n'y a qu'une affliction qui dure, qui est celle
qui rient de la perte des biens. (La Bruyère, Des
biens de fortune, 302.)
Il eût été mieux de dire cest celle qui, etc.
Racine, exact imitateur des anciens, dont il
a suivi exactement la netteté et la simplicité de
Faction. fLa Bruyère.)
Cette phrase est mauvaise, parce que la net-
teté et la simplicité se construisent à la fois avec
don^, qui les précède, et avec de l'action, qui les
suit.
A cette lumineuse théorie, que nous devons à
Condillac, nous ajouterons quelques règles parli-
cu'iéres à la forme des phrases.
Dans la phrase expositive, le sujet se place or-
dinairement avant le verbe, et celui-ci précède à
son tour l'objet cl le terme, c'est-à-dire, le régime
direct et le régime indirect, lorsqu'ils sont énon-
cés par des expressions formelles, et non simple-
ment désignés par des pronoms personnels ou re-
latifs. Ainsi l'on dit Pierre envoie un livre à son
frère. On ne saurait changer cet ordre sans ren-
verser entièrement le sens. Cette règle s'observe
également dans la phrase impérative, qui n'ad-
met de sujet qu'en troisième personne. On dirait
donc qu'il envoie un livre à son frère. Elle a lieu
aussi dans la phrase interrogative,maisseulement
lorsque le sujet est énoncé par qui : Qui m'a en-
voyé ce livre? iMais dans la phrase interrogative,
lorsque le sujet est énoncé par un autre nom que
qui ou quel, il ne se [)lace qu'après le verbe :
Convient-il du fait? Parle-t-il de cette affaire?
Si, dans ce cas, le verbe était u un tcm|)S com-
posé, le pronom se meUrait entre le verbe auxi-
liaire et le participe : Étes-vous cofivcnus de ros
faits ? Avez-vovs répondu à cette lettre ?
Les sujets des petites phrases que l'on place
dans les grandes, soit pour citer, soit pour indi-
quer à qui l'on adresse la parole, se mettent après
le verbe, ou entre l'auxiliaire et le participe : En-
fin, disait ce grand homme; songez donc, lui a-
t-on dit.
Dans la phrase expositive, le sujet peut se
CON
placer après le verbe, lorsque le sens exclut tout
régime direct, ou que du moins il n'est énonce
que par les mots ce, que, le, tel, comme dans ces
excm|tles : Ce que pense le philosophe n'est pas
toujours ce que dicte la raison; c'est ainsi que
le voulut la Providence. Tel parut à nos yeux
l'éclat de sa beauté.
Le sujet peut encore cire placé après le verbe
lorsqu'il y a à la tète de la phrase quelque mot
qui, selon l'usage, favorise cette inversion; on
ne dirait pas bien obéit-il pour il obéit ; maison
dirait fort bien il respecte beaucoup son père;
aussi lui obéit-il sur-le-champ.
Le verbe ne se met jamais a la tète de la phrase
expositive, mais il s'y trouve assez ordinaire-
ment dans la phrase interrogative et impérative :
Gagne-t-on le ciel en tourmentantleshomm.es?
Bègle tu propre conduite , avant de critiquer
celle des autres.
Lorsque le régime direct et le régime indirect
sont énonces par des pronoms personnels non ac-
compagnés de prépositions, ils se placent entre
le sujet et le verbe : Les pa-isions nous tour-
mentent, la loi Tions ordonne, il n'a pas la force
de se corriger de ses défauts.
Quand de plusieurs |)ronoms l'un exprime
le régime direct et l'autre le régime indi-
rect, me, te, se, nous, vous, se mettent les pre-
miers; ensuite le, la, les, puis lui et leur ; enfin
y et en. Exemples : Prêtez-moi votre livre, je
vous le remettrai demaiji ; si vous me le refu-
sez; aurez-vous le courage de le leur dire? Il
?i'a pas voulu vous y mener. On suit aussi cette
règle dans la phrase impérative pour la troisième
personne : Qu'on me \e pardonne ; et même pour
la seconde et la première personne, lorsque le
sens est négatif : Ne leur cm épargnons pas la
peine, ne leur en épargnez pas la peine.
Mais si le sens est afiirmatif à la seconde ou à
la première personne, ces pronoms se placent
après Le verbe, de façon que le, la, les, qui n'a-
vaient que la seconde |)lace, prennent la pre-
mière, et faisant reculer les autres, le pronom
en, qui était près du verbe, s'en trouve le plus
éloigné: Renvoyé z-\G-n\o\, présente z-Xa^AQwr de
bonne grâce, pu7iissez-\Q'î>-en rigoureusement,
approchons-nous-en avec respect.
Le régime direct énoncé par les mots tout et
rien se place après le verbe quand celui-ci est à
un temps simple : Il soumet tout, il ne dit rien.
Mais quand le verbe est à un temps composé, ce
régime direct se met entre l'auxiliaire et le parti-
cipe : // a tout soumis, ils ont \.o\\i prévu, il
na rien dit.
Dans la forme interrogative, le circonstan-
ciel énoncé par un adverbe ne se met qu'après le
sujet, et avant bu après le participe : Aimeru-
t-elle constamment? Nos amis arrive i07it-ils au-
jourd'hui ? Avez-vous beaucoup gagnéf Avez-
vous gagné beaucou|) ?
Dans la forme impérative, il est renvoyé après
tous les pronoms qui suivent le verbe, pour faire
fonction de régime direct ou indirect : Répon-
dez-lui hardiment, offrons-la-lui galamment.
Quelquefois, dans les phrases impcratives, l'ad-
verbe peut être placé entre le régime direct et le
régime indirect, suivant l'intérêt delà clarté ou
de l'harmonie : Faites-lui i-espectueusement vos
observations, adressez-vous imfnédiatement à
lui, sacrifiez-leur plutôt celle-ci.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que des con-
tructions pleines, c'est-à-dire de celles où tous
I les mots sont exprimés. U y a une autre espèce
CON
de construction que l'on nomme elliptique, cl
qui consiste à supiniiner les mots que l'esprit
peut supi)loer facilcmoiit. Nous expliquons à l'ar-
ticle Ellipse tout ce (pii a rapport à ces sortes
de constructions. Voyez Complément, Ellipse,
Liaison, Période.
Les grammairiens distinguent trois sortes de
consiruclions : 1° La construction ncccssairc, si-
gnif.cative OU énonciatirc ; c'est celle i)ar la-
quelle seule les mots font un sens; on l'appelle
aussi construction simple Ct construction natu-
relle, parce que c'est celle qui est la plus con-
forme à l'état des choses, et (|uc d'ailleurs elle
est le moyen le plus propre et le plus facile que
la nature nous ait donné pour faire connaître nos
pensées par la parole; c'est ainsi que, lorsque
dans un traité de géométrie les propositions sont
rangées dans un ordre successif qui nous en fait
apercevoir aisément la liaison ct le rapport, sans
qu'il y ait aucune proposition intermédiaire à
suppléer, nous disons que les propositions de ce
traité sont rangées dans l'ordre naturel. Celle
construction est aussi appelée nécessaire, parce
que c'est d'elle seule que les autres consiruclions
empruntent la proiiriélé qu'elles ont de signilier,
au point que si la construction nécessaire ne
pouvait pas se retrouver dans les autres sortes
d'énonciations, celles-ci n'excileraient aucun sens
dans l'esprit, ou n'y exciteraient pas celui qu'on
voulait y faire nailrc. 2" La seconde sorte de
conslruciion est la construction figurée. 3° En-
fin la troisième est celle où les mots ne sont ni
tous arrangés suivant l'ordre de la construction
simple, ni tous disposés selon la construction
figurée. Cette troisième sorte d'arrangement est
a plus usitée. On lui a donné le nom de con-
struction usuelle.
La construction simple est celle par laquelle
on a commence à nous donner l'exemple et l'u-
sage de l'élocut'on. D'abord on nous a montré
l'objet, ensuite on nous l'a nommé; puis on
ajoutait les mois qui le modifiaient, qui en mar-
quaient les qualités ou les actions, et que les cir-
constances ou les idées accessoires pouvaient ai-
sément nous faire connaître.
A mesure que nous avancions en âge et que
l'expérience nous apprenait le sens et l'usage des
prépositions, des adverbes, des conjonctions, et
surtout des différentes terminaisons des verbes
destinées à marquer le nombre, les personnes et
les temps, nous devenions plus habiles à démê-
ler les rapports des mois et à en apercevoir l'or-
dre successif qui forme le sens total des phrases.
Cette manière d'énoncer les mois successive-
ment, selon l'ordre de la modilicalion ou déter-
mination que le mot qui suit donne à celui (jui
le précède, a fait règle dans notre esprit. Elle esl
devenue noire modèle invariable, au point que,
sans les secours qui nous aident à la rétablir, les
mots ne présentent «lue leur signification abso-
lue, sans que leur ensemble puisse former aucun
sens.
Cet ordre esl le plus propre à faire apercevoir
les parties que la nécessiié de 1 elocution nous
fait donner à la pensée; il nous indique les rap-
ports que ces parties ont entre elles; rapports
dont le concert produit l'ensemble, et, pour ainsi
dire, le corps de chaque pensée particulière.
Cette conslruciion esl appelée naturelle parce
que c'est celle que nous avons apprise sans maî-
tre, par la seule constilulion mécanique de nos
organes, et parce quelle suit la nature, c'esl-à-
dire parce qu'elle énonce les mots selon l'état
CON
165
où l'esprit conçoit les choses : Le soleil est lumi-
neux. On suit, ou l'ordre de la relation des cau-
ses avec les effets, ou celui des effets avec leurs
causes; c'est-à-dire que la conslru<iiiin simple
procède, ou en allant de la cause à l'cffel, ou de
l'agent au patient, comme quand on dit IHeu a
créé le monde, .-higuste vainquit Antoine ; c'csi
ce que les grammairiens appellent la voir active;
ou bien la conslruciion énonce la pensée en re-
montant de l'effet à la cause, et du i)atienl à l'a-
gent, ce que les gramniairicns appellent la voix
passiie : Le monde a été créé par l'Etre tout-
puissant. Antoine fut vaincu par Auguste. La
construction simple présente d'abord l'objet ou
le sujet, ensuite elle le qualifie selon les proprié-
lés ou les accidents que les sens y découvrent,
ou que l'imagination y suppose.
Or, dans l'un et dans l'autre de ces deux cas,
l'élat des choses demande que l'on commence
par nommer le sujet, dont on dit ensuite ou ^\\\'il
est, ou qu'tZ fait, ou qu'z'Z souffre, ou qu'il a,
soit dans le sens profire, soit au ligure.
l.ors(iue les mots essentiels à la proposition
ont des modificalifs t]ui en étendent ou qui en
restreignent la valeur, la construction simple
place ces modificalifs à la suite des mots (pi'ils
inoilificnt. Ainsi tous les mois se trouvent ran-
gés successivement selon h-; rapport immédiat du
mot qui suit avec celui ipii le précède; par
exemple : Alexandre vuiw/iiit Darius, voilà une
simple proposition; mais si j'ajoute des modifi-
califs ou adjoints à cha* un de ces termes, la cofi-
struction simple les placera successivement selon
l'ordre de leur relation • Alexandre, fils de Phi-
lippe et roi de Macédoine, vainquit avec peu. de
troupes Vwius, roi des Perses, qui était à la
tête d'une armée nomhreuse.
Si l'on énonce Ces cnv,onstances dont le sens
tombe sur loulc .a piuposilion, on peut les
placer au .".^•.Timencement ou à la fin de la pro-
position.
Les liaisons des différentes parties du dis-
cours, telles que cependant, sur ces entrefai-
tes, dans ces circonstances , mais, quoique,
après que, avant que, cli;., doivent précéder la
proposition où elles si' irouvenl, parce (]ue ces
liaisons ne sont pas des parties nécessaires de la
proposition ; elles ne sont que des adjoints, ou
des transitions, un des conjonctions particulières
qui lient les propositions partielles dont les pé-
riodes sont composci.*. Par la même raison, les
relatifs f/«i, que, dont, précèdent lous les mots
delapropositionàla(iuellcilsappariiennent, parce
•ju'ils servent à lier celle proposition àiiueliiue
rapjiort d'une aulVe, el que ce qui lie doit
élrc entre deux termes. Ainsi dans cet exemple :
Le Dieu que nous adorons est un Dieu tout-
puissant, r/(/e est avant nous adorons, quoiqu'il
dépende de nous adorons.
La construction figurée est celle où l'ordre et
le procédé de l'analyse énonciative ne sont pas
suivis, quoiqu'ils doivent toujours élre aperçus,
rectifiés ou suppléés. Celte seconde espèce de
conslruciion esl appelée construction figurée
parce qu'en effet elle prend une figure, une
forme qui n'est pas celle de la construction
simple.
11 y a quatre sortes de figures qui sont d'un
grand usage dans la construction figurée de la
langue française, savoir: l'ellipse, le pléonasme^
la syllepse ou synthèse, l'inversion ou hyperhate.
Voyez ces mots.
La construction usuelle est composée des deux
166
CON
précédentes. On l'appelle ninsi parce qu'on rn-
lenil par celle construction l'arrangemenl des
mots ([ui esl en usage dans les livres, dans les
lellreset dans la conversation des çeiH instruits.
Celle construction n'est souvent ni toute simple,
ni toute figurée. Les figures dont nous avons
parlé se trouvent souvent dans la construction
usuelle, mais elles n'y sont pas nécessaires; et
mémo communément l'élégance est jointe à la
simplicité; et si elle admet des transpositions,
des ellipses, ou quelque autre ligure, elles sont
aisées à ramener à l'ordre de l'analyse énoncia-
live.
On appelle aussi constmcHon grammaticale ,
ou analyse nrammaticale , l'explication des di-
verses fonctions des mots qui entrent dans la
structure des phrases, et l'indication de leurs
rapports les uns avec les autres dans l'expres-
sion des pensées. Il esl bon d'accouiumer les
jeunes gens à faire ces explications; ces exer-
cices leur sont trcs-ulilcs; ils les accoutument
a bien connaître les fondements de la construc-
tion, elles mellenl en étal de rendre compte de
chaque partie du discours.
Quelques grammairiens ont donné des modèles
de ces exercices ; mais ce qu'il y a de meilleur
en ce genre, c'est la construction grammaticale et
raisonnée de l'idylle de madame Deshouliéres
intitulée les Moutons, et qui esl de Dumarsais.
Nous allons la donner ici ; les principes qui y
sont développés sont applicables à toute sorte de
composition.
Construction c/rammaticale et raisonnée de
Vidylle de madame Deshouliéres intitulée
les iMoutons :
Hélas ! petits moutons, qne vous êtes heureux !
f^'ous êtes heureux, c'est la proposition.
Hélas! petits moutons, ce sont des adjoints à
la proposition, c'esl-à-dire (jue ce sont des mots
qui n'entrent grammaiicalernent ni dans le sujet,
ni dans l'allribul de la proposition.
Hélas! c'est une interjection qui marque un
sentiment de compassion. Ce sentiment a ici pour
objet la personne même qui parle; elle se croit
dans un élat plus malheureux que la condition
des moutons.
Petits moutons ; ces deux mois sont une suite
de l'exclamation; ils marquent que c'esl aux
moulons que l'auteur adresse la parole; il leur
parle comme à des personnes raisonnables.
Moutons , c'est le substantif , c'est-à-dire le
suppôt, l'être existant, c'est le mol qui explique
TOUS.
Petits, c'esl l'adjectif ou qualificatif; c'est le
mol qui marque ([ue ron regarde le substantif
avec la qualilicalion que ce mol exprime; c'est le
subslanlif même considéré sous un tel point de
vue.
Petit n'est i)as ici un adjoi-lif f|ui marque di-
rectement le volume et la poiiiesse des moulons;
c'esl plutôt un terme d'affection et de tendresse.
La nature nous inspire ce soniimcnt pour les
enfants et pour les petits des animaux, qui ont
plus besoin de noire secours que les grands.
Petits moutoîis ;se\on l'ordre de l'analyse énon-
ciative de la pensée, il faudrait dire inoutons
petits, car petits suppose moutons; et on ne
met petits au pluriel cl au masculin, (juc parce
que moutons est au pluriel el au masculin. L'ad-
jeclif suil le genre et le nondirc de son sub-
CON
stantif, parce que l'adjeciif n'est que le substantif
même considéré avec telle ou telle qualification;
mais parce que CCS différenles considérations de
l'esprit se font inlérieuremenl dans le même in-
stant, et qu'elles ne sont divisées que par la né-
cessité de renonciation, la conslruclion usuelle
place, au gré de l'usage, certains adjectifs avant,
cl d'autres après Icurs'substanlifs.
Que vous êtes heureux! que est pris adver-
bialement, et vient du lalin quantum, ad quan-
tum, à quel point, combien; ainsi que modifie le
verbe : il marque une manière d'être, el vaut
autant que l'adverbe combien.
Fous est le sujet de la proposition ; c'esl de
vous que l'on juge : vous esl le pronom de la se-
conde personne; il est ici au pluriel.
Etes heureux , c'est l'atlribut, c'esl ce qu'on
juge de vous.
Etes esl le verbe qui, outre la valeur ou si-
gnification particidiére du qualificatif qu'il ren-
ferme, marque encore l'action de l'esprit qui
attribue ou applique celle valeur à un sujcl.
Etes; la leninnaison de ce verbe marque
encore le nombre, la personne et le temps pré-
sent.
Heureux est le qualificatif que l'espni consi-
dère comme uni et identifié à tous, à voire exis-
tence; ce que nous appelons le rapport d'i-
dentité.
V^ns paissez dans nos champs sans souci, s.ins alarmes.
Voici une autre proposition.
yous en est encore le sujet simple : c'est un
pronom substantif; car c'esl le nom de la se-
conde personne, en tant qu'elle esl la personne
à qui on adresse la parole; commo roi, pape ,
sont des noms de personnes en tant (pi'elles
possèdent ces dignités. Ensuite les circonstances
font connaître de (juel roi ou de (jucl pape on
entend parler. De même ici les circonstances,
les adjoints, font connaître que ce vous, ce sont
les moutons. C'est se faire une fausse idée des
pronoms (jue de les prendre pour de simples vice-
gérants, et de les regarder comme des mois mis a
la place des vrais noms.
Paisses esl le verbe dans un sons neutre,
c'esl-à-dire que ce verbe marque ici un étal du
sujet : il exprime en un temps l'action el le
terme de l'action : car vous paisses est autant
que vous manges l'herbe. Si le terme de l'ac-
tion était exprimé séparément, el qu'on dit
vous paissez l'herbe , ce verbe serait actif
transitif.
Dans nos champs, voilà une circonstance de
l'action.
Dans est une préposition qui marque une
vue de l'esprit par rapport au lieu; mais dans ne
détermine pas le lieu ; c'est un de ces mots in-
complets qui ne font qu'une partie d'un sens
particulier, cl qui ont besoin d'un autre mot pour
former ce sens. Ainsi dans esl la préposition, et
nos champs en est le complément. Alors les
mots dans nos champs font un sens particulier
qui entre dans la composition de la proposition.
Ces sortes de sens sont souvent exprimés en un
seul mot qu'on appelle adverbe.
Sans souci, voilà encore une préposition avec
son complément: c'est un sens particulier qui
fait une incise. Incise vient du latin incisum.
qui signifie coupé; c'esl un sens détaché qui
ajoute une circonstance déplus à la proposition.
Si ce sens était supprimé, la proposition aurait
CON
une circonstance do moins, mais elle n'en serait
pas moins proposition.
Sans alarmes est une autre incise.
Aussitôt aimés qu'amoureux,
On ne vous force point à répandre des larmes.
Voici une nouvelle période; elle a deux
membres.
Aussitôt aimés qu'amoureux, c'est le premier
membre, c'csl-à-dirc le premier sens partiel qui
c.Mire dans la composition de la période. Il y a ici
ellipse, c'est-à-dire (jue |X)nr l'aire la construction
pleine, il faut snppircr des mots que la construc-
tion usuelle supprime, mais dont le sens est
dans res[)rit. Jussitôt aimés qu'amoureux, c'est-
à-dire, comme vous êtes aimés aussitôt que vous
êtes amoureux.
Comme Qs\ ici un adverbe relatif qui sert au
■raisonnement , et qui doit avoir un corrélatif;
comme, c'est-à-dire, et parce que vous êtes.
P^ous est le sujet, êtes aimés aussitôt est l'at-
tribut. Jussiiôt (^si un adverbe relatif au temps,
dans le même temps.
Que, autre adverbe de temps; c'est le corréla-
tif d'aussitôt. Que appartient à la proposition
suivante, que vous êtes amoureux ; ce que vient
du latin in quo, dans lequel, cum.
Vous êtes amoureux, c'est la proposition cor-
rélative de la précédente.
On ne vous force point à répandre des lar-
vtes. Cette proposition est la corrélative du sens
total des deux itropositions précédentes.
On est le sujet de la proposition. On vient de
homo. On se jjrend dans un sens indéfini, indé-
terminé; une personne quelconque, un individu
de votre espèce.
Ne vous force point à répandre des larmes.
Voilà tout l'attribut; c'est l'attribut total, c'est
ce qu'on juffe de on.
Force est lo verbe qui est dit de on; c'est pour
cela qu'il est au singulier et à la troisième per-
sonne.
Ne point; ces deux mots font une négation;
aiï:?!la pro[)Osiliou est négative.
f^'ovs ; ce mot, selon la construction usuelle,
est ici avant le vcrlic; mais, selon l'ordre de la
construction dos vues do l'ospiit, vou.i est après
le verbe, i)uisqu'il est le terme ou l'objet de l'ac-
tion de forcer.
A répandre des larmes. Répandre des larmes ;
ces trois mots font un sons total qui est le com-
plément do. la préposition à. Cette préposition
met ce sens total en rapport avec force, forcer.
Mépandre des larmes. Des larmes n'est pas le
complément immédiat de répandre; des larmes
est ici dans un sens partitif; il y a ici ellipse d'un
substantif générique : Répandre u?ie certaine
quantité de les larmes.
Vous ne formez jamais d'inutiles désirs.
f^ous, sujet de la proposition ; les autres mots
sont l'attribut.
Formez est le verbe à la seconde personne du
présent de l'indicatif.
iVe est la nogation qui rend la proposition né-
gative. Jamais est un adverbe de temps. Jamais,
en aucun temps.
D'inutiles désirs. C'est encore un sens parti-
tif; vous ne formez jamais certains désirs, cpiel-
qucs désirs qui soient du nombre des désirs in-
utiles. D'inutiles désirs. Quand le substantif et
l'adjectif sont ainsi le déterminant d'un verbe,
CON
<67
ou lo complcmont d'une proposition, dans un sens
allu-matil, si l'adjectif précède le substantif il
tient liou d'article, et manpie la sorte ou espèce,
vous formez d'inutiles désirs ; on qualilie d'in-
utiles les désirs «pie vous formez. Si, au con-
traire, le substantif précède l'adjectif, on lui rend
l'article, c'est le sens individuel, rows /'.o-we^
des désirs inutiles; on veut dire ijuc les désirs
particuliers ou singuliers (pic vous formez sont
du nombre des désirs inutiles. Mais dans le sens
négatif on dirait vous ne formez jamais, pas,
point de désirs inutiles; c'est alors le sons sjjé-
ciNiiuc. 11 ne s'agit point de déterminer tels ou
tels désirs singuliers; on ne fait quo marquer
res|)cce ou sorte de désirs que vous formez.
Dans vos tranquilles cœurs l'amour suit la nature.
La construction est, l'amour suit la nature
dans vos cœurs tranquilles. L'amour est le su-
jet de la proposition, et i)ar cette raison il pré-
cède le verbe; la nature est le terme de l'action
de suit, et par cette raison ce mot est après le
verbe.
Sans ressentir ses maux, vous avei ses plaisirs.
Construction : F'ous avez ses plaisirs sans
ressentir ses maux. Fous est le sujet, les autres
mots sont l'attribut.
Sans ressentir ses maux. Sans est une pré-
position dont ressentir ses maux est le com-
[)lément. Ressentir ses maux est un sens parti-
culier équivalent à un nom. Ressentir csl ici un
nom verbal. Sans ressentir est une proposition
implicite, sa7is que vous en ressentiez. Ses man.v
est ai)rès l'infinitif ressentir, parce qu'il en est
le déterminant; il est le terme de l'action de res-
sentir.
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture,
Qui font tant de maux parmi nous.
Ne se rencontrent point chez vous.
Cotte période est composée d'une proposition
|)rincipale et d'une proposition incidonie. Une
l)roposition (|ui tombe entre le sujet et l'attribut
d'une proposition est ai)pelce proposition inci-
dente, du latin incidere, tomber dans ; et la pro-
l)Ositiuii dans laquelle tombe l'incidente est ap-
])elée proposition principale, parce (pi'ordinai-
reinent elle contient ce que /'on veut principale-
ment faire entendre :
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture,
Ne se rencontrent point cliez vous.
Voilà la proposition principale.
L'ambition, l'honneur, Vintérêt, l'iinposture;
c'est là le sujet de la proposition. Cette .sorte de
sujet est ajipelé sujet multiple, parce (juc ce sont
plusieurs individus qui ont un attribut commun.
Les individus sont ici des individus métaphysi-
ques, des termes abstraits, à l'imitation d'objets
réels.
Ne se rencontrent point chez vous est l'attri-
but. Or, on pouvait dire l'ambition ne se ren-
contre point chez vous ; l'honneur ne se ren-
contre point chez vous; Vintérêt, etc.; ce qui
aurait l'ait quatre propositions. En rassemblant
plusieurs sujets dont on veut dire la même chose,
on abrège le discours et on le rend plus vif.
Qui font tant de maux parmi nous, c'est la
proposition ineidoiite. Qui en est le sujet; il
168
CON
rappelle à l'esprit l'ambition , l'honneur, l'inle-
rêt, l'iinposuire, dont on vient de parler
Font tant di viavx parmi vous, c'est 1 attribut
de la proposition incidente.
Tant de vtaiix, c'est le déterminant de fout,
c'est le terme de l'action de font.
Tant vient de l'adjectif /f'/i/i/*, taiitn, tantiim.
Tant est pris ici subslanlivement : Tcintum via-
lorvm, une si grande quanlilc de maux.
De maux est le qualilicalif de tant; c'est un
des usases de la préposition de, de seivir a la
qualilicaiion. ...
Maux est ici dans un sens spécifique, indc-
lini, et non dans un sens individuel; ainsi maux
n'est pas précédé de l'arlicle les.
Parmi nous est une circonstance de lieu;
nous est le complément de la préposition parmi.
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et TOUS en ignorez i'ujage.
Yoilà deux propositions liées entre elles par
la conjonction et.
Cependant, adverbe ou conjonction advcrsa-
tive, c'est-à-dire qui marque restriction ou op-
position par rapport à une autre idée ou pensée.
Ici cette pensée est nous avons la raison; ce-
pendant, malgré cet avantage, les passions font
tant de maux parmi nous. Ainsi cependant mar-
que opposition, contrariété, entre avoir la raison
et avoir des passions. 11 y a donc ici une de ces
propositions que les logiciens appellent adversa-
tives ou discrétives.
Nous est le sujet; avons la raison pour par-
tage c?:iVMi\h[}l.
La raison pour partage. I.'anlcur pouvait
dire, la raison eu partage; mais alors il y aurait
un bâillement ou hiatus, parce que la raison linit
par la voyelle nasale on, qui aurait été suivie de
en. Les puëles ne sont pas toujours si exacts, et
redoublent le n en ces occasions, la raison-n-en
partage; ce qui est une prononciation vicieuse.
iD'un autre côté, en disant pour partage, la ren-
contre de ces syllabes pour, ^ar,.est désagréable
à l'oreille.
yous en ignorez l'usage. F'ous est le sujet;
en ignorez l'usage est l'attribut. Ignorez est le
verbe; l'usacc est le déterminatif de ignorer;
c'est le terme de la signilicalion d'ignorer; c'est
une chose ignorée; c'est le mot qui détermine
ignoi'ez.
En est une sorte d'adverbe pronominal. Je dis
que en est une sorte d'adverbe, parce qu'il si-
gnifie autant qu'une préposition et un nom; eu,
inde: de cela, de la raison. En est un adverbe
prtnominai, parce qu'il n'est employé que pour
réveiller l'idée d'un autre mot, vous ignorez Vu-
sage de la raison.
Innocents animaux, n'en soyez point j iloux.
C'est ici une cnonciation à l'impératif.
Innocents animaux ; ces mots ne dépendent
d'aucun autriï (jui les précède, et sont énoncés
sans article; ils inanpienl, en pareil cas, la per-
sonne à qui l'un adresse la parole.
Soyez est le verbe à l'impératif; ne point est la
négation.
En, de cela, de ce que nous avons la raison
pour partage.
Jaloux est l'adjectif; c'est' ce qu'on dit que les
animaux ne doivent pas être. Ainsi, selon la pen-
sée, jaloux se rapporte à animaux, par rapport
CON
d'identité, mais négativement : Ne soyez point
jaloux.
Ce n'est pas un grand avantage.
Ce, c'est ce que les grammairiens appellent
pronom de la troisième personne; hoc, c<?, cela.
A savoir, (yi/e nous avons la raison n'est pas un
grand avantage.
Celte ficre raison dont on fait t&nt de bruit.
Contre les passions n'est pas un sir remède.
Voici une proposition principale et une propo-
sition incidente.
Cette ficre raison n'est pas un remède sûr
contre les passions, voila la proposition prin-
cipale.
Dont on fuit tant de bruit, c'est la proposi-
tion inciilcnie.
Botit est encore un adverbe pronominal; de
laquelle, touchant laquelle. Dont vient de ujide;
nous nous en servons pour duquel, de laquelle,
de qui, de quoi.
On est le sujet de cette proposition inci-
dente.
Fait tant de bruit en est l'attribut. Fait est
le verbe; ta7it de bruit est le déterminant de
fait.
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit.
Un peu de vin la tro%ihle. Un peu; peu est un
substantif, parum vini, une petite (luantité de
vin. On dit le peu, de peu, à peu, pour peu. Peu
est ordinairement suivi d'un (iualilicatif. X>e um
est le qualificatif de /jcîi, im peu. Un et le sont
des adjectifs prépositifs qui iiKli(]iicnt des indi-
vidus. Le et ce indiquent des individus dé-
terminés; au lieu que un indiipic un individu
indéterminé; il a le même sens que quelque.
Ainsi ■un peu est bien différent de le peu; celui-
ci précèLle l'individu déterminé, et l'autre l'in-
dividu indéterminé.
Un peu de vin ; ces quatre mots expriment
une idée particulière, qui est le sujet de la pro-
position.
Latrouhle, c'est l'attribut; <roj/6/eestle verbe;
la est le terme de l'action du verbe. La est un
pronom de la troisième personne, c'est-à-dire
que la rappelle l'idée de la personne ou de la
chose dont on a parlé : Trouble la , elle , la
raison.
Un enfant (l'Amour) la séduit C'est la
même construction (juc dans la proposition pré-
cédente.
Et déchirer un cœur qui l'appelle à son aid«,
Est tout l'elTet qu'elle produit.
I.a construction de cette petite période mérite
atlciilion. Je dis période , grammaticalement
parlant, parce que cette phrase est composée de
trois propnsilions grammaticales; car il y a
trois verbes à l'indicatif : appelle, est, pro-
duit.
Déchirer un cœur est tout l'effet, c'est la pre-
mière proposition grammaticale; c'est la propo-
sition principale.
Déchirer un cœur, c'est le sujet énoncé par
plusieurs mots qui font un sens «jui pourrait éire
énoncé par un seul, si l'usage en avait établi un.
Trouble, agitation, repentir, remords, sont à peu
près les étiuivaients de déchirer un cœur.
Déchirer un cœur est donc le sujet, et est
tout Veffet, c'est l'attribut.
Qui. rappelle à son aide est une proposition
incidciile.
CON
Qui en est le sujet ; ce qui rappelle cœur.
L'appelle à son aide, c'est l'attribut de quit-
ta est le terme de l'action d'appelle : appelle elle,
appelle la raison.
Qu'elle produit, elle produit lequel effet. C'est
la troisième proposition.
Elle est le sujet; ce mot rappelle la raison.
Produit que, c'est l'attribut d'elle; que CSl le
terme Coproduit ; il nippcile cff^et.
Que étant le déterminant ou terme de l'action
de produit, est après produit dans l'ordre des
pensées et selon la construction simple ; mais la
construction usuelle l'énonce avant produit;
parce que le que étant un relatif conjonclif, il
rappelle effet et joint elle produit avec effet. Or,
ce qui joint doit être cntic deux termes: la rela-
tion en est jilus aisément aperçue.
Voilà trois propositions grammaticales; mais
logiquement il n'y a cpi'une seule proposition.
Et déchirer un cœur qui l'appelle à son aide.
Ces mots l'ont un sens total, qui est le sujet de la
proposition logique.
Est tout l'effet qu'elle produit. Voilà un autre
sens total, qui est l'attribut .• c'est ce qu'on dit de
déchirer un cœur.
Toujours impuissante et sévère,
Elle s'oppose à tout, et ne surmonte rien.
Il Y a encore ici ellipse dans le premier mem-
bre de celle phrase. La construction pleine est :
La raison est iotijours impuissante et sévère;
elle s'oppose ù tout, parce qu'elle est sévère; et
elle ne surmonte rien, parce qu'elle est im-
puissante.
Elle s'oppose à tout ce que nous voudrions
faire qui nous serait agréable. Opposer (ponerc
ob), poser devant ; s'opposer, opposer soi, se
mettre devant comme vn obstacle. Se esl le terme
de l'action d'opposer. La construction usuelle
le met avant son verbe, comme me, te, ce,
que, etc.
Ne surmonte rien. Bien est ici le terme de
l'action de surmonter. Bien est toujours accom-
pagné de la négation exprinice ou sous-enlenduc.
Rien (nuUaiu rem).
Sous la garde de Tolre chien
Vous devez beaucoup moins redouter la culèrj
Des loups cruels et ravissants.
Que, sous l'autorité d'une telle chimère,
Nous ne devons craindre nos sens.
Il y a ici ellipse et synthèse. La synthèse se
fait lorsque les mots se trouvent exprimés ou
arrangés selon un certain sens que l'on a dans
l'esprit.
De ce que {ex eo quod, propterea quod) vous
êtes sous la garde de votre chien, vous devez
redouter la colère des loups cruels et ravissants,
beaucoup moins; au lieu (pie nous, qui ne som-
mes (|ue sous la garde de la raison, qui n'est
qu'une chimère, nous n'en devons pas craindre
nos sens beaucoup moins.
Nous n'en devons pas moins craindre nos
sens, voilà la synthè.^e ou syllepse qui attire le
ne dans cette phrase.
La colère des loups. La poésie se permet cette
expression; l'image en est plus noble et plus
vive; mais ce n'est pas par colère que les loups
■îl nous, nous mangeons les moutons.
Beaucoup moins, c'est une expression adver-
biale qui sert à la comparaison, et qui par con-
équent demande un corrélatif, que, eic.
CON 169
Ne vaudrait-il pas mieux vivre comme vous faites,
Dans une douce oisiveté...
'\'oilà une proposition qui fait un sens incom-
plet, parce que la corrélative n'est pas exprimée;
mais elle va l'être dans la période suivante, qui à
le même tour.
Comme vous faites est une proposition inci-
dente.
Connue, adverbe, quomodo, à la manière dont
vous le faites.
Ne vaudrait-Il pas mieux être comme vous êtes.
Dans une heureuse obscurité.
Que d'avoir, sans tranquillité.
Des richesses, de la naissance.
De l'esprit et de la beauté 7
11 n'y a dans cette période que deux proposi-
tions relatives, et une incidente.
Ne vaudrait-il pas viieux être comme vous
êtes, dans une heureuse obscurité, c'est la pre-
mière |)roposition relative, avec l'incidente comme
vous êtes.
Notre syntaxe marque l'interrogation en met-
tant les pronoms personnels après le verbe ,
même lorsque le nom est exprimé : Le roi ira-
t-il à Saint-Cloudf Aimez-vous la vérité'^
Irai-je?
Voici quel est le sujet de cette proposition. Il
(illud\ ceci, à savoir, être dans une heureuse
obscurité; sens total énoncé par plusieurs mots
équivalents à un seul; ce sens total est le sujet
de la proposition.
Ne vaudrait-il pas mieux, voilà l'attribut
avec le signe de l'interrogation.
Que (quam), c'est la conjonction ou particule
qui lie la proposition suivante, en sorte que la
proposition précédente et celle qui suit sont les
deux corrélatives de la comparaison.
Que la chose, l'agrément d'avoir, sans tran-
quillité, Vabondancc des richesses , l'avantage
de la naissance , de l'esprit et de la beauté;
voilà le sujet de la proposition corrélative.
Ne vaut, qui est sous-enlendu, en est l'at-
tribut.
Ne, parce qu'on a dans l'esprit ne vaut pas
tant que votre obscurité vaut.
Ces prétendus trésors, dont on fait vanité,
Valent moins que votre indolence.
Ces prétendus trésors valent inoins, voilà une
proposition grammaticale relative ;
Que votre indolence ne vaut, voilà la corré-
lative.
Votre indolence n'est pas dans le même cas ;
elle ne vaut pas le moins; elle vaut bien da-
vantage.
Dont on fait vanité est une ijrojiosilioii ir/ci-
dcnle : on fuit vanité desquels, à cause desquels.
On dit faire vanité, tirer vanité de, dml, des-
quels. On fuit vanité; ce moi vanité QWW'c dans
la composition du verbe, et ne marque pas une
telle vanité en particulier; ainsi il n'y a point
d'article.
Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels.
Ils. Ces trésors, ces avantages; ils esl le
sujet.
Livrent nous sans cesse à, etc. C'est l'at-
tribut. .
A des soins criminels , c'est le sens partilil ,
170
CON
c'est-a-dirc «nie les soins auxquels ils nous livrent
soni tlu nombre des soins criminels.
Sans cesse, façon de parler adverbiale.
Par eux plus d'un remords nous ronge.
Plus d'un remords, voilà le sens complexe de
la proposition.
Jtonçc 710US par eux: à l'occasion de ces tré-
sors ; ccsl l'atlribut.
Plus d'un remords; plus est ici substantif;
il signillc une quanlilé de remords plus grande
que celle d'un seul remords.
Kous voulons les rendre éternels,
Sans songer qu'eux o( nous passerons comme un songe.
Nous est le sujet de la proposition.
flouions les rendre éternels, sans songer, etc.,
c'est l'allribul logique.
flouions est un verbe actif. Quand on veut, on
veut quelque chose. Les rendre éternels, ren-
dre ces trésors éternels ; ces mots forment un
sens qui est le terme de l'action de voulons.
Sans songer qu'eux et nous passerons comme un songe.
Sans songer. Sans, préposition; songer est
pris ici subsiantivcment; c'est le complément de
la préposition sans, sans la pensée que. Sans
songer peut être regarde comme une proposition
implicite: sans que nous songions.
Que est ici une conjonction qui unit à songer
la chose que l'on ne songe point.
Eux et nous passerons comme vu songe. Ces
mois forment un sens total qui exprime lu chose
à quoi l'on devrait songer. Ce sens lotal est
énoncé dans la forme dune proposition, ce qui
est fort ordinaire en toutes les langues.
Il n'est dans ce vaste univers
Rien d'assuré, rien de solide.
Il (illud, nempe), ceci, à savoir, rien d'assuré,
rien de solide. Quelque chose d'assuré, quelque
chose de solide, voilà le sujet de la proposition ;
n'est (pas) dans ce vaste univers, eu voilà l'at-
tribut. La négation ?ie rend la proposition néga-
tive.
D'assuré. Ce mot est pris substantivement.
D'assuré est encore ici dans un sens qualificatif,
et non dans un sens individuel, et c'est pour cela
qu'il n'est précédé que de la préposition de sans
article.
Des choses d'ici-bas la fortune décide
Selon ses caprices divers.
Lu fortune, sujet simi)le, terme abstrait per-
sonnilié; c'est le sujet de la i)roposilion. Quand
nous ne connaissons pas la cause d'un événe-
ment, notre imagination vient au secours de notre
esprit, qui n'aime pas à demeurer dans un état
vague et indéterminé ; elle le lixe à des fantômes
qu"elle réalise, et auxquels «lie donne des noms,
fortune, hasard, bonheur, malheur.
Décide des choses d'ici-bas selon ses caprices
divers, c'est l'attribut complexe.
Des choses, de les choses; de signifie ici tou-
chant.
D'ici-bas détermine choses; ici-bas est pris
subsianlivemenl.
Selon ses caprices divers est une manière de
décider; selon esl la préposition; ses caprices
divers ebt le complément de la préposition .
CON
Tout l'effort de nolic prudence
Ne peut nous dérober au moindre de ses coups.
Tout Veffort de notre prudence, voilà le sujet
complexe ; de notre prudence détermine l'effort,
et le rend sujet complexe. L'effort de est un in-
dividu mélapliysique et par imilalion; comme
un tel homme ne peut, de même tout l'effort ne
peut.
Ne peut dérober nous ; et selon la construc-
tion usuelle, nous dérober.
Au moindre, à le moindre; à est la préposi-
tion ; le moindre est le complément de la prépo-
sition.
Au moindre de ses coups, au moindre coup ';' "
ses coups; de ses coups est dans le sens parti if.
Paissez, moulons, paissez ^ans règle et sans science;
Malgré l.i trompeuse aj>parcncc.
Vous êtes plus heureux et plus sages que nous
La trompeuse apparence est ici un individu
métaphysique personnifié.
Malgré. V.c mot est compose de l'adjectif wau-
vais et du substantif ^re, qui se prend pour vo-
lonté, goût. Avec le mauvais gré de, en retran-
cliani le de à la manière de nos pères, (pii suppri-
maient souvent cette préposition. Les anciens
disaient maugré, puis on a dit malgré; malgré
moi, avec le mauvais gré de moi. Aujourd'hui,
on fait de malgré une préposition: malijré la
trompeuse apparence, qui ne cherche qu'à en
imposer et à nous en faire accroire, vous êtes au
fond, et en réalité, plus heureux et plus sages que
nous ne le sommes.
CONSDBSTANTIEL, CONSIBSTANTIELLE. Adj. 11 UC
se met qu'après son subst. absolument, ou suivi
de la préposition à : Les trois personnes de la
Trinité sont consubstantielles. Le Fils est con-
suhstantiel au Père.
CoNSUBSTAMiELLEMEM. Adv. Il nc sc iTict qu'a-
près le verbe.
CoNSDLTAîST. Adj. iTi. 11 sc met api'ès SOU subst. :
Avocat consultant, médecin consultant.
Consulter. Y. a. delà l"conj. Montesquieu
a dit consulter les intérêts des autres, et celle
exiiression esl très-juste : Tous les particuliers
convinrent qu'ils n'obéiraient plus à personne ;
que chacun veillerait uniquement à ses iîitéréts,
sans consulter ceux des autres. (XP lettre per-
sane.)
L'Académie donne pour exemple : Il en veut
consulter avec ses amis, .autrefois on disait con-
sulter de, en consulter, nu lieu de consulter sur.
Bossuet a dit : Il consulta son évcque de la ina-
nière dont les solitaires qui n'ont point de prê-
tres doivent recevoir les saints mystères. A au-
gelas a dit aussi : Il en faut consulter les maîtres.
Aujourd'hui on ne dit plus que consulter sur. —
L'Académie dit aussi : Cette affaire a été. con-
sultée aux meilleurs avocats, cette maladie a
été consultée auxplus gi-ands médecins. 11 nous
semble que ces phrases ne sont pas françaises.
On consulte sur une uffciire, sur une maladie;
mais il y a quelque chose de barbare à dire
qu'une affaire a été consultée à des avocats
(m'une maladie a été consultée à des médecins
Consulter, en ce sens, signifie, selon l'Académie,
conférer ensemble, délibérer. Or, on ne peut pas
dire qu'une affaire a été conférée, a été délibérée
à quelqu'un. Il faut dire en ce sens a été exami-
née par les jneilleurs avocats.
Co.vsuMAPiT, CoNsu.vA^iTE. Adj. qui ne se met
(ju'après son subsl. : Un feu consumant.
CON
CoNscMÉ, CoTisuMKE. Participe et adj. Bacine a
tSl consumé en cendres.
J'attendais que le temple, m cendres consuma.
[Âth., ad. V, se. II, 9.)
Voyez Embrasé.
Consumer. V. a. lic la 1" conj. — On dit se
consumer de, et se consumer eji : Potirqnoi me
consumerui-je encore de travail et d'inqtiiélude?
(Marmoutcl.) Pendant que je me consumais en
regrets inutiles. (Fcnclon, Télémaque.) A'oyez
Co'^sommer.
Contact. Siilist. m. On prononce les deux con-
sonnes lin.ilcs. VérMiul prétend que l'on prononce
contac; il se tromiie. Autre avis est celui de l'A-
cadémie.
Contagieux, Contacieise. Adj. Dans le sens
propre, il suit toujours le subst. : Une maladie
contagieuse, une fièvre contagieuse. Au ligure,
on peut le faire précéder, en consultant l'oreille
et l'analogie : Cette contagieuse erreur, ce con-
tagieux exemple.
Contemplateur. Suhst. m. Selon rAcadcmic,
il fait au féminin contemplatrice. Il est peu usité
sous celle forme, et l'Acadcmie n'en donne point
d'exemple.
Contemplatif, Contemplative. Adj. Il se met
toujours après son subst. : yie contemplative,
philosophe contemplatif.
Contemporain , Contemporaine. Adj. Il suit
toujours son subst. : Les auteurs contempo-
rains.
Contempteur. Subst. m. On prononce le p II
ne se dit point au féminin :
Le contempteur des dieux, l'exemple des tyrans,
Mézence le premier conduit les fiers Toscans.
(Delil., Énétd., VII, 903.)
L'Académie dit qu'il est surtout du style sou-
tenu. La Harpe l'a employé dans le style didac-
tique', et il n'y parait pas déplacé : On dirait
qu'il y a une sorte de providence qui condamne
les contempteurs des grands hommes, non-seule-
ment à heurter le bon sens dans leurs opinions ,
mais à les décréditer eu.v-vièines, s'il en était
besoin , par une ignorance hoîitcuse des premiers
éléments de l'art d'écrire. [Cours de litlér.) La
Bruyère a dit aussi : Les contempteurs d'Ho-
mère, les contempteurs des anciens.
CoNTEMPiiBLE. Adj. dcs dcux gonrcs. On pro-
nonce contanptible, en faisant sentir lejo. L'Aca-
démie dit qu'il est vieux. \'augelas, qui l'a con-
danmé dans Malherbe, dit qu'on doit préférer
méprisable, (jui est plus beau, plus fran(;ais et
plus en usage que contemptible. Je ne vois rien
<\\i\ soit plus beau dans méprisable (pie dans con-
temptible, et s'il fallait prononcer d'après reflet
que l'un et l'autre fait à l'oreille, je pense que le
dernier aurait la préférence. jNIais Vaugelas n'est
plus aujourd'hui une autorité. Il ne s'agit i)as de
savoir lequel est le plus beau de ces deux mots,
mais s'ils signifient exactement la même chose;
s'ils ont été adoptés par les auteurs de nos jours
pour marquer des luianccs différentes; cnlin, si
le besoin de renonciation exige que, dans certains
cas, on préfère l'un ;i l'autre. A^ollaire a employé
plusieurs fois le mot contemptible. En parlant
d'une thèse de l'abbé de Prades qui, après avoir
été adoptée solennellement par la Sorboniie, fut
scandaleusement proscrite par la mèineSorbonne,
A l'instigation des jésuites et d un evéque minis-
tre,il a dit : Mais s'il estpermis d'attester Dieu
CON
171
dans une affaire «hmi contemptible, on prend
ici Dieu à témoin que, dans toute cette relalinn,
on n'avance pas un fait qui ne soit dans la plu.s
e-racte vérité. [Tombeau de la Surbonne) Il nous
semble que contemptible est ici l'oxpiossioii
(•(iiivciiable, et que méprisable ne rendrait pas
exactement l'idée de l'auteur. En el'fct, méprisa-
ble se dit des |)ersonnes, de leurs sentiiucnls, de
leur conduite, de leurs actions, et indique (juel-
que chose de bas, de lâche, de contraire a l'hon-
neur, à la probité, aux sentiments nobles et géné-
reux qui constituent le caractère de l'homme es-
timable. L'épilhète Acviéprisable convenait donc
parfaitement aux docteurs de Sorhunne (jui pros-
crivirent cette thèse après l'avoir api)roiiV('C, à
ceux (]ui la proscrivirent sans l'avoir lue, pour
faire plaisir aux jésuites et au ministre, à ceux
qui se battirent a coups de poing dans celte ri-
dicule délibération. Elle convenait parfaitement
aux jésuites qui avaient suscité celte odieuse per-
sécution, et au ministre qui s'était rendu l'in-
slrumcntdc leurs passions. Mais pouvait-on dire
que celle affaire était méprisable dans le même
sens qu'on le disait des hommes qui s'en occu-
paient d'une manière si passionnée cl si scanda-
leuse? Non, sans doute; car on sent (jUi', dans le
premier cas, méprisable suppose des seniimcnts,
des intentions, des intrigues, des actions dignes
de blànie et de mépris, toutes choses qu'on ne
saurait dire de l'action considérée en elle-même,
et sous le point de vue de sa propre nature. Ce-
pendant, celle affaire est aussi digne de mépris.
il fallait donc une autre épithèlc qui mar(iuàt,
non des intentions, des sentiments, des passions,
des actions dignes de mépris, mais une nature
de choses qui méritait par elle-même ce senti-
ment, et contemptible nous semble un mol tout
cà fait propre à marijucr cette difrércnce.
Voltaire s'est servi de cette expression en par-
lant des choses supposées, des faux actes, des lé-
gendes et des fables inventées [loiir établir ou
maintenir l'esclavage des habitants du mont Jura.
Les faussaires étaient des gens inéprisubles. Ces
actes, considérés comme inventés par eux dans le
dessein de tromper, étaient des impostures mé-
prisables; mais ces actes, considéiés comme des
mensonges établis, sur lesquels on voulait fonder
le droit de servitude, étaient des mensonges con-
temptlbles. A'oici le passage : Je ris, avec le sen-
timent douloureux de la piété indignée d'avoir
été trompée par des fables, que toutes les légen-
des de saint Claude n'étaient qu'un ramas dis
plus grossiers mensonges inventés, comme le dit
Baillet, au douzième et au treizième siècle. Je
ris que des diplômes de l'empereur Charlemagnc,
de l'empereur Lothairc, d'un Louis l'Acetigle
se disant roi de Provence, de l'empereur Fré-
déric L"", de l'empereur Charles 11^, de Sigis^
mond, son fils, étaient autant (/'im[)0Sture9 aussi
méprisables que la légende dorée.
C'était .pourtant sur ces mensonges si con-
temptibles aux yeux de tous les savants, et si
punissables aux yeux de la justice, qu'autre fins
les moines de Saint-Claude avaient fondé leurs
richesses, leurs usurpations et l'esclavage du
malheureux peuple dont la Providence m'a fait
le pasteur. [La Foix du Curé, art. 1)
Ici la différence entre méprisable et contemp-
tible est bien marquée. Ces actes sont des im-
postures méprisables ; imposture suppose l'in-
lenlion d'en imposer, de tromper : ces actes sont
des mensonges contemptiblcs aux yeux de tous
les savants, parce que tous les savants, en e.xa-
n2
CON
minant la nature de ces actes, les ont reconnus
faux, par conséquent nullement propres à établir
les prétentions des faussaires, par conséquent
conlemptibles.
Nous ne prétendons pas inférer de là que l'ad-
jectif con/emp^We si»ii gi-ncralement reçu; mais
seulement (ju'un aiileur du premier ordre en a
fait usage pour exiiriiner une nuance qu'il ne
pouvait pas exprimer p;ir le mot iiu'prisahle ; que
par conséquent celle expression est nécessaire,
et que c'est peut-être la décision de Yaugelas
contre Malherbe qui l'a fait rejeter par des écri-
vains trop timides ou trop soumis.
D'après les |)rincipes que nous venons de po-
ser, nous pensons que contempiille ne peut se
dire que des choses, ou des personnes par rapport
aux choses, et qu'il ne faut pas dire, commel'Aca-
démic, il s'est rendu contemptible , c'est un
homme vil et contemptible. Mais Voltaire a pu
dire les contemptible s théologiens, parce qu'il
regardait comme contcmpliblcs les matières dont
ils s'occupaient.
Contenant, Contenante. Adj. verbal tiré du
V. contenir : Partie contenante, partie contenue.
11 suit toujours son subst.
Co.ntend.ant, Contendante. Adj. Ce mot est
peu usité, si ce n'est au palais. Partout ailleurs
on préfère compétiteur, concurrent, prétendant.
L'Académie dit les princes contenda7its ; cette
expression ne se trouve guère que dans sjn
Dictionnaire.
Contenir. \. a. de la 2° conj. Il se conjugue
comme tenir. Voyez ce mot.
Se contenir signille se retenir, s'empêcher de
faire paraître quehiue sentiment vif, et particu-
lièrement sa colère; on dit aussi dans ce sens:
Contenir sa colère, son indignation, ses trans-
ports.
Priam ne confient plus son douloureux transport,
(Deul., Ènéid., Il, 720.)
Pourra-t-il contenir l'horreur qu'il a pour moi ?
(Rac, Iphig., act. III, se. IH, 24.)
Content, Contente. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un liomme content, v 71e femme
contente. Avant un substantif il régit la préposi-
tion de : Il est content de son sort, de sa for-
tune.
Qui vil content de rien possède loute chose.
(BoiL., Épttre V, 58.)
Contentement. Subst. m. Il n'a point de plu-
riel, et l'Académie a blâmé ce vers de Corneille
(Cid, édition de Voltaire, acl. I, se. ii, 2) :
El que (oui se dispose à leur» contentement».
Cependant en 4835 elle admet le pluriel : Ses
enfants lui donnent toutes sortes de cojitente-
ments.
L'Académie explique ce mol par joie, plaisir,
satisfaction. Aucun de ces mots n'indique conjplij-
temcntce que c'est qucleconicnlement. I.econlen-
lemcul est un sentiment de joie, d'une joie douce,
jiroduite par la satisfaction des désirs. Votre m-
tis faction est d'obtenir ou d'avoir obtenu; votre
conte?iiemcnt esl de jouir, et de jouir en paix.
Contenter. V. a. de la i" conj. Se contenter
régit la préposition c?e devant les noms et devant
les verbes : Se contenter de sa fortvjie, ,«<? con-
tenter d'avoir de quoi vivre. — Contentez-vous
de m'avoir trompé.
CON
Contentieusement. Adv. Il se met toujours
après le verbe.
Contentieux , Contentiecse. Adj. Il se met
après son subst. : Droit contentieux, point con-
tentieux.
Contentioic. Subst. f. Ce substantif a une si-
gnilication que n'a pas son adjectif coH/e/i/iewx;
c'est lorsqu'il se prend pour grande application
d'esprit.
Co^TEND. Subst. m. Comme terme didactique,
il s'emploie absolument : Le contenant et le
contenu. (,)uand il signifie ce (jue contient un
écrit, un discours, il régit la préposition de :
Le contenu de sa lettre, le contenu de l'arrêt.
Quand on dit je vous dirai le contenu, il y a
ellipse; c'est-à-dire le contenu de la lettre, du
discours, etc.
Conter. V. a. de la 1" conj. Bacine a dit
conter son enfance pour dire conter le sort, les
événements de son enfance {Ath., act. V, se.
VI, o) :
Nos léTites, du haut de nos sacrés parvis,
D'Ochosias au peuple ont annoncé le fils,
Onl conté son enfance au glaive dérobée,
Et la fille d'Achab dans le piège tombée.
On ne pourrait pas dire cela en prose.
Contestable. Adj. des deux genres qui suit
toujours son subst. : Une maxime contestable,
une opinion contestable.
Conteste. Subst. f. Procès, contestation. Ce
mot n'est pins usité nulle part. Anciennement on
disait contest, dont on a fait conteste.
La maison à présent, comme savez de reste.
Au bon monsieur Tartufe apparlicnt sans conteste.
(Mol., Tartufe, acl. Y, se. iv, 37.)
Contedr. Subst. m. En parlant d'une femme
on dit conteuse.
CoNTiGO, CoNTiGLE. Adj. Gu sc proncHce
comme dans aigu , en faisant sentir Vu. Gué
dans contiguë fait deux syllabes, contigu-ë.
Contiguïté. Subst. f. On prononce contiguî-té
en faisant sonner I'm et \'i à part.
Continence. Subst. f. Ce substantif n'a point de
pluriel.
Continent, Continente. Adj. 11 ne se met
qu'après son subst., et est pou usité.
Continu, Continue. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Etendue continue, travailconti-
nu, fièvre continue II ne faut pas confondre ce mol
avec l'adjectif continuel. Ce (jui est continu n'est
pas divisé; ce qui est continuel vCcsi pas inter-
rompu. Une chose est continue parla tenue de sa
constitution; cWc q?,\. continuelle parla tenue de
sa durée. Il peut y avoir de l'interruption dans ce
qui est continuel; ce qui est continu n'en souf-
fre point: Un jeu continuel, des pluies conti-
nuelles, des querelles continuelles ; une fièvre
continue. L'étendue est une quantité: continue.
Continuel, Continuelle. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. Voyez Cuntinu.
Continuellement. Adv. Il peut se placer en-
tre l'auxiliaire et le parlicipû : // a écrit conti-
nuellement, ou il a continuellement écrit.
Continuer. V. a. et n. de la 1'* conj. Ce
verbe employé neutralement régit tantôt à, tan-
tôt de devant un infinitif. 11 régit à lorsqu'il est
suivi d'un verbe (lui indique une action faite
par le sujet avec une intention dirigée vers un
but: Il co7itinuait à lui dire des injures; il
continuait à le frapper' il co7itinuait à /«»
CON
parler. Mais quand rien n'indi(iue dans la
phrase une inlcntion dirigée vers un but, il faul
mcllrc de : Il continuait Reparler, il continuent
de marcher, la ricicre continue de couler. 11
faut donc dire il continuait à faire la guerre,
et non pas il continuait de faire la guerre.
— Selcfn Marmonicl, continuer à exprime qu'on
fait une chose sans ii)teirui)lion ; continuer de,
qu'on la fait avec interruption, en la reprenant
de temps en lenips. Voyez Commencer.
CoMiNuiTÉ. Subst. f. L'm et l'i font deux syl-
labes.
Contractant, Contractante. Adj. verbal lire
du \.' contracter. Il ne se dit qu'au féminin
et au pluriel avec partie : Les parties contrac-
tantes. On ne dit jjas une partie contractante,
mais vue des parties contractantes. Il se met
toujours après son subst.
Contraction. Subsl. f. En termes de gram-
maire, ce mot signilic la réduction de deux syl-
labes en une. C'est ainsi que nous disons le mois
d'out au lieu du mois d'aot'it. Du est aussi une
contraction pour de le; des pour de les; au
pour à le; aux pouv à les. Voyez Adjectifs pré-
positifs.
CoNTRADicTEDR. Subst. m. Cclui qui contrcdit.
Il n'a point de féminin.
Contradiction. Subst. f. L'Académie définit
ce mot, action de contredire, opposition aux sen-
timents et aux discours de quehju'un ; discours
par lequel on combat les avis d'un autre. Mon-
tesquieu a employé ce mol dans une acception
qui n'a aucun rapport à ces définitions: J'ai
étudié son caractère, et j'y ai trouvé des con-
tradictions qu'il m'est impassible de résoudre.
(37' lettre persane.)
Contradictoire. Adj. des deux genres. Il se
met après son subst. : Propositions contradic-
toires, jugement contradictoire.
Contradictoire.ment. Adv. DduS le langage
ordinaire, il se met entre l'auxiliaire et le par-
ticipe : Ces deux propositions sont conlradictoi-
renient opposées, et non pas sont opposée:! con-
tradictoirement. Mais en style de palais, jI se
met après le verbe. On dit qu'wM arrêt a été
rendu contradictoirement, et non pas a été con-
tradictoii-ement rendu.
Contraindre. V. a. de la 4* conj.; il se con-
jugue comme craindre. Les dictionnaires disent
que ce verbe régit à et de; mais ils ne nous
disent pas dans quels cas l'une de ces préposi-
tions est préférable à l'autre, ^suppose un but,
une tendando^' une action. Il faut donc préférer à
toutes les fois que ces idées sont comprises dans
la phrase; et de dans tous les autres cas. On ne
peut donc pas dire, comme l'Acadoinie, on le con-
traignit de faire ou à faire telle chose, il faut à
faire: On le contraignit à marcher, à s'avancer,
à se battre; il s'agit d'une action. Mais on dira
un le contraignit de se taire, de céder, de se te-
nir en repos, de prendre la fuite. Celte diffé-
rence est assez bien uiarquée dans les deux exem-
ples suivants :
Et combattre des feux contraints de se caclier.
(Rac, Iphig., act. II, se. I, 118.)
Faut-il qu'à t'admirer ta fureur me contraigne.
(YoLT., Zaïre, act. V, se. i, 83.)
C'est donc à tort qu'on a trouvé deux fautes
dans ces vers de Boileau (sat. X, 500) :
Elle a pour premier point
CON
Exigu qu'un époux ne la contraindrait point
.4 traîner après elle un pompeux équipage,
Ni surtout de souffrir.
173
Tout est bien dans ces vers. On contraint à traî-
ner, parce (jue traîner indique une action; on
contraint de souffrir, parce que souffrir n'a
qu'un sens passif.
Contraint, Contrainte. Adj. Il suit ordinaire-
ment son subsl. : Un air contraint, des viaitières
contraintes.
Contrainte. Subst. f. Co mot n'a de plm-ipl
qu'en style de jurisprudence . On emploie ta con-
trainte, et non pas les contraintes. On use de
contrainte, cl non pas de contraintes. Cci)ondani
Bossuet a dit : Par ses soins, le mariage devien-
dra si libre, qu'il n'y aura plus à se plaindre de
ses contraintes et de ses incommodités. Con-
traintes O.si pris ici pour diverses sortes de gènes.
Contraire. Adj. des deux genres. Voltaire a
dit au singulier un effort contraire, pour signi-
fier t^f^ efforts contraires; et sa pensée est bien
rendue.
On saisit, on reprend, par un contraire effort,
Ce rempart teint de sang, tliéitre de la mort.
[Ilenr., VI, 255.)
On voit par cet exemple (ju'cn iwésie cet adjectif
peut se mettre avant le substantif. 11 peut aussi
quelquefois le i)récéder en prose : Ils faisaient
de contraires efforts pour, etc.
Contrariant, Contrariante. Adj. verbal tiré
du V. contrarier. 11 se dit des jjcrsoniies cl des
choses : Il est contrariant, cette nouvelle est bien
contrariante. H se met ordinairement après son
subsl.
Contravention. Subst. f. Il régit la préposition
à : Une contravention aux lois.
Contre. Préposition. Jamais en aucun cas on
ne doit en écrivant èlider l'e muet de cette pré-
position ; Contre eux, contre elles. Cu/ii/e se place
ordinairement après le verbe ; Il a parlé contre
moi; mais il peut aussi se placer devant, et mcine
à la tète de la phrase: Oest contre vous que je
veux me battre. Contre un tel ennemi le courage
est inutile.
On employait autiefois coîitre adverbialement
et sans régime. On disait^e me suis élevé contre,
j'ai parlé contre. L'Académie dit ijuil s'emploie
quehpiefois adverbialement , et elle donne les
excinplcs suivants : Parler pour et contre ; quand
on fit cette proposition, tout le monde s' éleva con-
tre. Pour moi, je suis contre. Je n'ai rien à dire
contre. Celte préposition ne se prend plus en ce
sens que dans le discours familier, et dans la
phrace consacrée joor^e/- ;;owr et contre.
L'Académie ne dit pas tenir contre ; cependant
c'est une expression très- usitée:
Mes pleurs, belle Eriplulc,
Ne tiendront pas longtemps contre les soins d'Achille.
;Rac., Iphig., act. II, se. m, 14.)
En parlant des choses, on emploie quehiuefois
contre dans le sens à'auprès, proche : Sa maison
est contre Za mienne; mais il n'y a que les gens
du peuple qui disent s'asseoir contre quelqu'un;
il a passé contre moi.
Contre. Particule inséparable quf se met au
commencement de certains mois. T-He conserve
le même sens d'opposition qui est propre a la pré-
position; contredire, contremander, contrevenir,
contrefaire, imiter contre la \éiité. Contrefait
veul dire quelquefois fait contre les lois ordinai-
res et les proportions de la nature ; contre-
17*
COiN
tirer une eslampe, c'est la tirer dans un sens op-
posé cl ciiiiliairc. Mais i^ims contresigner, contre
veut sculcineiu dire auprès.
Dans tous les substantifs dans la cump<JSilion
desquels entre la préposition contre, et ou elle est
sépaiôeparun tiret, le stihsliinlif qui la suit prend
seul la niar(pie du pluriel : une cnntrc-ulLc, un
contre-amiral, vnc contro-husse, une cuntro-bat-
teric ; des contre-ullces, dos conlrc-umirauJ-', des
contre-basses, des contre-batteries, etc.
Co.NTRKDir.E. V. a. et irrégulier de la 4 coiij.
11 se eonjujj'ue comme dire, excepté .i la :^ccollde
personne du iiluricl du présent de l'indicatif, où
l'on dit vous contredisez, au lieu de vous cunlre-
dites. On dit aussi contredisez -à riui|icratil'.
Du temps de Corneille et de Jlacuic, on em-
ployait ce xerbc ncutrak-ment, et l'on disait con-
tredire ù quelqu'un.
En l'étal où jt suis, !es maux dont je soupire
H'ôtent U lil>oiie de te rien contredire.
(Corneille.)
Les dieux ont prononcé; loin de leur contredire.
C'est à tous à passer du coté de Tempire.
(ilAC, Britan., acl. 11, se. lll, 61.)
Bossuet a dit aussi : Elles ne contredisent point
au iéinoignage ejcttrieur des Ecritures.
Aujourd'hui ce verbe s'emploie toujours acli-
veincnt, et ne prend que le régiinp direct : Con-
tredire quelqu'un , contredire une proposition,
se contredire.
Contredisant, Contredisante. Adj. verbal tiré
du V. contredire, lise met après son subst. : Un
esprit contredisant, une humeur contredisante.
Contrefaire. V. a. et irrégulier de la4''conj.
Il se conjugue comme faire, ymjez ce mot.
Contre-pied. Subst. m. Il signifie ce qui est
contraire ù, et nc se dit point au pluriel.
COiNTRE-poiL. Subst. m. Il signifie le rebours
du poil, le sens contraire à celui dont le poil est
couché. 11 ne se dit point au pluriel.
CoMRE-SENs. Subst. m. Nice dans lequel on
tombe quand le discours rend une autre pensée
que celle qu'on a dans l'esprit, ou que l'auteur
qu'on interprète y avait. Ce vice nait toujours
d'un défaut de logique, quand on écrit de son pro-
pre fondSjOu d'ignorance soil de la matière, soit de
la langue, quand on écrit d'après un autre.
Ce défaut est particulier au.\ traduclions; quel-
que soin que l'on donne à la traduction d'un au-
teur ancien, il est difficile de n'y faire aucun
contre-sens. Les usages, les allusions a des faits
particuliers, les différentes acceptions des mots de
ia langue, et une infinité d'autres circonstances
peuvent y donner lieu.
Il y a une autre espèce de cordée-sens, dont on
a moins parlé, et qui est pourtant plus blâmable
encore, parce qu'il est, pour ainsi dire, plus in-
curable: c'est celui que l'on fait en s'écartant du
génie cl du caractère de son auteur. La traduc-
tion ressemble alors à un portrait qui rendrait
grosbièrcmcnl les traits, sans rendre ta physiono-
mie, ou en la rendant autre qu'elle n'est, ce qui
est encore pis. Par exemple une traduction de Ta-
cite dont le style nc serait point vif et serré, quoi-
que bien écrite d'ailleurs, serait eu (juclquc
manière un contre-sens perpétuel, et ainsi des
autres.
Corneille a dit (Cid, 1" édition, acl. III, se.
•vi, 35) :
1'iimour n'est qu'un plaisir, et l'honneur un doToir.
CON
La construction de cette phrase met nécessaire-
ment de niveau Vamour ci Vhonneur, et jiiéscnte
l'un et l'autre connue également méprisables : en
un mot elle a le même sens que celle-ci :
L'amour n'est qu'un plaisir, l'banueur n'est qu'un devoir.
Il est certain que ce n'était pas l'intention de
Corneille; ainsi ce grand poète a fait un contre-
sens.
Il faut prendre garde de confondre l'amphibo-
logie et le contre-sens. L'amphibologie est dans
une phiase qui peut également scrvn-à énoncer
plusieurs sens différents, cl que rien de ce qui la
constilue nc détermine à l'un iiluiôt (ju'a l'autre;
le co«/re-5e/i5 est dans une phrase qui ne peut
avoir qu'un sens, mais qui aurait dû être con-
struite de manière ù en avoir un autre.
CoNTREVALLàTioN. Subst. f. Lcs dcux Z sc pfe-
noncent sans qu'on les mouille.
Co.NTBEVENiR. Y. U. dc la 2"^ conj. Plusieurs
grammairiens pensent que, quoique ce verbe soit
composé du verbe venir, il prend l'auxiliaire
avoir. L'Académie avait mis dans son édition de
1762 des exemples avec l'auxiliaire avoir et
l'auxiliaire être : Il prétendait 71' avoir point con-
trevenu, n'être point contrevenu à In loi. Dans
son édition de 171)8 et dans celle de 1835, elle n'a
mis que le premier.
Nous pensons que ce verbe ne prend que
l'auxiliaire avoir, parce qu'il n'exprime rcellemeot
qu'une action.
CoNTBiBUABLE. Subst. m. Bua fait deux sylla-
bes.
Contribuer. V. a. de la 1" conj. fiwer fait deux
syllabes: Contribuer à quelque chose, coniributr
de ses deniers à la construction d'une église. —
Contribuer pour l'entretien des routes.
Contrit, Contrite. Adj. qui se met toujours
après son subst. : Un cœur contrit, une âme conr
triW
Controversé, Controversée. Adj. qui De se
met qu'après son subst. : Un point controcersé,
une 7naticre co7iiroversée
CoNTus, Contl'se. Adj. qui ne se met qu'après
son subst : Une partie co/ituse, un muscle con-
tus.
Convaincant, Convaincante. Adj. verbal tiré
du v. co7ivai7icre. 11 se met toujours après son
subst. : U/i <itgu7nent convaincant, une 7-aison
convaincante.
Convaincre. V. a. de la 4= conj. Il se conjugue
commr) vaincre. On dit convaincre quelqu'un- de
quelque chose ; le convaincre par de bonnes rai-
so7is; se convaincre par l'expéric/ice, par ses
propres yeux; se laisser co/ivuiiicre à l'évi-
de/tce.
Convalescent, Convalescente. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Uuc personne convales-
cente.
Convenable. Adj. des deux genres. 11 se met
après son subst. Ce mot s'eiTy,>loic absolument ou
est suivi de la préposition à .• Faire un inaiiaf/e
C07ivenable , faire une dt'pensc co/ivenable à sa
fortune.
Convenablement. Adv. 11 se met avec un ré-
gime ou sans régime : // vit co/ivenablcmcnt à
sen état, il a répondu covve7iableinent. Dans ces
deux cas, il se met aprè.> le verbe.
Convi;nir. V. n. et irrégulier dc la 2' conj. Il
se conjuiTUC comme venir. Voyez Irrégulier.
11 piciïd l',iiixili;iirc avoir quand il signifie être
convenable : Cela m'aurait assez convenu. Cette
CON
marchandise ne lui a pas co?ire7iu. Tl prend
l'auxiliaire éire quand il signifie demeurer d'M:-
cord. iVûiw sommes co/(re«HS de nos faits.
Conventionnel, Conventionnelle. Adj. Qui
suppose une convention. Il se met ai)rès son
subst. : f^aleur conventionnelle, bail conven-
tionnel.
Conventuel, Conventuelle. Adj. qui se met
après son subst. De couvent, qui concerne le cou-
vent : Assemblée conventuelle, messe conven-
tuelle. J\Jeiise convenivelle.
Conventdellement. Adv. Il se met toujours
après le verbe : Ils vivent conventucllement.
Conversation. SnWst. f. L'Académie le définit,
entretien familier. Cctlcdofinilion n'est pas cxacle.
Le mot lie conversation désigne desdiscoursenlrc
gens égaux, ou à peu près égaux, sur tontes les
matières que présente le hasard. Il y a cette diffé-
rence cnlie conversation Q\. entretien, que le pre-
mier se dit en général dequelquediscours mutuel
que ce puisse cire; au lieu qu'entretien se dit
(l'un discours mutuel qui roule sur quehpie objet
détermine. Ainsi, on dit qu'wn homme est de
bonne conversation, pour dire qu'il parle bien des
différents objets sur lesquels on lui donne lieu de
parler; on ne dit point qu'il est d'un bon entre-
tie?i. Entretien se dit de supérieur à inférieur;
ou ne dit pas d'un sujet qu'il a eu une conversa-
tion avec le roi, on dit qu'il a eu un entretien.
On se sert aussi du mot d'entretien quand le
discours roule sur une matière importante. On
dit, par exemple, ces deux princes ont eu ensem-
ble un entretien sur les moyens de faire la paix
entre eux. Entretien se dit pour l'ordinaire des
conversations imprimées, à moins que le sujet de
la conversation ne soit pas sérieux ; on dit les en-
tretiens deCicéron sur la nature des dieux. Dia-
logue est propre aux conversations dramatiques,
et colloqueaux conversations polémiqucset publi-
ques qui ont pour objet des matières de doctrine,
comme !e colloque de Poissy. Lorsque plusieurs
personnes, surtout au nombre de plus de deux,
sont rassemblées et parlent entre elles, on dit
qu'elles sont en conversation, et non pas en en-
tretien.
Convier. V a. de la \" conj. Il régit à devant
les noms : Convier à un festin, à une assemblée.
Devant les verbes il régit à ou de. L'Académie dit
convier de faire telle chose, à faire telle chose.
Il doit y avoir <iuelt|ne diltVrence entre ces deux
phrases, et cette différence doit se trouver dans
la nature des deux prépositions : Je convie r/vel-
'/u'un à se rendre à une assemblée, à s'y trouver ;
je lui indique un but, un lieu où je l'invite à se
rendre. La préposition à convient bleu dans ce
cas. Mais si l'invitation n'a pour objet (pi'une dé-
termination, qu"un pur acte de la volonté, qui ne
suppose pas un but, c'est de qu'il convient d'em-
ployer : je ne l'invite pas à venir, à se trouver à
un lieu ; je le prie de prendre une détermination.
Yoilà pouiquoi je pense que Corneille a très-bien
dit(Ci».,act. V, se, m, 37] :
Soyons amis, Ciniia; c'est moi qui t'en convie.
Convoitable, Convoitedx, Convoiteuse. Adjec-
tifs. L'Académie dit qu'ils vieillissent; elle aurait
dû dire qu'ils sont vieux et hors d'usage.
Convoyer. V. a. de la 1"^ conj. Il se conjugue
comme employer. Ployez ce mot.
CoHVULsiF, CoNVULsivE. Adj. Il se met après
son subst. : Mouvement convulsif.
COR
175
Coopérateur. Subst. m. En parlant d'uncfemme,
on dit «oopératrice.
Copieusement. Adv. Il se met ajirés le verbe,
ou entre l'auxiliaire et le partici|ie: lia mangé
copieusement, il a copieusement bu.
Copieux, Copieuse. Adj. Il peut qnchpicfois se
mettre avant sou subst. : Après un copieux repas.
CopuLATiF, CopuLATivE. Adj. Tcruie dc gram-
maire. On ap|)elle conjonctions copululives celles
qui ne servent qu'a lier des mots ou des phrases,
sans ajouter aucune autre niodilication. 11 y à
deux conjonctions copulatives, et et ni; elles ne
diffèrent entre elles qu'eu ce que la liaison que
l'une exprime tombe purement sur les choses
pour les joindre; au lieu que la liaison exprimée
par l'autre tombe directement sur la négation at-
tribuée aux choses, et la leur rend cumnainc.
Coq. Subst. in. On prononce le q, e.xccplé dans
coq d'Inde.
Coq-a-l'ane. Subst. m. Ce mot signifiant un
discours sans suite, sans liaison, lorsiju'on le met
au pluriel, la pluralité ne peut tomber que sur le
mot discours qui est sous-entendu, et nullement
sur les mots C09 ou âne. On dit donc au pluriel
des coq-à-Vâne.
CoguET, Coquette. Adj. On peut le mettre
avant son subst. lursque l'analogie et l'harinonie
le permettent : Une femme coquette, une humeur
coquette; cette coquette humeur. Aboyez Adjec-
tif.
Cor. Subst. m. A cor et à cris. Il y a certains
gallicismes, surtout parmi nos locutions prover-
biales, où la moindre inversion devient une faute
de langue même en vers. Ainsi l'on n'a pas le droit
de due par vaux et par monts ,coiiuue La Fon-
taine, vaux n'étant français que dans cette accep-
tion et ce lour, par monts et par vaux, ni « cris
et à cor, comme Marot :
Lor3 eux, cuidant que fusse en grand crédit,
M'ont appelé monsieur à cris et cor.
(Ch. Nodikb, Exomcn critique des dict.')
Corail. Subst. m. 11 fait au pluriel coraux, qui
se dit en parlant d'une collection de pièces de co-
rail : Ce naturaliste a de beaux coraux. [Dict.
de l'Acad.)
Cordial, Cordiale. Adj. On peut le mettre
avant son substantif lorsque l'analogie et l'iiarmo-
nie le permettent: Je fus touché de cette cordiale
amitié. Voyez Adjectif.
Dans le sens propre, il fait cordiaux au pluriel
ma>culin : Des remèdes cordiaux.
Cordialement. Adv. 11 se met toujours
après le verbe. On ne dit pas il vi'a cordia-
lement parlé, mais il m'a parlé cordialement.
iMadaincde Sévignc d\s:x\\. que cordiale ment était
un mot de sa grand'mére. 11 parait qu'il a ra-
jeuni.
Coriace. Adj. des deux genres. Il se met tou-
jours après son subst. : friande coriace.
Cornu, Cornue. Adj. L'Académie dit une pièce
de terre cornue, un pain cornu. Voltaire a dit des
montagnes cornues {JEpUreXXW, i) :
Du fond de cet anlre pierreux,
Entre deux montagnes cornues, etc.
Cet adj. suit toujours son subst.
Coi-.oLLAiRF.. Subst. m. On prononce les deuxi
sans les mouiller.
Corporel, Corporelle. Adj. Qui appartient au
corps, qui concerne le corps. Il se met après soi)
476
COR
subst. : Plaisir corporel, peine corporelle, pu-
nition coiporclle.
CoiipoRt;i.LF.MEM. Adv. 11 se met toujours n près
le verbe : lia été puni corpnrcllcment, et non pas
t7 a été corporellement puni.
Corps. Subst. m. l)cv;mt une consonne on pro-
nonce cor; devant une voyelle on prononce cors
en faisant sentir le s. On demande comment il faut
écrire au pluriel les substantifs composés cnrps-
de-hûtiment, corps-de-garde, corps-de-logis. D'a-
près les rèçlcs ijue nous avons données au mot
Composé, il n'y a que les substantifs corps (jui
puissent prendre ici le pluriel; les autres mois
doivent rester comme ils seraient s'il n'y avait
point décomposition. Ainsi il faut dire des corps-
de-hûtiment , des curp.s-de-gurde , des cojps-de-
logis.
Correct, Correcte. .4dj. Féraud dit qu'on pro-
nonce korek au masculin. 11 nous semble que le t
se fait sentir au masculin comme au féminin, lise
met toujours ai)rès son subst. : Un style correct,
une phrase correcte.
CoRRECTEME.NT. Adv. On pcul Jc mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Dessiner correcte-
ment, (crire correcteî/ient; cela est correctement
dessiné, correctement écrit.
Cor.RECTioN. Subst. f. On appelle correction
une ligure de rhétorique qui consiste à corriger
ou à explicjucr une expression, une pensée qui'est
déjà avancée. Celle figure est très-propre à lixer
ou a réveiller l'attention des auditeurs ou des lec-
teurs. \oici un exemple de correction : Non, je
ne ptiis plus vivre dans celte incertitude • Que
dis-je? Iitlas! Je ne suis que trop certain que
711071 père n'est plus ; je vaii rherckei i>on ombre
jusque dans les enfers. (Fénel., Télém., liv.
XVlll, t. II, p. 2tj3.)
CORRECTION.NEL , CORRECTIONNELLE. Adj. 11 SC
met après son subst. : .luridiction correctionnelle,
tribunal correctionnel.
CoRRÉr.AiiF , Corrélative. Adj. qui suit son
subst. Terme de grammaire. Ce terme désigne, de
deux choses qui ont rapport entre ellc.^, et qu'on
considère par ce rapport, celle qui n'est jias pré-
sente à l'esprit, ou dont on ne lait pas premiére-
inent ou spécialement mention, soit dans le dis-
cours, suit dans un écrit. Parexemijle,si je pense,
je parle ou j'écris de l'honmie comme père ,
l'homme considéré comme fils sera son corrélatif;
si je pense, je parle ou j'écris de l'homme comme
fils, l'homme considéré comme père sera sou cor-
rélatif. — Corrélatif ^a prend aussi dans un autre
sens, comme quand on é\\. vieux et jeune sont des
corrélatifs. Alors corréUitifcsl apfilicjué aux deux
objets de la corrélation, et l'on assure qu'ils ont
entre eux celle espèce de rapport, sans avoir l'un
plus présent a l'esprit (jue l'autre.
C0RRESP0>DANT, CORRESPONDANTE. Adj. VCrbal
tiré du V. correspondre. l\ se met toujours après
son subst. : Deux idées, deux mots, deux objets
correspondants.
CoRRiGKR. V. a. de la 1" conj. Dansée verbe le
g doit toujours avoir la prononciation du j, et alin
qu'il la conserve dans les temps où il est suivi
d'un a ou d'un o, il faut mettre un e muet avant
cet a ou cet o: Je corrigeais, corrigeons, et non
pas corrigais, corrigons. Se corriger régit la pré-
position de : Se corriger de ses défauts.
CoRr.iGiRLE. Adj. des deux genres. Il ne se dit
que négativement : Cet homme n'est pas corri-
gible, et ne se met qu'après son subst. On dit
plus ordinairement incorrigible : C'est un homme
incorrigible.
COU
Corrosif, Cohrosite. Adj. Il se met après
son subst. : Humeur corrosive, du sublimé cor-
rosif.
Corroyer. Y. a, de la 1" conj. Dans la con-
jugaison de ce verbo, on conserve l'y de l'infi-
nitif, excepté devant un e inuel : Je corroie, iu
corroies, il corroie ; ils corroient, je corroierai,
tu corroieras; il corroiera, etc.
CoTiGNAC. Subst. m. L'Académie dit qu'on ne
prononce pas le e final ; je crois ([u'elle se
trompe. Je n'ai jamais entendu dire du cotigna.
11 paraît que Féraud, Gallel, Boisic et Catineau
pensent comme moi; car aucun d'eux n'a re-
cueilli cette reman|uc de l'Académie. Mais la
Grammaire des Grammaires tient pour coti-
gna. — « Ce mot n'étant pas tré.s-usité, il n'est
pas étonnant (jue la prononciation en soit in-
cei-taine; l'usage, i)our ainsi diie, n'existe pas.
Si l'analogie devait nous guider, nous serions
assez porté à prendre pour lype cognac ; mais il
vaut mieux se soumettreà l'Académie.» (Lemaire,
Grammaire des Gratn?naires, ]). 3S.)
Cotillon. Subst. in. On mouille les l.
Coton. Subst. m. Ce n'est point figurément,
comme le dit l'Académie, que coton se dit du
poil follet qui vient aux joues et au menton des
jeunes garçons. Ce mot se dit par extension : On
voit déjà un léger coton sur ses joues.
Vamcmenl sur (iihc menton
La main de l'aimable jeunesse
N'a mis encor que son coton, clc.
•Volt , Épttre XLII, 10.)
Côtoyer. V. a. de la 1" conj. Aller côte à côte
de quoiqu'un Dans la conjugaison de ce verbe,
on conserve l'y de 1 uiliniiif excepté devant un e
muet : Je côtoie, tu cùluics, il côtoie, ils côtoient,
je côtoierai, je côtoiciais, etc.
Couchant. Adj. verbal tiré du v. coucher.
Il ne se dit que dans ces deux phrases où il suit
son subst. : Chien couchant, soleil couchant.
r.oDcnE. Subst. f. Dans le style poéticiue, il se
dit non-seulement du lit où l'on se met pour
dormir, mais aussi du lit sur lequel les anciens se
plaçaient pour prendre leurs rejws ;
Alors, environné d'une assemblée immense.
De la couche élerée où siège le héros . . .
(Delil., Énéid., II, 2.)
CoicHER. V. a. et pronom, de la i" conj.
Quelques personnes disent aller coucher, pour
aller se coucher; allons coucher, pour allons
nous coucher ; ce sont des expressions vicieuses.
— Eegnard a fait cette faute dans le Joueur (act.
II, se. IV, 42) :
... et vo coucher sans bruit.
Il faut direct va se coucher. — Racine donne à
ce verbe pris neulralement le verbe être pour
auxiliaire {Plaideurs, act. I, se. i, 24) :
Il j aérait couché sans manger et sans boire.
Il y serait couché n'est pas français, dit d'O-
livet, pour signifier il y aurait passé la nuit
Voyez Auxiliaire.
Coucher. Subst. m. Ce mot ne se met poim.
au pluriel, excepté en astronomie. Les astrono
mes distinguent trois couchers des étoiles : le
cosmique, l'achronique et l'héliaque.
Cou-de-pied. Subst. m. QueUjues personnes
écrivent coude-pied. C'est une faute. Le pied
cou
n'a point de coude. I.;i partie supérieure du pied
de l'homme se nommait autrefois col-de-picd,
qu'on i)rononce et qu'on éi-ril aujourd'hui cou-
de-pied. — (( Nous avons probablement tiré cette
expression, dit M. Balin, de l'italien collo del
piede, non parce que cnllo signilie cou, mais
parce (ju'il sluniliait autrefois la partie lapins
haute dv la montagne, colline, cime. On trouve
à peu prés la même sitrnilication en latin, car col-
luiH 7no«<w signilie V'. penchant i\G la montagne.
Et en cficl, ce que nous api)clons le cou-de-pied
est bien la partie la plus élevie, \c penchant du
pied. » {Manuel des amateurs de la langue
françaisi', \" année, p. 151 et 24.)
Coudre. V. a. et irrég. de la h' conj. Voici
comment il se conjugue.
Indicatif. — Présent. Je couds, lu couds, il
C9ud ; nous cousons, vous cousez, ils couserrt. —
Imparfait. Je cousais, tu cousais, il cousait;
nous cousions, vous cousiez, ils cousaient. —
Passé simple. Je cousis, tu cousis, il cousit ;
nous cousîmes , vous cousîtes , ils cousirent.
Quelques-uns disent Je cousus. — Futur. Je
coudrai, tu coudras, il coudra; nous coudrons,
vous coudrez, ils coudront.
Conditionnel. — Présent. Je coudrais, tu cou-
drais, il coudrait; nous coudrions, vous cou-
driez, ils coudraient
Impératif. — Présent. Couds, qu'il couse;
cousons, cousez, qu'ils cousent.
Subjonctif. Présent. Que je couse , que lu
couses, qu'il couse; que nous cousions, que
vous cousiez, qu'ils cousent. — Imparfait. Que
je cousisse, que lu cousisses, qu'il cousit; (pic
nous cousissions, que vous cousissiez, qu'ils
cousissent. Ctndillac dit que je coususse.
Participe. — Présent. Cousant. — Passé.
Cousu, cousi;e.
Il prend l'auxiliaire avoir dans ses temps com-
posés.
CouLAMME.T. Adv. Il sc mct toujours après le
verbe : Cela est écrit coulamment .
Coulant, Coclante. Adj. Il se met après son
subst. : Ruisseau coulant, style coulant, vers
coulant.
Coulant. Subst. m. C'est, selon l'Académie,
un diamant ou une pierre précieuse que les
femmes i)ortenl pour ornement à leur cou , et
qui esl enfilé à un cordon de soie, en sorte qu'on
le peut hausser et baisser. On a remarqué, au
sujet de cette définition , que le coulant d'un
collier en est la parlie au moyen de laquelle on
peut le resserrer ou le relâcher à volonté. Il y a
des coulants de diamants et daulres pierres
précieuses; il y en a d'or, d'argent, de cui-
vre, etc.
Couler. Y. a. de lai" conj. Voltaire l'a em-
ployé dans un sens qui ne se trouve pas dans le
Dictionnaire de l'Académie :
Henri Toit ces beaux lieux, et soudain i leur vue
Sent couler dans son àine une joie inconnue.
(flenr., VII, 232.)
Couleur. Subst. f. On dit un beau couleur de
feu ; le couleur de rose, d'or, d'eau, de chair, de
citron, etc. C'est ainsi qu'il faul parler el écrire,
et c'est ainsi qu'on parle en effet depuis plus
d'un siècle.
Ceux qui disent, conformément à l'usage , le
couleur de feu, un heau couleur d'or, etc., cl
qui en donnent pour raison que le mot couleur
esl pris alors au masculin , sc trompent dans
cette prétondue exception, aussi bien que ceux
co:
177
qui veulent qu'il y ait ici quelque substantif
masculin sous-cntcndu, tel que ruhun, habit, etc.,
comme si l'on disait un ruban coulrur de feu',
un habit couleur de rose ; car si l'un v veut faire
attention, on verra que le mol couleur est toujours
féminin par lui-même; mais couleur de feu, cou-
leur de rose, sont des expressions absolues i|ui
ne dmi qu'un seul mol, connue muge, jaune,
vert, et tous les autres noms abstraits de couleur',
qui sont toujours masculins.
Sur quoi il faut remaripier :
1 Que tous ces mots composés expriment des
teintes do couleurs primitives absolues, el que
ces teintes ou ces nuances n'ayant point de mot
propre, sont exprimées d'ajn'os les corps colo-
rés qui en font le sujet, par l'addition du mol
couleur, couleur de rose, couleur d'or, etc.; ou
plus brièvement, connnc orangé, violet, gris-de-
lin, feuille-morte, d'après la couleur des oran-
ges, dos violettes, de la Heur du lin, des feuilles
mortes. Or, ceux-ci étant visiblement masculins,
même lorsque le sujet de comparaison est fémi-
nin , comme dans feuille-morte , ni plus , ni
moins que dans gris-de-lin, selon l'analogie gé-
nérale des noms absolus de couleur, la même
analogie demande que les composés, couleur de
rose, couleur de chair , etc., Soient aussi mas-
culins.
2" On dit le rouge, le vert, le bleu ; et un rouge
brun, un rouge tirant sur le jaune, un vert d'o-
live, el par la même raison un couleur d'or, un
couleur de rose; elle mol de couleur n'est pas
plus masculin dans ces derniers que celui de
feuille dans feuille-morte. Quoiqu'on dise un
beau feuille morte, c'est le mol composé pris en
eiilierqui esl masculin, el non sa partie compo-
sante, couleur ou feuille.
3" Lorsque le mot générique de couleur est
suivi, en tant que tel, d'un autre qui désigne
l'espèce, il demeure substantif féminin; el cet
au Ire devient son adjeclif,comme lu couleur verte,
blanche, noire, etc. C'est donc mal parler de
dire, la couleur de cerise, la couleur de feu, de
rose, etc., par la raison (jue le mol sul)Slanlif
couleur régit alors l'article. Il faudrait dire la
couleur des cerises, ou do la cerise, la couleur
du feu, celle de la rose, etc., comme on le dit en
effet dans bien des occasions.
4" On voit par là combien la remarque de ceux
qui ne voudraient ap|)liqucr l'expression dont il
s'agit qu'aux habits el aux rubans, au qui pen-
sent que ces mois y sont toujours sous-cnlendus,
esl fui ile el mal fondée. « Les marchands merciers
de Paris, dit Richelol dans la première édition
de son dictionnaire, imprimée à Genève en 168D,
font souvent le mot de couleur masculin, enpar-
lunt de leurs rubans. Ils disent, nous avons du
beau couleur de fou, voulez-vous du couleur de
feu? Les habiles gens que j'ai consultés lù-des-
sus co?idamne7it ces façons déparier. Ils croient
qu'il faut dire et écri'^e, nous avons du beau
ruban couleur de feu , voulez-vous du ruban
couleur de feu? j'en ai du forl beau. » D'où je
conclus sculemenl ou q\ie l'usage a changé et
s'est déclaré en faveur des marchands, ou que
Richelel el les habiles gens (ju'il avait consultés
se trompaient, el ne i)ensaieiil |ias bien en celle
occasion à l'analogie du langage. Ce serait, si je
ne me trompe, un scrupule vain cl puéril de ne
vouloir employer les mots de couleur de feu,
couleur de rose, au mnsciilin, qu'on parlant d'ha-
bits ou de rubans, el de faiie «lifllculté dédire,
par exemple : Le couleur de feu dominait dans
12
178
COU
Vaterore boréale qui parut hier au .mir. Le cnu-
leuT de rose, le cavleur de chai' et le couleur
d'eau sont du nmnbre des coulrnrs que les pein-
tres appellent légères, pour les distinrfver de
celles qu'ils nomment pesantes, teivestres. (Ar-
ticle (Je M. de Mairon, approuve par rAcadcmie
française.)
Cocp.Subst. m. Le p ne se prononce que dcvnnt
une voyelle. Coup se dit des actions humaines.
Cel ouvrage, madame, est un eoup d'Agrippine.
(Ric, Bn<an., acU A', se. i, 51.)
Noa, non, Brilannicus esUmorl empoisonné ;
Narcisàe a fail le coup, vous l'avez ordonné.
\Idcm, acl. T, se. Tl, 10.)
Voltaire a critiqué les vers suivants de Cor-
DeiUe et de Racine :
Sladaine, encore un coup, cet homme est-il à tous f
(CoBN., A'icom., act. I, se. il, 84.)
.Madame, encore un coup, qu'en peut-il arriver?
^Rac, Bérén., act. III, se. m, 55.)
Encore un coup, allons, il n'y faut plus penser.
[Idem, act. II, se. Il, 212..
Encore un coup est une façon de parler trop fa-
milière el presque basse, dont Bacine faisait
trop souvent usage. [Hemarques sur la Bérénice
de Bacine.)
Il a dit aussi dans ses Remarques sur le Cid
(act. ÏI, se. Il, ■13), que coup d'essai, coup de maî-
tre,SOtd des termes fainilicis qu'on ne doit jamais
employer dans le tragique.
On dit adverbialement, coiip sur coup, tout
d'un coup, tout à coup. Ces trois expressions ne
signifient pas la même chose. Coup sur coup se
dit de ce qui se fait successivement, mais sans
interruption : Ils sont arrivés coup sur coup;
tout d'un coup, de ce qui se fait en même temps :
Ils ont résolu de partir tout d'un coup; tout à
coup, de ce qui se fait soudainement et comme
à l'improvisle .• Ils ont disparu tout à coup.
CoDPABLE. Adj. des deu.v genres. L'Académie
ne le dit que des personnes; cependant, au fi-
guré, il se dit aussi des choses : Sa main coupa-
ble, sa tête coupable.
La justice, fuyant nos coupables climats.
Sons le chaume innocent porta ses derniers pas.
iDelil., Géorg., II, 569.)
Coupable se dit quelquefois absolument : // est
omipahle; et quelquefois il régit la préposition
de :Il est coupa Lie de ce crime.
Cet adj., au ligure, jieut se mettre avant son
subsl., même en prose: Celte coupable démarche.
J'en ai trop froloiigé la coupahU durée.
(Hac, Phid., act. I, se. m, 65.)
CoDPE. Subsl. f. On voit dans plusieurs épitres
de Marot, dit La Harpe, que l'oreille lui avait
appris que l'enjambement, qui est par lui-même
vicieux dans l'hexamclre, à moins qu'il n'ait une
intention marquée et un effet particulier, non-
seulement sied très bien aux vers de cinq pieds,
mais même produit une beauté rhyihmiipie, en
arrêtant le sens, ou suspendant la phrase à l'hé-
mistiche :
B'ef, le vilain ne s'en voulal aller
t'oorii petit
COU
Pinaleinent de ma chambre il s'en va
Droit à l'élable
(Ép«rf I, 24, 51.)
Cette coupe est très-gracieuse dans celte es-
pèce de vere, [lourvu qu'on ne la prodigue pas
trop; car on ne savuait trop redire à ceux qui
sont toujours prêts à abuser de tout, que l'e.^cès
des meilleures choses est vin mal, et tjue l'emploi
fréquent des mêmes beautés devient al'feclalion
et monotonie. Voyez le comniencemcnt de l'épî-
trede Voltaire sur b calomnie [Epître XXXV) :
Ecoulez-moi, respectable Emilie :
Vous êtes belle : ainsi doncla maillé
Du genre humain sera vulrt ennemie ;
A'ous possédez un sublime génie:
On vous craindra ; votre simple amitié
Est confiante, et vous serez trahie.
Ces vers sont parfaitement coupes; mais si
tous les vers de la pièce étaient de même, cela
serait insupportable. (La Harpe, Cours de Litté-
rature, 2'' part., liv. 1, chap. i, t. IV, p. 75.)
On appelle coupe des phrases ou cotipe du style
la manière de composer le discours do phrases
plus ou moins longues, suivant la nature des
idées. Voici ce que dit Condillac sur cette partie
du style.
La liaison des idées, si on sait la consulter,
doit naturellement varier la coupe des phrases
c' les renfermer chacune dans de justes propor-
tions. Les unes seront simples, les autres com-
posées, et plusieurs formées de deux membres,
de trois ou davantage. La raison en est que tou-
tes les parties dun discours ne sauraient être
susceptibles d'un même noml)re d'accessoires.
Tantôt les idées, pour se lier, veulent élre con-
slruitcs ensemble; d'autres fois elles ne veulent
que se suivre; il suffit de savoir faire ce discer-
nement. Le vrai moyen d'écrire d'une manière
obscure, c'est de ne "faire qu'une i)hrascoù il en
faut plusieurs, ou d'en faire jjlusieurs où il n'en
faut qu'une. Si deux idées doivent se modifier,
il faut les réunir; si elles ne doivent pas se modi-
fier, il faut les séparer.
Ce même Dieu gui a fait l'cnchaîneiuent de
Vunivers, et qui, tout-puissant par lui-même,
a voulu, pour établir l'ordre, que les parties
d'un si grand tout dépendissent les unes des au-
tres ; ce même Dieu a voulu aussi que le cours
des choses humaines eut sa suite et ses propor-
tions : je veux dire que les hommes et les na-
tions ont eu des qualités proportionnées ù l'élé-
vation à laquelle ils étaient destinés ; et qu'à la
réserve de certains coups extraordinaires où
Dieu voulait que sa main parût toute seule, il
n'est point arrivé de grand changement qui
n'ait eu ses causes dans les siècles précédents.
(Bussuet, Disc, sur l'hist. univers., Z" part.,
ch. ii,p. 41J.)
On voit que tout le premier membre de la pé-
riode de Bossuet est destiné à modifier l'idée de
Dieu ; cl cela doit élre, parce que c'est comme
ordonnateur de l'univers que Dieu a marqué
aux choses humaines leur suite et leurs propor-
tions. L'uni(iue objet de Bossuet est d'expliquer
comment il n'arrive rien qui n'ait ses causes dans
les siècles précédents. Ln rassemblant dans une
période toutes les idées ([ui concourent au déve-
loppement de sa pensée, il forme un tout dont
les parties se lient sans se confondre.
Bossuet connaissait parfaitement la coupe du
style. QueUiuefois il va rapidement par une suite
de phrases très courtes; d'autres fois ses périodes
cou
sont d'une grande paçe, et elles ne sont pas trop
Ioniques, pince <|ue ions les niembres en sont
dislincls cl sans emharns; soit (lu'il en accu-
mule les idéi's, suit qu'il les sf|)arc, il a toujours
le style de la ciiose. Il va me lournii- un exemple
d'une autre espèce.
Les Egyptiens sont les premiers où Von ait su
les règles du gotircnicinent. Cette nation grave
et sérieuse connut d'abord la vraie fin de ta po-
litique, qui est de rendre lu vie commode et les
peuples heureux. La température toujours uni-
forme du pays y fuisoKt les esprits solides et
constants. Comme la rcrtii est le fondement de
toute société, ils l'ont soigneusement cultivte.
Leur principale vertu a été la recon?iaissunce ;
et la glaire qu'on leur a donnée d'être les plus
reconnaissants do tous les hommes, fait voir
futls étaient les plus sucialles. [Discours sur
Hist. univers., o'' i)arl., cliap. m, p. 416.)
Ce passjise est furuié de plusieurs assertions
qui veulent" chacune être énoncées séparcuieut;
et ce serait leur l'aire violence que de les réunir
dans une seule période, la règle générale pour
les périodes, c'est que plusieurs idées ne sau-
raient se réunir en une idée principale pour for-
mer un tout dans une proportion exacte, qu'elles
ne produisent naturellement des membres distin-
gués par des repos marqués.
Je ne m'arrêterai point à distinguer les pério-
des suivant le nouilirc de leurs membres. La régie
est la même pour toutes : les parties en seront
toujours dans de justes proportions, si le principe
de la liaison des idées est bien observé.
Mais il y a lies écrivains qui, alïectant le style
périodique, confondent les longues phrases avec
les périodes. Leurs phrases sont d'unclongueur
insupportable; on croit qu'elles vont (inir, et
elles recominenccMl sans permettre le plus lé-
ger repos : il n'y a ni unité ni proportion, et il
faut une apjilication bien soutenue pour n'en
rien laisser échapper. Polisson , tout estimé
qu'il est, va m'en fournir un exemple; il en est
plein.
Les blessures étalent plus mortelles pour les
Maures; car ils se contentaient de les laver dans
Veau de la 711er, et disaient, par une inanicre de
proverbe ou de centon de leur pays, que Dieu,
qui les leur avait données, les leur ùterait.
Cela toutefois moins par le mépris que par l'i-
gnorance des remèdes; car ils estimaient au
dernier point un renégat, leur unique chirur-
gien, (i qui, par une politique bizarre, à cha-
que blessé de conséquence qui mourait entre ses
mains, ils donnnienl un certain nombre decoups
de bâton, pour le chéitier plus ou moins, sui-
vant l'imjry.r tance du mort, puis autant de piè-
ces de kuit réaies pour le consoler, et l'exhor-
ter à mieux faire à l'avenir.
Ce n'est pas là une période que fait Pclis-
son; ce sont plusieurs phrases qu'il ajoute les
unes aux autres, et qu'il lie mal. Voila où l'on
tombe lorsqu'on veut lier ensemble des phrases
qui ne se lient pas naturellement. 11 serait mieux
de les séparer par des repos.
11 y a des écrivains qui s'occupent à entremê-
ler les phrases longues et les phrases courtes ;
mais l'esprit qui s'arrête à ce petit mécanisme
n'esl pas capable de se porter sur le fond des
choses. Si l'on considère ([ue les pensées qui for-
ment le tissu du dise* urs n'ont lias chacune le
même nombre d'accessoires, on jugera que les
phrases seront naturellement inégales, toutes les
COU
179
fois qu'on les aura rendues avec les accessoires
qui leur sont propres.
CocpÉ, Coupée. Adj. et iiarlicipe. On appelle
style coupé un Style dont les [ibrases sont cour-
tes el peu liées. 11 est opjiosé au style pério-
diijue. Chaque pensée a son étendue, ciiaque
image son caractère, chaque mouvement de l'àme
son degré de force el de rapidité. ïanlôl la pen-
sée demande le développement de la période ;
tantôt les traits de lumière dont l'esprit est frajjpe
sont comme autant d'éclairs qui se succèdent ra-
l)idemenl : le style cou[)é est propre à les pein-
dre. Ce style convient encore mieux aux mouve-
ments impétueux de l'àme; c'est le langage du
pathétique véhément et |)assionné ; el, quoiijue
le style périodique ait plus d'impulsion à raison
de sa masse, le style coupé ne laisse pas d'avoir
quelquefois autant et plus de vitesse. Voyez
Coupe, Style.
CocPE-GORGE. On dit au pluriel des coupe-
gorge. Dans cette expression, il y a ellipse; c'est
connue si l'on disait des lieux où l'on coupc la
gorge. La pluralité ne tombe donc pas sur gorge,
mais sur lieux. Quant au mol coupe, c'est un
verbe qui ne peut prendre la marque du pluriel
particulière au nom.
Coupe-jarret. Subst. m. L'Académie écrit au
pluriel des coupe-jarrets. La pluralité doit tom-
ber ici sur le mot sous-entcndu hommes, des
hommes qui coupent les jarrets; et l'on devrait
écrire au singulier un coupe-jarrets. Mais puis-
que l'usage veut que l'on écrive au singulier un
coupe-jarret, il faut écrire au pluriel des coupe-
jarret, car il s'agit ici de plusieurs hommes, et
non pas de plusieurs jarrets. Voyez Composé.
Couple. Subst. Il est masculin lorsiiu'il se dit
de deux personnes unies ensemble par amour ou
par mariage, ou seulement envisagées comme
pouvant former cette union : Un couple d'a-
mants, un couple d'époux, f^oilù un beau couple.
— L'Académie admet encore le masculin pour dé-
signer deux êtres animés unis par la volonté,
par un sentiment, ou par toute autre cause qui
les rend propres à agir de concert : Un couple
d'amis, un couple de fripons, un beau couple de
chiens. — 11 est aussi masculin lorsipi'on l'appli-
que à des animaux que l'on a accouplés : un
couple de pigeons. Couvle est féminin quand il
est employé pour signifier deux choses (luelcon-
qucs d'une même espèce, qui ne vont pas ensem-
ble nécessairement, el qui ne sont unies qu'acci-
dentellement. On s'en sert môme en ce sens en
parlant des animaux, lorsqu'on ne les envisage
que par le nombre: une couple de bœufs; une
couple de bottes de confitures. (Juand deux choses
vont nécessairement ensemble, on dit une paire;
une paire de gants. Delille ne s'est point asservi
à cette règle dans les vers suivants (Enéide, V,
551) :
11 dit, et de ses mains fait toml)er sur le sable
De castes menaçants un coupla épouvantable.
11 aurait dû dire une paire; mais une paire n'en-
tre point dans le style noble. 11 y aurait trop de
sévérité à trouver cette expression mauvaise en
poésie.
* CouPLETEUR, *CoupLETiEK. Substautifs mas-
cr.lins. On disait il y a quelque Icmps coupleteur
au lieu de chansonnier. On dit aujourd'hui c«»-
plcticr, dans un sens de dénigrement, qui signifie
les auteurs qui l'ont les couplets des vaudevilles.
180
COU
ou qui ne sont connus que par des chansons mé-
diocres ou mauvaises.
CouPLÉTER. V. a. de la d" conj. L'Academic
dit que ce verbe signifie faire une chanson,
faire des couplets contre quelqu'un. On dit chan-
son jier.
CoDR. Subst. f. Faire la cour.
Je le sais, ma princesse, el qu'il vous /ai'< la cour.
(Corn., fl'icom., acl. 1, se. i, 18.)
Faire la cour, dans celte acception, est banni du
style tragique. (Voltaire, Remarques sur Cor-
neille.) .
CoL'RAGK. Subst. m. On dit sans article donner
courage; perdre, prendre, reprendre courage.
Ton courage était bon, ton devoir l'a trahi.
(Corn., Pol., acl. I, se. iv, 68.)
On dit bien dans le style familier, tu as bon cou-
rage, mais non pas, ton courage est bon. (Vol-
taire, Meviarques sur Corneille.)
Courage, dans le sens d'homme courageux,
prend un pluriel : Les grands courages ne se
laissent point abattre par Vadtersité. (Acad.)
Corneille a dit [Cin., act. I, se. m, 65) :
Vous dirai-je les noms de ces grands personnages,
Dont j'ai dépeint les morts pour aigrir les courages ?
Dans le temps de Corneille, dit Voltaire, on
disait les courages pour les esprits; on peut
même encore se servir du mot courages en ce
sens.
Coc RAGEUSEMENT. Adv. On pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire et le pnrliL'ipc : // s'est défendu cou-
rageusement,ou il s'est courageusement défendu.
CoDRAGEUx, Courageuse. Adj. On peut quel-
quefois le mettre avant son subst., môme en
prose : Une courageuse ardeur, un courageux
dévouement.
Couramment. Adv. Il se met toujours après le
verbe. On dit cela est écrit couramment, et non
pas cela est couramment écrit.
Courant, ante. Adj. verbal tiré du v. courir.
Il se met toujours après son subst. : Un ruisseau
courant; l'intérêt courant.
Courber. V. a. de la 1" conj. Se courber de-
vant quelqu'un signifie lui donner des marques
de soumission, de respect :
L'insolent devant moi ne se courba jamais.
(Rac, Eath., act. III, se. i, 52.)
CooRiB. V. n. et irrégulier de la 2° conj.
Indicatif. — Présent. Je cours, tu cours, il
court; nous courons, vous courez, ils courent.—
Imparfait. Je courais, lu courais, il courait;
nous courions, vous couriez, ils couraient. —
Passé simple. .Te courus, tu courus, il courut;
nous courûmes, vous courûtes, ils coururent. —
Futur. Je courrai, tu courras, il courra; nous
courrons, vous courrez, ils courront.
Conditionnel.— Prcie/i^ Je courrais, tu cour-
rais, il courrait; nous courrions, vous courriez,
ils courraient.
Impératif. — Présent. Cours, qu'il coure;
courons, courez, qu'ils courent.
Subjonctif. — Présent. Que je coure, que tu
coures, qu'il coure; que nous courions, que
vous couriez, qu'ils courent. — Imparfait. Que
je courusse, que tu courusses, qu'il courût; que
COU
nous courussions, que vous courussiez, qu'ils
courussent.
Participe. — Présent. Courant. — Passé. Couru,
courue.
Courir, exprimant ime action, prend l'auxi-
liaire avoir. Il ne prend l'auxiliaire ét7-e que dans
un sens passif, lors(iu'il sienilie être suivi, être
recherché : Ce prédicateur est fort couru.
On pourrait croire (pie le verbe cmirir prend
pour auxiliaires le verbe avoir et le verbe <?/re,
quand on lit ces vers de Racine {Bérén., act. II,
se. 1,2):
J'ai couru chei la reine;
Dans son appartement ce prince avait paru.
Il en était sorti lorsque j'y «uis couru.
D'Olivet a repris avec raison/e suis couru II n'y
a pas ici, comme dans le vcrhc partir et plusieurs
autres, deux idées distinctes, une action et un
étal; c'est uniquement une action; il faut tou-
jours l'auxiliaire avoir.
Dans le sens actif, ce verbe s'emploie pour
parcourir : J'ai couru toxite la ville pour vous
trouver, je cours tout le sérail. (Montes(}uieu, T
lettre persane.)
Couronne. Subst. f.
Remetlez en ses mains, trine, sceptre, couronnp.
(Corn., Pompé';, act. II, se. IV, 57.)
Ce ne sont pas trois choses différentes; c'est la
même idée sous trois diverses figures. (Voltaire,
Remarques sur Corneille .)
CounoNNÉ, Couronnée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst., et qui régit souvent la pré-
position de : Un prince couronné. Couronné die
lauriers, couronné de roses.
Couronner. V. a. de la 1" conj. Racine a dit:
Il va sur tant d'Etats couronner Bérénice.
[Bérén., act. I, se. IV, 39.}
Couronner quelqu'uji sur des États n'est sup-
portable ni en vers, ni en prose.
Courrier. Subst. m. L'Académie dit qu'on
l'emploie en parlant de celui (]ui court la poste
pour porter des dépêches. Féraud observe qu'elle
aurait dû ajouter à cheval, car chaque homme
qui court la poste en chaise n'est pas un courrier.
— Il y a des courriers achevai et en chaise : Le
courrier de la malle.
Courroucer. V. a. delà 4" conj. L'Académie
dit de la mer qu'cWe se courrouce, qu'elle est
courroucée. Delille a dit courroucer les eaux pour
courroucer la mer :
Lorsqu'un astre funeste,
Déohainant la tempête et courrouçant les eaux,
Parmi d'affreux rochers a jeté nos vaisseaui.
(Énéid., I, 742.)
Courroux. Subst. m. Autrefois on employait ce
mot au pluriel, et les poètes s'en trouvaient bien.
Aujourd'hui il ne s'emploie plus qu'au singu-
lier :
Poursuivez, s'il se peut, un courroux légitime.
(lUc, Baj., act. V, se. iv, 90.)
On dit suivre le courroux, et poursuivre la ven-
fjcance. La raison en est simple. Suivre le cour-
'roux, c'est se laisser mener par \\\\; poursuivre
la vengeance, c'est courir après pour la trouver.
Telle est la différence de ces deux termes, au fi-
cou
guré comme au propre. (La Harpe, Cours de lit-
térature.)
L'Académie explique ce mol par colère. Mais
il y a de la diffcieiicc entre l'un cl l'aulre. La co-
lère esl une passion inlcrieure cl plus durable,
qui se cache queiciuefois; le courroux suppose
quelque chose qui lient de la supériorité, et qui
respire hautement la vengeance ou la punition.
Le cœur est réellement piqué dans la colère;
souvent le courroux n'a d'autre motif que la va-
nité.
Cocns. Subst. m. Bacîne l'a employé (igurément
{Iphig., acl. I, se. I, 69) :
Ulysse, en apparence, approuvant mes discours,
De ce premier torrent laissa passer le cours.
Court, Cocrte. Adj. On peut le mettre avant
son subst. lorsque l'harmonie et l'analogie le
permettent. On ne dit pas court habit, courts
cheveux, court cou ; mais on dit courte queue,
courte réprimande, courte prière; etc. Voyez
Adjectif.
Cet adjectif se prend souvent adverbialement :
Cette femme demeura court, couper les cheveux
court.
CouRT-BODiLLON. Subst. m. On mouille les l.
Comme il signifie une manière d'apprêter le
poisson, il ne peut avoir de pluriel. On AMune
caipe au court-bouillon, et des carpes au court-
bouillon ; comme ou dit un poulet ù la broche, et
des poulets à la broche.
CoDRTE-BOTTE. Subsl. lu. 11 uc s'agit point ici
de bottes, mais de certains hommes très-petits,
qu'on désigne par le nom de courte-botte. La plu-
ralité ne doit donc pas tomber sur ioiie,mais sur
homme, qui est sous-cntcndu: Des courte-botte.
CouRTE-poiMTE. Subst. f. Ou devrait dire con-
tre-pointe, comme on dit contre-pointer ; et on le
disait autrcfoi!^. Il signifie proprement une sorte
de couverture où les pointes ou points sont pi-
qués les uns co7i/re les autres. Quand on écrivait
contre-pointe au singulier, on écrivait contre-
pointes au pluriel. .Mais l'usage ayant changé la
préposition contre en un adjectif courte, cet ad-
jectif doit prendre comme son substantif la
marque du pluriel, et l'on doit écrire des courtes-
pointes.
Coûtant. Adj. verbal tiré du verbe coûter. Il
n'a point de féminin : Le prix coûtant.
Couteau. Subst. m. Féraud dit que ce mot ne
peut être employé dans le style noble, et blâme
la phrase suivante de Bossuet : Ainsi deux
mauvaises sectes seront percées du même coup,
et à travers du socinien, le calviniste portera le
couteau jusque dans so?i propre sein.
Féraud veut que dans le style noble on dise
glaive. Mais glaive ne signifie pas la même
chose que couteau. On dira bien le glaive de la
justice, mais on ne dira pas le glaive d'un as-
sassin. Les exemples suivants , et une foule
d'autres qvie nous pourrions citer, prouvent que
l'on emploie fréquemment le mot couteau dans le
style noble :
C'est peu que de Toulo«r, sous an couteau mortel.
Me montrer votre cœur fumant sur un autel ;
D'un appareil d'iiynien couvrant ce sacrifice,
Il veut que ce soit moi qui vous mène au supplice ;
Que ma crédule main conduise le couteau.
{Rac, Iphig., act. III, se. TI, 27.)
De festons odieux ma fille couronnée,
Tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés.
(Ric, Iphig., acl, V, se. IT, 28. j
COU 181
El sur l'autel proctiain
Prend le sacré eout«au, le plonge dans son sein.
(Rac, Iphig., acl. V, se. vi, 56.)
Du perfide cou(«au comme eux il fut frappé.
(Rac, Ath., act. lY, se. m, 10.)
Qu'il règne donc ce fils, ton soin et ton ouvrage I
Et que, pour signaler son empire nouveau.
On lui fasse en mon soin enfoncer le couteau.
(Rac, Ath., acl. V, se. vi, 56.)
Il tient encor ce couteau parricide
Dont le conseil des seize arma sa main perfide.
(Volt., Henr., Vit, 168.)
El la trêve pour toi n'est qu'un moyen nouveau
Pour Tenir dans nos mains enfoncer le couteau.
(Volt., Jfahom., acl. II, se. T, 11.)
C'était peu que les tiens, altérés de Ion sang,
Eassenl ose porter la couteau dans ton flanc.
(CbÉbillok, Electre, act. I, se. I, 19.)
La prêtresse d'abord, sous les couteaux sanglantj.
De quatre taureaux noirs a déchiré les flancs.
(Dblil., Énéid., YI, 315.)
El le sacre couteau
Immole à Jupiter un superbe taureau.
[Idem, III, 50.)
Coutelas. Subst. m. Corneille s'est servi de
ce mot dans Pompée (act. II, se. ii, 5S), et l'on
dit à ce sujet qu'il ne peut être employé aujour-
d'hui en poésie que dans le style burlesque.
Cependant Voltaire l'a souvent employé dans la
Henriade :
Au mousquet réuni, le sanglant coutelat
Déjà de tous côtés porte ut: double trépas.
(VIII, 165;;
Furieuse, elle approche avec un coutela»
De ce fils innocent qui lui tendait les bras.
(X, 287.)
Le monstre au même instant tire son coutelas.
L'en frappe, et dans le flanc l'enfonce avec furie.
ÇV, 316 '
Coûter. V. n. de la 1" conj. On demande s'il
laul écrire : Les frais considérables que cette
affaire m'a coiilcs, ou les frais considérables que
cette affaire nia coûté. On ré|)ondra facilement
à cette question, si l'on se rappelle «pie le participe
ne peut entrer en concordance avec le régime qui
le précède que quand le verbe a un régime di-
rect, c'est-à-dire qu'il estactif.Or, coûter n'est pas
un verbe actif ; les frais considérablesne peut donc
étrelerégimedirectdu participe; l'accord ne sau-
rait donc avoir lieu. Ainsi l'on doit écrire /«/"raw
considérables que cette affaire m'a coûte. Le
sens est cette affaire m'a coûté des frais consi-
dérables, et non pas m'a coûté les frais considé-
rables. On ne peut donc approuveras phrases
suivantes : f^ous n'avez pas oublié les soins que
vous m'avez coûtés depuis votre enfance. (Fé-
neloii, 7e7eTO., liv. VII, 1. 1, p. 2ol.) Il faUait
coûté.
Que de soins m'eût coites cette tête charmante!
(Rac, Phèd., acl. Il, se. r, 77.)
Après tous les ennuis que ce jour m'a coité»,
Ai-je pu rassurer mes esprits agites ?
(Rac, Britan., acl. V, se. T, 5.)
Dans la dernière édition de son Dictionnaire,
l'Académie s'e.xprime ainsi au sujet de ce mot:
d82
COU
« Le vribc couler élaul neutre, n'a point de p.ir-
iicipe ; cependant plusieui-s personnes écrivent
les vinnt mille francs que cette maison m'a
coûtés; les efforts que ce travail m'a coûtés,
la peine qu'il m'a coûtée. L'cxactilude gram-
matieale exige 7n'a coûté. «
Coûteux, Coûteuse. Adj. Il se met après son
subst.
CouTCME. Subst. f. On dit sans article avoir
coutume. Le Dictionnaire de {'.académie dit
quoroiV coutume s'emploie en parlant des corps
inanimés. INous ne le pensons jws. \.e mol cou-
tume vient du latin consuctvdo, (|iii signilic liabi-
ti'.do conlraclée, et ne se dit point des choses
inanimées. Dans le temps que l'on disait iwoir
coutume des choses inanimées, on lui préférait
avoir accoutumé, qui ne valait guère mieux.
Avoir accoutumé a été rejeté, et avoir covttttuc
est resté dans les dictionnaires , quoiqu'il soil
aussi banni du langage. L'Académie dit : Ce
pommier Cl coutume de donner beaucoup de fruits;
cette cheminée a coutume de fumer; les pierres
qui viennent d'être tirées de la carrière ont
coittumc de se fendre à la gelée. On pourrait donc
dire aussi une plume qui a coutume de bien écrire,
un canif qui a coutume de bien couper, etc.; on
ne trouve ces expressions dans aucun bon auieur
moderne. En effet, pourquoi aller détourner un
mot de sa véritable signification, pour exprimer
des choses que l'on exprime naturellement d'une
autre manière? Ne peut-on pas dire ce pommier
lionne ordinairement beaucoup de fruits; les
pierres nouvellement tirées de la carrière
sont sujettes à se fendre, etc.
^'oltaire a dit : Les Anglais ont la coutume de
finir presque tous leurs actes par irne compa-
raison {Lettre à M. Maffei en tête de Mé-
rope), et Roubaud critique cette phrase. Avoir
la coutume, dit-il, n'est pas correct ; l'article la
est de trop. Cette critique me scmlde fausse. On
dit avoir coutume lorsqu'on parle d'une chose
commune, assez ordinaire cl qui se voit souvent :
Avoir coutume de mentir, de se lever matin.
Mais lorsfju'on parle d'une coutume extraordi-
naire, sintrulière, on dit avoir la coutume : Il y
a des pays oii les femmes ont la coutume de se
percer le nez pour y pendre des joyav.v. Or,
comme la coutume de finir presque tous les ac-
tes des tragédies par une comparaison n'est point
connue des autres nations, et surtout des Fran-
çais, Voltaire a dû dire ont la coutume, et non
pas ont coutume. — «Il nous semble queYol-
tïire, i>ar l'expression qu'il emploie, ne s'occupe
pas de taire une restriction pour un usage connu
sevilemcnl îles Anglais ; il se fut exprime de même
quand il s'agirait de tous les peuples du monde.
Mais seulement le sens n'est i)as le même dans
les deux locutions. Avoir coutume est une phrase
faite pour indiquer une habitude continuelle,
une manière d'être passée dans les usages de la
vie. Avoir la coutume désigne une mode adop-
tée, une sorte de convention générale, mais non
un acte continu. Le premier tient à la nature,
c'est l'effet d'un penchant qui nous enliainc; le
second tient à l'opinion, et peut changer au gré
de ses caprices. » (A. Lemaire, Grammaire des
Grammaires, \t. 1107.)
CocTOMiER , CouTLMiiiRE. Adj. 11 régit de :
Coutumier du fuit, coutumier de vientir. Il se
met aussi absolument : Pays coutumier, droit
coutumier
Et mes veux, éclairés de célestes lumières.
CRA
Xe trouvent plus aux siens leurs grlces eoulumiért».
(CoBN., Pol., ad. IV, se. II, 55.)
C'est dommage, dit Voltaire, que ce dernier mot
ne soit plus d'usage que dans le burlesque. {Be-
marques sur Corneille.)
Couvre-chef. Subst. m. Coiffure qui sert à
couvrir le chef. Au iiluricl, citefwc |)rend point
de s. La pluralité tond)C sur coi/fc, qui est sous-
entendu. 11 faut donc écrire des courre-chef.
Couvr.E-FEc. Subst. m. L'stcnsilc (pii sert à
couvrir le feu. Quand ce mot est U'.is au pluriel,
la pluralité ne peut affecter (jue le mol ustensile,
(]ui est sous-entendu, et non le mol feu ; car il
s'agit de couvrir le feu, et non de couvrir les
feux.
CouvRE-viicD. .'^ubst. m. Couverture qui sert
à couvrir les pieds. On déviait éciire couvre-
pieds, car il s'agit de ce (jui couvre non le pied.
m-A\s les pieds. Mais jtuisque l'usage veul qu'on
écrive piei sans s au singulier, on doit l'écHrc
de même au pluriel, car à l'un el à l'autre nom-
bre, il a la même signilicalion. Ecrivez donc des
couvre-pied.
CouvKiR. V. a. de 13 2"" conj. Voici quelques
exemples où ce mot est pris dans des acceptions
qui ne sont point indiquées dans le Dictionnaire
de V Académie, ou qui le sonl mal :
Le ciel, qui dans mes mains a remis voire enfance,
D'une profonde nuit couvre voire ll.^is^ance. . .
(Volt., OEd., act. V, se. li, 5S.)
Tout imila Paris; la mort, sans résistance,
Couvrit en un moment la face de la France.
(Volt., Henr. II, 533.)
Couvrant leurs intéréls de l'inlérél des cieut.
[Idem, II, 27.)
Dispersez sur les mers ou novei leurs vaisseaux.
Et de leurs corps épars couvrez au loin les eaux.
(DïLiL., Ènéid., l, 112.}
Le héros, à ce discours Itatleur,
Sentit couvrir son front d'une noble rougeur.
(Volt., Henr., III, 161.)
Corucillea dit dans fl'eradius (act. IV, se. iv, 443):
Couvert ou de louange, ou d'opprobre éternel.
11 faut d'un opprobre éternel, dit Voltaire ; à'op-
probrc est ici absolu, et ne souffre point d'cpi-
thèle. [Remarq. sur Corneille.)
Crabe. Animal de mer du genre des crusta-
cés. Trévoux et l'abbé Prévost [Dict. portatif)
font ce mot féminin ; mais l' .académie, les autres
lexicographes el les naturalistes ne lui donnent
(lue le genre masculin.
Crac. Espèce d'interjection. On prononce le c
final.
Crmndre. V. a. de la 4* conj. Il y a quelque
difficulté dans l'emploi de la négative ne e.i ne
pas avec le verbe craindre, lorsipi'il est suivi
d'une phrase subordonnée. Quand on ne sou-
haite [)as la chose exprimée par le verbe de la
phrase subordonnée, on emploie ne sans pas, si
la forme de la phrase principale est affirmative
ou intcrrogative. Quand je dis^'e crains que la
maladie ne decienne mortelle, je ne souhaite i)as
(lu'elle devienne mortelle, et par celte raison je
mets 7t« sans pas.
Craignez, seigneur, erairjnoz que le ciel rigoureii.\
Ife vous haïsse assez pour exaucer vos vœux.
(RiC, Phéd., act. V, se. Ill, 22.)
CRA
Il en est de même lorsque la phrase est inter-
rogative : Crai^nez-rous qu'il ne riejme9
Quoi! craignex-uout déjà qu'ils no soient écoutés?
[Idem, act. lY, se. IV, 14.)
Cependant le même Racine a dit {Bérénice,
act. V, se. V, 45) :
Quoi ! dans mon désespoir Irouvei-Tous tant de charmes?
Cra<gne»-voui que mes joux versent trop peu de larmes ?
Mais ici trop peu tient lieu de la négation; car
on rend le uiéme sens itarcraiffucz-vous que mes
yeux ne versent pas assez de larmes?
Si la phrase principulc esl néi-'alivc, il ne faut
mettre aucune uégaliDn à la {)hrase subordon-
née : Je ne crains pas qu'il \ lenne.
Hélas ! on ne craint pas qu'il venge un jour son père ;
On craint qu'il n'essuyât les larmes de sa mère.
(lUc, Androm., acl. I, se. iv, 20.)
Si la piirase principale est négative et interro-
galive en même temps, on met ne à la subordon-
née : Ne craijncz-rovs pas qu'il ne vienne^
El vous ne craignci pa^
Que du fond de l'abîme enlr'ouvcrt sous ses pas
Il ne sorte à l'instant des feux qui vous emïirasent.
Ou qu'en tombant sur vous ces murs ne vous écrasent?
(lUc, Ath., act. III, se. V, 3.)
Si l'on souhaite que la chose exprimée par le
verbe de la phrase subordonnée arrive, ait lieu,
il faut mellre ne pasix la subordonnée. Par exem-
ple, quand je dis je crains que mon frère n'ar-
rive pas ce soir, il est évident que je souhaite
qu'il arrive, et voilà pourquoi je mets ne pas.
Dans ce cas, il faut mettre 7ie pas, quelle que soit
la forme de la proposition principale : Je crains
qu'il n'arrive pas, je ne crains pas qu'il n'ar-
rive pas, cra'^iicz-votfs qu'il n'arrive pas?
Craint, Craime. Participe du verbe craindre.
L'abbé Régnier pense qu'il faut éviter d'employer
ce participe au féminin, à cause de sa ressem-
blance avec le substantif crainte. Celui qui di-
rait c'est une maladie que j'ai crainte, obéirait
à la grammaire, mais révolterait l'oreille. Alors,
continue cet auteur, il faudrait s'exprimer diffé-
remment, cl dire, c'est une maladie que j'ai ap-
préhendée.
Cependant d'Olivet (Essais de Grammaire,
p. 192) , Vaugclas (5 ;U" Jiemarque), Thomas
Corneille (sur cette Remarque), et Wailly (page
267), pensent qu'on dirait très-bien les choses
que j'ai craintes, pourvu qu'on eût l'attention
de placer ce imnicipe de manière qu'on ne pût
pas le confondre avec le substantif crainte : Elle
fui plus crainte qu'aimée, ajoutent-ils, n'a rien
iiui choque, parce que leplus qui précède le par-
ticipe ôte l'équivotiue.
Crainte. Subst. f. De crainte que, de crainte
rf«,sont des expressions conjonctives. De crainte
qve régit le subjonctif avec la négation 71e. De
crainte de régit l'inlinitif sans négation. De
crainte que l'heure ne fût passée, de crainte de
vous déplaire, .\vant un substantif on su|)prinie
quelquefois le premier de, et l'on dit crainte d'ac-
cident, crainte de pis ; mais celle suppression ne
peut avoir lieu devant un verbe. On disait au-
trefois crainte de manquer, crainte qu'il ne
vienne ; on ne le dit plus aujourd'hui.
Comme si notre Rome eût fait toutes vos craintet.
(CoR5., Hor., act. I, se. I, 68.)
CRÈ
183
On ne fait pas une crainte, on la cause, on
l'inspire, on l'excile, on la fait nailre. (Voluirc,
Remarq. sur Corneille.)
CitAirsTiF, Craintive. Adj. On i)eut quelque-
fois le ineltre avant son subst. : Une craitUire
espérance.
CRAPULtiR. V. n. de la 1"^' conj., selon l'Aca-
démie. Elre dans la crapule. Ce verbe n'csi iwinl
usité.
Crapuleux, Crapuleuse. Adj. On peul quel-
quefois le mettre avant son subst. : Cette crapu-
leuse conduite le fait mépriser de tout le inonde.
Cr.ASSANE. ^ oyez Cresune.
Crasseux, Crasseuse. Adj. 11 ne se met qu'a-
près son subst.
Craïonner. y. a. de la 1''' conj. Ce mol s'em-
ploie ligurément en littérature :
... Ce roi, dont le nom fait trembler tant de roii.
Voulut bien que ma main crayonnât ses exploita.
(BuiL., Èpttre X, 107.)
Créance. Subst. f. H s'emploie dans le sens de
croyance.
Soigneur, à vos soupçons donnez moins do cre'anc».
(lUc, Britan., acl. 111, se. ?, 21.)
Créateur. Subst. m., qui s'einploic aussi ad-
jectivement. L'Académie ne lui donne point de
féminin. Cependant créatrice est très-usilc :
Quand l'imagination créatrice eut élevé les pre-
miers monuments, qu'est-il arrivée Le senti-
ment général fut d'abord sans doute celui de
l'admiration. {La Harpe, Inlrod. au Cours de
Littér., p. I.) LàfUne industrie créatrice de jouis-
sances appelait les riches de tous les climats.
(A'olney.)
Créature. Subst. f. :
Je ne veu.x que le nom de votre créature.
(CottK., Sert., acl. II, se. ii, 78.)
Créature. Ce mot , dans notre langue, n'est
em|)loyé que pour les subalternes qui doivent
leur forlune à leurs jiatrons. [Remarq. sur Cor-
neille.) Voltaire n'a pensé ici «pi'à l'acception
qu'il délinit ; car on sait que ce mot en a d'au-
tres dans la langue française. Créature signilie
aussi être créé : Les créatures corporelles, les
créatures incorporelles.
CuEDO. Subsl. m. On prononce credo. Il ne
prend point de 5 au pluriel.
Crédulk. Adj. des deux genres. On peut quel-
quefois le mettre avant son subst. : Un homme
crédule, une femme crédule; — crédule espoir.
Mais ne llallez-ïous point un crédule traiispoil?
(Gbesset, Sidneij, acl. 11, se. viii, 18.)
Crémaillère, Crémaillon. Dans ces deux mois,
on mouille les /.
Crêpe. Subst. m. Ce mot s'emploie figurémcnt.
Dclillea dit en parlant de la nuit (£'/itftc/e,Il, 329)'
Déjà du haut des oieux jeianl ses erépet sombres ;
et ailleurs {Enéide, III, GSO) :
Le jour tombe, et la nuit de son Irùne d'théne
Jette son crêpe obscur sur les monts, sur les Ilots. . .
Ckesane. Subst. f. On dit aussi plus exacte-
ment, mais plus rarement, crassane. (Acad. 1S35'.
Crète-coeur. Sul-sl. m. Ce subsianlif étant
conq'osé d'un vcrl.c ol d'un substanllf, rc der-
nier devrait prendre seul un s au pluriel, si le
184
CKO
sens le permettait. Mais il s'agit ici de choses qui
crèvent le cœur, et non de choses qui crèvent les
cœurs. 11 faut donc écrire des crève-cœvr, et
non pas des crève-cœurs, et encore moins des
crères-cœurs. Voyez Composé.
Cpever. y . a. et n. de la 1" conj. Crever, pris
neulralemcnt, prend l'auxiliaire avoir (|uand il
indique une action, et l'auxiliaire être quand il
exprime un état. Dans le premier cas on dit la
bombe a crevé, et dans le second la bombe est
erevée.
Creux, Creuse. Adj. Dans la prose ordinaire,
il suit son subst.; mais dans la prose poétique
et dans les vers il le précède souvent. Fénelon a
dit dans Télémuque : Il représentait les sombres
forêts qui cmirreiit les montagnes et les creux
vallons — Partout la charrue avait laissé de
creux sillons. Voyez Adjectif.
Cm. Subst. m. 11 serait difficile de connaître
les noms que l'on a donnés aux différents cris
des animaux, s'il fallait les chercher dans les dic-
tionnaires à chaque article qui leur est consacré.
Voici une liste de ces cris qui facilitera celte
connaissance: l'alouette ^j-iso^e; l'àne 6rat<; le
^œuf beugle ; la brebis et le mouton bêlent; les
;purdons, les mouches, les abeilles et les hanne-
tons bourdonnent; le cerf brame ; le chat miaule;
achevai hennit ;\e chien jappe ou aboie; la ci-
gogne craquette; le cochon grogne ; le corbeau
croasse; le dindon glovglonte ou glouglote ;
la grenouille coasse; l'hirondelle gazouille;
le lion rugit; le lor»;) hurle; le merle, les
oies et le serpent sifflent; le paon braille ou
triaille; le pigeon et la colombe roucoulent ; la
poule glousse; les petits YtouXaVs piaulent ; le re-
nard et les petits chiens _9/a/)i55e/i<; le rossignol
gringotte; le taureau mugit; la tourterelle ^rewif,
roucoule.
Criant, Criante. Adj. verbal tiré du v. crier.
11 se met après son subst. : Une injustice crian-
te, cela est criant.
Criard, Criarde. Adj. En prose, il se met après
son subst. : Humeur criarde. — Oiseaux criards.
Dettes criardes.
Cric. Subst. m. Machine dont on se sert pour
enlever de terre des corps très-pesants. On ne
prononce point le c final.
Cric-crac. Onomatopée. On fait sentir le c à la
fin de chaque syllabe.
Crier. V. n. et a. Racine a dit dans Athalie
(act. I, se. I, 89) :
Le sang de nos rois crie, et n'esl point écouté.
L'Académie n'indique point cette acception.
Criminel, Criminelle. Adj. 11 peut se mettre
avant son subst. lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : De criminels désirs, ce criminel
dessein. On ne dit pas un criminel prince, et
encore moins un criminel homme. Voyez Ad-
jectif.
Criminellement. Adv. 11 se met après le verbe :
On l'a poursuivi criminellement, et non pas on
l'a criminellement poursuivi.
Cristallin, Cristalline. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Des eaux cristallines.
Cristallisation, Cristalliser. Dans ces deux
mots, on ne prononce qu'un l.
Critiquable. Adj. des deux genres qui se met
après son subst. : Un ouvrage critiquable.
Croc. Subst. m. On ne prononce pas le c
final.
Croc-en-jambe. Subst. composé m. Le c final
CRO
de croc se prononce dans ce mot. 11 fait au plu-
riel des croc-en-jambe. ^'oyez Composé.
Crochu , Crochue. Adj. qui se met toujours
après son subst.: Des doigts crochus, des mains
crochues.
Croire. V. a. et irrég. de la h' conj. A'^oici
comment il se conjugue ~:
Indicatif. — Présent. Je crois, tu crois, il croit;
nous croyons, vous croyez, ils croient. — Impar-
fait. Je croyais, tu croyais, il croyait; nous
croyions, vous croyiez, ils croyaient. — Passé
simple. .Je crus, lu crus, il crut; nous crûmes,
vous crûtes, ils crurent. — Futur. Je croirai,
tu croiras, il croira; nous croirons, vous croirez,
ils croiront.
Conditionnel. — Présent: Je croirais, lu croi-
rais, il croirait ; nous croirions, vous croiriez, ils
croiraient.
Impératif. — Présent. Crois, qu'il croie;
croyons, croyez, qu'ils croient.
Subjonclif. — Présent. Que je croie, que tu
croies, qu'il croie; que nous croyions, (jue vous
croyiez, qu'ils croient. — Imparfait. Oue je
crusse, que tu crusses, qu'il crût; (jue nous
crussions, que vous crussiez, qu'ils crussent.
Participe. — Présent. Croyant. — Passé. Cru,
crue.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
Ce verbe, lorsqu'il est employé sans négation,
demande que le verbe de la proposition qui lui
est subordonnée soit mis à l'indicatif; et lors-
qu'il est employé avec la négation, il exige que le
verbe de la proposition subordonnée soit mis au
subjonctif.
Croire quelque chose, c'est l'estimer vérita-
ble : Je crois ce que vous me dites, Je crois l'im-
mortalité de l'âme. Croire à quelque chose, c'qs{
y ajouter foi, y avoir confiance, s'y fier : Je crois
à la miséricorde divine. Je ne crois pas à l'ef-
ficacité de ce remède. Croire quelqu'un, c'est
ajouter foi à ce (ju'il dit. Il ne faut pas croire les
menteurs. Croire à quelqu'un, c'est croire à son
existence. Croire aux sorciers, c'est croire (|u'il
yen a. Croire les ^orcier^, c'est croire ce qu'ils
disent. — Croire se joint (juclquefois à la par-
ticule en : En croire quelqu'un, il n'en sera pus
cru, encroire quelque chose. Si j'en crois ce que
j'ai vu, ce que j'ai entendu.
Si j'en croit sa fierté, si j'en crois ses hauts faits,
Sans doute il est issu d'une race divine.
(^Delil., Énéid., IV, 18.)
Que n'en cro]/ais-je alors ma tendresse alarmée t
(Rac, fphig., act. I, se. i, 69.)
Croire en se dit en matière de foi religieuse :
Je crois en Dieu, je crois en Jésus-Christ.
Corneille a dit [Menteur, act. I, se. iv, 12) :
La plus belle des deux, je crois que ce soit l'autre.
« Je crois que ce soit, dit Voltaire, est une
faute de grammaire. Je crois, étant une chose
positive, e'xige l'indicatif. Mais pourquoi dit-on
je ci'ois qu'elle est aimable, qu'elle a de l'esprit ;
et croyez-vous qu'elle soit aimable, qu'elle ait
de l'esprit? C'est que croyez-vous n'est point po-
sitif. Croyez-vous exprime le doute de celui qui
interroge. Je suis sûr qu'il roj/.ç satisfera; é/es-
vous sur qu'il vous satisfasse? A^ous voyez ,
ajoute-t-il, par cet exemple, que les règles de la
Srammaire sont fondées pour la plupart sur la
CRO
raison, et sur cette loj^iquc naturelle avec la-
quelle naissent tous les lioinnics bien organisés. »
11 y a une uhservation à faire sur ce principe de
Vollaire, c'est que croyez-vous n'ex|)rimc pas
toujours le doute, et que dans ce cas il doit
être suivi de l'indicatif. Ouand je dis croyez-vous
qu'elle ait de l'esprit? Croyez-vous qu'elle soit
belle? Je doute en effet si elle a de l'esprit, je
doute si elle est belle; et je doute aussi si celui
à qui je parle lui croit de l'esprit, de la beauté;
et ma tiucstion tend à m'en éclaircir. Mais si je
suis persuadé d'un côte qu'une femme n'a pas
d'esprit et qu'elle est laide, et si de l'autre une
personne m'a dit des choses qui m'assurent
qu'elle croit que cette femme a de l'esprit et
qu'elle est belle, je dirai à cette personne croyez-
vous que celte femme a de l'esprit? croyez-vous
qu'elle est heVc? parce qu'il n'y a rien dans ces
phrases qui annonce le doute ou l'incertitude,
que jo ne veux m'éclaircir de rien, et que je ne
fais ces questions que comme une espèce de re-
proche a une personne qui croit positivement
une chose qui n'est pas vraie. Cruyez-vous
qu'elle a de l'esprit, vt]}vè-i avoir lu toutes les
sottises qu'elle a écrites? Cruyez-vous qu'elle
est ôeZ/e avec un nez écrasé, une taille contre-
faite, etc.
On dit aussi croyez-vous qu'il partira, qu'il
reviendra, etc., avec l'indicatif, (juand on est
persuadé qu'il ne partira pas, qu'il ne reviendra
pas; et croyez-vous qu'il parte, qu'il revienne,
avec le subjonctif, quand on doute s'il partira,
s'il reviendra.
Croissant , Croissante. Adj. verbal tiré du
v. croître. 11 suit toujours son subst. : Sédi-
tion croissante, taxe croissante.
Croître V. n. de la 4" conj. Voici comment
il se conjugue.
Indicatif. — Présent. Je croîs, tu crois, il
croit ; nous ''roissons, vous croissez, ils crois-
sent. — Imparfait. Je croissais, tu croissais, il
croissait ; nous croissions , vous croissiez, ils
croissaient. — Passé simple. Je crûs, tu crûs,
il crût; nous crûmes, vous crûtes, ils crûrent. —
Futur. Je croîtrai, lu croîtras, il croîtra; nous
croîtrons, vous croîtrez, ils croîtront.
Conditionnel. — Présent. Je croîtrais, tu croî-
trais, il croîtrait; nous croîtrions, vous croîtriez,
ils croîtraient.
Impératif. Présent. Crois, qu'il croisse; croîs-
sons, croissez; qu'ils croissent.
Subjonctif. — Présent. Que je croisse, que lu
croisses, qu'il crorsse; que nous croissions, que
vous croissiez, qu'ils croissent. — Imparfait.
Que je crusse, que tu crusses, qu'il crût; que
nous crussions, que vous crussiez, qu'ils crus-
sent.
Participe. — Présent. Croissant. — Passé. Crû,
crue.
Les grammairiens disent que ce verbe se con-
jugue indifféremment avec l'auxiliaire être ou
l'au.xdiaire avoir. Cela n'est i)as vraisemblable.
Ces deux auxiliaires exprimant des idées diffé-
rentes, il doit y avoir de la différence entre les
phrases où on les emploie. Quand on dit la rivière
a crû depuis hier, on veut exprimer par la l'ac-
tion des eaux qui se sont élevées au-dessus des
eaux de la veille. Mais si l'on dit la rivière est
crue, on veut dire seulement que les eaux sont
dans un état d'élévation supérieure à celui où
elles étaient auparavant. En deux jours, la ri-
vière a crû de deux pieds ; depuis hier, la rivière
est crue de deux pieds.
CRU
185
Corneille a dit dans le Cid (acte II, se. ix,
94) :
M'ordoiincr du repos, c'est croître met malheurt.
Voltaire dit à celte occasion : Croître aujour-
d'hui n'est plus actif. On dit accrcîire ; mais il
me semble ([u'il est permis en vers de dire
croître mes tourments, mes ennuis, mes dou-
leurs, 7nes peines- {Remarques sur Corneille.)
Les pièces de Racine offrent beaucoup d'exem-
ples de celle tournure :
Je ne prends point plaisir à croîtra ma miière.
(Boj., acl. III, se. III, 25.)
Tu verras que les dieux n'ont dicté cet oracle
Que pour croître à la fois sa gloire et mon tourment.
{Iphig., acl. IV, se. I, 26.)
Que ce nourel lionncur va crottre ton audace .'
[Etth., IV, se. m, 13.)
Ce verbe régit quelquefois la préposition en :
Croître en vertus, en grâces, en beauté.
Croquant, Croqdante. Adj. verbal tiré du
V. croquer. 11 se met après son subst. : Bis-
cuit croquant; tourte croquante.
Croque-mort, Ckoque-note. Substantifs mascu-
lins. On écrit au pluriel des croque-morts, des
croque-notes. Voyez Composé.
Croulant, Croulante. Adj. verbal tiré du
V. crouler. Il suit son subst. : Edifice croulant.
Croupissant, Croupissante. Adj. verbal tiré
du V. croupir. 11 se met après son subst. : Des
eaux croupissantes.
Croustilleusement. Adv. peu usilé cjui ne
peut se mettre qu'après le verbe.
Croustilleux, Croustilleuse. Adj. que l'on
met quelquefois avant son subst. : De croustil-
leuses plaisanteries.
Croyable. Adj. des deux genres. Il se mcl
toujours après son subst. : Un homme croya-
ble, une nouvelle croyable, cela n'est pas
croyable.
Le que après croyable régit l'indicatif si la
phrase est al'firmalive ; Il est croyable (lue cela
est ainsi. Il régit le subjonctif si la phrase est
négative ou intcrrogative : Il n'est pas croyable
que cela soit ainsi; est-il croyable que cela soif
ainsi?
Cru, Crue. Adj. 11 se mcl toujours après son
subst. : friande crue, des fruits crus.
Crucifix. Subst. m. Le x ne se prononce
pas.
Cruel, Crlelle. Adj. 11 peut se mettre avant
son subst. : Un tyran cruel, un cruel tyran;
une cruelle nouvelle , une nouvelle cruelle.
Un cruel homme, une cruelle femme. Ces deux
derniers exemples ne se disent pas d'un homme
ou d'une femme qui ont de la cruauté, mais
d'un homme ou d'une femme qui ne se laissent
pas toucher par les plus vives instances, ou qui
font eux-mêmes des instances qui fatiguent.
Quand on veut dire qu'ils ont de la cruauté, on
dit un homme cruel, une femme cruelle. Voyez
Adjectif.
Voltaire a donné un régime à cet adjectif, et
je crois qu'on peut l'imiter.
Tous deux hais du peuple, et tous deux admirés;
Enfin, par leurs efforU ou par leur industrie,
Utiles à leurs rois, cruclt à la patrie.
(iïenr.,Vn,545.)
186 CUL
Racine « dit aussi [IphigéTne, acl . 1 1 , se ii, 42) :
Les die-:i depuis longtemps me sont cruels et sourds.
On dit aussi cruel envers quelqu'un. j
CHCELLKSIE^T. Ailv. 11 |)eul se motlrc entre
rauxiliaiic et le pnrlicipe: On l'a battu cruelle-
ment, on t'a cruellement battu.
CRUME^T. Aiiv. 11 se mol toujours nprcs le
verbe : // m'a dit cela crûment, et non pas */
m'a crûment dit cela.
CutiLLiu.N . a. iiié;-'. de l:i 2' conj. On prononce
Keuillir.
Indicatif — /'/•f'^eni. Je cueille, tu cueilles,
il cueille ; nous cueillons, vous cueillez, ils cueil-
lent. — Imparfait. Je cueillais, lu cueillais, il
cucillail; nous cueillions, vous cueilliez, ils
cueiUaicnl. — Passé simple. Je cueillis, lu cueil-
lis, il ciieiliil; nous cueilliines, vous cueilliles,
ilscucillirenl. — Fntur. Je cueillerai, tu cueil-
leras, il cueillera; nous cueillerons, vous cueil-
lerei;, ils cueilleronl.
Conditionnel. — Présent. Je cueillerais, lu
cueillerais, il cueillerait; nous cueillerions, vous
cueilleriez, ils cueilleraient.
Impératif. — Présent. Cueille, qu'il cueille;
cueillons, cueillez, qu'ils cueillent.
Subjonctif. — Présent. Oue je cueille, que tu
cueilles, qu'il cueille; (fue nous cueillions, que
vous cueilliez, qu ils cucillciU. — Imparfait.
Que je cueillisse, que tu cueillisses, qu'il cueil-
lil; que nous cueillissions, que vous cueillis-
siez, (ju'ils cueillissent.
Participe. — Présent. Cueillant. — Passé.
Cueilli, cueillie.
Ce verbe jircnd l'auxiliaire avoir.
Cuiller. Subst. m. On prononce fortemenl le
r comme dans fer et iner.
Cuisant, Clisame. Adj. 11 i)cul précéder son
subsl., même en prose : Une cuisante douleur,
taie douleur cuisante.
Cul. Subsl. ui. On ne prononce point le l dans
ce mol, el plusieurs ne l'écrivent pas. Vollairc
esl de ce nombre, et il ne cesse de crier conlre
l'usage trop fréquent qu'on fait de ce mol dans
notre langue. 11 csl indigne, dit-il, d'une langue
aussi polie et aussi universelle que la noire ,
d'employer si souvent un mol déshonnélc et ri-
dicule, pour signilier des choses comiimnes qu'on
pourrait expriiner aulrement. Pourquoi nommer
cu-d'ùne Cl cu-de-cheval des orties de mer?
Pourquoi donc donner le nom de cu-bhmc a 1'(e-
nanle, el de ciL-rovge à l'épciche? Celle epeiche
est une espèce de pivcrl, el l'œnanlc une espèce
de moineau cendré. 11 y a un oiseau que l'un
nomme fétu en-cu, ou puiUe-en-cu ; on avait
cent niaiiicres do le désigner d'une expression
beaucoup plus précise. IN'csl-il pas impcrli-
ncnl d'appeler cu-de-vaisseau le fond, de la
poiipe?
On se sert communément du mot cu-de-lampe
pour exprimer un (leurun, un petit cartouche,
un pendeulif, un encorbcllcmcnl, une base de
pyramide, un placard, une vigncllc. Un graveur
se sera imaginé ipie ccl orncuieut ressemble à la
base d'une lampe : il l'aura nommé cu-de-lumpe
pour avoir plus lot l'ail, el les achcieurs auront
répété ce mot après lui. C'est ainsi que les lan-
gues se forment. Ce sonl les artisans (jui ont
nommé leurs ouvrages et leurs inslrumcnls.
Ceriainemenl il n'y avait aucune néce.ssilé de
donner le nom de 'cu-de-fuur aux voûtes sphé-
riques , d'autant plus que ces voûtes n'oul
CUK
rien de celle d'un four, qui est toujours sur-
baissée.
Le fond d'un artichaut est formé et creusé en
ligne courbe, elle nom de eu ne lui convient en
aucune manière. Les c4ievaux onl quelquefois une
lâche vcrdâlre dans les yeux, on l'appelle cu~de-
verre. Une aulre maladie des chevaux, qui es.
une es[)cce d'crysipèle , csl appelée cu-de-
pnvle. Le haut d'un chapeau est ajjpelé cu-de-
chapenu. Il y a des boulons a coinpariiinenls qu'on
ai)pclle boutons à cudc-dé.
Comment a-l-on pu donner le nom de cii-de-
sac à l'aiigipartiis des l'ioiiiains? Les Italiens
onl [tris le WKJia lï a njiporto , pour signifier s/ra'i«
scnza vscila. On lui donnait autrefois chez nous
le nom à'impasse, (jui csl expressif cl sonore.
C est une grossièreté énorme que le mot cu-de-
5«c ail prévalu. (Dictionnaire philosophique.')
CUL-DE-FOCR, CUL-DE-I.AMPE, CCL-DE-SAC, ClC.
Substantifs masculins. Ces mots étant composés
de deux substantifs joints par une préposition,
il n'y a que le premier ([ui doive être au pluriel;
ainsi il faut écrire des culs-de four, des culs-de-
lampe, des culs-de-sac. elc. Voyez Composé,
Cul.
CcLTivACLE. Adj. des deux genres qui se met
toujours après son subst. : Un terrain culti-
vable.
Cultivateur. Subst. m. Raynal a dit adjecti-
vement : Une société cultivatrice. Ccsi unmoldc
plus, et il esl utile. — L'Académie ne reconnail pas
ce féminin, mais elle emploie le masculin adjec-
tivement : Les peuples cultivateurs.
Cultiver. V. a. delà 1" conj.
Racine a dil dans Athalie (act. IV, se. ii, 6) :
Il est temps de montrer celle ardeur el ce zèle
Qu'au fond de votre cœur mes soins ont cultivéï.
Delille a dit cultiver les mœurs :
El ceux qui, de nos arts utile: inventeurs.
Ont défriché la vie et cultivé les mœurs
[Énéid., YI, 893.)
Culture. Subsl. f. Voltaire a dit dans la Hen-
riade (111, 11), la culture des ans:
Des premiers ans durci, la funeste culture
K'avait que trop en lui corrompu la nature.
* CxniCTATEUR. Subsl. m. forme du latin C7<«r
iator. Ce mol nouveau csl inutile puisque nous
avons tempnriscur, ijui signilie la même chose.
\'ollaire <';crit à un de ses amis : Je reverrai Ma-
riamne et Zuliine quand je retrouverai ma tète,
j'entends ma tète poétique; à présent je suis
tout en prose : vie voilà cunctalcur. Attendons.
Celle expression csl employée ici en plaisanlanl;
ce n'est pas une raison pour en faire un mot de
la langue.
Cupide. Adj des deux genres. On peut le mcllrc
avant son sub^l. lorsque l'analogie el l'harmonie
le permellenl : Une cupide ardeur, un Iwmvie
cupide.
Curateur. Subsl. m. Ln parlant d'une femme,
on dit curatrice.
CuRATiF, Cuiutive. Adj. qui se met toujours
après son subsl.
Cuhe-de>t. Subsl. m. On devrait encore écrire
cure-dents, car il s'agil d'un insirumcnt propre
à curer les dents. Mais puiscpi'on écrit cure-
dent au singulier, on ne peut pas écrire cure-
denis au pliTriel, car la pluralité du mol composé
DAN
li
ne tombe pas sur dent, mais sur instniment, qui
esl sous^•nlelnla. Voyez Composé. — L'Acadé-
mie met au singulier cure-dent el au pluriel
cure-dents : Acheter des cvre-dcnts.
Cure-oreille. Subst. m. On devrait écrire
cure-oreilles, car il s'açit d'un instrument (jui
sert à curer les oreilles. Mais comme l'usage veut
que ce mot reste sans s au singulier, Il ne faut
pas lui en donncrun au {)luriel, car un instrument
destiné à curer Voreille au singulier ne peut pas
être au pluriel un instrument destiné à curer les
oreilles. La pluralité de la totalité du mot com-
pose ne peut loml)er que sur instrument, qui est
sous-entendu. Voyez Composé cl Cure-dent.
CoRiEDSEMUNT. Adv. 11 pcut se mettre entre
l'auxiliaiie et le participe : Il a curieusement
observé ce phénomène. Il avait observé curieu-
sement ce phénomène.
CoRiEUX, Curieuse. Adj. On dit curieux de
tahleava-, curieux de peinture. Devant un in-
finitif il régit la préposition de : Je suis curieux
de voir la fin de cette affaire. Cet adj. suit ordi-
nairement son sulist. : Un homme curieux, une
femme curieuse, un livre curieux.
Curiosité. Sul)st. f. Il ne s'emploie au pluriel
que lorsqu'il signifie choses rares, exlraoïdiuai-
res, parmi les productions de la nature ou des
arts : Un cabinet de curiosités, il passe sa vie à
rassembler des curiosités, un niarchand do cu-
riosités.
Cynique. Adj. des deux genres. Il peut se met-
tre avant son subst. lorsque l'analogie et l'har-
monie le permettent : Discours cijn^ue, pkilo-
sophic cynique; ces cyniques discours. Voyez
Adjectif.
D.
D. Subst. m. C'est la quatrième lettre de l'al-
phabet, et la troisième des consonnes.
Le son propre de cette lettre se fait sentir dans
danois, désir, Diane, douleur, duché. Acciden-
tellement, elle a le son du t. C'est ce qui arrive
iors(iu'clle se trouve à la fin d'adjectifs immé-
diatement suivis de leurs subslantils, et que
ceux-ci conunencent par une voyelle ou un h
non aspiré : Second abrégé, grand homme, pro-
fond abîme; on prononce seco?t-tabrégé , gran-
tliomvie, profon-tahime. D j)rend aussi le son du
t dans le même cas, s'il est à la fin d'un verbe
suivi de il, elle, on : Entend-il^ cond-elle bien 9
répond-on ainsi? Pi'Ononcez enten-tilf cou-telle
lien? répnn-ton ainxi?
« Cette liaison n'a pas lieu seulement avec les
pronoms, mais encore avec d'autres mots, sur-
tout dans le style soutenu ; ainsi l'on fera sonner
U apprend assez bien ; il répond à tout ; on vous
rend enfin justice; il prend intérêt, etc., et
ainsi avec toutes les troisièmes personnes du pré-
sent de l'indicatif dans les verbes. » (A.Lemaire,
Grammaire des Grammaires, p. 40.)
Lorsque le d final se trouve à la fin d'un ad-
jectif qui n'est |)as immédiatement suivi de son
substantif, on ne le fait point sentir : Un abîme
profond effraie.
Dans la conversation, on ne fait pas sentir le
d final d'un substantif, m.ême lorsque ce substan-
tif est immédiatement suivi d'un adjectif, comme
dans un froid excessif, un bnrd escarpé. Pro-
noncez un froi-exncs.nf, un bor-escarpé .
On prononce comme un tXn d final de fond et
de pied, dans les exemples suivants : De fond-
en-comble, de pied-en-cap . H ans pied-à-pied le
d ne se fait j)as sentir.
D. Expression abrégée du mot don ou dnm, en
parlant d'un seigneur espagnol ou d'un moine de
Saint-Benoit. — F.xpression abrégée du mol dame,
dans l'abréviation N.-D. pour Notre-Dame. —
Signe de douceur, en caractères de musique. —
Signe du dessus, à côté ou sur l'enveloppe d'une
partie de chant. — Sur les gravures, del. est l'a-
bréviation de delineavit, et suit le nom de l'au-
teur du dessin; direx. est pour direxit, et dé-
signe celui quia dirigé le travail. — Dans l'usage
du commerce, d" se met pour ditooM dit, et dans
les anciens comptes, d. signifie detiier. — D, sur
les monnaies, est la marq'ue de la ville de Lyon.
Da. Particule postpositive que l'on met quel-
quefois après les mots oui cl nejini, pour donner
j)lus de force à l'affirmation ou a la négation ex-
primée par ces mots, t^ette particule était autre-
fois [dus usitée comme affirmative : Il avait une
épée da. C'est un habile homme da. Plus ancien-
nement, on l'écrivait dea.
Daigner. V. n. de la i'" conj. On mouille le f/n.
Féraud observe avec raison que ce verlic est
peu usité à la première personne, à moins (ju'on
ne fasse parler Dieu ou un souverain, ou (ju'on
ne parle en plaisantant, ou dans le dépit. En con-
séquence, il blâme cette phrase de Bossuel : Je
ne daignerai ni les avorter 7ii les jiier. Cela pa-
raît, dit-il, trop fier et trop hautain.
Daim. Subst. m. On prononce duin.
Daine. Subst. f. Femelle du daim. Les chas-
seurs prononcent dine.
Dam. Subst. m. On prononce dan.
Damas. Subst. m. On ne prononce pas le s.
Dame. Subst. f. Ce mot n'est usité qu'en parlant
des Européennes et de nos pays policés. 11 n'y a
point de c/awcs parmi les sauvages; et Buffon,en
critiquant un passagedii i)ère Charlevoix, qui par-
lait des dames de Saint-Doiningue, demande s'il
y avait des dames ù Saint-Domingue quand on
en fit la découverte.
Dame-jeanne. Subst. composé féminin. Grosse
bouteille. On sent que pour mettre ce nom au
pluriel il ne faut pas faire tomber la pluralité sur
dame ni sur Jeanne, mais sur le mot bouteille,
(jui est sous-enlcndu. On dit donc, au pluriel des
dame-jeanne , c'est-à-dirc des bouieilles de Li
dame Jeanne. Voyez Composé.
Damnable. Adj. des deux genres. On ne pro-
nonce pas le m. On adj. peut se metlre avant
son subst. lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent: Cette opinion dumnahle, cette damr-
nablc opinion. A'oyez Adjectif.
Damnablement. Adv. peu usité. On ne pro-
nonce pas le m. On pourrait le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il a damnablement abusé
de ma confiance.
Damnation. Subst. f. On ne prononce point
le m : Le dogme de la damnation.
Damner. V. a. de la 1" conj. On ne prononce
point le m.
Danger. Subst. m. : Etre en danger ÔlQ mort.
Il
DAN
en danger de mourir, il y a du danger à suivre
citte entreprise.
Danokiieusemknt. Ailv. On le mol ordinaire-
ment cnlrc rauxiliiiirc cl le pailicipe ; Il est dan-
gereusement blessé, il est dangereusement ma-
lade.
Dangerf.lx, Dangf.recse. Atlj. : // est dange-
reux de résister. Avant les noms il régiljDwj/r ••
Cela est dangereux pour la patrie.
Cet adjectif peut se placer avant son substan-
tif lorsiiue l'analogie et riiannonie le pei inettciil.
On ne (lit |)as un dangereux homme, mais on dit
vn dangereu.v coquin, une dangereuse blessure.
Une personne sage méprise les froides et dan-
gereuses fictions des ruvians. (Bossuet.)
Que c'est un dunjereui poison
Qu'une délicate louange !
(Cbiclibd, Deuxième Épttre à il. Dangeau, 18.)
Dans. Prépos. Le s ne se prononce point devant
une consonne ou un h aspiré. Il se prononce
comme un ;; devant une voyelle ou un h non as-
piré.
Les règles qu'on donne sur l'emploi de celte
préposilio'n et sur les nuances tiui lu distinguent
de la préposition en sont vagues et incertaines.
Girard, et après lui tous les autres grammairiens,
ont dit que dans emporte avec soi une idée ac-
cessoire de singularité ou de détermination indi-
viduelle, et voilà pourquoi , ajoutent-ils, dans
est toujours suivi de l'article devant les noms
appellalifs; au lieu que en présente un sens qui
n'est point resserré à une idée singulicre. C'est
ainsi qu'on dit d'un domestique, î(! est en mai-
son, c'est-à-dire dans une maison quelconque;
au lieu que si l'on disait il est dans la maison ,
on indiquerait une maison individuelle détermi-
née par Icscirconstances.On dit il est en France,
c'est-à-diru en quelipie lieu delà France; il est
enville, cela veut dire qu'il est hors de la maison,
mais qu'on ne sait pas en (juel endroit particulier
de la ville il est allé. On dit il est en prison, ce
qui ne désigne aucune prison quelconque; mais
on dit il est dans la prison de la Force, ce qui
donne une idée plus précise. Quand on dil il est
dans les cachots, on ajoute une idée plus particu-
lière à l'idée d'être en prison ; aussi met-on l'ti'ticle
en ces occasions : Il est en liberté, il est en fu-
reur, il est en apoplexie; toutes ces expressions
marquent un étal, mais bien moins déterminé que
lorsqu'on dit il est dans une entière liberté, il est
dans une extrême fureur. On dit il est en Es-
pagne, et on dil il est dans le royaume d'Espa-
gne ; il est en Languedoc, et il est dans la pro-
vince du Languedoc,
Une multitude d'exemples prouvent que celte
règle, qui peut servir à expliquer quelques cas
particuliers, n'est poinl tirée de la nature de ces
deux prépositions, cl n'en marque pas clairement
la différence.
En n'einporle pas toujours un sens qui n'est
point resserré à une idée singulière, car on dit eti
ce moment, en cette circonstance, en vion parti-
culier, en ce lieu-ci, en cet endroit-là, en ce
temps-là. Dans chacune de ces phrases, en a rap-
port à une idée précise cl déterminée; et comme
on dil également dans ce movient, dans cette cir-
constance, dans mon particulier, dans ce licuci,
dajis cet endroit-là, la règle n.'enscigne rien sur
la différence des deux prépositions.
Quand on dit qu'un domestique est en maison,
cela ne veut pas dire qu'il est dans une maison
DAN
quelconque, mais cela signifie qu'il n'est plus sans
emploi, sans condition, ([u'il n'csl jjlussur le pavé.
Cela est si vrai (jue, pour obtenir cette réponse,
il est en maison, on ne demanderait pas est-^
dans une inaisnn quelconque? mais est-il tou-
jours sans place? est-il toujours sur le pavé'f et
c'est à ces dernières (luestions, et non à la" pre-
mière, que l'on répondrait il est en maison. En
maison, dans ce cas, indique un état lixe, distin-
gué de l'étal où le domestique était auparavant;
el, en ce sens, l'idée n'est ni vague, ni indéter-
minée. Il ne s'agit point de savoir s'il est dans
telle ou telle maison; mais s'il est en service
ou s'il n'y est pas; et quand on dit qu'il est en
maison, on exprime d'une manière déterminée le
premier de ces états.
Il est en France ne signifie pas il est en quel-
que lieu de la France ; mais il n'est pas en Italie,
en Espagne, en Hollande, etc, etc., mais seule-
ment en France. C'est une idée finie, un lieu dé-
terminé, relativement aux autres pays où il pour-
rait être. C'est la réponse à dans quclpays est-il?
et non pas à est-il dans quelque lieu de la
France? Il es' en ville veut bien dire il est hors
de sa maison; mais il ne signifie pas qu'on ne
sait j)as dans (|uel endroit de la ville il est allé.
On dit à quelqu'un que je dîne en ville, et cela
veut dire que je ne dine pas chez moi. Mais en
disant cela, on peut fort bien savoir en quel en-
droit je dine. Toutes ces explications sont donc
fausses, el par conséquent la règle l'est aussi.
Le pcre Bouhours a fait sur ces deux préposi-
tions des remarques qui ne sont pas plus satis-
faisantes. Selon lui, on met toujours en devant
les noms lorsqu'on ne leur donne point d'article.
Mais que signifie colle règle, si on ne m'enseigne
pas en inénie temps quand il faut ne pas donner
l'article aux noms? D'ailleurs il n'esl pas vrai
que en ne soit jamais suivi de l'article. On dit
en l'absence de ?non père, en l'état où je suis,
mettons-nous en la présence de Dieu.
Tâchons de trouver des règles plus claires et
plus sijres.
En indique un rapport de lieu. Dans et à in-
diquent aussi un rapport de lieu. Quelles sont les
nuances qui distinguent ces rapports, et qui exi-
gent l'une ou l'autre de ces prépositions?
Un lieu peut être considéré comme un point
où l'on tend, comme un point où l'on est fixé.
C'est la préposition à qui doit marquer ccsra[>-
ports.je vais à Paris, je demeure à Paris, je
demeure à Paris pendant six mois de l'année.
Un lieu peut être considéré comme un espace
circonscrit par des bornes dans lesquelles il est
contenu. C'est la préposition dans qui sert tou-
jours à marquer le rapporta un lieu considéré sous
ce point de vue : Je suis dans Paris, je vis dans
Paris. Nous entrons dans Paris. Les troupes
entraient dans Paris. L'ennemi est dans Paris.
Les ennemis sont dans la France.
Enfin un lieu peut être considéré seulement
comme une étendue distincte d'une autre éten-
due, et la préposition en indiciuc toujours ce
rapport. Quand je dis i^ est en France, j'indique
le lieu où il est par distinction des autres royau-
mes ou pays où il pourrait être, et où il n'est pas.
En marque donc ici distinction, opposition, ex-
clusion, et ne rappelle aucune idée de bornes ou
de limites : En quel pays est-il? — En France.
Est-il en Italie? — Non, il est en France.
On peut remarquer par ces exemples combien
est fausse la règle des grammairiens cjui dit que
en emporte un sens qui n'est point resserré à une
DAN
idée singulière; car ici on se sert de celte prépo-
sition, précisément quand l'idée est singulière,
en Italie, en Espiigne; et l'on ne peut plus s'en
servir quand elle est suivie d'un mot qui présente
l'idée d'une nianiore générique; c'est alors^au
contraire, qu'il laut employer dans. On ne dit pas
U est an royaume de France, en royaume d'Es-
pagne; il faut nécessaircnieiit dire il est dans le
royaume de France, dans le royaume d'Espa-
gne.
D'après la règle que nous combatlons, et t]ui
met toujours en avec un sens indélini ou indéter-
miné, et dans avec un sens delini ou délcrniiné,
un étranger doit dire il est dans l'Espagne,
au lieu de il est en Espagne ; et il est en royau-
vie, au lieu dei7 est dans i/« royaume; car le mot
Espagne présente une idée déterminée, et le mot
royaume une idée indélerniinée.
Un lieu considéré sous les trois points de vue
que nous venons d'indicpicr, offre toujours une
idée déterminée. Sous le picmier, le lieu est dé-
terminé, pui^qu'il est considéré comme un point,
je vais à Paris. Sous le second il est délcrininé,
puisqu'il est considéré comme contenu dans des
bornes, dans des limites : Nous entrons dans
l'Espagne ; nous serrons des hardes dans une
armoire. Sous le troisième il est déterminé, puis-
qu'il est considéré comme distingué, séparé d'un
autre lieu ou de plusieurs autres lieux : Il est
en ville, il est en France, faille est déterminé
par rapport a la maison de celui dont on parle;
France l'est par rapport aux autres pays. On ne
dit pas en Paris, en Lyon, en Bordeaux, pai'ce
que les Uuuis propres Paris, Lyon, Bordeaux,
indi(iueiit des lieux qui ne sont considérés que
comme des enceintes circonscrites par des bornes
. ou des limites.
On ne met pas non plus en devant les noms de
provinces dans la composition desquels il entre
un article, comme le Maine, le Perche ; pàixc
que ces nom^ ont été dans l'origine des noms de
lieux particuliers que l'on a étendus à des pro-
vinces, mais qui n'en ont pas moins conservé les
rapports de leur origine. Ainsi on dit aller au
Maine, au Perche, et être au Maine, au Per-
che. Ou ne dit pas en Pérou, en Mexique, etc.;
parce qu'a cause de leur éloignement, ces empi-
res, successivement découverts, n'ont été consi-
dérés »u commencement que comme des lieux
particuliers, et que leurs noms ont conservé les
rapports propres à ces premières idées. On dit
donc il est allé au Mexique, au Pérou; être
au Pérou; ce sont des exceptions; mais on dit
aller en Amérique , être en Amérique , parce
qu'on a inventé ce nom pour l'appliquer a un
pays d'une grande étendue.
On peut voyager en carrosse, en diligence, en
cabriolet, cacliarrelte,c\\ chaise de poste. Quand
je dis que je \oyageen chaise de ;?oi/e, j'indique
cette voilure par opposition à toute autre, à l'ex-
clusion de touic auirc. Mais si je n'ai pas inten-
tion de marquer celte opposition, cette distinc-
tion, cette exclusion, et ([ue je ne veuille consi-
dérer la chaise de poste que comme un lieu cir-
conscrit dans lequel je suis ou je puis être con-
tenu, je ne me sers plus de la proposition en,
mais j'emploie dans pour marquer ce rapport.
Ainsi l'on dit j'étais dans ma chaise de poste
quand je vous ape7'çus ; je voyageais dans ma
chaise de poste. Je disje monte eu voiture (\ud.n([
je veux marquer que je quitte la terre puur pas-
ser en voilure; il y a opposition de lieu. Mais je
dis je monte dans la voiture, je monte dans ma
DAT
189
voiture, quand je n'ai en vue que mon entrée
dans la vuilurc qui va me contenir.
On peut exercer un commerce en chambre, en
magasin, en boutique ; et chacune de ces expres-
sions, au moyen de la préposition en, est oppo-
sée aux deux autres. Mais s'il n'est point (|ucs-
tion de cette opposition, ei seulement du lieu
circonscrit propre à contenir, c'est de la |)répo-
silion dans que je me servirai. Je dirai donc il
travaille dans la boutique, dans le magasin, dans
sa chambre
Un prédicateur est en chaire, lorsqu'il n'est
plus à l'endroit où il était avant (jue d'y mon-
ter; il est dans la chaire lorsqu'il y est renfer-
mé. Etre en prison, c'est n'élre pas libre de sor-
tir d'un lieu où l'on est ; être dans une prison,
c'est èlre renfermé entre les murs d'une prison.
Etre en l'air, c'est ne plus toucher à terre; être
dans l'air ou dans les airs, c'est èlre environné
de l'air, être au milieu de l'air. Etre dans Veau,
c'est élreenvirunné d'eau ; éti-e eu eau, c'est être
dans un état de transpiration extraordinaire, dis-
tingué de tout autre état de transpiration.
On dit être en chemise, en veste, en habit,
en pantalon, etc. ; et dans chacune de ces ex-
pressions en distingue chacun de ces états de
tous les autres; mais on dit, sans marquer cette
opposition, il était enveloppé dans sa redingote,
je passe mes jambes dans mon pantalon, mes
bras dans les manches de mon habit.
En, marquant un rapport de lieu, indique
donc toujours opposition, distinction, l.e même
caractère se remarque quand celle préposition
marque un rapport de temps, cl elle diffère de
même de la préposition dans. Nous sommes en
hiver se dit à l'exclusion des trois autres sai-
sons ; nous sommes dans l'hiver se dit par rap-
port aux deux époques entre lesiiucllos l'hiver
est couq)ris. On dit 7ious entrons dans l'hiver, et
non pas nous entrons en hiver. Je ferai cet ou-
vrage en deux jours se dit par opposition à un
temps plus ou moins long qu'on pourrait y em-
ployer. Je ferai cet ouvrage dans deux jours se
dit sans opposition, seulement par rapport à l'es-
pace de temps après lequel on commencera l'ou-
vrage.
Dans tous les autres cas où l'on emploie la pré-
position <?7i,elle emporte toujours celle idéed'op-
posiiiou, de distinction, d'cxclusiun. Etre en vie
est opposé à n'élre pas mort ; être en santé, c'est
n'élre pas malade; être en liberté, c'est n'élre pas
esclave ou détenu. On met un homme en liberté
quand on le fait sortir de prison ; il était en pri-
son, il est en liberté, (.es deux états sont oppo-
sés et s'excluent l'un l'autre.
On est en paix quand on n'est pas en guerre,
en guerre quand on n'est pas en paix-jE";; marque
l'opposiiion entre l'iui et l'autre éiat; mais on dit
le commerce et les beaux-ai-ts fleurissent ilstn'ila
paix ; des cruautés s'exercèrent dans la guerre.
11 n'y a point là d'opposition, il ne s'agit que de
ce qui se passe dans la guerre ou dans la paix
On (lit qu'««e armée est rangée en bataille, par
opiiosilion aux autres manières dont elle peut
être rangée ou disposée. Dans la bataille, et non
pas en bataille, on distingua un soldat qui fit
des prodiges de valeur; il n'y a (>oinl la d'op-
position. Etre en prière manpie exclusion de
toute autre occupation. Dans la prière on élève
son cœur ù Dieu ; il n'y a point la d'opposition;
dans marque l'action de la prière d'une manière
absolue.
Datif. Subst. m. On prononce le/". Ce mot est
J90
DE
un terme ilo çrainniaire pour les langues qui ont
des cas. ^'oyez Cas.
Davvmace. Adv. Cet adverbe était autrefois
suivi de que; aujourd'hui on ne reni|iioie plus
avec celle conjonction. 11 ne faut |kis conroiidrc
plus avec davantage. Voici, d'après Bcauzce, en
quoi CCS deux mots différent.
Plus s'cjnploie pour clablir explicitement et
dirccicincnt une comparaison. Daianlage en
rappelle implicilemcnl l'idée et la i"enversc. Après
plus, on met ordinairement un (/uc qui amène le
second terme ou le terme conséquent du rapport
énoncé dans la phrase comparative; après da-
vantage, on ne doit jamais mcilre que, parce (juc
le second terme est énoncé auparavant. Ainsi
l'on dira, i)ar une comparaison directe cl cxj)!!-
cite, les Bomains ont plus de bonne foi que les
Grecs; mais, dans la comparaison inverse et im-
plicite, il faut dire les Grecs nont guère de
bonne foi, les Romains en ont davantage. C'est
une faute d'employer davantage pour le plus.
On dit c'est celui que j'aime le idus; et non pas,
c'est celui que j'aime davantage.
Davantage n'est guère bien placé qu'après les
verbes : Je vous en aime davantage. Celui-là
m'aurait plu davaiilage, et non pas m'aurait da-
vantage p^;/. Cependant lorsiiue le verbe est à
l'infinilil, davatuur/e peut le précéder : //. nest
rien qu'oji doive davantage recommander axtœ
jeunes gens que de; ou bien il n'est rien qu'on
doive recomînander davantage auje jeunes gens
que de.
De. Prép. Elle sert à marquer différents rap-
ports. Nous en avons parlé au long à l'article
.îdjectif. Voyez ce mot.
Je lui dispute tout, jusqu'à l'amour de Rome.
(Volt., Rome sauvée, act. FV, se. Il, 52.)
Le vers précédent indique que l'aviour de Borne
ne veut dire que l'amour pour Borne. Mais re-
marquons, en passant, que tel est dans ces sortes
de phrases l'inconvénient de la particule «fe, que
souvent elle est susceptible, par elle-h;ême, du
sens actif et du sens passif; et que, pour éviter
l'amphibologie, il faut avoir soin de déterminer
l'un ou l'autre. Ainsi, dans ces vers de Racine
{Britaîinicus, act. III, se. m, jl) :
Et nourrir dans son âme
Le mépris de sa mère et l'oubli de sa femme,
il n'y a pas à se méprendre ; mais le second se-
rait tout aussi bon dans le sens contraire, si l'on
disait : // souffre sans se plaindre le mépris de
sa mère et l'oubli de sa femme. (La Harpe, Cours
de littérat.)
D» deuil et de grandeur, tout oiïre ici l'image.
(Volt., Oreste, act. II, se. i, 56.)
Faute de langage, dit La Harpe : l'image exprime
ici une idée d<'iiiiie, à cause de l'arûclej et la
particulf! de, placée comme elle est, une idée in-
dé(iiiie. La justesse grammaticale, conforme à celle
des idées, evigel'une des deuxconsiructions. Une
image de deuil et de grandeur, ou l'image du
deuil et de lu grandeur. H était facile de faire
ainsi le vers :
Du deuil et des grandeurs tout offre ici l'image.
[Cours de liltcratvre .)
Que je tâche de vaincre un indigrie courroux
El vous donner pour lui l'amour cju'il a pour tous.
(Con.v., Cin., act. III, se. IT, 62.)
DE
Voyez Pn'position.
Quand on lit dans le Dictionnaire ds l'.lcadé-
mie: Couverture de mulet, Cl couverture de che-
vau-x ; gelée de pomine, de groseille, Ct golee de
coings ; un pied d'œillet, ct un pied d'œillels, on
se demamie |)Ourquui ces seconds substantifs sont
tantôt au singulier, tanlôt au |)luriel; et l'on dé-
sirerait savoir s'il n'y a jjas une règle pour
l'emploi de l'un ou de l'autre nombre.
Simplifions la question. Il ne s'agit ici que de
choses tirées ou extraites d'un(; certaine espèce,
d'une certaine classe d'elles, de l'huile d'olive;
ou de choses laites, composées d'individus de
certaines espèces, de certaines classes, comme .7c-
lée de groseilles, pâle d'amandes.
Dans le premier cas, le second mot ne prend
jamais le pluriel, parce qu'il a un sens indéter-
miné, et qu'il iiidi(|ue une espèce, une classe,
une sorte. Dans le second cas. il prend le pluriel,
parce iju'il a un sens déterminé, et qu'il signifie
des individus d'une espèce, d'une classe, il'une
sorte, qui cnlrent dans la compusilion de la chose.
On dit de l'huile d'olive, et non pas de l'huile d'o-
lives, parce que les olives n'cnlient pas indivi-
duellement dans la composition de l'huile, mais
que l'huile en est tirée, extraite; mais on dit un
baril d'olives, une assiette d'olives, parce que le
baril, l'assiette, sont composés d'un nombre d'in-
dividus de l'espèce de fruit nommé olive. Du
suc de pomme, &\. non pastZi/ suc de pommes, parce
que le suc est extrait de 1 e.-^pèic de fruit nommé
pomme; el?/«e marmelade (/c^wwmes, [jarcequc
des pommes entrent individuellement dans la
composition de la marmelade. Des queues de cite-
rai, du crin de cheval, sont tirés de l'espèce d'a-
nimal nommé cheval; une troupe de chevaux est
composée de plusieurs individus de cette espèce.
Un troupeau de moutons est composé de plu-
sieurs individus de l'espèce; des gigots de mou-
ton sont tirés, séparés de quelque animal de l'es-
pèce. Un bouquet de roses est composé de plu-
sieurs individus que l'on nomme des roses; un
bouquet de jasmin est tiré d'une espèce de plante
que l'on nomme jasmin. De l'eau de poulet est
tirée d'une espèce d'animal que l'on nomme pou-
let ; une fricassée de poulets est composée de
plusieurs individus qui portent ce nom. On dit
de ta gelée de groseilles, et non de la gelée de
groseille, parce que les groseilles entrent indivi-
duellement dans la composition de cette espèce
de confiture; et l'on dit du sirop de groseille, du
sirop de citron, parce que le sirop est tiré de la
groseille, du citron, et que ces fruits n'entrent
pasindividuelleiucnt dans sa composition. On dit
de la gelée de viande, de poisson, parce <]ue la
viande, le poisson, n'entrent pas comme indivi-
dus dans la composition de celte gelée. Conserve
de 7iiauve, de romarin, de capillaire, de violette,
il s'agit d'espèces; conserve de pistaches, de ci-
tro7is, de roses, il s'agit d'individus. Pâte d'a-
mandes, de pommes, d'abrn^ots, de cerises, de
raisins, composée avec des amandes, des pom-
mes, etc. De la fécule de pomme de terre, tirée,
extraite de la pomme de terre; un ragoût de
pommes de terre, fait avec des pommes de terre.
Des morceau.T de brique, tirés de [ilusicurs bri-
ques; une muraille de briques, composée de bri-
ques.
Quand il ne s'agit ni d'extraction, ni de com-
posilion, il faut examiner si le second mot est
pris dans un sens général et indéfini, ou dans un
sens particulier ou individuel: dans le premier cas,
ce second mot ne prend point de*; dans le second, il
DÉB
e» prend un. Des (jens de plume sont des gens
qui se servenl de la |)lunie en général, qui vivent
du travail de la pliinic en général. Des caprices
de femme sont des caprices que l'on attribue au
sexe en général ; une pension de femmes est com-
posée d'individus. Ou ■,ï\)\)cl\c marchand de plume
celui qui vend en masse de la plume pour l'aire
des lits, des oreillers, de. ; xin marchand de plu-
mes est un marcliaud qui vend des plumes a
écrire; c'est le sens individuel. Un marchand
d'arbres, un marchand d'estampes, une mar-
chande d'abricots, toutes ces choses se vendent
par individus. Un marchand de paille, un mar-
chand de foin ne vend pas indivulucllcment une
paille, deux pailles, etc., il vend en masse des
parties tirées de rcspére. On dit une marchande
de poisson, Y'M'cc ([uc le poisson ne se vend pas
toujours individuellement, mais souvent par
morceaux, jjar tranches, comme la morue, le
saumon, la raie, etc.; maison dil«/(e marchande
de carpes, d'écrevisses, parce (lue les carpes et
les écrevisses se vendent ainsi. Un marchand de
rin est un marchand (]ui vend en général l'espèce
de liqueur que l'on appelle vin ; mais si l'on vou-
lait indi(pier des espèces [)articulièrcs, il l'audrail
dire, par exenq)le, un marchand de vins fins. On
dit de même un marchand de drap, de toile; cl
xin marchand de draps de Louviers et d'Elbeuf,
un marchand de toiles blanches, de toiles r/ri-
ses, etc. Voyez Adjectif.
Dé. Particule prépositive qui se met au com-
mencement de certains mots. (Quelquefois elle
est ampliative, c'est-à-dire qu'elle sert a étendre
la signilication du mot, comme ûansdiclurer, dé-
couper, détremper, dévorer. D'autres l'ois elle est
négative, et sert à maniuer la suppression de l'i-
dée énoncée par le mol simple, conune dans dé-
barquer, décamper, dédire, défaire, dégénéré,
déloyal, démasqué, dénaturé, dépourvu, dérègle-
ment, désabuser, dévaliser.
DÉB,\G0CLEn , DÉB.\G00LEnR. Tcrmcs ti'és-Las
qui ne méritaient pas d'élre recueillis par l'Aca-
démie.
DÉBAPTISER. V. a. de la d'* conj. On ne pro-
nonce paslcjo. L'Académie dit qu'il n'est guère
d'usage que dans cette phrase, il se ferait' plu-
tôt débaptiser que de faire telle chose. Voltaire
a dit dans l'Ingénu chap. v), si l'on vie prive de
la belle Saint-Yves, sous prétexte de jnon bap-
tême, je vous avertis que je l'enlève et que je
me débaptise.
*Débarbariser. V. a. de la 1"' conj. L'Acadé-
mie ne l'a i)oinl mis dans son Dictionnaire. Vol-
taire a dit : Nos welchcs du parterre, qu'on a eu
tant de peine À dcliarhariser, «e doutent très-ra-
rement si une pièce est bien écrite.
DÉBARBODiLLER. V. a. de la 1"^' conj. On mouille
les II.
Débarras, Débarrasser. Dans ces deux mots,
on ne prononce qu'un r.
DÉB.iTTRE. \ . a. et irrégulier de la 4' conj. 11
se conjugue comme battre, ^■oyez ce mot.
Corneille a dit dans Nicomède (act. V, se. v,
44).
Amusei-le du moins à débattra avec vous.
Débattre, dit Voltaire, est un verbe réfléchi
qui n'emporte point son action avec lui. Il en est
n\nsi ûe plaindre, co7irenir. On dit se plaindre,
se contenir, se débattre. Mais quand débattre est
actif, il faut un sujet, un objet, un régime : Nous
DÉB
191
avons débattu ce point, cette opinion fut débat-
tue, [liemarquvs svr Corueille )
DÉncT. Subsi. m. On lait sentir le t iinal.
Débiffer. V. a. de la 1" conj. Vieux mot qui
n'est plus usité, et (pie r,\cadémiea recueilli dans
son Dictionnaire. 11 signiliait gûter le tempéra-
ment, rendre dilTirme, déliijùrer. L'.\e;!démie
prétend qu'on dit en ce sens être tout débi/fé, et
visage debiffé, estomac débiffé. Ou ne sérail pas
compris si l'on employait aujourd hui ces expres-
sions.
Dkbile. Adj. des deux genres. L'Académie le
drlinii,qui manque de forces. Mais /fu'4Z<? signifie
aussi (pii mamiue de forces, et cependant ces ad-
jectd's ne [leuvent être employésl'un pour l'autre.
— Le sujet faible n'a pas assez de force relative;
le sujet débile est d'une grande faiblesse. Le i)re-
mier, fort juscju'a un certain point, ne rcuq)lit
bien (pi'uuc certaine carrière; le second, avec un
air toujours faible, ne la remplit <iue dil'lirilement.
Une vue faible ne soutient pas le grand jour; le
joiu- faliçue une vue débile. Un estomac faible
digère bien une certaine dose d'aliments; un es-
tomac dibile digère toujours mal. L'esprit faible
n'a pas assez de force pour résister, pour [icnser
et agir d'après lui contre le vœu d'un autre; il
est subjugué par l'ascendant (|ue vous prenez sur
lui; l'esprit débile n'a pas la force de se détermi-
ner, de penser, d'agir d'après lui-même et avec
suite; il obéit a l'impulsion (pic le premier objet
lui donne. Faible est, tant au propre qu'au fi-
guré, d'un usage inliiiiment plus étendu (pic dé-
bile. Un soutien, un appui, un moyen, un ressort,
un roseau, un mur, une poutre, une monnaie, un
ouvrage, un discours, un raisonnement, etc.,
sont faibles et non débiles. C'est par le privilège
de poète que Boileaua dit un débile arbrisseau.
Dcbile ne s'applique guère qu'aux animaux , à
leurs facultés, à leurs membres, et, par analogie,
à cerlaiiies facultés spirituelles de l'homme :
ainsi, l'on dira, aussi bien dans le style simple (pic
dans le style élevé, (pic l'esprit devient débile
comme le corps, à mesure ([u'on vieillit. L'em-
jdoi ligure de ce mot est très-bon lors(iu'il s'agit
de désigner dans le moral un rapport actuel et
intime avec le physi(iuc. — Cet adj. peut se mettre
avant son subst. lorsiiue l'analogie et l'harmonie
le i)erniellent. On ne dit ])as un débile corps,
mais on dit un débile enfant, un débile vieillard.
Voyez Adjectif
Débitelt.. Subst. m. Qui doit. En parlant
d'une femme on dit débitrice. Dans le sens de
débiter des nouvelles, on dit au féminin deôi-
leuse.
Déblayer. V. a. de la 1" conj. Il se conjuguî
comme payer. Voyez ce mot.
Débonnaire. Adj. des deux genres. On peut le
mettre après son subst., (juand l'analogie cl l'har-
monie le permettent: Caractère débonnaire ; hu-
meur débonnaire , cette débonnaire humeur. Un
homme débonnaire, et non pas mm débonnaire
homme, ^'oyez Adjectif.
Débord. Subst. m. 11 n'est pins usité qu'en
tenues de monnaie, pour signilier ce (}ui est au
delà des cordons de la légende; et r.\cadéinic ne
le dit point en ce sens.
Déborder. V. n. On lit dans le Dictionnaire
de l'Académie, la rivière a débordé, lu rivière
est débordée. Le premier exprime l'action, le se-
cond l'état.
DÉBOUCHÉ, DÉBOccHEMENT. Substanlifs mascu-
lins. L'Académie dit ces deux mots d'un moyen
de se défaire des marchandises ou des billets
192
DEB
dont il n'esl pas aise de trouver le débit ou de
faire un bon emploi. Le premier se dit en ce
sens : On cherche vn débouché poitr ses marchan-
dises, pour ses billets; le second ne se dit |)ius.
Debout. Adv. Les poètes disent (pieI<|uefois
être debout dans le sens de subsister encore :
IIj TÎTenl cepeiuljnt, et leur temple esl debout.
(lUc, a<h.,acl. II, se. V, 138.)
Aacine a dit aussi dans un autre sens(y^Ma/i>,
act. V, se. IV, 8) :
Songei qu'autour de tous.
L'ange exteruiinateur esl debout avec nous.
Débris. Subsl. m. Racine a souvent employé
débris au singulier :
Il n'a point détourné ses regards d'une fille,
Seul reste du débrit d'une illustre famille.
[Britan., act. II, se. ui, 29.)
D'un malhenreux empire acheter le débris.
(Mithrid., act. I, se. I, 18.)
Quel dibriê parle ici de Tolre résistance?
(Iphig., act. IV, se. iv, 94.)
Par une belle chute il faut me signaler,
Et laisser un débrii, du moins après ma fuite.
Qui de mes ennemis retarde la poursuite.
{Baj., act. lY, se. vil, 36.)
Chargeant de mon débrtt les reliques plus chères.
(Baj., act. III, se. il, 31.)
On a remarque sur ce dernier vers qu'on ne dit
point le débris de quelqu'un. Voltaire met ordi-
nairement débris au pluriel:
Ces califes tremblants dans leurs tristes grandeurs,
Conchés sur les débrie de l'autel et du trône.
[Zaïre, act. I, »c. 11, 16.)
Ad milieu des d^brzt des temples renversés.
[Idem, act. II, se. I, 77.)
k. peine as-tu caché sous ces rocs escarpés
Quelques tri$tes débris au naufrage échappés.
(Oreste, act. II, se. i, 9.)
Dans ses sombres fureurs Âssur enveloppé
Rassemble les débris d'un parti dissipé.
{Sémir., act. V, se. l, 57.)
Amis, il faut tomber sous les débris des lois,
(ifort de César, aci. II, te. m, 2.)
Sur les débris d'un trône écrasé par vos mains.
(Brut., act. III, se. vu, 26.)
Près de ce Capitole où régnaient tant d'alarmes.
Sur les pompeux débris de Bellone et de Mars,
Un pontife est assis au trône des Césars.
{Henr., IV, 179.)
Delille l'emploie aussi ordinairement au pluriel :
Alors s'offrent aux yeux, flottant de toutes parts.
Un mélange confus de voiles, d'étendards.
Les débris d'Uion, son antique opulence.
[Énéid.. I, 171.)
Et leurs mains diligentes
Reeaeillent les débris de leurs rames flottantes.
{Enéid., Y, 285.)
Sergeste, qui, tâchant de reprendre son cours.
Luttant contre son roc, implorant du secours,
Bisayfcit vainement quelques débris de rames.
(Énéid., V, 297.)
DEC
Partout, chez ce poëte,je trouve rfe'irtï au plu-
riel, excepté dans les deux passages suivants :
Au moment où sa bouche.
Comme un gouffre profond revomit sur sa couche,
Parmi des Ilots de sang, la chair des malheureux.
Effroyable débris de son festin affreux.
{Énéid., 111, 870.)
Ici, la chair des malheureux, étant au singulier,
on ne peut pas dire (jue la chair des malheureux
sont des débris. I.c singulier est donc selon les
règles. Il en est de même dans les vers suivants
néid., VI, 633) :
Déiphobe soudain frappe ses yeux surpris,
De la race des rois misérable débris.
{é>
Déiphobe ne peut pas être des débris. Je crois
que c'est seulement dans des cas semblables que
l'on peut employer débris au singulier.
Décacheter. V. a. dclal"conj. Il se conjugue
comme cacheter. Voyez ce mot.
Décadence. Subst. f. Le père Bouhours a dit,
et l'usage aconfiriné que ce mot ne s'emploie qu'au
ligure. On dit qu'wn empire tombe en décadence ;
mais on ne dit pas qu'j/«e maison, qu'un palais
tiivibe en décadence; on dit (ju'iZs tombent en
ruine. — Quand on dit qu'«ne maison tombe en
décadence, c'est que le mot maison est pris pour
famille.
Décalquer. V. a. de la 1" conj. Voyez Cal-
quer.
Décampkh V. a. de la 1" conj. Quoique l'Aca-
démie ne donne à ce mot que l'auxiliaire aroir, il
est certain qu'on le conjugue aussi avec l'auxi-
liaire être. Madame de Sévigné a dit, les troupes
sont décampées. Avec l'auxiliaire avoir, ce verbe
signifie une action : les troupes ont décampé hier
matin ; avec l'auxiliaire être, il signifie l'état qui
résulte de l'action de décamper : Je me rendis au
camp, et je vis avec surprise que les troupes
étaient décampées.
Décanat. Subst. m. Le t ne se prononce
point.
Décéder. V. n. de la 1" conj. Ce mot ne se
dit qu'en termes de palais et d'administration.
Dans le langage ordinaire on dit mourir. — Dans
un acte de notaire, ou un prorés-verbal,on dit le-
quel est décédé le... ;m\\\s ailleurs on dit /non frère
est mort, et non pas mon frère est décédé.
Déceler. V. a. de la i" conj. Dans la conju-
gaison de ce"verbe, toutes les fois que le l est suivi
d'un e inuct,on met un accent grave sur Ve qui
précède : Je décèle, je décèlerai.
Décemment. Adv. On peut le mettre avant le
verbe : Il est décemment vêtu, il est vêtu décem-
ment.
Décemviral, Décemvirale. Adj. Il se met tou-
jours après son subst. On ne trouve nulle part
décemviraux au pluriel; mais si l'on avait besoin
de ce terme, je ne vois pas pourquoi on ne l'em-
ploierait pas.
Décemvirat. Subst. m. On ne prononce pas
loi.
Décence. Subst. f. Féraud prétend qu'on dit
décences au pluriel, et il cite à l'appui de son as-
sertion la phrase suivante d'un ai:leur obscur:
Philippe, bravant toutes les lois et toutes les dé-
cences.— On ne dit p:is des décence.^, comme on
dit des bienséances. Des bienséances sont des
actions conformes aux temps, aux lieux, aux per-
sonnes, et ces actions sont de différentes sortes.
DEC
La décence est la conformité des actions avec les
temps, les lieux, etc.; et cette conformité est
une: On met de la décence dans ses actions;
mais des actions décentes ne sont pas des dé-
cetices.
Décennal, Décennale. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subsl. : Maaistrature décennale, fête
décennale. 11 fait au pluriel décennaux : F'œiix
décennaux, jeux décennaux.
Décent, Décente. Adj. On i>('Ul tpiejqnefois le
mettre avant son subst., (M) c()n^ultant l'oreille et l'a-
nalogie : Un homme décent, une femme décente,
des manières décentes, une conduite décente,
cette conduite décente, ces décentes manières.
* Déceptif. Adj. Trompeur, séduisant.
Ce présent déceptif 3. bu toute leur force.
(Corn., Médée, act. lY, se. ii, 25.)
Déceptif n'est pas bon, mais il est là, et ce passage
de Médée est remartjuable par le style, comme
une très-grande partie de cette tragédie si mépri-
sée. (Ch. Nodier, Examen critique des Dict.)
Décès. Subst. m. On peut ai)pliquer à ce mot
les observations que l'on a faites sur le mot décé-
der. Voyez ce mot.
* Décesser. Ce mot, qui n'est pas français,
n'est mis ici que parce que plusieurs personnes
l'emploient. On dit abusivement qn' une personne
ne décesse de parler, pour dire qu'elle parle con-
tinuellement. Il faut dire, en ce cas, qu'elle ne
déparle pas, ou qu'elle ne cesse de parler.
Décevam, Décevante. Adj. verbal tiré du v.
décevoir. On pourrait dans quelques cas le mettre
avant sdu subst. : Un espoir décevant; ce déce-
vant espoir.
Décevoir. Y. a. de la 3" conj. Il paraît que ce
verbe est plus usité dans les temps composés que
dans les temps simples :
Par quelle trahison le cruel m'a déçue !
(Rac, Iphig., act. Y, se. m, 41.)
Cruelle ! quand ma foi vous a-t-elle déçue ?
(Rac, Phéd., act. I, se. m, St.)
Déchaînement. Subst. m. Il ne se dit qu'au fi-
guré. On ne dit pas le déchaînement d'un pri-
sonnier, pourdire l'action de lui ôter ses chaînes.
11 signifie un emportement extrême qui s'exprime
par des discours violents ou des paroles inju-
rieuses : Son déchaînement contre cet homme est
extrême, son déchaînement contre la philosophie
est ridicule.
Déchaîner. "V. a. de la l"conj. Delille a dit
{Énéid.,ï,15):
F.lle-même, lonnanl du milieu des nuages.
Bouleversa les mers, déchatna les orages.
Il se dit au propre et au figuré, au lieu que
déchaînement ne se dit qu'au figuré. Déchaîner,
c'est ôier la chaîne ou les chaînes, détacher la
chaîne ou les chaînes; et au ligure, c'est exciter,
animer, irriter contre quelqu'un ou quelque
chose • On Va déchaîné contre vous. Il est dé-
chaîné contre la philosophie.
*DÉCHALANDEn. Y. a. de la 1" couj. Ou dit plus
ordinairement désachalander.
DÉcHAKGE, Déchabgesient. Substautifs, le pre-
mier féminin, le second masculin. Décliarge se
dit des voilures, chariots, etc., et décharge7nent
des navires, des bateaux, etc. — Cependant l'Aca-
démie dit aussi le déchargement d'une diligence.
Déchiffr.\ble. Adj. des deux genres. On ne
DEC
lyô
prononce qu'un f. 11 se met toujours après son
subst., et ordinairement avec la négation: Cetl*
écriture n'est pas déchiffrable, son écriture ft'est-
elle pas déchiffrable?
Déchiffrement, Déchiffrer, Déchiffreur.
Dans ces trois mots, que l'on ôt-rit avec deux f, on
n'en prononce qu'un.
Déchirant, Déchirante. Adj. verbal tiré du
V. déchirer. Il ne se dit qu'au figuré : Un combat
déchirant entre la tendresse maternelle et la
piété filiale. Il y a dans celte tragédie plusieurs
situations décliiranles. (Voltaire.)
DÉCHIRE.MENT. Subst. m. Au propre, il ne se
dit guère que du déchirement des habits qui
avait" lieu chez les Juifs pour marquer de la dou-
leur ou de rindigiiatioM. On dit aussi // y a eu dé-
chirement des fibres, des muscles. (Acad., 1S35.)
Au ligure, on dit déchirement d'entrailles, déchi-
rement de cœur, etc.
Déchoir. Y. n., irrégulier et défectueux de K'
3" conj. Yoici comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je déchois, tu déchois, i-
déchoit; nous déchoyons, vous déchoyez, ils dé-
choient.— Iiiiparfuil. Il n'est pas usité. — Passl
simple. Je déchus, tu déchus, il déchut; nous
déchûmes, vous déchûtes, ils déchurent. — Fu-
tur. Je décherrai, tu déchorra^, il décherra;
nous décherrons, vous dôchcrrez, ils dccher-
ront.
Conditionnel.— /'/•ese/j;. Je décherrais, tu dc-
cherrais, il décherrait; nous décherrions, von-;
décherriez, ils décherraient.
Impératif. — Présent. Déchois, qu'il déchoie ;
déchoyons, déchoyez, qu'ils déchoient.
Subjonctif. — Présent. Que je déchoie, que tu
déchoies, qu'il déchoie; que nous déchoyons,
que vous déchoyez, qu'ils déchoient. — Imparfait,
Que je déchusse, que tu déchusses, qu'il déchût ;
que nous déchussions, que vous déchussiez,
qu'ils déchussent.
Participe. —Prtfsewi. Il n'y en a point. — Passé.
Déchu, déchue.
Ce verbe prend l'auxiliaire avoir ou l'auxiliaire
être, suivant qu'il exprime une action ou un état:
Depuis ce moment Ù a déchu de jour en jour, il
a fait l'action de déchoir II y a longtemps qu'ils
sont déchus de ces privilèges, il y a longtemps
qu'ils n'en jouissent plus; c'est un état qui ré-
sulte de l'action de déchoir.
Yo.s ennemis, déchus de leur vaine espérance,
Sont allés chez Pallas pleurer leur impuissance.
(Rac, Britan., act. II, se. Il, 3.)
DÉCIDÉ, DÉCIDÉE. Adj. Avoir vn goût décidé
pour les beaux-arts. Expression qui s'est intro-
duite dans la langue par abus. Voyez Langue
française.
DÉCIDÉ.MENT. Adv. Il pcut sc mcttrc avant ou
après le verbe, ou entre l'auxiliaire et le parti-
cipe ; Décidément, ils ont pris leur parti; ils
ont pris décidénient leur parti; ils 07it décidé-
ment pris leur parti.
DÉCIDER. V. a. de la l"^"" conj. Décider une af-
faire, une question. Décider quelqu'un à. . . Se
décider «... Décider de la vie et de la mort
des hommes. Décider de tout, décider sur tout.
Décider, dans le sens de résoudre, prendre
une résolution, prend de avant l'infinitif suivant :
H a décidé de renvoyer son domestique.
* DÉCIDEUR. Subst. m. Voltaire a employé ce
mot, qui n'est point usité, mais qui peut être bon
dans quelques cas particuliers : Décideur impi-
toyable, pédagogue à phrases, raisonneur fourré,
13
{§4
DEC
tu cherches les hnrne.i de ton esprit; elles sont j
au bout de ton nez. (Voltaire.) j
Déciileb. V. a. de la 4" conj. L'Académie a I
écrit desciller, puis dessiller. Il semlde qu'il est 1
mieux d'ocrivc déctller, puis(|ue ce mot vient de
cils. — En dS35, IWiadcinio reconnaît cette orlhu- |
graphe, tout en iircfcraiit dessiller. CU. JNodicr, j
dans son Examen critique des dictionnaires, se
déclare pour ii(ct7/er.
Décimal, Dk(;i.mai,e. Adj. qui suit toujours son j
SUbst. : Calcul décimal, arithmétique décimale,
fraction dccimule. Il n'a point de pluriel au mas- :
culin.
DÉCISIF, Décisive. Adj. Il se met toujours après
son sulist. : Point décisif, bataille décisive. —
Esprit décisif, ton décisif. Décisif n'n pas exac- I
tenieiit hi niènic ^ignilicalion dans iin argument |
décisif , C\. vn homme décisif. Un argument dé- \
cisif e>l un ari^'unicul (jui , par sa force et sa j
clarté, décide la ([uesliim et termine la discus- j
sion. Dans un homme décisif, l'adjectif emporte
l'idée d'un honiine qui s'en fait accroire, (jui se
croit mieux instruit ijue les autres, et (]ui, d'a-
près cela, décide ou a l'habitude de décider avec
une certaine arrogance. C'est dans ce sens qu'on
dit aussi vn ton décisif, vn air décisif. —
Ce mol se prend en mauvaise part toutes les
fois qu'il est appli(iué aux personnes ou aux
choses qui ont lapport aux personnes. Lorsqu'on
dit vn homme décisif, on entend toujours un
homme qui a le défaut de décider avec une pré-
tention maniuce. J.-J. Kousseauadit en ce sens:
Rien iiest si décisif qxie l'ignorance ; et le dovte
est aussi rare parmi le peuple qvc l'affirmation
chez les rrais philosophes. {Discours sur cette
question : Quelle est la vertu la plus nécessaire
avx héros? l. Xlll, p 437.)
Décisivehent. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : lï a parlé décisivement, el non pas il a
décisivement pai-lé.
Décl.imatelr. Subst. m. Selon l'Académie, on
dit d'un houiMie (pii récite en public, c'est un
bcm déclamateur, vn mavrais déclamalevr; et
dans ce sens, on n'a égard qu'au ion el aux
gestes. Nous jiensons qu'on emploie rarement
celte expression en ce sens; on dit pluiôt un
homme ipii déclame bien, qui déclame mal. Le
mot déclamateur s'emploie plus généralement
pour signilier un oraleur boursouflîé, enqihati-
que, fad)le de pensée et bruyant d'expression.
— On l'emploie aussi adjectivement : Ton décla-
mateur. En ce sens, il se prend toujours en mau-
vaise part. \'oyc7. Déclamatoire.
DÉCI..4MAT10N. Subst. f. Cc uiot sc prend en
bonne et en mauvaise part. En bonne part, c'est
l'expression du discours par les traits du visage,
par le gf^stc et par la voix. On dit en ce sens /'«r/
de la déclamation. Ce mot, [)ris en mauvaise
part, se dit de la fausse élo(iuence, de l'élocpience
boursouflli'e, cnqdiatique cl bruyante d'expres-
sion. Déclamation se prend aussi en mauvaise
part, dans réloquence poétique. Elle consisic
dans des moyens fi)rccs qu'on emploie pour
(^mouvoir, on'dansiin pathétique qui n'est point
à sa place. {Encyclipédie.)
DÉctAjiAToir.E. Adj. des deux genres. L'Aca-
démie le déliiiil, i;ui appartient à la déclama-
tion, el donne jiour exemple, art déclamatoire.
Je doulc (pi'oii le |)renne aujourd'hui en bonne
part. — La différence entre déclamateur et dé-
clamatoire , pris .-idjectivement , c'est, ce me
semble, (pie le j)rciïiicr se dit particulièrement
du déclamateur et de ce qui a rapport au défaut
DEC
qui le caractérise; et que déclamatoire se dit
mieux des choses qui rendent le sujet amiwulé.
On dit bien un ton déclamateur, et il inc semble
que style déclamatoire esl plus exact (jue style
déclamateur.
* Déclaratedr. Subst. m. Ce mot ne se trouve
point dans le Dictionnaire de l'Académie. Vol-
taire a appehï les théologiens les déclara tettrs des
commandements célestes.
Déclarer. V. a. de la i'" conj. L'Académie le
délinil, manifester, faire connaître. Déclarer,
c'est dire les choses exprés et a dessein, pour
en instruire ceux â (pii on ne veut pas qu'elles
demeurent inconnues. Ce qui était inconnu el
incertain, on le déclare en l'exposant et en l'ap-
l)uyaut d'une manière positive. Ce qui était ignoré
ou obscur, on le manifeste en le dcvelopi)ant
ouvertement ou en l'étalant au grand jour.
Déclin. Subst. m. Voltaire a dit le déclin de
mes ans :
Illustres chevaliers, vengeurs de la Sicile,
Qui daignez, par égard au déclin de mes ans. . ,
[TancT., act. I, se. I, I.)
Ayez pitié du déclin de mes ans.
(Enf. prod., act. V, se. T, 82.)
DÉCLINABLE. Adj. dcs dcux genres. II se dit des
noms qui, dans les langues transpositives, va-
rient leiu's désinences selon les cas des déclinai-
sons de ces langues. Il se met après son subst. :
Les noms de la langue lutine sont déclinables.
Les noms de la langue française ne sont pas dê-
clinubles.
On appelle invariables ceux qui ne prennent
ni la marque du féminin ni celle du pluriel : Les
adverbes sont invariables.
Décocher. V. a. de la l'« conj. On l'emploie
figurément :
Et que feront fous les traits satiriques
Que d'un bras faible il décoche aujourd'hui?
(Volt., Épttre XXÏV, 1&4.)
DÉcotLETER. V. a. et n. de la l'« conj. Lors-
que le t est suivi d'un e muet, on met un accent
grave sur ïe qui précède : f^ovs avez là un ha-
bit qui décolleté beaucoup. (Acad.)
Décoloration. Subst. f. De décolorer on a fait
décoloration, mot nouveau qui peut être utile :
f^oici novembre, voici lu chute des feuilles, le
départ des beaus jours cl le triste marnent de la
dt-colo ration de la nature. — L'Académie adinel
ce mol dans sa nouvelle édition, mais seulement
comme terme de médecine : Jm décoloration de
la peau.
Décoloré, Décolorée. Participe et adj. Il
s"em|)loie au figuré. On dit un style décoloré,
une figure décolorée.
Décombres. Subst. m. pluriel. Menus débris
d'un ouvrage de maçonnerie qu'on a abattu ou
démoli : Il faut eidever tous ces décombres .
Décompte, Décompter. Dans ces deux mots
on ne prononce point le p.
Déconseiller. V. a. de la 4" conj. On mouille
les.^
* Déconstrdire. V. a. de la 4' conj. Mot nou-
veau. En parlant d'une mtichinc, démonter si-
giiilîela même chose, el pour les bâtiments nous
avons démolir. Déconstruire esl donc inutile au
propre. Au figuré, en parlant do discours, de
phrases, de vers, le mol déconslruire esl utile.
On construit une phrase, et l'arrangement des
DEC
mots dans l'ordro convenable s'appelle construc-
tion. On ne penl applicpier ici ni démonter ni
démolir. Il niaïKpiail donc un mol i)iiur signilier
le dérangement de consiruclion d'un discours,
d'une i)l)rase, d'un vers, l.a Harpe a exprimé
heureusement celte idée jiar déconstruire. Dé-
conslruire vne phrase, déconstruire des vers.
Des vers déconstruits, devenus semblables à de
la prose par la su[tpression de la rime et de la
mesure: La poésie française déconstriiite res-
se table à de Ve.vcellente prose. [Cours de littéra^
turc.) — Nous pensons que l'on pourrait cin-
])loycr dans le même sens le substantif décon-
struction .
Décorum. Subst. m. tiré du latin. Il n'a point
«le ])luriel. Garder le décorum, c'est garder les
bienséances.
Découdre. Y. a. et irréç. de la i" conj. 11 se
conjugue comme coudre. Voyez ce met.
*Découviîeur. Siibst. m. ISiot inusité qui peut
être quelquelois bien placé. Voltaire a dit : Quel
fut le pris des sennces inouïs de Cor/ez9 ce-
lui qu'eut Colomb. Il fit persécuté, et le même
évêqxie Fo7iseca , qui aidait contribué à faire
renvoyer le découvreur de l'Amériqtic charr/é
de fers, vtidut faire traiter de même celui qui
en était le vainqueur. (Essai sur les mœurs ,
cliap. cxLvii.)
Décodvrir. V. a. et irrég. de la 2* conj. Il se
conjugue coimme couvrir. A'oyez Irrégulier.
Racine a dit dans Iphigénie (act. I, se. i, 144) :
Hais surloiit ne va point, par un zèle indiscret,
Découvrir à ses yeiix mon ftincsle secret.
On dit figiirémenl qu'Mw homme se découvre
trop, pour dire qu'il donne trop à connaître ses
alTaires, ses secrets, ses sentiments. — On dit
aussi simplement en ce sens qu'M« homme se dé-
couvre.
Je n'accepte la main qu'elle m'a présentée.
Que pour ra'armer contre elle, et, sans me découvrir,
Traverser son bonheur, que je ne puis souffrir.
{Hac, Iphig.,3LCl. II, se. i, 112.)
DÉCRLDiTER. V. 3. de la 1" conj. On confond
quel(]uefois ce mot avec décrier. Tous deux
blessent la considération dont jouissait l'objet sur
(pii tombe l'attaque. Le premier va directement
a l'honneur, le second au crédit. On décrie une
femme en disant d'elle des choses qui la font
passer pour une personne peu régulière. On dé-
crrdile un marchand, un négociant, en publiant
qu'il est ruiné. L'esprit de parti décrie les per-
sonnes pour venir plus aisément à bout de dé-
créditer leui's oi)inions.
Décrépit, Décrépite. Adj. Il se met ordinai-
rement après son subst. : Jc/e décrépit, vieil-
lesse décrépite. On peut le faire précéder son
substantif quand l'analogie et l'harmonie le per-
mettent. On ne dit pas vn décrépit âge, parce
qu'il n'y a pas assez d'analogie entre ces deux
mots; mais on dira bien une décrépite vieillesse.
Voyez Adjectif
Décret. Subst. m. Voltaire a dit dans iÇeWra-
TOs(act. I, se. m, 8):
D'un Dieu qui conduit tout, le décret oleniel
Vous amène à mes yeux plus que l'ordre d'un père.
DÉCRIER. V. a. de la l^e conj. Voyez Décrédi-
ter.
Déccire. V. a. et irrég de la 4'' conj. Il se
conjugue comme écrire. Voyez ce mot.
Décroître. V. n. de la li<^ conj. Ce verbe prend
DÉF
195
l'auxiliaire avoir ou l'auxiliaire être. Le premier
a rap|)ort a l'action, le second à l'état : La rivière
est décrue, la rivière a décru.
Décrue. Subst. f. Mot nouveau qui se dit
pour décroisscment, et qui exprime une nuance
(lifférenie. Le décroissemenl est l'.uiiou dedécrol-
trc, et la décrue est la quantité dont la cliosc a dé-
cru : La crue et la décrue.
DÉDAiGNEt;. V. a. de la l"' conj. On mouille
le gn.
... Ce cœur, c'est trop vous le celer.
N'a pas d'un chaste amour dédaigné de brûler.
(Rac, Phèd., act. IV, se. ii, 85.)
Dédaigneusemi'.nt. Adv. On mouille \cgn. Il
se met après le verbe : Il m'a regardé déda-i-
gneusement, et non pas il m'a dédaigneusement
regardé.
Dédaigneux, Dédaigneuse. Adj. On mouille le
g>i. On peut le mellre avant son subst. lorsque
l'analogie et l'harmonie le permettent. Ou ne dit
pas un dédaigneux homme , une dédaigneuse
femme ; mais on dit bien celte dédaiiinevsc ré-
ponse, ces dédaigneuses manières', loi^scpie ce
(]ui précède a établi une analogie étroite entre
cet adjectif cl ces snbslantil's. Voyez Adjectif.
Quand on donne un régime à cet adjectif, on
se sert de la i)réposition de :
Tout monarque indolent, dédaigneux de s'instruire.
Est le jouet honteux de qui veut le séduire.
(Volt., Épttre XLVI, 45.)
Dédain. Subst. m. Voyez Fierté.
Dedans. Adv. Autrefois on employait dedans
comme préposition, au lieu de dans. On disait
dedans la maison, dedans la ville. Aujourd'hui
ou ne le dit plus.
Va dedans les enfers plaindre ton Curiace.
(Corn., Hor., act. IV, se. v, 70.)
Le mot de dedans, dit Voltaire, est toujours un
solécisme quand on lui donne un régime. On ne
peut l'employer (juc dans un sens aiisolii : Etes-
vous hors du cabinet? Je suis dedans. i\lais il
est toujours mal de dire dedans ma chambre,
dehors de ma chambre. (Volt., Remarques sur
Cûrneille.)
Dedans. Subst. m.
Et quoique le dehors soit sans émotion.
Le dedans n'est que trouble et que sédition.
(Corn., Poly., act. II, se. ii, 43.)
Le dehor'i el le dedans ne sont pis du Style no-
ble. (Volt., Hemarq. sur Corneille)
DÉnicAToiRE. Adj. f. qui ne se met qu'après
son subst. : Epttre dédicatoirc.
Dédire. V. a. el iriégulier delà 4* conj. Il se
conjugue comme dire, à l'eKceplion de la se-
conde personne du présent de l'iiidicalif, oii l'on
dil vous dédisez, au lieu de tmus dédites; on dit
aussi dédisez-vous à riinf)ératif. A oyez Dire.
Défaillance. Subst. f. Les / sont mouillés.
Défaillant, Défaillante. Adj. verbal lire du
V. défaillir. Les l sont mouillés : La nature dé-
faillante.
Toi-même rappelant ma force défaillante.
(Rac, Phid., act. III, se. I, 33.)
Défaillir. V. n. de la 2' conj. On mouille
les l. 11 n'est plus guère usil • (ju'à la prcinière
personne du pluriel do l'indicatif, n mis défail-
lons ; à l'imparfait, je défaillais ; ctu passé sim-
496
DÉF
pie, je défaillis; cl à rinlinilif, dcfuillir. On
mouille les l.
J'ïi senti défaillir ma force et mes esprit.-.
(Ric, Daj., ad. Y, se. i, H.)
DÉFAIRE. V. a. Cl irréjulier de !;i i^'conj. Il
5e conjugue coiiune fuire. Voyez ce mot.
Défaite. Subsl. f.
, . . Fille qui rieillit tombe dans le mépris.
C'est un nom glorieux qui se garde avec honte.
Sa défaite est filrlieuse h moins que d'être prompte.
(ConM., ilcnttur, act. H, se. Il, 34.)
L'usage permel qu'on dise cette fille est de dé-
faite, c'csl-à-dirc clic est liellc, on pciii s'en dé-
faire, la marier. .Mais la défaite d'une fille ex-
prime liguirmcnl qu'elle s'est rendue. (VoUaire,
Remarques sur Corneille)
Défaut. Subsl. m. On dit adverbialement au
défaut, pour dire au lieu, à la place. Dans ce
sens, à défaut est un barbarisme, c.\cc|)lé le cas
où le mol défaut est précédé des adjectifs pos-
sessifs mon, ton, son , clc. Ainsi l'on dit .se ser-
vir de nouveaux ouvriers, pour suppléer au dé-
faut des anciens. (Acad.) A son défaut, je vous
servirai. A mon défaut, ce sera vion frère qui
viendra. — L'Académie, en 1833, admet parmi
ses exemples: Au défaut, ci défaut d'aulresarmes,
il prit une barre de fer ; à défaut de vin , nous
boirons de l'eau. Girault-Duvivier pense que au
défaut de signifie à la place de, et à défaut de,
fa%ite de.
Défavobable. Adj. des deux génies : Un cas
défavorable, un jugement défavorable.
On peut le meure av;ml son subsl., lorsque l'a-
nalogie et rbarmuuiele permellcnl. On ne dit pas
un défavorable cas, mais on pourrait dire cette
défavorable opinion, si ce qui précède avait établi
une analogie élroiie entre cet adjectif ei le mot opi-
nion. A'oycz Adjectif.
DÉFAvonABLi MENT. Adv. Il sc met après le
verbe. On dit on Va traité dé favorablement , et
non I)as on Va défavorablement traité.
Défectif. Adj. m. Terme de granunaii'e. On
appelle verbes défectifs ou défectueux ceux qui
n'ont pas lous les modes ou tous les lein|)s qui
sont en usage dans les verbes réguliers. Ilègle gé-
nérale : Tuut verbe «;ui n'a puini de passé sim-
ple n'a point d'imparfait du subjonctif; tout
verbe qui n'a point de participe i)résent n'a
point d'impai lail de l'indicatif, et point de pré-
sent du subjonctif; tout veilie ([ui n'a point de
futur n'a poini de conditionnel, iùi un mol,(iuand
un temps primitif maïKiue , les dérivés de ce
temps nu'MKiucnl aussi. Celle règle a très-])cu
d'exceptions. A l'arlicle de clia<iucverl)e défectif,
on trouve les observations (]ui lui sont propres.
DÉFENDEuit. Subst. m. Qui se défend en justice
contre un demandeur. On dit au féminin défen-
deresse.
Défendre. V. a. de la 4' conj.
£t qu'au lieu d'attaquer il a peine à défendrt.
(ConN., Serlor., act. I, se. ii, 26.)
Z)i'/enire, dit Voltaire, n'est pris neulralemen'tlue
quand il signifie [iroliiber, ne vouloir \iS: Je dé-
fends qu'on marche de ce côté\,je défends qu'on
prenne les armes, [fiemarq. sur Corneille.)
Défendre a beaucoup d'analogie avec empê-
cher ; l'un et l'autre exprime un obstacle apporté.
Mais défendre, opposé direct de permettre, ex-
prime un obstacle apporté par une volonté puis-
sante qui agit; c'est un ordre précis i)0ur qu'une
DÉF
chose ne soit pas. En ce sens, il régit la préposi-
tion rfe avec l'infinitif, s;uis négation, ou la ccn-
jonclion que avec le subjonctif: Il défendit lu
général de s'élnigner. Il défendit i\u'il s'éltn-
gnût. On emploie de quand le verbe défendre a
un régime indirect : J'ai défendu éi mon fils de
le voir. On em|)li)ie que ^\\.^^^n^\ le \c\\)G défendre
ne régit pas un inlinilif : Il défendit qn aucun
étranger entrât dans la ville, (\oliaire, Char-
les XII.)
J'ai même défendu, par une expresse loi,
Çu'on osât prononcer votre nom devant moi.
(lUc, Phéd., act. II, se. T, 25.)
Défensif, Défensive. Adj. 11 se met toujours
après son subst. : Traité défensif, armée défen-
sive.
Déférant, Déférante. Adj. verbal lirédu v.dc-
férer. On ne le dit qu'en ces phrases : Esprit
doux et déférant, humeur douce et déférante.
L'Académie donne \)ovv exemple : Je Vai tou-
jours trouvé dcfévaui à ce que j'ai désiré de lui.
Féraud n'admet point celle phrase, et je crois
qu'elle n'esl pas française. On ne le met qu'après
son subst.
* DÉFED1LLÉ, Défedii.lée. On ne le trouve
point dans le Dictionnaire de l'Académie. JNous
croyons cependant tpi'on i)cut dire un arbre dé-
feuillé. J.-J. Rousseau a dit {Réccries, 2'' pro-
menade, t. XVII, |). 41) : La campagne, encore
verte et riante, mais défeuillce en partie et déjà
presque déserte, offrait partout V image de la so-
litude et des approches de Vliiver.
Défiant, Défiante. Adj. ([ui se met ordinai-
rement après son subsl. : Un homme défiant, une
femme défiante. On peut le mciire avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent. On ne dit pas i/h défiant homme, une
défiante femme, parce qu'il n'y a pas une analo-
gie étroile cnlre cet adjectif et les mots homme
et femme; mais on dira bien une défiante ré-
serve, ou cette défiante conduite, si ce (|ui pré-
cède a éiabli une analogie olroile entre ces deux
mois. Voyez Adjectif.
Déficit. Subsl. m. On prononce le t. Ce mol,
étant em[)runlé du lalin, ne prend point de s au
pluriel. On écrit des déficit.
Défier. V. a. de la 1" conj. On l'emploie au
figuré : Défier les dangers, défier la mort.
Ce formidable amas d'armes élinceUnles,
Cet or, ce fer brillant, eti lances éclatantes.
Défiaient dans les camps les rayons du soleil.
(Volt., Henr., Mil, 41.)
Défier, dans le sens de faire un défi, régit la
préposition d : Défier quelqu'un à boire, à qui
sautera le mieux ; défier quelqu'un aux échecs,
au trictraf..
Quand il signifie mettre quelqu'un à pis faire,
déclarer qu'on ne le crainl pas, il régit dé iVous
me menacez de vie battre, je vous en défie, je
vous défie i\(i ]k faire. — On dit auss,\ je vous défie
de deviner cette énigme. Je vous défi£ dQm'uu-
blier, etc.
Défini. Adj. m. ïcrine de gramm. Il se dit de
l'article le, la, les, soil qu'il soit simple ou qu'il
soit joint a la préposition de ou à. Ainsi du, au,
des, aux, sont des articles définis, car du c>l pour
de le; au, jjour à le ; des, pour de Us ; et auje,
pour à les. On les appelle définis parce que ce
sont des prénoms ou préposiiil's qui ne se mettent
que devant un nom pris dans un sens précis, cir-
conscrit, déterminé et individuel. Ce, cet, cette.
DEF
est aussi un prépositif défini, mais de plus il esl
démonstralif.
Quand un nom est pris dans un sons indéfini,
on ne mot point l'arlide le, la, Iss ; on se con-
tente de moitié la préiiobilion de ou la préposi-
tion à, que los çrainmairiens appellent alors mal
à i)ropos articles indéfinis. Ainsi le palais du
roi pour de le roi, c'est le sens défini ou iiulivi-
duol; un palais de nd, c'est un sens indéliiii, in-
déterminé ou d'cs|)<''ce, parce qu'il n'est dit d'au-
cun roi en parlionlior.
Défini et indi'fmi se disent aussi du prétérit
dos verbes français. I.e prétérit est rendu par/'ui
fait ou parjV fis. L'un esl appelé prétérit défini
ou absolu, cl l'autre iiKiéliiii ou rolatif; sur quoi
les i^rammairiens ne sont pas bien d'accord, les
uns appelant défini ce (jne les autres appellent
indéfini. Pour moi, dit Dumar^ais, dont nous ti-
rons cet article, je crois ^\\\o. j'ai fait est défini
et absolu, ci quojV fis est indéfini et relatif : Je
fis alors, je fis Vunnée passée. Mais, après tout,
l'essentiel esl de bien entendre la valeur de ces
prétérits et la différence <pi'il y a de l'un à l'au-
ti'î, sans s'arrêter à des minuties.
* Définisseur. Subst. m. Mot inusité. Vol-
taire appelail Locke le définisseur.
Définitif, DÉFiNiTivi;. Ailj. 11 ne se met qu'a-
prés son subst. : y4rrct définitif, sentence défi-
nitive, jugement définitif.
Définition. Subst. f. Les définitions consistent
à expliquer un mol par un autre ou par plusieurs
autres. Elles doivent être claires, précises et aussi
courtes qu'il est possible; car, en ce genre, la
brièveté aide à la clarté. Domerguc a observé
que les définitions du Dictionnaire de P Acadé-
mie sont vaçucs et souvent trompeuses. Dans
rexlrême difficulté, (Util, dans la presque im-
possibilité de bien définir, celle savante compa-
gnie devrait substituer à ses définitions une dé-
composition étymologique de chaque mot, et des
exemples bien choisis qui en détermineraient les
difféients emplois.
DÉFINITIVEMENT. Adv. Ou pcut le melirc entre
l'auxiliaire et le participe. On dit cette affaire a
été jugée définitivement, et cette affaire a été
définitivement jugée.
* Défléchir. V. n. do la 2' conj. On ne le
trouve point dans le Dictionnaire de l'Académie,
et il n'est pas usité. H est cependant bion placé
dans cette phrase de J.-J. Rousseau : Tous les
premiers mouvements de la nature sont bons et
droits; mais bientôt, manquant de force puur
suivre à travers tant de résistance leur pre-
mière direction, ils se laissent déflécliir par
viille obstacles qui les détournent de leur vrai
but. Quel autre mot pourrait exprimer la pensée
de Rousseau?
DÉFLEur.iR. V. n. de la 1^ conj. L'Académie
prétend (pi'il ne se dit qu'on parlant des arbres
ou des arbrisseaux qui viciment à perdre leuis
fleurs. Ce|)eiidanl ou dit des tiges défleuries, des
prés défleuris, etc.
Défrayer. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme payer. Voyez ce mot.
Défricher. V. a. de la 1'' conj. Ce verbe
s'emploie au figuré, et l'Académie en a donné
pour excmiile: Amyot est un des premiers écri-
vains qui défriclièrent notre langue. Delillp a été
plus hardi, il a dit défricher la vie [Énéid.,
111,11 1:
Etceui qui, do oos arts utiles inventeurs,
Onl défriché la vie et cultivé les mœurs.
DIX
197
Défont, Défunte. Adj. L'Académie dit qu'il
n'est guère d'usage que dans ces phrases, le roi
défunt, la défunte reine. Férauil observe avec
raison qu'on dit jiliis commuiionicnt le feu roi,
la feue reine. \\ n'est usité que dans le langage
familier. Voyez Feu.
DÉciAGER. V. a. de la 1'' conj. Dans ce verbe
le (7 doit toujours avoir la pinnoiu-iation du /,-
et jiour la lui conserver lorsijii'il est suivi d'un
a ou d'un o, on met un e muet avant cet a ou
cet o: Je dégageais, dégageons, et non pas je
dégagais, dégagons.
On dit dégager .sa parole, dégager .yes ser-
ments :
Je retigns dégager met serments et les liens.
(Volt., Zaïre, aci. I, se. iv, 2.)
DÉGAINER. V. n. de la 1" conj. L'Académie dit
qu'il est actif, et dans tous les exem[)les (lu'elle
en donne il est pris dans un sens ncMrc: Il faut
dégainer, on t'a forcé à dégainer.
Dégeler. V. a. de la 1"" conj. Dans la conju-
gaison do ce verbe, on double la huirc l lors-
qu'elle est suivie d'un e muet : Je dégelle, tu
dégelles, il dégelle, ils dégellent ; je dégelle-
rai, etc.
DÉGÉNÉRER. V. n. de la l"'' conj. On dit il a
dégénéré, pour exprimer l'action, et il est dégé-
néré, pour signifier l'état. Féraud biàine cette
phrase de Veitol : Plu.sieurs disaient , pour
sojider les esprits, que l'état monarchique était
préférable à une république qui était dégénérée
en pure monnrchic. [Révol. ?'n7/(«t/(e.ç, liv. XIII,
t 11, p. '.jSô ) Il l'ailait , selon lui, qui avait dégé-
néré. — Qui était dégénérée est l'expression
juste. Quand on voulait insinuer que l'état mo-
narchique était préférable à une république, etc.,
on n'eniendait pas jiar l<à une republique qui
avait dégénéré, qui avait fait l'.ictiDn de dégé-
nérer; mais une républiqtie dégénérée, qui était
dans un étal qui était la suite de la dégonéra-
tion, qui était dégénérée.
Ce verbe s'emploie quelquefois absolument :
Il dégénère, il a dégénéré. Quelquefois aussi il
régit la préposition de et la proposition en. On
oinitloie de lorsqu'on veut manjucr l'origine pure
dont on s'est écarté : Il a dégénéré de la vertu
de ses ancêtres; alors il ne se dil que dos per-
sonnes. En parlant dos choses, on emploie en,
ce qui marque l'imperfection dans hupieilc une
chose est tomboc : La démocratie di'goncic or-
dinairement en anarchie, et la monwrchie en
tyrannie ; alors il ne se dit que des clioses.
DÉGINGANDÉ, DÉGINGA.MIKE. Adj. ExpCOSSion
familière qui se dil d'une |)orS(jnnedont la con-
tenance et la démarche sont mal assurées, comme
si elle était toute disloipiéc. — L'Académie a
oublié d'indiquer que celle expression s'emploie
aussi au ligure: Esprit dégingandé, style dégin-
gandé, pensées déginqandées. Je pense qu'il ne
faut rien de plus à des conduites aussi ài^in-
gandéos 7j/(? /es nôtres. (Sévigné.) Cette rage de
vi'éloigner encore de vous, et de voir pour quel-
que temps notre commerce dégingandé, 7ne donne
une véritable tristesse. (Idem.) f^ou s verrez que
cette pièce nest pas si dégingandée. (Volt.)
Dégoûtant, Dégoûtante. Adj verbal tiré du
v. déqoûter. On peut le mettre avant son subst.
lorsque l'analogie et l'harmonie le pcrmejtent. On
ne dit pas un dégoûtant homme , une dégoûtante
198
DEH
femme; mais on dit de découlantes injures, ce
déffoélaiit repas. Aboyez Adjectif, Fastidieux.
Dégouttant, Dégouttantk. Ailj. verbal tiré
du verbe d^gmitter. 11 ne se iiicl (jii'aprcs son
subst. On le dit absolumenl : Du linge dégmittant ;
et avec la |irt>ix)sition de : Être dégouttant de
sueur, de sang.
DÉGRAFEii. V. a. de la d" conj. Détacher une
chose qui oiail attachée avec une agrafe ou des
agrafes : Dégrafer une jupe.
Quelques personnes disent désagrafer ; mais
celle expression, indimiOc dans le Dictionnaire
de Trévoux, n'est pas du bon usage.
Dégravo^er. y. a. de la \." cunj. Il se dit de
l'eau qui dégrade, qui déchausse des [)ilotis, des
murs. Dans la conj. de ce verbe, on conserve l'y
de l'inDnitif, excepté avant un e muet : Je de-
graroie, tu dégravoies, ils dégravoient, je dé-
gratoierai, etc.
Degré. Subst. m. Plusieurs personnes pronon-
cent et écrivent degré; c'est a tsrt. En termes de
grammaire, on ledit des adjectifs qui, par des par-
ticules prépositives, maniuent ou le plus, ou le
moins, ou l'excésdans la qualification qu'on donne
au substantif. Savant, plus savant, moins savant,
très ou fort savant. Ce mol degré se prend alors
dans un sens figuré; car, comme dans le sens
propre, un degré sert à mouler ou à descendre,
de môme ici la particule prépositive sert a rele-
ver ou à rabaisser la signilicalion de l'adjeclif.
11 y a_ Irois degrés do couiparaison, ou lilutùt de
signification. Le positif, qui est l'adjectif même,
sans aucun rapport de comparaison, savant ; le
comparatif, qui est l'adjectif avec comparaison
de plus ou de moins dans la qualité de deux
choses comparées, plus savant, vioins savant;
le superlatif, <iui est l'adjectif exprimant la qua-
lité portée au suprême degré de plus ou de
moins, très-savant, fort savant; le plus savant,
le moins savant. On appelle superlatif absolu
celui qui exprime d'une manicic absolue une
qualité portée au suprême degré, fort savant,
très-savant. On apjiclle superlatif relatif celui
qui exprime une qualité à un degré plus élevé ou
moins élevé dans un objet que dans un autre,
le plus savant, le moins savant. \'oyez Positif,
Comparatif el Superlatif.
Dégringoler. V. a. el n. de la 1""' conj.
Voltaire l'a employé au figuré : Si deux ou trois
personnes ne soutenaient Je bon goût dans Paris,
nous dégringolerions cfans lu barbarie. Il est fami-
lier.
Déguigmonnf.r. V. a. de la 1" conj.. On ne fait
pas sentir Vu de gui, cl l'on mouille gri. 11 est
familier.
DÉGuisF.R. V. a. de la l''« conj. Voltaire a dit
dans OEdipe (act. IV, se. i, 155) :
Je diguitai partout ma naissance et mon nom.
Je n'aurais point percé les ténèbres frivoles
D'un vain sens dégmié sous d'obscures paroles.
[Idem, act. II, se. m, 32.]
Bacine a dit dans Esther (act. IV, se. i, 13) :
Se déguiser le front de fausses couleurs:
Quiconque ne sait pas dévorer un aOront,
Ni de fausses couleurs >e déguiser le front.
Déhanché, Déhanchée. Adj qui suit toujours
«;or snbsl. : Un homme déhanché, un cheval
déhanché.
Déhonté, Démontée. Adj Ce mot ne se trouve
DEJ
jMs dans les dictionnaires. Cependant quelques
personnes rcmploionl pour signifier qui est sans
honle, sans pudeur, (jui a perdu toute honte,
toute pudeur. Marmuntel dit que c'e^t un vieux
mot qu'on devrait conserver. Il ne se met qu'après
son subst. Voyez Éhonté. — Dans sa dernière
édition, l'Acadcmie admet le mot (ie/io»)/e comme
synonyme de éhonté.
Dehors. Adv. de lieu. 11 est opposé à dedans.
Hors est la préposition qui correspond à ce mot,
comme dans correspond à dedans. Dehors ne
prend point de régime : Restez dedans, j'irai
dehors. Il y a par conséquent une faute daiîs ces
vers de Racine :
Mille objets de douleur dccliiraient mes entrailles.
J'en voyais et dehors el dedan$ nos muraillet.
^Frères ennemie, ael. II, se. I, 45.)
Quelquefois il est préposition, el alors il prend
un régime : Passer par dehors la ville.
Dehors. Subst. m. Au figuré il ne se dit qu'au
pluriel :
Nul sur ses passions n'eut jamais plus d'empire,
El ne sut mieuT cacher sous des dehors trompeurs
Des plus vastes desseins les sombres profondeurs.
(Volt., Uenr., lU, 72.)
Déification. Subst. f. La déification n'est pas
la même chose que Vaputhéose. La déificmtion
est l'acte d'une imagination sujierslitieuse et
craintive, qui suppose la divinité où il n'y a
que la créature, et qui, en conséquence, lui rend
un culte de religion. L'apothéose est la cérémo-
nie par laquelle les emi)eieurs romains étaient,
après leur mort, transmis au nombre des dieux.
(Girard.)
Déifier. V. a. de lad" conj. L'Académie n«
dit pas se déifier. Voltaire a dit dans Mahomet
(act. V, se. IV, 4i/ :
A force de forfaits tu t'es déifié.
Déjà. Adv. de temps. Il se met ordinairement
après le verbe dans les temps siini)les : Il revient
déjà. Dans les temps composés, il se place entre
l'auxiliaire el le participe : // est déjà revenu, il
a déjà reconnu son erreur. Qnelipicfois on le
Iilace à la tête de la phrase, surtout 'lans le style
historique : Déjà l'ennemi avait pris la fuite ; et
dans le style oratoire: Déjà se répandaient dans
nos campagnes ces liordvs de barbares.
Déjeuner. V. n. de laJ"'" conj. L'Académie dit
déjeuner d'un pâté, el queltiues grammairiens
en ont conclu que les trois verbes neutres, dé~
jeûner, dîner Cl souper, tiu\ycn\. être suivis de la
jjréposilion de, (juand ils précèdent un nom.
Ainsi, selon eux, il faut dire déjeuner de café,
dîner d'w/j dindon, souper d'i/zi poulet. Je pense
que l'Académie el ces grammairiens sont dans
l'erreur ; el l'usage, inak'rc leur prétendue règle,
rejette cette façon de parUîr.
Si, après avoir mangé d'un pâté à mon souper,
il en reste un morceau, je dirai bien gardes ce
morceau de pâté, j'en déjeunerai demain; et
cela veut dire j'en ferai mi»n déjeuner, cela suf-
fira pour mou déjeuner. On dira aussi dans le
même sens, après un grand déjeuner, gardes et
qui reste du déjeuner, nous en dînerons.
Hélas ! reprit l'amant infortuné.
L'oiseau n'est plus ; vous en avez dinc.
(La Fo.m., le Faucon, 223.)
DÉL
Mais on ne dit pas dt' jeûner, dîner, souper de
quelque chose, \m\\v sigiiKicr ce qu'on num;.'e
à CCS repas. On dil iorl h\cn il <iag ne cent km i s
par an, et il en vil; mais il ne s'ensuit pas de
là qu'on puisse iliie il vit de cent louis.
II parait que cette expression, telle qu'on veut
l'établir, se dirait de tout ce (pi'on inani^'c à
déjeuner, à dincr, etc. Dcjcimer de café, c'est
prendre du cale jiour son déjeuner. II faudrait
donc dire, en parlant du diner, j'ai dîné de
soupe, de bouilli, de rôti, etc., ce qui serait
très-ridicule.
Du reste, je pense, avec les grammairiens que
je combats, qu'il ne faut pas "dire j'ai déjeuné
avec du pâté, avec du jambon, avec du café,
parce qu on dit j'ai dijcuné avec won frère,
avec mes amis, et que cet avec rendrait le sens
louche. Mais le de rend de même le sens louche
dans j'ai déjeuné de café, car on dit déjeuner
de bon appétit, déjeuner de bonne heure. On
me demandera sans doute conuncnt il faut s'ex-
primer eu Cl' cas. Je crois ipi'il faut dire : J'ai
pris du café à mon déjeuner ; j'ai mangé du
pâté à mon déjeuner; (ju'avez-vous mangé à
vctre déjeuner, à votre diner, à votre souper?
ou choisir (pieliiue autre tourcjui exprime exac-
tement ce ([u'on veut dire, connue je n'ai pris
que du café à mon déjeuner, je n'ai manç/é que
du bouilli à mon dîner, etc.
Déjklineh. Subst. m. On prononce déjeuné, et
beaucoup de personnes écrivent ainsi.
Déjouer. V. a. de la 1" conj. Mot nouveau
(}ue l'usage a consacré, il ne se dit que des pro-
jets et des desseins nuisibles : Nozts déjouons
ceux qui veulent nous jouer. On ne dit pas dé-
jouer une entreprise utile, un dessein honnête;
mais on dit déjouer un complot, déjouer une in-
trigue.
DÉJL'CHER. V. n. de la 1"" conj. II prend tantôt
l'auxiliaire "ire, tantôt l'auxiliaire avoir. Ou dit
les poules ont déjuché, pour marquer l'action de
déjucher; ci elles sont déjuchées, pour signifier
l'état qui résulte de l'action de déjucher.
Delà. Préposition. 11 s'écrit toujours d'un seul
mol, c'est-à-dire sans trait d'union eiUre deux :
Deh'i la rivière, delct les monts. On écrit aussi
au delà, par delà; et non pasaw-cieZà, par-
delà.
De là, écrit en deux mots, est la préposition
de et l 'ad verve là : De là à la rivière il y a
cent toises; c'est-à-dire de cet endroil-W à la
rivière, etc.
DÉLACER. V. a. de la '!'<= conj. Dans ce verbe,
le c a la prononciation de se ; et pour Ui lui con-
server à lous les temps et à toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'uno. Ainsi on écrit ;
Nous délaçons, je délaçais, je délaçai, et non
pas nous délaçons, etc.
1)ÉLATEUR. Subst. m. Il fait au féminin déla-
trice, l'accusateur s'adresse à la justice ; il sol-
licite une vengeance juste et légitime; c'est une
action particulière. Le dénonciateur annonce,
manifeste un fait, le rend [)ublic; il défère à la
justice, à la société, un crime, un complot qui
intéresse la sûreté [)ublique. Le délateur chercha,
découvre, défère ou rapporte servilement ce qu'il
croit avoir vu, et souvent ce qu'il est intéressé à
faire croire. On peut (luelquefois a[iprouver l'ac-
cusuteur, ou louer le dénonciateur, mais le dé-
lateur est toujours méprisable.
Dehyer. V. a. de la l''' conj. Il se conjugue
comme Payer. Voyez ce mot.
DÉL
199
Délectable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. lorscpic ranaloi;ie et
l'harmonie le permettent. On dit un lieu délec-
tdlilc, VU séjour dvlcctuble; on ne dil pas un
délectable lieu, mais on dit un délectable sé-
et lieu, \oyez
jour, parce qu'il y a plus d'analogie entre délec-
table et séjour (pi'eutre délectable et
Adjectif.
DÉLIBÉRANT, DÉLIBÉRANTE. Adj. Verbal lire du
v. délibérer.^ H ne se met qu'après son subst. :
Assemblée délibérante.
DÉLiBÉisATiF , Délibérative. Adj. Il ne se
met qu'après son subst. : Genre délibératif,
voix délibérative .
Délibérément. Adv. Il se mot après le verbe;
Marcher délibérément. Agir délibérément. C'c.it
le défaut de filtration du sua nerveux qui fait
que les Anglais se tuent si délibérément. (Vol-
taire.)
Déi.ibéiîer. V. n. de la 1"^* conj. :
Kl je puis dire enfin que jamais potciital
N'eut à délibérer d'an si ^'nuid coup d'Élal.
(CoKN., ad. I, se. I, 47.)
L'usage, dit Voltaire, veut aujourd'hui que déli-
bérer soit suivi de sur; mais le de est aussi i)er-
mis : On délibéra sur le sort de Jacques II,
dans le conseil du prince d'Orange. Mais je crois
que la règle est d'employer rfe quand on spécifie
les intérêts dont on parle : On délibère aujour-
d'hui de la nécessité d'envoyer des secours en
Allemagne. On délibère sur de grands intérêts,
sur des points importants. (Remarques sur Cor-
neille.)
DÉLICAT, Délicate. Adj. On peut le mettre
avant son subst. lorscpie l'analogie et l'harmonie
le permettent : Un mets délicat, une viande déli-
cate ; goût délicat; une affaire délicate, UM
crainte délicate, ces délicates craintes ; santé
délicate, cette délicate santé.
Que c'est un dangereux poison
Qu'une délicat': louange !
iC.HAULiEC, Deuxième épttre à M. Dangeau, 18.)
On dit au \î\^\\ïéi\\\' une pensée est délicate, lors-
que les idées en sont liées entre elles par des rap-
ports peu communs qu'on n'aperçoit pas d'abord,
(pioiqu'ils ne soient point éloignés, (pii causent
une surprise agréable, qui réveillent adroite-
ment des idées accessoires et secrètes de vertu,
d'honnêteté, de bienveillance, de volupté, de
plaisir, et <pii insinuent indirectement aux autres
la bonne opinion qu'on a ou d'eux ou de soi. On
(lit d'une expression «pi'ellc est délicate, lors-
(]n'elle rend l'idée clairement , mais qu'elle est
empruntée, par métaphore, d'objets écartés, qye
nous voyons tout d'un coup rapprochés avec
plaisir et surprise.
Délicatement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela est délicatement
travaillé, cela est travaillé délicatement.
Délice. Subst. m. et L Vaugclas, Thomas Cor-
neille et Ménage disent que ce mot ne doit pas
s'employer au singulier. L'Académie et quelques
grammairiens modernes ne sont pas de cet avis, et
je crois qu'ils ont raison.
Au singulier, délice est masculin : C'est un
délice, c'est un grand délice.
Au pluriel, délices est féminin: Dans les
Champs-Elysées... les rois foulent à leurs pieds
les molles délices et les vaincs grandeurs de
200
DEL
leur ancienne condition, qu'ils déplorent. (Fcnel.,
Télémaque, liv. XIX, l. 11, p. 232.)
Uéliciel'sement. Adv. On pcul le mettre entre
l'auxiliaire cl le p.Trlicipe : I^ous avons n'eu di'-
licieu sèment; nous avons délicieusement vécu.
DÉLICIEUX, Délicieuse. Adj. On peut, lorsiiuc
l'harmonie et l'uiudogie le pcnnciteiit, le iihicer
avant son sul)Sl. : C'est un homme délicieux, vn
lieu dclicieux, tin séjour délicieux, un délicieux
séjour.
Dki iÉ, Déliée. Adj. (^ui ne se met qu'après
son suhsi. Il se dit au propre de tout ce qui a
tros-i)eu dï'i)aisseur relativement à sa longueur :
Un fil délié, un trait délié, etc.; et, au figuré,
d'un esprit propre aux afCaires épineuses, fertile
en expédients, insinuant, lin, souple, cache; qua-
lités qui lui sont communes avec l'esprit fourbe
et méchant. Cependant on peut être délié sans
être ni méchant ni fourbe.
Un discours délié est celui dont on ne dislin-
gue pas du premier coup d'œil l'artifice et la fin.
II ne faut pas confondre le délié avec le délicat.
Les gens (ieVica/i sont assez souvent déliés ;mn\^
les gens déliés sont rarement délicats. Répandez
sur un discours délié la nuance du sentiment, et
vous le rendez délicat. Supposez à celui qui lient
un discours délicat quelque vue inlére.>sie cl
secrète, el vous en ferez a l'instant un homme
délié.
Délit. Subst. m. On ne prononce pas le t.
Délirant, Délirante. Adj. verbal tiré du v. dé-
lirer. Il ne se dit guère qu'au figuré : Une ima-
gination délirante.
Délirer. Y. n. de la 1" conj. Il signifie être
en délire ; Je m'aperçus qu'il délirait.
Délivrcu. y. a. de la l"^"' conj. : Délivrer quel-
que chose à quelqu'un , délivrer quelqu'un de \
quelque chose.
Délivrer, dans le sens de livrer, ne peut avoir
deux régimes de personne. On dit bien délivrer
des marchandises à quelqu'un ; maison ne doit
pas dire délivrer un prisonnier à quelqu'un.
(Bouhours, de Waiily.)
Déloger. Y. a. et n. de la i" conj. Dans ce
verbe, le g doit toujours se prononcer comme j;
et pour lui conserver cette prononciation lors-
lu'il est suivi d'un a ou d'un o, on met un
» muel avant cet a ou cet o : Je délogeais,
iélogcons, et non \yds j'e délogais, délogons.
Déloyal, Déloyale. Adj. Il est peu usité au-
jourd'hui. On pourrait, dans quelques cas, le met-
tre avant son subst. : Ce déloyal umi.^ Il n'a
point de masculin au pluriel. Y ijyaz Jdjectif.
Déloyalkment. Adv. Ce mot est peu usilé. On
ne pourrait j)asle metlre entre l'auxiliaire^ el le
participe. On pourrait dire il en a usé déloya-
lement envers moi, et non pas il en a déloyalc-
ment usé envers moi.
Délustrer. y. a. de la \" conj. Je ne sais
pourquoi ce mot n'est pas employé dans la lan-
gue. Il signifie ôter le lustre, faire perdre le huî-
tre. Il est" vrai «lUC nous avons rfeVain-, mais ce-
lui-ci ne se dit que des draps et dcséiolfes. — En
48:^5, rAcadémic admet délustrer dans le sens
d'ôter le luslre, et le seul exemple (lu'elle en
donne est : Délustrer une e'^o^.— Cérulti l'a em-
ployé an figure : Un nom illustré par la valeur
ou par le génie ne saurait être délustn; ni par
la calomnie ni par le despotisme. — L'analugie
■entre illustré cl délustré me semble un peu for-
cée. Cela vient sans doute de ce que l'esprit
DEM
n'est pas accoutumé a prendre le mot délustré
dans le sens figuré.
DÉ.MAIGRIR. V. n. de la 2'^ conj. L'Académie,
dans l'édition de 1798 et dans celle de 1835, dit
que ce mol signifie devenir moins maigre. Mal-
gré cette autorité, les bons dictionnaires n'ont
lioini adopté celte expression. En effet, on ne sait
trop ce qu'elle signifie.
Demain. Adv. de temps. Il peut se mettre
avant ou après le verbe, mais jamais entre l'auxi-
liaire et le partici[)e : Demain firai, ou j'irai
demain. On ne dit pas ?ious aurmis demain dîné
à cinq heures, mais demain nous aurons dîné à
cinq heures.
Selon (iucli]ues grammairiens, on peut dire in-
différemment demain au inalin OU demain ma-
tin; mais si ces deux expressions sont également
bonnes en elles-mêmes, celle qui est exprimée en
moins de mots doit être la meilleure. Disons donc
hier matin, et non |)as hier au matin.
Demander. Y. a. et n. de lai" conj. : Deman-
der quelque chose à quelqu'un, demander une
stmune à emprunter. — Quand demander est neu-
tre, régit-il d ou de devant un verbe? Faut-il
dire il demande d'être reçu, ou à être reçu dans
cette compagnie"^ Il demande à entrer on il de-
mande d'entrer? — Si l'objet de la demande est
une action, il faut employer à : Il demande à
parler, il demande à entrer, il demande à vous
parler, il demandei\ entrer dans cette conipagnic,
il demande à vous suivre. Lorsque l'objet de la
demande n'est pas de faire une action, il faut em-
ployer de .• Il demande d'être reçu dans cette com-
pagnie Il demande de ne pas vous suivre. Il
demande d'être dispensé de cette démarche. De-
mander, neutre, régit aussi que avec le subjonctif:
Ils demandèrent au roi qu'il leur fût permis de
retourner dans leur patrie.
Demandeur. Subst. m. Dans le langage ordi-
naire, on dit au léminin demandeuse ; en style
de palais, demanderesse.
Démangeaison. Subst. f. Au figuré, il régit lie
avec l'inOnitif : Avoir la démangeaison de par-
ler, de courir, etc.
Il f.iut qu'un galanl homme .lit toujours grand empire
Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire.
(Mol., Misanthr-, acl. I, se. u, 96.)
DÉMANGER. V. n. de la \" conj. Dans ce verbe
le ^ doit toujours avoir la prononciation du j ;
el pimr la lui conserver lorsqu'il est suivi d'un a
ou d'un 0, on met un e muet devant cet a ou cet
0 : démangeais, démangeai, ct non pas déman-
gais, démangai.
DÉMARQUER. Y. a. dc la 1" conj. Il ne se dit
point dc la marque qu'on ôle, mais de la chose
dont on ôle la marque : Démarquer vn livre.
Démasquer. V. a. de la 1" conj. Il n'a que le
régime direct : Démasquer quelqu'un. On ne dit
point, en parlant de queit]u'un iiu'on veut faire
connaître, /s vous le démasquerai.
DÉ.MÈLER. Y. a. de la 1" conj. Voltaire a dit
dans Sémiramis[^c{. II. se. i. 41) :
J'ai démêle son ime, el j'en vois la noirceur.
DÉMEMBREMENT. Subst. m. l.'Acadciiiie dk
avec raison que ce mot ne se dit ([u'au figuré ;
Le démembrement d'une terre, d'un royaume.
Démembrer. V. a. de la 1'''^ conj. Ce verbe,
non plus que le ?,\\\)^\M\\\i démembrement, ne se
dit point au propre. Cependant l'Académie dit
DÉM
qu'il est usité en ce sens, et elle donne pour
exemple : Les bacchantes déchirèrent et déinein-
brèrenl Punllm. Coriainciuenl un homme qui
est déchire doit cire à peu près démembré, et
la seconde expression ajoute peu de chose a la
première. Il se ferait plutôt démembrer et mettre
en pièces. C'est la miMiie faute que dans l'exem-
ple précédent. Mettre en pièces signifie a [kîu
l)rés la même chose (|ue démembrer, qui n'est
pas français en ce sens.
Démentir. V. a. et irrég. de la 2* conj. Il se
conjugue comme sentir. Voyez Irrégulier.
L'Académie dit qu'il signifie (igurément faire
des choses indignes de sa naissance, de son ca-
ractère, de sa profession. Racine a dit en ce sens
dans Iphigénie (acl. II, se. iv, J9) :
Mais puisque désormais son làclie repentir
Dément le sang des dieux dont on le fait sortir.
Mais démentir se dit aussi d'une chose mau-
vaise, odieuse :
Vous ne dimentez point une race funeste.
(Rac, IpMg., act. IV, se. IV, 82.)
On dit aussi son cœur dément sa bouche :
Kt ne voyais-lu pas dans mes emportements
Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments?
(Rac, Androm., act. V, se. m, 55.)
Se démentir. Voltaire l'a dit de la fierté et du
sort :
Celte fierté qu'en nous soutient la modestie
Dans mon cœur à ce point ne s'est point démentie.
(Zaïre, act. I, se. I, 65.)
Jlais je connais le sort, il peut se démentir.
(.We'rop., act. I, se. IV, 55.)
Démériter. V. n. de la 1"^ conj. On AW. démé-
riter auprès de quelqu'un, et déviériter de quel-
qu'un. Je l«îiise que démériter auprès de quel-
qu'un, c'est faire quelque chose qui, sans le lou-
cher directement, ])rive cependant de sa bien-
%"cilIonce. Je sais qu'une personne s'intéresse à
moi, (lu'ellc a à cœur (juc j'aie une conduite ré-
gulière : si je me conduis mal, je démérite au-
près d'elle. Je jouis de la confiance d'une per-
sonne, et j'en 'àhusc : je démérite d'elle.
Déiviesuré, Démesui'.ée. Adj. 11 ne se met qu'a-
prés son siîbst. : Une grosseur démesurée, une
ambition démesurée.
DÉJiEsuRÉmENT. Adv. Il se met après le verbe :
Il est démesurément rjrand.
DÉMETTRE. V. a. et irrég. de lu A*" conj. 11 se
conjugue comme mettre. \ oyez ce mot.
DEJiECREr.. V. n. de la 1"' conj. Ce verbe
prend l'auxiliaire avoir, si l'on veut faire enten-
drequc le sujet n'est plus au lieu dont il csl ques-
tion, qu'il n'y était plus ou (pi'il n'y sera plus à
l'époque dont il s'agit. Ainsi l'on du-a : Il a de-
meuré six mois à Madrid, il a demeuré long-
temps à Paris, il a demeuré longteinps en che-
min, il a demeuré quelque temps en Italie. J'ai
demeuré captif en Egypte comme Phénicien.
(Fénel., Télémaque, liv. III, t. I, p. 120.)
L'n grammairien prétend qu'il fallait j'ai été
captif ; la moindre reflexion fera sentir la difi'é-
rence entre /'^it été et j'ai demeuré captif; le
premier est vague cl n'a aucun rapport à la du-
rée de la captivité; le second marque celle du-
rée, quoique d'une mnnicre indéfinie. Celui qui a
été captif peut ne l'avoir élc qu'un jour; celui
DEM
201
qui a demeuré captif Vil été pendant un temps
considérable. Le besoin d'exprimer ces nuances
et l'exemple de Fénclon justifient cette expres-
sion.
Si l'on veut exprimer (pie le sujet est encore
au lieu donl il esl (|uestioii, (pi'il y élail ou ipi'il
y sera encore à Icpotpie dont il s'agil, dp;He»n't'
prend l'auxiliaire être : Il est demeuré en chc-
7iiin, mon frère est demeuré à Paris pour faire
ses études; il est demeuré court en haranguant
le roi; il est demeuré deux mille hommes sur la
place.
Ma langue embarrassée
Dans ma liouche Tingt fois a demeuré glacée.
{Rac, Dérén., act. II, se. Il, 137.)
Dans ces vers, dit d'OIivct, demeurer ne saurait
être pris que pour rester; ainsi ma langue est
demeurée glacée était la seule bonne inaiiièrc de
[larior.
Demi, Demie. Adj. Cet adj. se met avant ou
après son subst. Quand il le piécèdc, il est inva-
riable, c'est-à-diie (ju'il ne prtMid jiunais ni le fé-
minin ni le pluriel : Un demi-cercle, un demi-
bastion, une demi-lune, deux demi-cercles. Mais
quand il suit son subslanlif il cesse d'èlre inva-
riable, c'esl-àdire qu'il prend seiilcinenl la mar-
que du féminin quand ce subslanlif esl féminin,
mais il ne prend pas la manpie du pluriel : Un
iour et demi, une heure et demie, deux heures
el derme.
Demie, subst., prend la marque du pluriel;
Une pendule qui sonne les demies.
* Demi-hiatus. Siil)sl. m. Son désagréable qui
résulte de la prononciation d'un e inncl que l'on
est obligé de prononcer au milieu d'un vers :
On leur fait admirer les baies qu'on leur donne.
(COBM., Menteur, acl. I, se VI, 34.)
Baies signifie ici bourdes, cassades. Il faut
éviter soigneusement au milieu des vers ces mots
baies, braies, etc., el ne les jamais faire rencon-
trer par des syllabes qui les heuricnl. On esl
obligé de faire baiesdc deux syllabes, el ce son esl
tiès-désagreable; c'est ce ipi'on appelle \c demi-
hiatus- (Voltaire, Rcmarq. sur Corneille.) L'A-
cadémie ne met point ce mol.
* DÉMiTRER. V. a. de la d" conj. F.xprcssion
de circonslance qui signilie délruire les évéques,
leur ôter leurs évérhés. Vollaire a dit : Nous ne
voulonspas votis démilrer.
Démocratique. Adj. des deux genres. Il se
met ajirôs son subsl. : Gouvernement déinocrati-
que, maximes démocratiques.
Démocratiquement. Adv._ 11^ se met après le
verbe : Ce pays est gouverné démocratiquement,
et non pas est démocratiquement gouverne.
Demoiselle. Subst. f. Terme devenu commun
à toutes les filles d'honnèie famille, el par lequel
on les dislingue des femmes mariées. On esl quel-
quefois fort embarrassé aujourd'hui pour l'em-
ploi de ce mot. Autrefois on disait d'une |icrsonne,
de (juclque condition (lu'elle fût. qu'elle avait
un garçon et deux flics. Aujourd'hui que le mot
file est devenu un terme injurieux, personne ne
veut plus avoir ilp,s fdles, tout le monde veut
avoir (]iis demoiselles. Une fe le du peuiiledil
qu'elle a deux demoiselles, [loiir dire qu'elle a
deux filles, ce qui parait ridii-ule d'après l'ac-
ceplion commune du mol demoiselle.
DÉMOLIR. V. a. de la 2' conj. L'Âcndémic le
définit détruire, abattre pièce à pièce. On ne dé-
t>02
DÉN
/M/tVpns ce (|ii'on démolit, les matériaux restent;
l'idée prupie de démolir n'est JKIS à'ahatlie pièce
ù pièce, mais de rompre la liaison d'une ni;i>se
eoiisiruite.
Dkmon. Subst. m. Voltaire a dit dans la Ilen-
riade (1, 93) le démon du curiiuge :
Dans nos champs dosolos le démon du carnage
Oi'ji jusqu'aux deux meri avait porté aa rage.
Dans VEnfunt pi-odique (act. II, se. i, 33), il
se prend ihiiis le sens de génie :
En vérité, les filles, comme on dit.
Ont un démon qui leur forme l'esprit.
Démoniaqde. Adj. des deux genres qui suit
toujours son subst. : Un homme démoniaque,
une femme démoniaque.
♦JDémonisme, Démomste. Substantifs mascu-
lins. On a fait signilier au mot di'monisme l'ado-
ration, le culte des dénions; et à démonisle, celui
qui adore les dénions ou un démon : L'alhéisme
exclut toute relif/ion. Le démonisle peut avoir
un culte. (Diderot.)
DÉMONSTRATEUR. Subst. m. Il nc se dit point
d'une femme. Mais s'il s'en trouvait une qui fit
des démonstrations de botanique, je ne vois pas
pourquoi on ne dirait pas d'elle que c'est une dé-
monstratrice. Il est vrai que l'expression est un
peu dure; mais il vaut mieux avoir une expres-
sion dure pour rendre une idée que de n'en pas
avoir du tout.
Démonstratif, Démonstrative. Adj. Il se met
toujours après son subst. : Arqument démonstra-
tif, preuve démonstrative.
Plusieurs grammairiens appellent /jrowom* dé-
monstratifs ce que, à l'exemple de plusieurs au-
tres çrammairieiis, nous appelons adjectifs dé-
monstratifs. A'oyez Adjectif.
Dé.monstrativemf.nt. Adv. Il peut se mettre
entre l'auxiliaire et le participe : // nous a dé-
monstrativement prouvé, ou il nous a prouvé
démon stralivetnent.
Démontrable. Adj. des deux genres qui suit
toujours son subst. : Proposition démontrable.
DÉMONTRER, PuoLVER. Vcrbes actifs de la ^^''
conj. Démontrer, c'est prouver par la voie du
raisonnement, par des conséiiuences nécessaires
d'un principe évident. Prouver, c'est établir la
vérité d'une chose par des preuves de fait ou de
raisonnement, par un témoignage incontestable,
des preuves justificatives, etc. On ne démontre
point les faits, on ne démontre que les proposi-
tions; mais on prouve les propositions et les
faits. Le géomètre démontre; le i)iiysicicn ne dé-
montre pas, il prouve seulement. C'est (jue les
vérités physiiiues sont des phénomènes qui se
montrent et ne se démontrent pas; au lieu que
les vérités géométriques sont des propositions
qui se démontrent sans se montrer. On prouve
tout ce que l'on démontre ; mais on ne démontre
pas tout ce qu'on prouve.
DtNiER. V. a. délai" conj. Déîiier, dans le
sens de refuser, ne se dit plus. On le trouve en-
core dans Racine :
Possédant une amour qui me fût déniée.
(Uic, MUhnd., ad. III, se. v, 2t.)
Pour obtenir les vents que le ciel tous dénie...
(RiC, Iphig., act. I, se. 1, 61.)
* Démgredr. Subst. m. Mot nouveau qui peut
être utile : On n'entend partout tant de déni-
greurs que parce que les hommes sont engéyiéral
DÉP
médiocres, sots, et jaloux de toute espèce de suc-
cès. (.Mercier.)
Dénonciatixr. Subst. m. l'.n parlant d'une
femme, quelques auteurs ont dit dénonciatrice.
— L'Académie admet ce féminin dans sa dernière
édition. — 1. inguet l'a dit adjectivement [Juurn.
politiq. et litt., t. IX, p. 227). Kien n'empêche
de se servir de ce mot. Voyez Délateur.
Dénotation, et Dénoter. Deux mots qui sont
vieux, et que r.\cadéiiiie aurait pu retrancher
de son Dictionnaire.
Dénol'mknt. Subst. m. C'est le point où aboutit
el se résout une intrigue é[)ique ou dramatique.
L'Académie n'appli<iue le mot dénuement qu'à
l'intrigue dramatique.
Le dcnoiimenl de l'épopée est un événement
qui tranche le lil de l'action par la cessation des
périls ou des obstacles, ou par la consommation
du mallieur. Le dénoùincnt <!e la tragédie est
souvent le même cpie celui du poëmc épique ,
mais communément amené avec i)lus d'art.
DÉNOUER. V. a. de la 1" conj. L'Académie
dit (]u'il signifie figuréinenl rendre plus souple,
plus agile, ou, en parlant d'une ])ièce de théâtre,
démêler, développer. Racine l'a dit d'un hymen :
Rome, aussi bien que moi, vous donne Sun suffrage,
Uépudie OcUvie, et me fait dénouer
Un liymen que le ciel ne veut point avouer.
(Rac, BriJan., act. Il, se. ni, 70.)
Df.nse. Adj. des deux genres. Il ne se met
ordinairement qu'après son subst. : Corps dense.
Dentale. Adj. f. Il se dit de certaines con-
sonnes qu'on ne peut prononcer sans que la
langue touche les dents. Le d et le t sont des
consonnes dentales. 11 ne se met qu'après son
subst.
Denté, Dentée. Adj. Il ne se met (ju'après son
subst. : Bouc dentée. Voyez le mot suivant.
Dentelé, Dentelée. Adj. Qui est taillé en
forme de dents. L'Académie donne pour exemple
U71C roue dentelée: nous pensons qu'une roue
est dentée , parce qu'elle a des pointes qu'on
a|)pelle dents, mais (lu'clle n'est pas dentelée,
parce que ce mot ne peut se dire que des choses
(jui sont en forme de dents, mais non do celles
qui ont réelleuienl des dents. On appelle on bo-
tanique feuille denieU'e, et non pas feuille den-
tée, une feuille dont le bord a des échancrures
(lui forment des espèces de dents.
Dénué, Dénuée Adj. qui ne se met qu'après
son subst., et qui régit ordinairomenl la prépo-
sition de : Dénué d'enlendement, d'esprit, de
bon sens ; dénué de secours, d'assistance, etc.
Di.PAREJLLER. \ . II. dc la 1'" coiij. On mouille
les/.
DÉPARLER. V. n. de lai" conj. 11 est familier,
et ne se met qu'avec la négation : Eiie ne dé-
parle pas. Il 7i'a pas déparlé de toute la soirée.
On ne dit pas il déparle pour sigiiilicr il nc sait ce
qu'il dit :
Tu n'imagines pas que ma joie est u\(rcme
D'y voir cerlaiiies sens, tout fiers de leur maintien.
Qui ne déparient pat, cl qui ne disent rien.
(Regmahd, Damocrite, act. II, se. v, 11.)
Point ne manquait du don de la parole
L'oiseau disert; hormis dans les repas,
Tel qu'une nonne, il ne déparlait pas.
I^Gresset, Vert-Vert, II, £.)
DÉPARTIR. V. a. irrég. de la '2." conj. Il s'cia
DÉP
ploie souvent avec le pronom personnel, et se
conjugue coiniue Partir.
Déi'E(;i.r. V. a. delà 1" conj. Dans ce verbe,
le ca la pninoncialion de se, et pour la lui con-
server à lous les leinps cl à louies- les personnes,
il faut nieiirc une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un o ou d'un a. Ainsi on écrit
nous dipcçiis, je dcpeçuis, je dépeçai, et non
pas Hoiis dépeçons, etc.
DÉPEiNDiiE. V. a. de la 4' conj. Racine l'a dit
des personnes {Phèdre, acl. I, se. i, 77) :
Quand lu me dcpeignaia ce ht^ros intrépide.
On dit aussi familièrement Dépeindre une
personne. Dépcignez-notts l'homme do7it vous
parlez. Je ne l'ai vu qu'un instant, je ne sau-
rais vous le dépeindre, f^ous me l'avez si bien
dépeint que je le reconnaîtrais ù la première
vue.
Dépenaillé, DÉPE^AILLÉE. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme dépenaillé, une
femme dépenaillée.
DÉPENDAMMK^T. Adv. Commc cet adverbe a
toujours un régime, il ne peut se mettre qu'a-
prés le verbe : Uàme agit dépendamment de ses
organes.
Dépendance. Subst. f. Devant un substantif,
il régit la l)i'Cposilion de : Les enfants sont dans
la dépendance de leurs parents.
DÉPE^DA^T, Dépendante. Adj. verbal tiré du
V. dépendre. Il se met toujours après son subsl.
Il régit (}U(i(iuefois de: Elle est dépendante de
sa mère. Cette affaire est dépendante de lu vo-
lonté du prince.
Dépensier, Dépensière. Adj. <)ui aime ex-
cessivement la dépense, qui dépense excessive-
ment. 11 ne se met qu'après son subst.
* Déperséclter. y. a. de la 1" conj. Mot
nouveau que Voltaire a employé de la manière
suivante : Peut-être y auru-t-il enfin des âmes
raisonnables qui rougiront de cet exemple de
barbarie au dix-huitième siècle, et qui tâcheront
d^effacer cette flétrissure en faisant dépersé-
cuter le compagnon de cet infortuné. Celle ex-
pression iiio parait propre à réussir.
♦Dépersuader. Y. a. de la 1"= conj. On ne le
trouve point dans le Dictionnaire de l'Jcadémie.
Féraud dit qu'il est vieux. On s'en sert quelque-
fois dans le discoui-s familier, et J.-J. Rous-
seau l'a employé dans le passage suivant : Avant
de le déclarer innocent, il faut que je le croie ;
et je crois s-i décidément le contraire, que vous
aurez peine à me dépersuader.
Dépit. Subsl. m.
Et je m'ose assurer qu'en dépit de mon crime,
Mon sang leur servira d'assez pure victime.
(Corn., Cin., act. IV, se. vu 30.)
On ne peut [)as dire en dépit de mon crime ,
comme on dit inahjré mon crime, parce qu'un
crime n'a point de dépit. On dit bien en dépit de
ma haine, de mon amour, parce que les pas-
sions se personnifient. (Volt. , Remarques sur
Corneille. )
Déplaire. V. n. Ce verbe étant essentielle-
ment neutre, reste invariable au participe lors-
qu'il est employé avec le pronom personnel.
Voyez Plaire.
Déplaisant, Déplaisante. Adj. verbal tiré du
V. déplaire. On peut le mettre avant son subst.
lorsque l'analogie et l'harmonie le permcllcnl.
On ne dit pas un déplaisajit homme, un déplai-
DÉP
205
sont lieu ; mais on dit un séjour déplaisant, ou
un déplaisant séjour. Yoyez Adjectif
Déplaisir. Subst. m. llacinc a dit dans An-
droiiiaque (act. II, se. i, 67), un cœur accablé de
déplaisirs :
El qu'un cœur accablé de tant de déplaisirs.
De ses perséculeurs ait brigue les soupirs.
Déploiement. Subst. m. Mirabeau a employé
ce mot au figuré : Quand la nation s'élance du
néant de la servitude vers la création delà li-
berté, quand la politique va concourir avec la
nature au déploiement immense de ses hautes
idées . . .
Déplorable. Adj. des deux genres. L'Acadé-
mie, dans son édition de 1762, avait dit (lue ce
mol ne se disait (lue des choses : Etat déplora-
ble, sort déplorable, condition déplorable; dans
ses deux dernières éditions, elle a ajouté iju'il se
<iit quelijucfois des personnes, on poésie cl dans le
siyle souienu. Féraud, dont le Dictionnaire a paru
longtemiis avant l'année 1798, ne veut point iju'il
se dise des personnes, malgré l'autorité de Racine,
qui l'a employé ainsi dans plusieurs de bcs tragé-
dies. Pour nous, nous adoptons la dernière édi-
tion de l'Académie; et voici les exemples sur les-
quels nous nous appuyons :
Je te TÎs à regret, en cet état funeste.
Prêt i suivre partout le déplorable Oiesle.
(Rac, Androm., act. 1, se. i, 45.)
Vous voyez devant vous un prince déplorable.
(Rac, Phéd., act. Il, se. ii, 67.)
Phèdre épargnait toujours un père déplorable.
[Idem, acl. IV, se. I, 14.)
Va, c'est trop accabler nn père déplorable.
iVoLT., Tancr., act. IV, se. VI, 63 )
Racine le fils défendit dans le temps celte ex-
pression de son père contre la décision de l'Aca-
démie; et il demandait si ces exemples n'avaient
pas autant d'autorité qu'une décision dont la
raison ne frappe pas. Féraud répond qu'en fait
de langage, ce n'est pas la raison qui décide,
mais l'usage. Mais comment l'usage s'établit-il?
est-ce par une décision de l'Académie ou par les
bons auteurs ? et peut-on adopter colle décision
donnée au hasard, quand Racine, Voltaire, Cré-
billon et plusieurs autres auteurs ont établi
l'usage contraire?
DÉPLORABLEMENT. Adv. 11 sc mct loujoufs aprés
le verbe : Il s'est conduit déplorablemcnt.
Déplorer. V. a. de la 1"' conj. L'Académie,
dans ses éditions de -171)8 et de 4835, ne s'est pas
rétractée sur le vorbe déplorer, comme elle l'a
fait sur l'emploi de l'adjectif déplorable. Mais
puisqu'on dit en poésie vn homme déplorable,
pourtpioi ne dirait-on [)as aussi en poésie déplo-
rer une personnel Fn effet, Racine l'a dit, et je
crois qu'on pourrait en trouver des exemples
dans d'autres poêles.
Infortunés tous deux, dignes qu'on vous déplore.
'l'rcres ennemis, act. V, sc. II, 23.)
Déployeu. y. a. de lai" conj. Il se conjugue
comme Employer. Voyez ce mol., Uelille a dit
déployer une enseigne aux vents {Enéide, VIII,
81)9) :
L'autre déploie aux vents une enseigne flollanle.
Ce verbe s'emploie beaucotip au figuré •
204
DEP
Dieu, déployant sur lui sa vengeance sctère,
Marqua ce roi mourant du sceau de sa colère.
(Volt., Henr., III, 190
N'attendez pas, roon fils, qu'avec un ton sévère
Je déploit à vos yeux raulorili; de mère.
(Volt., Indiêcret, se. I, 1.'
Votre cœur généreux, trop simple et trop ouvert,
A cru qu'en cette cour, ainsi qu'en votre armée.
Suivi du vos exploits cl de la renommée,
Vous pouviei déployer, sincère impunément,
La fierté d'un héros et le cœur d'un amant,
(Volt., Sémir., acl. II, se. i, 10.)
t:e verlie s'emploie avec le pronom personnel,
tant au propre qu'au figuré :
En tourbillons fumants la flamme ta déploie.
(Dbl., Énéid., V, 904.)
Durant ces grands débats, du monarque de Troie
L'armée impatiente en ordre te déploie.
{Idtm, XI, 547.)
Hélas ! qu'en liberté votre cœur te déploie.
(Volt., Ores(e, act. II, se. ii, 33.)
Madame, il faut enfin que mon cœur te déploie.
(A'OLT., Uér., act. I, se. iii, 1.)
Déposant, Déposante. Subst. verbal tiré du
f. déposer. Il ne se dit qu'en termes de pratique :
Les témoins déposants.
Dépositaire. Adj. des deux genres. Lorsque
ce inot est appliqué à une femme, l'article et les
adjectifs qui raccompagnent prennent le genre
féminin : Elle est ma dépositaire. (Acad.)
Klle est de mes serments seule dépotitaire.
(Ràc, Jphig., act. IV, se. VI, 72.)
Dépodille , DÉPOUILLEMENT. Dans ces deux
m*ts, on mouille les l. Racine a dit :
Les ronces dégouttantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes.
(Rac, Phéd., acl. V, se. vi, 70.)
Les cheveux sont les dépoiiilles delà tête; mais
quelles peuvent être les dépouilles des chè-
re us;?
Dépouiller. Y. a. de la 1" conj. On mouille
les l. On dit aussi se dépoviller. Le père Bou-
liours voulait que l'on employât l'actif dans le
sens pro])rc, et le réciproque dans le figuré: Dé-
pouiller ses habits, se dépouiller du faste. Il
ne paraît pas que cette observation ait fait for-
tune; car plusieurs bons écrivains ont employé
l'actif au figuré :
Eh bien! dépouille enfin cette douceur contrainte.
(Rac, Alex., acl. IV, se. m, 64.)
Avez-vous dépouillé cette haine si vive î
(Rac, Àth., act. II, se. v, 4.)
Et l'Académie elle-même a dit il faut avoir dé-
pouillé to7ite humanité pour. . .
Férauii admet la remanpie du père Bouhours,
en y mettant pour leslriclion que l'actif est plus
l'iéganl (jue le réciproque dans la poésie el le dis-
cours soutenu; et que le réciproque est préfé-
rable dans le discours familier. Je pense que
Féraud a raison.
L'Académie dit également dépouiller le vieil
homme, et se dépouiller du vieil homme. La
première expression est consacrée dans le lan-
DEP
gage de l'Écriture sainte; partout ailleurs il faut
eini)loycr la seconde. A'oycz Vieux.
* Di'PiiAVATEiR. Subst. m. L'Académie admet
dépravati"n et dépraver; elle n'admet pas dé-
prurateur, mot nouveau (pie l'usage n'a point
sanctionnné, mais qui serait utile pour tlcsigncr
d'une manière précise les plus giaiuls ennemis de
la société. On médira que nous avons c«rn/;)/CMr;
mais parce que nous avons corrompre, on n'a pas
rejeté dépraver. La momcdilTcrciiccfpii existe en-
tre les deux verbes exisleiait eiilie les deux subst.
Déprécation. Subst. f. C'est une ligure de rhé-
torique par latpieile l'orateur implore l'assis-
tance, le secours de quoliiu'un, ou par laquelle
il souhaite qu'il arrive ipielque punition ou quel-
que grand mal à celui (|ui jjarlei'a faussement
de lui ou de son adversaire. Celle-ci s'appelle
iiliis pro[)remeiit imprécation.
Déprédatkuu. Subst. m. L'Acadcmien'avait pas
mis ce mot dans son édition de 1762, elle le met
dans celle de 171)8 et dans celle de 1835; mais les
exemples qu'elle en donne semblent en restreindre
le sens au i)illage fait par des administrateurs,
des tuteurs, des domestiques, etc. Féraud observe
avec raison qu'on le dit de toute sorte de pillage.
Hardi déprédateur, et soldat indompté.
[Énéid., VII, 1055.)
DÉPRENDRE. V. a. de la 4' conj. L'Académie
dit qu'il signifie £fl/cfc7^e>•, et donne pour exemple
ces deux doyues étaient tellement acharnés l'un
contre l'autre, qu'un eut toutes les peines du
monde à les dépreiidre. Elle dit (|u'on l'emploie
aussi au figuré : Il est tellement attaché à cette
personne qu'il ne saurait s'en déprendre. — Ce mot
n'est point usilé, et il est inutile, carc^e'/ac/ier, qui
est plus clair et plus conforme à l'analogie, signifie
la môme chose. Féraud, (jui adoiHe ce verbe, n'en
donne pour exemple qu'une phrase de l'iélifde la
Bretonne. Mais l'on sait que cet auteur n'était
pas difficile sur le choix des expressions.
* Déprisant, DKPR1SA^TE. Adj. verbal tiré du
v. dépriser. Quelipies auteurs modernes s'en sont
servis; mais l'usage ne l'a pas encore adopté. Fé-
raud remarque avec raison que déprisant disant
moins que méprisant, il pourrait être utile dans
le cas où méprisant serait trop fort : Employer
une expression déprisante.
Dépriser, Mépriser. Aerbes actifs de la 1"
conj. Mépriser, coniemnerc, c'est ne faire aucun
cas d'une chose; dépiiser, depretiarc , dans la
basse latinité, el dans Cicéroii dcprimerc, c'est
ôler du prix, du mérite, de la valeur d'une chose.
Mépriser ù\\. donc beaucoup plus que dépriser.
Un acheteur peut dépriscr une bonne marchan-
dise que le vendeur prise trop haut. On i)eutaV-
priser les choses au delà de l'ciiuilé, mais on 7né-
prise les vices bas el honteux. On déprise sou-
vent les choses les plus estimables, mais on ne
saurait les mépriser. Tout le iDondc méprise la
froide avarice, et (juelques gens seulement dépri-
sent les avantages de la science. Le premier sen-
timent est fondé dans la nature, l'auire est une
folle vengeance de l'ignorance. En vain une pa-
rodie tenïerait de jeter du ridicule sur une belle
scène de Corneille, tousses traits ne sauraient la
dépriser. En vain s'attacherait-on <]iiol(pielbis à
dc.priser certaines personnes pour laiic croire
(|u'on les viéprise ; cette affectation est au con-
traire le langage de la jalousie, un chagrin de ne
pouvoir mépriser ceux contre lcs(picls on dé-
clame avec hauteur. La grandeur d'âme mépnse
la vengeance; l'envie s'efforce de dépriser les
DER
belles actions; l'émulation les prise, les admire
et tâche de les imiter.
Notre laiiçiie dit estimer et estime, mépnser
et mépris ; mais elle ne dit que dépriser, et n'a
point adopté dépris. Cependant ce substantif
nous manque dans (pieiques occasions où il serait
nécessaire pour désigner le sentiment (jui tient
le milieu entre l'estime et le mépris, et pour ex-
primer, connue fait le verbe, celte dilTérence. Par
exemple, le dépris dos honneurs, des riches-
ses, etc., serait un terme plus juste, i)lus exact
que celui de mépris des richesses, des hon-
neurs, etc., (jue nous employons; parce que le
mot de mépris ne doit tombei' (jue sur des choses
basses, honteuses; et que ni les richesses ni les
honneurs ne sont dans ce cas, tjuoiqu'on puisse
les trop estimer, et les priser au delà de leur va-
leur. (Kxtrail du Nouveau Dictionnaire de la
langue française.)
Depcis. Préposition. Devant une voyelle, on
prononce le s connue un s : Depui-zime heure.
Depuis ne régit point les verbes à l'infinitil',
mais la conjonction que avec l'indicatif: Depuis
que je suis arrivé, et non pas depuis être arrivé.
Ah! depuis qu'une femme a le don de se taire.
(Corn., Menteur, acl. I, se. 17, 15.)
Depuis, dit Voltaire au sujet de ce vers, rie peut
être employé pour quand, pour dès là que, lors-
que. Le mol depuis dénote toujours un temps
passé; il n'y a point d'exception a celte règle.
[Remarques sur CornctUe.)
Après depuis que, suivi d'un mot qui signifie
une quantité déterminée de temps, on supprime
pas : Depuis que je ne vous ai vu. Mais il faut
pas ou poi/it si le verbe est au présent : Depuis
que nous ne nous voyons pas.
Il semblerait inutile de remarquer ici eue du
depuis est une mauvaise expression qui n'est plus
usitée que parmi le Uis peuple; mais comme elle
se trouve dans Montesquieu, quelques personnes
pourraient croire qu'il est permis de l'employer
après lui : Cela fit à peu près la même révolution
que la conquête des Indes a faite du depuis en
Europe. (Monlesquieu.) Du depuis n'est plus
supportable aujourd'hui.
Depuis est aus^i adverbe, et alors il ne prend
point de régime. Il se i)Iace ou devant ou après le
verbe, quelquefois mciiie à la léle de la phrase,
mais jamais on ne doit le mettre entre l'auxiliaire
et le participe : Je iien ai pas entendu parler de-
puis. Il ne cessa depuis de me tourmenter. De-
puis il s'est fait d'autres amis. On ne dirait pas
H s'est depuis fait d'autres amis.
Députer. Ce verbe est tantôt actif, tantôt neu-
tre : Le roi députa le cardinal à la diète. Ils dé-
putèrent au roi pour le supplier de revenir dans
sa capitale. (Voltaire.)
DÉRACINEMENT. Subst- m. DÉBACiKER. V. a. de
la 1" conj. Le substantif ne se dit qu'au propre :
Le déracinement d'un arbre. Le verbe se dit au
propre et au ligun'' : Déraciner un arbre, déraci-
ner le vice, déraciner une opinion, une erreur.
Déraisonnable. Adj. des deux genres. Il se
met ordinairement apiès son subst. : Un hoinme
déraisonnable, une femme déraisonnable, des
proposilionsdéraisonnables.\ oyez Irraisonnable.
Déraisonnablement. Adv. Il se met toujours
après le verbe, et jamais entre l'auxiliaire et le
partici|ie. On dit il a parlé déraisonnablement, et
DOD paSiV u déraisonnablement parlé.
DÉBiNGEB. \. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
DÉR
205
I le^ doit toujours se jirononcer comme un J; et
pour lui conserver cette prononciation lorstpril
1 est suivi d'un a ou d un o, on met un e muet
avant cet a ou cet 0 : Je déram/cais, dérangeons,
et non pas/e dérangais, dérangnns.
Dératé, Dératée. Adj. L'Académie dit qu'il
signifie au figurera;:, alerte, élmirdi. Je doute
(pi'on se fit comprendre en disant ce petit garçon
est dératé, cette petite fille est dératée, pour dire
ce petit garçon est gai, celte iietite fille est gaie.
Derechef. Adv. L'nesecondc fois, une autre fois,
de nouveau. L'Académie dit qu'il vieillit. On peut
dire qu'il est vieux, et qu'on ne l'emploie plus que
dans le genre burlesque. J.-J. Housseau l'a em-
ployé assez souvent, mais cela ne l'a pas rajeuni.
Dérèglement. Adv. Il se met toujours après le
verbe, et jamais entre l'auxiliaire et le participe :
// a vécu dérèglement, et non pas il a déréglé-
mo?it vécti.
Dérivation. Subst. f. On se sert de ce mol en
grammaire pour signifier la descendance, et pour
ainsi dire la généalogie des mots. La dérivation
est la manière de faire prendre à un mol, au
moyen de ses diverses inHcxions, les formes éta-
blies par l'usage pour exprimer les idées acces-
soires qui peuvent modifier celles dont il est le
type. — Très-souvent la consonne finale d'un mol
ne sonne pas; pour la connaiire il l'aiil avoir re-
cours à la dérivation, c'est-à-dire qu'il faut con-
sulter les mots qui en sont formés el iju'on appelle
dérivés. D'après ce principe on écrira abus, bigot,
champ, chant, parfum, sang, etc., à cause des
dérivés abuser, bigoterie, champêtre , chanter,
parfumer, sanglant, elc. Le nombre des mois
qui sont terminés par une consonne nulle pour
l'oreille, el qui n'ont point de dérives, n'est pas
grand, si l'on considère la multitude des mots
auxquels la dérivation s'ajjplique. {Grammaire
des grammaires, p. 941.)
Dérivé, Dérivée. Part, passé du verbe dé-
river, terme de grammaire. Il se prend subslan-
livement, comme quand on dit le dérivé sup-
pose un autre mot dont il dérive. Il se prend
aussi adjectivement, comme (juand on dit un mot
dérivé. On appelle c?e'm-e' un mol qui vient d'un
autre qu'on appelle jo?-wa7ï/. Par exemple, morta-
lité est dérivé de mort, légiste de lea;, qui signi-
fie loi. Notre poésie ne souffie pas (a rime du dé-
rivé avec le primitif, comme d'ennemi avec ami
(Dumarsais.) Voyez l'article précédenl.
Dernier, Dernière, Adj. Il se mei ordinaire-
ment avant son subst. : Bendre le dernier soupir,
rendre les derniers devoirs. Le dernier jotir. Ce-
pendant au féminin on le met (|ueli]uefois après,
surtout dans le style noble : Une grâce dernière,
mie faveur dernière, à son heure dernière.
Il y a de la différence entre la dernière année
el V année dernière . La premièrcexpression signi-
fie la dernière des années dans une période donl on
parle : La dernière année de son règne. La seconde
signifie l'année qui précède immédiatementcelleoù
l'on parle : J'ai beaucoup voyagé l'année dernière.
Dernièrement. Adv. il se met toujours après
le verbe : Il a dit dernièrement que , et non
pas il a dernièrement dit.
DÉROBER. V. a. de la 1'^'' conj. Voici quelques
acceptions de ce mol qui ne sont [loint indiquées
dans le Dictionnaire de l'.-icadémic, ou qui le
sont d'une manière obscure :
Je dérobai une victime à mes ennemis. (Mon-
tesquieu, VHP lettre persane.) Je prie le ciel
qu'il te dérobe à tous les dangers. (Montesquieu,
Lettres persanes.)
206
DES
.... Quels empreasements
ToDt dérobent sitôt à nos embrasifmfntt ?
(KiC, Iphig., act. II, se. Il, 1.';
Qaoi ! vous Toulei tous dérober à moi ''
(VotT., A'an., ad. Il, se. ni, -.
Tel, d'un conp mcertain par le prélrt frappe.
Mugit on fier tanreBu de l'autel «chappc.
Qui du fer suspendu, rictiiDe déjà prite,
A la baclie trempée a dérobé sa tête.
(Delil., Énéid., II, 291.)
Me puis-je aï«c honneur de'roirr avec vous..,,?
(Uac, PWd., act. Y, se. i, 52.)
Peut-on de nos malheurs lui dérohrr l'histoire ?
(Rac, Àth., ael. II, se. m, 91 i
DÉROGEANT, DÉROGEANTE. Atlj. vcrLal lii'é du
V. diror/cr. Il se met après son subst. : ..Jc/c
dérrgeant. Des actimis dérogeantes.
DÉnoGF.i:. V. n. de b J^conj. Dans ce verbo,
le^ doil loujoufs avoir la prononciation du _;',•
el pour la lui conserver lors(iu'il est précédé d'un
a ou d'un o, on met un e muet avant cet a ou ri-i
o:Je dérogeais, dérogeons ; el non pas^e déro-
ffois, dérogons.
Dérouiller. V. a. de la 1" conj. l-e mot ne
parait pas propre au genre noble. Cependant I)e-
lille a osé l'employer dans sa traduction de \'E-
néide (VII, 807) :
Chacun hâte à l'enri son appareil guerrier,
L'un dérouille son dard, l'autre son bouclier.
Je ne crois pas que l'on puisse proposer ce der-
nier vers pour exemiile.
DÉnouLER. V. a. de la 1" conjugaison : On dé-
roule une étoffe, on déroule vn plan, une carte
de géographie, on déroule un drapeau. Mais ces
expressions ne sont pas du style noble; et je ne
pense pas qu'on |)uissc admirer ce vers de Ue-
lillc [Enéide, VII, 5S7) : »
Rassemble les soldats, déroule tes drapeaux.
Dérouter. V. a. delà 1"" conj. Ce verbe n'est
pas admis dans le style noble ; et Bossuet ne s'est
pas exprime convenablement quand il a dit : C'est
ainsi que Dieu déroute les hommes.
Derrière. Propos. Elle est opposée à devant:
Derrière lu porte, derrière lamaison- Quelque-
fois il est adverbe, et alors il n'a point de régime :
Allez devatit, je resterai derrière.
Derrière. Subst. m. 11 est un peu moins mal-
honnête que cul, excepté quand il est accomi)a-
gm; des adjcclils [losscssifs mon, ton, son, leur
On dit fort bien?'/ s'est écorché le derrière. — Der-
rière, au jibiiiel, se dit en parlant d'une armée :
Les derrières de l'armée sont en sûreté.
Des. Mot qui tient de la préposition ie et de
rarlicle/e.y. Il ccpiiviiul à de les. Voyez adjec-
tif. On ne met point d'accent sur l'e.
Dès. .Prc()os. de temps ou de lieu ; Dès l'en-
fance, dès le point du jour, dès la source. En
ce sens, Ve prend l'accent grave.
Des cgaui? Vés longtemps Mahomet n'en a plus.
(Volt., Mahom., act II, se. T, 84.)
DÉS. Particule prépositive qui se met au com-
mencement de certains mois, et qui esl toujours
négative el sert à marquer la suppression de l'i-
dée énoncée \r,\v le mot simple, loinmc dans dés-
accorder, désennuyer, déshabiller, déshériter,
déshonneur, désintéressement , désordre, désu-
«io/i, etc.
DÉS
Désabuser. V. a. do la 4" conj. L'Académie !e
définit dt'lrompor de (pieltiue fausse croyance. 11
y a quelque différence entre détromper el désu-
buscr. Le jjremier suppose (ju'on nous a induits
malicieusement en erreur, en nous donnant pour
vrai ce qui est faux. In homme m'a vendu du
cuivre pour de l'or, je reconnais ([ue c'est du
cuivre, je suis détrompé. Désabuser suppose
(|u'on a abusé de notre faiblesse, de noire crédu-
lilé, de notre légèreté, pour nous induire en er-
reur. Les charlatans abusent la populace par de
faux raisonnements, par des faits conlrouvés el
absurdes, et quand ils l'ont abusée, ils la trom-
pent en lui vendant de mauvaises drogues pour
des remèdes efficaces. On est détrompé (iujukI
on voit que les drogues n'opèrent point; mais
on n'est pas désabusé si l'on n'a pas perdu toulf
confiance dans les discours du trompeur. — On
est détrompé des grandeurs lorsqu'on éprouve
qu'elles n'ont pas le prix qu'on y avait attaché:
on en est désabusé lorscju'on n'est plus abusé par
les faux raisonnements qui avaient engagé à
croire Icgôremenl qu'elles avaient un grand prix.
Un boinuie qui n'a jamais joui dos grandeurs qu'il
désire peut en être désabusé ; mais il ne peut
en être détrompé que par la joui.ssance.
Désaccoutumance. Subst. f. Ce mot, conservé
parr.\cadémie, n'est plus usité aujourd'hui.
Désaccoutumer. V. a. de la 1" conj. : Désac-
coutumer quelqu'un ilc quelque chose. Se désac-
coutumer de jouer.
Désagréable. Adj. des deux genres. 11 se mel
a[)rés son subst. .■ Une personne désagréable, un
discours désagréable, une visite désagréable.
Avec le verbe être, il régit quelquefois à devaul
un infinitif : Cela est désagréable a voir, à en-
tendre. Mais, quand ce verbe est impersonnel,
l'adjectif régit de : Il esl désagréable de le voir,
de l'entendre.
DÉsAGnÉ\nLi.MENT. Adv. 11 se met toujours
après le veri)o, cl jamais entre l'auxiliaire el le
participe : Il a parlé désagréablement, el DOU
pas il a désug réublement parlé .
Désaguéer. V. n. de la i" conj. On le dit
des choses, mais non des personnes : Si cela ne
vous désagrée pas. On ne dit pas cette personne
me désagrée ; il faut dire me déplaît, ou ne m'est
point agréable.
Désaltérer. V. a. delà 1" C(mj. C'est apaiser
la soif. Fénelon a dit : // chantait les délicieuses
nuits de Fêté, oit les zéphyrs rafraîchissent les
ho7nmes, et où la rosée désaltère la nature. (7'e-
lém.,\iv.l\, U 1,106.)
Désappareiller. V. a de la l"^*" conj. 11 est
peu tisilé. On dit plus ordinairement dépareiller.
Désappointé. Voyez Ajpuinté.
Désapprendre. V. a. et irrég. de la 4" conj.
Il se conjugue coiumn prendre. \'oyez ce mot.
Désapproratelr. Adj. dont le féminin esl dés-
approbatrice. Un esprit désapprobateur, des in-
tentions désapprobatrices. H se [)rend aussi sub-
stantiveinenl : Il eut un grand nombre de désap-
probateurs. 11 ne se met iju'après son subst. Ce
mot a été introduit par Monles(]uieu : Je n'ai
poii.t l'esprit désapprobateur. L'usage l'a con-
sacré.
Désapprobation. Subst. f. C'est un mol nou-
veau que Féraud trouve inutile. >Iais s'il est
vrai, comme le dit Roubaud, tpic désapprouver
signifie simplement ne pas approuver, et improu-
ver, blâmer, condamner, il y a la même diffé-
rence entre désapprobation et improbation; ce
qui suffit pour faire adopter le premier, puisqu'il
DÉS
exprime une nuance (iiie l'on ne peut exprimer
par unaiilrc mot. — En 1835, l'Académie l'adinot.
DÉsAPPiioivER V. a. delà 1'- conj.ll nesignilic
pas, comme dil l'Académie, Idàmer, condamner,
trouver mauvais; mais seulement ne jias approu-
ver, u'êlre pas [lour, juçer autrement, Blâmer,
trouver mauvais, c'c^t improm-er. On désnp-
protive ce ijui ne paraît i)as bien, bon, convena-
ble; on iiiiprovre ce qu'on trouve mauvais, rc-
préhensible, vicieux.
DÉsASTKEusEMENT. Adv. Il sc met après le
verbe. On dil la fête a fini désastreusement, et
non pas la fvte a désasireusement fini.
Désastreux, Dksastrkuse. Adj. Il ne se dit que
des choses, et peut se mettre avant son sulist.
lorsque l'iiarmonic et l'analogie le permettent :
Un événement désastreux, un désastreux évé-
nemenl.
Désavastageusement. Adv. Il sc met toujours
après le verbe, et jamais entre l'auxiliaire et le
participe : // a parlé désavantagea sèment de
vous, et non pas il a désavantageusement parlé
de tous.
Désavantageux, Désavantagkuse. Adj. Il se
met toujours après son subst. : Une chnise dés-
avantageuse, des discours désavantageux, un
mariage désavantageux.
Désaveu. Subst. m. Racine a dit {Phèdre,
act.I, sc. I, 67) :
Des sentiment- d'un cœur si fier, si dédaigneux.
Peux-tu me demander le desoueu honteux?
Descendre. V. n. de la 4° conj. Les grammai-
riens disent que descendre, suivi d'un régime
direct, prend l'auxiliaire avoir : Il a descendu
la montagne; cl que descendre sans régime ou
suivi d'un régime indirect prend être : Le bal-
lon est de.icendu, elles sont descendues de leur
char. Celle règle n'est \)as exacte. Avoir des-
cendu, suivi ou non d'un régime direct, exprime
une action : J'ai descendu les degrés ; le haro-
mètre a descendu de quatre degrés; il a descendu
pour venir ici, c'est-à-dire, j'ai fait l'action de
descendre, il a fait l'action de descendre, etc.;
et c'est pour exprimer cette action qu'on emploie
le verbe auxiliaire avoir. Mais être descendu ex-
prime un état relatif à l'action de descendre faite
précédemment : f^otre père est-il en haut? iVon,
il est descendu. Quaiid a-t-il descendu? Il y a
ime heure. Depuis quand est-il descendu'/ De-
puis une heure, (^uand on fait l'action de des-
cendre, on descend; quand on a fait celle action,
on dit qu'on a descendu, si l'on veut exprimer
ipi'on l'a faite; et qu'ow est descendu, si l'on
veut exprimer l'état où l'on se trouve après l'a-
voir faite : J'ai descendu la 7nontagne en dix
minutes, et il y a une demi-heure que je suis
descendu. — La décision donnée par l'Académie,
dans sa dernière édition, est tout à fait conforme
à ces principes : i< Descendre se conjugue avei;
le verbe avoir ou avec le verbe être, selon que
l'on considère l'action ou son résultat. »
On dit descendre att tombeau, descendre dans
la tombe, descendre chez les morts.
Ah!.... puisque enfin mes mains ont pu former cesnreuds,
Cher Uontèze, au tombeau je d^sc^nis trop heureux.
(Volt., Mz., act I, sc. u, 29.)
Je descends dans la tombe avec cette infamie.
(Volt., Oreste, acl. V, sc. vi, 9.)
Mon âme chez les morts descendra la première.
(Rac, Phèd., act. I, sc. m, 78.)
DES
207
On dira que Titus detcmdant chez les morts...
(Volt., Brut., act. V, sc. vil, 49.)
Voltaire a dit aussi dans OEdipe (act. H,
sc. IV, 7) :
J'ai pour vous trop d'estime, et je ne pense pas
Que vous puissiez descendre à des soupçons si bas.
Descriptif , Descriptive. Adj. On appelle
poème descriptif un pocme dont le sujet con-
siste jirincipali'ment à décrire les objets; et
gcni-e descriptif le gonre qui a pour but la des-
cription des objets.
1)escrii>tion. Subst. f. La description, en
termes de bol les-lel 1res , est une figure par la-
quelle on peint aux autres les objcis tels ipi'on
se les représente. I.a description csl une défini-
tion imparfaite et peu exacte, dans la(iuelle on
tàclicde faire connaître une chose par (piehiucs
propriétés et circonstances qui lui sont jjarticu-
lières. C'est la ligure favorite des orateurs cl des
poêles.
* DÉsÉBORGNEii. V. a. dc Kl 1'* conj. Mot inu-
sité que \ollairc a employé dans une de ses
lellies à Frédéric H : O vous qui ctvs l'apôtre
de la vérité, recevez les hommages du petit coin
de mon esprit purifié de la rouille de la super-
stition, et déséborgncz mes cnuipagnons.
Désenhayer. V. a. de la I''' conj. lise conju-
gue comme Payer. Voyez ce mol.
Désentêter. V. a. de la 1"" conj. C'est un
vieux mol que l'Académie a mis dans son Dic-
tionnaire. Il suffit de rapporter les exemples
(lu'cUeen donne pour faire sentir qu'on ne peut
plus rcnq)loyer aujourd'hui : On ne saurait le
désentêter de cette fcnnne; c'est une opinion
dont il faut essayer de le désentêter, dont il ne
peut se désentêter.
Désert, Déserte. Adj. Il ne sc met qu'aiirès
son subst. : Une campagne déserte, des lieua;
déserts.
Désert. Subst. m. Féraud observe que Buffon
a employé ce mot au figuré, et lui a fait régir la
préposition de : Quel désort de spéculutùm dam,
lu philnsophie de Platon! Nous ne conseillerons
à iiorsonne de l'employer de celte manière.
Déserter. V. a. de la 1'^^ conj. Déserter la
ville, déserter la province; déserter l'armée,
déserter le service. — Déserter d'«/;e chambre,
déserter du régiment. — 11 se dil aussi aJjsolu-
incnt : Ce sildut a déserté. — Déserter de se
dit d'un lieu particulier où l'on est, d'où l'on
son. Ondé.ierte VarméV, on dé.scrtc le service;
on déserte de son régiment, on déserte le royaume,
la province ; on déserte d'une chambre. — On
employait autrefois déserter dans le sens de
rendre désert : C'est vouloir en quelque sorte
déserter Z« cour que de combattre Vauibition, qui
est l'âme de ceux qui lu suivent. (Bossuct, Ser-
mon du, A" dimanche de carême.) La farce dc ses
discours, qui pensa déserter la P\ance et l'Me-
magne, en inspirant aux peuples le dé si'' de se
croiser, passa pour indiscrétion et faux zèle.
(Massillon, Panégyri'/ne de saint Llernurd.)
On ne rem[)loiè plus aujourd'hui dans ce
sei^s.
Déserteur. Subst. m. La différence entre un
déserteur et un transfuge, c'est que le terme dc
transfuce ajoute à celui de déserteur l'idée acces-
soire de passer au service des ennemis. Au propre,
il se dit absolument; au figure, il régit la prcito-
sition de : Déserteur de la foi, déserteur d\i bon
parti.
X08
DES
autels Mime dctertetir,
{Rac, Ath., acl. I, se. 1, 37.)
DÉSESPÉRA^T, DÉSESPÉRANTE. Adj. vcrbal tiré
du V. désespérer. On peut (iuel<juerois le iiiellre
avant son suhsl. lorsiiuc l'iinulugic el riinriiionie
le |)ermcllcnt : Une affaire désespérante , une
nouvelle désespérante, cette désespérante idée.
Veycz Adjectif.
15ési sl>ÉR^hll:^T. Adv. L'Académie, qui a re-
cueilli ce mol, (lit t]u'il signifie rpcrdiiment,
avec excès; et elle doime pour cxcmi>lc : Il est
désespérément atiKvreii.r. Nous ne pensons pas
que CCI adverbe soit usité.
DÉsESPÉiu-n. ^ . n. de la d" conj. Apres ce
verbe procéiié de ne, et suivi de la conjonction
que, la phrase amenée par cette conjonction de-
mande (|iron rcpcle ne, mais tout seul : On ne
désespérait pas que vous ne dcr^inssiez riche.
(Boau/i'C.)
DÉSKsroiR. Subst. m.
El par le» dèiespoiis d'une cliasle amitié,
Nous aurions des deui camps lire quelque pilié.
(CouN., //or., acl. lit, se. il, 13.)
On n'emploie plus aujourd'hui désespoir au
pluriel; il fait pourtant un très-bel effet. Mes dé-
plaisirs , vies craintes, mes douleurs, mes
ennuis, disent plus que mon déplaisir, ma
crainte, etc. rounjuoi ne pourrait-on pas dire
mes désespoirs, comme on dit mes espérances?
Ke jieut-on jias désespérer de plusieurs choses,
comme on peut en espérer plusieurs? (Voltaire,
Bemurques sur Corneille.)
C'est diiiiiipr au mot désespoir une acception
qu'il n'a jainriis eue, ce qui vient d'une poiile
confusion d'idées facile à éclaircir. Nous attri-
buons deux sens au mot espérance : celui d'un
sentiment général (jui embellit et charme la vie,
et celui d"une attente particulière (jui peut se
multiplier a l'inlini dans la pensée el par con-
sé(iuent se pluraliser dans l'expression. Le mot
désespoir n'a d'autre sens que celui qui répond
à la première de ces acceptions, c'csl-à-dire
celui d'un sentiment absolu ; le second n'est pas
français. (Ch. Kodier, Examen critique des
dictionnaires.)
Déshluber. Selon l'Académie, verbe actif de
la \" conj., et qui sigiulie déranger les heures
ordinaires des occupations Ce mot ne se ti'ouve
pas dans rédition de 1762; il est dans celle de
1798 et dans celle de 1835. On le trouve à la
vérité dans les glossaires; mais il signilic rom-
pre, séparer, abandonner. L'Académie ajoute
qu'on dit aussi se désheurer, pour tlire se dé-
ranger de ses heures ordinaires. On trouve cette
exi)ression dans les Mémoires du cardinal de
Retz, mais comme une expression populaire.
Elle n'est encore usitée aujourd'hui que parmi
les gens peu instruits.
Désho^>ête. Adj. des deux genres. 11 ne se
dit que des choses, cl se met ordinairement après
son subst. ; Une action déshonnStc, une pensée
déshonncte. — On confond assez souvent les deux
expressions déshonncte et viulhoniicle. Voici ,
selon Bouhours, en quoi elles ddfèrenl. Dés-
honncle est conlre la pureté , malhonnête est
<:ontre la civilité, et quelquefois conlre la bonne
foi, contre la droiture. Des pensées, des jtaroles
déshojinêles, sont des pensées, des paroles qui
blessent la chaslelé et la pureté. Des actions,
des manières malhonnêtes, sont des actions, des
manières qui choquent les bienséances du inonde,
DÉS
l'usage des honnêtes gens, la probité naturolle. et
qui sont d'une personne peu polie cl peu rai-
sonnable.
Désuomnêtement. Adv. 11 se met toujours
après le verbe: Il a parlé déshonnétement , et
non pas il a déshonnétement parlé.
Déshonnêteté. Subst. f. Ce mol est peu usilé.
Il y a la même dilférence entre déshonnêteté et
malhonnêteté qu'entre déshoiiiiéte (voyez ce mol)
et malhonnête, si ce n'est (jue déshonnêteté el
malhonnêteté se disent dos personnes comme des
choses. 11 faut remarquer encore (pic, comme
déshonnête et 7/;uWo«/iê/p sont opposés à honnête,
qui signifie également une personne chaste el une
personne polie, déshonnêteté el malhonnêteté le
sont à honni' teté, qui a aussi deux significations;
car de même que nous disons d'une personne
qu'elle est fort honnête, pour inarquer sa régu-
larité ou sa politesse, nous exprimons l'un et
l'autre par le mot iVhonnêtelé. (Boub.ours.)
DÉSH0N0RABI.E. Adj. dcs dcux genres. Ce mot
est jieii usité. Ondii plus ordinairement désho-
norant: Un acte déshonorable, dit Mercier,
7i'est pas toujours un acte déshonorant. Tant pis.
— Celte dislinclion est jusle.
Désignatif, DÉsifiNiTivE. Adj On mouille le
ffn. Qui désigne, qui fait connaiire par un signe :
Les raisins sont un attribut désignatif de Bac-
chus. (Acad.) Il ne se )\\o\ (pi'iqirés son subst.
Désignation, Design ir. On mouille le yn.
Désinence. Subst. f. Terme de grammaire. 11
signifie la même chose que iermitiaisofi.
* Désinvolte. Adj. des deux genres Sans trou-
ble, sans inquiétude, sans embarras. Mol inusité
que Voltaire a employé : Après toutes les scènes
de carnage dimt il venu il d'être téninin, Birton
était aussi gai et aussi désinvolte que s'il était
revenu de la comédie
Désir. Subst. m. On s'obstine au théâtre, dans
la déclamation et dans le chanl, à prononcer
comme un e muet Ve des mots désir, désirer ,
désirable, désireux; mais le .y qui est après n'est
pas une lettre purement euphonique; elle fait
partie du mot auquel la préposition dé est
ajoutée. (Gramtnaire des gramrnaires, p. 1116.)
Féraud prétend que l'usage est partagé sur cette
prononciation; s'il l'esl iJans la conversation, il
ne l'est point assurément dans les dictionnaires
et dans les ouvrages des auteurs instruits; on
trouve partout désir. — //.Académie écrit désir;
mais elle rccoimail que /dusienrs font Ve muet,
surtout dans la conversation. Comme elle ne con-
damne pas foriiicllcmeui cette prononciation, on
peut en conclure qu'elle la tolère. Cependant il
est mieux de l'éviter. (A. Lemaire.)
Désirable. Adj. de.s deux genres. Il se mel
après son subst. : Un état désirable, une situa-
tion désirable. Voyez Désir.
Désirer. V. a. de la 1"" conj. Désirer des ri-
chesses , désirer quehjue chose de quelqu'un.
Lorsque dmrcr est suivi d'un verbe à l'infinitif,
ce verbe peut signifier une action simple et déter-
minée, c'est-à-dire (jui ne renferme pas une idée
accessoire de doute, d'incciiilude, comme dans
je désire voir cet homme, je désire l'entendre, je
désire prendre du café, du chocolat; je désire
me proynener. Dans toutes ces phrases, voir, en-
tendre, prendre, me pro?nrncr, équivalent à des
substantifs; c'est comme si l'on disait je désire
cette chose savoir, voir, entendre, etc.
Le verbe qui suit désirer pctil signifier aussi
une action qui renferme une idée accessoire de
contingence, de doute, d'incertitude. Alors l'ex-
DÉS
pression de ce verbe nV-quivaut pas à un subslan-
lif. Je désire de réussir, ne veut pas dire exacle-
ment : Je désire cela, savoir, réussir ; car réussir
ne désigne pas une chose déliiiic, délennince,
mais une chose vague, incertaine, «jui dépend de
divers moyens, de divers événements, du sort,
delà fortune, etc. Je désire de réussir |)eul se
rendre exactement par/e désire qu'il arrive que
je réussisse, ou, de lous les événements qui peu-
vent me faire réussir ou vi'empccher de réussir,
je désire que les premiers arrivent.
Dans le premier cas, désirer ne doit pas être
suivi de de; dans le second, il régit cette prépo-
sition. Ainsi l'on dira je désire le voir, l'enten-
dre, parce que voir, entendre, exiiriment des ac-
tions simples et déterminées. Mais on dira je
désire de le rencontrer, parce que le verbe 7-en-
contrer n'exprime pas une action simple et déter-
minée, mais une action qui dépend de certaines
circonstances, qui einpurle une idée de doute et
d'incertitude. On dira par la même raison, il dé-
sire ôc. ffagner son procès, je désire de remporter
U pris, et non pas, il désire gagner son procès,
il d(si}-e remporter le prix. On dira aussi il dé-
sire de lui plaire, il désire d'obtenir cette grâce,
U désire d'amasser des richesses ; et il désire al-
ler à cette fête, il désire partir bientôt. Cepen-
dant il faudrait dire il désire d'aller à cette fête,
il désire de partir bientôt, si la personne dont on
parle avait en vue des obstacles ([ui pourraient
l'empêcher d'aller à la fête ou de partir, et si ces
obstacles rendaient les actions douteuses et incer-
taines.— La di'cision donnée par 1' .académie dans
sa dernière édition est tout à fait conforme à ces
principes : « Désirer devant un verbe à l'infinitif
est suivi de de lorsqu'il exprime un désir dont
l'accomplissement est incertain, difficile ou indé-
pendant de l;i volonté; quand au contraire il ex-
prime un désir dont l'accomplissement est certain
ou facile, et plus ou moins dépendant de la vo-
lonté, il s'eiiii loie sans la préposition de. »
Il faut remarquer que l'on emploie l'infinitif
quand le verbe régi se rapporte au sujet du verbe
désirer, et qu'on se sert de que avec le subjonctif
quand il ne s'y rapporte pas: Je désire paptir, je
désire que vous partiez. — Avec le verbe être em-
ployé impersonnellement, on met toujours que :
Il est à déiirer qu'il réussisse. A oyez Désir.
Désif.ecx, Dksireuse Adj. l'Académie dit qu'il
n'est guère d'usage que dans le style soutenu. Il
y a longtemps qu'on l'a banni de la langue, et je
ne crois pas que deimis Bossuet, qui a dit dé-
sireux de la paix, on le trouve ailleurs que
dans quelques pièces marotiques. Cet adj. est
toujours lié avec un subst. par la préposition de :
Désireux de gloire, désireux d'honneur. Voyez
Désir.
Dès lors. Expression adverbiale. Elle se met
ou au commencement de la ])hrase, ou après le
verbe; elle peut aussi se mettre entre l'auxiliaire et
le pai'ticijie : // avait dès lors imaginé ce moyen,
ouil avuitimaginé dès hirsiin moyen de, ou dès
lors il avait imaginé le moyen .
Désobéissant, Désobéissante Adj. verbal tiré
du v. désobéir. Une se met qu'après son subst. :
Un enfant désobéissant, une fille désobéissante .
Désobligeamment. Adv. Il se met toujours
après le verbe, et jamais entre l'auxiliaire et le
participe : Il m'a répondu désobligeamment, et
non pas t7 m'a désobligeamment répandu.
Désobligeant. Désobligeante. Adj. verbal tiré
i,i V. désobliger. Il se met après sou subst. :
Dr:s
209
Un homme désoljligeant, une parole désobli-
geante.
Désoccupation. Subst. f. Féraud prétend qu'on
dit plutôt désœuvrement. On du l'un ou l'autre,
selon les cas. Le mol de désoccupation, dit le
Dictionnaire de Trévoux, s'appllipie à l'action
de l'esprit comme à celle du corps; et celui de
désœuvrement convient i)articulièremoiit à cette
dernière sorte d'action. Voyez l'article suivant.
Désoccupé, Désoccupée. Adj. Féraud dit iiu'il
est moins en usage que désœuvré. La Touche
avait senti qu'il y a une différence entre ces
deux expressions. Bien des gens, dit-il, disent
désœuvré pour désoccupé. Uoubaud nous a ex-
pli([ué cette différence. L'homme désoccupé n'a
point d'occupation, l'hounne désœuvré ne fait
œuvre quelconque. 'L'occupation est un emploi
de ses facultés et du temps (pii demande de l'ap-
plication, de l'assiduité, de la tenue. L'tt?/(t-j-e
est une action ou un travail (iuelcon(|ue qui nous
exerce et ne nous laisse pas dans l'inaction. On
e>t désoccupé i\\n\nd on n'a rien à faire, mais, à
|)ropremenl parler, rien de ce <iui r,cci//)C. On est
désœuvré lorsqu'on ne fait absolument rien ,
même rien qui amuse, parce qu'on ne veut rien
faire. L'homme (^i''5ocf(//)e' a du loisir; l'homme
désœuvré est tout oisif. La Bruyère dit qu'à la
ville, comme ailleurs, il y a une classe de sottes
gens, c'est celle des gens fades, oisifs, désoccu-
/}J.y.- ils pèsent aux autres. Le temps, dit-il en-
core, pèse aux gens désœuvrés, et parait court
à ceux qui sont occupés ulilement. Vous recon-
nailrez l'homme désoccupé à un certain air de
malaise et d'inquiétude; il semble chercher (piel-
(juc chose qui lui manque. Vous reconnaîtrez
l'homme désœuvré à un certain air de langueur
et d'inertie; il semble attendre queUiue chose
(jui l'anime. Cet adjectif ne se met qu'après son
substantif.
Désoeuvré, Désoeuvrée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme désœuvré, une
femme désœuvrée, des gens désœuvrés. Voyez
Désoccupé.
Désoeuvrement. Subst. m. Voyez Désoccupa-
tion.
Désolant, Désolante. Adj. verbal lire du v.
désoler. U ne se mel qu'après son subst. : Ce que
vous dites là est désolant. Une nouvelle déso-
lante. C'est un homme désolant.
Désolateur. Subst. m. Ce mot, hasardé au
conunencement du dix septième siècle, n'est pas
très-usité. L'Académie dit ce conquérant fut le
désolateur de l'Asie. Bien n'empêcherait de dire
au \cvcï\ï\\n désolutrice .
Désoler. V. a. de la i" conj. L'Académie
donne peu d'exem])les pour ce mol, pris dans le
sens de causer une grande aflliclion . En voici
(iuel(|ues autres qui feront mieux connaître son
emploi :
Quoi, toujours de ce Juif l'image tous dê$ote !
(Rac, Eith., acl. IV, se. Ii, S.)
De quoi ïiens-lu llaller mon esprit désolé?
(Rac, Phéd., acl. 111, se. l, 3.)
L'amour des nouveautés, le faux zèle, la crainic,
De la Mecque alarmée ont désolé l'enreinle.
(Volt., «ahom., acl. I, se. i, 29.)
DÉsoBnoNNÉ, DÉSORDONNÉE. Adj. Féraud n'ap-
prouve pas l'Académie d'avoir dit ce mol des
personnes: Un homme désordonné dans sa f.otir
14
2i0
DÉS
duùâ. Le réçiine qui suit celle expression la rend
claire. Dclillc r;i dil absolunicni, cl je ne trois
pas qu'on puisse l'en blàuier. {Éncid., Vil, 505) :
Alors, les yeux hagards, pâle, déiordonnie,
A toute sa fureor elle erre aliandonnce.
Il l'a employé plus clt'ïammenl dans les vers sui-
vants (£nf«f., Vlll, 247) :
Voyez-Tons dans les airs ces rochers suspendus,
Ces éclats, ces débris au hasard répandus.
De ce mont cnlr'ouTort l'horreur détordonnie,
El de son antre affreux la toute abandonnée?
Désoedomuément. Adv. 11 est [hîu usité, et se
met après le \erbe : Vivre dêsordonnèment, il a
toujours vécu dttordonnéme nt, et non pas dcs-
ordonnénient vécu.
Désordosneb. V. a. de la 1" conj. L'Académie
n'a [las mis ce mot dans son Dictionnaire. Ce-
pendant il fait un assez bon effet dans les vers
suivants :
Atinas même fuit, et de ses \ctérans
Un tumulte confus desordonne les rangs.
(Dbiil., iBnetd., XI, il6t.)
Mais à son dieu déji tous ses sens s'abandonnent;
Ses chereux, son regard, ses traits se désordonnent.
(/dfin, yi, 67.)
Désordonner signifie troubler l'ordre; se dèsor-
doniier, se déranger, se confondre, sortir de
l'ordre.
DÉsoaDRE. Subst. m.
Et ma bouche et mes yeux, du mensonge ennemis.
Peut-être dans le temps que je voudrais lui plaire.
Feraient, par leur désordre, un effet tout contraire.
(Rac, Baj., act. Il, se. v, 80.)
La Harpe dit au sujet de ces vers: a On ne peut
pas dire le désordre de ma Louche et de mes yeux.
L'intervalle d'un vers rend la faute moins sen-
sible, mais non pas moins réelle. » {Cours de lit-
térature.)
* Désorganisatedr. Subst. pris adjectivement.
Ce mot, né dans la Révolution, s'est maintenu.
Système désorganisateur. Je ne vois pas pour-
quoi on ne dirait pas au féminin désorganisa-
trice.
DÉsoRGAMSATiON. Subst. f. L'Acadéuiie a mis
ce mol dans son édition de 1798, et elle l'a con-
servé dans celle de JS.35. Il est né dans la Révolu-
lion, ei l'usage l'a adopté.
Désof.gamser. Mol nouveau , né dans la Révolu-
lion, et que l'usage a adopte. 1,'Acadéiiiie l'a mis
dans son édition de 1798 et dans celle de 1S35.
Désormais. Adv. H ne se met qu'avec le futur.
11 faut dire il est temps à présent, je suis trop
vieux à présent; et avec le futur, je ne sortirai
plus désormais si tard.
J.-J. Rousseau a donc eu tort de dire: Dans
l'état oit sont désormais les choses. [Emile.) On
disait iiulrefois desor, de hâc horâ.
* Désolci. Subsl. m. On prononce dessouci.
Diderot avnil dil que Séncque, dans sa treizième
leltre, traitait du courage que donne la vertu, et
du désouci de l'avenir. On lui a reproché d'avoir
créé celle expression nouvelle, comme on a re-
proché à r;it)bé de Sainl-Pierre d'avoir créé celle
de bienfaisance, qui est aujourd'hui si bien éta-
blie. « Mais, dit Diderot, d'ancienne ou de nou-
« velle création, qu'importe? Nous manquc-t-
DES
« elle? Ne doit-on pas compter désouci de l'ave-
« nir piumi les mots dont la diselle appauvrit
«i noire langue? i> — Ce mot est nécessaire, il est
sonore, cl l'on ne doit pas craindre en reiiq)loyant
à propos d'être repris par les gens sensés.
* I)K.<.poTiE. Subsl. f. On ne trouve point co
mol dans les dictionnaires. Il signifie gouverne
ment où la souveraineté réside dans la vulonléd'ui'
despote.de même i]\ie démocratie signifie gouvei
nemenloùla souveraineté réside dans le peuple
C'est autre chose que le desputisme. Il peut )
avoir du d^.-<piitismc dans un Etal sans (pie la des
potie y soil établie. L'établissement de cet officiel
devrait avoir été fait lors de l'établissement de
la 7noHarchie et delà despolie. (\olt.. Commen-
taire sur l'Esprit des lois, XLllI.)
Dt»ssEiN. Subst. m. Projet, résolution, inten-
tion de faire quelque chose. Racine a dit en ce
sens :
Peut-elle contre vous former quelques desseins?
[Phéd., act. I, se. 1, 47.)
Il fant que vous soyet instruit, même avant tous.
Des grandi desseins de Dieu snr son peuple tl sur tous.
^wiUl., act. IV, se. Il, 3.)
Mais il a dit aussi :
El ne le forçons pas, par ce cruel mépris.
D'achever un dcssem qu'il peut n'aToir pas pris.
Alex., act. I, se. m, 15.)
Cette expression, achever un dessein, a été l'ob-
jet d'une grande discussion. L'abbé d'Olivet l'a
condamnée en disant : On dit exécuter, nun acJie-
ver un dessein. Achever ne se dil ijuc de ce (|ui
est commencé. Or, ce qui est un dessein, c'esl-à-
dire un projet, n'est pas quelque chose de com-
mencé; ou si c'est quelque chose de commencé,
ce n'est plus simplement un dessein, c'est une
entreprise. L'abbé Desfonlaincs était pour ache-
ver un dessein , et Racine fils défendait l'ex-
pression de son père, Féraud dil qu'il ne vou-
drait pas la condamner eu vers, mais qu'il ne
voudrait pas l'employer en prose. — Ce qui est
contraire a la raison est mauvais en vers comme
en prose. Or, il est évident qu'on ne com-
mence ni n'achève un dessein, un projet, une
résolution; on les exécute; et le couiincuce-
mcnt et V(ichèveme?it ne peuvent se dire que
de l'e.xécution. Racine avait fait une faute sem-
blable en disant dans les Frères ennemis (acL R',
se. III, 105) :
Hâtei-Tous donc, cruels, de me percer le sein.
Et eommeni» par moi votre horrible dessein.
Gresset., imilaBt Racine , a dit dans Edouard
(act. 1, se. I, 73) :
Parmi ces ennemis j'ai conduit mon dessein,
\'A, prêt à l'achever, je puis finstruire enfin.
Tant il est vnii que les fautes des grands hommes
peuvent avoir de fâcheuses conséquences!
Desservir. V. a. et irrcg. de la 2' conj. 11 se
conjugue comme sentir. Voyez Irrégulier
Dessiccatif, Dessiccative. Adj. qui se met après
son subst. . Onguent dessiccatif, eau dessicca-
tive
Dessiller. V. a. de la 1" conj. Voyez Dè-
ciller.
Dessinateur Subsl. m. Il y i boau''Ok»;' de
feniuies qui dessinent, et qui dess\neiil biCi.'., les
appellera-t-on dessinateurs ou dessinatricesf II
DES
y a prés de deux cents ans que l'Académie tra-
vaille à son Diclionnairo, et elle ne nous a p;is
encore appris s'il faut dire décoratrice, dessina-
trice, appréciatrice, etc. Je pense que nous ferions
bien d'employer ces mois, en attendant sa déci-
sion.
Dessobler. y. a. de la 1" conj. Ce n'est pas
seulement un terme populaire, comme le dit l'A-
cadémie, mais un terme bas, aussi bas que cet
exemple qu'elle nous donne : O/i prétend que la
soupe à l'ognon dessoûle ceux qui ont trop bu.
Selon l'Académie, ce verbe est aussi neutre. Les
gens qui se piquent de politesse dans le langage
n'emploienl point ce mot; ils disent désenivrer.
Dessods. Subsl. m. Devant une voyelle, on
prononce le 5 final comme un z : Touchez le des-
sov-zet le dessus.
Dessous est aussi adverbe. En ce sens, il n'a
point de régime. On ne dit pas dessous l-a table,
mais sous la table. On le cherchait sur le lit, il
était dessous. Il n'est ni dessus, ni dessous.
Ainsi ne dites ])as parmi les animaux il y en a
qui vivent dessous la terre ; mais il ij en a qui
vivent sous terre.
Autrefois on employait indifféremment ce mot
comme préposition et comme adverbe :
Ses sacrilèges mains
Dessous un même joug rangent tous les liumains.
(lUc, Alex., acl. II, se. ii, 9!.)
Rome est dessous vos lois par le droit de la guerre.
(Corn., Cin., act. II, se. i, 67.)
Voltaire dit au sujet de ce vers, on disait au-
trefois dessinis au lieu de sous; dessus au lieu
de sur. Dessous est adverbe et n'est point préposi-
tion. (Remarques sur Corneille )
Voltaire, qui relève cette faute, la fait lui-
même dans sa 7;?'" épitre (v. 3) :
Vous iloimei dessous les courtines
Et des Grâces et des neuf Sœurs.
L'Académie dit qu'on l'emploie quelquefois
comme préposition, et donne pour exemples :
J'ai cherché inutilement dessus et dessous ?e lit ;
on a tiré cela de dessous la table. Je ne crois
pas que le premier exemple soil régulier. Il faut
dire j'ai cherché dessus le lit et dessous ; ou
bien prendre un tour qui mette à même de dire
j'ai cherché dessus et dessous. Quant à rriuiro
exemple, jiî crois que dessous y est prissubslanti-
vement : On a tiré cela de dessous la table, c'est-
à-dire du dessous de la table. Au moyen de cette
explicaticm, Voltaire, qui dit ciue dessous n'est
pas préposition, ne se trouverait point en contra-
diction avec l'Académie.
Dessds. Adv. On peut appliquera cet adverbe
tout ce que nous avons dit de dessous.
Soit que Rome succombe, on qu'elle ait le dessus.
(Corn., Hor., act. I, se. m, 95.)
Avoir le dessus ou le dessous ne se dit que dans
la poésie burlesque. (Volt., Remarques sur Cor-
neille.)
l'ai trop par tos avis consulté là-d-asus.
(Corn., Cin., act. IV, se. ly, 27.)
La-dessus, là-dessous, ci-dessus, ci-dessous,
termes familiers qu'il faut absolument éviter, soil
en vers, soit en prose. (Volt., Remarques sur
Corneille.)
DES
2H
Destin. Subst. va. Destin, en poésie, se dit
pour vie :
Il craint ces assassins
Qui du roi v»lre époux ont tranché le» d<'iti'ris.
(Volt., 3lér., acl. 1, se. ii, 15.J
Oui, j'aurais de mes jours prolongé ses deXi'ns.
(Volt., Mort de César, act. IH, se. vni, 4.)
Jurer donc avec moi
Par les mines sacrés de tous les vrais Romains
Qui dans les champs d'Afrique ont fini leurs destin», etc.
(Jdem, acl. II, se. iv, 124.)
Dans les champ!! d'Ilion, les armes à la main,
Que n'ai-je pu finir mon malheureux desdn?
(Delil., Éndid., I, 143.)
.... Et si dans mes alarmes
Le ciel me permcltait d'abréger un destin
Nécessaire à mon lils, etc.
(Volt., Orphelin do la Chine, act. I, se. v, 16.)
La Harpe dit au sujet de ces derniers vers, «7»
destin ne peut en aucune manière être le syno-
nyme d'une vie. Ou dit tros-liicn une vie néces-
saire à mon fils, mais jamais une mAin ne dira
que son destin est nécessaire à son fiis ; celle
diction est trop négligée et trop vicieuse. (L;:
Harpe, Cours de littér.)
Si destin, chez les poêles, est synonyme de v'
dans les exemples que nous avons cités, pour-
quoi ne pourrait-il pas l'élre dans <elui que cri-
tique La Harpe? Et si desti7i signifie vie, pour-
quoi ne dirait-on pas un destin nécessaire à mon
fils? Abréger un destin n'est jias plus étrange
que trancher les destins, protéger les destins,
finir ses destins, finir mon destin. Il faut remar-
quer ici que les poêles, dans cette acception,
mettent indifféremment destin au singulier /
au pluriel. Voyez Fatalité.
Destiner. V. a. de la -1" conj. : Destiner pout
a rapport à l'emploi : Il a destiné ret argent
l)0ur les pauvres. Destiner à a rapport au but :
Il a destiîié cet argent aux pauvres.
Destitoaiîle. Adj. des deux genres. 11 se met
après son subst. : Un officier destituable.
Destrdctedr. Subst. m. (pii so prend adjecti-
vemenl : Les destructeurs de Troie, un torrent
destructeur.
Queltiues dictionnaires ont mis destructrice en
parlant d'une femme. L'Académie ne le met point.
Cependant Moutesnuieu l'a employé : C'était une
nation bien destructrice que celle des Goths.
Loi qui devient destruirii i. e tiw corps politique.
Féraud dit que ce mol est bien dur. Ce n'est pas
une raison pour le rejetei. Il est nécessaire cl
conforme à l'analogie. Il prétend que destruc-
tive a le même sens, et qu'il doit être préféré,
parce <iu'il est aussi énergitjue et plus doux.
Destructif n'a pas le même sens que destruc-
teur: celui-ci mar(]ue la volonté, rinlenlioii de
détruire; celui-là n'indiiptt, que l'aclion de dé-
truire. On dit un homme destructeur, un animal
destructeur ; et on ne dil pas un homme des-
tructif, un animal destructif. On ne pomrait
doue pas dire une nation destructive , au lieu
li'uîie nation destructrice. Maison pourrait dire
une loi qui devient destructive du corps politi-
que, SU lieu de qui devient destructrice, coiaaie
a dil Montesquieu.
Destructif, Destructivi;. Adj. qui se met tou-
jours après son subst. : Un principe destructif,
une cause destruetive. Voyez Destructeur.
Désuétude. Subst. f. Le s, quoique entre deux
212
DÉT
voyelles, conserve sa prononriation primitive se.
parce que ce mol osl considère comme composé
dedévl (Je sm'tudc, el l'on prononce conmie si
ces deux (Mémoiils élaicnl séparés, dé-suélude,
ce qui rend la lellre « initiale.
* DtsisiTÉ, DÉSLSiTÉE. Adj. On prononce
dêzvsité. Il ne se met (lu'après sun suhsl. : Son
confesseur l'avait assujetti à ces pratiques peu
convenables, et aujourd'hui désusilces. (\«'lt.,
Sièclede Lo}iisXIf'',c\\ip. xxviii.) Cet adjeclilest
nécessaire Inusité ne le remplace |)ninl. Inusité
signilieiiui n'est point en usaçe; désusitéxcnxàwa
qui a été en usage, et dont on a quitté, al)an(ion-
né, nc^liiré l'usage, de manière qu'il n'existe plus.
Détail. Subst. m. I.e père Bouhours n'approu-
vait \tn«, détails Ml pluriel. 11 esl très-usilé au-
jourd'liui : Je n'aime pas les détails.
Le pluriel de ce mot a un sens diflercnt du
singulier. Le détail esl l'action déconsidérer, de
prendre, de mcilrc la chose en petites parties,
ou dans les moindres divisions. Les détails sont
ces petites pailiosou ces petites divisions, telles
qu'elles si ni dans l'objet même. Nous faites le
détail, el non les détails, d'une histoire, d'une
affaire, dune aventure; vous en faites Ze détail
en rapportant, en parcourant, en présentant les
détails, de la chose jus(pie dans les plus petites
parlicularilés. Nous n'en faites pas les détails,
parce qu'ils existent par eux-mêmes dans la chose;
ce sont les petits objets ou les objets |)arliculiei's
qu'on peut détailler ou considérer, et employer
en détail.
Il y a dans la police , dans le commerce ,
dans le ménage, dans la linance, mille petits
détails, mille petites affaires dont le détail ou
l'exposition détaillée n'aurait point de lin. Un
minisire s'occupe en gros ou en gi'and des
affaires ou des grandes affaires; il laisse les
détails ou les petites affaires, el les particularités
des grandes affaires à ses commis; ses couunis
lui en font ensuite le détail ou le nippon. —
Détail annonce la manière dont vous représentez
les choses ; el détails les choses inonies (jue vous
représentez. Qucl(|uefnis on dit indiflércunnenl el
bien, détail e\ détails, mais sans (pie leiu' signi-
fication soil absolument la même, quoi^iue les
deux phrases reviennent à peu près a la même
idée. .Ainsi on dira voilà le détail, el voila les
détails de l'affaire. Mais détail signifie propre-
ment le récit détaillé que vous en avez fait, el dé-
tails ce <ine la chose avait de plus particulier.
Ox\ (\\\. beautés de détail, pour beautés que l'on
trouve en détaillant, ou beautés de certains dé-
tails ; esprit de détail , OU propre à saisir el a
régler les |)lus petits détails
Détailler. V. a. de la i" conj. On mouille
les /.
Dételf.r. V. a. de la 1" conj. On double la
lettre l dans les temps de ce verbe où elle esl sui-
vie d'un e muet : Je dételle, je détellerai, il dé-
tellera, il détellerait: on ne met (pi'un nors(]uc
cette lettre esl suivie de toute autre lellre (jifun
e muet : Je dételais, j'ai di'telé, ils dételèrent.
Dktemr. V. a. de la 2"" conj. Il se conjugue,
comme tenir. Voyez [rrégulier. — Ce verbe n'est
guère usité ipTau i)alais.
Détenteur Suiist. m. Ce mol n'est guère d'u-
sage (pi'en style de palais. En parlant d'une femme,
on dit détentrice : Détenteur , détentrice d'un
héritage.
\jr. 1 EN u, Détr;\ue. Part, passé du verbe détenir,
et adj. Voltaire l'emploie subslanlivcmenl, pour
fiignilier ceux qui sonl en prison : Les détenus ?)«
DËT
s'entre-cnmmuniquent que des exhalaisons em-
pestées. Féraud dit qu'on peut regarder ce sub-
stantif comme un néologisme. — 11 ne l'est plus
aujourd'hui. 11 esl généralement adopté en ad-
ministration, pour signifier une personne rete-
nue en prison de (|ueh|ue manière (juc ce soil,
et pour (|uelque cause (pjc ce puisse être. l.e>
prévenus el les condamnés, lorsqu'ils sont en
l)rison, sont désignés par le mol général de déte-
nus.
Déterger. V. a. de la i" conj. Dans tous les
temps de ce verbe, g doit se prononcer comme
un j, el pour lui conserver cette prononciation
lors(]u'il est suivi d'un a ou d'un o, on rnet un
e muet avant cet a ou cet o: Je détergfais, dé-
tergcons, et non pas je détergais, détergons.
Déterminant, Déterminante. Adj. verbal tiré
du V. déterminer. Il se mel après son subst. :
Motif déterminant, raison déterminante. Voyez
Déterminatif.
Déterminatif,Déterminative. Adj. quel'on em-
ploie aussi subslanlivement. Terme de gi'ammaire.
Il se dit d'un mol ou d'une phrase qui restreint
ou détermine la signification d'un autre mot, el
(jui en fait une application individuelle. Tout
verbe actif, toute lu-éposition, tout individu qu'on
ne désigne pas par le nom de son espèce, a besoin
d'être suivi d'un déterminatif: Il aime la vertu ,
il dcmeuj-e avec son père, il est dans la maison ;
vertu esl le déterminatif de aime; son père,
d'avec; et la maison, de dans. Le mol lumière
est un mot générique. 11 y a plusieurs sortes de
lumières; mais si on ajoute du soleil, alors lu-
mière deviendra un nom individuel, qui sera res-
treint à ne signifier que la lumière individuelle
du soleil. Ainsi, dans cet exemple, du soleil esl
le déterminatif ou le d(Herinuiant de lumière.
(Dumarsais.) \oyez Complémeni, Régime.
*Détermination, * Déterminaison Substantifs
féminins. L'Académie n'exjilique point le mot
détermination comme terme de grammaire. Dé-
termination, dit Dumarsais, est un terme ab-
strait. Il se dit de l'clfei que le mot qui en
suit un autre au(iuel il se nqiporle produit sur
ce mot-là ; L'amour de Dieu; de Dieu a un
tel rapport de d(Herminalion avec amour, qu'on
n'entend plus jiar amour cette passion profane
qui perdit Troie; on entend, au contraire, ce
feu sacré qui sanctifie toutes les vertus.
Ce mol de détermination a |irol)ablement paru
à Beauzée tiop éloigné de sa signification primi-
tive, dans le sens que lui donne Dumarsais; il
y a substitué le mol déterminaison, qui paraît
plus analogue, el par conséquent plus convena-
ble. Voici comme il s'exprime à l'article Mot
dans le Dictionnaire encyclopédique : Nous pou-
vons donc en conclure que les adjectifs et les
verbes ?ie présentent à Vesprit que des éti'es in-
déterminés, puisqu'ils ont besoin d'une déter-
minaison accidentelle pour pouvoir prendre tel
ou tel cas.
Déterminément. Adv. Il se met toujours après
le verbe : // l'a voulu déterminément, et non pas
il l'a déterminément voulu.
Déter.miner. V. a. delal"^' conj. Ce mot signifie
en grammaire restreindre la signification d'un mol,
et en l'aire une ai)plication individuelle. Dans
celte phrase, Vumour de Dieu, de Dieu déter-
mine le mot amour et eu lait l'application indi-
viduelle.
{^'Académie dit, il s'est déterminé ; détermi-
nez-vous o quelque chose. Montesquieu a dit
DET
dans la XXIX' lettre persane: Dans le doute.
Us tiennent pour règle de se déterminer du côté
de la rigueur.
Détestable. Adj. des deux genres. Il se dit
des personnes et des choses, et peut se mettre
avant son subst. lorsque l'harnionic et l'analogie
le permettent. On peut dire, suivant la ma-
nière dont on est affcclé : Un homme détestable
ou MM détestable homme; un tyran détestable,
OU un détestable tyran; un système détestable,
OU «« détestable système. Voyez .idjcctif.
Détestabi.kmi.m. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe: // « chanté détestable-
ment, ou il a déleslublemcnt chanté.
*Détiarer. V. a. (le la I" coiij. Expression de
circonstance qui signifie ôicr la tiare, abolir la
papauté. Voltaire a dit : Nous ne voulons pas
vous démitrer, vous détiarer.
DÉTO^NEr^. V. a. de la I"conj. Détonner, dit
l'Académie, s'emploie au figuré. On dit en par-
lant d'un ouvrage d'esprit -p/'il y a des choses
qui détonnent, pour dire iju'il y a des choses qui
ne sont pas dans le ton général de l'ouvrage. Je
crois qu'il y a peu d'occasions où l'on puisse se
servir de coite expression. On dirait plutôt au
figure il y a des disparates dans cet ouvrage;
il n'y a pas d'accord dans cet ouvrage.
Détodr. Subst. m. fcraud prétend que dans le
sens d'adresse, de subtilité pour venir à bout
de ce qu'un veut faire, détours ne se dit point
au pluriel. On dit cependant il cherche à vous
tromper par ces détours; et on lit dans Racine
[Iphigénie, act. I, se. il, 83) :
Non, non, tous ces détour» sont trop ingénieux.
Détocrné, Détournée. Adj. qui se met tou-
jours après son subst., comme tous ceux qui sont
formés de participes passés : Chemin détourné,
louange détournée.
* DÉT0CRNE3IENT. Subst. m. Actiou de détour-
ner. Molière a dit [Critique de V Ecole des
Femmes, se. m) : Leurs détournements de tête
et leurs cachcments de visage. Il n est pas fran-
çais en ce sens. .Mais Féraud remarque avec
raison qu'on dit bien le détournement des fonds,
le détournement des deniers. L'Académie ne le
met ni dans l'un ni dans l'autre sens.
Détracter. V. a. de la 1'" conj. Détracter
vient du mot lalin detrectare, (jui est un ver-
be actif, et qui signifie la même chose. Je
pense donc (jue détracter est aussi un verbe
actif, et qu'on peut à\vc détracter quelqu'un, dé-
tracler le mérite de quelqu'un. Détracter, c'est
diminuer l'éloge de quelqu'un. L'Académie
donne pour exemple détracter de son prochain.
Je croirais qu'on peut le dire, si j'en voyais des
exemples dans les bons auteurs.
Détractecr. Subst. m. qui s'emploie aussi
adjectivement. On le dit absolument ou avec la
préposition de : C'est un détracteur, un détrac-
teur d'Homère. On ne trouve nulle part si l'on
peut ou si l'on ne peut pas dire détractrice au fé-
minin. Je ne vois pas ce qui empêcherait de se
servir de ce mot.
Détriment. Subst. m. L'Académie ne donne
pas une idée juste de ce mot, en l'expliquant par
dommage, préjudice. Le dommage attaque direc-
tement les choses, el rejaillit sur les personnes:
l'idée de ce mot est physique. L'idée de préju-
dice est plutôt morale; c'est un mauvais ellet (jui
resuite de l'action d'un autre. Le dttriment est
une altcralion et une dégradation ; c'est uu dom-
DEU 21.-»
mage opéré sur la chose, et par relation sur la
personne. De (juelque manière que vous o|)éricz
la perte, le dépèrisseuieiu, la diminution d'une
chose, vous faites ou vous causez du dommage.
L'ne nouvelle maison de commerce qui croise les
autres, et leur enlève des bénéfices par sa con-
currence, leur poile préjudice, mais sans atten-
ter aux droits d'autrui. Une exemi)iion parlicu-
lièie d'impôt tourne au détriment i\vi peuple, sur
qui l'inqiôl est rejeté. L'auteur du dommage fait
une action qui fait le mal d'autrui; l'auteur du
préjudice fait Son affaire dont il résulte (|uelque
mal pour autrui; \'nu{cur ihi détriment fait une
chose qi.i devient un mal pour autrui.
DÉTf.ojiPER. V. a. de la I''"' conj. On dit bien
détromper quelqu'un, c'est-à-dire le désabuser,
le tirer d'erreur. Mais dit-on, comme le prétend
l'Académie, je veux vous détromper de cet
homme-la? J'en doute II est vrai que Bossuet a
dit : C'en serait assez pour se détromper de tels
docteurs. Mais cette manière de s'exprimer n'a
pas été imitée; et je pense, comme Féraud, ([u'en
parlant des personnes, désabuser vaut mieux. O»
détrompe d'une erreur, mais on ne détrompe pas
une erreur, parce qu'on ne peut détromper que
ce qui est trompé, et qu'une erreur ne peut pas
être trompée. C'est donc avec raison qu'on a re-
proi hé a Racine d'avoir dit dans Phèdre (act. I,
se. V, 21) :
Délrorapei $on erreur, flécliisseï son courage.
Voyez Désabuser.
Détruire. V. a. delà 4' conj. Ce mot ne signi-
fie ni démolir, ni abattre, ni ruiner, ni renver-
ser un édifice, comme le dit l'Académie. On abat
un mur, et on ne le détruit jias, car les maté-
riaux restent; on ruine un château sans \e dé-
truire , il reste un château en ruines; le vent
renverse une tour, et ne la détruit pas. Dé-
truire, c'est rompie, anéantir les ressorts, les
formes, l'arrangement des parties, la construc-
tion d'une chose, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus
aucune apparence. Racine a dit se détruire dans
une acception que l'Académie n'indique pas :
Tous ses projets semblaient l'un l'autre se détruire.
{Ath., act. III, se. in, 28.)
Comme on voit tous ses vœux l'un l'autre se détruire .'
[Phèd., act. I, se. m, 10.)
Deuil. Subst. m. Le l final se mouille. Vol-
taire a <i\i porter le deuil de moi, pour éviter l'é-
quivoque qu'il y auraiteucdansp»;-<c)- /«<)« deuil.
Je croyais bien que ce serait elle qui porterait
le deuil de moi. [Correspondance .)
Deux. Adj. des deux genres, qui se met avant
son subst. : Deux hommes, deux chevaux, deux
maisons. — On dit aussi chapitre deux, article
deux. Alors deux est pris pour deuxième. Fcraud
demande si l'on doit dire tous deux, toutes deux,
ou tous les deux, toutes les deu.v. 11 pense que
tous deux vaut mieux dans le discours familier,
et tous les deux dans le style soutenu. Madame
de Sévigné a dit elles vous embrassent toutes
«fewor; cl Marmontel, sa délicatesse blessée sera
leur supplice ù tous deux. Féraud ne donne point
d'exemiile ie tous les deux. Cependant je pense
que de même qu'on ne dirait pas tous douze,
tous vingt, c[c., on ne doit pas dire non plus <ous
deux, el que c'est abusivement (juc cette façon
de parler s'est introduite dans le langage famiu'isf^
2i4
DEV
lorsqu'il n'est question que d'un petit nombre
seulement, toux deux, tous trois. Le mieux est de
dire tous les deux, tous les iruis. — Lorsque tf^i/x
n'es! [iSii suivi de l'espère noinbrée, ou cju'il est
suivi du nom de l'espèce nombrée commençant
par une consonne ou un h aspire, x ne se pro-
nonce point, on allonge seulement la syllabe. J'en
ai deux, ils sont deux, deux rnaiso/is, deux
chambres, prononce/, deu. — Lors(jue c^ei/a- est
suivi du nom de la chose nombrée, commençant
par une voyelle ou par un h muet, on prononce
le X avec un sifflement faible, c'est-à-dire comme
un s.
DtL'xiÈME. Adj. des deux genres. Il se met or-
dinairement avant son subsl. : Le deuxième
étage; la deuxième maisoît. On dit chapitre
deuxième, article deuxième. Le x se prononce
comme nn ;;.
DixxiÈMEMENT. Ailv. On peut le mettre avant
ou après le verbe : Deuxièmevient, je vous di-
rai, ou je vous dirai deuxiè/uemejit.
DÉvAr.ER. V. a. et n. de la l"' conj. Ce verbe
ètnil usité autrefois, même dans le style noble; il
ne l'est [Aus aujourd'hui dans aucun slyle. Cor-
neille avait dit iIîodoc/.,nc\.. Il, se. ii, 7o) :
On ne raonlcra point au rang dont je dévale, . .
On dirait aujourd'hui d'oii je descends.
Devancer. V. a. de la l"conj. Dans ce verbe,
le c a la prononciation do se ; et pour la lui con-
server à tous les temps et à toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on écrit
nous dcvançims, je devançais, je devançai, et
non [las non s devancoiis , etc.
Devant. Prép. On disait autrefois deranf ytic
pour avant que. Racine cl Boileau s'en sont servis
plusieurs fois, et Voltaire les a encore imités :
Devant que votre âme.
Prévenant mon espoir, m'eût déclaré sa flamme.
(Rac, Bai,, ac'' Y, se. iv, 25.)
Âh! devant qu'il expire. . .
(Volt., Tancr., act. Y» se ï > 31.)
Voyez Avant.
Dévastateuiî. Subst. m. qui s'emploie adjecti-
vement. L'Académie de 1762 n'avait ])as mis ce
mot dans son Dictionnaire; celle de 179.S l'a
adopté, et elle nous apprend que l'on dit au fé
minin dévastatrice. C'est un mol que Raynal et
quehpies autres auteurs ont employé fréquem-
ment, et (|ue l'usage a adopté.
Développek. vTa.de laI"conj. Racine a dit
dans Esther (act. III, se. iii, 7) :
Mais ce sujet zélé qui d'un œil si subtil
Sut de ce noir complot développer le fil.
On développe une affaire qui est embrouillée,
on développe une difficulté, un mystère ; mais on
ne développe pas le fil d'un complot, on le dé-
brouille.
Devemr. V. n. de la 2' conj. Il se conjugue
comme i-e/uV, mais il prend l'auxiliaire être. Ce
verbe régit ordinairement des adjectifs et des sul>-
stantifs pris adjeclivement. Devenir yrund, ri-
che, savant, jaloux, fâcheux; devenir flatteur.
Quand la phrase exprime l'état précédent, on le
joint par de à la phrase qui exprime l'état nou-
veau : // devint riche de pauvre qu'il était. Alors
celte seconde phrase peut être mise la première.
De pauvre qu'il était, il devint riche. On dit
DEV
aussi les plaisirs auxquels il était le plus adojmé
lui étaient devenus insipides. Mais on ne peut
employer ce régime indirect ([u'avec un adjectif.
Corneille a dit (act. IV, se. vu, 64) :
A quel point ma vertu devient-elle réduite !
Voltaire a dit au sujet de ce vers : Devient ré-
duite n'est pas français. Le mot de^venir ne con-
vient jamais qu'aux affections de l'àme; o» de-
vient faible, malheureux, hardi, timide, etc. ;
mais on ne devient i)as forcé à, réduit à.
Ici Voltaire se trompe. Devenir se dit aussi
bien des changements du corps que des affections
deTâme. On devient grand, gros, gras, maigre, atc.
Il aurait dû dire que devenir ne se joint point a
des iiarticipcs pris adjectivement.
Dévei'.gonué, Dévergondée. Il est familier, et
ne se met qu'après son sulisl. On l'emploie aussi
substantivement : C'est un dévergondé, une dé-
vergondée.
Devers. Préposition de lieu. Autrefois on em-
ployait cette préposition pour signifier du côté de:
C'est ainsi, devers Caen, que tout Normand raisonne.
(BoiL., ÉpUre II, 30.)
Aujourd'hui on dit simplement vers : H de-
meure vers Toulouse. — Devers se joint quel-
quefois avec la préposition par, et alors il
n'est guère d'usage ([u'avec les pronoms person-
nels : Betenir des papiers par devers soi. Avoir
le bon goût par devers soi. Il n'y avait guère
d'homme considérable qui n'eût par devers lui
quelque prédiction qui lui promettait V empire.
(Montesquieu, Grandeur et décadence des Ro-
mains, chap. XXI.)
Déverser. V. a. de la 1" conj. Depuis quel-
que temps, un a donné à ce mot une nouvelle
acception. On l'emploie au figuré pour verser, ré-
pandre. On dit déverser le mépris sur quelqu'un.
L'Académie, dans son édition de 18:î5, ne donne
point d'exemple de ce sens.
DÉVÊTIR (se). V. a. et irrégulicrde la 2'' conj.
Il se conjugue comme vêtir. Il prend l'auxiliaire
être comme tous les autres verl)cs pronominaux.
Dévideur, Dévidedsp L'Académie le fait adj.
et subst. Il n'est que suliiUanlif.
Devin. Subst. m. En parlant d'une femme, oi.
dit devineresse. Voyez Ifevinevr.
Devineup.. Subst. m. 11 se dit i)0iir devin en
plaisantant, et dans le style burlesque. En par-
lant d'une femme on dit devineuse dans le même
sens et dans le môme style. La Fontaine a dit
(liv. VII, fable XV, 43):
Chez la devineuse on courait.
Pour se faire annoncer ce que l'on désirait.
Il emploie aussi dans la même fable devine dans
le même sens (vers 33) :
Moi, devine ! On se moque : eh ! messieurs, sais-je lire?
Cefémininn'a point été consacré par l'Académie.
Devise. Subst. f. Voyez Emblème.
Deviser. V. n. de la l'^' conj. Férauddit qu'il
est vieux. L'Académie se contente de dire qu'il
est familier. Je dirais iiresquc (juil est naïf. C'est
causer de choses et d'autres i)ar manière d'amu-
sement : Nos voyageurs devisaient en chemin.
(Voltaire.) Ce mol est ancien, mais il n'est pas
vieux.
Devoir. V. a. de la 3' conj. On dit sans article:
Un fils doit respect à son père, un citoyen doit
DEV
obéissance aux lois, un svjet doit obéissance à
son souverain. Toutes ces phrases ne se disent
que d'un devoir fondé sur la nature ou sur les
premiers principes de la société. IMais cpiand il
s'agit de choses qui dépendent en quelque sorte
de la volonté et des circonstances, il faut employer
l'article : Je vous dais des remcrciments pour
vos bons oMces ; et non pas, je vous dois re mer-
ciments. Je dois du respect à votre âge, à votre
place.
L'Académie ne l'indique point dans l'acception
suivante:
Deerui-je au dépit qui le presse
Ce ({uc j'aurais voulu detoir à sa tendresse ?
(^'0LT., Brut., acl. Ht, se. IV, 10.)
11 s'emploie avec le pronom personnel régime in-
direct, dans le sens d'être obligé : On se doit à
soi-même de respecter les bienséances. Je me
devais de faire celte démarche. (Acad.) 11 s'em-
ploie également avec le pronom personnel régime
direct, et alors il signifie être tenu de se dévouer,
de se sacrifier :
Sa mort tous laisse un fils à qni tous tous devez.
(Rac, Phèd., act. I,sc. y, 7.)
Voltaire a dit dans Mérope (act. I, se. iii, 8) :
Nous devons l'un à l'autre un mutuel soutien.
La Harpe a dit au sujet de ce vers : La rigueur
grammaticale exigerait nous nnjis devons. Je crois
qu'en poésie on doit d'autant plus supprimer cette
répétition de pronom, qu'elle n'est pas agréable à
l'oreille, et que l'un à l'autre exprime suffisam-
ment la récijirocité. Je doute de la justesse de
cette observation.
Devoir. Subst. m. L'Académie ne dit pas so7--
tir de son devoir. Si les femmes que tu gardes
voulaient sortir de leur dcroir, tu leur en ferais
perdre l'espérance. (Montesquieu, II" lettre per-
sane.)
DÉvor.«.NT, DÉvor.ANTE. Adj. verbal tiré du v.
dévorer. 11 peut dans quelques casse mettre avant
son subst. : Une dévorante ardeur; un lio7i dé-
vorant, une soif dévorante .
• Dévouatelb. Subst. m. qui peut être pris ad-
jectivement. t>e mot expressif et utile, qui était
en usage autrefois, n'a pas été conservé j)ar l'A-
cadémie. Ou le trouve dans les anciens diction-
naires, dans quelques modernes, et dans de
bons auteurs. Il ne s'emploie qu'au figuré. Rien
n'empêche de dire dévoratrice au féminin.
Dévorer. V. a. de la 1'^' conj.
La flamme dévorait les loils de mes ancêtres.
(Delil., Ènéid., H, 1010.)
Et de SCS TŒu.t hardis l'orgueilleuse espérance
Dévorait en secret, dans le fond de son cœur.
De ce grand nom de roi le dangereux honneur.
fV'oLT., Uenr., YI, 64.)
Durant ces mots, Didon, dévorant son olTense,
A peine à contenir sa longue impatience, etc.
(Dblil., Ènéid., VS' , 515.)
Il faut enGn que je tous ouvre un cœur
Qui longtemps dcTaiit tous dévora sa douleur.
(YoLT., Sémir., act.II, se. vu, 1.)
La plupart de ces acceptions ne sont pas indi-
quées dans le Dictionnaire de l'académie. On
n'y trouve pas non plus dans un sens passif, é<re
dévoré de douleur, de chagrin, etc. Il n'en est
DIA
215
pas die même de moi, qiU, enfermé dans une af-
freuse prison, suis toujours environné des mi-
mes objets, et (\evori: des mêmes chagrins. (Mon-
tesquieu, IX' lettre persane.)
* Dévoreur. Subst. m. .Mot inusité, dont J.-J.
Rousseau a fait un emploi que l'on ne saurait
désapprouver. Dans les festins d'Homère, dit-il,
on tue un bœuf pour réguler ses holes, comme on
tuerait de nos jours un cochon défait. En lisant
qu' Abraham seri'it un viau à (rois personnes,
qu'Eumée fit rôtir deux chevreaux pour le dîner
d'Uly.'ise, et qu'autant en fit Rebecca pnur celui
de son mari, on peut juger quels ten'ibles dévo-
reurs de viande étaient les hommes de ce temps-
là.
Dévot. Dévote. Adj. On peut le meltrc avant
son subst. lorsijuc l'analogie et l'harmonie le
perracttcnl : Un homme dévot, une femme dé-
rote, lésâmes dérotes, une ardeur dévale, cettr
dévote ardeur. Ouehpiefois il régit la |;rcposilioi'
« .• // est dévot à la fvcrge. Voyez Adjectif.
Dévoteme.nt. Adv. On j)eut quclipielois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // « en-
tendu dévotement la messe, ou il a entendu, ia
messe dévotement.
Dévotiecx, Dévotiecse. Adj. 11 est vieux.
Cependant il y a des cas où l'on pourrait l'em-
ployer utilement , on parlant d'une dévotion
aveugle et superstitieuse.
Dévotion. Subst. f. Il s'emploie au pluriel en
parlant de certaines praliipies religieuses. Mon-
tesi]uieu a dit .- Lorsque nnis eûmes fuit nos dé-
volions sur le tombeau delà vierge, qui a mis
au monde douze prophètes (l"^ lettre per-
sane.)
Di. Particule prépositive qui se met au com-
mencement de certains mots et dont le sens est
ordinairement extonsif. Diriger, c'est n^gler de
point en point; dilater, c'est donner beaucoup
d'étendue ; diminuer , c'est rendre plus me-
nu, etc.
Dhble. Subst. m. Quoique l'Académie expli-
que ce terme par celui de démon, il faut se gar-
der de les confondre. Diable se prend loujours
en mauvaise pari, et démon quelquefois en Iwjnne
part. la malice est l'apaiiigedu diable, la fureur
celui du démon. On dit ipie \e diable se mêle des
affaires «pii vont de travers; et que le démon de
la jalousie trouble un mari. Ce n'est pas le diable
qui agite les poètes dans leur enthousiasme, mais
un démon. — Quoique diable se prenne toujours
en mauvaise part dans le sens d'esprit malin, il
se prend en bonne part dans «ieux expressions fa-
milières. On dit c'est un bon diable, j)our dire
tm bon garçon; et c'est un pauvre diable, pour
dire un houmie malheureux, qui est dans la peine,
dans la misère.
Diabolique. Adj. des deux genres. 11 peut
quelquefois se mettre avant son subst. : Tenta-
tion diabolique; il avait de diaboliques inten-
tions.
Diaboliquement. Adv. Tl se met après le verbe,
mais (juelquefois avant l'adjectif : C'est une
chose diaboliquement inventée, ou inventée dia-
boliquement.
Diagonal, Diagonale. Adj. Cet adjectif ne
s'appliquant qu'au mot ligne, ne i)eut avoir de
pluriel au masculin.
Dialecte. Subst. m. « L'Académie française,
dit D-jmarsais, fait ce mot masculin; et c'est l'u-
sage le plus suivi Cependant Danct, Richelet «'t
l'auteur du Novùius, le font du genre féminin
216
DIC
Les Lutins, dit ce dernier, en parlant de la dia-
lecte éoliqiic, ont suivi particulièrement cette
dialecte... S' i\ m'est permis dédire lllon^enlimeIlt
particulier, il me parait que ce mol étant purement
grec, et n'ctanl en usage que parmi les gens de let-
•res, et seulement (juand il s'agit de grec, on n'au-
.•ait du lui donner que le genre (lu'il a en grec,
et c'est ce que les Latins ont fait. Quoi ([u'il en
soit du genre de ce mot, passons à ce ([u'il si-
gnifie. La dialecte n'est pas la même chose que
l'idiotisme. L'idiotisme est un tour de phrase par-
ticulier, et tombe sur la phrase entière; au lieu
que la dialecte ne s'entend que d'un mot (jui
n'est pas tout a fait le même, ou (jui se prononce
autrement ipie dans la langue commune. Par
exemple, le mol fille se prononce dans noire lan-
gue comnmne en mouillant les /,- mais le peuple
de Paris prononce fi-ye sans /; c'est ce qu'en
grec on appellerait une dialecte ; si le mot de dia-
lecte était en usage parmi nous, nous pourrions
dire que nous avons la dialecte picarde, la cham-
penoise; mais le gascon, le basque, le languedo-
cien, le provençal, ne sont pas des dialectes, ce
sont autant de langages particuliers, dont le
français n'est pas la langue commune, comme il
l'est en Normandie, en Picardie et en Cham-
pagne. »
Malgré l'opinion de Dumarsais, qui est fondée
sur la raison, je pense ((ue, puisque l'erreur de
l'Académie, qui a fait dialecte masculin, a été
confirmée par l'usage, il faut l'adupter
DiALOGiQnE. Adj. des deux genres. 11 se met
toujours après son subsl. ; Forme diulogique.
Diamétral, Diamétrale. Adj. qui se met tou-
jours après son subsl. : Ligne diumêtrule.lX n'a
point de masculin au pluriel.
DiAiiÉTRALE.ME.M. Adv. Il SB met avant l'adj.
qu'il modifie : Ces deux choses sont diamétrale-
ment opposées.
Diatribe. Subsl. f. Il ne se prend qu'en mau-
vaise pan, et se dit d'une critique amèie et vio-
lente.
DicTAMEN, Subst. m. Le sentiment intérieur de
la conscience. Le passage suivant de J.-J. Rous-
seau aidera à comprendre la véritable signilica-
tion de ce mot. kY a-t-il un Dieu? dit-il, /e
sens se joindre à mes raisonnemejtts le poids
de l'assentiment intérieur. Je trouve dans ce
Jugement intérieur une sauvegarde contre les
sophismes de ma raison. Craignons qu'en cette
occusian nous ne confondions les penchants se-
crets de nutre cœur, qui nous égarent, avec ce
dictamcn plus secret, plus interne encore, qui
réclame et murmure contre ses décisions inté-
ressées, et nous ramène en dépit de nous sur la
route de la vérité. Et après tout, combien de
fois la philosophie elle-même , arec toute sa
fierté, n'est-elle point forcée de recourir à ce
diclamcn quelle affecte de mépriser? N'est-ce
pas lui qui seul faisait marcher Diogène , pour
toute réponse, devant Zenon, qui niait le mou-
vementi »
Dictateur. Subst. m. On n'a pas occasion de
«lire diclatrice au féminin.
Diction. Subst. L Pour prendre une idée jusle
delà signification du mot diction, il ne faut pas
le confondre, comme on fait souvent, avec celui
de style: le premier a une accci)lion beaucoup
l'Ius étendue (|uc le second. Diction se dit pro-
p: emenl des qualités générales et grammaticales
du discours, c'esl-à-dire de la clarté et de la |)u-
ici.é. Elles sont indispensables dans tiuehiue
ouvrage que ce puisse être. Style, au contraire.
DLD
se dit des qualités du discours plus particu-
lières, plus difficiles et ^)lus rares, qui marquent
le génie et le talent de celui qui parle ou qui
écrit.
La diction doit être claire, parce que le pre-
mier but de la parole élanl de rendre les idées,
on doit parler non-seulement pour se faire en-
tendre, mais encore de manière ipi'on ric puisse
point ne pas être entendu. La diction doit être
pure, c'est-à-dire ne consisler (|u'en termes qui
soient corrects et en usage, placés dans leur ordre
naturel; elle doit être également dégagée de
termes nouveaux, à moins cpie la nécessité ne
les exige, et de mois vieillis ou tombés en dis-
crédit. De plus, la didion doit être élégante,
qualité^iui consiste principalement dans le choix
l'arrangement cl l'harmonie des mots.
Dictionnaire. Subst. m. On ne prononce qu'un
n. On (lit un dictiomtaiie de langue, un diction-
naire de science.
Dicton, Dictum. Subslantifsmasculins. Cesdeux
mots, bien différents quant au sens, ne doivent
élre ni prononcés, ni écrits de même. Dicton est
un proverbe ou une sentence commune qui est
dans la bouche de tout le monde. C'est aussi une
raillerie ou un mot plaisant et picjuant contre
quelqu'un. Dictum, mot emprunlé du latin, el
que l'on prononce, comme dans cette langue, en
faisant sentir le vi, est la partie de la sentence
ou de l'arrêt dans laquelle le juge parle, et qu'on
appelle le dispositif. On dit plus communément
dispositif.
Didactique. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Genre didactique, poème
didactique.
Ce mot se dit de la manière de penser ou d'é-
crire dont on fait usage pour enseigner. Le prin-
ci|)e de la plus grande liaison des idées, dit Con-
dillac, doit être considéré, danslcgenredidactique,
par rapport à la capacité de l'esprit. En effet,
moins les idées sont familières, moins l'esprit en
peut embrasser à la fois. Ce ne sera donc pas
assez de ne faire entrer dans une phrase que les
idées qui peuvent naturellement s'y construire,
il faudra encore examiner jusqu'à quel point
elles doivent être étrangères aux lecteurs. Plus
elles lui seront difficiles à saisir, moins on doh
en faire entrer dans une même plirase. En sui-
vant celte règle, on ne s'écarlera pas du principe
de la plus grande liaison, mais on l'observera
d'une maniéic plus convenable.
Le style des ouvrages didacli<pies demande
donc qu'ordinairement les [ihrases en soient
courtes. Il veut encore qu'il y ail entre elles une
gradation sensible. 11 n'aime poinl les passages
bruscjucs, à moins que les idées intermédiaires
ne se suppléent facilement ; et il rejette les tran-
sitions lorsqu'elles ne semblent faites que pour
rapprocher des choses qui ne doivent pas natu-
rellement se suivre. 11 ne connaît qu'une ma-
nière de lier les idées, c'est de les mettre chacune
a leur place. Parla il évite les longueurs el les
redites, et il atteint à la plus grande précision.
11 est vrai que celle précision présentera quel-
(piefois les choses si rapidement, (|u'elles échap-
peront aux lecteurs qui nelisenlpasavec réflexion.
Mais si l'on voulait se mettre à leur portée, on
serait diffus a l'excès, el on le serait souvent en
pure perle. Ln écrivaincjuiiend àia perfection se
conlenie d'être entendu de ceux (]ui savent lire.
Il viendra un temps où personne n'osera lui faire
le reproche d'obscurité.
Ce n'est pas assez que les pensées soient pre-
DIE
semées dans tout leur jour, il est nécessaire que
des exemples les rcnticut plus sensibles; mais il
faut qu'il n'y on ait point trop pour los lecteurs
inslrniis, cl ipi'il y en ait assez pour les autres.
Ceux «lui a la lumière joindront ragrément
seront très-propres à cet elTet; car on craimlra
moins de les prodiguer. Tout consiste à puiser
dans de bonnes sources. J'ajouterai encore que,
si un exemple est nécessaire pour faire entendre
une pensée, ce n'est pas par la pensée qu'il faut
commencer, comme on fait comnuuiémcnt ; c'est
par l'exemple.
L'instruction est sèche quand elle n'est pas
ornée. Un écrivain doit imiter la nature , «]ui
donne de l'iigrcment à tout ce qu'elle veut rendre
utile. Elle n'crit rien fait pour notre consorva-
^on si les sensations qui nous instruisent n'eus-
rent pas été agréat)les. Tracez-vous donc tuie
route à travers les plus beaux paysages ; q\ic ce
que l'arcliitcctiue, la peinture, ont de plus beau
y forme mille points de vue; en un mot, enq)i'un-
ÎC7. des arts et île la nature tout ce qui est propre
à embellir la vérité. Cependant prenez garde de
ne pas l'obscurcir; elle veut être orncc, mais elle
ne veut rien qui la cache. Le voile le plus léger
l'embarrasse.
On ne saurait trop étudier son sujet. D'abord,
il le faut dépouiller de tout ce qui lui est étran-
ger, ensuite le considérer par rai)port à la fin
qu'on se propose, et uemidoyer pour l'embellir
et pour le développer que des idées qui se lient
également a ces deux points fixes.
Dans les détails du style, il faut, parmi les
tours <iui se conforment à la pins grande liaison
des idées, choisir ceux qui expriment l'intérêt
qu'il est raisonnable de j)rendre aux vérités qu'on
enseigne. Le style serait ridicule si les expres-
sions marquaient un intérêt trop grand; Userait
froid si elles n'en marquaient aucun. Quoique le
propre du philosophe soit de voir, il n'est pas
condamné à être (jrivé de sentiment, et on s'in-
téresse peu aux matières qu'il traite, s'il ne pa-
raît pas s'y intéresser lui-même. Il observera tout
ce que nous avons dit sur les constructions et
les différentes espèces de tours, et il emploiera
les figures, moins pour donner de l'agrément à
son style, que pour répandre une plus grande
lumière.
Diérèse. Subst. f. Terme de grammaire. Voyez
Ti-éma.
Dieu. Subst. m. Quelques grammairiens pen-
sent que le pronom on ne doit pas être employé
en [Kirlant de Dieu. En effet, on vient du mot
homme, et signifie (jueliprun ou quelques-uns
d'entre les honmies : il ne peut donc être ap-
pliqué à Dieu. Ainsi, dit de Wailly, au lieu de
dire au jtigcinent dernier, on ne nous demav-
dcta-pxxs <.<: •/Ma /i.mj uv^m fuii ^ ùilM Dliil Ui.'
noîis demandera pas.
r.acinc a dit dans Phèdre (act. IV, se. vi,
30) :
La raorl est le seul dieu que j'osais implorer.
On a critique mal à propos ce vers en disant la
mort n'est point un dieu, mais une déesse. Cette
critique est absurde. Dieu est pris ici dans un
sens générique : c'est conune s'il y avait je n'o-
sais implorer d'autre dieu que la mort.
On a prétendu (lu'on ne doit jamais employer/jar
avant le nom de Dieu, et que l'on doit dire : Toutes
nos actions et toutes nos pensées seront jvpees
de Dieu à la résurrection, et non pas par Dieu.
Diï!'
217
Cette décision a sans doute pour motif d'éviter
l'équivoque avec le juron vulgaire purdieu. Ce
scrupule paraît minutieux et ne suffit pas i)our
vitilcr les régies du langage. On ne peut pas dire
l'homme a été créé de Dieu, il faut nécessaire-
ment dire pur Dieu. Voltaire a dit : f^ous dites
que ces livres sont écrits par Dieu mctne. [Diu-
Iffues.)
DiFFAMA>T, Diffamante. Adj, verbal tiré du v.
diffamer. Il ne se dit que des choses, et se mci
toujours après son subst. : Discours diffamant,
paroles diffamantes. Eu parlant des écrits, on
dit diffamatoire. Voyez cC mol.
Diffamateur. Subst. m. Qui diffame. 11 y a
aussi des fenunes (jui diffament; les appellera-t-
on des diff^u matrices? L'Académie ne dit ni oui
ni non. C'est, je crois, une licence que l'on peut
prendre sans inconvénient.
Diffamatoire. Adj. des deux genres, lise dit
particulièrement des écrits publics qui tendent a
diffamer.
Différemment. Adv. Il s'emploie absolument
ou avec la préposition de: Ils en parlent tous
deux différemment. Il a rapporté l'affaire dif-
féremment éc ce quelle s'est passée. 11 se met
toujours après le verbe.
Différend. Subst. m. Débat. Il s'écrit avec un
d final, qui le distingue de l'adjectif différent,
(\m s'écrit avec un t.
Différent, Différente. Adj. On peut le met-
tre avant son subst. surtout au pluriel : Les diffé-
rents talents, les différentes espèces. Maison dit
aus>i des talents différents, des espèces diff'é ren-
tes. (Juehiuefois il régit la préposition de : Ils sont
différents d'humeur, de langage.
Diffékf.ntiel, DiFFÉRi.MiEi-LE. Adj. dcs dcux
genres, lise met toujoiu's après son subst. :
Quantité différentielle, calcul différentiel.
Différer. V. a. et n. de la l'" conj. Dans le
sens de remettre a un autre temps, il régit la
[U-éposition de devant un infiniiir: // diffère Ad
venir. Dans le sens de n'èlie l)as de même, il ré-
git de devant les noms : // diffère de son frère,
Voltaire dit dans Brutus (act. I, se. i, 39) :
Rome sali à quel point la liberté m'ai clicre;
Mais, plein du nicine esprit, mon sentiment itifire.
La phrase grammaticale n'est pas complète. En
prose, il faudrait donner un régime à ce verbe,
et dire mon sentiment diffère du vôtre.
Difficile. Adj. des deux genres. 11 se dit quel-
quefois absolument, et (luelquefois il régit la
préposition d ou la préposition de. Quand il est
pris absolument, on peut le mettre avant son
.«ui'St., suivant l'analogie ou l'iiannonie . Une
entreprise difficile , cette difficile entreprise.
Quand il a un régime, il ne se met qu'après son
substantif.
Difficile, avec le verbe être, régit à devant les
verbes : Il est difficile à contenter; ce mot est
difficile à prononcer; mais, ipiand le verbe être
est pris impersonnellement, il faut meltrc de : Il
est difficile de bien écrire. On dit homme difficile
d vivre, c'est-à-dire avec lecpiel il est dilhcilc
de vivre.
Difficilement. Adv. Quelquefois on le met au
commencement de la phrase, mais alors i! faut
mettre le pronom sujet du verbe après son verbe,
comme dans les phrases interrogalives : Difficile^
ment irouvera-t-on des gens qui veuillent... Par
218
DIG
tout ailleurs il se met après le verbe, et jamais
nn ne le phicc entre l'auxiliaire et le participe : Il
écrit difficilement, il a pnrlr difficilement, et non
pas il u difficilement parlé.
DimciLTUEUx, DiFFicLLTtEcsF. Ad' 11 nc sc
«lit que des i)ersoni)es ou des facultés intellec-
tuelles ijiii foui partie ilos personnes : Un homme
difficiilliieii.r, un espHt difficvUueux, un carac-
tère difficiiliiieux. 11 ne se uici jzuérc ([u'aprcs
son sul)Slantif. /
DirronMi;. Adj. des deux çcnres. Il sc met or-
dinairement après son subst.; (jueliiiicfois on peut
le placer avant, connue dans celle phrase de
J.-J. Rousseau : Le difforme contiaslc de la pas-
sion qui criiit raisonner, et de l'entendement en
délire... A' oyez Adjectif.
DiKFDS, Diffuse. Adj. Il ne se met qu'après
son subst.: Un orateur diffxis, tin style diffus.
L'Ai-adoiiiie délinil ce moi : verbeux, prolixe,
trop abondant en paroles. Les mots prolixe
et diffus n'expriment point la même idée. Le dé-
faut Awprolixe consiste à dire fort longuemeni,
comme par de vaincs circonlocutions, ce qu'il
aurait fallu dire en bref. Le défaut du diffus
consiste à en dire beaucoup plus qu'il nc faudrait
par des accessoires superflus. Le diffus se ré-
pand en paroles qui délaient la pensée dans des
idées hors d'a-uvre; \c prolixe s'étend en mots
qui délaient l'expression sans aucune utilité.
])IFFusÉM^:^T. Adv. Use met après le verbe, et
jamais entre l'auxiliaire et le participe : lia parlé
diffusément, et non pas il a diffusément parlé.
Digérer. Y. a. de la l'^ conj. Dans le sens de
supporter quelque chose de fâcheux, on lui fait
quchpiefois régir que avec le subjonctif, lorsque
la phrase est néirative ou inlcrrogative ; Il ne
pouvait digérer qu'on l'obligeât à partir. Pour-
rait-il digérer qu'on l'obligeât à partir?
Digestif, Digustive. Adj. Il se met toujours
après son subst. : Remède digestif.
Digne. Adj. des deux çenres. On mouille le
gn. Quand il est sans régime, il précède toujours
son subst. Un digne inagistrat , un digne
homme, un digne sujet; et non i)as un magistrat
digne, un homme digne, un sujet digne.
Vous a-t-elle appris
De l'orgueil d'un sujet quel est le digne prix?
(Volt., Sémir., aci. II, sc. ii, 5.)
Quand digne a un régime ou un complément,
il se met après son subst. : Un magistrat digne
de louange, un homme digne de récompense, clc.
Dans les phrases négatives et iir.crrogativcs, il
régit que avec le subjonctif : Il n'était pas digne
qu'on fit quelque chose pour lui. Etes-voxis di-
gne qu'on fasse quelque chose pour vous?
Digne, dans une phrase aflirmalivc, sc dit
ègalciiicnt du bien et du mal . // est digne de ré-
compense; il est digne de punition , il e.st digne
do luépris. Mais avec une negalion ou ipielque
modilicaiif équivalent, il ne se dit que du bien :
Il n'est pas digne de récompense, il ti'est pas
digue de votre amitié, il est peu. digne de votre
estime. On ne dirait pas il n'est pas digne de
punition, il est peu digne de votre haine. Il fau-
drait dire // ne mérite pas une punition, ou
qu'on le punisse.
DiGMEJiE^T. Adv. On mouille le gn. On le met
après le temps dans les verbes simples; et dans
les temps composés, entre l'auxiliaire cl le parti-
cipe : On le récompensera dignement. Il a été
dignement récompensé. On ne le dit que du bien.
DIM
AU lieu de dire tV a été dignement puni, il faut
dire il a été puni comme il le méritait.
DicMTAiiK, DiCMTÉ. Dans CCS deux mots, on
mouille }Cj7».
DiGL'E. Subst. m. L'm nc se prononce pas; il
n'est dans ce mol que pour donner au g un son
fort, qu'il n'a pas devant \'e.
Dilapidation. Sul)St. ï. Dilapider. A', a. delà
1"" conj. L'Académie explique le premier de ces
mots par dépense excessive cl désordonnée, le
second par dépenser avec excès cl avec désordre,
(^e n'est point la l'idée ([u'ils |)résenleril. Dilapi-
der, du latin dilapidare, signilic littéralcincnt
ôler les i)icrres, démolir, disperser les pierre;
d'un èdilice. iSous nc l'employons qu'au ligure
et il nc peut s'a|)pli(iuer qu'a la dcstruolion d'um
grande fortune, d'une fortune bien fondée, biei
établie, bien solide, comme un cdilice. Celui qu
dépense les fonds avec les :"evcnus d'une bclk
fortune, dilapide. Les mauvais administrateurs
travailleul souvent à dilapider la fortune publi-
que.
DiLâYER. V. a. et n. de la 1" conj. Différer, re-
mettre à un autre temps. Il est vieux cl hors d'u-
sage. Féraud prétend qu'ilscditencore dans lesens
neutre. Il ne sc dit plus ni à l'aclif ni au neutre.
DiLECTioN. Subst. [. Meux mol conserve par
l'Académie, mais qui n'est plus usité.
Mercier donne à ce mot une acception que
l'on nc trouve point dans les dictionnaires. La
diicction, dit-il, est un amour calme, profond,
durable : Heureux celui qui trouve la diicction
dansle vif sentiment de i'a/rtoi/r.' Diicction filiale.
Ils s'enti-'aimaient d'une dilection vraiment fi-
liale. On sent que cette expression renfcrtnc
quelque chose que n'expriment point les mots
analogues; mais l'usage ne l'a point consacrée.
Dilemme. Subst. m. On ])rononce dilème.
Diligemment. Adv. Il pcul sc mcilrc entre
l'auxiliaire et le participe : Il a travaillé dili-
gemment ; il a diligemment travaillé.
Diligence. Subst. L Ce mol ne prend de plu-
riel ([ue dans le sens de poursuites, faire ses di-
ligences ; cl lorsqu'il sc dit de certaines voilu-
res publiques.
Diminutif, Diminutive. Adj. qui se prend sou-
vent substantivement. En termes de grammaire,
on le dil d'un mol qui signilic une chose plus
pcnie (]ue celle ipii est désignée par ir [iriinilif.
V;\v exemple, muisonnctte est le diminulif de
maison; monticule de rnont ou montagne ; gln-
bulc,(i>' glibc. Ce sont là des diminutifs pliysi-
quc.-<. Tels sont o\n-orc perdreau, de perdri.v ;
faisandeau , de faisan; poulet et poulette, <lc
poule. Outre ces diminutifs physiciues, il y a en-
core des diminutifs de compassion, de lendrcssc,
d'amilic, en un mol de sentiment. C'esl à l'occa-
sion de ces sentiments leudrcs (]uc nos poètes ont
fait autrefois tant de diminutifs : rossignolel,
iendrclet , agnelet , herbelle, f curette, grassetle,
etc. Le goût des diiiiinuiifs est depuis longtemps
passé parmi nous. On peut emiiloycr ceux qui
sonl autorisés par l'usage; mais il faut sc gar-
der d'en introduire de nouveaux.
Les diminulifs suiveni le genre de leurs pri-
mitifs. Maisonnette e>l du féminin, parce (jue le
primitif maison est de ce genre ; ghibulc est mas-
culin comme son primitif globe; monticule est
masculin, parce qu'il dérive île mont. Il faut ex-
cepter perdreau, qui est masculin, et dont le
primitif, perdrix, est féminin.
Diminution. Subst. L L'Académie dil sans ar-
ticle, demander diminution. Féraud observe
DIP
avec raison qu'on dit bcnucoup mieux demander
dt la dïminiiliit/i.
* DiNAToini:. Adj. des deux genres. On dil
déj'cvitcr dînatoire , \)0uv iVwd un déjeuner <jui
sei'l en même temps de diner. Féraud |)rélend que
ce mot est un terme de province. Je crois (pi'on
le dit a Paris comme ailleurs. L'Académie ne le
met point. Il est familier, et ne se met qu'après
son substantif.
^Dj.M)i;. Subst. f. Dans l'usage, on le fait tan-
tôt masculin, tantôt féminin.' On dit un dinde
pour sisnilicr le mâle, et vnc dinde pour la fe-
melle. Punie d'Inde, qu'indique l'.Académio, est
plutôt un terme d'histoire naturelle ou de basse-
cour, (]u'un mot du langage ordinaire. Quand
on dit simplement dinde, on ne met point d'a|)os-
troplie, et il prend un s nu pluriel : Les dindes.
Quand on dit poule d'/nde, coq d'Inde, on met
l'apostrophe, et le s, signe du pluriel, se met à
poule ou à coq, et non pas à Ijtde : Des iwiiles
d'hide, des coqs d'Inde.
DI^no^. Subst. m. Quand on dit vn trovpeau
de dindons, (larder les dindons, on entend jjar
là les màlcs, les femelles et les i)ctits.
Dindonneau. Subst. ni. L'Académie le définit
petit dindon ou petite dinde. Cela n'est pas exact.
Un dindonneau est un jeune dinde, ou une jeune
dinde qui n'a pas encore pris toute sa crois-
sance. Élever des dindonneaux.
DIner. V. n. de la '\" conj. Voyez Déjeuner.
DÎNr.r,. Subst. m. On prononce dîné, et beau-
coup de personnes écrivent ainsi.
DiPHTHONGDE OU DiPHTONGUE. Subsl. f. Ce inot
par lui-même est adjectif; mais dans l'usage on
le prend suhslnntivement. Une diphlhongue est
une syllabe qui fait entendre le son de deux
voyelles par une même émission de voix, mo-
difiée par le concours des mouvements simulta-
nés des organes de la parole. L'essence de la
diphlhongue consiste en deux points: 1" ([u'il
n'y ait pas, du moins sensiblement, deux mou-
vements successifs dans les organes de la pa-
role; 2' que l'oreille sente distinctement ces deux
voyelles par la même émission de voix. Quand
on prononce Diev, j'entends Vi et la voyelle eu,
et ces deux sons se trouvent réunis en une seule
syllabe et énoncés en un seul temps. Celte réu-
nion, qui est l'effet d'une seule émission de voix,
fait la diphthongue. Ainsi ieu est une diphthon-
gue. L'oreille seule est juge de la diphthongue;
on a beau écrire deux, ou trois, ou t]uatre voyelles
de suite, si l'oreille n'entend (jti'un son, il n'y a
point de diphlhongue. Parexemple, an, ai, aient,
prononcés à la française, ne sont point des dii)h-
thongues.
Cette différence entre l'orthographe et la pro-
nonciation, dit Dumarsais, a donne lieu à nos
grammairiens de diviser les diphthongucs en
vraies ou propres, et en fausses ou improjires. Ils
appellent aussi les premières, diphthongucs de
l'oreille, et les autres, diphthongucs aux yeux.
Ainsi, œ et œ, qui ne se prononcent pîus au-
jourd'hui que conune un e, ne sont diphthongucs
qu'aux yeux; c'est improprement qu'on les aj)-
pellc diphthongucs. iS'os voyelles sont a, é, è,
e, i, 0, n, eu, e muet, ou. Nous avons encore nos
voyelles nasales an, en, in, on, vn. C'est la
combinaison ou l'union de deux de ces voyelles
en une seule syllabe, en un seul temps, qui fait
la diphthongue. Nos grammairiens ne sont pas
d'accord sur le nombre de nos diphlhongues.
Voici celles qui ont été indiquées par les plus cé-
lèbres d'entre eux.
DIP
2f9
-«, ler qu'on l'entend dans l'interjection de
douleiu' ou d'exclamation aie, et (]uaiid l'« entre
en conqjosilion dans la même syllabe avec le
mouillé fort, comme dans mail, bail, de l'ail
attirail, éventail, portail, -OH {]n"\\ est suivi diJ
mouillé faible, comme dans Blaye, ville, les ilcs
Lucaies.
Eau. Fléau est de deux syllabes; Sceau et
eau se prononcent comme un\» long, et alon>
leur ensemble n'est qu'une diphthongue ocu-
laire, ou une sorte de demi-diphlliongue.
Ei. Nous ne prononçons guère celte diphthon-
gue que dans des mots étrangers, bei ou bcy, dei
ou dey ; ou avec le n nasal, comme dans teindre,
Heims, ville. Selon quel(|ues grammairiens, on
entend en ces mots un i très-f;rible, ou un son
particulier qui tient de Vc et de Vi. Il cri est de
même devant le son mouille, <iaiis les mots so-
leil, conseil, sommeil, etc. .Mais selon d'autres,
il n'y a dans ces derniers que \'e suivi du son
mouilh', conse-il, sovxvie-il, et de même avec les
voyelles a, eu, en. Ainsi, selon ces grammairiens,
diins œ/Z, qu'on prononce ei/i'Z, il n'y a (pie e»/.
suivi du son mouillé, ce «lui parait jilus exact.
Comme dans la prononciation du son mouillé,
les organes commencent d'abord par être disposés
comme si l'on allait prononcer i, il semble (pi'il y
aitz; mais on n'entend que le son mouillé, qui
dans le mouillé fort est une consonne. Mais à
l'égard du mouillé faible, c'est un son mitoyen
qui parait tenir delà voyelle et de la consonne,
comme dans moyen, puyen. Dans ces mots, yen
est un son bien différent de celui qu'on entend
dansj/tien, bien, rien.
lu. Diacre, diamant, fiacre, viande, négo-
ciant, etc.
lé. Pied, amitié, pitié, premier, dernier, etc.
lè. f^olière, niais, biais, que l'on prononce
niés, biès, fier, tiers, miel, fiel, etc.
Icn. Bien, mien, tien, lien, comédien, etc.
Dans ces mots la diphthongue a le son qui ap-
proche de l'c fermé; et dans patient, inconvé-
jiient, elle a le son à'ian.
Ieu, Dieu, lieu, deux, mieux, etc.
lo. Fiole, carriole, viole, surtout en prose.
Ion. Pion, action, que nous aimions. Ion est
souvent de deux syllabes en vers.
lou. Cette diphthongue n'est d'usage que dans
nos provinces méridionales, ou dans des mots
(pli en viennent: Montesquiou, chiourme, Oliou-
les, ville.
Ya, yan, ye, ye, etc. Duclos ne veut pas qu'il
y ait de diphlhongue dans ayant ; mais Dumar-
sais, et plusieurs autres grammairiens distingués,
mènent au rang des diphthongiies les sons com-
posés de Vi grec et de la voyelle sui\anle, dans
les mots où celte lettre tient lieu de deux i.
Ainsi ils reconnaissent une diphthongue dans les
mots ayant, voyant, payant, employer, que l'on
[iroiioncc ai-iant , roi-iaîit, pai-iant , emploi—
ier.
Oi. La prononciation naturelle de cette diph-
lhongue est de faire entendre Vo cl l'i. C'est ainsi
(ju'on prononce coininuiiémentroi-yè-/e, moi-yen,
loi'yal, roi-yati-me; qu'on écrit voyelle, moyen,
loyal, royaume.
Les autres manières de prononcer la dijihthon-
gue oi ne peuvent pas se faire entendre exacte-
ment par écrit. Cependant ce <pic nous allons
observer pourra n'éire pas inutile pour plusieurs
de nos lecteurs.
11 y a des mots où oi est presque toujours
changé en oe, d'autres où oi se change en oa.
S2&
DIR
d'autres enfin où il se change en oua; mais il ne
foui jKis |iertlre de vue que, hors les mots où l'un
entend \'o cl Vi, il n'est pas possible de rcpio-
senlei- bien exaclenient par écrit les diffOrcnles
prononciations de celte dipblhongue.
Ot prononcé par oe, où Ve a un son ouvert «[ui
approtlic de l'a, foi, loi, froid, soit, toit, i/ioi, à
foison, quoi, coiffe, oiseau, joie, doigt, abois, il
doit, etc.
Ot prononcé jiar na, mois, pois, noix, trois,
Troie, ville; prononcez inoa,poa, etc.
Oi prononcé jiar oua, lois.
Dans les mois où oi est suivi d'un e muel final,
il paraît rendre un son un peu plus ouvert (pie
quand ii n'en est pas suivi. La prononciation de
soie, voie, n'esl pas la même ijuc celle de soi, toi.
Oiii. Sii/i, Lin, besoin, foin, joindre, moins.
On doit plulôl prononcer en ces mots une sorlc
d'e nasal après l'o, (juc de prononcer outn.
Ainsi prononcez soein plulôl que souin.
Oua écrit par va, éqnateur, êcjuatinn, aqua-
tique , quinquagésime ; prononcez équiniateur,
éqiiovatinn, aqvouatiqve, quinqxiouugésime .
Oc. Pi ële, poëine, poétique. Ces mots sont plus
ordinaiicmenl de trois syllabes en vers; dans la
liberté de la conversation, on prononce jdo<? comme
dipblhongue.
Ouan. Rouen, ville. Diphlhongue en prose.
Oue. Ouest.
Oui. Oui, Louis. Le dernier est de deux syl-
labes en veis.
Ovin. , Baragouin, babouin.
Uc, Ecuelle, casuel, équestre, ruelle, truelle.
Ui. Lui, bruit, fruit, étui, huit, luire, je suis,
suisse.
Uin. Juin, quinquagésime, Quintilien.
On ne parle pas ici de Cuen, Laon, paon,
Jean, parce <ju"on n'entend aujourd'hui qu'une
voyelle nasale en ces niols-là; on prononce Can,
Lan, pan, Jan.
Il faut oiiservo»' (|u'il y a des combinaisons de
voyelles qui sont diphlhongucs en prose cl dans
la conversation, et que nos poètes font de deux
syllabes.
Cette lîère raison dont on fait tant de bruit,
Contre les passions n'est pas un sAr remède.
(DEsnocLiÉRES, lus Moulons, idylle, 17.)
La plupart des mois en ion et ions sont diph-
thongues en prose. (Extrait de Dumarsais.)
Diue. y. a. et irrégulier de la 4" conj. 11 se
conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Présent. Je dis, tu dis, il dit; nous
disons, vous dites, ils disent. — Imparfait. Je
disais, tu disais, il disait; nous disions, vous di-
siez, ils disaient. — Passé simple. Je dis, tu dis,
il dit; nous dîmes, vous dîles, ils dirent. — Fu-
tur. Je dirai, tu diras, il dira; nous dirons, vous
direz, ils diront.
Condilionnel. — Présent. Je dirais, lu dirais, il
dirait; nous dirions, vous diriez, ils diraient.
Impératif. — Présent. Dis, qu'il dise, disons,
dites, qu'ils disent.
Subjonclif. — Présent. Que je dise, que lu di-
ses, qu'il dise; que nous disions, que vous disiez,
qu'ils disent. — Imparfait. Que je disse, tpio tu
disses, qu'il dit; que nous dissions, (jue vous dis-
siez, qu'ils dissent.
Participe. — Présent. Disant. — /'aw*.'. Dit, dite.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
Dire du bien, du mal de quelqu'un ; — dire des
DIS
iti jures, des duretés; — dire ses prières, sa I»-
çon, Cic ; — dire la inesse ; — dire à quelqu'un du
bien de quelqu'un.
Lorsiju'il y a une phrase su'nordoiméc au
verlie dire, le verbe de celle phrase est mis à
l'indicatif si la première est aflinualive : On du
que vous l'avez trompé; il est mis au subjonct-'
si la première phrase esi négative : Je ne dispx^
que vous l'ayez trompé. 11 en est de méu)e si h
plirase est interrogalive : Ai-je dit que vous
l'ayez trompé'^
L'Académie donne comme une locution fami-
lière, on dirait d'un fou, d'un homme ivre. On
dirait, vous diriez, se disent (pielciuefois pour il
semble, même dans le style noble. On dirait çue
le livre des décrets ait été ouvert à ce prophète.
(Bossuel, Disc, sur l'hist univers., II'' part.,
chap. x,p.223.)
On eût dit que du haut de son Louvre falal,
Mcdicis à la France eût donné le signal.
(Volt., Henr., II, 351.)
Là TOUS diriez que Mars a concentré sa rage.
(Delil., Énéid., II, 586.)
11 faut observer qu'en ce sens, plusieurs auteurs
mènent le second verbe au subjonclif. — Il est tou-
jours à l'indicatif dans les exemples de l'Acadé-
mie : On dirait à l'entendre ([u'il peut tout faire.
On eut dil qu'il était mort.
Dir.ECT, Directe. Adj. On prononce le t final.
Il se met toujours après son subsl. : Ligne di-
recte,rayon direct, mouvement direct.
Dip.ECTEMEM. Adv. Dans le sens de droit, tout
droit, en ligne droite, il se met entre l'auxiliaire
et le parlici|)e : Les deux pôles sont directement
opposés. Figurément, dans le sens dernièrement,
il se place de même ; Ces deux hmnmes sont di-
rectement opposés, leurs caractères sont directe-
juent opposés.
Figurément, dans le sens de sans entremise, il
se met après le verbe, ou enlre l'auxiliaire et le
participe : // s'est adressé directement au roi. Il
s'est directement adressé au roi.
Directeur. Subsl. m. En parlant d'une femme,
on dil directrice.
Direction. Subsl. f. Il n'a de pluriel qu'en
I)arlanl de certains emplois, ou du mouvement de
quelqu'un ou de quehpie chose dans un certain
sens : Il y a deux directions vacantes. On en-
voya des échiireurs dans toutes les directions.
Diriger. V. a. de la 1"" conj. Dans ce verbe, le
g doit toujours avoir la prononciation du j ; et
pour lui conserver celle prononciation lorsiiu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o :je dirigeais, je dirigeai, et
non pas je dirigais,je dirigai.
Dis. Particule piéposilivc, qui se met au com-
mencement de certains mois, et qui a le plus sou-
vent un sens négatif, comme dans discordance,
disgrâce, disproportion, disparité. (Juclquefois
elle marque disparité. Disputer [disputare] signi-
fie \\\.\C'n\(imc\\\. diversa pulare, ce (]ui csl l'ori-
gine des disputes; disposer, placer les diverses
parties, elc. Dans diffamer, difficile, difforme, le
s final de la particule dis est changé en f i\ cause
du f initial des mots simples, et elle a un sens
négatif.
Discerner. V. a. de la 1" conj. L'Académie
donne pour exemples : Discerner le flatteur d'a-
vec l'ami, le bondu mauvais, le vrai du faus, le
bien d'avec le mal. Racine a dil dans Esther
(act. m, se. VI, 6) :
DIS
On Terra i'intoeent discerné du coupable.
Mais s'il faut dire discerner une chose d'une au-
tre ou d'avec une autre, on peut donc le blâmer
d'avoir dit (jPhèd., acl. V, se. m, 17) :
Discernez-vous si mal le crime el l'innocence?
Je crois qu'on peut le dire. Discerner l'innocent
du coupable, c'est, en les comparant l'un avec
l'autre, distinguer celui qui est innocent de celui
ou d'avec celui i\u\ est coupable. Mais discerner
le crime et l'innocence OU discerner l'innocent et
le coupable, c'est, entre plusieurs choses, discer-
ner ce qui est crime et ce qui est iiuiOLcnco ; en-
tre plusieurs personnes, ceux qui sont innocents
et ceux qui sont coupables. La première action
tombe sur la comparaison; la seconde sur la chose
ou la personne niénie.
Disciple. Subsi. m. Selon l'Académie, c'est ce-
lui qui aiiprcnd d'un maitre (juclque science ou
quelc|ue art libéral Cette déliniiion est faulive.
Celui qui appicnd d'un peintre la peinture, qui
est un art libéral, n'est pas le disciple, mais l'é-
lève de ce peintre. Le lerrae de disciple ne suj)-
pose pas qu'on appienne d'un maîlre, mais seule-
ment des adhésions au.x sentiments d'un mailre,
sans rien inditiuer de la manière dont on en a
pris connaissance.
DisciPLiNABLE. Adj. des deux genres. Il se met
après son subst. : Un animal disciplinable .
DiscoMiNUER. V. a. de la 1" conj. Disconti-
nuer un ouvrage. Avant un verbe, il régit la pié-
posilion de: lia discontinué de travailler. Il se
dit aussi absolument : La pluie a discontinué. Il
ne faut pas confondre ce terme avec cesser et
finir. On finit en achevant l'entreprise, on cesse
en l'abanaonnant, ou discontinue en l'interrom-
pant.
Disco.NVENANCE. Subst. f. Terme de grammaire.
On le dit dos mots qui composent les divers mem-
bres d"\me période, lorsqu'ils ne conviennent
pas entre eux , parce qu'ils sont construits
contre l'analogie, ou parce qu'ils rassemblcnWes
idées disparates entre lesquelles l'esprit aperçoit
de roj)position, ou ne voit aucun rapport. Dans
celle période : Notre réputation ne dépend pas
des louanges qu' on nous donne, viais des actions
louables que nous faisons ; \\ y a disconvenance
entre les deux membres, en ce que le premier
présente d'abord un sens négatif, ne dépend pas ;
et que dans le second, on sous-entend le même
verbe dans un sens affirmaliL II y a disconve-
nance entre les membres d'une phrase quand le
premier membre étant alfirmatir, on le joint au
second par la conjonction ni. Nous défendons
que vous insultiez un malhcureu.T, ni que vous
lui refusiez votre assistance; il fallait etque,cic.
La même disconvenance a lieu quand dans une
phrase le premier membre étant négatif, on le
joint au second membre par la conjonction et.
Ainsi, il ne faut pas dire il n'a jamais connu l'a-
mitié el ses douceurs; mais, il n'a jamais connu
Vamilié ni ses d luceurs.
Nos grammairiens soutiennent que , lorsque
dans le premier membre d'une période on a ex-
primé un adjectif auquel on a donné ou le genre
masculin ou le genre féminin, on ne doit pas, dans
le second membre, sous-entendre cet adjectif en
un autre genre, comme dans ce vers de Racine
{Britann., act. I, se. i, J20) :
Si réponse est dictée, et même son silence.
DIS
221
Les oreilles et les imaginations délicates veulent
qu'en ces occasions l'ellipse soit précisément du
même mot au même genre; autrement. e serait un
mot dilferenl. Les adjectifs (pii ont la même ter-
minaison au masculin el au féminin, m^o, ^J/e
volage, ne sont pas exposés à cette disconvènance!
Voici une disconvenance de lein|)s. Il regarde
voire malheur comme une punition du peu de
complaisance que vous avez eu pour lui, dans le
temps qu'il vous pHa, etc. Il fallait diic que
vous eûtes pour lui dans le temps qu'il vous pria.
Une disconvenance bien sensible est celle qui
se trouve assez souvent dans les mots d'une mé-
taphore. Les expiessions inétaphoriq\ies doivent
être liées entre elles de la même manière cju'elles
le seraient dans le .sens propre. On a reproché à
Malherbe d'avoir dit (liv. II, ode pour le roi, 2):
Prends ta foudre, Louis, et va comme un lion.
Il fallait dire comme Jupiter; il y a disconve-
nance entre foudre el lion.
Dans les premières éditions du Cid, Chimène
disait (act. 111, se. iv, 133) :
Malgré des feux si beaux qui rompent ma colère.
Feux et rompre ne vont point ensemble. C'est
une disconvenance, comme l'Académie l'a re-
mar.jué. Ecorce se dit fort bien, dans un sens
mélai)horique, pour les dehors, l'apparence des
choses; ainsi l'on dit que les ignorants s'arrêtent
à l'écorce, i\n'ils s'amusent à l'écorce (ies verbes
Conviennent fort bien avec écorce i)ris au pro-
pre; maison ne dit pas au propre fondre l'é-
corce. Fondre se dit de la glace ou du métal.
Fondre l'écorce est donc une expression trop
hardie dans ces vers de Rousseau ( ode YIII ,
liv. m, 3) :
Et les jeunes zéphyrs par leurs cliaudes haleines
Ont fondu l'écorce des eaux.
On doit encore éviter les disconvenances dans
le style, comme lorsque, traitant un sujet grave,
on se sert de termes bas, ou qui ne conviennent
qu'au slyle simple. 11 y a aussi des disconve-
nances dans les pensées.
Après avoir extrait ces remarques de Dumar-
sais et de quelques autres grammairiens, qu'il
me soit permis d'observer, au sujet des adjectifs,
qu'une disconvenance grammaticale n'est pas
toujours une disconvenance poétique. Il est cer-
tain (^ue dans
Sa réponse est dictée et même son silence,
(Rac, Britan., act. I, se. I, 120.)
il semble que c'es\. dictée qui est sous-entendu;
et dictée ne peut se rapporter à silence, qui est
du masculin. Mais si l'on y fait bien attention,
ce n'est pas dictée qui est sous-enlendu ; c'est est
dicté; son 5i7e/ice amène celle ellqise, el la rend
nécessaire et naturelle. C'est comme s'il y avait sa
réponse est dictée, et même son silence est dicte.
11 en est de même des disconvcnances que les
Erammairiens trouvent quelquefois dans des phra-
ses où un verbe au siiiiiulier dans un membre
est sous-enlendu au i)luricl dans le mendîie sui-
vant. Ces disconvcnances i)envcnt paraître des
négligences en prose; mais souvent en vers elles
sont des beautés; ou pluiôl si l'on analyse bien
les idées, on trouvera <iu'il n'y a pas toujours des
222
DIS
disconvcnaneesdans des phrases où le froid gram-
mairien croil en apercevoir.
Disconvenir. V. n. delà 2* conj. Il se conju-
gue avec l'auxiliaire être. Disconvenir <Vune
chose, disconvenir d'«ro/r dit, d'avoir fuit une
chose, l.orstiuc le verbe disconvenir csl em-
ployé avec une négative, et qu'il est suivi de la
conjonction qve, le verbe de la phrase subordon-
née doit aussi prendre ne. f^ous ne sauriez dis-
convenir qu'il ne vous ait parlé. Cet exemple
est tiré de l'Académie; mais elle dit aussi vous
ne sauriez disconvenir qu'il vous a parlé; cl
c'est une faute, comme l'a irés-bien observé
Féraud.
DiscoRD. Subsl. m. L'Académie dit qu'il
vieillit. 11 ne se souffre pas même en vers. Cor-
neille a dit dans les Horaces (acl. III, se. ii, 50) :
Puisque cliacun, Jit-il, s'édiaufTe en ce discord;
et Voltaire remarque à ce sujet qu'ew ce discord
ne se dit plus, mais qu'il est à reercller.
Roubaud regrette aussi ce mot. Voici com-
ment il s'exprime à ce sujet. « Malherbe, et
plusieurs autres poètes avant et ai)rès lui ,
ont dit discord pour discorde, ainsi que ^'auçe-
las et d'autres grammairiens l'ont observé. Pour-
quoi ne serail-il pas permis de dire discord ou
discorde, comnie on dit Zéphyr ou Zéphi/re?
Nous avons laissé perdre discord. Marmonlel le
regrette dans son discours sur V autorité de l'u-
saç/e; un orateur moderne l'a hasardé dans l'éloge
funèbre d'un grand iirince : La lutte et le dis-
cord des pouvoirs était extrême. Faudrait-il le
réhabiliter? Oui, sans doute, s'il est utile, et s'il
n'est pas purement et simplement le mot de dis-
corde tronqué et sans idée particulière. — I.e
discord est à la discorde ce qu'est \'accord à la
foncorde. Discord n'est donc jjas moins utile
qu'«ccor(i; et le discord diffère de la discorde
comme l'accord de la concorde. Le discord romjil
Vaccord et l'harmonie des cœurs, des volontés,
des sentiments, etc. La discorde détruit la con-
corde ou le concert et l'accord parfait et soutenu
de tous les cœurs, de toutes les volontés, de tous
les sentiments, etc.
Discordant, Discordante. Adj. verbal tiré du
V. discorder. Il se met après son subsl. : Ton
discordant, voix discordante, humeurs discor-
dantes.
Discorde. Subsl. f. Voyez Discord,
DiscouHEUR. Subsl. m. En parlant d'une femme
on dit discoureuse.
Discourir. V. n. cl irrég. de la 2* conj. Il se
conjugue comme courir, et régit de ou sur.
Discourir sur quelque chose, c'est en parler avec
ordre, avec méthode; en parler à fond. Discou-
rir de quelque chose, c'est en parler sans appro-
fondir la matière. — L'Académie admet les deux
prépositions dans le même sens ; Sncrate passa le
dernier jour de .in vie d discourir de l'iinmor-
talitéde l'âme, sur l'immortalité de l'âme.
DiscoDRs. Subsl. m. Corneille a dit dans les
Horaces (acl. II, se. v, 45) :
Qae les pleurs d'une unanle ont de puissants dùcours .'
Voltaire a dit au sujet de ce vers ; Remar-
quez qu'on peut dire le langage des pleurs,
comme on dit le langage des yeux. Pour<]uoi?
Parce (|ue les regards et les pleurs expriment le
sentiment; mais on ne peut dire le discours
des pieu )s, parce que le mot discours tient au
DIS
raisonnement. Les plturs n'ont point de discours;
et de 1)1 us, avoir des discours est un barbarisme.
{^Remarques sur Curneillle.)
Discocr.Tois, Discourtoise. Adj. Il est vieux
ainsi (}ue discourtoisie.
Discrédité, Discréditée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Papier discrédité, actions
discréditées, c'est-à-dire qui ne sont plus en
crédit.
Discret , Discrète. Adj. Il ne se met guère
(qu'après son subst. : Un homme discret, une
femme discrète.
Discrètement. Adv. Il se met après le verbe :
Il s'est conduit discrètement, et non pas il s'est
disci ntement conduit.
Disert, Diserte. Adj. Il se met après son
subsl. : Un homme disert. 11 se dit des personnes
et des choses : Un discours disert, un homme
disert. La définition de l'Académie ne oonne
pas une idée juste de la signilication de ce mol;
c'est, dit-elle, celui ou celle qui parle aisément,
et avec quelque élégance. Le discuurs disert est
non-seulement Incile et élégant, mais aussi clair,
I)ur, el uiôme brillant. Il diffère du discours
éloquent en ce qu'A est faible et sans feu, et
que le discours éloquent est vif, animé, persuasif,
loucliani; qu'il émeut, qu'il élève l'âme et la
nKiiirisc. Celle différence peut s'ap[iliquer a
l'homme disert et a Vhoinme cloquent.
DisERTEMENT. Adv. Il sc met après le verbe:
n a parlé disertement.
DisETTEPx, Disettedse. Adj. L'Académie dit
qu'il a vieilli. Deux auteurs modernes l'ont em-
ployé assez heureusement : La classe laborieuse
et disetteuse (Linguel.) La vie dure et diset-
teuse des sauvages. (Raynal.)
Disgrâce. Subst. f. L'Académie donne à ce
mot une signiûcalion qui n'est point autorisée par
l'usage. Elle prétend que disgi-dce s'emploie pour
siguilier mauvaise grâce dans le mainlien, la
démarche, la manière de parler; et elle donne
pour exemple : Cette femme est jolie, mais elle
a de la disgrâce dans la taille i cette actrice est
pleine de disgrâce.
Les lexicographes instruits sc sont bien g;irdés
de copier cet article de l'Académie, ou bien ils
en ont indiqué la fausseté. On dit bien qu'une
personne est disgraciée de la nature, ou qu'elle
a qucUiue chose de disgracieux dans la taille ,
dans le maintien, dans la démarche, dans la ma-
nière de parler; mais on ne dit pas en ce
sens ([u'c^c a de lu disgrâce dans la taille, OU
qu'elle est pleine de disgrâce. — Ou ne dit pas
non plus dans le même sens, comme le dit l'A-
«•iidéiiiie, cet homme met de la disgrâce jusque
dans le bien qu'il fait.
Disgracieux, Disgracieuse. Adj. Il se met
ordinairement après son subst. Cependant on
pourrait dire u?t disgracieux événement , une
disgracieuse rencontre. Voyez Disgrâce.
DisjONCTiF, DisjONCTivE. Adj. Tcruie de gram-
maire. 11 n'est d'usage qu'au féminin. On le dit
de certaines conjonctions qui d'abord rassemblent
les parties d'un discours, pour les faire consi-
dérer ensuite séparément. Ou, ni, soit, sont des
conjonctions disjonctives. Ce mol s'emploie aussi
substantivement, une disjonttive.
On demande si lorsqu'il y a plusieurs substan-
tifs sé|)arés jiar une disjonciive, le verbe qui se
rapporte à ces substantifs doit être au singulier
ou au pluriel; faut-il dire, on la force ou la dou-
ceur le feront, OU le fera'? Vaugelas dit qu'il
DIS
feut dire le fera; Paliu soutient qu'on dit égale-
ment bien le fera et le feront. 1,'usage s'esf dé-
claré pour Vaugelas. \'oyez Accord , Adver-
satif.
DisPAiîAÎTr.E. V. n. de la 4' conj. Ce verlie
prend l'auxiliaire avoir ou l'auxiliaire être. On
peut le considérer tantôt comme ex[irimant une
action, laniôt comme exprimant un état résul-
tant d'une action. Quand je A\slcjour covimencc
à disparaître, j'exprime cvidemnienl le com-
mencement d'une action; et (juand je dis le
jour a disparu, j'exprime cette action comme
entièrement laite. Mais faisant abstraction de
l'action, je puis considérer le jour comme ne [la-
raissanl plus, par suite de l'action d'avoir dis-
paru ; alors j'exprime un état, cl je dis le jour
esi disparu ; .l.-J. Rousseau a dit: C'est uinsi
que la modestie naturelle au sexe est disparue
peii à peu H aurait dû dire a disparu; peu ù peu
indique une action qui se fait successivement.
Dubos a mieux dit : Les graiids auteurs étaient
disparus depuis longtemps.
Disparition. Subst. f. Quelques auteurs ont
écrit disparution, probablement parce qu'en
termes de palais on dit comparution. On ne trouve
plus aujourd'hui que disparition dans le Dic-
tionnaire de V Académie et dans les bons auteurs.
Dispendieux, Dispendiedse. Adj. Il ne se dit
que des choses, et se met ordinairement après
son subst. : Une entreprise dispendieuse , vn
luxe dispendieux.
DispENsvïKun. Subst. m. Qui dispense, qui
distribue. Il se dit (luebjuefois absolument : Un
bon dispensateur; et (|uelquefois aussi il a pour
complément un substantif avec lequel il est lié
par la préposition de : Il est le dispensateur des
grâces du prince, ^'oltaire a dit les disjiensa-
teurs de l'immortalité :
Prince, ne crois donc poin) que ces liommes vulgaires
Qui prodifiient aux grands des écrits inerceaiires,
Imposant par leurs vers à la postérité,
Soient les dispensateurs de l'immortalité.
[Épitrc XII, 67.)
En parlant d'une femme, on dit dispensatrice.
Dispos. Adj. Il n'a pas de féminin, et ne se dit
proprement ipie des hommes.
Disposer. V. a. et n. de la 1" conj. Disposer,
actif dans le sens d'arranger, prend le régime di-
rect : On dispose une maison, un jardin, des
appartements. Disposer, dans !e sens de prépa-
rer et applitjué aux personnes, régit la préposi-
tion à devant les noms et les verbes : On l'a
disposé à l'obéissance ; on l'a disposé à partir.
.1 le cherclier (Dieu) la peur nous dispose et nous aide.
iBoiL., Épitre XU, 35.)
On dit dans le même sens, se disposer à, être dis-
pose a. Disposer, neutre dans le sens de faire ce
qu'on veut de quelqu'un ou de quelque chose,
régit la pn-position de : Il a disposé de ses en-
fants, il a disposé de sonbien.
Disposition. Subst. f. Terme de littérature.
Partie de la rhétorique qui consiste à placer et
ranger a vei' oidre et justesse les différentes parties
d'undi.NCours.
Disputant. Part, actif du v. disputer. Voltaire
eu a fait un substantif :
Je distinguai toujours de la religion
Les malheurs qu'apporta la superstition. . .
J'ai dit aux dicputantt, l'un sur l'autre acharnés :
Cessez, impertinents; ceiseï, infortunés.
DIS
223
Très-soli enfants de Dieu, chérissei-vous en frères,
Et ne vous mordei point pour d'absurdes cliimérec.
Dispute. Subst. f. L'Académie explique ce mol
par débat, contestation. La dispute cA une con-
versation entre deux iiorsonncsà l'occasion d'une
chose sur laquelle ils sont d'avis diffcrcnl. Le
débat est une conversation tumultueuse entre
plusieurs persoimes. La contestation caI une dis-
pute entre plusieurs persoimes considorahles sur
un objet important, ou entre deux particuliers
pour une affaire judiciaire.
Disputer. V. a. de la i'" conj. Il prend lepro-
n»iu personnel dans le sons i.\c préte7idre concur-
remment à, et alors il est suivi d'un régime di-
rect : Plusieurs villes se disputent l'honneur
d'arnir donné le jour à Homère. (Barlliél.,.^yia-
charsis, Introduct., t. I, p. 54.) Mais lors<pi'il
est employé dans un sens absolu, indépendant, et
(ju'il signilic être en débat, en contestation, c'csi.
un gasconisme «lue d'en faire usage avec le pro-
nom personnel; alors, au lieu de dire ils se
sont longtemps disputés, dites ii/.s ont longtemps
disputé, ils disputent perpétuellement. (Acad.)
{Grammaire des Grammaires, p. 1120.)
Dispdtedr Subst m. Qui aime à disputer, à
conlredirc : Grand dispu leur, ardent disputeur,
disputeur opiniâtre. (Acad.) Montesquieu lui
donne une signification plus étendue : Ceux
dont je viens de te parler disputent en langue
vulgaire ; et il faut les distinguer d'une autre
sorte de dispuieurs qui se servent d'une langue
barbare qui sernble ajouter quelque chose d
la fureur et à l'opiniâtreté des combattants.
(xXxvi"^ lettre persane.)
J.-J. Rousseau l'a employé adjectivement : A
force de disputer contre l'Eglise romaine, le
clergé protestant prit P esprit disputeur et poin-
tilleux.
Voltaire a dit adjectivement, disputeuse. On
se querellait depuis longtemps sur la Trinité,
lorsque Arius se mêla de la querelle dans la dis-
[tuleuse ville d'Alexandrie.
Dissertateur. Subst. m. Voltaire a employé
le mot dissertcuse ; il a écrit à madame du Dcf-
fand ; Ne craignez point de faire la disser-
teuse, ne craignez point de joindre aux grâces
de votre personne la force de votre esprit...
[Corresp.) Disserieuse est pris dans un autre
senstiue dissertateur ou dissertutrice.
Dissertation. Subst. f. Ouvrage sur (juclquc
point particulier d'une science ou d'un art. La
dissertation est ordinairement moins longue «lue
le traité. D'ailleurs, le traité renl'erme toutes les
questions générales et pariiculières de son objet;
au lieu que la dissertation n'eu comprend que
quehiucs questions générales ou particulières.
Ainsi un Iraité d'arithméti(]ue est composé do
tout ce qui appartient a l'arilhinétiiiue; \hk dis-
sertation sur l'arillimélique n'envisage l'art de
compter (jue sous quelques-unes de ses faces gé-
nérales ou particulière.^. Si l'on compose sur une
matière autant de dissertations qu'il y a de diffé-
rents points de vue piincipaux sous Icstjuels l'es-
prit peut la considérer; si chacune de ces disser-
tations est d'une étendue proportionnée a son ob-
jet particulier, et si elles sont toutes ciichainécs
par quelque ordre méthodique, on aura un traité
com|)let de celte matière.
*Disseetecse. Subst. f Voyez Dissertateur.
Dissimulé, Dissimulée. Adj. Il ne se met (ju'a-
prés son subst. : Un homme dissimule, un es-
prit dissimulé, un caractère dissimulé.
224
DIS
DissiMULi.R. V. a. de la 1" conj. Voltaire a
dil dissimuler avec quelqu'un.
Hors dix ou doute amis, à qui je puij parler,
Avec toute la cour je Tais dissimuler.
(Indiêcr., se. II, 3.)
11 est usité avec ce régime : Ce n'est pas
avec vous que je voudrais dissimuler.
Se dissimuler. Ce verbe, employé «Jans une
l»li!'ase négative ou inlerroaalive avec le vcrhc
p-iuvoir, legil le subjonctif précédé de 71e : Si
cette femme était jolie autrefois, on ne peut se
dissimuler qu'elle ne soit aujourd'hvibien laide.
Mais dissimuler sans le pronom, (|iioi(iuc dans le
sens négatif, semi>le exiger l'indicatif : Je ne dis-
simule pus r/i,c je n\n pas toujours élit de cet
avts. Au conliMirc, d.ins le sens afliniKilif, il lé-
gil le subjonciif, ce qui e>t l'opposé de plusieurs
verbes : Il dissimula qu'il eût eu part à cette ac-
tion. La raison en est tpjc dissimuler iwrlo avec
lui le sens négatif. Dissimuler, c'est ne pas inon-
Irer, nejias faire paraître, de sorte que quand il
est joint avec une négative, le sens devient aflir-
malil : Ne pouvoir dissimuler, c'est être obligé
de monirer, de faire, de dire; au contraire,
quand dissimuler est sans négative, c'est alors
«lue le sens est vraiment négatif, et que le sub-
jonctif est dans l'analogie et dans le génie delà
langua (Férauo.^
Dissipateur. Su *, m. II ne se dit que des per-
sonnes. En parlant ^ ne femme, on dit dissipa-
trice. L Académie n'ii. -"ue pas la véritable sisni-
licalion de ce mot. I.e a -ipateur el laprodïnue
dépensent beaucoup; ma. 'es dépenses du pre-
mier sont lolles et extra vag. «s, les dépenses du
second ne sont qu'inutiles.
Dissipation. Subst. f. II se û lans les mêmes
sens (|ue dissiper, excepté dans . 'yi de disper-
ser, écarter, etc. On dit la dissipât. \ des biens ,
des finances ; vivre dans la dissipati \i ; mais on
ne dit pas la dis.sipation des brouillards, des nua-
ges, etc.; la dissipation d'une armée. 11 se dit
au pluriel dans le premier sens : Il s'est ruiné
par ses dissipations. Dans le second sens, on ne
le dit qu'au singulier: /^it-re dans la dissipation,
et non pas dans les dissipations.
Dissiper. V. a. delà l'M'onj. Dissiper, ac-
tjl, a ordinairement des personnes pour sujet : //
dissipe son bien.
Des trésors de la France ils dissipaient les restes.
(Volt., Henr., UI, 60:')
Se dissiper, réfléchi, n'a pour sujet que des
R.';çine a employé l'actif dans une occasion où
il fallait le réfléclii ( Plaideurs, act. L se v
25):
Elle voit diisiper sa jeunesse en regrets,
Mon amour en fumée, et son bien en procès.
Il fallait se dissiper.
Dissoi-u, Dissolue. Adj. Il ne se dit que des
mœurs, surtout relativement à rincontincn.e et
se met ajirésson subst. : Un homme dissolu, une
femme dissolue, des mœurs dissolues, une vie
dissolue (Jueliiuefois il régit dans : Etre dis-
solu (i,\i)fi ses mœurs, dansées discours.
Dissoluble. Adj. des deux genres, (^ui peut
être dissous. II se met après son subst. : jMétal
dissoluble, substance dissoluble.
Dissolument. Adv. II se met aurcs le verbe :
DIS
// a toujours vécu dissolument, el non pas il a
toujours dissolument vécu. Il est peu usité
Dissoldtio.n. Subst. f. Il se prend dans Icscns
de dissous et de dissolu : La dissolution des mé-
taux, lu dissolution d'un mariage, la dissolu
lion des mœurs. Dans ce dernier sens, il a un
pluriel : Etre plongé dans toutes sortes de disso-
lutions. (Acad.)
Dissolvant, Dissolvante. Adj. verbal tiré du
v._ dissoudre. Il se met après son subst. : ..Jcide
dissolvant, qualité dissolvante.
DissONA.NT. Dissonante. Adj. 11 se met après
son subst. : f^oix dissonante, instrument disso-
nant.
Dissoudre. V. a. et irrégnlier de la -i» coiij.
Il se conjugue comme absoudre. Voyez ce mot
L'eau dissout le sucre, le sel. — Dissoudre
une société. Dissoudre vu mariage. — Le fer se
dissout dans l'eau forte.— Une société se dissout
DissuADEii. V.a. de la l"^conj. Il ré-it de de-
vant les noms et devant les verbes : Dissuader
que/qu'un (l'une entreprise. Je l'ai dissuadé de
faire cette entreprise.
Dissyllabe. Adj. m. Il se dit d'un mot qui n'a
que deux syllabes, f^er-lu est di.ssyllabe. Ce mot
gg 1 : ,..1 ... J
d
c prend aussi subslantiveincnl : Les dixujUulet
'oivent être mêlés avec d'autres mots. Ln mot est
A[>\K\(i monosyllabe quand il n'a ([u'une syllabe'
dissyllabe, quand il en a deux; trisyllabe]
quand il en a trois; mais après ce nombre les
mots sont dits polysyllabes, c'est-a-dirc de plu-
sieurs syllabes.
Distance. Subst. f. La distance des lieux,
la distance ù'une chose à une autre. Lu distance
entre une chose et une autre. Lu distance de-
puis uhe chose jusqu'à une autre.
Distant, Distante. Adj. qui se met après son
subst. Il ne se dit point au liiruré : Deux villes
sont distantes l'une de l'autre; deux épnqucssont
distantes l'une de l'autre; mais on ne dit pas
qu'un homme est distant d'un autre homme, pour
sigiiilicr (ju'il a un mérite bien suiiéricur ou bien
intérieur.
Distillateur. Subst. 111 On ne jtrononcc qu'un
/. On ne trouve point d'exeini)le de distilla trice
au féminin. Mais si l'occasion s'en présentait iê
pense qu'on iiourrajt le dire.
Distinct, Distincte. Adj. II s'emploie sans ré-
gime, et se met après smi subst. : Deux choses
distinctes, un son distinct, une voix distincte
Distinctement. Adv. Clairement, nelleinent H
se met apris le verbe : Il a parlé- dislinctemcrl,
et non pas il a distinctement parlé.
DiSTiNCTiF, Distinctive. Adj. Il se met 3|)ics
son subst. : Caractère dislinclif, marque dis-
tinctive.
Distinction. Subst. f. La distinction d'une
chose et d'une autre. Distinction d'une chose
d'avec une autre. Distinction entre une chose cl
une autre.
Distinguer. V. a. delà l^conj. Distinguer la
fausse monnaie d'avec la i(;/(«e. (Acad.) Distin-
guer une chose d'une autre.
Yoiii, je crois, la dirCércnce entre distinguer
de et distinguer d'avec. Distinr/ucr une chose
d'une autre, c'est saisir les nuances (pi'il y a en-
tre les qualités analogues des di-ux choses: Il
faut distinguer la bienfaisance de la charité, la
piété lie la dévotion. Distinguer une chn.se d'avec
une autre, c'est démêler, enliedeux choses qui
paraissent semblable.^ le> (pialiiés réelles qui les
rendent dilTcreiUcs. Distinguer vn honnête
homme d'avec un hypocrite, c'(;st saisir la diffé-
DIV
rence qu'il y a entre les qualités qui, quoique
dissemblables, ont des apparences qui pourraient
les faire confondre. Cette explication s'accorde
avec les exemples donnés par l'Académie, et
avec ceux que l'on trouve dans les bons auteurs.
Dans le premier sens, disiiitç/iions la sensation
du senti'ueiil [Bnnon);dà\\A le second, distinguer
fa fausse monnaie d'avec la bonne (Acad.) ; dis-
tinguer l'ami d'avec le flatteur (Acad.). On n'a
<]u'à lire Virgile ou Racine, on distinguera ai-
si'ment le gt'nie qui les élève d'avec le talent qui
les soutient, et qui ne les quitte jamais. (Mar-
niontcl, Eléments de litt., article Génie.) Ils ne
peuvent plus distinguer un .tcntimenl d'avec un
sentiment. (Montesquieu, Temple de Gnide, IV.)
Distinguer de su()pose des nuances; distinguer
d'avec suppose des différences. — L'Académie,
dans sa dernière édition, semble admettre indis-
tinctement les doux réginies , car après avoir
donné pour exemple : Distinguer l'ami d'avec le
flatteur, elle met : Je sais vous distinguer de lui,
sans indiquer aucune différence entre ces deux
manières de s'exprimer.
DiSTR.unE. V. a. et irrégulier de la 4' conj. Il
se conjugue comme traire. Voyez ce mot. — 11
s'emploie souvent avec le pronom personnel.
C'est là que, solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
(Rac, Britan., ad. II, se. il, 27.)
Distrait, Distraite. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme distrait, une femme
distraite, un esprit distrait.
DisTRiBOTECR. Subst. m. Distributeur de grâ-
ces, de récompenses. En parlant d'une femme, on
dit distributrice. Féraud trouve ce dernier très-
dur. 11 ne l'est pas plus que beaucoup d'autres.
DiSTRiBDTiF , DisTRiBDTivE. Adj. Di parlant
des choses, qui distribue : Justice distributive.
En termes de grammaire, on dit sens distri-
butif, par opposition à sens collectif. Distributif
vient de distribuere, distribuer; collectif vient
de colligere , recueillir, assembler. Saint Pierre
était apôtre ; apôtre est là dans le sens distributif,
c'est-a-dire que saint Pierre était l'un des apô-
tres.
Il y a des pro[)ositions qui passent pour vraies
dans'le sens collectif, c'est-à-dire quand on parle
en général de toute une espèce, et qui seraient
très-fausses si l'on en faisait l'application à cha-
que individu de l'espèce, ce qui serait le sens
distributif. Par exemitle, on dit des habitants de
certaines provinces qu'ils sont vifs, emportés, ou
<iu'ils ont tel ou tel défaut; ce qui est vrai en gé-
néral, et faux dans le sens distributif; car on y
trouve des particuliers qui sont exempts de ces
défauts, et doués des vertus contraires. (Dumar-
sais.) Voyez Sens.
DisTr.iBLTi\EME>T. Adv. Dans le sens distribu-
tif. Cela est faux distributivement.
District. Subst. m. On ne prononce point le /.
Dit. Subst. m. Le t ne se prononce pas.
Diurétique. Adj. des deux genres ([ui se met
après son subst. : Remède diurétique.
Divan. Subst. m. L'Académie dit qu'on ap-
pelle ainsi dans le Levant le conseil du Grand
Seigneur. L'Académie s'est trompée : c'est en
France, et non dans le Levant, que l'on donne ce
nom au conseil du Grand Turc.
Divers, Diverse Adj. 11 se met très-souvent
avant son subst. : Ils sont de divers sentiments,
^opinions diverses, divers tempéraments, di-
DIV
225
verses propositions. On le met toujours au plu-
riel ; car lorsqu'il y a diversité, il y a nécessaire-
ment deux objets au moins.
La lettre s est muette dans le mot divers, ex-
cepté lorsqu'elle est suivie d'un mot qui com-
mence par une voyelle ou un h muet. On pro-
nonce diver-zavis, diver-zagréments, et non j:
diver avis, diver agréments.
Diverse.me.nt. .4dv. Il se met ordinairement
après le verbe: On en a parlé diversement. On
peut expliquer cela diver.'icment.
Divertir. V. a. de la 2'' conj. L'Académie dit
que se divertir vé^ii la préposition à; Les jeu-
nes gens se divertissent à jouer à la paume ; ces
messieurs voulaient se divertir à mes dépens;
divertissez-vous à quelque chose. Maisclh; ne dit
pas qu'il régit aussi la préposition de en parlant des
choses : Je me suis diverti de tout ce qu'il m'a
dit.
Divertissant, Divertissante. Adj. Il se met
toujours après son subst. : Un homme divertis-
sant, un spectacle divertissant, une humeur di-
vertissante.
Divin, Divine. Adj. 11 peut se mettre avant
son subst. lorsque l'harmonie et l'analogie le per-
mettent. On dit providence divine, et divine pro-
vidence; oracles divins, et divitis oracles; ma-
jesté divine, et divine majesté ; appas divins, t?l
divins appas. Mais on ne dit pas divin homme,
divin service, divin office, etc. A'oycz Adjectif.
Cet adjectif, exprimant une qualité absolue,
n'est pas susceptible de comparaison, soit en plus
soit en moins, et on ne peut l'employer avec les
mois plus , extrêmement, infiniment, moins,
aussi, autant, si, combien. C'est donc avec rai-
son qu'on acriliquece vers de Boileau(//. P., L,
161) :
Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin.
On peut être divin, mais on ne peut pas élrt
plus ou moins divin. Voyez Absolu.
Divinement. Adv. 11 peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Les prophètes ont été
divinement iiispirés. Il a travaillé divinement
bien, ou il a divinement bien travaillé.
Diviser. V. a. de la l'« conj. Lors(iu'on dit
rfiVwcreH, les substantifs qui suivent doivent être
employés sans article : Le poëme dramatique se
divise en tragédie et en comédie, et non pas e
la tragédie et en la comédie.
Divisé, Divisée. Part, cl adj. Voltaire a dite?»
visé d'intérêt.
Vos yeux ne verront plus tous ces chefs ennemis
Divisés d'intérêt, et pour le crime unis.
(4fïr.,act. I, se. i, 7.)
Divisible. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subst. : Matière divisible. Quantité
divisible.
Division. Voyez Tiret.
Divorce. Subst. m.
Ils ont asseï longtemps joui de nos dtvorcM.
(CoRW., Wor., act. I, se. iv, 65 )
Ce mot de divorce, dit Voltaire, s'il ne signifiait
que des querelles, serait impropre; mais il dénote
des querelles de deux peuples unis, et par-là il
est juste, nouveau ci cxcelïcnl. [Remarques sur
Corneille.)
Divorcer. Mot nouveau que l'usage a adopte :
Les deux époux sont divorcés. Divorcé , é,vor-
15
226
DOC
cée, atlj., est. dit l'aVibé Féraud, un mot forgé
par Voltaire : Les deux époux sont réellement
diviircés, c'est nn vrai barbarisme. — Ce mot est
nouvcUcinent introduit en France, mais il n'est
pas novivcau dans la langue. Dans tous les pays
protestants où l'on parle français, on s'en est tou-
jours servi, et il n'était guère possible de s'en
{«sscr. Ainsi, quoi (pi'en dise l'abbé Féraud, A'ol-
taire n'a point forgC* oe mot, et ce n'est point un
barbarisme. — Lorsqu'on veut exprimer l'action
et non l'étal, on emploie l'auxiliaire avoir •' Ils
ont divorcé, elle a divorcé d'avec lui. (Acad.)
DivcLGiF-r.. ^'. a. de la 1" conj. L'i/ de ffuer
ne se fait pas sentir; il n'est mis là que pour
donner au ff un son plus fort, qu'il n'a pas de-
vant Ve. Il ne se dit que des choses : Divulçuer
nne nouvelle, un secret.
Dis. Adj. numéral des deux genres. Devant
une consonne ou un h aspiré, le x ne se pro-
nonce pas : dix soldats, dix héros. Devant une
voyelle ou un h non aspiré, ou lorsque dix
n'est qu'une partie élémentaire d'un nombre nu-
méral composé, et se trouve suivi d'une autre
partie de même nature, on prononce lex comme
un z; di-zamis , di-zhnnmcs , dix-huit, dix-
neiivicmc. Quand il est final, ou suivi d'un
repos, il se prononce foriemeni comme un s ini-
tial : Nous sommes dix, ils étaient dix lien bu-
vants et bien mangeants, le dix du mois, le dix
février. Dans ces deux derniers exemples, le repos
est l'caucoup moins marqué que dans les autres,
mais il existe cependant; car le mot dix, qui dé-
signe ici le quantième du mois, ne peut se joindre
immédiatement à un nom auquel il ne se rapporte
pas. Cela suffit pour conserver au x sa pronon-
ciation forte. — Quand dix est joint à un autre
nom de nombre, on mot un tiret entre deux : dix-
sept, dix-huit, quatre-vingt-dix ; mais on n'en
met [K)int à cent dix, mille dix, etc. Dans ces
composés, le s de dix se prononce comme un s
devant une consonne, et comme un z devant une
voyelle ou un h non aspiré : Dix-sept, dix-
huit, etc.
Dixième. Adj. On prononce disième. Il se met
avant son subst. : Le dixième jour, la dixième
fois. — On dit cependant chapitre dixième, arti-
cle dixième.
DixiÈMEMENT. Adv. Ou prononcc dizièmement.
Dizain, Dizaine. Substantifs, l'un féminin,
laiitre masculin. Autrefois on écrivait dixain,
dixaine; aujourd'hui on n'écrit plus ces mots
qu'avec un s.
Docile. Adj. des deux genres. En prose, il se
met après son subst. : Un enfant docile, va na-
turel docile, un esprit docile. Il est quelquefois
suivi d'un complément, et prend alors la prépo-
sition à : Docile aux leçons de son maître.
Il Fallut qu'au travail son cOrps rendu docile
Forçai la Icrrc avare à dexenir fertile.
(BoiL., Épttrelll, 65.)
On ne dit pas docile à vne personne.
En vers et dans le discours soutenu, il se met
souvent avant son subst. :
Amener du sommet d'un rocher sonrcilleux
Un docile ruissean
(Dblil., Géorg., I, 131.)
Vous aurez soos tos lois an docile troupeau.
AGILEMENT. Adv. Il pcul sc mfiBSrc entre
l'auxiliaire et le participe : Il a écouté docilem:nt
DOL
mes leçons, ou il a docilement écouté mes U-çohm.
Docte. Adj. des deux genres. H se met
ordinairemeut avant son .subst. : Le docte Sau-
maise. Les doctes veilles, vne docte disserta-
tion, un docte discours :
Seu1.< dans leurs doetea vert ils pourront tous apprendre
Par quel art, sans bassesse ,nn auteur peut descendre.
(BoiL., A. P., H, 29.)
Cependant on ne dit pas un docte Jwmme, un
docte livra. Voyez /adjectif.
Autrefois on disait souvent docte au lieu de
sarajil. Aujourd'hui on préfère le second; et si
quelquefois on dit docte, c'est une manière d'i-
ronie.
Doctement. Adv. Il peut se mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il a traité doctement cette
matière, ou il a doctement traité cette matière.
Docteur. Subst. m. On ne dit pas vne femme
docteur, jiarce que les femmes ne sont pas pro-
mues au doctorat. Mais J.-J. Rousseau a dit en
jilaisantant, doctoresse : Ce motif, qui n'agit que
sur les âmes vraiment aimantes, est mil pour
tous nos docteurs et doctoresses.
Doctoral, Doctov.ale. Adj. Use met ordinai-
rement après son subst.: Bobe doctorale, bonne*
doctoral, ton doctoral, marque doctorale.
DocTHiNAL, Doctrinale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un avis doctrinal, un ju-
gement doctrinal. Trévoux dit des jugements
doctrinaux, et l'Académie de 1S35 des avis
doctrinaux.
Doctrine. Subst. f. Doctrine, surtout lorsqu'il
est suivi de la préposition de, ne se met point au
pluriel : La doctrine d'un auteur, la doctrine
d'vn concile. — Ce mot ne se met au pluriel que
lorsqu'on parle de systèmes din'crents les uns des
autres. Ainsi l'on dit la doctrine du concile de
yVeiite, quoique ce concile ait étaiili plusieurs
jioinis de doctrine; mais on dit comparer entre
elles les doctrines des anciens, pour dire les dif-
férents systèmes des anciens.
Dodu, Dodue. Adj. Il se met toujours après
son subst. : Un homme dodu, une femme dodue,
des pigeons dodus.
DoGJiATiQUE. Adj. des deux genres. Il se met
après son subst. : Terme dogmatique, style dog-
luatique.
Dogmatiquement. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a traité cette ques-
tion dogmatiquement, ou il a dogmatiquement
traité cette question.
Dogme. Subst. m. Féraud remarque que quand
on dit le dogme tout seul et sans addition, on l'en-
tend toujours de la religion : Ces matières con-
cernent le dogme, et non la di-icipline.
Doigt. Subst. m. On ne prononce point le g.
On dit le doigt de Dieu, pour signifier les carac-
tères qui indiquent le dessein particulier de Dieu
dans certains événements.
Je vois le doigt de Dieu marqué dans nos mallieurs.
(Volt., AU., act. V, sc. vu, 64.)
Doigter. V. n. Doigtier. Subst. m. Dans ces
deux mots on ne prononce point le g.
Doléances. Subst. f. Vieux mot (jui n'est plus
usité qu'au palais, et ne sc dit qu'au pluriel.
Dans le discours familier, il se dit quel(|ucfois
en plaisanterie : Il nous conte sans cesse des do-
léances.
Dolemment. Adv. Il se met après le verbe : il
parlait dolemment, il avait parlé dolemment.
DOM
DoLEKT, Doi.r.NTF,. Adj. Il se dit des personnes
et des choses «jui y ont rapport : Un homme do-
lent, une famille dolente, vn visage dolent, ■un-
ton dolent. En prose, il se met après son subst. ;
les poêles le font quelquefois précéder :
Que ma fille
Va ranimer ta dolente famille!
(VotT., Enf. prod., ad. I, se. I, 3.)
Domanial, Domaniale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. On dit domaniaux au pluriel
masculin : Les biens domaniaux.
DoMESTiQUK. Adj. des deux genres. 11 se met
toujours après son subst. : Affaires domestiques.
Soins domestiques. Animal domestique.
DoiiESTiQLEMEM. Adv. Il sc met après le verbe ;
R vit domesiiqucment avec nous. Ce mot est peu
usité.
Domicile. Subst. m. Le dimiicile, dit Beauzée,
ajoute à l'idée d'habitation celle d'un rapport à
la société civile et au gouvernement; do là vient
que ce terme n'est guère usité que dans le style
de pratique.
Do»iiN.4NT , Dominante. Adj. verbal tiré du
verbe dominer. Il ne se dit point des personnes,
et se met toujours après son subst. : Goût domi-
nant, passion dom.inante. — Idée dominante.
Féraud critique avec raison le mot dominant
dans cette phrase de Bossuet : Ces institutions
étaient propres, de leur nature, à former un
peuple invincible et dominant; il fallait dire do-
minateur.
Dominateur. Subst. m. Il l'ait au féminin tfo-
minalrice : Elle voyait, pour ainsi dire, les on-
des se courber sous elle, et soumettre toutes leurs
vagues à la dominatrice des mers. ( Bossuet,
Oraison fun. de la reine d'Anglet., p. 39.)
Du cfïur humain, sombres dominati ioes,
C'est vous, surtout, fougueuses passions,
Dont les folles émotions
Des plus chers entretiens nous gâtent les délices.
(Dblil., Convers., II, 761.)
Il s'emploie adjectivement : Un peuple doniina-
lem' peut s'affranchir de tout impôt, parce qu'il
règne sur des natioiis sujettes. (Montesquieu,
Esprit des Lois, liv. Xllî, chap. xii.)
Un jour doit s'élever des cendres de Pergamc
Un peuple de sa ville orgueilleux destructeur
Et du nonde conquis vaste dominateur.
(DEtiL., Énéid., I, 34.)
On peut dire aussi nation dominatrice.
Dommage. Subst. m. C'est dommage, suivi (|c
que, exige le subjonctif : C'est dommage quil
ait clé gâté ; c'est dommage qu'il nuit pas réussi.
— Dans les phrases proverbiales, restes du vieux
langage, ou pas était haititiiellement retranché,
on le retranche encore aiijourd'iiui : C'est dom-
mage qu'il ne fosse cela, c'est dommage quil ne
se joue à moi. Voyez Détriment.
Dom.mageable. Adj. des deux genres. L'Acadé-
mie ne le met que suivi de la préposition à ; et,
par conséquent, il doit toujours suivre son subst. :
Une entreprise dommageable au public. Celte
démarche lui a été dommageable.
DoMPT.vBLE. Adj. des 'ieux genres. On ne fait
plus sentir le j) dans la ^/rononciation, et on pro-
nonce le m comme jn n. Il se met aprcs son
subst. : Animal domptable, cheval domptable.
VOY. Dompter.
Dompter. Y. a. de la 1" conj. On ne fait point
DON
227
sentir le p, et on prononce le vi comme un n,
donier. Delille l'a dit des métaux (Enéide, YU,
871) :
Cinq cités à la fois, sous les pesants marteaux,
l''oat retentir l'enclume et domptsnt les métaux.
Féraud prétend que l'on prononce le p dans le
discours soutenu. Rien ne serait plus dur que
la prononciation de ce p dans un vers. Qu'on es-
saie de le faire sentir dans les vers suivants, et
l'on s'en convaincra :
Pardonnez-moi, grands dieux, ce souvenir funeste :
D'un feu que j'ai dompté, c'est le malheureux reste.
(Volt., OEd., act. II, sc il, 33.)
Dompteur Subst. m. On prononce donteur.
Il est peu usité, et ne sc niel qu'avec un com-
plément : Le dompteur des monstres, le domp-
teur des nations. Il n'a point de féminin.
Don. Subst. m. L'Académie l'explicpie par
présent et gratification. Cela ne donne point une
idée exacte du don. Le don est l'action de donner
graïuilemcnt, ou la ciiose gratuitcineni donnée,
par opposition à ce ([u'oii donne pour prix, pour
salaire, jiour acquit, à titre onéieux. Le prei-en/
est ce que l'on présente en main, ce qu'on donne
delà mainàlainain. On \,i\\. présent d'un écrin
de diamants; on fait don d'une terre, d'une
maison. Le don a pour but particulier l'avantage
de celui à qui on le fait; on fait |)lutôt don de
choses utiles. Le. présent est plutôt offert par le
désir de plaire; on fuit plulôtpreW/tf de choses
agréables. Yoilà pourquoi on dit plulôt les don*
de Cérés et les présents de Flore. (Roubaud.) —
On dit avoir le don de plaire à tout le monde; on
dit aussi absolument en ce sens, le don de plaire :
Cet heureux don de plaire,
Qui mieux que la vertu sait régner sur les cœurs.
(Volt., aenr., HI, 68.)
Donatecr. Subst. m. En parlant d'une femme
on dit donatrice.
Donc. Conjonction. Le c se prononce comme
un k lorsque donc commence la jihrase ou qu'il
est suivi d'une voyelle : f^otre maître vous aime,
donk vous devez l'aimer; votre frère est don-
kurrivé. Mais devant une consonne, lorsqu'il est
dans le cours de la phrase, il ne se prononce pas :
Foire père est don sorti. (Wailly.)
Donc se met à la tête de la phrase ou après le
verbe, ou entre l'auxiliaire et le participe : Je
pense, donc j'existe ; vous avez fait une faute,
il faut donc h réparer. Il se plaint, nn l'a donc
maltraité'^
Malherbe commence ainsi une de ses ode
(liv. II, Ode pour le roi allant châtier la rébel-
lion des Jîochellois) :
Donc un nouveau labeur i tes armes s'apprôle.
Voltaire n'approuvait pas un tel emploi du
mot donc. Voici ce qu'il dit au sujet du vers
suivant de Corneille [Rodog., act. I, sc. ii, 'J2) :
Donc, pour moins hasarder, j'aime mieux moins prélomlre.
Donc ne doit jamais entrer dans un vers, encore
moins le coinmencei-. Quoi donc se dit très-bien,
parce que la syllabe ^mm adoucit la dureté de la
syllabe donc.
Racine a dit (Androm., act. II, sc. ii, 83) :
Je suis donc un témoin de leur peu de puissance.
228
DON
Mais remarquez que ce mol tsl glissé dans le
vers, et que sa rudesse csl adoucie par la voyelle
qui le suit. [Remarques sur Cornenle.)
Do.NNA>T, Do^^A^TE. Adj. verhal tire du v.
dimncr. Il ne se dit qu'avec la iicgalivc, et se
met toujours a|>rés son subst. : Il n'est pas don-
nant, elle n'est pus donnante.
Donner. V. a. de lai" conj. Z)i)n7icr, dans le
sens de faire don, diffère de présenter cl d'offrir.
Il marque plus particulièrement l'acte de la vo-
lonté qui transporte la propriété de la chose.
Présenter désigne proprement l'action extérieure
de la main ou du geste, pour livrer la chose
dont on veut transporter la propriété ou l'usage.
Offrir exprime particulièrement le mouvement
du coeur (jui tend à ce transport. (Girard.) 11 y
a plusieurs substantifs qui ne prennent point l'ar-
ticle lorstju'ils sont régimes directs de ce verbe:
Donner avis, assurance, assignation, attention,
audience ; donner conseil, caution, chasse, car-
rière, cours ; donner heure, jour ; donner parole ,
part, prise ; donner quittance, raison, rendez-
vous, tort, etc. 11 y en a d'autres qui prennent
l'article dans le même cas : Donner le branle,
donner un bon tour à une affaire, doniier un
démenti, dionner l'absolution . la bénédiction,
l'exclusion ; donjier des louanges, des preitves,
des ?nai'qves, des conseils, des avis. Donner
la loi, donner le ton, Vexemple. Donner la
chasse, la main, le bonjour, le bon s/dr, etc.
Donner, devant un inlinitif, régit la préposition
à : Donner à manger, à boire ; doiiner à penser,
à songer, à discourir, à parler, à entendre, à
connaître, à deviner.
Je te donne à combattre un tiomme à redouler.
(Corn., Cid, ad. I, se. viu, 16.)
11 s'unit dans plusieurs expressions avec la pré-
position dans : Donner dans le piège, dans le
panneau; donner dans les bâtiments, dans les
tableaux, etc.
Donner se dit pour communiquer :
Les Espagnols enfin t'ont donne leur fureur.
(Volt., 4!ï., act. V, se. v, 8.)
Donneur. Subst. m. En parlant d'une feinmc
on dit donneuse.
Dont. Adj. conjonctif des deux genres et des
deux nombres. Lorsque le conjonctif est le terme
d'un rapport qu'on pourrait exprimer par la pré-
position de, dont s'emploie en parlant des choses
et des personnes : Alexandre, dont vous lisez
l'histoire, les hommes dont vous craigniez la mé-
chanceté, les biens dont vous jouissez.
Malgré cette explication, qui est de Condillac,
Féraud s'exprime ainsi à ce sujet : ^ 11 y a long-
temps qu'on a dit que dont ne se dit que des
f choses, et que pour les personnes il faut dire
de qui. On a repris Malherbe d'avoir dit (liv. \\,
Vers funèbres sur la mort de Henri le Grand,
53):
Pour moi, dont la faiblesse à l'orage succombe.
On a observé qu'il fallait dire de qui. Cependant
on manque tous les jours aux régies qu'on sait
le mieux; et M. d'Alembert a fait une faute en
disant : Ils se rappelleront celui dont ils les
' tiennent. M. Linguet a relevé cette faute. »
Opposons à Féra-jd et à I.inguel, Vaugelas, qui
approuve cette façon de parler et dit. L'homme
donl^'at épousé la fille, dont je vous ai pai'lé ;
DOR
Thomas Corneille, qui dit : C'est un homme dont
le mérite égale la naissance ; d'Alembert, qui a
dit : Ils se rappelleront celui dont ils les tien-
nent ; et l'Académie, qui dit: Dieu, dont nous
admirons les œuvres, les héros dont il tire so»
origine; et concluons que rfoH< se dit égalemeiu
des personnes et des choses.
On peut quelquefois, en parlant des choses,
employer duquel ou de laquelle au lieu de dont,
mais ce derLer est toujouis préférable. On dira
mieux : Cn arbre dont le fruit est excellent,
qu'un arbre duquel le fruit est excellent.
Lor.squ'aprés le sujet auquel si: rajjporle le
conjonctif il se trouve une prciiusilion, on ne
peut se servir de dont; on emploie dans ce cas
duquel ou desquels : L'homme à la réputation
duquel vous voulez nuire ; et non pas dont vous
voulez nuire.
Dont ne doit pas cire éloigné du nom auquel
il se rapporte.
Dont ne doit pas être régi par des prépositions.
On ne dit point la ville dont je suis près, dont
je suis loin ; mais la ville près de laquelle, loin de
laquelle je suis. La raison de cela, c'est que les
prépositions ne doivent pas être mises après leur
complément.
Quoiqu'on dise tomber d'un rang, on ne doit
pas dire le rang dont ils sont tombés, mais d'oii
ils sont tombés. L'on dit aussi la maison d'où je
sors, le lieu d'où je viens. Cependant, quand
7nawon signifie race, il faut dire dont: La mai-
son dont il sort est illustre. {\a\iQchs, Thomas
Corneille.)
On voit par-là qu'il faut employer (Toà quand
il est question d'un lieu que l'on quitte; mais,
quand il n'est pas question de lieu, on peut em-
ployer do?it. On dit très-bien la maison dont j'ot
fait l'acquision, quoique maison ne signifie point
ici race.
On a reproché à Boileau d'avoir dit (^a^ IX, 1):
C'est à vous, mon esprit, à qui je veui parler;
parce que l'usage ne permet pas de donner à un
verbe actif deux" régimes indirects. Par la môme
raison on ne peut pas dire, comme Molière dans
les Amants magnifiques (act. 11, sc. ni), ce n'est
pas i\(t \o\M, madame, ào\\\. ilest avioureux; ni
comme Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV,
ce fut de lui et de lui seul dont /e tins, etc. II
fallait dire ce n'est pas de vous qu'il est OTnou-
reux, ce fut de lui que je tins, etc.
Dont régit le subjonctif quand il est précédé
d'une phrase interrogative ou qui m;irque un
doute, un désir, une condition : Pensez-vous que
le jeu soit une passion dont on doive redouter les
suites 9
Voltaire a dit dans Sémiramis (act. III, se. ii,
43):
Quel pouvoir a brisé l'étemelle barrière
Dont le ciel sépara l'enfer et la lumière?
La Harpe dit à ce sujet : Proprement, dont si-
gnifie de qui, duquel, et non par qui, par lequel.
Mais en poésie, l'exemple des meilleurs écrivains,
et l'avantage de la précision, quand elle ne nuit
pointa la clarté, autorisent l'une et l'autre ac-
ception. [Cours de littér.)
Dorénavant. Adv. 11 peut se mettre avant ou
après le verbe : Dorénavant je serai plus exact.
Je serai dorénavant plus exact, je serai plus
exact dorénavant. 11 se met aussi entre l'auxiliaire
et le participe : Je serai dorénavant intimidé en
DOS
le voyant paraître. Copondant il vaut mieux dire
dorénavant je serai intimidé.
DoRMAM, Dormante. Adj. verbal tiré du v.
dormir. 11 ne se dit qu'au fiçurc; et cii i)rose
il suit ordinairement son subsl. : Eaxi dormante,
châssis dormant, pont dormant. Delillc a dit en
vers {Géorff. 1, 139) :
TantAt son bras actif, desséchant les marais.
De leurs dormantes eaui délivre les guérels.
Féraud prétend qu'on ne dit pas un homme
dormant, parce que cet adjectif verbal ne se dit
qu'au figuré. Mais cela n'empêche pas que dor-
mant, participe actif, ne puisse se dire. C'est
donc à tort (ju'il a critiqué cette phrase de Fé-
nelon : Tel qu'un homme dormant, qui, dans un
songe affreux, ouvre la bouche, et fait des efforts
pourparler. [Télém.)On dirait dans le même sens
une femme dormant d'uii profond sommeil. Fé-
raud a confondu l'adjectif verbal avec le participe
présent.
Dormir. V. n. et irrég. de la 2''conj. 11 se con-
jugue comme sentir. Voyez Irrégulier.
Féraud, en observant que les poètes font dor-
mir les choses inanimées, se joint à l'auteur de
YAnnée littéraire pour tourner en ridic\iie
Koucher, ijui fait dormir les vents et les airs.
Cependant il convient que, dans ce vers de Ra-
cine {Iphig., act. I, se. 1, 9) :
Mais tout dort, et l'armée, et les venta, el Neptune,
et dans cet autre de La Fontaine (liv. III, fable m,
14):
Guillot, le vrai Guillol, étendu sur l'herbette.
Dormait alors profondément.
Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette,
cette expression est employée avec beaucoup
d'adresse, de délicatesse et d'art. Pourquoi se
moquer dans Roucher de ce qu'on loue dans Ra-
cine el dans La Fontaine? Dclille aurait mérité
de même l'adnimadvcrsion de Féraud el des au-
teurs de V Année littéraire, car il a dit:
DOU
22U
Triste divinité.
Permeltei qu'un mortel de vos rives funèbres
Trouble le long silence cl les vusles ténèbres
Et sonde, d^ns se.4 vers noblement indiscrets,
L'abime impénétrable où dorment vos secrets.
{ÉnHd., VI, 347.)
Tout à coup l'air se tait, le vent meurt, le flot dort.
{Idem, VU, 31).
A ses pieds le flot dort dans un calme profond.
{Idem, I, 228.)
DoBHiR. Subst. m. qui a été employé par
quelques auteurs. La Fontaine dit que le finan-
cier se plaignait
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
(Liv. VIU, fab. n, 11.)
Wailly observe que ce substantif ne s'unit
point à des adjectifs, et qu'il n'a point de plu-
riel. On ne dit point un grand dormir, de grands
dormirs.
Dos. Subst. m. Le s ne se prononce que de-
vant une voyelle, et alors il a le son du z. Ce
mot s'emploie figurémcnl dans le stvie noble.
Racine a dit [Phcd., act. V, se. vi, 26) :
Cependant sur le dos de la plaine liquide ;
Et Delille (Énéid., VIII, 301) :
Sur le dos hérissé de cet antre sauvage.
Un roc, séjour chéri des oiseaux de carnage.
En pyramide aiguë allongé vers les cieui,
Cacliait dans le nuage un front audacieux.
Dot. Subst. f. Le t se prononce au singulier
et au pluriel.
Dotal, Dotale. Adj. Il fait au pluriel dotaux :
Des Liens dotaux.
DouDLE. Adj. des deux genres. Il se met, selon
les cas, avant ou après son subst. : Double louis,
fête double, acte double. Voyez Adjectif. En
grammaire, on appelle double sens, une phrase
qui a deux signilications.
Doublement. Adv. 11 se met après le verlMî
ou entre l'auxiliaire et le participe: // est dorf
blême nt coupable, il a été doublement puni.
Douceâtre. Adj. des deux genres. On pro-
nonce dovcdtre. 11 se met après son subst. : fin
goût douceâtre, une eau douceâtre.
Doucement. Adv. Il se met après le verbe :
Marcher douceinent, parler doucement; il a
marché doucement.
Doucereux, Doucereuse. Adj. Il se dit des
personnes et des choses, et se prend toujours en
mauvaise part : f^in doucereux, liqueur douce-
reuse ;homme doucereux, 'tiiine doucereuse. On
peut le mettre avant son subst. lorscpie l'analogie
et l'harmonie le permettent : Cette doucereuse
humeur.
Douceur. Subst. f. Il ne s'emploie au pluriel
que dans le sens figuré : Les douceurs de la so-
ciété, la solitude a ses douceurs, conter des dou-
ceurs.
Douillet, Douillette. Adj. Il se met après
son subst. : Un homme douillet, une femme
douillette.
Douillettement. Adv. Il se met après le verbe,
ou entre l'auxiliaire et le participe: Il était cou-
ché douillettement sur un lit, ou il était douil-
lettement couché sur un lit.
Douleur. Subst. f. Féraud prétend que dou-
leur ne se dit guère au pluriel, et que l'Acadé-
mie n'en met point d'exemples. C'est une double
erreur; l'Académie dit les douleurs de la goutte,
de l'enfantement, et l'on emploie fréciueininent
ce mot au pluriel, tant en prose (ju'en vers :
Soit qne dans ces moments où je l'ai rencontrée.
Mon âme tout entière à son bonheur livrée,
Oxl'liant ses douleurs, et chassant tout effroi.
(Volt., Uahom., act. III, se. i, 25.)
Immolez au public les douleurs de voire ime.
{Idem, act. I, se. i, 46.)
Soit quo, (irivé d'enfants, je cherche à dissiper
Celte nuit de douieur» qui vient m'envelopper.
[Idem, ad. I, se. I, 75.)
DouLOiR. V. pronom, de la 3« conj. Mercier
voudrait rajeunir ce vieux mot. Douloir, dil-il,
venant de douleur, est plus expressif que gémir
ou se plaindre, et peint d'ailleurs la souffrance
du corps : Il ne fit que se douloir toute la nuit.
Douloureusement. Adv. Il se met après le
verbe, ou entre l'auxiliaire et le participe : Il .té-
tait plaint douloureusement, OU il s'était dou-
loureusement plaint.
230
DOU
DouLODBEDX, DocLouRECSE. Adj. Il lie se dit
que des choses, el se met avant ou après son
subsl. : Un souvenir douhivrcvx, un doulotirevx
sovrenir. On ne dirait y>\\i, doxduurevT cris, mais
on dirait de douloureux accents.
DouT'E. Subsl. m. On dit éclaircir un doute.
Un moment quelquefois écluireit plus d'un doute.
(Rac, Jphig . act. II, se. V, 14.)
DocTER. V. n. de la 1" conj. Racine a pris
cfcwiflr dans le sens d'hésiter (y^/A., act. III, se. iv,
22):
Pourricz-vous un moment douter Ue l'accepter ?
Féraud assure qu'on ne peut dire douter d'une
personne, et critique ce vers de Voltaire (Zaïre,
act. III, se. IV, 9) :
Il doute de sa fille et de ses sentiments,
et cette phrase de Bossuel : Il n'y a que saint Tho-
mas dont Luther ait voulu douter. — Je pense
qu'on peut lrés-i)ien dire douter de quelqu'un. —
Parmi les exemples que donne l'Acadcmie en
4835, on trouve celui-ci : Doutez-vous de mot ?
Lorsque le verbe douter csi suivi de que, il
çgil toujours le subjonclii', soit que la phrase
ébit négalivc ou iiun. .Mais lorsque la plirase est
négaliv-e, il faut meure ne avant le second verbe :
Je doute qu'il vienjie. Je ne doute pas qu'il ne
vienne. Lorsque la phrase est intcrrogativc il faut
ordinairement ne avant le second verbe :
Doufx-voxu que l'Euxin ne me porte en deux jours
Aux lieux où le Danube y Tient Dnir son cours î
(Rac, mthrid., act. III, se. i, 43.)
« L'Académie, dans son Dictionnaire, en 1S35,
donne pour exemple : Doutez-vous que je sois
malade^ Doulez-vous que je ne tombe malade,
si je fais cette imprudence^ Dans le premier
cas, dovtez-vouss\\i,\\\^K révoquez-vous en doute.,
et alors la proposition subordonnée est une affir-
mation. Ici donc encore, la pensée domine la rè-
gle. Dans le second cas, au contraire, le verbe in-
dique l'incertitude, el la règle s'applique. C'est
ainsi que Molière a pris une tournure exception-
nelle dans ce vers [Etourdi, act. II, se. viii, 3) :
Il ne faut point douter qu'il fera ce qu il peut.
« C'est-à-dire, on peut être assuré, il faut croire
que, etc. (A. Lemaire, Grammaire des Gram-
maires, p. S62.)
5e douter, se douter de quelque chose. Il régit
que avant le subjonctif, si la i)lirase est négative
ou inlerrogative, et l'indicatif, si elle est aflirma-
tive : Je ne me doutais pas qu'il vînt;pouvais-je
me douter qu'il pût venir sitôt ; je uie doutais
qu'il viendrait. Dans le sens négatif ou interro-
gatif, on ne met pas 7ie avant le second verbe,
comme avec douter.
* DouTEOR. Subst. m. On ne le trouve point
dans les dictionnaires, quoique de bons écrivains
l'aient employé : Quelques yens de lettres qui ont
étudié l'Encyclopédie jic priqiosent ici que des
questions, et ne dernandent que des éclaircisse-
ments : ils se déclarent douteuis et non docteurs.
(Volt., Introduction aux questions sur l'Ency-
clopédie.) J'existe, je pense, je sens de la dou-
leur, tout cela ast-il aussi certain qu'une vérité
géométrique? Oui, tout douleur que je suis, je
Pavouc. (Volt.)
DRO
DouTEL'SEMENT. Adv. Il sc mct après le verbe :
Il eu parle douteusement. Il est peu usité.
DoiTEux, DouTELSE. Adj. Il se met avant ou
après son subst., selon les cas: Un avenir dou-
teux, un douteux avenir. On ne dirait pas de
douteux succès, une douteuse réponse. Il faut
consulter riinmionie el l'analogie. Voyez Adjec-
tif. — La Foiilaine l'a employé dans le sens df
timide ou méfiant (liv. II, fabl. xiv, 17) :
Il était douteux, inquiet.
(Ch. Nodier, Examen critique des dict.)
Doux, Douce. Adj. Devant une voyelle, le x se
prononce comme un z; dou-sau loucher. Cet adj.
précède très-souvent son suhn.: Doux accent.t,
doux murmure, doux parfum, douce harmonie,
doux regard, doux souris, doux ramage. 11 est
cependant certains subslantifs (]ui feraient un
mauvais effet s'ils en élaient précédés, comme
doux air , doux temps , douce orange , douce
amande, etc. Il faut consuller l'harmonie et l'ana-
logie. Voyez Adjectif.
Devant un verbe, cet adjectif est suivi de la pré-
position de: lï est doux de vivre avec ses amis;
devant un nom, il régit « .• Un père doux à ses en-
fants.
. . . Les dieux me seraient-ils plus dou\.
(Volt., OEd., act. 1, se. l, 45.)
Une chose douce au toucher.
Douze. Adj. des deux genres. Il se met avant
son subst. : Douze homyties, douze femmes. Quel-
quefois on le met après; mais alors il se prend
pour douzième: Chapitre douze, Louis Douze.
Douzième. Adj. aes deux genres. Il se met
avant son subst. : Le douzième mois, la douzième
année.
Douzièmement. Adv. 11 se met, selon le besoin,
avant ouaprès le verbe: Douzièuicment, j'exami-
nerai, ou j'examinerai douzièmement.
Dramatique. Adj. des deux genres. Il se met
après son subst. : Pièce dramatique, poëte dra-
matique, genre dramatique.
Dramaturge. Subsl. m. Mot inventé par ceux
qui n'aiment pas les drames, pour déprimer ceux
qui en font.
Drame. Subsl. m. Ce mot s'emploie dans le
sens génériciiie de représentation tliéàtrale. Dans
une acception moins étendue , drame se dit
d'une espèce particulière de pièces de IhéâUe
qui n'est ni tragédie, ni comédie, ni tragi-
comédie, el que l'on a appelée aussi tragédie
bourgeoise.
Dkesser. V. a. de la d" conj. Dans le sens
d'instruire, former, façonner, il régit à devant les
noms et les verbes : Dresser un chien a rappor-
ter, le dresser à la chasse.
Drille. Subsl. m. On mouille les l.
Droit, Droite. Adj. On peut le mettre avant
son subsl. : Une ligne droite, un chemin droit, lu
main droite, le bras droit, la droite raison, le
droit chemin, de droit fil, en droite ligne. Voyez
Adjectif.
On demande s'il faut dire mademoiselle, tenez-
vous droite, ou mademoiselle, tenez-vous droit.
Pour résoudre celle iiucslion, il faut examiner si,
dans celle phrase, droit est adverbe, ou s'il est
adjectif, c'est-à-dire s'il modifie le verbe, ou s'il
modifie le nom. On dit elle chante faux, elle écrit
droit, parce (pie dans ces phrase.-, faux et droit
moililient évidemment le verbe, qu'ils sjnt ad-
verbes, cl (lue par conséquent ils sont iavaria-
DUU
blés. Mais quand on dit mademoiselle, tenez-vous 1
droite, il est cvidoni que l'adjectif n'est pas pris
adverbialement, qu'il se rapporte à la personne,
et que par eoiiséiiuent il doit s'accorder avec elle.
Quand je dis tenez-vous droite, c'est comme si
je disais tenez votre personne droite, cl droile se
rapporte au moi personne, i\\i\ est sous-entendu.
D'après ce princii)C, on jicut dire à une femme,
marchez droit, et murchez droite. Le premier
voudra dire, marchez en liane droite; et le se-
cond, tenez-vous droite en marchant.
Droit. Subst. m. Voltaire a dit dans Oreste
(act. V, se. v, 9) :
Je suis épouse el mère, et je veux à la fois,
Si j'en puis être digne, en remplir tous les droits.
Terme impropre, dit I.a Harpe; on remplit des
devoirs, on n'a jamais dit remplir des droits.
Droit. Adv. il se met toujours après le verbe,
el jamais entre l'auxiliaire et le parlicij)e : Mar-
cher droit, tirer droit, viser droit, aller droit au
but. Voyez Droit, adjectif.
Dr.oiTEMENT. Adv. Féraud observe avec raison
que ce mot n'est plus usité.
Droitier, Droitière. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst.
Droiture. Subst. f. Ce mot ne signifie, ni
équité, ni justice, ni rectitude, comme l'indique
l'Académie. Béatitude est le mot qui en approche
le plus, avec cette différence qu'il exprime la
conformité de la chose avec la règle, sa parfaite
régularité, son exacte ordonnance; au lieu que
droiture désigne la juste direction vers un but,
l'indication de la bonne voie , le rapport des
moyens avec la fin. Bouhours a fort bien observé
que la droiture ne se dit (jue de l'âme, pour mar-
quer la probité, la bonne foi, des vues honnêtes
et pures; et que si ce mol s'applique à l'esprit,
c'est seulement par rapport à la probité, el non à
l'égard de rinlelligeii€e. La droiture est propre-
ment une qualité morale; la rectitude est une
qualité intellectuelle ou physique. Lu rectitude
d'un jugement est dans sa justesse; et sa droiture,
dans sa justice. La rectitude est d'un bon esprit,
et la droiture, d'un cœur honnête. Un esprit de
travers manciue de rectitude ; un esprit partial, de
droiture. Quoiqu'on dise avoir l'esprit droit, le
sens droit, on ne dit pas droiture d'esprit, el en-
core moins droiture de sens ; on éW. justesse d'es-
prit. En parlant du sens, on ne dit ni justesse ni
droiture.
Drôle. Adj. des deux genres. 11 se met après
son subst. : Un homme drôle, un conte fort drôle.
— Lorsqu'on le prend substantivement, il régit
quelquefois la préposition de : Un drôle de
corps, un drôle d'homvie, un drôle de poète, une
drôle de manière de s'ainitser.
Drôlement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est tiré drôlement
d'affaire, ou il s'est drôlement tiré d'affaire.
Drôlesse. Subsl. f. 11 n'est pas le féminin de
drôle: Une drôlesse est une femme de mauvaise
vie. Ce mol est très-familier.
Dru, Drue. A.dj. Il se met après son subst. :
Des moineaux qui sont drus, une jeune fille qui
est drue.
Do. Mot formé par contraction de la préposi-
tion de et de l'article le. Il équivaut à de le. Il
se met devant les noms masculins qui commen-
cent par une consonne ou un h aspiré : du bien,
du cheval, du héros. Voyez Adjectif, Article.
Dubitatif^ Dubitative."^ Adj. Terme de gram-
DUR
2ôl
maire. Il se dit d'une préposition ou d'une cun-
jonclion qui exprime le douU'.: Préposition du-
bitative. Si est une conjonction dubitative.
Duc. Subst. m. On prononce le c En parlant
d'une femme on dil duchesse.
Ducal, Ducalf,. Adj. qui ne se met qu'jiprès
son subst. L'Académie ne dil pas si l'on [)eut em-
ployer ducaus AU pluriel masculin. (Juel incon-
vénient y aurait-il a dire des ornements ducaux,
comme on dil des oriie/nents royaux?
Dûment. Adv. qui ne se dit guère qu'en termes
de pratique. Il se met toujours entre l'auxiliaire
el le participe : Il a été dûment convaincu, dû-
ment averti.
Duo. Subst. m. Ce mot ne prend point de i- au
pluriel : Un duo, deux duo. — Cette opinion est
celle de l'Académie de 171)8 et de la Grammaire
des Grammaires ; mais l'Académie del835 donne
l'exemple suivant :' De beaux duos.
Dupe. Subst. f. Ce mol est toujours féminin,
quoi(|u'il soit appliqué à des noms du genre n^as-
culin : Il a été la dupe do son bnn cœur, vous
serez sa dupe. La Fontaine l'a fait masculin par
une licence qui n'a point eu d'imitateurs. Quel-
ques écrivains retranchent le prépositif; l'Acadé-
mie le met toujours, excepté dans ces deux locu-
tions ; Passer pour dupe, être pris pour dupe.
Duperie. Subst. f. Ce mot a un sens passif. De
même qu'une d«/)e n'est pas un trompeur, hdu~
perie n'est pas l'action de duper, de tromper.
C'est une duperie, signilic c'est une chose oii
l'on a été dupé, ou bien dont on serait la dupe.
Duplicata. Subst. m. 11 ne prend point de s
au pluriel.
Dur, Dure. Adj. Il se met avant son su'dsI.
lorsque l'harmonie et l'analogie le permetl'iit.
Voyez Adjectif. Une pierre dure, un lit dur,
avoir l'oreille dure, une réprimande bien dure,
une dure réprimande. — Avec le verbe être em-
ployé impersonnellement, il demande la préposi-
tion de : Il est dur d'entendre ces reproches. Ail-
leurs il demande la préposition à : Ces reproches
sont durs à entendre.
On dil aussi , dans le sens d'insensible , dur
comme un roc, dur à ses débiteurs.
Durable. Adj. des deux genres. Il se met ordi-
nairement après son subsl. : Un ouvrage durable,
une paix durable, un bonheur durable. Une
passion durable. Une passion parfaite et du-
rable. Ces faibles succès ne furent pas durables.
L'Europe paraît avoir pris une assiette dura-
ble. Voyez Adjectif.
Durant. Préposition. C'est la seule préposition
qu'il soil permis de placer après son complément.
On [jeut diiG durant sa vie, ou sa vie durant,
durant 7ieuf ans, OU neuf ans durant. Mais on
ne dirait pas de même le jour durant, la nuit
durant, l'hiver durant : il faut toujours dire
durant le jour, durant la nuit, durant l'hiver.
Autrefois durant s'employait comme conjonc-
tion. On disail durant que, dans le sens de pen-
dant que, tandis que; aujourd'hui on ne l'emploie
plus en ce sens. On confond souven! durant
d.\&c pendant; cependant il y a de la différence
entre ces deux expressions. Durant exprime une
durée continue; pendant manpie un moment,
une époque ou une durée suscei)lible d'interrup-
tion. Ainsi l'on doit dire les ennemis se sont
cantonnés durant l'hiver, s'ils sont "estes can-
tonnés tant que l'hiver a duré; el les ennemis se
sont cantonnés pendant l'hivej-, s'ils ont seule-
ment fait choix de cette saison pour se canton-
25S E
ner, sans cependant qu'ils soient restés tout l'hi-
ver dans leur cantonnement.
Durée. Subst. f. 11 se dit des choses cl jamais
des personnes : La durée de la vie, la durée
d'un règne ; mais non pas la durée d'un roi.
DunEMEKT. Adv. 11 se met après le verbe -Être
couché durement, on l'a traité durement. On lui
a parlé durement, et non pas on lui a durement
parlé.
Dyscole. Adj. des deux genres. 11 se dit d'une
personne avec qui il est dillicilo de vivre, ou de
celui qui s'ccarle de l'opinion reçue. Il est peu
usité. Il se place toujours aiirés S(jn subst. : f^otre
enfant dyscole pâte tout ce qu'il touche. (J.-J.
Kouss., Emile, liv. II, t. vi, p. 12(5.)
E. _
E. Subst. m. C'est la cinquième lettre de l'al-
phabet, et la seconde des voyelles.
On distingue en fiançais trois sortes d'e : Ve
ouvert, \'c fermé, et Vc muet.
On les trouve tous les trois dans les mots sé-
vère, fermeté, évêque, échelle, etc. Le prcmici" <?
de set-ère est fermé, c'est pourquoi il est mari]ué
d'un accent aigu; le second est marqué d'un ac-
cent grave, qui est le signe de Ve ouvert ; et le
troisième n'a point d'ac-cent, parce qu'il est muet.
Ces trois sortes d'c sont susceptibles de plus ou
de moins.
Ve ouvert est de trois sortes : 1" l'c ouvert
commun, autrement dit aigu ; 2° l'e plus ouvert,
autrement dit grave ; 3° l'e très-ouvert.
I.'e ouvert commun, ou aigu, est l'e que nous
prononçons dans les premières syllabes de père,
mère ; dans il appelle, nièce, et dans tous les mots
<j\i l'e est suivi d'une consonne avec laquelle il
forme In même syllabe, à moins que celle con-
sonne ne soit le s ou le j qui marquent le plu-
riel, ou le nt de la troisième personne du pluriel
des verbes. Ainsi l'on prononce exa77(èw, tel, hèl,
ciel, chef, hrèf Joseph, nèf, relief, Israèl, Ahèl,
Babel, réel, Michel, miel, criminel, quel, na-
turel, hôtel, mortel, mutuel, hymen, Saducéèn,
Chuldéên, il vient, il soutient, etc.
Toutes les fois qu'un mot finit par un e muet,
on ne saurait soutenir la voix sur ce; e muet,
puisque si on la soutenait, l'e ne serait plus muet.
Il faut donc que l'on appuie sur la syllabe qui
précède cet e muet, et alors, si cette syllabe est
elle-même un e muet, cet e devient ouvert com-
mun, et sert de point d'appui à la voix pour ren-
dre le dernière muet; ce qui s'entendra mieux
j>ar des exemples. Dans mener, appeler, etc., le
premier e est muet, et n'est point accentué; mais
quand je dis je mène, j'appelle, cet e muet de-
vient ouvert commun.
Les grammairiens disent que la raison de ce
changement de l'e muet, c'est qu'r'i ne saurait y
avoir deux e muets de suite, ils devraieiit ajou-
ter, ci la fin d'un mot ; car dès que la voix passe,
dans le môme mot, à une syllabe soutenue, cette
syllabe peut être précédée de plus d'un e muet,
comme dans redemander, revenir, etc. Nous
avons même plusieurs e muets de suite, par des
monosyllabes; mais il faut que la voix passe de
l'e muet à une syllabe soutenue. Par exemple,
dans de ce que je redemande ce qui m'est dû,
voilà six e muets de suite au commencement d'une
phrase, et il ne saurait s'en trouver deux préci-
sément à la fin d'un mot.
L'e plus ouvert, ou ouvert grave, est celui qui
se prononce par une ouverture de bouche plus
grande que celle qu'il faut pour prononcer l'e
ouvert commun, comme dans greffe.
L'e très-ouvert est celui qui demande une ou-
verture de bouche encore plus grande, comme
dans accès, succès, être, tempête, il eit,abbesse,
sans cesse, professe, arrêt, ftrêt, il rêve, la
tête, etc.
L'e ouvert commun, au singulier, devient ou-
veri long au pluriel : Le chef, les chefs, vu autel,
des autels.
Aucun des mots de la langue, à l'exception
d'être, ne commence par un e ïrès-ouvert, et au-
cun n'est terminé par cette même lettre. L'e ou-
vert, à la fin des mots, est toujours suivi d'une
ou de deux consonnes, procès, désert, arrêts.
L'e fermé est celui que l'on prononce en ou-
vrant moins la bouche qu'on ne l'ouvre lorsqu'on
prononce un e ouvert commun; tel est l'e de la
dernière syllabe àc bonté. On le distingue dans
l'écriture et l'impression par l'accent aigu. Celé
est aussi appelé masculin, parce que, lorsqu'il se
trouve à la fin d'un adjectif ou d'un participe, il
indique le masulin, aisé, habillé, aimé, etc.
L'e des infinitifs est fermé lorsque le r ne se
prononce point ; mais lorsqu'on le prononce, ce
i]ui arrive toutes les fois que le mot (jui suit com-
mence par une voyelle , alors l'e fermé devienl
ouvert commun, ce qui donne lieu à deux obser-
vations : la première, c'est que l'e fermé ne ri-
mant point avec le ouvert, aimer, abîmer, ne ri-
ment point avec la mer. La seconde, c'est que
comme l'e de l'infinitif devient ouvert commun,
lorsque le r qui le suit est lié avec la voyelle qui
commence le mot suivant, on peut rappeler la
rime, si le vers suivant commence par celle
voyelle.
L'e muet est une pure émission de voix qui ne
se fait entendre qu'à peine. Il ne peut jamais
commencer iine syllabe, et dans quebpic endroit
qu'il se trouve, il n'a jamais le son distinct des
voyelles proprement dites; il ne peut même se
rencontrer devant aucune de celles-ci sans être
tout à fait élidé.
L'e muet, dans le corps d'un mol, est presque
nul. Par exemple, dans demander, on fait enten-
dre le d et le m, comme si l'on écrivait dmander.
L'e muet est long dans les dernières syllabes
des troisièmes personnes du pluriel des verbes,
quoique cet e soit suivi de nt. Il y a peu de per-
sonnes (pii ne sentent pas la différence qu'il y a
dans la prononciation il aime ci. ils aiment.
L'e muet des monosyllabes me, le, se, de, est
un peu plus marqué que l'e muet de mener ; il
ressemble au son de l'e». faible.
Dans le chant, à la fin des mots tels que gloire,
fidèle, triomphe, l'e muet est moins faible que l'e
muet commun, et approche davantage de l'eu
faible.
Les vers qui finissent par un e muet ont une
syllabe de plus que les autres, par la raison que
la dernière étant muette, on appuie sur la pénul-
tième. Alors l'oreille est satisfaite, par rapport
au complément du rhyihme et du nombre des
syllabes ; et comme la dernière tombe faiblement,
et qu'elle n'a pas un son plein, elle n'est point
EBÉ
233
comptée, ci la mesure est remplie à la pénul-
tième :
Jeune et vaillant héros, dont la haute sagesse.
(BoiL., Discours au Roi, 1.)
L'oreille est satisfaite à la pénultième ^es, qui est
le point d'appui, apios Icciuel on entend l'e muet
de la deriiièic syllabe se.
L'e muet est appelé féminin, parce qu'il sert à
former le fominiii des adjectifs, comme saint,
suinte, pur, pure, etc.
Nos e inucis, qui nous sont reprochés par un
Italien, dit foliaire, sont précisément ce ipii
forme la ddiciousc harmonie de noire langue :
Empire, couronne, diadème, épouvantable, seii-
sihle. Cet c muol, qu'on fait sentir sans Tarlicu-
1er, laisse dans l'oreille un son mélodieux, comme
celui d'un timbre (jui sonne encore quand il n'est
plus frappé. L'entrelacement des rimes masculi-
nes et féminines fait, le charme de nos vers.
Voyez Apostrophe, Élision. — Une observation
fort curieuse faite par M. Egger, qui a bien voulu
nous la communiquer et nous permettre de l'in-
sérer dans cet ouvrage, cxjjlique, de la manière
la plus claire cl la plus jusle, la cause de ce re-
tour fréquent de l'e muet dans la plupart des mots
de notre langue.
La dernière syllabe des mots n'étant jamais ac-
centuée en latin, et par conséquent toujours plus
faiblement prononcée, a dû passer facilement,
quoique par une série de dogradalions apprécia-
bles, à l'étal d'e muet. Exemples : vivere, vivre;
prvdentia, prudence; hninilis, humble; homo,
homme, etc., elc. D'aulrcs fois la finale, au lieu
de se transformer, a entièrement disparu. C'est
ce qui est arrivé dans les mots en mentum, qui
onl servi à foimer nos mots en ment : Argumen-
tuiii, argument, etc. Cet accent lalin sert aussi à
expliquer des conUaclions encore plus violentes ;
par exem|)le, j^urquoi uvunculus a-t-il perdu pré-
cisément la syllabe radicale ah en devenant oncle?
c'est que l'accent était sur un, qui, devenant ainsi
la syllabe dominante, ne devait point s'effacer
aussi vite. Pourquoi dans eleemosyna, devenu
aumône, le cenlre du mot a-t-il seul résisté? c'est
que mn était accentué dans le mot latin, qui avait
perdu la trace de son origine grecque, jX£Y,p.oa'jv/i.
Dans le languedocien on dit so pour sœur, ou
plutôt pour soror ; co pour cor ou corde. OEil,
de oculus, conserve dans sa contraction la syllabe
accentuée.
L'e qu'on ajoute après le g, comme dans je
mangeais, il mangea, n'est mis que pour empê-
cher que l'on donne au g le son fort^w, qui est le
seul qu'il devrait maiNjuer. Or, cet e fait qu'on
lui donne le son faible, comme s'il y avait il
manja. Ainsi cet e n'est ni ouvert, ni fermé, ni
muet : il marque seulement qu'il faut adoucir le
g, et prononcer j, comme dans la dernière syl-
labe dégage.
Lorsque e est suivi de 7ii, il prend ordinaire-
ment le son de Va, comme dans comment, senti-
ment, que l'on prononce commun, sentiman; il
faut en excepter les troisièmes personnes du plu-
riel des verbes, où il est muet, ils aiment. Mais
si e est suivi seulement d'un n, il conserve le son
qui lui est propre, citoyen, moyen. Il a aussi le
son de l'a lors<iu'il est joint à un w suivi d'un
h, d'un pou d'un aulre m, coimiie dans embau-
mer, empire, emmener, que l'on prononce an-
haumer, anpire, elc. (Dumarsais et autres.)
E est l'expression abrégée des mots Eminencc,
Excellence, Est. L'exi)iession latine et cœtcra
exprimée aulrcfois \y.\v un caractère spécial, au-
quel on donnait fori mal a propos une place dans
l'alphabet, est représentée aujourd'hui par l'a-
bréviation suivante, etc.
EouEx. l'articules prépositives qui viennent
des prépositions lalines e ou ex, et (pii hc mol-
lent au commencement de certains mois, où elles
marquent une idée accessoire d'exlraclion ou de
si'paralion, comme dans tbrancher, ôlcr les bran-
ches ; écervcU, qui a perdu la cervelle ; êdenter,
ôler les dents ;e/7)r/ie, qui est soustrait au frein,-
élargir, séparer davantage les pariics élémentai-
res ou les bornes; émission, action de pousser
hors de soi; énerver, ôlcr la force aux nerfs;
épousseter, ôlcr la poussière; exalter, mettre au-
dessus des autres; excéder, aller hors dos bor-
nes; cxhéréder, ôtei' l'Iiéritage; exister, élre
hors du néant; exposer, meilre au dehors; exter-
7nincr, mcUvc hors des liornes ou des termes. Il
ne faul pas croire, au reste, que ce soit la parti-
cule e qui se trouve à la tète des mots écolier,
épi, éponge, état, études, espace, esprit, espèce,
et de plusieurs autres (jui viennent de mots la-
tins commençant par s suivi d'une aulre con-
soime, comme scholaris, spica, spongia, status,
studium, spatiuJH, spiritus, species, etc. La dif-
ficulté que l'on trouve à prononcer de suite les
deux consonnes initiales fit prendre naturelle-
ment le parti de prononcer la première comme
dans l'alphabet es, et dès lors on dit et l'on écri-
vit ensuite escalier, espi, esponge, estât, espace,
esprit, espèce, etc. iJans la suite, l'euphonie
supprima la lettre s de la prononciation de (juel-
ques-uns de ces mots, et l'on dit écolier, épi,
éponge, étude, état, et ce n'est que depuis peu que
nous avons sui)priiné celte lellre dans l'ortho-
gi'ajihe. Elle subsiste encore dans celle des mots
espace , esprit , espèce , parce tpi'on l'y pro-
nonce. Si cet e ne s'est point mis dans les déri-
vés de ces mots, ou dans d'autres mots d'origine
semblable, c'est <]u'ils se sont introduits dans la
langue en d'autres temps, et (|u'élant d'un usage
moins populaire, ils ont été moins exposés à souf-
frir (]uel(iue altération dans la bouche des gens
éclairés qui les introduisirent.
Eau-de-vie. On écrit au pluriel des eaux-de-
vie. Voyez Composé.
Ebahir. V. n. de la 2' conj. Corneille a dit
{Pol., act. III, se. n, 30) :
Et si de tant d'amour tu peux être ébahie...
Ébahi, dit Voltaire, ne s'emploie que dans le
bas comique. {Remarques sur Corneille.) Il
s'emploie aussi familièrement dans la conversa-
tion.
ÉBAT. Subst. m. Il n'est que du style fami-
lier, et ne se dit qu'au pluriel: Les ébats.
Ébattre (s'). V. pronom, et irrésul. de la
4" conj. Il se conjugue comme le verbe battre.
Voyez ce mot.
Ebacbi, Êbaubie. Adj. Il est familier, Molière
et Voltaire l'ont employé :
Je suis tout ^6ou6ic, et je tombe des nues.
(Tart., act. V, se. V, 4.)
Je suis émerveillée,
Tout ébaubie et toute consolée.
[Enf. /'rod ,acl. V, se. VII, 33.1
ÊBÈNE. Subst. f . Voltaire a fait ce mol mascu*
234 ÉCA
lin. {Dialogue de Pégase et du f^teillard, 99) :
Je vis Martin Fréron, à la mordre allaché,
Cansumer de ses dents tout l'ékéne ébréché.
Celle licence n'esl pas licureuse. Ce qui a siire-
ment lroinj)6 VDllaire, c'est que les Lalins ap-
pelaient Vebène, ebenus ; mais il n'a pas remarqué
que tous les noms d'arbres de cette terminaison
sont féminins. (Ch. Nodier, Examen critique des
Bict. )
* ÉBERNEOR. Snbst. m. Qui cberne, qui essuie
les excréments d'un enfant au maillot. Voltaire,
dans sa belle humeur, cmiiloic ce mot inusité. Il
écrit à d'Alcmbert : Laissez-le devenir historio-
graphe, instituteur, correcteur , éberncur des
enfants de France, et tout ce qu'il voudra.
* Ebêtir. V. a. de la 2" conj. Ce veibe a été
hasardé par Voltaire : Quand ils l'eurent ébêti,
ils lui proposèrent de se faire moine et prêtre.
Il n'est guère usité qu'eu conversation. Il ex-
prime bien ce que l'on a souvent besoin d'ex-
primer. — Pas si bien, ce nous semble, que le
mot abêtir, consacré par ce passage célèbre de
Pascal : Suivez la manière par oii ils ont com-
Tnencé; c'est en faisan t tou t comme s'ils croyaient ,
en prenant de l'eau bénite^ en faisant dire des
messes, etc. Naturellement même, cela vous fera
croire e/ r-ows abélira. {Pensées, p. 272.)
Ce mot a clé aussi employé par VoUaire : J
quinze ans un jésuite m'enguinauda, je fus
novice, on m'al)élit pendant deux années. Enfin,
il est admis dans la dernière édition du Diction-
naire de V Académie.
ËBLOLISSA^T, Éblouissante. Adj. On peut le
mettre avant son subsl. en consultant l'analogie
et l'harmonie : Eclat éblouissant, couleur éblouis-
sante, beauté éblouissante, cette éblouissante
beauté. Voyez Adjectif.
Ébouillik. V. II. de la 2° conj. Il se conjugue
comme bouillir, et ne s'emploie qu'à l'infinitif
et au participe passé.
ÊBOCLER. V. pronom, de la 1" conj. Ce mol
se dit particulièrement des terres, ou d'autres
choses mises les unes sur les autres. Les terres
à\in fossé s'éboulent, une pile de bois s'éboule.
Mais on ne dit pas qu'j/w bâtiment s'éboule, pour
dire qu'il se détruit ou se dérange; on dit qu'j/
s'écroule.
Ebourgeonnement. Subsl. m. Ebourgeosner,
V. a. de la J'" conj. Dans ces deux mots, l'e qui
est après le g ne se prononce pas, il n'est
la que pour donner au g le son doux qu'il n'au-
rait pas avant Vo.
Ebranler. V. a. de la 1" conj. Racine a donné
à ce mot des régimes dont on ne trouve point
d'exemples dans le Dictionnaire de l'Acadé-
mie :
Quoi', toujours lei plus grandes merveilles.
Sans ébranler ton cœur, frapperont tes oreilles !
(Âth., act. I, se. I, 107.)
El les dons achevant d'ébranler leur devoir.
[Baj., act. I, se. i, 151.]
Croirai-je qu'une nuit a pu yoaa ébranler.
{Iphig., act. I, se. m, 7 )
Deiille a dit (XII, 1077) :
Le choc des boucliers ébranle au loin les airs.
ÊcAiLLEux, Écaillecse. Adj. Il ne se met
qu'après son subsl. : Ardoise écailleuse, peau
écailleuse, racine écailleuse.
ÉCH
Ecart. Subst. m. On ne prononce pas le t. Au
physique, on donne ce nom à tout ce qui s'é-
loigne d'une direction qu'on dislingue de toute
autre, par (pielque considéralion particulière;
et on le transporte au figuré, en regardant la
droite raison ou la loi, ou (lueUiue autre principe
de logique ou de morale, comme des diiections
qu'il convient de suivre pour éviter le blàmc.
Ainsi il paraît qu'écart ne se devrait jamais
prendre qu'en mauvaise jiart. Cependant il sem-
ble (ju'un In i)rend quelquefois en bonne pari,
et l'on dit fort bien c'est un esprit servile qui
7i'ose jamais s'écarter de la route commune. Je
crois qu'on parlerait plus régulièremenl en disant
sortir ou s'éloigner, mais peut-être qu'écarter
se prend en Ixjnne ou en mauvaise part, et qu'é-
cart ne se prend jamais qu'en mauvaise. Ce ne
serait pas le seul exemple dans notre langue où
l'acception du nom serait plus ou moins géné-
rale que celle du verbe, oit même le nom et le
verbe auraient deux acceptions tout à fait diffé-
rentes. [Encyclop.) Voyez l'article suivant.
Ecarter. V. a. de la d"'* conj. Kien dans les
définitions ni dans les exemples de l'Académie ne
peut s'applicjuer aux exemples suivants :
Laissez-moi de l'autel écarter une mère.
(Bac, Jphig., act. 1, se. T, 34. i
£'car/erne veut pas dire ici éloigner, mais em-
pêcher d'approcher.
J' écarte àei soupçons peut-être légitimes.
(TOLT., Henr., II, 169.)
Écarter dit plus que mettre à l'écart. On
écarte ce dont on veut se débarrasser pour tou-
jours ; on met à l'écart ce qu'on peut ou iiu'on
veut reprendre ensuite. Un jwje doit écarter
toute [prévention, et mettre à l'écart tout senti-
ment personnel. Voyez Écart.
Ecclésiastique. Adj. des deux genres. Les deux
c se prononcent. Il se dit des personnes cl des
choses, et suit toujours le subsl. qu'il modifie :
L'ordre ecclésiastique. Etat ecclésiastique. Lois
ecclésiastiques. Prince ecclésiastique.
EccLÉsiASTiQUEMENT. Adv. Il ne se met qu'a-
prés le verbe : // a vécu ecclésiastiqtiement, et
non pas il a ecclésiastiquement vécu.
ÉCERVELÉ, Ecervelée. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst.
ÉcHAFAUD. Subsl. m. Le d ne se prononce
pas.
ÉcHALAS. Subst. m. Le s ne se prononce que
devant une voyelle ou un h non aspire.
Echangeable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Des effets échangea-
bles. Il régit (luelquefois la préposition contre :
Un prisonnier de guerre échangeable contre un
autre.
ÉCHANGER. V. a. de la \" conj. Dans la con-
jugaison de ce verbe, le g doit toujours avoir le
son du y,- et pour le lui conserver devant un a
ou un 0, on met un e muet avant cet a ou cet
o: J'échangeais, échangeons, et non pas ^VW/an-
gais, échangons.
ÉCHAPPER. V. n. de la 1" conj. C'est, selon
l'Académie, s'évader, s'esquiver, se sauver des
mains de (juclqu'un, d'une prison, de quelque
péril, etc. Elle ajoute qu'il se met avec la prépo-
sition de , (juand il signifie cesser d'être où l'on
était, sortir de, etc., et elle en donne pour exem-
ples échapper des mains des ennemis, échapper
du naufrage, du feu, échapper d'un danger; et
ÉCH
<Iu'U se met avec la prcposilion a, quand il si-
gnifie se soustraire, se dérobci- n, être préservé
de : Échapper à la fureur, à la poursuite des
ennemis; il ne peut vi'cchapper, échapper à la
tempête, échapper au danger, échapper a la
mort.
Cette règle, qui n'est pas exprimée d'une ma-
nière fort claire, est démcniie par des ])hrascs
tirées des meilleurs auteurs :
Oui, c'est mon fils, le dis-je, ou carnage échappé.
(Volt., Ifcr., act. lY, se. ii,49.)
Tancrède a dissipé
Le reste d'une armée au carnage échappé.
(Idem, Tancr., a.'t. V, se. IV, 3.)
La rive les reçoit; son tutélaire ombrago
Accueille les vaisseaux échappét à l'orage.
[Delil., Énéid., l, 241.)
Dans tous ces exemples, échapper ne signifie pris
se soustraire, se dérober à, être préservé de, et
cependant on lui fait régir la préposition à ;
tandis que dans les vers suivants, où il ne signi-
fie pas cesser d'être où l'on était, sortir de, on le
construit avec la préposition de :
Revois ton cher Zamorc échappé du trépas.
(Volt., Âlz., acl. II, se. iv, 2.)
Assurément, Voltaire n'a pas voulu dire queZa-
inore avait cessé d'être dans le trépas, ou qu'il
était sorti du trépas; cependant, malgré la régie
de l'Académie, il a employé la préjwsition de.
Trois fois l'ombre divine échappe à ses transports.
(Delil., Énéid., VI, 938.)
Vojet Toler en troupe et s'applaudir ces cygnes.
Touti l'heure l'oiseau du puissant Jupiter,
D'un To' impétueux, les poursuivait dans l'air;
Enfin leur troupe heureuse échappée à sa serre...
(Idem, I, 558.)
Delille a dit aussi [Énéid., I, 707) :
C'était SeiTgestc, Anlhée, échappés du trépas.
Yoici, je crois, unerègle plus sùree.t plus claire
pour l'emploi de l'une ou de l'autre de ces pré-
positions après ce verbe. On échappe à une cause
active, qui poursuit, qui persécute, qui frappe, qui
dévore; 07i échappe d'une chose inerte, comme
d'un lieu dangereux ou funeste, d'un état où
l'on était en danger de tomber. Voilà pour-
quoi on échappe au prévôt, au carnage, a
Tarage, kla fureur, <i la poursuite des ennemis.
Voilà aussi pourquoi on échappe d'une prison
où l'on est renfermé, des mains des ennemis qui
ne lâchent pas de vous prendre, mais qui vous
tiennent. On échappe à la mort, parce que la
mort est un être métaphysique, qui avec sa l'aux
moissonne les êtres vivants; on échappe dn tré-
pas, parce que le trépas est un étal, et non un
être qui agit. Les exem()les suivants viennent à
l'appui de celte explication:
Je l'avouerai, Troyens,
J'échappai de Vautel.
(Delil., Énéid., II, 179.)
Tel d'an coop incertain, par un prêtre frappé.
Mugit un fier taureau de Tautel échappé.
[Idem, II, 291.)
Sa redoutable épée échappe de sa main.
(Volt., Henr., X, 156.)
ECH
235
Il existe sur l'emploi de ce mot une autre
diiiiculté : c'est celle do s.ivoir quand il doit
prendre l'auxiliaire être. Il est aise de la résou-
dre avec le principe (pic nous avens établi, et
souvent apiiliipié dans ce Dictionnaire. L'auxi-
liaire avoir indiciuc une action, l'auxiliaire être
inditjue un état. (^>uand on dit il a échappé à la
vwrt, on exjirime l'actiun que l'on a laiiepour
éviter la mort, pour s'y soustraire. Ouand on dit
il est échappé à la mort, on désigne l'ét<it où
l'on se trouve après le succès de celte action. Le
cerf a échappé aux c/iicns, c'est-à-dire, le cerf,
par ses ruses, par ses détours, par la légèreté de
Si) course, en un mol par son action, a évité
d'élre pris ou saisi par les chiens. Le cerf est
échappé aux chiens, c'csl-à-dire, le cerf, par
suite lie l'action qui l'a soustrait à la poursuite
des chiens, est dans un état où il ne craint plus
cette poursuite. En agissant il a échappé, et de-
I)uis qu'jY a échappé, il est échappé. Voyez
Auxiliaire.
ËciiAssE. Subst. f. L'Académie dit qu'il n'est
guère d'usage qu'au pluriel, cl Féraud ne le met
qu'à ce nombre. 11 est vrai cependant qu'au
propre il se dit au singulier : Je n'avais qu'une
échassc, une échasse cassée, etc.
ÉcH^DFFA^T, ÉCHACFFA^TE. Adj. verbal tiré du
V. échauffer. Il se dit, selon l'Académie, des ali-
ments, des remèdes, et de tout ce (jui augmente
ou peut augmenter la chaleur animale. Féraud
dit que ce mot a été forgé peu heureusmnent. Il
aurait raison d'après les deux premiers exemples
qu'il en donne : la grâce éclairante et échauf-
fante, l'astre lumineux et échuvffltnt. Mais il a
tort de blâmer Tissol d'avoir dit des boissons
échauffantes. Ce mot s'employait dans le sens
indiqué par l'Académie, longtemps avant que
Féraud songeât à faire son Dictionnaire. Cet
adjectif se met après son subst. : Des aliments
échaufflints, un remède échauffant.
ÉcH£c. Subst. m. Le dernier c se prononce au
singulier, écheck. 11 ne se prononce point au
pluriel lorsiiu'il s'agit d'un jeu : Jouer aux
échecs.
ÉcuENiLLER. V. a. dc la 1" conj. On mouille
les l.
ÉCHINE. Subst. f. Il est familier, et ne peut
être employé dans le style noble.
Ëciio. Subst. in. et L On prononce c'co. Lors-
qu'il signifie la nymphe qui porte ce nom, il est
féminin. Partout ailleurs il est masculin : U/i
écho, des échos. La plaintive Échu. On appelle
écho une sorlc de poésie dont le dernier mot ou
les dernières syllabes formel l en rime un sens
(jui répond à chaque vers; exemple :
Nos yeux par ton éclat sont si fort éblouis,
Louis,
Que lorsque ton canon, qui tout le monde étonne,
tonne, etc.
Cela s'appelle un écho. Nous ne sommes point
les inventeurs de cette sorte de poésie. Les an-
ciens poêles grecs cl latins l'onl imaginée, et la
richesse ainsi que la prosodie de leur langue s'y
prêtait avec moins d affectation. (Jaucoiirt.)
ÉcHom. V. n., irrég. el défectueux de la 3'
conj. Au présent de l'indicatif, il ne se dit qu'a
la troisième persoimc du singulier, il échoit, (pic
l'on prononce quelquefois il l'-chèt. 11 n'a point
d'imparfait. Passé simple, j'échus^, tu échus, il
échut; nous échûmes, vous échûtes, ils échu-
rent. Futur, j'éckcrrai, etc. Conditionnel pré-
sent, j'écherruis, etc. Subjonctif présent, qu'U
256
ÉCL
échée, qu'ils échéent. Lcs .Tuircs personnes ne
.sont pas usiucs. — Ce présent n'est ])oint re-
connu par l'Académie. — Imparfait du subjonctif,
(jii'il échût, qu'ils éclnisse/it. Participe prisent,
échéant. Partici] c passe, icZ/w, échue. Un bil-
let a échu lorsqu'il a passé de l'état où le paie-
ment n'en était pas exigible, à l'état où ce paie-
ment était exigible. Un billet est échu lorsqu'il
est dans ce dernier état : Mon billet a échu le
trente du mois dernier, il y a un mois qu'il est
échu.
Echouer. V.n. de lal"conj. L',\cadcmienc lui
donne que l'auxiliaire avoir; cependant, comme
Il peut signitier ou l'action d'échouer ou l'état
qui résulte de cette action, on peut dire dans le
premier sens le vaisseau a échoué , et dans le
second le vaisseau est échoué. On dit de même
au iiguré l'affaire a échoué ou est échouée.
Eclair. Subst. m. Ce mot s'emploie au figuré
dans différents sens:
Hélas, sans frissonner quel cœur audacieux
Soutiendrait les éclairs qui partaient de vos veux?...
(Rac, Eeth., act. III, se. Tli, 20.)
Des éclair» de ses yeux l'œil était ébloui.
[Idem, act. III, sc.ix, 7.)
Leurs yeui, rouges de sang, lancent d'affreux éclairt.
(Delil., Ènéid, II, 272.)
... Le rapide éclair des amoureux transports
Pénètre chaque veine et court partout son corps.
[Idem, VIII, 536.1
Nous nous acharnotis les uns contre les au-
tres pour vn éclair de réputation, etc. (Volt.,
Discours préliminaire d' Alzire .) Si le sujet n'est
pas intéi-essant, les vers de f^irgile et de Ra-
cine, les éclairs et les raisonnements de Cor-
neille, ne feraient pas réussir V ouvrage, (^^oll.,
Correspondance .^
EcLAiRciR. V.'a. de la 2* conj. Racine a dit
{Esth., act. IV, se. i,7) :
Eclaircitiez ce front où la tristesse est peinte.
L'Académie n'indique point celte acception.
Ce mot est pris ici dans une acception figu-
rée. Mais en parlant des personnes, il ne peut
s'employer sans régime indirect. On dit éclaircir
quelqti'un de quelque chose, et non pas éclaircir
quelqu'un. Dans ce cas il faut dire éclairer. —
En parlant des choses, il suffit du régime di-
rect : Eclaircir un doute, une difficulté. On a
reproché avec raison à Racine d'avoir dit dans
Baj'azel (act. II, se. v, 83) :
0 ciel, combien de fois je l'aurais éclaircie.
Si je n'eusse à sa haine exposé que ma vie !
et à Voltaire d'avoir dit dans Zaïre (act. IV,
se. VI, 3) :
Eh bien ! madame, il faut que vous m' éclairciitiex.
Éclaircissement. Subst. m. Il n'embrasse pas
tous les sens du verbe éclaircir. Il sic;nilie ex-
plication d'une chose obscure. On dit Véclaircis-
sement du temps, de la voix, de la vue, etc.
Il y a une autre signilication qui lui est propre,
et qui a peu de rapport avec le verbe. 11 si-
gnifie, en matière de querellé, une explication
que l'on demande à un homme, pour savoir si,
dans ce qu'il a dit ou fait, il a eu l'intention d'of-
feuser, ou même s'il a dit ou fait ce qu'on lui
ECL
prête : Tirer un éclaircissement de quelqu'un,
demander , donner un éclaircissement à quel-
qu'un.
Eclairer. V. a. de lad" conj. On disait au-
trefois éclairera quelqu'un. Euryclée éclairait
à ce jeune prince. (Madame Dacier , trad. de
V Odyssée.) Éclairez à monsieur. (Acad;, 1762.)
Maiiilenant on dit éclairer quelqu'un : Éclairez
quelqu'un qui descend un escalier ; vous in*é-
clairez mal. (Acad. 1.S35.) Celle manière de s'ex-
primer est bien préférable à la première.
On dit au iiguré éclairer l'esprit; on dit éclai-
rer quelqu'un, iKJurdire le détrumper, l'instruire
de ce qu'il ignore ; et on dit aussi dans le même
sawi s'éclairer. Dans toutes ces phrases, éclairer
signifie procurer des lumières, faire voir clair
Or, pourquoi ne le dirait-on pas de même au
propre? Eclairer, soit au propre, soit au figuré,
a deux significations, dans iesiiuellcs il est éga-
lement actif. Eclairer un lieu, y répandre de la
lumière; éclairer quelqu'un, lui procurer delà
lumière, lui faire vuir clair; cette chandelle n'é-
claire pas assez ceux qui travaillent; éclairer
quelqu'uti dans vn escalier, lui procurer de la
lumière afin qu'il voie clair; éclairer l'esprit de
quelqu'un, procurei- des lumières à son esprit,
afin qu'il distingue bien les objets, qu'il les voie
lels qu'ils sont. L'analogie exige donc que l'on
dise le soleil éclaire la terre, ce flambeau éclaire
cette chambre, et ce flambeau éclaire ce voya-
geur au milieu des ténèbres, cet homme éclaire
ce voyageur en portant un flambeau devant lui ;
éclairez moîisieur. Si, comme le prétendaient les
grammairiens, l'on devaitdiree'cZaîVer à 7nonsieur,
parce que, dans le vrai, on n'éclaire pas mon-
sieur, mais le lieu par où monsieur passe, il
faudrait donc dire aussi, jjar la même raison, le
jour éclairait encore à ces malfaiteurs ; car,
dans le vrai, le jour n'éclairait pas les malfai-
teurs, mais le lieu où ils se trouvaient. Il fau-
drait dire aussi celte lampe n'éclaire pas assez
à cette ouvrière, ce que l'on ne dit pas. Racine a
dit dans Jphig. (act. I, se. i, 5) :
A peine un faible jour vous éclaire et me guide.
On dira peut-être que vous est ici pour à vous.
Mais faites parler Arcasen prose, et certainement
il ne dira pas: A peine un faible jour éclaire d
Jf/amennon. D'ailleurs ces mots, j/ie guide, in-
diiiuoiil assez que vous est ici régime direct
d'éclairer, comme rne est régime direct de gui-
der. Or, si l'on peut dire que le jour, (pi'u?»
flambeau éclaire une personne, pourt|uoi ne di-
rait-on pas aussi qu'une personne qui porte un
flambeau devant quelqu'un Véclaire^
Eclat. Subst. m. Nicole a dit que l'élo-
quence et la facilité déparier donnent un certain
éclat aux pensées. 11 paraît que cet euiploi du
mot éclat était nouveau du temps de madame de
Sévigné ; car elle écrit à sa fille au sujet de celle
phrase ; Cette expression m,'a paru belle et na-
turelle ; le mot d'éclat est bien placé, ne le trou-
vez-vous pas^ [\ novembre 4()'7'J, lettre CIH.)
EcLATA.%T, Eclatante. Adj. verbal tiré du v.
éclater. Dans des cas convenables, il peut se
mettre avant son subst. : Blancheur éclatante ,
éclatante blancheur ; une lumière éclatante, une
éclatante lumière. On ne dirait pas un éclatant
son, une éclatante pourpre, llfaulconsulter l'har-
monie et l'analogie. Cet adjectif, apjdiqué aux
personnes, prend toujours un complément. On
ne dit pas un homme éclatant, un héros écla-
ECO
tant; mais bien un homme, un héros éclatant Je
gloire. Voyez Adjectif.
Éclater. V. ii. de la d" conj. S'éclater de
rire n'est pas usité; il ne se trouve que clans une
fable (le La Fontaine (liv. III, fable i, 35) :
Le premier qui les fit de rire s'éclata.
Mais on sait que La Fontaine ne respectait pas
toujours les règles grammalicalcs.
Eclipser. V. a. de la 1" conj. Il signifie beau-
coup |)lus que le mot éclipse, son substantif. Ce
dernier ne se dit ([ue d'un obscurcissement pas-
sager, /éclipser, au ((intrairc, désigne un ob-
scurcissement total ou durable.
Tel brille au second rang qui s'éclipae au premier.
(Volt., Henr., I, 27.)
Du temple du destin les portes se fermèrent,
Et les ToAles des deux devant lui s' éclipsèrent.
{Idem, VII, 473.
Des voûtes qui s' éclipsent pourra paraitreétrange
à quelques lecteurs; mais il faut observer que
les voûtes des cieux sont éclatantes de lu-
mière.
ÉCLOPÉ, ÉcLOPÉE. Participe du v. écloper, (jui
n'est point usité. Il signifie «lui a quelque in-
commodité qui rend la marche pénible. Il se
prend adjectivement: Un homme éclopé , une
femme éclopée.
EcLORE.V. n. etirrég. de la 4' conj. Il n'est
usité qu'à l'inlinitif éclore ; aux troisièmes per-
sonnes suivantes :t7e'cZd/,iZ*ecZo5en<;z7(;cZora, ils
écloront; il éclorait, ils éclnraient ; qu'il éclose,
guHls éclosent ; au participe passe éclos, éclose ;
et aux temps composés qui se forment avec
l'auxiliaire (?/?'e.
Delillc a dit [Enéide, XI, 704) :
Tu Ti/is cet enfant que j'adore;
Ses tristes jours à peine ont commencé d'éclore.
Econome. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère ([u'après son subst. : Un homme économe,
une femme économe.
Economique. Adj. des deux genres. Il se met
ordinairement après son subst.
Économiquement. Âdv. Il se met après le verbe
et jamais entre l'auxiliaire et le particii)c : Il a
vécu économiquement, et ïiOï\.\>a& il a économi-
■quement vécu.
ÉcouRTER. V. a. de la 1" conj. Voltaire a dit
des billets écourtés : f^ous autres, qui avez un
peu plus de loisir, écrivez-nous de longues let-
tres, à nous autres misérables, qui n'y pouvons
répondre qu'en billets écourtés. [Corresp.)
•ÉcocTOiR. Subst. m. Nom reçu du cornet
acoustique, omis par les dictionnaires, mais con-
sacré par un poëte :
Déjà pour secourir son oreille un peu dure,
Orgonrers lui tourne son écoutoir.
|Dblil., Conversation, I, 370.)
(Cb. NoDiEB, Examen critique des Dict.)
ECODVILLON, ËCGUVILLONNER. DaHS CCS dcUX
mots, on mouille les l.
Ecrire. V. a. et irrég. de la 4^ conj. Voici
comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. J'écris, tu écris, il écrit;
nous écrivons, vous écrivez, ils écrivent. —
Imparfait. J'écrivais, lu écrivais, il écrivait;
ÉCR 237
nous écrivions, vous écriviez, ils écrivaient. —
Passé simple. J'écrivis, tu écrivis, il écrivit ;
nous écrivîmes, vous éiri\ iies, ils écrivirent. —
Futur. J'écrirai, tu écriras, il écrira; nous
écrirons, vous écrirez, ils écriront.
Conditionnel. — Présent. J'écrirais, tu écri-
rais, il écrirait; nous écririons, vous écririez, ils
écriraient.
Impératif — Présent. Ecris, qu'il écrive;
écrivons, écrivez, qu'ils écrivent.
Subjonctif. — Présent. Que j'écrive, que lu
écrives, qu'il écrive; (juc nous écrivions, que
vous écriviez, qu'ils écrivent. —Imparfait. Que
j'écrivisse, que lu écrivisses, qu'il écrivît; que
nous écrivissions, que vous écrivissiez, qu'ils
écrivissent.
Participe. — Présent. Ecrivant. — Passé.
Écrit, écrite.
Les temps composés se formenl avec l'auxi-
liaire avoir.
écrire, son jiom, écrire U7ie phra/ie , écrire des
lettres. Ecrire en prose, en vers. Ecrire à quel-
qu'un. Je lui ai écrit (lue.. . Je vous ai écrit dc
Pa) is.
Ce verbe, quand il est pris dans un sens aflir-
matif, veut l'indicatif dans la phrase subordonnée :
Je vous ai écrit que j'étais malade. Dans le
sens négatif, il exige le subjonctif : Je ne vous ai
pas écrit que je fusse rétabli.
J'écrivis en Argot pour hâter ce voyage.
(Rac, Iphig., act. 1, se. i, 94.)
On écrit à Londres, et l'on écrit en Angleterre.
Si, comme le pense l'abbé Uesfontainos, en Argos
signifie dans le pays d'Argos, l'expression esl
juste. Mais si, comme le croient l'abbé d'Olivel
et Marmontel, il s'agissait de la ville d'Argos, il
fallait dire/e'crm* o Argos; et il faudrait regar-
der cette expression comme une licence poéti-
que que Racine aurait prise pour éviter l'hiatus
désagréable des deux a. Voyez Écrivain.
ÉCRIVAIN, Auteur. Substantifs masculins. Ces
deux mots s'appliquent aux gens dc lettres qui
donnent au public des ouvrages de leur compo-
sition. Le premier ne se dit que de ceux qui ont
donné des ouvrages dc belles-lettres, ou du moins
il ne se dit que par rapport au style. Le second
s'applique à tout genre d'écrire indifféremment;
il a plus de rapport au fond de l'ouvrage qu'à la
forme; de plus, il peut se joindre par la préposi-
tion rfe au nom des ouvrages. Racine, Voltaire,
sont d'excellents écrivains; Corneille est un ex-
ccUenl auteur. Descaries et Newlon sont des au-
teurs célèbres; V auteur de la Hecherche de la
vérité est un écrivain du premier ordre.
Je ne puis m'empccher de remarquer, à cette
occasion, un abus de notre langue. Le mot écrire
ne s'emploie presfjuc plus, dans un grand nom-
bre d'occasions, que pour désigner le style; le
sens propre de ce mot est alors proscrit.
On dit <iu'une lettre est bien écrite, pour dire
qu'elle est d'un très-bon style. Si on veut dire
que le caractère de l'écriture est net el agréable
à la vue, on dit qu'elle est bien peinte. Cet usage
parait ridicule, mais il a prévalu. Cependant, il
faut avouer que du moins, dans le cas dont nous
venons de parler, on a un mut, très-impropre à
la vérité, pour exprimer le sens propre. Mais il
est d'autres cas où il n'y a plus de mot pour ex-
primer le sens propre, et où le sens li^-urc seul
est employé. Par exein|)le, dans les mots bassesse,
aveuglement, etc. (D'Alembert.)
258
EFF
EcuEiL. Subst. m. On prononce ékeuil, en
muiiillaiil le /.
KcLELLE. Subst. f. t/ et e forment une diph-
tlioiigue.
EcoELLÉE. Subst. f. U c\. e forment une di|)li-
llinlliîUC.
Êcu>!A^T, ÊCOMANTE. Adj. Verbal tiré du v.
éciimer : La mer écumante. Un vent favorable
remplissait déjà nos voiles; les rameurs fen-
daient les ondes écumanlcs. (Fcnel., Tt'lcmagve,
liv. III, t. 1, 119.) Il se met ordinairement après
son subst.
ÊcuMEux, ÊcDMETJSE. Adj. Qui H'cst gucrc usité
qu'en poésie. :
Alors nous nous courbons sous les flol.-: e'cumetix.
(Dblil., Énéid., III, 262.|
Lne ile est au milieu des ondes écumeusee.
(Idem, 159.)
1! se met rarement avant son subst.
Edifiait, Édifiante. Adj. verbal tiré du v.
édifier. Il ne se dit que dans le sens de porter à la
piété, à la vertu, ou par l'exemple ou par le dis-
cours. Il se met ordinairement après son subst. :
Livre édifiant, sermon édifiant, discours édifiant,
vie édifiante. Voyez Adjectif.
Edificatelr. Subst. m. Celui qui élève, qui
construit un édifice. Ce mot, que met l' Acadé-
mie, n'est point usité. On dit architecte ou
constructeur.
ÉDiT. Subst. m On ne prononce point le t.
*Eduqder. V. a. de la 1" conj. Ce mot n'est
plus usité, on dit élever. L'Académie ne le met
point. Il a été employé par Buffon : M. de la
Brosse ne dit pas si le nègre les avait éduqués.
{Des orangs-outangs, t. XVI, p. 532^.)
Effaçable. Adj. des deux genres. Il est bien
moins usité que son contraire, incffaçahle. On le
met après son subst. : Écriture effaçable.
Effaroucher. V. a. de la 1"' conj. Racine a
dit dans .B(yaz-e< (act. I, se. iv, 59) :
Je connais sa vertu prompte à s'effaroucher.
Cette acception n'a point d'exemple dans le Dic-
tionnaire de l'Académie.
Effectif, Effective. Adj. qui se met toujours
après son subsl. : Une armée de trente mille
hommes effectifs. Dis mille francs effectifs.
Effectivement. Adv. 11 se met ou après le
verbe, ou au commencement de la phrase, ou
entre l'auxiliaire cl le participe : Effectivement,
il est arrivé. Il est arrivé effectivement. Il est
effectivement arrivé.
Effeuiller. V. a. de lad'" conj. Ou mouille
les^
Efficace. Adj. des deux genres. En prose, il
se met toujours après son subst. : Reinède effi-
cace, discours efficace, la grâce efficace. Il se
dit des choses, et jamais des personnes.
Efficace. Subst. f. :
Et je n'ai point appris qu'elle eût tant d'efficace.
(ConH., Menteur, act. IV, se. m, 18.1
A'oUaire dit, au sujet de ce vers : Efficace, pris
comme subst., n'est plus d'usago. On dit effica-
cité, ou plutôt on se sert d'un autre mot. [Be-
marques sur Corneille.)
L'Académie dit ([ue ce mol signiPie la même
chose i\u' efficacité , mais qu'il est beaucoup
moins en usage.
Efficacement. Adv. Il se met après le verbe,
EFF
et peut aussi se mettre entre l'auxiliaire cl le par-
tici[(C : // a travaillé efficacement à lapais, ou
il a efficacement traruillé à la paix.
Efficient, Efficik.nte Adj. qui se met après
son subst. : Cause efficiente.
Effleurer. V. a. de la 1" conj. Delille dit,
en parlant d'un baiser tiuc Jupiter prend sur Ir
bouche de Vénus [Enéide, I, 355) ;
Sur sa bouche de rose effleure un doux baiser.
Féraud dit qu'on emploie ordinairement ce
mot avec ne faire que, et qu'on peut lui associer
aussi à peine : Il effleure d peine les matières.
On rendrait l'idée de Delille bien ridicule si l'on
disait : Sur sa bouche de rose il effleure à peine
un doux baiser, ou il ne fuit qu'effleurer vn dous
baiser; ou |)lutôt on changerait tout à fait la na-
ture de celte idée.
Effokcer (s'). V. pronom. Ce verbe régit tan-
tôt la préposition à, tantôt la préposition de.
Lorsque les efforts tendent à faire une action dé-
terminée dont le sujet du verbe est l'agent immé-
j diat, il fau-l employer la préposition à, parce que
le sujet, j)ar ses efforts, tend vers un but qu'il
veut atteindre, et que la [irépositiou à maïque
cette tendance. Dans il ^efforce à crier, l'action
est déterminée, le sujet du verbe en est l'agent
immédial, il y a un but auquel il tend, savoir,
crier. La préposition à marque convenablement
la tendance à ce but. On dira de même il s'efforce
il parler, à marcher; il s'efforce à porter ce far-
deau ; il faut s'efforcer à gagner la vie éternelle;
ce jeune horloger s'efforce à faire une montre
Laissez-moi m'efforccr, cruel, à vous lia'ir.
(Volt., /nd>«orst, se. xiii, 7.)
Mais, si l'action est indéterminée, on emploiera
de, jiarce que à suppose toujours un point fixe
et déterminé : // s'efforce d'agir, il s'efforce de
parvenir, il s'efforce de paraître indifférent. Il
en est de même si le sujet du verbe n'est pas l'a-
gent immédiat de la totalité de l'action a laquelle
tendent les efforts. Alors de est la seule i)réposi-
lion que l'on puisse employer, parce que à, indi-
quant le but des ei'forts, annoncerait le sujet
comme l'agent immédiat de l'action totale.
Quand je disje m'efforce à crier, à indi<pie que
c'est moi qui dois faire imuiédiatemcnl l'action
indiquée par le verbe qui va suivre, c'est-à-
dire l'action de crier. Mais si je disais je m'ef-
force ii gagner votre amitié, à annoncera-it que je
SUIS l'agent immédiat de la totalité de l'action qui
va être indiquée, tandis que je n'en suis en effet
que la cause occasionnelle. Je m'efforce non à
l'aire une action déterminée, mais à attirer sur
moi un effet déterminé qui dépend de vous, sa-
voir, votre amitié. Il faul donc dire je m'efforce
de gagner votre auritié, à'obtenir la faveur du .
prince, le suffrage du public; et non jias, je
vi'ef force à gagner votre amitié., a obtenir la fa-
veur du prince, le suffrage du public. On dira
de même qu'i/M homine s'efforce tï être plaisant,
à'ètre gai; qu'î//(e femme s'efforce de plai-
re, etc.
Effort. Subsl. m. Le i ne se prononce point.
Il se dit du corps et de l'esprit : Effort de corps,
d'esprit, d'imagination, etc. Faire des efforts
pour... On ne dit pas fah'e des efforts à, ni
faire effort à. Celte expression ne p(!Ul être to-
lérée dans le vers suivant de Corneille {Toison
d'or, act. IV, se. i, 8'i) :
EFF
Faites effort à plaire autant que l'on ïous plaît.
On dit défendre de toutes ses forces, mais on ne
dit pas défendre do tovs ses efforts. I.;i rnison en
est sensible; Veffort tend toujours vers un hiii;
la défense n'avance pas vers un but, elle lâche
d'éviter, d'arrclor, de repousser une attaque. On
fait des efforts pour exécuter une action; on
emploie ses forces ou pour exéc\Ucr une action,
ou pour enipôrher (lu'une action ne soit exécutée.
On fait tous ses efforts dans l'attaque, on em-
ploie toutes SCS forces daiis la défense ou dans
t'attaque.
Effraction. Subst. f. C'est un terme de prati- "
que qui signilic fracUire, rupture que font les vo-
leurs pour pénétrer dans (juclquc endroit. Il ne
faut pas le conlondre avec fraction, qui n'est
d'usage qu'en quelques phrases consacrées, coni-
uie la fraction de l'hostie. On dit un vcl avec ef-
fraction, et non pas fuit arec fraction.
Effraya>t, Effi.a^ante. Adj. verbal tiré du v.
effrayer. On peut le mcltre avant son subst., en
consultant l'analogie et l'harmonie : Un exemple
effrayant, un effrayant exemple. Une pensée
effrayante, une effrayante pensée. On ne dirait
pas un effrayant homme. Voyez Adjectif.
Effrayer. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme payer. Dans la conjugaison de ce verbe,
on conserve Vy de l'infinitif, excepté devant un e
muet : J'effraie, tu effraies, ils effraient. J'ef-
fraierai. Effrayer quelqu'un, l'effrayer par
quelque chose. S'effrayer ou cii-e effrayé de.
Effréné, Effrénée. Adj. Qui est sans frein,
sans retenue. L'Académie remarque avec raison
qu'il ne se dit qu'au figuré. Mais je crois que Fé-
raud se trompe quand il prétend qu'il ne se dit
point des personnes. On dit très-bien, ce me sem-
ble, «w jeune homme effréné. Cet adj. ne se met
qu'après son subst.
Effroi. Subst. m. L'Académie dit porter l'ef-
froi, trembler d'effroi, pâlir d'effroi. Mais on
dit aussi être glacé d'effroi :
Quel trouble tous agite, et quel effroi vous glace ?
'^(fUc, Âth., act. II, se. V, 1.)
Effronté, Effrontée. Adj. Il se dit des per-
sonnes et des choses qui ont rapport aux per-
sonnes ; Un homme effronté, une femme ef-
frontée, un air effronté, une mine effrontée.
EtouSe dans son sang ses désirs effrontés,
(Rac, Phèd., act. IV, se. u, 41.)
Ces douces Ménades
Se font des mois entiers, sur un lit effronté.
Traiter d'une Tisible et parfaite santé.
(BoiL., Sat.X, 393.)
Etmille autres encor, effrontés ornement».
Serpentent sur son sein, pendent à ses oreilles.
(Gilbert, Le Dix-Huitième Siècle, 122.)
Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Effrontément. Adv. Il se met ordinairement
après le verbe : Il a parlé effrontément, et non
pas il a effrontément parlé. Je crois cependant
qu'no pourrait dire il a effrontémerit soutenu ce
mensonge. La raison de celle différence, c'est
(\\i& parler n'a pas une analogie directe avec ef-
frontément; au lieu que celte analogie existe
entre effrontément et soutenir un mejisonge ; de
sorte que effrontément, placé après l'auxiliaire,
annonce un pariicipe avec lequel il se lie natu-
rellement par le caractère commun des idées .
EGA 259
Effrovable. Adj. des deux genres. Il peut s«
mettre avant soii subst., selon les fircoiislances :
Des abîmes effroyables, d'effroyables abîmes;
U7ie race effroyable, une effroyable race.
Un effroyable cri, sorti du fond des flots.
Des airs en ce moment a troublé le repos.
(Rlc, Phéd., act. Y, se. vi, ÏQ.)
Gel adjectif s'emploie ordinairement sans ré-
gime, surtout en prose. Crébillon a dit en vers :
Monument effroyable à la race future.
Effroyablement. Adv. On peut le mettre en-
tre l'auxiliaire cl le participe : [l a dépensé ef-
froyablement, ou il a effroyablement di-pensé
depuis quelque temps. On ne dirait pas il s'est
effroyablement conduit.
Effusion. Subst. f. La signification de ce mot
est bien marquée dans ce vers de Hacine \Bri-
tan., act. V, se. v, 9) :
Ma main de cette coupe épanche les prémices.
Dit-il, dieux que j'appelle à cette effusion...
On l'emploie aussi au figuré : L'effusion du
cœur.
Égal, Égale. Adj. Quand il est sans régime,
on peut le mettre avant son subst., en consultant
l'oreille el l'analogie : Une conduite égale, une
égale conduite ; un embarras égal, u-n égal em-
barras.
Mais quand il a un régime, il doit toujours
être placé après. Il ne faut pas imiter en cela
Gresset, lorsqu'il a dit (égl. Y, 128):
Je goûte à vous entendre une égale douceur
A celle que ressent l'aride voyageur, etc.
Voltaire a dit : Les citoyens de Paris...
voyaient dans le parlement un corps auguste...
qui marchait d'un pas égal entre le roi et le
peuple. {Siècle de Louis XIV, ohaj). iv.)
Il se prend quelquefois substantivement. On
dit il marche mon égal. Gresset a dit (égl. iv, 60) :
Vous marcherez égal aux dieux de votre rang.
Cette expression n'a pas plu à Féraud, qui a dit :
« Je crois qu'on dit toujours marcher l'égal de,
el non pas marcher égal à. Voltaire et Deliile
n'étaient pas de cet avis. Le premier a dil dans
Mahomet (act. I, se. ii, 39) :
Et vous semble/ d'un sang fait pour donner des lois
A l'Arabe insolent qui marche égal aux rois.
El le second fait dire à Junon, dans le premier
livre de V Enéide (79) :
Et moi qui marche égale au souverain des cieux.
Girault-Duviviercst d'avis que ces deux locu-
tions : Marcher l'égal de, et marcher égal à, sont
régulières, parce que dans le premier cas, eya?
est substantif, et dans le second, ydjeclif. (Gram-
maire d^s Grammaires, p. ir2'S)
Êg.aleuent. Adv. Il peut se mettre enlre lauxi-
liaire el le participe : // les a traités également,
ou il les a également traités.
Égaler, Egaliser. Verbes actifs de la 1" conj.
L'Académie dit que l'un et l'autre signifie rendre
égal. FUc donne pour exemples du premier,
égaler les paris et les portions ; la mort égale
tous les hommes, égale tous les rangs; et pour
2i0
ÉGL
exemples du seconJ, égaliser les lois d'un par-
tage; l'ammir égalise toutes les cmiditions.
'Voltaire regarde égaliser comme un barba-
risme CependaiU ce mot s'est maintenu dans la
langue. Ecoulons ce aue Roubaud a dit à ce su-
jet : « Au jugement ue M. de Voltaire, dit-il,
c'est un barbarisme de mol que de dire igaliser
pour égaler les fortunes ; cependant égaliser a
une idée propre bien distincte, et différente de
l'idée propre lïégaler. Par sa simple terminaison
verbale, ('.«/fl/e/- signifie proprement être ou mettre
à l'égal d'un autre, etc.; et, par sa terminaison
composée, égaliser signifie rendre égal, plein,
uni, semblable, pareil; conune aiguiser signifie
rendre aigu; volatiliser , rendre volatil. Les
deux terminaisons sont très-différentes : l'une
marque purement l'état de la chose, ce qu'elle
est; l'autre exprime une action, ce qu'on fait de
la chose. Enlin égaliser rend à la lettre les verbes
latins cxœquare,inœquare ; égaler ne rend que la
valeur du verbe simple (ryi/arc. » — Ce raisonne-
ment de Roubaud nous parait jii^te, et nous ne
croyons pas ijue la décision sans fondement de
Voltaire suffise pour faire proscrire ce mot.
Egalisation. Subst. f. C'est un terme de pra-
tique.
ÉGAREMENT. Subst. m. L'Académie le définit,
méprise du voyageur qui s'écarte de son chemin.
11 y a longtemps qu'on ne le dit plus dans ce sens,
et qu'il n'est usité qu'au figuré. On l'a repris
dans ce vers de Racine (jfjp/izjr.jact. II, se. iv, 7):
Arcas s'est tu tromper par uotre égarement.
Dans le vers suivant, il est employé comme il
doit l'être :
Dans quels égaremcnti l'amour jeta ma mère .'
(Uac, Phèd., ac!. I, se. lU, 98.)
Les égarements de l'esprit. Les égarements du
cœur.
Egayer. V. a. de la 1" conj. Dans la conjugai-
son de ce verbe, on conserve l'y de l'infinitif,
excepté avant un e muet : J'égaie, tu égaies, ils
égaient. J^égaierai, etc.
Eglogue. Subst. f. C'est ce qu'on nomme aussi
poésie bucolique, ou poésie pastorale. C'est une
représentation de ce qui se passe parmi les ber-
gers. Le style de l'églogue doit être simple,
j)arcc (|ue les bergers parlent simplement; il ne
doit point être concis, parce que l'églogue reçoit
les détails des petites choses qui font partie du
loisir de la campagne et du caractère des ber-
gers. Ils jieuvent se permettre des digressions,
parce que leurs moments ne sont point comptes,
parce qu'ils jouissent d'un loisir tranquille,
et qu'il s'agit de peindre leur vie. Ainsi le style
bucolique doit être plus orné qu'élégant. Les
pensées doivent être naïves, les images riantes ou
touchantes, les comparaisons naturelles et tirées
des choses communes, les sentiments les plus ten-
dres et les plus délicats, le tour simple, les vers
libres, et leur cadence harmonieuse. — "Tout l'es-
prit de l'églogue doit être en sentiments et en
images; on ne »eut voir dans les bergers que des
hommes bien organisés par la nature, et à qui
l'art n'a point appris à composer et décomposer
leurs idées. Ce n'est que par les sens qu'ils sont
instruit» et affectés, et leur langage doit être
comme le miroir où ces impressions se retracent.
Un berger ne doit apercevoir «jne ce qu'aperçoit
l'homme le plus simple sans réflexion et sans ef-
fort. (Jaucourt.'i
ÉLA
Egorger. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le second g doit toujours se prononcer comme
uuj; et [tour lui conserver cette prononciation
lorsi|u'il est suivi d'un a ou d'un o, on met un
e muet avant cet a ou cet o : J'égorgeais, égor'
gcons ; et non p3iS j'égorgais, égorgons.
Egratigner. V. a. de la l'-^ conj. Egrati-
GNURE. Subst. f. Dans ces deux mots on mouille
le gn.
Egrillard, Egrillarde. Adj. qui se prend sub
stanlivcment. On mouille les /. Il ne se met qu'a-
prés son subst., du moins en prose : Esprit égril-
lard, humeur égrillarde.
Egrlger. V. a. de la \" conj. Dans ce second
verbe, le second g doit toujours se prononcer
comme y,- et pour lui conserver cette prononcia-
tion lorsqu'il est suivi d'un « ou d'un o, on met
un e muet avant cet « ou cet o ■ J'égrugtais,
égrugeons, et non \K\sj'égrugais, égrugons.
Eh ou Hé. Interj. Eh exprime l'admiration, la
surprise: Eh! gui aurait pu s'attendre à celaf
— fié sert principalement à appeler : Hé.' viens
çà, ce qui ne se dit qu'à des personnes fort infé-
rieures.— Hé convient mieux que eh lorsqu'on
veut avertir de prendre garde à quelque chose,
comme hé, gu allez-vous faire? Hé semble dire
quelque chose de plus fort que eh ; c'est pour
cela qu'il faut écrire hé bien! hé quoi!
Hé bien '. contentez donc l'orgueil qui tous eniTre.
(BoiL., iJprtreX, 69.)
lU quoi .' Totre courroux n'a-f-il pas eu son cours T
(Ràc, Androm., act. I, se. IV, 53.)
— L'Académie admet hé quoi! mais elle écrit eh
bien! On se sert de hé pour marquer la douleur :
Hé ! guej'e suis misérable ! ou pour témoigner la
commisération : Hé ! pauvre homme, guej'e vous
plains!
Hé ! mon père, oubliez Totre rang à ma vue.
(lUc., Iphig., act. II, se. il, 2S.)
Ehonté, Éhontée. Adj. Il est encore usité dans
la conversation. On disait auticfois déhonté ; on
dit plus ordinairement aujourd'hui effronté, qui
ne marque pas si bien la corruption du cœur
(iWéhonté. Voyez Déhonté.
Elaborer. V. a. de la 1" conj. Au propre,
c'est un terme de médecine qui signifie préparer
et perfectionner graduellement les sucs, les hu-
meurs, etc. J.-J. Rousseau l'a employé heureu-
sement au figuré : L'esprit humain, moins éten-
du, moiîis noyé parmi les opinions vulgaires,
s'élabore et fermente mieux dans la tranquille
solitude.
ÉLANCÉ, Elancée. Voltaire remploie dans un
sens que l'on ne trouve point dans le Diction-
naire de l'Académie [Henr., III, 25) :
Son sang à gros bouillons, de son corps élancé ,
Vengeait le sang français par ses ordres Tersé.
ÉLANCEMENT. Subst. m. Sclou l'Académic, il se
dit en termes de dévotion, et signifie un mou-
vement affectueux et subit : Les élancements de
lame vers Dieu. Molière a dit dans Tartuf»
(act. I, se. VI, 2t>) :
Il faisait des soupirs, de grands élaneementi.
Féraud observe avec raison que ce mot est vieux
en ce sens. On dit aujourd'hui élans.
ÉLÉ
ÊLASTiQCE. Adj. (les deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Corps élastique, vertu élas-
tique.
ÉLECTORAL, Élf.ctorai.e. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. On prononce le l linal : as-
semblée électorale. On dit au \A\xnQ\ électoraux :
Les collèges électoraux.
Êlectorat. Subst. m. Le t final ne se fait pas
sentir.
ÊtECTRiQDE. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst.
Élégammem. Adv. Il se met après le verbe :
Il a parlé élégamment ; et non pas il a élégam-
ment parlé.
Élégance. Subst. f. Ce mot vient, selon quel-
ques-uns, é'electvs, ciioisi; on ne voit pas ([u'un
autre mot latin puisse être son èiymologie; en ef-
l'et, il y a du choix dans tout ce (jui est élégant.
1, 'élégance est un résultat de la justesse et de
l'.içrcment.
Ce terme est consacré en français à la sculp-
ture, à la peinture, à l'éloquence, et principale-
ujcnl à la poésie. 11 ne signifie pas eu sculpture
et en peinture précisément la même chose que
grâce ; le terme grâce se dit particulièrement du
visage, et on ne dit pas un visage élégant comme
des contours élégants, l.a raison en est que la
grâce a toujours (|ucl(iuc chose d'animé, et c'est
dans le visage que paraît l'àme; ainsi on ne dit
pas une démarche élégante, parce que la démar-
che est animée.
L'élégance du style, dit Marmontel, suppose
l'exactitude, la justesse et la pureté, c'est-à-dire
la lidélité la plus sévère aux règles de la langue,
au sens de l;i pensée, aux lois de l'usage cl du
goût, accord d'où nsulle la correction du style.
Mais tout cela contribue a l'élégance, et n'y suffit
pas. Elle exige encore une liberté noble, un air
facile et naturel, qui, sans nuire à la correction.
en déguise l'étude et la gène. L'élégance consiste,
dit Girard, dans un tour de pensée noble et poli,
rendu par dos expressions châtiées, coulantes et
gracieuses à l'oreille. Disons mieu.x, c'est la réu-
nion de touics les grâces du style.
La langueur et la mollesse du style sont les
écueils voisins de l'élégance; et, parmi ceux (jui
la recherchent, il en est peu qui les évitent. Pour
donner de l'aisance à l'expression, ils la rendent
lâche et diffuse; leur style est (wli, mais effé-
miné. La première cause de celte faiblesse est
dans la manière de concevoir et de sentir. Tout
ce qu'on peut exiger de l'élégance, c'est de ne
pas énerver le sentiment ou la pensée; mais on
ne doit pas s'attendre (lu'elle donne de la chaleur
ou de la force à qui n'en a pas.
Le point essentiel et dil'licile est de concilier
l'élégance avec le naturel. L'élégance suppose le
choix de l'expression; or, le moyen de choisir
quand l'expression naturelle est uniijue? le moyen
d'accorder celte vérité, ce naturel, avec toutes
les convenances des mœurs, de l'usage et du
goût , avec ces idées factices de bienséance et de
noblesse qui varient d'un siècle à l'autre, et <|ui
font loi dans tous les temps? Comment faire par-
ler naturellement un villageois, un homme du
peuple, sans blesser la délicatesse d'un homme
poli, cultivé?
C'est là sans doute une des grandes difficultés
ie l'art, et peu d'écrivains ont su la vaincre.
ToulcJ't'is, il y a deux moyens d'y parvenir : le
choix des idées et des choses, et le talent de pla-
cer les mois. Le style n'est le plus souvent bas et
commun que par les idées. Dire comme tout le
ÉLE
241
monde ce que tout le monde a p<»nsè, ce n'est
pas la peine d'écrire; vouloir dire des choses
communes d'une façon nouvelle et ijui n'apjwr-
lienne qu'a nous, c'est courir le risipie d'être
précieux, affecté, peu naturel: dire des choses
que nous avons tous confusément dans l'âme,
mais que personne n'a pris soin cncure de démê-
ler, d'exprimer, de placer à pro|)os; les dire dans
les formes les plus sinq)les, et en apparence les
moins recherchées, c'est le moyen d'élre à la fois
naturel et ingénieux :
Le saga est ménager du temps et des paroles.
La Font., liv. VIII, fabl. xivi, 39.)
Qui ne l'eût pas dit comme La Fontaine? qui
n'eût pas dit comme lui?
Qu'un ami véritable est une douce chose!
Il ctierche vos besoins au fond de voire cœur.
(Lit. VIII, fabl. xi, 24.)
Ou plutôt qui l'eût dit avec cette vérité si tou-
chante? (Voltaire, Marmontel.)
Élégant, Élégante. Adj. Il peut se mettre
avant son subst. -. Une parure élégante, une élé-
gante parure ; une tournure élégante, une élé-
gante tournure. Cependant on ne dirait pas un
élégant tour, %in élégant homme, etc. Il faut
consulter l'oreille et l'analogie. Voyez Adjectif.
Élégiaque. Adj. des deux genres (jui ne se met
qu'après son subst. : f^ers élégiaques, poésies
élégiaques. Cet adjectif se dil de ce (]ui appar-
tient à l'élégie, et s'applicjue plus particulière-
ment à l'espèce de versiiui entraient dans l'élé-
gie des anciens, et qui consistaient dans une suite
de distiques formés d'un hexamètre et d'un pen-
tamètre. L'inégalilé des vers élégiaques les dis-
tingue des vers héro'iques, dont la marche sou-
tenue caractérise la majesté. Parmi nous, ma-
dame de la Suze et madame Deshoulières se sont
exercées dans le genre élégiaque.
Élégie. Subst. f. Petit poème dont les plaintes
et la douleur sont le principal caractère.
La plaintive élégie, en longs liabits de deuil.
Sait, les cheveux épars, gémir sur un cercueil.
(Bon,., ^. P., II, 59.)
Nous disons le principal caractère, car bien
que ce poëme se lixe ordinairement aux objets
lugubres, il ne s'y borne pourlanl pas unique-
ment. Le même Boileau a dit {idem, k\) :
Elle peint des amants la joie et la tristesse.
Flatte, menace, irrile, apaise une maîtresse.
Le vrai caractère de l'élégie consiste dans la
diversité des pensées, dans la délicatesse dessen-
timenls, dans la simplicité des expressions.
Élémentaire. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Géométrie élémentaire,
ouvrage élémentaire.
ÉLÈVE. Subst. Il nous semble que Férand re-
marque avec raison qu'en parlant des fcmmes.on
devrait mettre ce mol au féminin, et dire c'est
une élève de tel peintre. —Dans sa dernière édi-
tion, l'Académie donne pour exemple, faire de
bonnes élèves.
ÉLEVER. V. a. de la 1" conj. Dans le sens d'in-
struire, on dit élever un enfant à la vertu. Toute
leur attention était d'élever leurs enfants à la
vertu. (iNIonlesquieu, XIl'' lettre persane.) L'A-
cadémie ne donne point ce régime a ce verbe.
16
542 f.^.l
Dans le sens de porter plus haut. Racine a dit
{Britann., act. I, se. il, 16) :
Ai-je donc /levé si hiul votre fortune ?
Dans ce sens, l'Académie ne le dit que des per-
sonnes.
L'Académie a reproché à Corneille d'avoir fait
régir à ce verbe la préposition en :
Enfin \oiis l'cmiiorloz, cl la faTcur da roi
Vous élève en un rang qui n'élalt dû qu'à moi.
[Cid, acU I, se. vi, i.)
On doit dire élever à tm rang, à un état, à vno
diynitc. On dit, ;i la vérité, élever en honneur, en
dignité; niais alors les mots honneur, dignité,
sont pris dans un sens indélini. On dit s'élever à
une grande dignité, à un grand honneur.
On trouve la même faute dans les vers suivants
de Voltaire [Sémiramis, act. II, se. vu, U) :
Tranquille j'oubliai, sans crainte et sans ennuis.
Quel degré m'éleva dans ce rang où je suis.
On n'élève pas plus en un rang que dayis un
rang.
S'élever. On peut utilement ajouter les exem-
ples suivants à ceux de l'Académie :
Le remords dévorant t' éleva dans son coeur.
(YoLT., Henr., III, 10.)
Quelle effroyable voii dan» mon âme s'élève.
[Maliom., act. IV, se. IV, 32.]
Un jour doit s'élever des cendres de Pergame
Un peuple ùe sa ville orgueilleux destructeur.
Et du monde conquis vaste dominateur.
(Dblil., Enéide, I, 34.)
Êlider. V. a. de la 1" conj. Terme de gram-
maire. C'est supprimer la voyelle finale d'un mol
à la rencontre d'une autre voyelle. Voyez ÉU-
sion, Apostrophe .
Élire. V. a. et irrég. delà 4' conj. Il se con-
jugue comme lire. Voyez ce mot : Élire à la ma-
jorité des voix, il a été élu président.
On l'employait autrefois dans le sens de choisir.
Corneille a dit (Cid, édit. de Volt., act. I, se. i,
29) :
Lt roi doit à son fils élire un gouverneur.
Et Molière : Et qyel conseil vous me faites
élire! On dirait aujourd'hui choisir. Une seule
personne choisit, plusieurs personnes élisent. Il
faut observer qu'on n'élit que des personnes, et
qu'ainsi plusieurs personnes pourraient choisir
nn lieu.
Elision. Subst. f. Suppression de la voyelle
(l'un mot à la rencontre d'une autre voyelle.
Voyez Apostrophe.
Dans noire poésie, nous n'avons d'autre élision
ïue celle de \'e mviel devant une voyelle; tout
autre concours de deux voyelles y est inlerdii;
règle qui [«ut paraître assez bizarre pour deux
raisons : la piemicre, parce qu'il y a une grande
quantité de mots ;iu milieu desquels il y a con-
cours de deux voyelles, et qu'il faudrait donc
aussi, par la même raison, inlerdire ces mots à la
poésie, puis(iu'on ne sauiait les cou[)er en deux ;
te seconde, c'est <]ue le concours de deux voyelles
est jwrmisdans notre poésie, quand la seconde est
piécédée d'un h aspiré, comme danse» Aéro*, la
tu
hauteur; c'est-à-dire que l'hiatus n'est permis
que dans le cas où il est le plus rude à l'oreille.
On peut remarquer aussi que l'hiatus est permis
lorsque l'e muet est précédé d'une voyelle,
comme dans immolée à mes yeux; et que pour
lors la voyelle qui précède Vc muet est plus mar-
quée. Immolé à mes yeux n'est pas ftermis en
poésie, et cependant il est moins rude que l'au-
tre; nouvelle bizarrerie. Dans ta prose, les hia-
tus ne sont point défendus. Il csi vrai (|u'une
oreille délicate serait chocpiée s'ils étaient en
grand nombre, mais il serait peut-être encore
plus ridicule de vouloir les éviter tout à fait •
ce serait souvent le moyen d'énerver le style, de
lui faire perdre sa vivacité, sa précision" et sa
facilité. Avec un peu d'oreille de la part de l'é-
crivain, les hiatus ne seront ni fréquents, ni cho-
quants dans la prose.
On attribue un désagrément à Ve muet qui
termine les adjectifs féminins dont le masculin
est en é, i, ou, v, et dont il résulte ée, ie, oue,
ve. Voici quelques observations de Bcauzée sur
celle matière.
Il arrive irès-fréquemmenl que ccl c ne scn-
tend presque jxjint : Elle s'est rendue phu dif-
ficile queje ne pensais, ne donne guère qu'un u
plus soutenu et plus long, jusque-là que bien
des grammairiens ont cru pouvoir relranchcr Ve
muet qui le suit.
La poésie l'élide, et s'épargne par là le soin
de chercher un tour plus ou inoins naturel, que
ne lui fournirait pas ce masculin qui ne s'élide
point.
L'honneur est corame-une-ile-escarpée-et sans boi'd.:.
(BoiL., Sat. X, 167.)
Quatre élisions dans ce seul vers. Je vois bien
que dans la quatrième l'oreille n'entend à la ri-
gueur que pé-et, comme dans cet autre exem-
ple :
Un son liarmonieux s'y mêle au bruit des eaux,
elle n'entend qu'un équivalent des mots «t
evx ; mais il est de fait que ces deux vers sont
très-beaux , et qu'ils ne blessent en rien notre
oreille; tandis (.[u'escarpé-et, et ni eux y seraient
insupportables.
En général, je pense que ces fréquentes élisions
de notre langue y produisent une beauté.
Par toi-même bientôt conduile à l'I^pora,
De quel air penses-tu que la s.ilnle y verra
Du speclaclc-cnchanteur la pompe harmonieuse?
't?oiL., Sat. X, 151.)
C'est que l'élision y fait entendre à l'esprit quel-
que chose de plus qu'à l'oreille : et pour en rorc-
nir à notre escarpé et sans bords, au son harmo-
nieux, etc., je crois qu'il y intervient néces-
sairement et involontairement un jugement de
l'àme qui en rectifie l'hiatus, dont l'oreille aurait
souffert dans tout autre cas. Ce n'est point ici, à
mon avis, une affaire de fantaisie, de pure ha-
bitude, ni de convention ; c'est une e>pérc de
sensation composée du physique et de l'intellec-
tuel : escarpé et, mo ni evx, pompar, \ oila ce
qui frappe l'oreille. Escarpé et sans bords, un
son harmonieux, la pompe harmonieuse, c'est ce
que l'esprit y entend. On peut dire qu'en cette
occasion, coinmc on beaucoup d'autres sembla-
bles, l'esprit fait illusion a l'oreille, qui à son
tour, et dans bien d'autres aussi, ne manquera
pas de donner le change à l'esprit.
ELL
Il faut évllcr avec soin les élisions dures. La
Harpe en relève une de celte nature dans ce
vers de Voltaire {Sémir., act. 1, se. v, 49) :
En m' arrachant mon fiU m'avait punie as$et.
Celte t'iision soche et dure à la fin d'un vers
forme une chulc désagréable. [Cours de littéra-
ture.)
Elle. Pronom de la 3' personne du féminin
sinçulier. 11 fail elles au pluriel. Elle est tantôt
le féminin de il, cl laiilol le féminin de lui. Dans
le prenticr cas, il est toujours le sujet du verbe,
k pix'ccde toujours, excepté dans les inter-
rogaliuiis, et ne i)eiii en être séparé que par un
auu^ pronom personnel ou une particule né-
eative. Elle daiue, elle lui a donné sa grâce.
P'ient-elle, danse-t-elle? Elle, sujel d'une pré-
pusilioD, se dit également des personnes et des
choses.
Quand elle est le féminin de lui, il ne se dit
pas loujoui-s des choses. On ne dit pas d'une
science ou d'une [)rofession il s'est adonné à elle;
il faut dire, il .t't/ est adonné; ni d'une jument,
je ne me suis pas encore servi <i'elle, mais je
ne 7«'cn suis pas encore servi.
11 semble qu'avec les prépositions de cl à, les
pronoms elle, lui, eux, ne se disent pas indif-
féreuunenl des ihoses et des personnes. Cepen-
dant, lorsqu'ils sont |)récédés des prépositions
avec ou après, ils peuvent se dire des choses
même inaulmees; Cette rivière, dans ses débor-
demeuts, entraîne avec elle ^)m^ ce qu'elle ren-
couire, elle 71e laisse rien après elle.
Il y a des phrases fort en usage ea parlant des
personnes, donl on ne se sert pas en parlant d'une
multitude. Quoiiju'on dise d'une femuie,ye m'ap-
prochai d'elle, il iaul dire d'une armée, je m'en
approcluii. Lu régie que donnent les grammai-
riens est qu€, lorsque ces pronoms sont précè-
des d'une préposition, ils ne se dirent des choses
que dans le cas où elles ont été personnifiées.
Mais celte règle n'est pas exacte, puisque nous
venons de voir que les prépositions avec el après
n'empêchent pus qu'on ne les dise des choses.
D'ailleurs, quoi de plus personnifié qu'une ar-
mée qu'on fait mouvoir, agir et combattre? et
pourquoi ne dirait-on pas, nous allâmes, nous
ntarcMmes à elle? Pourrait-on même parler
autrement? Voila donc le pronom eZZe, précédé
d'une préposition, qui se dit d'une armée. Je
crois (ju'on peut dire encore, j'aime la t^érité
OM point que je sacrifierais tuui pour elle, el il
importe peu que la vérité soit personnifiée ou ne
le soil pas. (Coiidillac.) Voltaire a forl bien dit:
Les frontières de la Flandre espagnole étaient
presque sans fortifications et sans garnisons ;
Louis 71 eut qu'use prese/iter devant elles. [Siècle
de Louis Xlf^, < hap. VllL) On aurait pu de-
mander à Féraud, qui condamne cett* phrase,
comment il aurait dit à la place de VoUairc.
■Voltaire a dit dans Oreste (act. V, se. vu,
52):
Fers, tombez de ses mains; le sceptre est fait pour tlles.
Observez, dit à ce sujel La Harpe, qu'il n'est
ni dans le génie de notre langue, ni dans l'usage
des bons écrivains, de placer le pronom elle au-
trement que comme sujel, quand il se rapporte
aux choses; on ne l'emploie comme régime (jue
quand il se rapporte aux personnes ou aux choses
personnifiées. La violation de celle règle jette
ELL
243
d« la langueur dans le style; c est une sorte
d'inélégance. La même faute est dans ces vers
de Tancrède (act. I, se. ir, 99 ) :
Mais qoi peut altérer vos bontés paternelles?
Vous seule, vous, ma Clle, en abusant trop d'tllei.
Il n'y a personne qui ne sente combien ce
pronom*/^, qui finit la phrase et le vers, produit un
mauvais effet ; el cet effet se trouvera dans toutes
les phrases du même genre, en i»rose el en vers :
Il se souvient de vos bontés, il en est pénétn .
Si l'on disait il est pénétré d'elles, cc\ai parailrail
ridicule. C'est que noire langue y a pourvu
moyennant la particule e«, (|ui lienl lieu du pn^
nom, el qui, se plaçant avant le verbe, réunit ki
précision et la rapidité. 11 est vrai qu'il y a des
occasions où l'on ne saurait se servir du mot en;
mais alors il faut éviter ce pronom, cl chercher
une autre tournure. [Cours de littérature.)
Elle ne peut pas servir de régime indirect à un
verbe actif; on y substiliic lui, qui est alors
féminin. En parlant d'une femme on da donnez-
lui ce qu'elle dema/ide ; elle deina/ide ses yages,
don7iez-les-lui. Cependant s'il était quesLion de
savoir à (jui, de plusieurs femmes, on doit donner
linéique chose, on dirait forl bien ces femmes
?ie tnérite/it pas ce présent; donnez-le à elle,
en désignant celle que l'on entend indiquer par
ce jironom. C'est par la même raison qu'on lit
dans Télémaque (liv.VII, t. T, p. 24'J) : Il croyait
même parler à elle, ne sachant plus <,îi il était.
Dans celle phrase, elle est considéré, non comme
une personne à laquelle on dit quelque chose, mais
comme une personne à qui l'on adresse la parole.
Ilveut ?«z paj^er signifie, il veut lui dire tjuelque
chose, lui communiquer quelque chose par le
moyen de la parole. Il veut parler à elle, signi-
fie c'est à elle quil veut adresser la parole ;
et dans ce tour, il y a toujours une sorte d'of>-
position.- Ce n'est pas à lui que je veux par-
ler, c'est à elle.
Après les verbes* neutres cl réciproques qui
régissenl la préposition à, on dit elle cl elles. Il
faut s'adresser à elle ou à elles, il faut revenir
à clle ou « elles. Quand on y ajoute même, on
peut dire à elle avec les verbes actifs, en faisaiU
précéder lui : Do7inez-les-l\i\ à e\\e-77iême.
Quand le pronom la est le régime direct d'un
verbe, et «pi'après ce verbe il y a un nom qui
concourt avec le pronom à fornier ce régime
direct, on le répèle après le verbe, jwr le moyen
d'elle: Le lion la dévora, elle et ses enfants.
De même au pluriel : On les canda7n/ta, elles et
leurs complices.
Lorsque le pronom ei^ est le sujel d'une pro-
position, el (ju'on veut le joindre a un nom qui
concourt avec lui a former ce sujel, on laisse k
verbe après le pronom, parce qu'il ne peut en
être séparé; mais après le verbe on replète elle,
pour le joindre au nom qui concourt avec ce
pronom a former le sujel ; Elle mourut, elle et
les siens.
Le pronom eUe, comme plusieurs autres pro-
noms, s'emploie aussi pour rappeler des phrases
entières : Quia commis ce crime abominable?
Elle. C'esl-a-dire elle a commis ce crime etboini-
nubie. Voyez Lui, Pri)ui7u el Amphibologie.
Ellipse. Subsl. f. Terme de grammaire; d'un
mol irrec qui signifie manquemeut, owmjMw.
L'ellipse est une figure de construction. On
parle jwr ellipse lorsqu'on leiranche des mois qui
seraient nécessaires pour rendre la couslruclion
244
ELL
pleine. Quelquefois rcllipse consiste à ne pas
répOier dans un ou plusieurs niciubres d'une
phrase un uu plusieurs mois qui sont énoncés
dans un membre précédent. Par exemple, Vol-
taire a dit dans la Henriade (VII, 443) :
Trop ami des plai:>irs, et trop dei nouveautés.
Pour que celle phrase fût pleine grammaticale-
ment, il faudrait répéter dans le second membre
le mot ami, qui est exprime dans le premier,
et dire trop ami des plaisirs et trop ami des /lou-
veautcs. I/omission de celle répétition est ce que
l'on appelle une ellipse, et ce qui fait que
la phrase est elliptique. Dans celle pensée de La
Rochefoucauld ; L'avance produit quelquefois
la prodigalité, et la prodigalité l'avarice, l'el-
lipse consiste dans l'omission de deux mois (jui
sont exprimés dans le premier membre, et qui
devraient être lépétés dans le second pour rendre
la construction pleine, savoir, jD)W(/</(7(;eZ(7Me/'ow.
Il n'y a point de difficullé ((uand le mot ou les
mots que l'on ne répète pas doivenl être les mê-
mes que ceux qui sont exprimés dans le premier
membre. C'est ce qu'on peut remarquer dans
les exemples que nous venons de citer, et dans le
suivant : Une femme inconstante est celle qui
n'aime plus i une légère, celle qui déjà en aime
un autre ; une volage, celle qui ne sait ni si elle
aime, ni ce qu'elle aime ; une indifférente, celle
qui n'aime rien. (La Bruyère, Des femmes,
p. 273.) Dans tous les membres de celle phrase
où il y a ellipse, ce sont les mots femvie est ((ue
l'on n'a pas répétés, et qu'il faudrait répéter pour
rendre les constructions pleines.
Mais les grammairiens ne sont pas d'accord sur
les ellipses où les mots sous-entendus ne sont
pas exactement les mêmes que ceux qui sont ex-
primés. Par exemple, ils disent que si, dans le
premier membre de la phrase, le verbe est au
singulier, l'ellipse ne peut pas, dans le second
membre, le supposer au pluriel. Ainsi ils condam-
nent l'ellipse qui se trouve dans ce vers de Ra-
cine [Androm., act. II, se. il, 62) :
Le cœur est puurPyrrhu.^, et les vœux pour Orcsle,
parce que le sens est, et les vœux sont pour
Oreste, et (pic l'ellipse ne peut rappeler que le
mot est au singulier. Ils en disent autant de ce
vers de Voltaire [Henr. II, 41) :
Vous régnez, Londre est libre, et vos lois ûorissanles;
et do celte phrase de Montesquieu : Le peuple
jouit des refus du prince, et les courtisans de ses
grâces. {Esprit des Lois, \\v . XII, cliap. xxvii).
Cependant, quand on lit ces phrases, res|iril n'é-
prouve aucun embarras; on n'a pas besoin de
réflexion pour sentir la totalité du sens et les rap-
ports de tous les mots entre eux. A la vérité, il
faut supposer au pluriel un verbe qui rappelle le
même verbe qui est au singulier; mais les sujets
qui sont au pluriel conduisent naturellement à ce
changement de nombre; et (juand on a lu les
vœux, vos lois, les courtisans, on conçoit aussi-
tôt au pluriel le verbe qui est au singulier dans
le |)remier membre.
D'ailleurs, cette chicane que font ici les gram-
mairiens à ces grands écrivains est si peu fon-
dée, qu'elle taxerait d'irrégularité une muliiiudc
d'ellipses qui reviennent à chaque instant dans la
conversation, et que cependant ils trouvent très-
régulières Ainsi, quand je demandée quelqu'un,
ELL
où allez-vous? et qu'on me répond à Paris^ le
verbe sous-entendu n'est pas à la même |>erâonne
(|ue le verbe exprimé; car ce verbe es\ je vais,
et non pas vous allez, qu\ est le verbe exprimé.
Il en est de même lorsqu'on demande à Mé.iée,
dans la tragédie de ce nom (act. I, se. v, 48) :
Dans un si grand re»crs, que tous resle-t-il?
et qu'elle répond :
Moi.
Ce moi veut dire je me reste, et ce verbe à la.
première personne rappelle le même verbe <}ui
est â la troisième dans la ^1/ ;ise inlerrogative.
Or, s'il n'est pas nécessaire, dans une ellipse,
que le verbe supprimé soit a la même personne
que le verbe exprimé, j)ourquoi l'un ne pourrait-
il pas être au singulier et l'autre au pluriel, sur-
tout lorscjue des sujets analogues à ces membres
les y détermineni?
Trop souvent les grammairiens oublient que le
discours ne doit être fait d'après leurs règles
que lorsque leurs règles ont été faites pour la
perfection du langage; et que lorstju'une phrase
frappe l'esprit par sa clarté, sans choquer l'oreille
par des sons durs, ou le goût par des idées dis-
parates, c'est une pédanterie de s'efforcer à trou-
ver mal dit ce que tout le monde approuve, et ce
que les écrivains les plus distingués ont fréquem-
ment autorisé par des exemples.
Une chose singulière , c'est que ces mêmes
grammairiens qui ne veulent pas qu'à la faveur
d'un sujet pluriel on sous-enlende à ce nombre
un verbe exprimé au singulier dans le premier
membre d'une phrase, permellont que l'on sous-
enlcndc un masculin pour un féminin, ou un fé-
minin pour un masculin. Ainsi l'Académie per-
met à iMie femme de dire je suis plus grande que
mon frère, et à un homme, je suis plus grand
que ma sœur; ainsi elle approuve, l'âme des
femmes coquettes n'est pas moins fardée que leur
visage. (Saint-Evremout.) La faiblesse est plus
opposée à la vertu que le vice. (La Rochefou-
cauld, Max. 445 p. J'jO.)
t^es locutions sont fort bonnes, dit l'Académie,
parce que l'adjectif, pour ne regarder qu'un des
deux sexes, ne laisse pas de cotivenir à l'autre par
la sous-entenle qui tacitement le fait du genre
qu'il faut.
Il faut convenir que si ce raisonnement suffit
pour autoriser ces i)hrases, il suffira à plus forte
raison pour autoriser les ellipses des verbes dont
nous venons de parler. Ces locutions sont fort
bonnes, pourra-t-on dire, parce que le verbe, pour
être au singulier, ?ie laisse pas de convenir au
pluriel, par l'expression du sujet pluriel, quifor-
yncllement le fait du nombre qu'il faut.
11 n'en est pas de même de l'ellipse où l'on sui>-
pose le verbe sous-entendu à un autre temps que
celui qui est indiqué dans le premier membre
de la phrase. La différence du singulier au plu-
riel, du masculin au féminin, ne change point la
nature des propositions; mais la différence des
temps change cette nature, et l'on ne peut pas
sous-entendrc, au jjassé ou au futur, un verbe
qui est au iirésenl dans le premier membre. Nous
pensons donc (ju'on i)eut trouver une licence
dans ces vers de Voltaire [Zaïre, act. I, se. i,
107):
J'eune été près du Gange esclave des faux dieas.
Chrétienne dans Paris, musulmane en ces lienx.
ELL
Le verbe sous-cntondu devant mimntmane est
Je suis, et non [)[\s J'eusse été; ce (lui fait (lue
l'esprit n'est pas satisfait, et cherche en vain le
temps qui convient au dernier menihre. On peut
faire cette critique malgré l'autorité do foliaire,
parce qu'elle est fondée en raison, et que la rai-
son est au-dessus des grands hommes.
Plusieurs çrammairiens trouvent des ellipses
dans ces phrases : En aimant on veut l'être ; qui
ne sait point aimer n'est pas digne de l'être ; on
ne trompe pas longtemps les hmnmes sur leurs
intérêts, et ils ne haïssent rien tant que de l'être ;
il m'a trompé, je ne croyais pas l'être; vous
vous moquez des jaloux , vous le serez un
jour, etc.
11 ne nous est pas possible de voir des ellipses
proprement dites dans ces sortes de locutions.
Une ellipse est un retranchement ou une omis-
sion de répétition. 11 n'y a ni retranchement ni
omission de répétition lorsqu'à la place d'un mot
que l'on n'exprime pas formellement on en met
un autre qui le représente. Or, dans toutes les
phrases dont il est question, le complément du
verbe ^/)'<? n'est point retranché; il est seulement
exprime par un autre mot {jlifférent du premier,
mais qui en tient lieu. Fn aimant on veut l'être,
«;"est-à-dire on veut être le ou cela; ce qui signi-
lie aimé. Le est donc pour aimé ; aimé n'est donc
pas retranché, mais remplacé, et la construction
est pleine.
Si l'on ne considérait ainsi ces sortes de phra-
ses, il n'y aurait presque point de locutions dans
la langue où l'on ne trouvât une ellipse; chatiuc
pronom en formerait une.
Mais puisqu'il a plu à (}uelqucs grammairiens
de ranger ces locutions dans la classe des ellipses,
et qu'ils ont, sous ce rapport, approuvé les unes
et rejeté les autres, examinons sous leur vrai
point de vue les difficultés qu'elles représen-
tent, et jugeons par le rapport des pronoms ce
qu'ils veulent juger par les règles de l'ellipse.
On ne peut pas, disent-ils, rappeler un actif
par un passif, comme dans en aimant on veut
rétre ; j'aimais, je me flattais de l'être , etc. Ces
phrases ne sont pas irrégulières, parce qu'on a
sous-entendu au passif un veriie qui, dans le pre-
mier membre, est à l'actif; mais parce que, dans
le second membre, on a remplacé le verbe du
Iiremicr par un pronom qui ne peut le représen-
ter. Le, qui dans ces phrases cipiivaut à cela, ne
peut remplacer que l'idée d'une qualité détermi-
née, ou d'un état positif. Quand je dis vous êtes
jalotix et je ne le suis pas, vous n'êtes pas tran-
quille et je le suis, le rap[ielle dans la première
fihrase jaloux, (jui est une qualité déterminée;
dans la seconde, tranquille, qui est un étal posi-
tif; vous êtes jaloux et je ne le suis pas ; c'est-à-
dire je ne suis pas jaloux, ou jalouse, f^ous
n'êtes pas tranquille, et je le suis : c'est-à-dire
je suis tranquille. Mais (]uand on dit en aimant
je veux l'être ; j'aimais, je me flattais de l'être ,
je ne vois dans le premiei' membre aucune idée
déterminée, aucun état positif que puisse repré-
senter le le que je trouve dans le second. Ce le,
lorsqu'il vient frapper mon oreille, ne me repré-
sente rien, ou, pour (ju'il me représente une idée,
il faut que j'aille, i)ar la réflexion, la chercher hors
de la phrase. En effet, l'analyse gramiTiaticale
donne pour la première phrase, en aimant je
veux être aimant; ci pour la seconde, j'aimais et
je me flattais d'être j'aimais, ce qui est contre le
bon sens. Une épreuve semblable fera connaître,
dans tous les cas, si le pronom est bien ou mal
ELL
245
employé, ou, pour parler le langage des grammai-
riens qui voient des ellii)scs da'ns ces phrases, si
l'ellipse est régulière ou non.
On dira donc, on m'a trompé, et je ne croyais
pas l'être trompé. Fous êtes sensible, et je le
suis plus que vous sensible.
Mais on ne dira pas, qui ne sait point aimer ne
mérite pas de l'être aimer.
C'est d'a|)rès ces principes (ju'il faut juger ces
vers de Voltaire [Nan., act. I, se. vu, J8) :
L'homme csl j.iloux dès qu'il peut s'enflammer;
La femme l'est même avant que d'aimer.
Tout est bien dans ces vers, la construction est
pleine. Le, dans le second membre, est le com-
plément du verbe est, comme jaloux est dans le
premier le complément du même verbe. Le pro-
nom le reiTiplacc ce qu'il peut rcm[*hccy, jaloux,
qui exprime une qualité déterminée; et il n'y a
l)as plus d'ellipse dans cette phrase que dansée le
suis, que répond ime femme à buiuelle on de-
mande êtes-vous malade? Voyez Le.
Dumarsaiset Beauzée veulent qu'on ne se dis-
pense pas de répéter le verbe dans les phrases où
un membre est affirmalif et l'autre négatif. Ainsi,
selon ces grammairiens. Corneille a fait une el-
lipse irrègulière en disant {Cid, act. III, se. vi,
35):
L'amoui n'est qu'un phisir et l'honneur un devoir.
C'est aussi l'avis de l'Académie. Quchpics gram-
mairiens ne se sont point soumis à celte décision;
et ils ont approuvé l'ellipse toutes les fois qu'il y
a dans la phrase des expressions qui maniuent
assez l'opposition ou la restriction qui amène à
donner au second verbe un sens aflirmalif ou né-
gatif. Dans, l'amour n'est c[u' un plaisir, et l'hon-
neur un devoir, le ne que du premier membre
annonce assez le caractère négatif, et, rien n'an-
nonçant ce caractère dans le second membre,
l'opposition est marquée, et l'on sent que ce se-
cond membre doit «tre pris dans le sens affir-
ma tif.
11 en est de mêine de deux propositions liées
par la conjonction mais. Celte conjonction, ser-
vant à marquer une idée d'opposition ou de res-
triction, annonce assez par elle-niémc si le mem-
bre qui suit doit être pris dans le sens afiirmatif
ou négatif.Za composition, quiest en effet comme
l'harmonie du discours, 71e frappe pas simplement
l'oreille, mais l'esprit. (Boil., Traité du sublime,
ch. XXXII.) Curius, à qui les Savinites offraient
de l'or, repondit que son plaisir n'était pas d'en
avoir, mais de commander ci ceux qui en avaient.
(Bossuet, Disc, sur Vhist. univers., IIP part.,
chap. VI, p. 466.) On ne doit pas écrire tout ce
qu'ont fait les rois, mais seulement ce qu'ils ont
fait de digne de la postérité. (V^ollaire.)
L'ellipse offre plus de difficultés, et l'on doit
l'employer avec plus de réserve lorsqu'elle su[>-
prime plusieurs mots qui ne sont indiijués (|ue
trés-imparfaitcmenl dans le premier incmhrç delà
phrase. Telle est celle qu'on remarciue dans ce
vers de Racine [Androm., act. IV, se. v, 9J) :
Je t'aimais inconstanl, qu'aurais-je fait lîdèle?
et dans cet autre {Idem, act. V, se. 11, 53);
Et je charge ur. amanl du soin (îe mon injure.
Dans le premier, l'analyse donne pour construc-
tion pleine, qu'aurais-je fait, si tu avais été fi-
246
ELO
dèle9ei dans le second, je charge un ornant du
soin de venger mirn injure. Ces sortes (l'elli[«es
sont de véritables licences que l'on ne soiiffiirail
p<is dans un écrivain inodiocre.
Il y a encore, dit Marmonlel, une foule de lo-
cutions elliptiques dont la plupart ne sont suscep-
tibles d'aucune construction analytique, mais tiuc
l'usage autorise, et (jui, reçues dans le langage,
neso*il |)lus soumises à aucun examen.
Féraiid dit que les ellipses sont plus admises en
vers qu'en prusc, et <}u'cn vers nicme il ne fiiut
pas les prodiguer. La premif-re partie de cette ob-
servatiun n'est pas juste. Rien de plus commun
que l'ellipse dans le langage ordinaire. Dans la
langue usuelle, dit Marmontel, le besoin que l'on
a «ommuncnicnl de dire vite plutôt (juc do l)icn
dire, a introduit inliniment plus de ces abrévia-
tions que dans la langue soigneusement écrite; et
c'est pour cela que le style familier en admet dans
toutes les langues beaucoup plus que le style
noble. Combien moins de tours elliplitpies dans
Racine et dans Fénolon que dans Molière, La Fon-
taine et madame de Sévigné! mais, en revanche,
la langue noble, surtout la langue poétique, a bien
d'autres licences et d'autres hardiesses: Racine,
le modèle dans l'art d'écrire la tragédie. Racine, le
plus pur, le plus élégant de nos poètes, s'est per-
mis souvent ce qu'on ne passerait aujourd'hui à
aucun nouvel écrivain. Ainsi, au défaut de l'usage,
l'analogie l'a autorisé à dire: L'effroi de ses ar-
mes, comme on dit la terreur de son nom. 11 a pu
dire :
U prend l'humble sous sa défeusc,
[Eith., act. II, se. 111, 57)
comme on dit sous sa garde, sous sa protection ,
puisque l'un, comme les deux autres, présente
l'image d'un bouclier. lia pu à.\vt, persécuter U
père sur le fils, comme on dirait, .te venger du
père sur le fils, puisque l'action est oppressive,
et que sur la peint mieux que dans.
Nous finirons par un passage de Comlillac qui
servira à confirmer ce que nous avons dit, dans le
co*irs de cet article, contre les grammairiens trop
scrupuleux qui blâment toutesles ellipses qu'ils
ne trouvent pas conformes, aux petites règles qu'ils
se sont laites.
« Les grammairiens disent que l'ellipse doit
être autorisée par l'usage, mais il sufflt qu'elle le
soit par la raison. Vous pouvez vous permettre
ces sortes de tours toutes les fois que les mots
sous-emendus se suppléeront facilement. Ne de-
mandez pas si une expression est usitée, mais con-
sidérez si l'aiulogicaulorise à s'en servir. »
Elliptique. Adj. des deux genres qui se met
foujoiMS après son subst. Terme de grammaire.
On appeWc phrase elliptique, une phrase où il y
a quehpic chose de sous-entendu. Tour ellipti-
que. Voyez Ellipse.
ÉLocLTioN. Subst. f. Ce mot, qui vient du latin
eloqui, parler, signifie proprement, et à la rigueur,
le caractère du disrours, et, eu ce sens, il ne
s'emploje guère (]u'en i)arianl de la conversation.
On dit d'un homme qui parle bien, qu'»7 a une
belle élocution.
Élocution, dans un sens moins vulgaire, signi-
fie cette partie de la rhétorique qui traite de la
diction cl du style de l'orateur.
J'ai dit que Wiocution avait pour objet la dic-
tion et le style de l'orateur; car il ne faut pas
croire que ces deux mots soient synonymes. Le
dernier a une accejuion beaucoup plus étendue
ÉLO
que lo premier. Diction ne se dit proprement que
des qualités générales et grammaticales du dis-
cours, et ces qualités sont au nombre de deux, la
correction cl la clarté. Elles sont indispensables
dans quelque ouvrage que ce puisse être, soit
d'éloquence, soit de tout autre genre; l'étude de
la langue et l'habitude d'écrire les donnent pres-
que infailliblement (juand on cherche de bonne
foi à les acquérir. Style, au contraire, se dit des
ijualités du discours plus particulières, plus dif-
ficiles et plus rares, (jui marquent le génie et le ta-
lent de celui qui écrit ou qui parle. Telles sont
la propriété dos termes, l'élégance, la facilité, la
la i)récision, l'élévation, la noblesse, l'harmonie,
la convenance avec le sujet, etc.
La clarté, qui est la loi fondamentale du dis-
cours oratoire, et en général de quelque dis-
cours que ce soit, consiste non-seulement à se
faire entendre, mais à se faire entendre sans
peine. On y parvient par deux moyens : en met-
tant les idées chacune à sa place dans l'ordre
naturel, et en exprimant nettement chacune de
ces idées. Les idées sont exprimées facilement
et nettement, en évitant les tours ambigus, les
phrases trop longues, trop chargt'cs d'idées inci-
dentes et acccssoiref à l'idée principale, les tours
épigrammali(iues, dont la multitude ne peut
sentir la linc^sc; car l'orateur doit se souvenir
qu'il parle pour la multitude. Notre langue, par
le défaut de déclinaisons et de conjugaisous, par
les équivoques fréquentes dcsils, des elles, des
qui, des que, des son, sa, ses, cl de beaucoup
d'autres mots, est plus sujette que les langues
anciennes à l'ambiguïté des phrases et des tours.
On doit donc y être fort attentif, en se permet-
tant néanmoins, quoique rarement, les éijuivo-
qucs légères cl purement gramiuaticalcs, lorsque
le sens est clair d'ailleurs par lui-înéme, et lors-
qu'on ne pourrait lever rc<iuivoquc sans affai-
blir la vivacité du discours. L'orateur peut mévae
se iiermettrc (juehiuefois la finesse des pensées
et des tours, pourvu (luc ce soit avec sobriété,
et dans les sujets qui en sont susceptibles ou qui
l'autorisent, c'esl-ù-dirc qui uc demandent ni
simplicité, ni élévation, ni véhémence. Ces tours
fins et délicats échapperont sans doute au vul-
gaire, mais les gens d'esprit les saisirool et en
sauront gré à l'orateur.
Je n'ai rien à dire sur la correction, sinon
qu'elle consiste à observer exactement les règles
de la langue, mais non avec assez de scrupule
pour ne pas s'en affranchir lorsque la vivacité
du discours l'exige. La correction et la clarté
sont encore plus étroitement nécessaires dans un
discours fait pour être lu (]uc dans un discours
prononcé; car, dans ce dernier cas, une action
vive, juste, animée, peut quelquefois aider à la
clarté et sauver l'incorrection.
Nous n'avons parlé jusiju'ici que de la clarté
et de la correction grammaticale <iui appartien-
nent à la diction. Mais il est atissi une clarté et
une correction non moins essentielles (lui appar-
tienneni au style, el qui consistent dans la pro-
priété des termes. C'est principalement cette qua-
lité qui distingue les grands écrivains d'avec
ceux qui ne le sont pas. Ceux-ci sont, pour ainsi
dire, toujours à côté de l'idée qu'ils veulent pré-
senter; les autres la rendent et la font saisir avec
justesse par une expression propre. De la pro-
priété des termes nnissenl trois différentes qua-
lités : la précision dans les matières de discus-
sion, l'élégance dans les sujets agréables, l'éner
gie dans lès sujets grands ou patbétiq,ues.
EI.O
La convenance du style avec le sujet consiste
1" à n'cniploycr que des idées propres au sujei,
c'est-à-dire, simples dans un sujet simple, nobles
dans un sujet élevé, riantes dans un sujet agréa-
ble; 2" à n'employer que les termes les plus pro-
pres pour rendre chaipie idée. Par ce moyen,
l'orateur sera précisément de niveau à son sujet,
c'est-à-dire ni au-dessus, ni au-dessous, soit |)ar
les idées, soit par les expressions. C'est en quoi
consiste le premier talent d'écrire, et non dans
un style qui déguise par un vain coloris des
idées communes.
L'harmonie est une des qualités qui consti-
tuent le plus essentiellement le discours oratoire.
Deux choses charment l'oreille dans le discours,
le son et le nombre. le son consiste dans la qua-
lité des mots, et le nombre dans leur arrange-
ment. Ainsi l'harmonie du discours oratoire con-
siste à n'employer (]uc des mots d'un son agréa-
ble et doux ; à" éviter le concours des syllabes
rudes, et celui des voyelles, sans affectation
néanmoins; à ne pas mettre entre les membres
des phrases trop d'inégalité, surtout à ne pas
faire les derniers membres trop courts par rapport
aux premiers; à éviter également des périodes
trop longue-s et des phrases trop courtes; à sa-
voir entremêler les périodes soutenues et arron-
dies avec d'autres qui le soient moins, et qui
servent comme de repos à l'oreille.
L'harmonie souffre quelquefois de la justesse
et de l'arrangement logiques des mots, et récipro-
quement. C'est alors à l'orateur à concilier, s'il
est possible, l'une avec l'autre, ou à décider jus-
qu'à quel point il peut sacrifier l'harmonie a la
justesse. La seule règle générale qu'on puisse
donner sur ce sujet, c'est (pi'on ne doit ni trop
souvent sacrifier l'une à l'autre, ni jamais violer
l'une ou l'aiTtre d'une manière trop choquante.
Mais c'est en vain que l'harmonie se fera sentir
dans le disco\'rs si le style est diffus, traînant et
lâche. Le style de l'orateur doit élre serré, et
rien n'est plus opposé à l'éloquence que cette
loquacité si ordinaire au barreau, qui consiste à
dire si peu de chose avec tant de paroles.
Il ne suffit pas au style de l'orateur d'être
clair, correct, propre, précis, élégant, noble et
serré; il faut encore qu'il soit facile, c'est-à-dire
que la gêne de la composition ne s'y lai.sse point
apercevoir. le style naturel, dit Pascal, nous en-
chante avec raison; car on s'attendait de trouver
un auteur, et l'on trouve un homme. Le i)laisir
de l'auditeur ou du lecteur diminuera à mesure
que le travail et la peine se feront sentir. Un des
moyens de se préserver de ce défaut, c'est d'évi-
ter ce style figuré, poétique, chargé d'ornements,
de métaphores, d'antithèses et d'épithètes, qu'on
appelle style acadc inique. (D'.^lembert.)
Éloge. Subst. m. Ce mot a un sens passif. Il
se dit de celui qui est loué, et non pas de celui
qui loue : L'éhge de f^oltaire par Frédéric 11.
On le dit aussi des choses : L'doge d'une ville,
V éloge de la folie par Erasme.
On appelle éloges académiques ceux (ju'on
prononce, dans les académies et les sociétés litté-
raires, à l'honneur des membres qu'elles ont per-
dus. Il y en a de deux sortes, d'oratoires et diiis-
toriques; dans les uns, le style doit être élevé;
dans les autres, il doit être simple; dans tous, il
doit être pur.
Éloig:mé, Éloignée. Adj. Féraud demande si
l'on doit dire étant aussi éloignés des ciei/x que
nous en s(i?nmes, ou que nous le sorii7nes; et il se
déclare avec raison pour la seconde manière.
EMB
247
L'analyse de la première phrase montre qu'elle
n'a aucun sens. En elfei, que signilie étant aussi
éloignés des deux que nmis somiucs éloignés des
ciew^r? I/analysc de la seconde est, au contraire,
étant éloignés des doux au point que nous le
somnies, c'est-à-dire y»*' nous sommes cela, (pie
nous sommes éhignés ; cl la phrase a un sens rai-
sonnable. On dit de même j'en suis fort aise, et
l'on doit dire étant aussi aise de cela que je le
suis, et non pas que j'en sxiis.
ÉLociDEMniENT. Adv. 11 sc uict aprcs le verbe :
Il a parlé éloqucmmeni, Cl non pas il a éloqneTn-
inent parlé.
ËLOQL'ENT, Éloquente. Adj. Il sc dit des per-
sonnes et des choses: Un hovime éloquent, un
discours éloquent . Cet adj. se met avant son subst.
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Cette éloquente péroraison. Mais on ne dira pas
vn éloquent homme, un éloquent discours. Voyez
Adjectif, Disert.
ÉLUDER. T., a. de la \" conj. 11 ne se dit que
des choses : Eluder une question, v?ie promesse.
Eluder une loi. On élude une difficvllé, des
poursuites, etc.
Par comliieri de délours
L'iuscusible a longtemps éludé mes discours !
(lUc, Pliéd., acl. m, sc. i, 7.)
On a reproché avec raison à Molière d'avoir
dit dans VEtourdi (act. II, sc. vji, 23} :
yéludais un chacun d'un deuil si vraisemblable.
Émanciper. V a. de la 1" conj. On dit abso-
lument s'émanciper : Ce jeujie homvie s'éman-
cipe. Ou lui fait l'égir la préposition à : H s'est
émancipé à lui dire des injures.
Émaner. V. n. de la i" conj. 11 régit la pré-
position de : Les corpuscules qui émanent des
corps.
Oui, Mitrana, en secret l'ordre émané du trJne
Remet entre tes bras Arsace à Babylone.
(Volt., Sémir., act. I, sc. i, t.)
Emballeur. Subst. m. L'Académie tlit (juc ce
mot signifie figurément et populairement un hâ-
bleur, ([ui en fait accroire, et ellccn donne l'exem-
ple suivant : Ne croyez pas ce qu'il dit, ne vous
fiezpasà ses promesses, c'est un cmhaWcuv. Nous
ne croyons pas(]ue ce mol soit usité actuellement
en ce sens, même dans le langage populaire.
*E\iBANDER. V. a. de la d"^conj. Mot inventé
I)ar J.-J. Rousseau : Infailliblement un enfant
dont le corps cl les bras sont libres, jûeurcra
moins qu'un enfant emiiandé dans un maillot.
(Emile, liv. 1, t. VI, p. lo.) Ce mot rend mieux
l'idée de Fauteur que ne pourrait le faire aucune
autre expression reçue.
Embabcadère. Subst. m. Lieu propre aux em-
baniuements. C'est le mot espagnol emburcadero,
qui a été adopté dans la langue française.
Embarcation. Subst. f. De l'espagnol ambar-
cacion, qui a la même signification. C'est le nom
généritpie de toute espèce de bâtiment de mer, et
particulièrement des petits navires à un ou deux
mâts, et qui n'ont pas plus de soixante à quatre-
vingts pieds de longueur.
Embarquement. Subst. m. Il ne se dit qu'au
propre, et par consécjuent n'a |>as In même éten-
due que le verbe embarquer : Embarquement
de gens de guerre. Embarquement de marchan-
Embasqdeb. V. a. de la 1" conj. On dit figu-
248
EMB
rémenl on Ta emba'qui; dans cette affaire, je me
suis embarqué dan- une maur-aise affciirc. Fé-
raud (lit qu'il n'est ('usage que dans le slylc mé-
diocre. Cependant Racine a dit (Phèdre, act. 1,
413):
El dans un fol amour ma jeunesse embarqué'.
On dit s'embarquer à faire quelque chose.
Embahrassa>t, Embarrassante. Adj. verbal lire
du \. embarrasser. Il sempt toujours après son
Subst.:Z)e5 choses embarras-^antcs, un homme em-
barrassant, une femme embarrassante.
Embatep,. V. n. de la l"conj. L'Académie dit
que ce mot signifie au propre faire un bat pour
une béte de somme. Les autres dictionnaires
disent qu'il signifie mettre un bât sur une bétc
de somme. 11 n'est guère usité ni dans l'un ni
4ans l'autre sens; mais celui que donne l'Ai'adé-
^ic est contraire à toute analogie. Dans le second
sens, pourquoi dire e7«Ja<er, puisqu'on a W/cr qui
•ignifie la même chose?
Emb.atonner. V. a. de la 1" conj. Ce verbe
signifie, selon l'Acadcmic, armer d'un bâton. Elle
ajoute qu'il est familier et de pou d'usage. Nous
croyons pouvoir assurer qu'il n'est pas français.
On dit, en termes d'arts, <\\\'ttne cohmne est can-
nelée et embâtonnée, pour dire que ses cannelu-
res sont remplies de figures de bâtons jusqu'à
une certaine partie de son lût. Mais nous ne
croyons pas qu'un dise qu'o/j u evilùtimné vn
homme, pour dire qu'on l'a armé d'un bàloli.
Embellir. V. a. de la 2' conj. Ce verbe prend
tantôt l'auxiliaire avoir, et tantôt l'auxiliaire être.
L'Académie ne donne d'exemple que du dernier.
Si ce verbe est pris dans le sens d'une action
progressive, il prend l'auxiliaire oro/r: Il n em-
belli depuis quelque temps. Mais si l'on y altaclie
l'idée d'un état actuel et passif, il prend l'auxi-
liaire être : Comme cette femme est embellie !
Il s'emploie avec le pronom personnel, surtout
en parlant des choses : Une personne embellit,
et la campagne s'embellit. On dit mciue qu'une
chose s'embellit d'une autre chose :
Le ciel n'a pas voulu qu'en ces tieureux climats.
Où m'attend, me dit-on, un destin plus prospi're,
Mon Ijcnhcur s'embellit du destin de mon père.
(Delil., Énéid., y, 110.)
Emblématique. Adj des deux genres ijui ne se
met qu'après son subsl. : Fivire emblématique.
Emblicme. Subst. m. Autrofuis ce mot était fé-
minin, et Eichelet lui donne les deux genres.
Aujourd'hui l'usage le fait toujours masculin.
On désigne par ce mot une image ou tableau
qui, par la représentation de queUjue histoire ou
symbole connu, accompagne d'un mot ou d'une
légende, nous conduit à la connaissance d'une
autre chose ou d'une moralité. L'image de Scé-
vola tenant sa main sur un foyer embrasé, avec
ces mots au-dessous : Agere et pati fortia Roma-
num est, » il est d'un Romain d'agir et de smif-
frir constamment, « est un emblèmo. L'emblème
est un peu plus clair et plus facile à entendre que
l'énigme.
Ce qui distingue Yemblème de la devise, c'csl
que les paroles de rcTnWè'/fc ont toutes seules un
sens plein et achevé, et même tout le sens et toute
la signification qu'elles peuvent avoir jointes avec
la figure. Il y a encore cette différence, que la
devise est un symbole déterminé à une personne,
ou qui exprime quelque chose qui la concerne
EME
en particulier; au lieu que Vemblème est un sym-
bole plus général. Ces differonces deviendront
plus sensibles, pour peu ([u'un veuille comparer
l'emblème que nous avons cité avec une devise;
par exemple, celle (jui représente une bougie al-
lumée avec ces mots : Juvando consumnr, « je
me consume en servant; » il est clair que ce der-
nier symbole est beaucoup moins général que le
premier.
Emboucher. V. a. de la \" conj. L'Académie
dit qu'(/«e rivière s'embouche dans une autre ri-
vière. Cette expression n'est pas du bon usage.
A deux lieues de Paris, la Marne .se jet le dans
la Seine, et non pas s'embouche, comme dit l'A-
cadémie.
Embrasé, Embrasée. Adj. L'Académie n'indi-
que pas la vi'aic signification de ce mot. Un corps
est embrasé, lorscpie le feu dont il est pénétré
dans toute sa substance est sensible pour les yeux
à sa surface, mais ne parait plus s'étendre au
delà. Voici presque tous les degrés par lesquels
un corps combustible peut passer, depuis son
ignition,,ou le moment auquel le feu luiaétcappli-
qué, jusqu'au moment ou il est consumé. 11 était
froid, il devient chaud, brillant, ardent, enfiam-
mé, embrasé, consume. Tant qu'on en peut su|>-
porlcr le loucher, il est chaud; il est brûlant
quand on ne peut plus le loucher sans ressentir
delà douleur; il est ardent, lorsque le feu dont
il est pénétré s'est rendu sensible aux yeux par
une couleur rouge qu'on remarque à sa surface,
il est enflammé, lors(]ue le feu dont il est pénétré
s'élance et se rend sensible aux yeux au delà de
sa surface; il est embrasé, lorsque le feu a cessé de
s'élancer et de se rendre sensible aux yeux au delà
de sa surface, et qu'il paraît seulement pénétre dans
toute sa substance, à peu près comme dans le cas
où il n'était qu'ardent. Il est conswné, lors(|u'il
n'en reste plus que de la cendre. L'acception du
substantif embrasement n'est |)as exactement la
même que celle de l'adj»;ctif embrasé. On dit un
corps embrasé, quel que soit ce corps, grand ou
pelit; maison ne dit pas rembrasoment d'un pe-
tit corps. Embrasement porte avec soi une grande
idée, celle d'une masse considérable de iTiatièrcs
allumées
Embrasement. Subst. m. Féraud prétend qu'em-
brasement au propre est toujours suivi de la
préposition de. Un exemple (jue donne l'Acadc-
mie prouve le contraire : Une légère étincelle
peut causer un grand embrasement. On lit aussi
dans la traduction de XÉnéide par Delille (IL
lOJJ) :
El de y embrasement les torrents furieux
De leur comble enflammé s'élançaient dans les cieux.
Voyez Incendie.
Embrasser. V. a. de la 4'^ conj. Voici quel-
qties exemples de ce mot qui ne sont pas indi-
tpiée dans le Dictionnaire de V Académie :
L'occasion est belle, il la faut embraiser.
(Ràc, Phéd., act. V, se, I, 45.\
De l'Etal embratser la conduite.
[Idem, act. IH, se. 1,22.)
J'embrassai les vertus qu'exigeait mon malheur.
(Volt., Mer., acl. V, se. I, 28.)
Au delà de leur cours et loin dans cet espace
Où la matière nage, et que Dieu seul embratse, etc.
(Volt., Henr., VJI, 61.1
* ÉMERVEILLEMENT. Subst. in. Mol inusitc quc
EMI
VoUairc a employé dans le passage suivant : Mon
émerveillement dure toujours, que le fils de Sa-
muel Bernard notis ait fait banqueroute, et qu'il
ait trouvé le secret de fricusser huit millions
obscurément et sanspUiisir. {Lettre à M. Iccoinlc
d'Argentul, 15 mai 1758.)
ÉMiER, ÊMiETTER. Verbcs actifs. L'Académie
dcfmil le premier,froisser un corps cuire les duigis,
de manière à le mettre en petites parties; et le
second, réduire du pain en petits morceaux, en
miettes. Si elle ne donnait pas pour exemple
entier du pain, on aurait lieu de croire, traprès
ces deux définitions, qu'émietler ne se dit (jue
du pain, et émier des autres corps. <>ue penser
de ces deux expressions que l'Académie nous
présente couune signifiant la môme chose? Voici
notre opinion. On appelait autrefois ;/uV,de mica,
ce que nous appelons aujourd'hui miette, et on a
dit émier, pour dire réduire en mies, on petites
parties :
Émtant quant à moi du paiu entre mes doigts.
(RÉGNiEn, Sat. X, 545 ."
Dans la suite, on a dit miette au lieu de mie,
qui a change de signification, et de miette on a
fait émietter, sans bannir émier. Il paraît donc
(\\i'émier est l'ancien mot, conservé mal à pro-
pos, et (\\i' émietter est un mot adopté après l'ad-
option du mol miette. Nous pensons que le der-
nier devrait être conservé dans la langue, et que
le premier devrait disparaître. Depuis qu'on ne
dit plus /nie pour petite parcelle, émier n'a jikis
son primitif dans la langue, et puiscjue miette a
remplacé ce primitif, émietter doit remplacer de
mémeledéri\;é.
ÉuiGRER. V. n. de la d" conj. L'Académie dit
qu'il se conjugue avec l'auxiliaire avoir. Il se
conjugue aussi avec l'auxiliaire être. Il a émigré
signifie, il a fait l'action d'émigrer, de sortir de
son pays pour aller s'établir ailleurs. Il est émi-
gré signifie, il est dans l'état qui résulte de l'ac-
tion d'émigrer : Il a émigré en 1790 ; il se lasse
d*ètre émigré, il veut retourner dans son pays.
ÉMINEMMENT. Adv. Il sc met après le verbe:
Posséder éminemment une science. L'effet est
contenu éminemment dans la cause.
ÉMINENT, ÉMINENTE. Adj. (pii SC UlCt tOUJOurS
après son SU bst. : Un lieu éminent. Un homme
éminent en piété.
L'Académie dit péril éminent, danger émi-
nent. 11 semble que l'on devrait toujours dire
imminent, d'après l'élymologie. Quoi qu'il en
soit, voici la différence que mettent les graiTi-
inairiens entre ces deux expressions.
Éminent donne l'idée d'un mal, d'un péril
qu'on peut regarder comme très-grand , mais
dont on a le temps d'examiner la grandeur; cl
imminent doime l'idée d'un mal, d'un péril ([u'on
peut regarder comme présent, et où souvent le
hasard nous engage. L'un s'envisage seulement
avec crainte, au lieu que l'autre s'envisage avec
effroi. On dira donc d'un malheureux qui doit
expier son crime sur l'échafaud, qu'ii est dans un
péril éminent; d'un homme qui a fait une entre-
prise téméraire, qu'iZ voyait bien qu'il se mettait
dans nn péril éminent. Maisd'un criminel (ju'on
mène au supplice, ou d'un homme surjjris par
des voleurs, on dira qu'il est dans un péril im-
minent {Grammaire des Grammaires, p. 1131).)
EMP
249
Emmancher "V.a. de la 1" conj. Delillc l'a em-
ployé dans le style noble {Énéid., VII, 877) :
On emmanoho les dards, on .liguise Icsliaclies.
Cette expression nous semble déplacée dans un
vers noble.
ÉMOLLiENT, ÉMOLLiENTE. Adj. qui ne sc mct
qu'après son subsl. On ne prononce qu'un l : Des
herbes émnUientcs.
Émom'me.m'. Subsl. m. 1,'Acadcmie l'explique
par |)rolit, avantage, et indicjiic (juc ce mol s'em-
ploie autrement qu'en parlant des charges et des
emplois. Elle dit tirer un grand émohiment, de
grands émoluments de quelque chose. Il n'a repu
aucun émolument dans cette affaire. Le mol
émolument est mal appliiiué dans ces cxemjjles.
H est affecté aux charges et aux emplois, et mar-
que, non-seulement la somme réglée des appoin-
tements, mais encore tous les autres revenant3-
bons.
Émoldmenter. V. n. de la 1'" conj., que l'A-
cadémie donne comme un synonyme de gagner.
11 n'est point usité.
Émoudre. V. a. cl irrég. de la 4' conj. Il sc
conjugue coinme moudre. Voye^ ce mot.
Émouvoir. V. a. delà 3' conj. 11 se conjugue
comme mouvoir, et n'est guère usilé qu'à l'infi-
nitif, au présent de l'indicatif cl du sul)jonctif,
et aux temjis composés: Emouvoir les humeurs,
la bile. Emouvoir les flots. Emouvoir la co-
lère.
Je pourrai démon père émouvoir la tendresse.
(Uac, Phéd., act. lit, fc. vi, IL;
Émouvoir les cœin's de compassion. Élre êviu
de crainte, de compassion, etc.
L'Académie dit la mer commençait à s'émnu-
voir, il s'émut une grande tempête. On dit aussi
il s'émut une grande querelle. (MontCS(luicu,
Lettres persanes.)
Emparer (s'). V. pronom, de la 1" conj. C'est,
selon l'Académie, se saisir d'une chose, s'en ren-
dre maître, roccu|>cr, l'envahir. C'est, selon Gi-
rard, se rendre maître d'une chose en prévenant
les concurrents et tous ceux qui peuvent y
l)rélendre avec plus de droit. Ce mot emporte
une idée d'adresse et de diligence.
Empêcher. V. a. de la 1" conj. Empêcher
quelqu'un de faire quelque chose. On ne dit point
empêcher à, dit Voltaire. // nous empêche l'ac-
cès de cette maison. /Vo»i'estlà jjourw ?i(ius,v.'cs[
un solécisme. Il tant dire on nous défend l'ac-
cès de celte maison ; on nous interdit l'accès ; on
nous défend, on nous empêche d'entrer. {liemar-
ques sur Corneille.)
l.a proposition subordonnée au verbe empê-
cher est, dit-on, toujours négative, parce que
ce vcibe exprime un obstacle. Celle proposition
ne devient jamais positive, quand inéinc la |)rc-
inière serait négative ou inlcrrogalive : J'empê-
che qu'il ne vienne. Je n'empêche pas qu'il ne
vienne. Puis-je empêcher qu'il ne vienne? Ce-
pendant l'Académie dit je n'empêche pas qu'il
ne fasse, ou qji'il fasse ; cl dans le sens al'iir-
matif, elle ne donne «pie cet cxem|)le : La
pluie empêche qu'on n'aille se promener. Mo-
lière a dit : Il mange et boit comme les autres ,
mais cela n'empêche pas qu'il ne soit fort ma-
lade. {Malade iwag. ,iicl. II, sc. ni.)
Marmon'.el est d'avis que l'on doit dire je 7i*em-
pêche pas qu'il sorte ou qu'il ne «oj/e. L'usage,
250
EMP
ajoute-t-il, ;iiilorise qu't7 71e sorte ; mai?, s'il sorl
en effet, qu'il sorte sera mieux. Il sort, je ne
l'enipéclie pas; Une nort point, ce n'est pas moi
qui l'en empêche, (".'est (lans le second cas qnnne
semble mieux |)lîicL'. On dit n empêches pas qu'il
sorte. Celte distinction |)arait juste, el nous
cwyoDS qu'elle doit être adoptée.
Api'ès le verbe empêcher on sii|)primc pas et
point i\\»cs lie: Quand on le peut, il faut em-
pêcher que le mal ne s'accomplisse. \0)'czJEa;-
pUtif.
E.11PENNEF,. V. a. delà d^'conj.On prononce
les deux n. En se pronouce comme dans
amen.
Ejipesé, Emi'icsée. Adj. qui se met toujours
après son subst. On ap|)elle style empesé, un
style où l'on remarque une trop grande affecta-
tion d'arrangement, d'exactitude cl de purisme,
qui y donne do la pesanteur el de la roidenr.
E.MPUASE. Subst. f. Énergie outrée dans i'e.x-
pression, dans le Ion de la voix, dans le geste.
Ce mot se prend ordinaireuient en mauvaise
part, et marijuc un défaut soit dans les paroles,
soit dans l'action de l'orateur. On dil d'un pré-
dicateur (\\i' il prononce avec emphase, qu'ii y
a beaucoup d'emphase dans ses sermons, et cela
n'est pas un éloge. Quel supplice, dil La Bruyère,
que celui d'entendre prononcer de vicdiricres
vers avec toute l'emphase d'un mauvais poète!
(Des ouvrages de l'Esprit, p. 256.)
Emph.vthiqce. Adj. des deux genres. En prose,
il ne se met cju'après son subsl. : Discours em-
phatique. Paroles, expressions emphatiques.
D'après les exemples qu'en donne l'Académie, il
lie se dit pas des personnes. Cependant il nous
semble qu'on pourrait dire sans commettre une
faute, un orateur emphatique, un acteur em-
phatique.
Emphatiqdement. Adv. Il se met toujours après
le verbe : Il a parlé, il a déclamé empliatique-
vient, et nijn pas il a emphatiquement parlé.
Ejipiiu:. Siii) 1. ui. Les cxc.iipies suivants ajuu-
teroni quelques lumières à la détinilion que l'A-
cadémie donne de ce mot :
Il faut me dire
Si j'avais sur tolre âme un térilable empire.
(Volt., Brut., acl. III, se. T, 5.)
Vivez, ne souffrez pas que le fils d'une Scyliic,
Accablant vos enfanU d'un empire odieux...
(Rac, Phéd., act. I, se. m, 58.)
S'il est vrai que nous n'avons sur les femmes
qu'un pouvoir tyranniquc, il ne Vesl pas moins
qu'elles ont sur nous un empire naturel , celui
de la beauté, à qui nen ne résiste. (Montesq.,
XXX\'lli'" lettre persane.)
Voltaire a dit en vers, Vhumide empire, pour
dire la mer [Épilre XLV , 49) :
Je vois l'humide empire
S'élever, s'élancer vers le ciel qui l'attire.
* Ejipireme:»t. Subst. m. Nos mœurs sont ex-
trêmement corrompues^ et penchent d'une fatale
inclination vers l'empircment (Montaigne). Ce
inoin'est presque plus usité. Mercier pense qu'il
devrait être rajeuni.
EiiPtr.ER. V. a. et n. de la V' conj. On dit
qu'ww vial a empiré, pour marquer l'action (jui
a opéré le changement; et l'on dil le mal est
empiré, pour maniuer l'état, le degré où il se
trouve après avoir empiré.
Féraud reproche à J.-J. Rousseau d'avoir dit
EMP
mon sort ne saurait cire empiré. Il prétend
Ju'il fallait dire Jie saurait empirer. Mais ces
eux expressions ne veulent pas dire la même
chose, la première signifie ne peut être dans un
état pire (jue celui où il est; cl la seconde ne
saurait augmenter en mal.
Emplette. Subst. L Ce mot ne se dil que des
petits meubles et des marchandises prises en dé-
tail. On ne dit pas /aire emplette de cent muids
de vin, de mille balles de laine ; mais on fait em-
plette d'une paire de ciseaux.
. . . J'ai su là-bas que pour quelques emplellvi
Elianlc Oit sortie et Ciilimène aussi.
(Mol., Uitanthr., acl. I, se. ii, 1.)
E.wpf.iE. "V. a. de la 2' conj. Quelques gram-
mairiens ont remarqué qu'il ne se dit «lue de
ce qui contient des choses li(iui(les, et qu'en
parlant d'autres objets il faut dire remplir. L'A-
cadémie n'a point adopté cette remarque, et
nous |)ensous que c'est avec raison. On dit aussi
bien emplir vn sac de blé, ([n'emplir un tonneau
de vin. Remplir a un autre sens. Voltaire a dit
dans Mérope (act. IV, se. v, 27) :
L'horreur et la vengeance empliront tous les cœurs.
La Harpe dil au sujet de ce vers, remplir est du
style noble, emplir n'en est pas. — l.iiGraîiimaire
des Grammaires [\). 4131) dit qu'emplir ne se
dil qu'au ])ropre, mais que remplir se dit au pro-
pre et a\i ligure.
EiiPLOYEr,. V. a. de la 1" conj. Dans la con-
jugaison de ce verbe et de tous ceux qui se
terminent en oyer ou en vyer, il faut mettre un
i voyelle à la place de l'y, toutes les fois que cet
y ne tient pas la place de deux i, ce (lui arrive
lorsque la lettre qui doil le suivre est un e mucl ;
J'emploie, tu emploies, il emploie, cl non pas
j'cmploye. La première et la seconde personne
plurielle de l'Imparfait de l'indicatif, et les mê-
mes personnes du présent du subjonctif, pren-
nent un i après Vy : Nous employions, vous em-
ployiez ;qiie nous employions, qnevous employiez ■
Mais il faut éviter de se servir de ces formes, que
l'on ne trouve guère que dans les grammaires.
Ce vcriic fait au futur simple, j'emploierai;
et au présent du conditionnel, j'emploierais.
On conjugue de même les verbes aboyer, en-
voyer, appuyer, ennuyer, etc.
Employer régit à ou en devant les noms, et a
devant les verbes à l'inlinitif : /'«i employé vingt
7nillc francs à cette acqui.iiliau. Il a employé
tout son argent en bagatelles.
I^mployei mon épcc à punir le coupable.
Employez mon amour à venger celte mort.
(COBX., Cid, act. III, se. il, 6.)
Empoigner. V. a. de la l'" conj. IMercicr pré-
tend qu'il fut empoigné par le prévôt est plus
expressif que de dire il fut arrête; cela est vrai,
mais le verbe empoigner en ce sens offre quel-
que chose de bas.
Empoisonnement. Subst. m. Il n'a pas adlant
d'étendue que le verbe empoisonner, et ne se dit
qu'au propre.
Empoiso.v.ner. V. a. el n. de la 1'* conj. Il se
dit figurement de tout ce qui corrompt l'esprit et
les mœurs. Mais on dil aussi empoisonner la vie,
empoisonner la joie :
Oui, je veux «tans son cœur
£mpoùoniur sa joie, y porter ma douleur,
(Volt., Orest., act. I, se. Il, 35.)
EnpoisoiTNECR. Subst. m. En parlant d'une
EMP
femme, on dit empoisonneuse. L'Académie ne dit
pas qu'on l'emploie adjectivemenl. Cependant
Racine a dil dans Athalie (acl. IV, se. m, 84) :
De ce fatal honneur.
Hélas, TOUS ignorez le charme empoisonneur.
On ne l'emploiorail p;is ainsi au féminin, on ne
dirait pas des maximes ompoisanncuses.
Emportk, Emportée. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subsl. : Un homme emporté, une femme
empcriêe.
Emportement. Subst. m. Ce mol ne se dit
qu'au figuré. Uu'expiiuiepas l'action d'emporter,
mais l'élat de celui qui est emporté : Emporie-
ment d'aTnour, de colère, elc.
Emporter. Y. a. de la d"conj. Voltaire a dit
dans ses Remarques sur Corneille: On emporte
une place, on remporte un avantage, on a un suc-
cès. — Etre emporté d'un faux zèle, acception
qui ne se trouve point dans le Dictionnaire de
l' Académie :
Je vois d'un lèle faux nos prêtres emportés.
lYoLT., Henr., VI, 109.}
Ne crains pas q».' emporté d'un zèle téméraire.
(Thomas, Ode à M. Slorcau de Séchcltca, 17.)
Féraud dit qn'en prose on dirait emporté par mm
zèle téméraire. Nous pensons qu'on peut aussi
bien dire emporté d'un faux zèle, qu'on dit
transporté d'amour, de joie, do fureur.
EMPREI^D^.E. V. a. de la 4*= conj. On dit figu-
rémcnl, ce sont des sentim.ents que la nature a
empreints dans le cceur de !ous les hommes. On
«lit aussi «pie la vertu, la puicur, la probité est
empreinte sur le front d'une personne.
Seigneur, je n'ai jamais contemplé qu'aTec crainte
L'aujusle majesté sur votre front empreinte.
(Rac, Esth., act. II, se. VII, 14.)
Empresser. A", pronom, de la 1'* conj. L'Aca-
démie dit s'empresser à faire sa cour, s'empres-
ser de parler, de prendre la parole; mais ces
exemples ne font pas sentir dans quel cas on doit
avec ce verbe employer l'une ou l'autre de ces
prépositions.
L'empressement que l'on met à une chose peut
être considéré ou par rapport à la cause qui le
produit, ou par rapport au but où il tend. Dans
le premier cas, on emploie de ; dïnsle second on
se sert de la préposition «. On s'empresse de
faire vne chose qui n'a pas un but marqué hors
de la personne qui agit : Je m'empresse de mar-
cher, d'écrire, de parler, de demander, de ré-
pondre. On s'e?nprcsse à faire une chose qui a
un but marqué hors de la personne qui agit : Je
m'empresse à vous faire ma cour, je m'empresse
à le secourir, à le consoler, c'est-à-dire je m'em-
presse d'arriver à un but, savoir, vous faire ma
cour, le secourir, le consoler. On dira en général,
il s'empresse de rendre service, parce (jue l'ex-
pression est indclenninée, et que le but n'est pas
marqué. Mais il faut dire dans cette circonstance,
il s'est empressé à rendre service à son ami.
Emphumer. V. a. de la 1" conj. L'Aca-
démie dit au figuré, emprunter le nom, le bras,
la plume, le crédit, le secours de quelqu'un, lla-
cine a dil emprunter les yeux, emprunter le lan-
gage:
Ne saurait-il rien voir qu'il n'emprunte voi yeux ?
{Britan., act. I, se. il, 33.)
D'Achille qui l'aimait j'empruntai le langage.
[Iphig., ael. I, ac. I, 93.)
Quand ce verbo a pour régime indirect un nom
EN
25i
de chose, il se joint à ce régime par la préposi-
tion de: La lune empi-ynie sa lumière du so-
leil.
Un héros qui de la victoire
Emprunte son unique gloire,
N'est héros que quelques moments.
(J.-B. Konss., liv. III, Ode i
U5.)
Lorsinie ce verbe est accompagné d'un régime
indirect de personne, il prend llmtôl la préposi-
tion à, tantôt la préposition do. On emploie de
lorsque la chose empruntée n'ôie rien a celui (pu
la prête : Les Grecs ont emprunté des Égyp-
tiens Vidée et la forme des temples (Barlhél.,
Anacharsis, ch. xii, t. II, p. 167) ; on met à lors-
•lu'il est question d'un effet dont quelqu'un se
dessaisit pour en laisser l'usage à un autre : J'ai
emprunté mille francs à mon frère. — Dans ce
dernier cas l'Académie admet les deux tournu-
res : J'emprunterai cette somme à un de mes
amis; j'ai emprunté de m.on oncle dix miHe
francs.
Empruittecr. Subst. m. En parlant d'une fem-
me, on dit emprunteuse.
ÊMDLATEDR. Subst. ui. Cclui (pii cst animé du
sentiment d'émulation. L'Académie n'indique
point comment il faut dire en parlant d'une
femme, mais nous pensons que rien n'empêche
de dire émulatrice. On le trouve dans le Dic-
tionnaire de Trévoux.
Le mol d'émulateur ne s'emploie que d:{.7s le
style soutenu, où il est même assez rare qu'on en
fasse usage. Cependant ce mot est beau, utile cl
différent d'émulé, avec lequel on le citnfond sou-
vent. On est émule de ses pairs ou de ses com-
pagnons; on est émulateur de quclq\ie person-
nage distingué. L'emwZe a des énuilcs, r(^'w!//f/^e!<?-
a des modèles; l'émule tâche de surpasser son
émule, Vémulateur d'imiter son modèle. Votre
émule marche en concurrence avec vous, votre
émulateur mttTchc sur vos traces. On dil émule
dans tout genre de travail cl de concurrence;
émulateur ne se dit que dans le grand, ou dans
un ordre de choses distingué. Les Latins disaient
œmulus et cemulator dans les sens que nous ve-
nons de distinguer. (Roubaud.) ,
l'.MiTLE. Subsl. m. et f. Voyez Emulateur.
Es. Pronom qui a rapport à la troisième per-
sonne. Il e.st des deux genres et des deux nom-
bres. Il se dit des personnes et des choses, et est
employé ou à la place d'un nom précédé de la
préposition de, comme dans avez-vous de l'ar-
genté j'en ai; ou, selon ce qui précède, à la
place de plusieurs noms, ou même de phrases en-
tières. 7*en ai reçu signifiera, selon la circon-
stance, de l'argejit, des livres, des exemplaires
d'un ouvrage qui fait beaucoup de bruit, etc.
Encsi toujours régime indirect d'im verbe,
et se place ordinairement avant le verbe : J'en
veux.
Quand en a rapport aux choses, on doit sou-
vent lui préférer les adjectifs possessifs son, sa,
.ses, leur, leurs; mais les graimnairiens ne som
pas d'accord sur les règles qu'il faut suivre à cet
égard. Voici celle que donne Condillac : « Quand
ifs'agit de choses «lui ne sont pas personnifiées,
on doit se servir du pronom en tontes les fois
qu'on peut en faire usacc, et l'on ne doit employer
l'adjectif possessif que lorsqu'il est impossible de
se senir de ce pronom. Dans, la ville a ses agré-
ments, il n'est pas possible de substituer en a
ses: il faut donc employer se*. Mais je ne dirai
pas, en parlant d'une rivière, son lit est profond.
âS2
ENC
l)arce que je puis employer en, cl dire, le lit en
est profond. « Cctlc règle esl plus délailloe au
mol Adjectif. Voyez ee mot.
En s'emploie avec plusieurs verbes , et en
change la signilicalion. Devant prendre, il donne
à ce verbe la signilicalion à.'impvter : Je m'an
prendrai à vous si l'affaire ne réussit pas. Si je
perds mon procès, je m'cu prendrai à rous ;
c'csl-à-dire je vous imputerai l;i perle de mon
procès, le non succès de mon affaire. Se prendre
sans en, veut dire au lisuré attaquer, el non pas
imputer. Par exemple, il ne faut pas se prendre
à plus méchant que soi. Se prendre, au propi'e,
signifie s'attacher : Les cens qui se noient se
prennent à tout ce qu'ils trouvent.
Il y a d'autres phrases dans noire langue où en
esl si nécessaire, que dés qu'on l'ôle on change
le sens : On en était venu si avant, qu'il fallait
vaincre ou mourir; cela veut dire dans le style
ligure, (jue les choses étaient si engagées, qu'il
fallait vaincre ou mourir. Mais si on ôtaite/î,
cl qu'on dit, on était venu si avant, qu'il fallait
vaincre on mourir, cela s'entendrait dans le sens
propre, cl ne marquerait que le lieu où l'on se-
rait arrivé.
Je n'en puis plus a une toul autre significa-
tion que je ne puis plus. 11 en est de môme de je
ve sais oii j'en suis, <\u\ signifie autre chose que
je ne sais où je suis. 11 en esl de même de se te-
nir et s'en /e«ir, qui ont des significations bien
différentes
Si en est devant un verbe, el que ce verbe
commence [lar une voyelle ou par un h muet, le
n se lie avec le verbe : f^ous en-7têtcs assuré,
en-na-t-on parlée Pour cn-nhonnrcr les dieux,
nous en-navons des nouvelles. Mais si en esl
ajirés le verbe, le n ne se lie point avec le mot
suivant, lors même que ce mol commence par
une voyelle : Parlez-en auministre, allez-vous-
en au jardin, faites-en habileme?it revivre le
souvenir.
Ek. Fréposition. Voyez Dans. Dans la pro-
nonciation , en fait entendre l'arliculation ne
dans certains cas, el ne la fait pas entendre
dans d'autres. Si en est suivi d'un mot qui
commence j)ar une voyelle ou un h muet, on fait
sentir le 71 : cn-nhomme, en-nvn moment, en-
narrivant. Mais si le mot suivant commence par
une consonne ou par un h aspiré, le n ne se fait
point sentir : en France, en citoyen, en trois
heures, en personne, en héros.
En. Particule prépositive qui se met au com-
mencement de certains mois, el qui conserve à
peu i)rès le même sens que la préposition. Elle
sert à inanjucr position ou disposition : position,
comme encaisser, endosser, enfoncer, engager,
enlever, eiijev, enregistrer, ensevelir, entasser,
envisager; disposition, comme dans encourager,
endormir, enhardir, enrichir, ensanglanter,
enivrer. Lorsque le mot qui suit en couunence
par une des labiales b, p ou m, la particule en
devient em : embaumer, empailler, emmaillot-
ter, etc. Voyez 7n.
E^CEI^■DRE. V. a. de la k' conj. Ce n'est pas
précisément environner, entourer, enfermer,
comme le dit l'Académie; c'est renfermer une
chose dans une enceinte, l'cnlourer dans toute
sa circonférence, comme d'une ceinliiro, de ma-
nière que n'étant nulle part ouverte ou décou-
verte, d'un côté ses limites çoient fixées, el de
l'aulre l'accès en soit défendu. Ce mol peu usité
ne se dit que d'une étendue assez considérable :
Une ville est enceinte de murailles.
ENC
Enckirte. Subsl, f. Circuit, tour, clôture. Il se
dit aussi de l'espace qui est fermé par le circuit.
Enceindre, dit Roubaud, c'est renfermer une
chose da/i5 une enceinte. Une chose esl dans l'en-
ceinte, ou hors de l'enceinte. J.-J. Rousseau a dit
dans Emile (liv. I, t. VI, p. 14) : Forme de bonne
heure une enceinte autour de l'âme de ton en-
fant ; un autre peut en inarquer h: circuit, mais
toi seule y dois poser la barrière. On peut donc
dire le circuit d'une enceinte; el alors enceinte
est pris pour l'espace contenu dans le circuit.
Dans le premier sens, on a remarqué ([ue Ven-
ceinte peul élrc mobile et seulement tracée, et
que la clôlure est [)ermancnte cl à demeure.
Encens, Subsl. m. Corneille a dit {Pompée,
act. I, se. \, d27) :
Mais quoique ro« «ncf ru le traitent d'immortel.
Voltaire a dit au sujet de ce vers, encens n'a
point de pluriel. On offre de l'encens aux ini~
mortels, mais l'encens ne traite point d'immor-
tel. [Remarques sur Corneille.)
Encemser. V. a. de la i" conj. L'Académie
dit figurément encenser quelqu'un, encenser la
fortune, encenser les défauts de quelqu'un. Vol-
taire a dit encenser desprestiges {Mahom., act.
I, se. I, 2) :
Moi, de ce f.inalique encemerleapreatigei:
Encenseur. Subsl. m. Voltaire a employé ce
mot pour exprimer ceux qui louent les grands
en face : Il ne fallait pas les louer en face ; c'était
la coutume autrefois, mais c'était vjie mauvaise
■coutume qui exposait l'encenseur et l'encensé
aux méchantes langues. [Epttre dédicatoire des
Scythes.)
Encensoir. Subsl. m. Encensoir, au figuré,
se prend pour la dignité de souverain pontife.
C'est en ce sens que Racine a dit dans Athalie
(act. III, se. III, 70) :
Quandj'osai conlre lui disputer Vencentoir.
Enchaînement, Subsl. m. Il n'a pas exactement
la même signification que le verbe enchaîner.
Celui-ci sedilau propre elau figuré; celui-là au
figuré seulement. Enchaînement se dilde la liai-
son des choses métaphysiques qui dépendent les
unes des autres, qui conduisciit successivement
de l'une à l'autre : L'enchaînement des causes,
des idées, de.': raisonnements. Un enchaînement
de circonstances, un enchaînement de malheurs.
— Au propre, on dit enchaînurc. Des anneaux,
des fils, des cordons, et autres objets semblables,
entrelacés les uns dans les autres, forment une en-
chaînure.
ENCHAi^ER. V. a. de la 1" conj. Racine a dit
enchaîner les vents; et Voltaire, enchaîner le
courroux :
Ces vents depuis trois mois enchatnéssur nos tètet.
{Iphig., act. I, se. 1, 30.)
Il me semble qu'un dieu descendu parmi nous,
Maître de mes transports, cnchatne mon courroux.
(OEd., ad. lit, se. T, 2.)
EnCHaIncre. Subsl. f. "\'oyez Enchaînement.
Enchanté, Enchantée. Adj. Il se met après
son subsl., et régit quelquefois la préposition rfc .•
Ilest enchanté de sa nouvelle acquisition.
Enchanteur. Subsl. m. En jiarlant d'une
femme, on dit enchanteresse. Ce mol se prend
adjectivement, et alors il ne peul se mettre qu'a-
ENC
près son subst. : Style enchanteur, voix enchan-
teresse,
ENCHEVÊinER. V. a. (le la 1" conj. Voltaire ;\
dit : Tandis que l'édition entière de la tragédie
viendra a la chambre syndicale, avec toutes les
formalité» ridicules dont la librairie est enclie-
vèlréc. {Correspondance. )
Enclin. Adj. : Être enclin au mal. L'Acadé-
uiic dil la nature de l'homme est encline au mal.
l.e féminin n'est pas usité. — Molière l'a em-
ployé dans le Dépit amoureux (acl. IV, se. ii, 58) :
Car, voyez-vous, la Temme est, comme on dit, mon maître.
Un certain animal difficile à connaître.
Et de qui la nature est fort encline au mal.
Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Enclore. V. a. et irrég. de la 4* conj. Il se
conjugue comme clore. 'N'oyez ce mot. Enclore
un champ, enclore un jardin de murailles.
Enclos. Subst. m. Quand une expression fami-
lière et commune est bien placée et fait un con-
traste, alors elle tient presque du sublime ; tel est
ce vers de Corneille dans Sertorius (acl. III,
sc.ii, 17J) :
Je n'appelle plus Romeun entlo» de murailles.
Ce mot enclos, qui d'ailleurs est si commun, et
même bas, s'ennoblit et fait un très-beau con-
traste avec ce vers admirable du héros romain
{idem, 17S) :
Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis.
Encontre. Subst. f. j4ller à l'encontre de
quelque chose, pour dire s'y opposer, y être con-
traire, est une vieille expression cond'amnée de-
puis longtemps, et que l'Académie n'aurait pas
dû mettre dans son Dictionnaire.
Encor ou Encore. Adv. Dans les temps com-
posés des verbes, il ne peut se mettre qu'entre
l'auxiliaire et le participe : Je n'ai pas encore
fini. Je ne l'ai pas encore vu. Dans les temps
simples, il se met après le verbe -.Je l'attendsen-
core. Quelquefois on le met à la tête de la phrase,
et alors il autorise à supprimer le verbe : Encore
une réflexion que vous upprntiverez siiroment ;
c'est-ù-dire je vais vous présenter, je vais vous
exposer encore une réflexion.
Dans le sens de du moins, il se met aussi au
commencement de la phrase; mais alors on ne
supprime pas le verbe : Encore, s'il voulait m'é-
couter.
Racine a dit dans Iphigénie (act. II, se. v, 45) :
Vous me donnez des noms qui doivent me surprendre,
Uadanie ; on ne m'a point instruite à les entendre ;
Et les dieux contre moi, dés longtemps indignés,
 mon oreille encor les avaient épargnés.
L'adverbe encore est ici pour jusqu'à présent.
L'abbé Dcst'ontaines observe qu'il a cette signifi-
cation quand la proposition est négative. Par
exemple, on dit Irés-bicnje n'ai pas encore été
malade, pour dire je n'ai pas été malade jusqu'à
présent. Dans les vers de Racine, la proposition
a vérilablenienl un sens négatif : On ne m'apoint
instruite à les entendre, est bien une proposi-
tion négative; et les dieux les avaient encore
épargnés à mon oreille, qui est un dévcl(j[)pement
de celle proposition négative, porte aussi le ca-
ractère négatif suus une forme affirmative, c'est-
à-dire, 071 ne via point instruite à eiitendre ces
END
253
noms, et jusqu'à présent les dieux n'avaient pas
permis qu'ils parvinssent à mon oreille.
QueI(iuefois encore est conjonction, comme
dans cette i»iirase : Il s'est fuit prier pendant
longtemps, encore ne m' a-t-il écouté que de mau-
vaise grâce. Dans cet emploi, on met aj)iés le
verbe le pronom qui fait l'oflice de sujet : Encore
ne vi'a-t-il. .. Je suis content de ma pauvre Itha-
que, encore même n'y régncrai-j'e que trop tôt.
(Féiielon, Télémaque.)
En prose, on ne peut dire qu'e/icore; en vers,
on met, selon le besoin, encore ou encor.
Encore que. Conjoncl. On s'en sert raremenl.
Elle régit le subjonctif : Encore que les rois de
Thchcs fussent les plus puissants de tous les rois
de l'Egypte, j'amais ils n'ont entrepris sur les
dynasties voisines. (Bossuet, Disc, sur l'IIist.
univ., IW part., chap. III, p. 432.)
Encourageant, Encourageante. Adj. verbal
lire du V. encourager. 11 [)cut (jiiehpiefois se
mettre avant son subst. : Des paroles encoura-
geantes, d'encourageantes paroles, un succès en-
courageant. Voyez Adjectif.
Encourager. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le^r doit toujours avoir la prononciation du/,- et,
pour la lui conserver lorscju'il est suivi d'un a
ou d'un 0, on met un e muet avant cet o ou cet a :
j'encourageais , encourageons, et non [)SiSJ'en-
couragais, encouragons. Ce verbe régit à devant
les noms et devant les verbes : Encourager au
travail, encourager à bien faire.
Encourir. V. a. de la 2' conj. Il se conjugue
comme courir. Voyez ce mot.
Encrasser. V. a. de lai" conj. Selon l'Aca-
démie, s'encrasser se dit lîgurément de ceux qui
s'avilissent en se mésalliant, ou en fréquentant
mauvaise compagnie. Elle aurait dii ajouter que
celle expression est basse.
Encroûter. V. a. de la 1"" conj. : Couvrir
d'une croûte. Au propre, c'est un terme d'archi-
tecture. Buffon a dil le soleil encroûté, — On l'em-
ploie figurémcnt au participe : C'est un homme
encroûté de préjugés.
J'aime le vrai, je me plais à l'entendre ;
J'aime à le dire, à gourmander mon gendre;
A Lien malcr cette fatuité
Et l'air pédant dont il est encroûté.
(Volt., Enf. prod., act. I, se. i, 15.)
Encuirasser. V. a. de la 1" conj, L'Acadé-
mie dit : Un corps encuirassé de poussière, du
linge encuirassé d'ordures. .Je crois qu'il serait
dillicilc de trouver ces expressions dans de bons
auteurs.
Endolori, Endolorie. Adj. Mot inventé par
J.-J. Rousseau, jjoiir signilier (]ui ressent de la
douleur ; à la différence de douloureux, (]ui veut
dire «lui cause de la douleur : Sophie se fait don-
ner un tablier de lu bonne femme qui vient d'ac-
coucher dans une chuxnnière isolée , et va l'arran-
ger dans son lit; elle en fait ensuite autant «
l'homme qu'y ne chute, de cheval a blessé. Sa main
douce et légère sait aller chercher tout ce qui les
blesse, et faire poser plus mdlement leu)'s mem-
bres ctntio\ov\s. [Emile, Wv. V, I. VII, p 3'i0.)
Endormir. V. a. et irrég. de la 2^ conj. 11 pe
conjugue comme dnrmir. Voyez Irrégulier.
Endurant, Endurantk. Adj. verbal tiré du v.
endurer. 11 ne se mel qu'après son subst. : Un
homme endurant, une femme endurante. Il s'em-
ploie plus souvent avec la négative : Cet homm^
n'est pas eridurant, n'a pas l'humeur endu-
rante, etc.
25i
ENF
Enddrci, Endurcie. Adj. 11 régil la préposition
ia
Ses yeux iiidilTÉrenls ont déjà la constance
U'on tyran dârtsie crim* entfurei dèl l'tinfanes;
(Rac, iBriJan., acl. Y, se. vu, 17.^
la préposition à :
J'irais par ma constance, aux affronts endurci,
Me mettre au rang des «aints qa'a célébrés Bussi ;
(BoiL., Sat. riii, 4i.)
et la préposition contre : Etre endurci contre
^adversité.
Endurcir. V. a. de la 2' conj. L'Académie
dit endurcir au travail, aux intempéries de l'air,
aux privations. Elle ne fait régir à ce vcHie la
préi>osition dans (]ue lorsqu'il est pronominal :
S'endurcir dans le vice, dans le crime. Voltaire
a dit dans la Ilenriade (111,16) :
Il n'était point comma elle endurci dans le cn'me.
Voyez l'article précédent.
Ei«DUREK. V. a. de la 1" conj. Corneille a dit
dans \es Horaces (act. I, se. iv, 19) :
Mais as-tn vn ton père ? et peut-il endurer
Qu'ainsi dans sa maison tu t'oses retirer?
Ce mot endurer, dit Voltaire, est du style de
la comédie. On ne dit que dans le discours le
plus hm\\icrj'endiiregue,je n'etidure pas que.
Le terme endurer ne s'admet dans le style noble
qu'arec un régime direct : Les peines que j'en-
dure. {Remarq. sur Corneille.)
Celte remarque de Voltaire est une critique
indirecte de l'Académie, qui dit: N'endurez pas
qu'on fasse tort à votre famille, sans dire que
cette expression est du discours le plus familier,
sans dire même qu'elle est du discours timi-
Her.
ÈNEKGiE. Subst. f. En parlant du discours, ce
mot dit plus que force, et s'applique principale-
ment aux discours qui peignent , et au caractère
du style. On peut dire d'un orateur qu'il Joint
la force du raisannement à l'énergie c/es expres-
sions. On dit aussi, une peinture énergique et
des images fortes.
ÉNF.r.GiQUE. Adj. des deux genres. Il se dit
principalement des discours qui peignent, et du
caractère du style: Discours énergique, style
énergique. 11 se met ordinairement après son sub-
stantif. Mais nous croyons qu'il y a des cas où
l'on pourrait le mettre avant. On ne dit pas im
énergique discours, un énergique style; mais on
pourrait dire celte énergique réponse calma le
courroux du roi Voyez Adjectif.
ÉNERGiQDEMENT. Adv. 11 ne sc met guère
qu'après le verbe : Il s'est expliqué énergique-
ment.
Enfant. Subst. m. Le mot enfant, tiré du latin
infans, signifie littéralement garçon ou lille qui
n'est pascnrore en âge de parler. Nous avons
étendu la signiGcatiou de ce mot jusqu'à l'âge de
douze ans; et nous appelons également enfant
ce que les Latins appelaient in fans c\. puer. Par
la première expression, ils n'entendaient que ce-
lui qui n'est pas on âge de parler, et ils éten-
daient la seconde depuis la naissance jusqu'à
l'âge de douze ans.
Ceci peut servir à décider si l'on peut dire,
comme Racine et Voltaire, un jeune enfant.
ENF
Un jeune enfant couvert d'une robe éclatante
(Kàc, Àtk., act. Il, se V, ♦•.)
Jeune enfant, répond».
(Idem, se. yii, 9.)
De Caumont, jeune enfant, l'iHonnanle aventure
Ira de bouche en bouche à la race future.
(Volt., Henr., II, 304.)
Les critiques disent, au sujet de ces vers de
Racine : Nous ne croyons [las qu'on puisse dire
un jeune enfant. On est j(!une après avoir été
enfant; mais quand on dit enfant, l'épilhète de
jeune est inutile. Cette remarque n'est ptis juste
Puisque dans notre langue la signification du
mot enfant s'étend depuis la naissimce jusqu'à
l'âge de douze ans, on est jeune lorsqu'on est en-
core enfant; et l'on est proprement enfant lors-
qu'on n'est pas en âge de parler. Un enfant de
six mois n'est pas un jeune enfant, c'est simple-
ment un enfant. Un enfant de deux ans, de
quatre ans, de douze ans, elc , est un jeune enfant
ipuer). D'ailleurs, il faut remarquer que, dans
ces sortes d'expressions, on n'a pas uniquement
l'âge en vue, mais l'innocence, et (|ue, dans cer-
tains cas, on dit fort bien cette jeune enfant,
d'une jeune fille de quatorze à quinze ans.
Le mot enfant, dit Féraud, s'emploie élégam-
ment au figuré : 3Iai.s enfin., un généreux dépit,
enfant du, courage et de la raison, s'empare de
son âme et en bannit la honte. Des écrits téné-
breux, enfants de la nuit, du. mensonge et de
l'orgueil. Voyez Enflure.
Enfant est tantôt du masculin, tantôt du fé-
minin. On trouve dans toutes les langues des
noms qui, sous la même terminaison, expriment
tantôt le mâle, tantôt la femelle, et sont, en con-
séquence, tantôt du genre miisculiu, tantôt du
genre féminin. On dit de ces noms qu'ils sont
•An genre commun, \)aTce que ce sont des ex-
pressions communes aux aeux sexes f\ aux deux
genres. Tel est dans notre langue le mot enfant,
|)uisqu'on dit en parlant d'un garçon, /e bel en-
fant; et en parlant d'une fille, la belle enfant,
ma chère enfant.
Enfanter. V. a. de la 1" conj. L'Académie
donne les exemples suivants du style figuré : Les
r/uerres civiles enfantent mille maux; enfanter
des prodiges, des miracles. On dit aussi eîifanter
des projets. Voltaire a dit enfanter des armées.
Et quel alTreut projet avez-vous enfanté ?
flUc, Vhéi., act. I, se. ili, 71.)
Nourrissant le projet que sa fureur enfante.
^Dblil., Èniii., IV, 679.)
De la ligue en cent lieux les villes alarmées.
Contre moi dans la France enfantaient des années.
(Volt., Henr., III, 143.)
Ce Terbe s'emploie quelquefois absolument
comme tous les autres verbes aciifs, mais ordi-
nairement, et surtout au ligure, il s'emploie avec
un régime. Voyez Accoucher.
Enfantin, Enfantine. Adj. qui se met ordinai-
rement après son subst. : Puisage enfantin, voix
enfantine.
Knieh. Sub.st. m. On prononce le r.
Enfermer. V. a. de la 1" conj. Racine a dit
dans Britannicus (act. V, se. m, 28) ;
Son cœur n'enferme point une malice noire.
Enfilade. Subst. f. Selon l'Académie, il ne se
ENF
dit proprement que d'une longue suite de cham-
bres dont les portes sont sur une niLune ligne.
— Cest une eireur. On ai)pelle e/ifilude une
suite ou continuation de plusieurs ciioscs dispo-
sées dans une même ligne, ou sur une même liie,
comme une enfilade de chambres, de portes, de
bâtiments, etc.
Enfin. Adv. On dit il viendra enfin, enfin
les bons principes s'établissent. Dans ces phra-
ses , enfin ne sert qu'à indiquer la lenteur de
l'événement arrivé après beaucoup de temps,
d'attente, d'incertitude. 1! se met avant ou après
le verbe : Enfin mous convînmes, nous convînmes
enfin; il arriva enfin, enlin il arriva.
Enflammer. V. a. de la 1" conj. L'Académie
l'explique par a//umer, mettre le feu. — Ce mot
signifie ai)|iliquer le feu à un corps combustii île
d'une manière sensible pour les yeu.K, au delà
de la surface du corps; le corps serait seulement
échauffé, si le feu n'y était sensible que pour le
toucher; il serait seulement ardent ou embrasé,
si le feu n'y était i)as sensible pour les yeux au
delà de sa surface. Voyez Embraser.
Enfler. V. a. de la 1"^' conj. L'Académie dit
enfler absolument, pour enorgueillir. Mais on dit
avec le participe être enflé d'orgueil, enflé d'au-
dace :
Des états dans Paris la confuse assemblée
Arait psrdu l'orgueil dont elle était enflée.
(Volt., Henr., YUJ, 1.)
L'indiscret, à mes yeux, de trop d'orgueil enflé, etc.
[Volt., Indiscret, se. IX, 4.)
Cependant à les voir enflés de tant d'audace.
(BoiL., Disc, au roi, 33. j
Enfldbe. Subst. m. L'Académie dit figurémenl
Penflure du cœur ; on dit aussi l'enflure de l'or-
gueil. Il parait bien plus pardonnable à ceux
qui naissent, pour ainsi dire, dans la boue, de
s'enfler, de se hausser, et de tâcher de se mettre,
par l'enflure de l'orgueil, de niveau avec ceux
au-dessous desquels ils paraissent se trouver si
fort par leur naissance. (Massillon, Petit-Ca-
ràme.)
En terme de littérature, on appelle enAure un
vice de style qui consiste ou à se servir de grands
mots et de tours pompeux pour exprimer des
idées simjjles ou ordinaires, ou à revêtir des idées
grandes et nobles par elles-mêmes d'expressions
outrées qui les font paraître gigantesques. On
donne avec raison comme un exemple d'enflure,
cette strophe de Rousseau (liv. I, Ode I, 81 ) :
Où suis-je, quel nouveau miracle
Tient encor mes sens enchantés !
Quel lasle, quel pumpeux spectacle
Frappe mes yeui épouvantés!
Un nouveau monde vient d'éclore.
L'univers se reforme encore
Dans les abimes du chaos \
Et pour réparer ses ruines.
Je vois des demeures divines
Descendre un peuple de héros.
Celle Strophe entière n'est qu'ime véritable en-
flure dans la pensée el dans l'élocution. Des
yeux épouvantes par la pompe d'un spectacle mi-
raculeux, tandis que tous les autres sens sont en-
chantés; ensuite, l'univers se reformant dans un
abime de confusion, apros qu'un nouveau monde
est venu éclore; enfin, un nouvel univers réfor-
ENF
255
mé a-t-il des ruines à réparer, pour lesquelles
il faille qu'un peuple de héi-os descende des de-
meures divines?
La Harpe a trouvé un exemple d'enflure dans
les vers suivants de Voltaire [Rome sauvée
act. 1, se. V, 81) :
\e me reprochei plus tous mes égarements,
D'une ardente jeunesse impétueux enfants.
Enflure de style, dit La Harpe ; des égarements
ne sauraient se personnifier, cl ne sont point des
enfants.
Si cette critique est juste, il faudra condamner
aussi les vers suivants du même auteur :
Un feu tumultueux ,
De mes sens enchantés enfant impétueux.
{OEd., act. Il, se. Il, 59.)
On ne se cache point ces secrets mouvements,
De la nature en nous indonipiibles enfant».
[Idem, act. Il, se. u, 18.)
On pourrait dire, avec La Harpe, un feu, des
secrets mouvements ne sauraient se personnifier
el ne sont point des enfants. .Maison sentira com-
bien celte remarque est déplacée, si l'on observe
(jue, dans ces phrases, le mot enfant est pris an
ligure; qu'il ne supjKise pas que l'on personnifie
la chose à laquelle on l'apidiiiuc; et (]ue l'usage,
conforme à ces expressions, permet de dire (juc
les regrets sont enfants du plaisir, les crimes en-
fants de l'ainbilion et de l'orgueil, que le bonheur
est enfant delà vertu. Voyez Enfant.
Enfo>cer. V. a de lu J" conj. Dans ce verbe
le c a la prononciation de se, el [wur la lui con-
server à tous les temps el à toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on écrit
nous enfonçons, j'enfonçais, j'enfonçai, el non
pas nous enfonçons, etc.
L'Académie ne l'admet au figuré qu'avec le
pronom personnel : S'enfoncer dans V étude, dans
la débauche, dans le jeu. Voici deux exemples
où Racine et A'oltaire l'emploient figurémenl
sans ce pronom :
Mais Marduchée, assit aux portes du palais ,
Dans ce cœur malheureux enfonce oiillo traits.
(Rac, Esth., ad. Ul.sc. i. S".]
Enfonçons dans son cœur le Irait qui le déchire.
(Volt., Brut-, act. II, se. m, 25.)
Enforcib, Renforcer. Verbes actifs. Ces deux
verbes signifient l'un et l'autre rendre plus fort,
ou devenir j)lus fort : La bonne nourriture a en-
forci ce cheval. Ce vin s'enforcira à la gelée. On
a renforcé l'armée. Cette place se renforce tous
les jours. Ce jeune homme s'est bien renforcé
dans le calcul, aux échecs, sur la langue grec-
que.
Quelques personnes, pensant appareinment que
l'on dit enforcer, renforcir, ont forgé les parti-
cipes enforcé, renforci. Mais ces participes et
ces infinitifs sont autant de barbarismes, car on
ne connaît qu'enfrcir el renforcer, dont les |»ar-
ticipcs passés sont nnforci, renforcé. .Ainsi ceux
qui disent cet enfant est renforci, au lieu de cet
enfant est renforcé ; ces bas sont ren forcis, ou
enforcés, s'expriment md. — Enforcir ne se dit
pas des |)ersomics.
Enfourcher. V. a. de la 1" conj. Monter a
cheval, jambe de-çà, jambe de-là : Cette femme
256
ENG
enfourche un cheval comme ferait un cavalier.
C'est un de ces verbes iiuisilos qu'on ne trouve
guère que dans le Diclionnairc dr l'Acadi'mie.
On ne serait pas compris si l'on disait, cuinine
Y iiViWiA, j'en fourchai mon cheval, et Je partis.
Enfuit, (s'). V. pronom, de la 2* conj. Il se
conjugue comme fuir, 51 ce n'est qu'il prend
l'auxiliaire être, comme tous les verbes prono-
minaux.
On dit absolument s'enfuir, et, avec un com-
plément indirctl, s'enfuir de ipiclque endroit.
Dans le premier sens, il faut dire il s'est enfui,
et non pas il s'en est enfui, ni il s'en est fui.
Dans le second, il faut réi)étcr en, pour signifier
le comjjlémcnt indirect. Ainsi l'Académie a bien
dit : O/i l'a mis en prison, il s'en est enfui;
c'est-à-dire, il s'est enfui de prison. Sans ce ré-
gime, elle dit il s'est enfui, vous me ferez enfuir.
— L'Académie, dans la dernière édition de son
Dictionnaire, donne pour exemple ; On l'a mis
en prison, mais il s'est enfui. C'est sans doute
par euphonie qu'elle emploie de préférence celle
manière de s'exprimer.
Les poêles emploient souvent ce mol au figuré ;
Ma raison s'enfuyait de mon &me éperdue.
(Volt., Ore»t., ad. III, se. i, 21 .)
Loin d'Énée, à ces roots, le doux sommeil s'enfuit.
(DsLih.,Énéid., IV, 838.)
Sa ïie alors t'enfuit comme une ombre légère.
[Idci7i, X, 1124.)
Engageant, Engageante. Adj. verbal tiré du
V. engager. On pcul le mettre avant son subst.
en consultant l'oreille et l'analogie : Ces caresses
engageantes, ces engageantes caresses.
Engager. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le second g doii toujours avoir la prononciation
duj;et pour la lui conserver lors(iu'il est suivi
d'un a ou d'un 0, on met un e muet avant cet a
ou cet 0 : J'engageais, engageons, et non pas
j'engagais, engagons.
Le père Bouhours dit que, de son temps, on
commençait à dire engager de, mais i\n'engager
à était toujours plus usilc.
L'Académie, en ne construisant ce verbe qu'a-
vec la préposition à, a contribué à rendre l'usage
de de plus rare : Il m'a engagé à cela. On l'a en-
gagé à entrer dans ce parti; cette charge engage
à beaucoup de dépenses. 11 est certain (lue la pré-
position à est bien placée dans tous ces exem-
ples. Mais ne pourrait-on pas dire il m'a engagé
de prendre patience, il m'a engagé do fuir, de
convenir de ma faute"? La ])réposition de n'a rien
de choquant après le verbe engager, |)uisiiue
Thomas Corneille et de Wailly en pcrmeltenl l'u-
sage pour éviter la cacophonie, cl tju'ils veulent
qu'on dise il s'engagea d'aller, au lieu de il s'en-
gagea à aller. Cependant il i)arail étonnant (pie la
seule raison de la cacophonie puisse autoriser
après un verbe la substitution de la préposition
de à la préposition à, qui marque des rapports si
différents.
Concluons de tout ceci que, malgré le silence
de l'Académie, on joint et l'on peut 'oindre de au
verbe engager; cl cherchons si lo choix ne dé-
pendrait pas du sens que l'on donne à ce verbe.
La préposition à, comme nous avons eu sou-
vent occasion de le dire, indi(]ue par sa natiir-.
un point, un but hors du sujet qui agit, et au-
quel tend ce sujet. Or, dans les différents sens
que l'on donne au verbe engager, quelquefois ce
ENG
but est indiqué, c'est-à-dire quand l'action doU
être terminée hors du sujet (jui doit la faire. Par
excini)lc, quand on dit je vous engage à l'aller
voir, on indique clairement une action qui doit
être terminée hors du sujet qui doit la faire, une
action qui est comme un but qu'on lui indique,
qu'on lui montre. L'indication de ce but exige la
préposition o. Mais quand on dit je vous engage
de vous taire, de vous reposer, de prendre pa-
tience, etc., il n'y a point de but indiqué hors
du sujet (|ui doit faire l'action; et c'est alors «lue
la piéposition à serait déplacée, et qu'il faut em-
ployer de.
Racine a dit :
Sur les pas des tyrans veus-tu que je m'engage ?
(Britan., act. IV, se. iv, 38.)
A peine au fils d'Egée
Sous Us lois de l'hymen je 'étais engagée.
(PAey.., act. I, se. III, 117.1
L'Académie ne donne iVoint d'exemples analo-
gues à ces constructions.
Engendrer. V. a de la l" conj. Selon l'Acadé-
mie, il se dit de l'homme et des animaux, mais
on ne l'applique guère qu'aux mâles. D'après
cela on pourrait dire monsieur un tel a engendré
trois fils; tel roi engendra deux enfants. Ces
phrases, conformes à la définition de l'Académie,
ne le seraient ni à l'usage ni au bon goiit. Bou-
hours a remarqué il y a longtemps qu'au propre,
engendrer ne se dit point des personnes.
Engendrer, au propre, ne se dit point des per-
sonnes, si ce n'est dans certaines phi ises de
l'Ecriture sainte , comme Abraham engendra
Isaac, Isaac cîigendra, etc., ou dans quelques
autres phrases du style dogmatique, conme le
père engendre le fils de toute éternité-
Englodtir. V. a. de la 2' conj. Dclille a dit
[Enéid., I, 175) :
... Si les flots ennemis
Ont englouti tes jours et les jours de ton fils.
L'Académie prétend qn' engloutir, en parlant
d'une succession, signifie la consumer, la dissi-
per : Il a englouti en peu de temps toute cette
riche swcession. Voltaire emploie ce mot dans
un autre sens [Enf.prod., act. IV, se. m, 414) :
S'ilenjioulii à jamais l'Iiérllage
Dont la nature avait fait mon partage...
ENGoncER. V. a. de la 1'^ conj. Dans la con-
jug:iison de ce verbe, le second g se prononce
toujours comme j; et pour lui conserver celte
prononciation lorsqu'il est suivi d'un a ^u d'un
0, on met un e muet avant cet a ou cet o: J'en-
gorgeais, engorgeons , et non pas j'engorgais ,
engorgons.
Engranger. V. a. de la 1" conj. Dans la con-^
jugaison de ce verbe, le second g se prononce
comme toujours, comme j; et pour lui conser-
ver celle prononciation lorsqu'il est suivi d'un a
ou d'un o, on mol un e muet avant cet a ou cet
o: J'engrangeais , j'engrangeai, et non pas
j'engrangais,j'engrangai.
Engri.ner. V. n. de la 1" conj. Selon l'Aca
demie, C. se ilit d'une roue dont les dents entrenX
dans rel'.os d'une autre roue, en sorte que l'una
fait tourner l'autre: Cette petite roue engrène-
1 bien dans cette autre. VoUaire a api)li(iué ce m»
à l'arrangement nécessaire de toutes les chose*
I de ce inonde... Les corps graves tendent versk
ENJ
centre de la terre, sans pouvoir tendre à se re-
poser en l'air. Les poiriers ne peuvent jamais
porter d'ananas. L' instinct d'un i'pugneul ne peut
être l'instinct d'une autruche; tout est arrangé,
engrené et limité. (Dict. philos.)
ÈMiARDin. V. a. de la ■i'conj.
ENHAnNAciiEii. V. a. de lal"conj. Dans ces
deux veibes le h s'aspire, el en se prononce comme
dans engourdir.
ÊMCMATiQUE. Adj. dcs dcux gcnrcs. En prose , il
ne se met guère qu'après son subst. : Pandes
étiigmatiqucs. Discours énigmatiques. Bt'ponse
énigmatique.
ÊNiGMATiQUEMENT. A(Iv. 11 so uict loujours après
le verbe : Il a parle éniginatiquement, el non
pas ila énigmatiqucmcnt parlé.
Emvraîxt, Enivrante. Adj. verbal tiré du verbe
enivrer. On prononce comme s'il y avait deux n,
ennivrant. Féraud remarque avec laison qu'on
devrait écrire avec dor «, ennivrant, ennivrev,
eiinivrement. L'orlbogr"'nlie ordinaire, dil-il, peut
induire en erreur pour u prononciation. Eu écri-
vant enivrant, enivrer, Qlc, il semble qu'on
doive prononcer enivrant, enivrer, comme un
prononce dans énigme, ènigmaligue . Si l'on
écrivait ennivrer comme ennuyer, l'orthographe
serait conforme à la prononciation. En prose,
cet adjectif se met ordinairement après son subsl. :
Liqueur enivrante, louanges enivrantes.
Enivrement. Subst. m. Aoyez Enivrant.
Voltaire a dit l'enivrement de la joie [Mort de
César, act. II, se. iv, 28) ;
Alors tuut est en proie
Au !o\ enivrement d'une indiicrèle joie.
Enivr ;r. y. a. de la 4" conj. L'Académie ne
donne p:« assez d'exemples de l'emploi de ce mot
au figure, pour faire connaître toute l'étendue de
sa signification. En voici quelques-uns qui pour-
ront paraître utiles :
Rends-loi compte du sang dont tu t'es enivré».
(Rac, Ath., act. V, se. r, 31.)
Des Tolonlés de Rome alors mal assuré,
Néron de sa grandL'ur n'étali point enivré.
(Hac, Britan., ad. I, se. I, 97.1
Le coeur onllé d'orgueil et de haine enivré,
(Volt., Oreate, act. III, se. ri, 72.)
De la foreur commune avec zèle enivré...
(YOLT., Mahom., acl. V, se. m, 16.)
Déjà plein d'espérance et de gloire enivré,
kuK teilles de Valois il avait pénétré.
(Volt., Henr., IV, 49.)
Des spectateurs joyeui
Longtemps leurs traits cliéris ont enivré les yeux.
(Delil., Énéiéi., V, 785.)
Qui s'enivre à tos yeux de l'encens des humains.
(Volt., Brut., act. III, se. vu, 23.)
Filé sur ces tableaux qu'il contemple à loisir.
Le héros s'enivrait d'un douloureux plaisir.
(Ublil., Énéid., I, 675.)
Voyez Enivrant.
ENJA.MBEMENT. Subst. m. Tcrme de littérature.
Construction vicieuse, principalement dans les
vers alexandrins. On dit qu'un vers enjambe sur
un tutre, dit le chevalier de Jaucourt, lorsque
la pensée du poète n'est point achevée dans le
même vers, et ne finit qu'au commencement ou
au milieu du vers suivant. Ainsi ce défaut existe
ENJ
257
toutes les fois qu'on ne peut point s'arrêter natu-
rellement à la fin du vers al.'xandrin pour en
faire sentir la rime et la i)euséc, mais qu'on est
obligé de lire de suite et prompteiuent l'autre
vers, à cause du sens qui est demeuré suspendu
Les exemples n'en sont pas rares; en voici un
seul :
Craignons qu'un Dieu Tengeur ne lanco sur nos létes
La foudre inévitable.
Il y a ici un enjambement, parce que le sens ne
permet pas qu'on se repose à la fin du premier
vers.
Ce n'est pas assez d'éviter l'enjambement d'un
vers à l'autre, il faut de plus éviter d'enjamber
du premier hémistiche au second; c'est-à-dire
que si l'on porte un sens au delà de i;i moitié
du vers, il ne faut pas rinteriompre avant la fin,
parce qu'alors le vers parait avoir deux repos eî
deux césures, ce qui est trè^désagréa!)le. Il est
encore bien moins permis d'enjamber d'une
slance à l'autre.
Maissi lenjambement est défendu dans les vers
alexandrins, comme nous venons de le dire, il
est autorisé dans les vers de dix syllabes, et il y
produit même quchiuefois un agrément, parce
que cette espèce de \cvi, faite pour la poésie
familière, souffre quelques licences, et ne veut
pas être assujettie à une trop grande eénc. Au-
trefois les poêles ne s'embarrassaient "cuére de
laisser enjamber leurs vers les uns sur les au-
tres; c'est à Malherbe le premier que l'on doit la
correction de ce défaut de la versilicalion. Par
ce sage écrivain, par ce guide fidèle, dit Des-
préaux [A. P., I, 137),
Les stances arec grâce apprirent à tomber ,
El le vers sur le vers n'osa plus enjamber
Quoiijue ce soit une faute, en général, de ter-
miner au milieu du vers le sens qui a commencé
dans le vers précédent, il y a à cette règle
des exceptions permises au génie. C'est ainsi que
Despréaux fait dire à celui qui l'invite à dîner
{Sut. III, 21) :
Vy manquer pas au moins; j'ai quatorze bouteilles
D'un lin vieux... Buucingo n'en a point de pareille!.
La poésie dramatique permet que la passion
suspende riiémistichc, comme quand Ciéopatre
dit dans Rodogune (act. V, se. iv, ItJl) :
Où, seule et sans appui contre mes aileotalt,
Je verrais
L'exception a encore lieu dans le dialogue dra-
matique, lorsque '.elui qui parlait est coupé par
quelqu'un, comme dans la même trai-'édie de
Rodog. Elle dit à Antiochus (acl. IV, se. i, 3) :
Est-ce au frère, est-ce tous dont Utémériié
S'imagine...
antiociivs,
Apaisez ce oourroui emportf.
Voyez Coupe.
Quand le dialogue est sur la scène, chaque nv
cit doit finir par un vcr.> entier, à mrins q'j'il n'y
ail occasion de couper celui qui parle, ou que le
tronçon de vers par où l'on finit ne comprenne
un sens entier cl séparé jiar un point de tout ce
qui a précédé. Ainsi, dans Andromaque, Oreste
achève un récit de cette sorte (act. IV, se. m
14) :
17
238
ENN
De Troie en ce pafs rércillons les miserai.
Et qu'on parle de nous ainsi ijue de nos pères.
(Encycl.pcdie.)
Emolument. Subsl. ni. Ce mol n'a point de
liluiiel.
Enlacep.. V. a. de la i" conj. Nous ajoulerons
les exemples suivants à ceux (juc donne l'Aca-
•lémio :
Cent serpents sur son casque enlacent leurs replis.
(Delil., Enéide, VII, 923.)
Tels jouaient ces guerriers; tels, dans ces doux combats,
/(< enlaçaient leurs course et confondaient leurs pas.
Ildcm, Y, 805.)
Ennemi. Subst. m. Ennemie. Subst. f. Oji pro-
nonce comme s'il y avait ènemi, avec le promier
eun peu uuvert. Ce mot s'emploie souvent comme
ndjeciif, et alors il se met toujours après son
subst., même en vcts : Un voisin ciinemj,. Des
peuples ennemis. Une nation ctiiiernie. Etre en
pays ennemi. Les poètes disent les destins en-
nemis, la fortune ennemie, les vents ennemis :
Je fuis; ainsi le veut la fortune ennemie.
(Rac, Mithrid., ad. III, se. 1, 5.)
Mais/'e ne vois partout que des yeux ennemi».
(lUc, Tphig., acl. II, se. TU, 20.)
Ennoblir. V. a. de la 2* conj. Voyez Anoblir.
Ennui. Subst. m. Ce mot se prenait autrefois
pour peines, chagrins, douleur, tourments de
l'àme; et les poêles l'emploient encore en ce
sens:
Si d'une mère en pleurs tous plaignez les ennuis.
(lUc, Iphig., act. lY, se. iv, 20.)
Pour comble de malheur, les dieux, toutes les nuits,
Dèiqa'on léger sommeil suspendait mes ennuis,
[Idem, act. I, se. i, 83.1
Et sans vouloir vous-même augmenter vos ennuis.
(Rac, Phéd., act. lY, se. ii, 57.)
Ah! que dis-lu ? pourquoi rappalermcs ennui»?
(Volt., Zaïre, act. I, se. i, 87.)
Ennuyawt, Ennuyante. Adj. verbal tiré du v.
ennuyer. Ce mot doit être appliqué à une ac-
tion ; la lorminnisdn active «/// indiipie celte ac-
tion. Ennrdjcvs \ny\\(\\\Q par la terminaison cj/j:
unequalilé inlicrenle au sujet. Ainsi on pourra
dire, selon les i irconslances, ennuyant ou en-
ntiyetiT, des personnes et des ch<)ses. Un homme
ennvyetix esi u\\ homme i|ui, par sa siiiiidicilc,
par sa sottise, p;ir l'habiludc de bavarder ou
(l'imporluncr de toute autre manière, a tout ce
qu'il faut pour ennuyer. Un discours ennuyeux
est un discours long et diffus, qui, n'ayant ni
suite, ni liaison, ni inlèrêl, ne peut ôtre lu ou
entendu sans causer de l'ennui. Un homme en-
nuyant cs{ unhoii.me qui ennuie aclucUcmcnl \)'jr
sa présence, ses discours, ou de quebpic autre
manière. Un discours ennuyant est un discours
qui ennuie :.ctuelleinent, soit parce qu'il est mal
fait, soit parce qu'd est mal dél)ilc. Un homme
neut être ennuyant sans être ennuyeux; c'est-à-
dire qu'il jieut, par défaut d'attention ou de ju-
gement, faire (les choses qui ennuient, quoique
en général il ait toujours les qualités nécessaires
oour *'Te agréable, et qu'il le soit ordinaire-
ENQ
ment. Un jeune homme amoureux est ennuyant
s'il p;u'le sans cesse de son amour aux personnes
qui ne s'y intéressent pas. .Mais si d'ailleurs il a
de l'esprit et de l'amabilité, on ne peut pas dire
qu'il est ennuyeux, à moins qu'on ne considère
comme une <|ualilé ou comme une habitude ses
discours continuels sur l'amour qu'il éprouve.
Une autre preuve qn'ennui'eux se dil d'une qua-
lité particulière au sujet "amiucl on l'aijpliqae,
c'est qu'on fait ennuyeux substaniif, et qu'e/i-
nuyant ne l'est jamais.
Le plus souvent ici l'on parle sans rien dire;
Et les plus ennuyeux savent s'y mieux conduire.
(Volt., Indiscret, se. I, 41.)
Cet adjectif se met ordinairement après son
substantif.
Ennuyer. "V. a. de la d" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe on conserve l'y à l'inlinitif,
excepté avant un e muet : J'ennuie, tu ennuies,
ils ennuient, j'annuieru i, j'enn nierais.
Ennlyelsement. Adv. On peut quelquefois le
meure entre l'auxiliaire et le participe : // vi'a
ennuyeusement raconté tous ses faits d'armes.
Ordinairement il se met après le verbe : Passer
la journée ennuyeusement.
Ennuyeux, Ennuyeuse. Adj. 11 peut se mettre
avant son subst. On ne dit pas vn ennuyeux
homme, -une ennuyeuse femme. Mais OU peut
àvct c'est un ennuyeux personnage, c':st un en-
nuyeux rabâchage. Il faut pour le placer ainsi
consulter l'oreille et l'analogie. Voyez En-
nuyant.
Énoncer. V. a. de la \" conj. Dans ce verbe,
le c a la prononciation de se ; et pour la lui con-
server à tous les temps et à toutes les i)ersonnes,
il faut mettre une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi l'on écrit
nous énonçons, j'énonçais, j'énonçai ; et non pas
nous énonçons, (i{c.
1,'Académie le confond avec exprimer. C'est,
dit-elle, exprimer ce qu'on a dans la pensée. On
énonce sti pensée en la rendant d'une manière in-
telligible; on l'exprime en la rendant d'une ma-
nière sensible. On Vénonce avec facilité, avec
netteté, avec pureté, avec régularité, en bons
termes, en termes choisis. On l'exprime de toutes
ces manières, mais surtout avec force, avec cha-
leur, avec énergie. Énonrer demande plutôt les
qualités de l'élocution; son mérite est dans la
diction et le langage choisi. ExpHmer demande
les qualités de l'éloiiuonce; son principal mérite
consiste dans le parfait rapport des ternies avec
les idées, et de l'image avec la chose. Le peupk
s'exprime quelquefois mieux qu'il ne s'énonce,
parce qu'il sent vivement et qu'il sait peu. (Rou-
baud.)
ENor.GUF.ii.Lin. On prononce comme s'il y avait
deux n. On mouille lesZ.
Énorme. Adj. des deux genres. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant rorcillc.ci
l'analogie : Une faute énorme, une énorme faute.
Énormément. Adv. On peut le mettre entru
l'auxiliaire et le participe : lia été énormémeni
lésé.
Enqoérant, Ewquébante. Adj. verbal tiré du v.
enquénr. L'Académie dit qu'il signifie qui s'en-
(luiert avec Iroj) de curiosiié, et (juil est fami-
lier. Nous pensons (juc cet adjectif n'est usité
dans aucun style, et (lu'on ne dit pas w« liomme
enquérant, une femme enquérante.
Enquérir (s'). V. pronom, et irrégulier de la
ENS
2*conj. lise conjusue comme acquérir, et prend
l'auxiliaire être comme lous les verbes inonomi-
naux : Je me suis enquis de lui. S'enquérir d'un
fait.
Ekragea^t, Ejirageante. Adj. verbal tiré du
V. enrager. 11 ne se met qu'après son subst., et
n'est inie du style familier.
Esr.AGER. V. a. de la 1'" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, le^ doit toujours être pro-
noncé comme j; et pour lui conserver celte pro-
nonciation loi"S(]u'il est suivi d'un a ou d'un o,
on met un e muet avant cet a ou ce\.o; j'enra-
geais, eni'ageons, et non pas j'enragais, enra-
gons.
Enrayek. y. a. de la 1" conj. Il se conjugue
commcpayer. ^'oyez ce mot.
Ensasolanteb. V. a. de la 1" conj.
Ab ! n'enêanglantei plus le prix de la TÏctoire.
(Zoïre.)
Ensemble. Adv. Plusieurs, dit Féraud, con-
damnaient vnir ensemble comme un pléonasme
et une superflu ité de mots; mais Vaugelas, Cha-
pelain et Thomas Corneille approuvent cette ex-
pression. On sait bien qu'on ne peut unir sans
mettre ensemble, mais aussi on ne peut voir que
de ses yeux, et entendre que de ses oreilles.
Ainsi, pour la même raison, il faudrait condam-
ner je l'ai vu de vies yeux, je l'ai entendu de
mes oreilles, etc., cxjjressions généralement re-
çues.
jN'ous ne croyons pas que l'expression unir en-
semble puisse être justilice par les expressions
je l'ai vu de nies propres yeux, je l'ai entendu
de mes propres oreilles. Ici il y a réellement
pléonasme, en prenant ce mot en bonne part;
c'est-ù-dire qu'il y a des mots qui paraissent su-
perflus par rapport à l'intégrité du sens grammati-
cal, et qui servent pourtant à y ajouter des idées
accessoires sural)ondantes, et qui y jettent de la
clarté ou en augmentent l'énergie. Quand on dit
je l'ai vu, la phrase est grammaticalement com-
plète ; cl si l'on ajoute de mes propres yeux, c'est
pour donner plus d'énergie à l'expression, pour
affirmer avec plus de force qu'o» a vu.
Au contraire, dans unir deux choses ensemble,
il n'y a point de pléonasme ; et sans le mot e7i-
sembls, le sens grammatical ne serait pas com-
plet. Kn effet, «»uV est un verbe actif qui exige
un régime direct et un régime indirect : on nnit
une chose à une autre, on unit deux choses à une
troisième, ou à plusi''urs autres choses. Ainsi
quand on dit on les a unis, à moins que l'on ne
parle île deux amants que l'on a mariés, la phrase
n'est pas complète; car on n'exprime pas à quoi
on les a unis. On pouvait les vnir ou ensemble
ou à d'autres choses. Ensemble est donc néces-
saire pour compléter le sens grammatical, et il
n'y a ni pléonasme, ni périssologic.
Ensevelir. V. a. de la ').' conj. Les poètes en
font un fréquent usage dans le sens figuré :
Enfin, depuis deux jours, la superbe .\lhalie
Dans ua sombre cbagrin paraît enievelie.
(Rac, Àth., act. I, SCI, bi.)
Surtout je redoutais cette mélancolie
Où j'ai TU si longtemps votre âme ensevelis.
(Rac, J-nirom., a«t. I, se. I, 17.)
Qu'en un profoud oubli
Cet borriWe secret demeure enaeveli.
(Rac, Phed., act. U, se. Ti, 6.)
ENT
Tu prétendais qu'en un lâche silence,
Phèdre entevelirait ta brutale insolence?
259
[Idem, act. IV, se. ii, 47.)
Sur quels bords malheureux, dans quels Iristos climats
EntevcUr l'horreur qui s'attache à mes pasY
(Volt., OEd., act. IV, se. m, 35.)
Ensdivhe (s"), y. pronom, et défectueux de la
4« conj. Il ne se dit (ju'à la troisième personne
tant du singulier que du pluriel, et le plus sou-
vent il s'emploie impersonnellement.
// s'ensuit de là que... Il s'en est suivi d.-
orands maux. Il s'ensuit que demande l'indjcatif
((uand la phrase est affiraialive : Ils'ensuil de lu
que vous avez tort. Quand la i>lirase ost mgalivf
ou interrogativc, il faut nieltre le subjonctif: //
ne s'ensuit pas de là que vous ayez tort; s'en-
suit-il que vous ayez tort^
Ent. N'oyez, pour la formation du pluriel dans
les subst. et dans les adj. terminés ainsi, les arti-
cles Formation et Adjectif.
Eme.ndre. y. a. de la /i" conj. Dans le sens
à.'ouïr, de comprendre, il demande l'indicalif : Au
son de la voix, j'entends que c'est votre frère.
DaiiS le sens de vouloir, ordonner, il vent être
suivi du subjonctif : J'entends que vous lui obé-
issiez. Je n'entends pas que vous fassiez cette
dépense.
Racine a dit dans Bérénice (act. IV, se. vu, 3) :
Elle n'eniend ni pleurs, ni conseil, ni raison.
On n'entend point des pleurs, dit Voltaire au su-
jet de ce vers; mais ici n'entend signifie ne
do^nne point attention. {Y!>.Qm\.\n\\iQSS\xv\d,'Bérénica
de Racine.)
On dit qu'wM bruit s'entend, qu'w7»e voix s'en-
tend.
Un bruit affreux t'entend.
(Volt., Henr., VIII, 335.)
Au pied du trône même une voix «'en tondit.
\Idcm, y II, 115.1
Il tombe, et de Tenfer tous les monstres frémirent;
Ces lugubres accents dans les airs s'entendirent.
{Idem, X, 149.)
S'entendre à une chose, c'est la savoir bien
faire, la faire avec adresse : Il s'entend bien à
mener une intrigue, f^ous n'y entendez rien. —
i S'entendre en musique, en tableaux, s'y bien
connailre. — S'entendre avec quelqu'un, être d'in-
1 telligenceaveo lui.
} Enthousiasme. Subst. m. L'enthousiasme ou
; fureur poéticiue est ainsi nommé parce que l'àine,
qui en est remplie, est tout entière à l'objet qui
I le lui inspire. Ce n'est autre chose qu'un senti-
I nient, quel qu'il soit, aniour, colère, joie, admi-
ration, tristesse, etc., produit par une idée, et
poilé à un haut degré. Ce sentiment n'a lias pro-
prement le nom ^'enthousiasme ([uand il est natu-
rel, c'est-à-dire qu'il existe dans \ui homme qui
l'éprouve par la réalité même de son état; mais
seulement quand il se trouve dans un artiste poète,
peintre, musicien, et qu'il esl l'effet d'une itnagi-
nation échauffée artificiellement par les objets
qu'elle se représente dans la composition. Ainsi
l'enthousiasme des artistes n'est qu'un sentiment
vif (iroduit par une idée vive dont l'arlisle se
frappe lui-même.
Il esl aussi un enthousiasme doux qu'on éprouve
quand on travaille sur des sujels gracieui, déli-
260
ENT
cats, el qui produiseiil des sentiments forts, nwis
paisibles.
Sans enthousiasme, point de crcatiun, el sans
création, les artistes et les arts rampent dans la
foule des choses communes. Ce ne sont plus que
de froides copies reiournécs de mille peiilcs fa-
çons différentes : les hommes disparaissent ; on ne
trouve plus à leur place que des singes et des per-
roquets.
11 y a deux sortes à'enthnvsiusme; l'un qui
produit, l'autre qui admire. Celui-ci est toujours
la suite et le salaire du premier, et la preuve cer-
taine (lu'il a été un enllioiisiasmc véritable.
l.'eiithousasme est admis dans tous les genres
de poésie o;*. il entre du sentiment; quelquefois
même il se fait place justpie dans l'égloçue. Le
style des é|)itres, des satires, léprouve renllioii-
siasmc : aussi n'en Irouve-t-on i)as dans les ou-
vrages de Boilcau. Nos odes, dit-on, sont de véri-
tables chants d'enthousiasme; mais conune elles
ne se chantent point parmi nous, elles sont sou-
vent moins des odes que des stances ornées de
réflexions ingénieuses. Ce qui est toujours fort à
craindre dans l'enthousiasme, c'est de se livrer à
l'ampoulé, au gigantesque, au galimatias.
E^iTicHEK. A', a. de la 1" conj. L'Académie dit
au figuré, être eniiché (Tune opinion, entiche
d'hérésie. \ oltaire a dit entiché d'un péché :
C'était là, dit-il, le péché
Dont il fut le plus entiché.
[Épttre XIX, 45.)
M^is surtout que je suis fâché
De lé voir toujours entiche
De l'énorme el cruel péché
Que l'on nomme la tolérance !
{Épitre LXXIV, 23.)
Entieh, E.NTiÈr.E. Adj. On dil^'ai en vous vne
entière confiance, el j'ai en vous une confiance
entière. 11 me semble que la première i)hrase
marque particulièrement que la conliance est fon-
dée sur l'amitié, sur l'attachement, sur la probité
de la personne a qui l'on i)arle; et que la seconde
a plus de rapport aux lalcnls, aux lumières, à
l'habileléck celte personne. C'est un ami de vingt
'v^s qui m'a toujours prouvé de l'allachement; je
I confie un dépôt, j'«îw«e ciuière confiance en
^i. C'est un médecin dont l'habileté est connue,
qui a fait des cures admirables; j'ai en lui une
conliance entière.
E.miLremest. Adv. Use met ou après le verbe,
ou entre l'auxiliaire et le participe : Il est ruiné
entièrement, il est entièrement ruiné.
Entonner. Y. a. de lai" conj. L'Académie ne
le dit des instruments à vent, ni au i)roi)re ni au
figuré. Delille l'a dit au figuré de la trompette
[Enéid., I, 6; :
Déioruais tntonnant la trompette éclatante.
* ENTORTiLLâCE. Subst. ui. Cc mot , que l'on
ne trouve pas dans les dictionnaires, est cepen-
dant employé quelquefois pour signifier la qualité
d'un discours où l'on entremêle à dessein plu-
sieurs idées sous des rapports équivoques ou dif-
ficiles à saisir, afin de n'être pas com|)ris. Mira-
beau a dit : Je rentre dans la lice, armé de mes
teuls principes et delà fer m été de mu conscience,
et je prie tous ceux' de me.i adversaires qui ne
m'entendront pas de m'arrèter, afin r/veje m'ex-
prime plu* clairement ; car je suis décidé à dé~
EM
Jouer tous les reproches tant répétés d'évasùm,
de subtilité, c/'entorlillagc.
Lntocr. Subst. m. Voltaire a dit au figuré:
Allons, je »eui savoir
Tous les entoura de ce procédé noir.
iVoLT., Enf. prod., acl. V, se. III, î.)
Entourage. Subst. m. Depuis quelque temps
on a employé ce mol au figuré, pour signifier les
personnes qui accompagnent, qui entourent un
homme en place dans les cérémonies et dans les
circonstances d'apparat. L'n ambassadeur dit à
ceux qui lui demandent de l'accompagner, qui
sollicitent celte faveur : Cela ne se peut, j'ai
composé mon entourage. Nos gén<Taux ont
aussi leur entourage. (Mercier.) — L'Académie
l'admet en remarquant qu'il est familier.
Enth'acte. Sut)Sl. m. La Grammaire des
Grammaires veut qu'on écrive au singulier un
entr'acies. 11 faut convenir qu'il serait plus ré-
gulier d'écrire ainsi, puiscju'il s'agil d'un espace,
(l'un intervalle [)U.cé entre deux actes; mais l'A-
cadémie a si bien établi l'usage abusif d'écrire
entr'acte au singulier, qu'il serait inutile de s'y
opposer.
Entr-villes. Subsl. f. pluriel. On mouille les
l. L'Académie dit qu'il se |U'end figurcmenl pour
tendre affection: Entrailles paternelles. Cette
femme a des entrailles de mère pour cet enfant.
Les poêles l'emploient souvcnl eu ce sens :
Et vous qui leur devez des entraillei de père.
(Rac, Àth., act. II, se. y, 117.)
Mes entraillei pour loi se troublent par avance.
(Rac, Phéd., act. IV, se. 111,6.)
Tu vois du moins en moi des entraîne* de mère.
(Volt., Sémir., act. Y, se. i,48.)
E^■TRAÎNA^T, Ente.aÎna>te. Adj. verbal tire du
V. entraîner. Il ne s'emploie qu'au figuré : Une
éloquence entraînante, u?i charme entraînant. Il
suit toujours son subst.
Entrainement. Subst. m. Féraud condamne ce
mot. L'Académie l'a recueilli. 11 était connu du
temps de Louis XIV, cl on le traite de néolo-
gisme depuis qu'il a coiiuncncé de s'accréditer. Il
signifie le charme secret, l'illusion qui nous en-
traîne comme malgré nous. On dit l'entraînement
des passions, l'entraînement de V iinaginutvnt,
Vcntraînement du style. L'Académie donne pour
exemple, cette tragédie a produit le plus grand
effet, et l'entraînement a été général. Madame
de Staël aimait a employer celte expression.
Entraîner. Y. a. de la i.'" conj. Boileau a dit
entraîné du démon de la poésie. Féraud observe
avec raison que ce régime est reçu en vers , mais
qu'en prose il faut dire entraîné par. On dit
aussi être entraîné dans et être entraîné vers :
Un roi par Ie3 méchants dan» le crime entraîné.
(Volt., i/.nr. , 111,30.)
De soins tumultueux un prince environné
Vert de nouveaux objets est sans cesse entraîné.
(Rac, EUh., act. III, se. m, 15. j
Entrant, Entrante. Adj. verbal tiré du v.
entrer. L'Académie le dit dans le sens d'insinuant,
d'engageant, el ajoute qu'il esl peu usité. Il ne
l'est point du tout. L'exi'mi)lc qu'elle en donne
n'est pas supportable : Un homme dont le carac-
tère a je ne sais quoi d'entrant.
ENT
Entre. Propofilion. Ve miict s'élide dans les
verbes rcciimiques, s'cnlr'acculer : s'entr'accoyji-
pagner ; s'enli-'accuser ; s'c/iir'excuser ; s'en-
tr*cvvrir.
Plusieurs ïrammniricns ('iTivenl sans clision,
entre elle, entre eux, entre autres; d'autres
mettent l'élision et écrivent entr'elle, enti^evx,
entr'autres. Je pense qu'il vaut mieux ranger
ces mots dans la règle générale, et écrire entre
eux, entre elles, entre autres. — En d835 ,
TAcadémie écrit toujours entre eux, entre
autres.
Féraud remarque (\\\'entre eux, entre elles,
se mettent toujours après le vcrhc auquel ils se
rapportent, soit dans les temps simples, soit dans
les temps composés : Ils résolurent entre eux,
elles ont résclu entre elles ; et non pas entre eux
ils résolurent, elles ont entre elles résolu.
Entre-côte. Subst. m. La Grammaire des
Grammaires veut qu'on écrive entre-côtes, parce
que c'est un morceau de bœuf coupé entre deux
côtes. L'observation est juste; mais l'Académie
a si bien établi l'usage d'écrire entre-côte, qu'il
serait inutile de s'y opposer.
Entregent. Subst. m. L'Académie le définit,
manière adroite de se conduire dans le monde.
— Je doute que ce soit là la véritable sigiiilicn-
tion de ce mot. Il me semble que l'entregent est
proprement une certaine disposition d'esprit et
de caractère (jui fait (jue l'on se mêle aisément
entre les gens, que l'on s'insinue aisément parmi
eux, (jue l'on n'est pas repoussé de leur fami-
liarité, de leur société. Le passage suivant de
J.-J. Rousseau confirme celle définition : Ayant
vécu dans deux des plus brillantes maisons de
Paris, je 7i'arais pas laissé, malgré mon peu
«fenlrcffent, d'y faire quelques connaissances.
[Covfess., liv. VIII, t. XI, p. 98.)
Entremettre (s'). V. pronom, et irrég. de la
4* conj. Il se conjugue cumme mettre.
Entreprenant, Entreprenante. Adj. verbal tiré
du v. entreprendre. On iieiit(iuclquefois le mettre
avant son sutist. : Cet entreprenant jeune
hcmme. Maison ne dirait pas cet entreprenatit
fwmme. Jeune Jiomme a plus d'analogie avec le
sens de cet adjectif. "N'oyez Adjectif,
Entreprendre V. a. et irrég. de la 4" conj.
n se conjugue comm^prcndre. Voyez ce mot.
Corneille a dit dans Héraclius (act. IV,
se. iT 122) :
Et lorsque contre nous il m'a fait entreprendre,
La nature en secret aurait su m'en dafendre.
Le verbe entreprendre, dit "\ollaire, est actif et
veut ici absolument un régime. On ne dit iwinl
entreprendre pour conspirer. C'est parler très-
bien (jne de divc je sais méditer, entreprendre
et agir, parce qu'alors entreprendre, méditer,
ont un sens indéfini. Il en est de même de plu-
sieurs verbes actifs, qu'on laisse alors sans régi-
me. Il avait une tète capable d'imaginer, un
ENT
261
parce que ce défini contre vous fait attendre la
chose qu'on imagine, qu'on e.xécu te et qu'on en-
treprend, [lîeniarques sur Corneille.)
Entreprise. Subst. f. Féraud remarque avec
raison que ce mol, dans sa signification naturelle,
porte à l'esprit ([uclciue chose d'imi)oitant qui
demande des talents et des soins, et que tout des-
sein, tout projet, n'est pas une entreprise. D'a-
près cela, il trouve ce mot déplacé dans ce iers
de Racine {Bérénice, act. I,sc. m, 73) :
Rien ne peut-il, seigneur, changer Toire rntrepriie?
parce que celle entreprise n'était (]ue le dessein
dequiuer Home, iioui- n'être pas témoin du ma-
riage de Bérénice avec Titus.
Entrer. V. a. de la l^conj. Féraud dit que
ce verbe se conjugue avec le verbe auxiliaire <</rc,
en convenant cependant que quelques auteurs
lui ont donné le verbe aroir. Quant à l'Acadé-
mie, elle a plulôl éludé la question qu'elle ne l'a
décidée ; car dans son long article sur le verbe en-
trer, elle n'a pas donné dans le sens jirojjre un
seuLcxempled'un temps composé; et ceux qu'elle
donne dans le sens ligure sont si adroitement
j choisis, (pie le verbe entrer n'y peut recevoir que
! l'auxiliaire èti-e, qu'elle lui donne en effet.
Or, parmi les auteurs (]ui, selon Féraud, ont
employé ce verbe avec l'auxiliaire avair, on
trouve trois académiciens célèbres qui sont au
rang des l'ciivains les ])lus distingués du siècle
de Louis XIV, Bossuei, Pclisson et La Bruyère.
Voici les exemples qu'on en a extraits : Luther
eût entré hii-même dans ce sentiment s'il reûl
pu. (Bossuet.) Il semble que Cicéron ait entré
dans les . sentiments de ce philosophe. (La Bruyère.)
Les prédicateurs ont entré en société avec les
auteurs et les poètes... {Idem.) J'ai entré en ce
lieu. (Pélisson.)
En voilà assez, je pense, pour montrer que, du
temps de ces écrivains, l'usage admettait l'au.xi-
liaire avoir avec ce verbe.
Mais cet usage n'a pas dû être aboli ; car il est
fondé en raison, et réclamé par les besoins du
langage. Le verbe entrer peut être applique à
deux cas. Ou l'on veut signifier ipie la personne
dont il est question a faif l'action de passer du
dehors en dedans, et pour exprimer celle action
on doit dire il a entré ; ou l'on veut exprimer
l'état de celte même personne après qu'elle a fait
l'action d'entrer; et pour mai(pjer cet état, on
dilil est entré. Personne ne niera qu'il n'y ait
une 'liffi'rence réelle cuire celle action et <et
élat, et que par conséquent on n'ait besoin d'ex-
I)ressions différentes pour les indiquer. Or, si
vous sui)priinez l'auxiliaire avoir, vous n'aurez
plus aucun moyen pour exprimer l'action, ou
bien vous emploierez une expression équivoque
qui pourra s'ajjpliquer également et à l'action et à
l'étal, et qui par consé(pient sera fautive. 11 en
est, à cet égard, du verbe entrercomuic du verbe
sortir. Sortir c'est passer du dedans au dehors,
et entrer c'est passer du dehors au dedans.
On ditï7 est sorti, pour exprimer qu'il n'est pas
rentré ; cl il a sorti ce matin, pour manpier qu'il
est de retour. Pourquoi, dans un cas si ana-
logue, ne dirait-on [las aussi, il est entré, pour
dire (ju'il n'est i)as ressorti ; et il a entré ce 7natin
dansnia chambre, pour indiciucr qu'il en est sorti?
* Entre-raboter (s). V. pronom. Expression
de circonstance. M. de Mautausier était fort ri-
goureux sur les mœurs. Le premier dauphin,
dans son bas âge, était opiniâtre et fier. On disait :
comment s'acc'ordera-t-d avec son auguste élève?
Laissez-les faire, dit madame de Sablé, ils
s'entrc-raboleront l'un l'autre et se poliront.
C'est une de ces expressions qui font bien dans
certaines circonstances, mais (pi 'on trouve ra-
rement occasion de placer, et qui, par consé-
quent, n'entrent j>as proprement dans la langue
commune.
262
ENV
Entre-sol. Subst. m. La pluralité ne peut
tomber ni suv cnire, qui est une préposition, ni
sur sol, dont ici la signilicalion est toujours sin-
gulière, mais sur appartements, qui est sous-
entendu. Des entresol sont dcr apparlcinenls
qui sont entre le premier ctaço oi \o. sol ou la
terre. Il faut donc écrire au pluriel des entresol
sans s. A'oyez Composé.
FxTREVcûr,. V. a. et irrég. de la S"" conj. Il se
conjugue comme voir. A'oyez ce mol.
Fîctr'odvrir. V. a. et ïrrég. de la 2" conj. Il
se conjugue comme ouvrir. Voyez Irréf/ulicr.
Emmkration. Subst. f. En termes de rhétori-
que et do poésie, on entend par ce mot une figure
qui rasseml)le dans un langage harmonieux les
traits les plus frappants d'un objet qu'on veut
dépeindre , alin de persuader , d'émouvoir et
d'cnlraiiicr l'esprit sans lui laisser le temps de se
reionnaîtro. En voici un exemple tiré de la tra-
gédie d'.'lthalie (acl. III, sc. vi, 40) :
Jéhu, qu'avait choisi sa sagesse profonde,
/^Au, 5iir qui je toIs que voire espoir se fonde,
D'nn oubli trop ingrat a paye ses bienfaits.
Jéhu laisse d'-Achab l'alTreuse fille en paix,
Suit du roi d'Israël Its profanes exemples,
Du vil dieu de l'Egypte a conservé les temples.
Jéhu, sur les hauts lieux osant enfin offrir
Un téméraire encens que Dieu ne peut souffrir.
N'a pour servir sa cause et venger ses injures,
Ni le cœur assez droit, ni tes mains assez pures.
*Enveloppant, Enveloppante Adj. verbal lire
du V. envelopper. Cet adj., qui a été employé par
J.-J. Rousseau, peut être utile : La partie eiive-
loppuîite. (I" lettre sur la Botanique, t. XVII,
p. 231.)
Envers. Préposition. Bien des auteurs ont
employé vis-à-vis au lieu à'envers, et ont dit it,s
sont inr/ruts vis-à-vis de moi, au lieu de dire
envers moi. Voltaire a relevé cette faute. Voyez
f^is-à-vis.
Envieillir. V. a. de la 2" conj. On mouille
les;.
Envieux, Enviecse. Adj. En prose, il se met or-
dinairement après son subst.; en poésie, il peut
le précéder.
Oueliiuefois il régit la préposition de, comme
dans il est envieux de la fortune de son frère,
il est envieux de la réputation d'autrui.
J'ai rendu mille amants envieux de mon sort.
(BoiL., Énigme.)
Environ. Adv. Il se met ordinairement après le
verbe . Il y a environ trois cents francs dans ce
sac. On (lit aussi i}-ois cents francs ou environ.
Il ne faut pas dire la perte a élé d'environ cinq
ou six cents hommes, ce serait diie deux fois la
même chose. Cinq ou six cents hommes font un
nombre incertain qui ne souffre pas qu'on y ajoute
environ, qui manpie également un nombre in-
certain, l'our s'exprimer, coricctemcnt, il faut
dire la perte a été de cinq ou six cents hommes,
sans ajouter environ ; ou bien, la perle a été d'en-
viron sLv cents hommes ; ou encore d'environ
cinq cà six cents hommes, et non pas cinq ou six
cents hommes. ^ oyez A.
"Environnant, Environnante. Adj. verbal tiré
du V. environner. L'Académie ne le met point.
Les lieux environnants, le terrain environnant.
Environner. V. a. de la 1'" conj. Racine a dit
l^lphigénie, act. IV, SC.lv, 22) :
Pcul-otre assci d'honneurs environnaient ma vie.
ÉPA
I Peut-être pourrait-on critiquer dans Delille, e/,.
vironné de pleurs {Énéid., II, 872) :
Vainement de nos pleurs, il est environna;
Yainement mon épouse, et mon fils et moi-mtme.
Le conjurons pour lui, pour ses enfants qu'il aime,
De ne pis achever de déchirer nos cœurs.
Mais cette expression, qui ne serait pas suppor-
table si elle était isolée, est sauvée par les vers
qui suivent, où l'on \o\K(\\i' environné de pleurs
est pris pour environné de personnes qui pleu-
rent.
Envisager. \. a. delà l"conj. Ce verbe ne s
gnifie pas toujours au propre, rcirarderau visage,
comme le dit l'Académie. Voltaire a dit dans la
Henriadc (II, 331) :
Et je n'ouvris les yeux que pour envisager
Les miens que sur le marbre on venait d'égnrger.
Certainement, envisager ne veut pas dire ici re-
garder au visage. II en est de même dans ce vers
de Delillc [Enéide, VI, 7o3) :
L'œil n'ose envi$ager ces antres écuinjjpls.
Envoler (s'). V. pronom, de lai" conj. C'est
proprement quitter un lion en prenant son vol.
En marque le rapport au lieu que l'oiseau quitte.
voler de. Il ne faut donc pas répéter ce mot, et
dire comme l'Académie, les oiseaux s'en sont en-
volés; mais les oiseav.v se sont envolés. Madame
de Sévigné dit s'en étaient envolés ; mais il y
a plusieurs négligences que l'on pardonnait de
son temps, et qu'on ne pardonnerait pas aujour-
d'hui.
Envoyer. V. a. et irrég. de la 1" conj. Il se
conjugue, comme ey/fT^Zoycr, si ce n'est qu'il fait
j'enverrai i\u futur de l'indicatif, e\ J'enverrais
au présent du conditioiuiel. A'oyez Employer.
Ce verbe régit l'inlinilif sans préposition, ou
avec la préposilioii/ioï/r. On met pour lorsque en-
voyer est séparé de l'inllnitif nui le suit : lia en-
voyé annoncer son arrivée ; il a envoyé deux pos-
iillojis pour annoncer son arrivée.
ÉPAIS, Epaisse. Adj. Ce inot est beaucoup
mieux expliqué dans VEncyclifédie que dans le
Dictionnaire de l'Académie. Epair^ sc prend ou
relativement à la dimension, ou relativement au
nombre, ou relativeuienl a la consistance. Dans
le premier cas, on dit un livre épais, un bloc
épais ; dans le secoufi, on dit des bataillons épais;
dans le troisième, on ail utie encre épaisse, du
vin épais, etc. Il se jircnd aussi au figuré, el l'on
dil homme épais, iniclUgence épaisse. — Un
livre épais est celui ([ui tient un trop grand nom-
bre de feuillets, eu égard à son format; car un
in-fulio pourrait être trop mince avec le même
nombre de feuillets qu'un in-12 trop épais, iVoi
l'on voit que le mot épais c^v un terme relatiL 1
se met avant ou après son subst. : Un vunr;»
épais, un épais nuage ; des ténèbres épaissc.\
d'épaisses ténèbres.
Dans d'épaisses forêts de lances hérissées
(Volt., Hcnr. VIII, 177.)
Cependant on ne dirait pas un épais air, une
épaisse nuit. Il faut consulter l'oreille el l'analo-
gie. Voyez Adjectif.
Epancher. V. a. de la 1"= conj. C'est faire cou-
ler doucement une partie de la liqueur contenu
ÉPA
dans un vase, en penchant, ce vase, en rinclinant
On écrivait autrefois pancher pour pencher.
Ma main de cette cotipo épanche les prémices,
Dit-il; dieui que j'appelle à cette etTusion
(RiC, Britan., acl. V, se. V, 9.)
Féraud reproche trop de liardiesse à ces vprs
de Racine :
Moa cœur pour s'épaneher n'a que tous et les dieux.
(Phéd., act. V, se. I, 16.)
EPI
265
II s'épanchait en fils qui vient en liberté
Diuis le <eio de sa mère oublier sa fierté.
(Britan., act. V, se. iii, 21.)
Voltaire cl Delillc ont imité cette hardiesse :
Mais mon cœur dans le lien se plail & s'épancher.
(Zaïre, acl. I, se. I, 52.)
Ils répandent les flots bouillonnants dans l'airain,
Et de riches parfums s'épanchent de leur main.
[Énéid., VI, 281.)
Féraiid prétend que cela n'est bon que d;ins la
haute poésie. iSous croyons cependant (ju'on dit
bien en prose, mon cœur s'épanche dans le vôtre.
— Dans sa dernière édition, l'Académie donne
pour exemple, mon cœur a besoin de s\'pancher.
— Féraud trouve fort bon l'emploi du mot ('pa7i-
cfcej- dans la phrase suivante de Fénelon -Des
iabnurcursaccahlés sous le poids des fruits que la
terre é|)anchait de son sein. {Ttléiu., iiv. Il, 1. 1,
p. yi.) 11 nous semble que c'est ici qii'il y a de
la hardiesse, cl que le verbe (pancher est trop
éloiçné de sa signilicaliou primitive.
Ép.*NDnE. V. a. delà 4" conj. :
Elle a soif de mon sang, oUea touIu Vépandre.
(ConK., Rodog., act. V, se. iv, 110.)
A''ollaire a dit au sujet de ce vers : Épandre
était un terme heureux qu'on employait au besoin
au lieu de ripundre. Ce mol a vieilli. {Remarques
sur Corneille.)
Êi'AnG>ANT, ÉPAncNAHTE. Adj. Verbal tiré du
v. épargner. Il ne se met qu'après son subst. :
Un homme épargnant, une humeur épargnante.
11 est peu usité.
Éi'A'.GNEP.. y. a. de la 1" conj. Selon l'Acadé-
mie, il se dit dans les choses morales, et elle en
donne pour exemple : Épargnez-moi ce chagrin,
cette douleur, cette confusion, celte honte. On
dit eu prt.se e_t en vers, épargner quelque chose à
quelqu'un. Epargnez-moi ces reproches, épar-
gnez-moi ces détails.
D'une mère en fnrcnre'pargitfHnoi les cris.
(lUc, Iphig., acU I, se. I, 145.)
Vous me iîonne2 des noms qui doivent me surprendre,
madame; on ne m'a point instruite à les entendre ;
Et les dieux, contre moi dés longtemps irrités,
A mon oreille cncor les avaient épargnés.
(lUc, Iphig., act. II, se. T, 47.)
Je dois TOUS épargner des récits superflus....
(Volt., Henr., lU, 135.)
Cest à toi d'e'parjner la mort à mon amant.
Un crime à mon époux, et des larmes au monde.
(Volt., Âlz., acl. IV, se. iv, 6.)
VoUaire dit au sujet d'un vers où Corneille a em-
ployé ce mol : On dit bien je vous épargnerai
des soujnrs, mais on ne i)eut pas dire j'épargne
des soupirs, comme on dit j'épargne de l'argent.
{Remarques sur Rodogune , act. I, se. ii, 19.)
Voj'Cz Eviter.
Eparpillement, Eparpiller. Dans ces deux
mots on mouille les l.
ÉPARS, ÉPARSi:. Adj. L'Académie définit c-
mol, réjiandu çà et là, en divers endroits. Cette
déliiùtion n'est pas cxacle. 11 se dit en général
d'un grand nomiire d'objets de la même espèce,
distrilniés sur un esjjacc beaucoui» jjIus grand que
celui (]u'ils devraient naturellement occuper.
C'est un terme relalil', et les deux tei'ines de la
comparaison sont le nombre et le lieu, ou les di-
stances des objets les uns à l'égard des autres. Il
ne se met qu'après son subst. : Des livres épar.'!,
des bataiflnns épars.
ÉPÉE. Subst. f. Voltaire a dil dans la Mort de
César (acl. I, se. m, CS):
Vous qui m'appartenez par le droit de Vépée.
Il y a delà différence entre mettre Vépée à la
main, Gl mettre la main « Vépée. La première cx-
j)rcssion marcpie (pi'on tire l'épée tout à fait hors
du fourreau ; el la seconde signilie seulement
qu'on se met en devoir de tirer l'épée, ou qu'on
ne la lire qu'à demi.
Eperdu, Éperdue. Il ne se met qu'a]uès son
subst., et prend quelquefois un régime : Il accou-
rut tout éperdu. Éperdu d'amour.
G ciel, je demeure éperdue.
(Iphig., acl. V, se. .VI, 10.)
Uu trouble s'éleva dans mon ûme éperdue,
(Rac, Phcd., act. I, se. m, 122.)
ÉPERDUMENT. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a aimé éperdmnent
cette jeune personne. Il l'a éperduiiicnt aimée.
Ephémère. A<lj. des deux genres. 11 ne se met
(pi'après son subst. : Fièvre éphémère, animaux
éphémères, succès éphémère.
ÉpicÈsE. Adj. m. Terme l'e grammaire. Ce
mot, dérivé du grec, signilie i\\n esl en commun,
qui est en commun avec un autre. On appelle
noms épicènes ûcs noms d'espèce qui, sous un
même genre, se disent également du mâle el de la
femelle. C'est ainsi que nous disons u/i rat, une
linotte, xrn corbeau, une corneille, une sou-
ris, etc., soil que nous parlions du màlc ou de la
femelle. Nous disons un coq, une poule, parce
que la conformation extérieure de ces animaux
nous fait connaître aiséinenl celui qui est le mâle
et celui qui esl la femelle; ainsi nous donnons un
nom particulier à l'un, et un nom différent à l'au-
tre. Mais, à l'égard des animaux qui ne nous sont
pas assez familiers, ou d(jnl la conformation ne
nous indique pas plus le mâle cpie la femelle,
nous leur donnons un nom que nous faisons arbi-
trairement ou masculin ou féminin; et (juand ce
nom a une fois l'un ou l'autre de ces deux genres,
ce nom, s'il esl masculin, se dit égaiemeiû de la
femelle; el s'il est féminin, il ne se dil i)as moins
du mâle; ainsi le nom épicène masculin garde
toujours l'arlicle masculin, et le nom épicène fé-
minin garde l'article féminin, même quand on
parle du mâle.
Épicurien, subst. m. Épichrienne, subst. f. 11
se prend adjectivement. Comme adj., on le met
toujours après son subst. : Système épicurien,
morale épicurienne.
ÉPiDÉMiQUE. Adj. des deux genres. 11 se met
ordinairement après son subst. : Mal épidémi-
que, maladie épidémique. On pourrai l peul-élre
Î64
ÉPI
dire au figure, cl Jans un ras convenable, cet
éfidêinique délire. N'oyrz Adjoctif.
ËPiER. V. a. de la 1" conj. L'Académie n'a
pas dil épier un secret, épier le secret de quel-
qu'un :
Ministre dangereux,
Tu Tenais épier le secret de mes (eux.
(Volt., Brut., act. II, se. m, 3.)
ÊPiGRAMMATiQUE. Adj. dcs dcux gcnrcs. Il ne se
met (]u'aprèsson sulisl. ; Trait épigrammatique.
Style épigrammatique.
ÉPiGRAMME. Subst. f. Petit poëme ou pièce de
vers courte qui n'a (|u'un objet, et qui finit par
quelque pensée vive, ingénieuse et saillante. Bui-
leau ia;t connaître dans les deux vers suivants la
Mature de l'épigramme moderne [Art poét., II,
403) :
L'épigramme, plus libre en son tour plus borné,
N'est souvent qu'un bou mot de deux rimes orné.
Comme l'épigramme ne roule que sur une pen-
sée, il serait ridicule d'y raultii)licr les vers; elle
doit avoir une sorte d unité comme le drame,
c'est-à-dire ne tendre qu'a une pensée principale ;
de même que le drame ne doit embrasser (}u'une
action. Néanmoins, elle a nécessairement deux
parties : l'une, qui est l'exposition du sujet, de
la chose qui a produit ou occasionné la pensée;
et l'autre, qui est la pensée même, ou ce qu'on
appelle le bon mot. L'exposition doit être sinjplc,
aisée, claire, libre par elle-même, et par la ma-
nière dont elle est tournée.
Sans parler de la malignité et de l'obscénité,
que la raison seule réprouve, les défauts qu'on
doit éviter dans l'épigramme sont la fausseté des
pensées, les équivociues tirées de trop loin, les
hyperboles, les pensées basses et triviales. [Ency-
clopédie)
ÉPiGHAPHE. Sabst. f. Mot, sentence, soit en
prose, soit en vers, tiré ordinairement de quelque
écrivain connu, et que les auteurs mettent au
frontispice de leurs ouvrages, pour en annoncer
le but.
La première règle à suivre dans le choix des
épigraphes, c'est qu'elles soient modestes.
ÊPiLEPTiQUE. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Symptôme épilcptique,
convulsions épUeptiques.
ÉpiLOGCE. Subst. m. C'est, dans l'art oratoire,
la conclusion ou dernière partie d'un discours
ou d'un traité, laquelle contient ordinairement la
récapitulation des princi[)aux points exposés dans
le corps du discoursou de l'ouvrage.
Épinkux, Ëpinel'se. Adj. Il se'met ordinaire-
ment après son subst. : Arbre épineux, arbris-
seau épineux. Nous pensons (juc, dans un cas
convenable, on pourrait dircce//e épineuse ques-
tion, cette épineuse affaire. A'oyez Adjectif.
Mais on ne dirait pas un épineux homme, un épi-
neux esprit.
Épique. Adj. des deux genres, qui se met
toujours après son subst. 11 signifie qui a rap-
port à l'i-iii/pce. On appelle piëme épique un
poëme oit l'on célèbre ([ueiques actions signa-
lées d'un héros. On dit aussi /joè'/e épique, vers
épiques, etc.
Êpiscopal, Épiscopai.e. Adj. En prose, il ne se
met (ju'après son subst. : Dignité épiscopalc. Il
fait episcopaux au pluriel masculin : Ornements
é.piscdpuux.
Episode. Subst. m. Il .se prend pour un inci-
dent, une histoire ou une action détachée qu'un
porte ou un historien insère dans son ouvrage
et lie à son action piincipale jiour y jeter une plus
grande diversité d'événements, iiuoiqucà la ri-
gueur on appelle épisodes tous les incidents par-
ticuliers dont est composée une action ou une
narration.
Les épisodes ne sont point des actions, mais
des parties d'ime action. Ils ne sont point ajou-
tés à l'action et à la matière du i)Ocnio, mais sont
eux-mêmes cette action et celle malièic, comme
les membres sont la matière du corps. Ils ne doi-
vent point être tirés d'ailleurs, mais du fond
même du sujet.
EpisoDigLE. Adj. des deux genres, qui se met
toujours ajjrès son subst. : Action épisodique,
personnof/e épisodique.
ÊPisTOLAiRE. Adj. des deux genres. Il se met
toujours après son subst. : Style épistolaire,
genre épistolaire.
Le style épistolaire change de ton selon les su-
jets. Il est simple, familier, et quelquefois badin,
quand il ne traite que des sujets ordinaires; grave
et sérieux quand il s agit d'affaires im|)ortantes;
affectueux ou énergique (juand on veut peindre
le sentiment. Voyez i'/yie.
Ëpitaphe. Subst. f. Le genre de ce mot a beau-
coup varié. Autrefois on le faisait des deux çcn
res, mais plus souvent féminin (pie masculin. Ri-
chelet le disait masculin et féminin , mais plus
souvent masculin. Aujourd'hui on ne le fait plus
que féminin. — InscripTu^n gravée ou supposée
devoir l'être sur un tombeau, à la mémoire d'une
personne défunte. L'épitaphe est communément
un trait de louange ou de morale, ou de l'une et
de l'autre. Il y a aussi des épilaplies épigramma-
tiques, donl les unes sont naïves et i)laisantes, les
autres inordanies et cruelles; les dernières sont
méprisables.
Êpithalame. Subst. m. Poëme à l'occasion d'un
mariage; chant de noces pour féliciter des époux.
Il n'y a point de règles parliculièrcs pour le genre,
pour le nombre ni pour la disposition des vers
propres à cet ouvrage; mais comme le sujet, en
lout genre de poésie, est ce iju'il y a de princi-
pal, il semble que le pocledoit chercher une fic-
tion qui soit tout ensemble juste, ingénieuse, pro-
pre et convenable aux personnes (pii en seront
l'objet ; et c'est en choisissant les circonstances
particulières, qui ne sont jamais absolument les
mémos, que l'épithalamecst suscei)tible de toutes
sortes de diversités.
L'épiihalame étant par lui-même destiné à ex-
primer la joie, à en faire éclater les transports, on
sent qu'il ne doit employer que des images ricm-
tcs, et ne iieindre que des objets agréables. Ce
poëme a deux |)arlics ijui sont bien marquées, cl
qui paraissent csscnlicUes à tout épithalamc:
l'une qui coin|)rcnd les louanges des nouveaux
é|)Oux, l'autre qui renferme des vœux pour leur
prospérité. Ce genre de poëme est abandonné au-
jourd'hui; et si quelques poêles s'y exercent qnel-
(]uefois, le bruit de leurs ouvrages ne va guère
au delà des cérémonies pour lesquelles ils ont tra-
vaillé.
ÉPiTui:TE. Subst. f. Autrefois on faisait ce mot
masculin. Ménage croyait (]u'on pouvait le faire
iiuliffciemnient masculin ou féminin. Aujourd'hui
on ne le fait plus (|ue féminin. On appelle ainsi un
adjectif (i;:i sert à ajouter de la force, de l'CûCrgie,
ÉPI
de la grâce, etc., ;i l'idée du substantif auquel il !
est appliqué. L'cmi»loi des épiihèlcs est une chose
qui demande iieaucoup d'intelligence et de dis-
cernenicnl, et il est difficile à l'oraleur ou au
poëte d'éviter à cet égard l'excès ou le défaut.
L'usage des épilhéles doit être restreint aux
seuls cas où l'idée principale ne suffit pas pour
donner à la pensée une beauté sensible, une éner-
gie réelle. Les épitliètes pittoresques prises des
choses sensibles sont indispensables lorsque l'ora-
teur ou le poëte veut peindre à l'aide du discours.
Elles servent ou à exprimer diverses petites cir-
conslauces (jui font partie du tableau, ou à épar-
gner des descripiions prolixes «pii leiidraicnt le
discours languissant. S'agit-ii.non de jieindre, mais
de donner a une pensée un tour plus fwt, i)lus
nouveau, plus naïf; c'est à l'aide des épitliètes
qu'on y parviendra plus aisément. Enfin, si l'on
se propose de toucher le cœur, quel que soit le
genre de la passion, rien de plus efficace que les
épiihétes bien choisies pour exciter le sentiment.
Mais autant les épithètes peuvent dans ces cir-
constances donner de l'énergie au discours, au-
tant elles sont insipides partout ailleurs. Rien
n'est plus désagréable qu'un style rempli d'épi-
thétes faibles, vagues ou oiseuses.
Il y a des hommes si illustres que leur nom
seul vaut le plus bel éloge. Il y a de même des
idées qui par elles-mêmes sont si grandes, si par-
faitement énergiques, que tout ce qu'on y ajou-
terait par forme d'épiihélc pour les rendre plus
sensibles, ne pourrait (pie les affaiblir. Quand Cé-
sar, au moment qu'on le poignarde, s'écrie : Et
toi aussi, Brutusl quelle épitbèle jointe à ce nom
aurait pu ajouter a l'énergie de celle exclama-
tion? Dans tous les cas de cette nature, toute épi-
thote est déplacée.
ÉpiiRE.Subst. f. Terme de littérature. Ce terme
n'est presque plus en usage que pour les lettres
écrites en vers, ot pour les dédicaces des livres.
Quand on parle des lettres écrites par des au-
teurs modernes ou dans des langues vivantes, et
surtout en prose, on ne se sert point du mot épî-
ire. Ainsi l'on dit les Lettres de madame de Sévi-
gné, et non pas les Epîtres de madame de Sévi-
gné.
Au contraire, on se sert du mol épUrecn par-
lant des anciens ou. dans une langue ancienne.
Ainsi l'on dit les Epîtres de Cicéron, de Sénè-
gue, etc. Il est pourtant vrai que les modernes se
sont servis du terme de lettres en parlant de celles
de Cicéron et de Pline.
l.e mot épitre parait encore plus particulière-
ment restreint aux écrits de ce genre, en matière
de religion. Ainsi on dit les Epîtres de saint
Paul, de saint Pierre, de saint Jean, et non les
Lettres de saint Paul, etc.
On attache aujourd'hui à Vépître l'idée de la
rcQcxion et du travail, et on ne lui permet point
les négligences de la lettre. Le style de la lettre
est libre, simple, familier. L'épitrc n'a point de
style déterminé: elle prend le ton de son sujet, et
s'élève ou s'abaisse selon le caractère des per-
sonnes.
Epitrope. Subst. f. Figure de rhétorique, ap-
pelée par les latins ccncessio, par laquelle l'ora-
teur accorde queUiue chose qu'il pourrait nier,
afin que, par cette marque d'impartialité , il
puisse obtenir à son tour qu'on lui accorde ce
qu'il demande.
C'est ainsi que Boileau a dit de Chapelain par
epitrope {Sat. jx, 213j :
ÉPO 265
Qu'on vuite en lui U foi, l'honneur, .1 probité;
Qu'on prise sa candeur et si civilité:
Qu'il soit doux, complaisant, oflicieux, sincère ;
On le Teut, j'y souscris, et suis prêt à me laire.
Mais que pour un modèle on montre ses cents.
Qu'il soit le mieux rente de tous les beaux esprili,
Comme roi des autours qu'on l'élève h l'empire,
Ua bile alors s'échaulTe et je lirAle d'écrire.
ÉnzooTiE. Subst. f. Ti, dans ce mol, con-
serve sa prononciation naturelle.
l'.PLORÉ, Éplorée. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un homme éploré, une femme éplo-
rée.
Les Tieillards iplorcs sont muets de terreur.
(Delil., Énéid., XI, 558.)
Éplticiuge, I'Ipldcuement. Subslanlifs mascu-
lins. Le second se dit dans le langage commun, le
l)remier dans le langage des métiers et manufac-
tures. On dit Vcpluchage des laines, des soies, el
V épluche ment d une salade.
Éponge. Subst. f. Corneille a dit dans Bodo-
gtine (act. II, sc. iii, 73) :
Sur les noires couleurs d'un si triste tableau
Il faut passer l'éponge ou tirer le rideau.
Voltaire a remarqué, au sujet de ce vers, que
passer l'éponge est une expression un peu tri-
viale qui ne peut être employée dans le style
noble. {Remarques sur Corneille.)
Epopée. Subsl. f. L'épopée ou poëme épique
est, dit Voltaire , un récit en vers héroïques.
Que l'action soit simide ou complexe, qu'elle s'a-
chève dans un mois ou dans une année, ou qu'elle
dure plus longtemps; que la scène soit fixée
dans un seul endroit, comme dans ï Iliade ; que
le héros voyage de mers en mers comme dans
V Odyssée; qu'il soit heureux ou infortuné, fi.'-
rieux comme Achille ou pieux comme Éne<s
qu'il y ait un principal |)crsonnaçe ou [ilusieurs;
que l'action se passe sur la terre ou sur la mer;
sur le rivage d'Afriipie comme dans la Louisiane;
dans PAmérique comme dans l'Araucana ; dans le
ciel, dans l'enfer, hors des limites de notre
monde, comme dans le paradis de ^Millon; il
n'importe : le poëme sera toujours un poëme épi-
que, un poëme héroïque.
Parmi les ré;:les du poëme épique, il en est
quebiues-unes tiiie la nature indique, et qui sont
avouées de toutes les nations. Il en est d'autres
qui dépendent des lieux, des temps, des mœurs,
des usages, de la religion, du génie des nations,
et qui varient comme toutes ces choses.
Un poëme épicpie doit partout être fondé sur
le jugement, embelli par l'imagination; ce qui
appartient au bon sens appartient également à
toutes les nations du monde. Toutes vous diront
qu'une action une et simple qui se développe ai-
sément et par degrés, et qui ne coule point une
attention fatigante, leur plaira davantage qu'un
amas confus d'aventures monstrueuses. On sou-
haite généralement que cette unité si sage soit
ornée d'une variété d'épisodes qui soient comme
les membres d'un corps robuste et proportionné.
Plus l'action sera grande, jilus elle plaira à toul
homme dont la faiblesse est d'cire séduit par toul
ce qui est au-dessus de la vie commune. 11 fau-
dra surtout que celte action soit intéressante; car
tous les cœurs veulent élre remués, et un p'>ëme
parfait d'ailleurs, s'il ne touchait point, serait in-
sipide en tout temps et en tout jiays. Elle doit
être entière , parce qu'il n'y a point d'homme qui
266
ÉPU
puisse éire satisfait s'il ne reçoit qu'une partie
du iDiii qu'il s'étnil promis (l'iivôir. Telles sont à
peu i>rès les principales règles (juc la nature dicte
à toutes les nations qui cultivent les lettres; mais
la matliinc du incrvcilleux, l'intervention d'un
pouvoir céleste, la nature des épisodes, tout ce
<|ni dépend de la tyrannie de la coutume et de cet
instinct qu'on nomme i-'oùt , voilà sur (luoi il y a
mille opinions et p')int de régies grériéralcs.
ÉPOLSAiLLES. Subst. f. pluricl. On mouille
les/.
ÉPOUTA^TABtE. Adj. des deux genres. Il se met
souvent avant son subst. : Un spectacle vpovvun-
table, vu < pouvait table spectacle; on ne dit l)as
un êpoiivantahle homme. Il faut consulter l'oreille
et l'analogie. \'oyez Adjectif.
Él>ucvA^TABLEME^T. Adv. Il se met toujours
après le verbe : Il est épnuvantahlcmcnt laid.
ÊPouvA\TAiL. Subst. m. On mouille le i final.
On dit au pluricl des épouvaiitails.
Epouvanter. V. a. de la 1'" coiij. On dit il ne
vi'épovvantera pas par ses menaces; et Voltaire
a dit dans la Henriade (IV, 13) :
le superbe d'Aumale, el Nemours elBrissac.
D'uQ coupable parti défenseurs intrépide?,
Épouvantaient Valois de leurs succès rapides.
On voit par ces deux exemples qu'épouvanter
par se dit des choses qui tendent directement à
causer l'épouvante; et ('pm/vanter de, de celles
qui ne causent l'épouvante qu'indirectement, et
à cause des suites qu'elles peuvent avoir.
Épreuve. Subst. f. L'Académie l'explique par
essai, expérience que l'on fait de quelque chose.
— Les trois mots épreuve, essai, expérience, sont
des termes relatifs à la manière dont nous acqué-
rons la connaissance des objets. Nous nous assu-
rons par Vrpreuve si la chose a la qualité que
nous lui croyons; par V essai, quelles sont ses
qualités; par Y expérience, si elle est. Vous ap-
prendrez i»ar expérience (\\ic\&s hommes ne vjus
manquent jamais dans certaines circonstances. Si
vous faites Vessai d'une recette sur des animaux,
vous pourrez ensuite l'employer plus sûrement
sur l'es pi-ce humaine. Si vous voulez conserver
vos amis, ne les mettez point à des épreuves trop
fortes, [.^expérience est relative à l'existence,
\essai à l'usage, W-preuve aux attributs. On dit
d'un homme qu'il est expérimenté dans un art,
quand il y a longtemps qu'il le pratique; qu'une
arme a été éprouvée, lorsqu'on lui a l'ail subir
certaines charges de poudre prescrites; <]u'on a
essayé un habit, lorsqu'on l'a mis une premièi'e
fois jiour juger s'il fait bien.
Épris, Éprise. Adj. On dit épris iVamoiir,
épris de belle passion; intHS il ne faut pas dire,
comme Racine, épris de courroux :
Tu sais de quel courroux mon cœur alors éprit.
[Androm., act. I, se. 1, SI.)
Voltaire a dit dans sa xxxni« épitre (v. 9) :
Un esprit vrai doit être épris
Pour des vérités éternelles.
ÉPUISER. V. a. de la 1" conj. On dit s'épuiser
de : S071 Étal s'épuise à'homines et d'arçent. (Fé-
nelon , Télémaque) On dit aussi s'épuiser en
soi?is, en services; et s'épuiser à faire quelque
chose.
La Harpe a critiqué justement ce vers <le Vol-
taire {Mér., act. I, se. m, âS) :
ÉQU
Ce sanf s'est e'puiac, versé pour la pairie.
Ces deux participes, l'un près de l'autre, dit-il, ne
font pas un bon effet, et le second parait inutile
après le premier, (jui est plus fort et qui dit tout.
{Cours de littérature.)
ÉQUARRIR , ÉQL'ARRISSAGE , ÉQUARRISSEMENT.
Dans ces trois mots, gu se prononce comme
un k.
ÉQTJA.TEUR, ÉQCATioN. Daiis ccs dcux mots, qua
se prononce koua.
Èqlerre. Subst. {. On prononce ékère.
Équestre. Adj. des deux genres. Ou prononce
ékueslre, eu faisant sentir Vu.
ÉOUIANGLE, ÉQUIDISTANT, ÉqUILATÉRAL, ÉQUILA-
TÈRE. Dans ces quatre mots, qui se prononce
comme kui.
ÉQUiNoxiAL. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Cercle équùioxial, ligne équinoxiale ,
points équinoxiaux.
Équitable. Adj. des deux genres. Il peut, dans
des cas convenables , se mettre avant son
sobsl. ; on ne dirait pas vn équitabl^e homme, un
équitable prince ; mais on peut dire cette équita-
ble décision, cet équitable Juge7ncnt. Voyez Ad-
jectif.
Équitarlememt. Adv. Il peut quelquefois se
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // a jugé
équitablament, ou il a équitablement j ugé.
ÉQCiTATiON. Subst. f. Qui se prononce kwi, et
ti comme ci. C'est l'art de monter à cheval. On le
dit aussi de l'action de monter à cheval : L'équi-
tation est un exercice très- salutaire. ( Fe-
ra ud.)
Équivalent, Équivalente. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Une chose équivalente.
ÉQUIVOQUE. Subst. f. Ce mot était autrefois des
deux genres. Boileau a dit (saf. xii, 2) :
De quel genre le faire, équivoque maudite.
Ou maudit.
Aujourd'hui on ne le fait plus que féminin. Il se
prend adjectivement. On dit d'une phrase, qu'eZfc
est équivoque, ou qu'c/^e renferma une équivo-
que. Un mot est équivoque lors(iu'il a plusieurs
significations dans le sens propre, comme le mot
coin qui signifie un instrument pour fendre, un
angle, et la matrice qui sert à marquer les mon-
naies et les médailles; ou Ijien lorsqu'avec le
même son, quoique avec une orlhograiihe diffé-
rente, il sert à indiquer des objets différents,
comme ceint, sain, .^aint, sein, seing, qui, souS
la môme prononciation, signifient environné,
sans altération, qui vil saintement, ]»()itrine et
signature; ou enfin, lorsqu'il signifie deux choses
différentes, l'une primitivement, et l'autre par ex-
tension ; comme le mol langue, qui signifie pri-
mitivement cette pariie charnue ci mobile ijui est
dans la bouche le principal organe de la parole
el du goût; et i)ar extension, l'idiome, le langage
d'une nation. Dans le discours, la signification
de ces mots est ordinairement déterminée par les
circonstances, et il est rare qu'ils y laissent de
l'incertitude.
Lcsé(iuivoqucs peuvent être encore occasion-
nées par le simple rapprochement de certains
mots dontla réimion semble former d'autres mots,
ou dire autre chose que ce qu'on a réellement
intention de dire; par cvemple, si l'on disait /e
regarde votre amitié comme le plus grand des
avantages çî/c vous puissiez vi*accorder;le plus
grand des plaisirs que vous puissiez me faire est
ERR
de m'écrire soureyit, le nipprochoment des mots
des et arantngps, des cl plaisirs, pourrait faire
croire que l'on a inteiUioii de dire/e regarde i^o-
tre amitié comme le plus //rand désavantage
qvc vnus puissiez m'uccordcr ; le plus grund de-
plaisir ^«e vous puissiez me faire, etc. Quelque
CCS phrases n'aient rien d'irrègulier dans la con-
struction, il l'auL cependant les éviter, caria
règle de la clarté est toujours indispensalilo, et il
n'est jamais permis de s'en écarter. Voyez
Sens.
Équivoque se dit aussi, dans notre langue, d'un
terme à douMc sens dont abusent seulement ceux
qui cherchent à jouer sur les mots. Ces jeux de
mots, en général répréhensiblos et de mauvais
goût, peuvent avoir lieu dans la conversation,
dans les lettres lamilières, dans les épigrammes,
dans les madrigaux, dans les impromptu, et au-
tres petites pièces de ce genre, ipiand ils sont
spirituels et délicats, et qu'on les donne pour un
badinage qui exprime un sentiment, ou pour une
idée passagère. Si cette idée paraissait le fruit
d'une réflexion sérieuse, et si on la débitait avec
un ton dogmatique, elle ne serait pas suppor-
table.
Équivoque, adj., peut quelquefois se mettre
avant son subst., même en prose. Mais il faut
consulter pour cela l'oreille et l'analogie. On ne
dira pas une équivoque phrase, vn équivoque moi;
mais on |)ourra dire dans des cas convenables, cet
équiv(quc langage éveilla mes soupçons. Voyez
Adjectif.
Eraili.ement, Ekailler, Ëraillure. Dans ces
trois mots on mouille les /.
ÊRÉjiiTiQLF.. Adj. des deux genres. On écri-
vait autrefois hérémitique.
Ergot. Subst. m. On ne prononce point le t G-
nal. Voyez Argot.
Ergoté, Ergotée. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. ; Un coq ergoté, un chien ergoté, du
seigle ergoté, etc.
Ergoter. V. a. de la d" conj. Expression fa-
milière dont on se sert quelquefois pour exprimer
la manie de ces esprits raisonneurs qui entassent
arguments sur arguments, laisonnemcnls sur rai-
sonnements , pour conicsler les choses les plus
simples et les plus claires. — 11 y a des gens qui
disent argnter. mais ce mot n'est pas français en
ce sens. Argnter est un terme de jardinage qui
signifie coujier rexlrémité d'une branche morte.
Ergotf.dr. Subst. m. Il se dit d'un homme qui
aime à ergoter. Quehiues personnes disent argo-
teiir. Ce dernier n'est pas français. Voyez Ér-
gnier.
ÉRIGER. V. a. de la l'": conj. Racine l'a em-
l)loyé dans un sens que l'on ne trouve point dans
le Dictionnaire de l'Académie :
J'a|i]irocli.Ti pnrdegré de l'oreille des rois,
Et bientôt en oracle on érigea ma Toix.
UJ/i.,acl. III, se. m, 74.)
Ermitage, Ehmite. Ces deux mots s'écrivaient
autrefois avec un /;. Hermitage, hermite.
Er.oTiQL-E. Adj. des deux genres. Il peut quel-
quefois se mettre avant son subst. : Cet erotique
délire ne fut pas de longue durée. Poëme eroti-
que, vers erotiques, et non pas erotique poëme,
erotiques vers. Voyez Adjectif.
Errakt, Er.RAJiTE. Adj. verbal tiré du v. errer.
On prononce les deux /•. En prose, il ne se met
qu'après son subst.
ERR
267
Errata. Sudsi. \\\. liste, tableau, état des fau-
tes survenues dans l'inqtression d'un ouvr.iiie.
On prononce les deux r. Ce mot est emprunté du
latin erratum au singulier, et errata au jduriel,
ipii veut dire faute. Jusqu'à l'apparition du Dic-
tionnaire de l'Académie de 1798, on a appelé
errata un tableau de cette espèce, soit qu'il in-
diquât piusieui-s fautes, soit (pi'il n'en indiiiuàt
qu'une, parce que la pluralité de ce mot ne peut
])as tomber sur les fautes indi(]uées, mais sur la
(luantité des tableaux ou des listes qui les indi-
(pient. Mais, en d79S, l'Académie a prétendu que
lorsqu'il ne s'agit (juc d'une faute a relever, on
doit dire un er»a/M7/i, et, en '1800,^10 ditencore
que dans ce cas quelques personnes se servent du
mol erratum. De sorte que ce mot a deux singu-
liers, w/j errata quand il indique plusieure fautes,
etuiic)va^(/7«quan(l il n'en contient «ju'une. Voilà
les déclinaisons latines introduites dans l;i langue
française par les soins de l'Académie. D'après ce
principe, je suis surpris que cette Académie n'ait
i)as décidé qucj^ar^a est le pluriel de /(/c<Mm, fra-
tres, celui de frater, patres, celui de patcr, et
vos Dcos, celui de T'e Deum.
Depuis qu'on enseigne peu la langue latine en
France, dit un critique qui a relevé un grand
nombre de fautes du Dictionnaire de l'.Jca-
démie, nous voyons souvent le mot erratum
substitué au mot français errata, par des gaze-
tiers et des imprimeurs qui veulent donner au
public une idée magnifi(iue de leur capacité. L'A-
cadémie française aurait dû prévoir cette ridi-
cule innovation, et la condamner par un exemple.
Il paraît que le critique ne parle ici que de l'A-
cadémie de 1762 ; car r.\cadèmie de 1798, loin
de s'élever contre cette innovation, parait l'avoir
établie.
Le mot errata ne prend point de ,s au pluriel :
des errata.
Errements. Subst. m. pluriel. On prononce
les deux r. Plusieurs écrivains l'ont dit des per-
sonnes : Il reprit ses derjiiers errements, et leva
rétendard de la révolte. Boileau et Voltaire, dit
Féraud, ne pouvaient souffrir cette expression ap-
pliquée aux personnes. Suivre des errements,
s'écrie le premier, juste ciel! quel langage est-ce
là? Quand Bossuct, dit Voltaire, quand ifénclon.
Polisson, voulaient signifier qu'on suivait ses an-
ciennes idées, ses projets, ses engagements, ils ne
disaient jwint : J'ai suivi ines errements ; j'ai
travaillé sur mes errements. {Lettre ù l'uhhé
d'Olivet sur la nouvelle édit. de la Prosodie.)
Errer. V. n. de la 1" conj. On prononce les
deuxr. L'Académie dit laisser errer ses pensées;
elle ne dit pas lais-'^er errer son regard.
Longtemps sur ces objeli», ces merveilles de l'art,
Le lieras laiise errer un avide regard.
(Delil., Enéide, VI, 49.)
Erredr. Subst. f. On prononce les deux r.
Ce mot s'emploie quelquefois dans le sens d'il-
lusion, comme dans ces vers de Voltaire (Orerte,
act. II, se. vu, 9) :
D'un lonie flatteur
N'e me présentez pas la dangereuse erreur.
Voyez Fausseté.
Erroné, Erronée. Adj. On prononce les deux
r. Il ne se met qu'après son subst. : Sentiment
erroné, opinion erroné^-
268
ESP
ÊRUDiT, ÊRDDiTE. Adj. I.c t final ne se pronome
point au masculin. 11 ne se nicl (lu'après son
suhst. : Un homme érudit, une femme érudite
Êhysipèle, Ërïsii'élatelx. Auliefois on écri-
vait éré'sipèle et érésipihiletix, et l'on faisait
érésipèle féminin. Aujuurtl'liui on les écrit avec
l'y, et érysipèle est masculin. — < L'Académie,
en lS3o, écrit m'A/'/iè/^, et elle observe qu'autre-
fois on écrivait érysipèle, ce qui était conforme
à l'étymologie. ,\insi donc le mauvais usage sem-
ble avoir triomphe. Nous i)Cn-ons cependant (pie
l'Académie en ce cas n'eût pas du céder, et qu'il
vaut mieux écrire le mot de manière à rappeler
sonétymologie, Èp'Ji^î-sXa;; c'est encore le plus
sûr. fl (A. l.omaire, Grummuire des Gram-
maires, p. dl3'J.)
Espérance. Subst. f. Racine a dit dans Andro-
maque (act. V, se. v, 31) :
Grâce aax dieux, mon malheur passe mon eipérance.
Espérance esl pris ici pour attente ; le mot d'e*-
pérance ne se i»rend jamais en mauvaise part.
Voyez Espoir.
Espérer. V. a. et n. de la 1" conj. Espérer
vne chose. Espérer quelque chose de quelqu'un.
J'espère en vous, en votre justice.
Féraud dit que ce mot ne peut avoir pour ré-
gime direct qu'un substantif de choses. Cepen-
dant madame de Sévignc a dit : Je lis, Je me
promène, je vous espère, et Féraud approuve ce
régime parce qu'il y a ellipse, et que je vous es-
père siguille là, je m'occupe de l'espérance de
vous voir bientôt. Delille a dit dans le même
sens(^«e7£f.,VI,923):
Hélas! en l'espérant dans ces belles demeures,
Mon amour mesurait elles jours et les heures.
Le que après espérer régit le futur (]iiand la
phrase est affirmative, et le subjonctif (juand elle
est négative ou inlcrrogative : J'espère yne vous
le ferez //e n'espère pas que vous le fassiez; e.ç-
périez-vous que je le lisse ? Dans le sens inler-
rogatif on peut mettre assez indifféremment l'in-
dicatif ou le subjonctif: Espérez-vous que je le
fasse ou que je le ferai? Espérait-il que je
vinsse ou que je viendrais Z(«' demander pardon'^
mais dans le sens négatif, il faut toujours mettre
le subjonctif.
Espérer, se rapportant au passé ou au présent,
est un anglicisme. Les Anglais discntj'ei;père que
vous ne l'avez pas dit, j'espère que vous en êtes
persuadé. Espérer ne porte à l'esprit (|ue l'idée
d'une chose future. Pour les choses présentes, on
dit croire, penser, se flatter que: Je crois, je
pense que vous ne l'avez pas dit, je me flatte que
vous en êtes persuadé, (l'éraud.) N'oyez Espoir .
On peut dire j'espère le voir, el j'espère de le
voir. Voici, je crois, la différence (pi'il y a entre
ces deux manières de s'exprimer. On d'il j'espère
sans préposition, lorsiiue l'espérance parait fon-
dée el approche de la certitude. Ainsi on dit
j'espère te voir, lorsqu'on est prestiue certain
qu'on le verra, et ([u'on ne prévoit aucun événe-
ment qui puisse empêcher de le voir. On dit
j'espère avec la préposition de, lorsque l'espé-
rance lient du doute, de l'incertitude, et que l'on
prévoit quelques événements fortuits cpii [)oiir-
raient empêcher de le voir. La sup|>ic>sion du
de tient tellement au fondement de l'esjjérance,
que si au mol j'espère on ajoutait un adverbe qui
ESP
rendu ce fondement plus se.nsible, on ne pourrait
pas employer la préposition de. Par exemple, tout
Ip monde dm j'espère bien le revoir; et personne
j'espère bien iie le revoir
Ce (]ui confirme encore mon opinion, c'est que, \
lorscp-ie le verbe espérer est à l'infinitif, el que le \
verbe suivant est au même nitide, on ne peut pas \
supprimer la préposition de. La raison en esl que
l'iidiniiif exprime quelque chose de vague et ]
d'incertain. Peut-on espérer de vous revoir? Je ;
crois pouvoir espérer de le revoir. On m'a fait
espérer de le revoir ; espérance vague , incer-
taine
EspoiB. Subst. m. Ce mot n'a point de pluriel.
L'Académie dit : Je n'ai d'espoir qu'en vous.
Racine a dit dans Iphigénie (act. V, se. ii, 15) :
Aussi tout mon rtpoir
N'est plus qu'au coup mortel que je vais recevoir.
Le sens propre d'espoir ne regarde que les
choses (jui sont à venir. C'est avec raison que
d'Olivet a reproché à Racine de l'avoir appliqué
à des choses présentes :
Me cherchiei-Tous, madame?
Un f«poir si charraanl me serail-il permis?
(/Inrfrom., act I, se. IT, 1.)
Qu'on mette celle phrase en prose, et on sentira
le faux emploi de ce terme. C'est comme s'il y
avait: Madame, me serait-il permis d'espérer
que votts vie cherchiez ? X oyez Espérer.
Esprit. Subst. m. Le t final r.e se prononce
qu'avant une voyelle ou un h muet.
Ce mot, en lant qu'il signifie une qualité de
l'àme, est, dit Voltaire, un de ces termes vagues
auxquels tous ceux qui les prononcent altaclienl
presque toujours des sens difl'érenls. Il exprime
autre chose que jugement, génie, goût, talent,
pénétration, étendue, grâce, finesse; et il doit
tenir de tous ces mérites: on pourrai! le définir
raison ingénieuse. C'est un mot géniTique qui a
toujours besoin d'un aulrc mot qui le delerjnine;
et (piand on dit voilà un ouvrage plein d'esprit,
un homme qui a de l'esprit, on a grande raison
de demander, duquel ? L'esprit sublime de Cor-
neille n'est ni Y esprit exact de Boileau, ni Vesprit
naïf de La Fontaine; el Vesprit de La Bruyère, qui
est l'art de jieindre singulièrement, n'est point
celui de Malebrsnchc, qui est de l'imaginalion
avec de la profondeur. — Quand on dit qu'un
homme a nu esprit judicieux, on entend moins
qu'il ace qu'on appelle de X'esprit, qu'une raison
épurée. \}n esprit ferme , mâle, courageux, gra7id,
petit, faible, léger, dou.r, emporté, signifie le ca-
raclére cl lu trempe de l'àme, et n'a point de
rapport à ce qu'on entend dans la société par
celte expiession, avoir de l'esprit.
L'e.'iprit,dAn?, l'acception ordinaire de ce mol,
lient beaucoup du bel esprit, et cependant ne si-
gnifie pas précisément la même chose; car jamais
ce terme, homme d'esprit, ne peut être pris en
mauvaise part, el bel esprit est quelquefois pro-
noncé ironiiiuemeni. D'où vient celle différence?
C'est (\\i'homme d'esprit ne signifie pas esprit
supérieur, et que bel esprit le signifie. Ce mol
homme d'esprit n'annonce point de prétention, et
le bel esprit esl une affiche. C'est un art qui de-
mande de la culture; c'est une espèce de pro-
fession, el qui par là expose à l'envie et au ri-
dicule. C'est en ce sens que le père Bouhours
aurait eu raison de faire entendre, d'après le
cardinal du Perron, que les Allemands ne pré-
tendaient pas à Vesprit; parce qu'alors leurs sa-
ESS
vants ne s'occupaient guère que d'ouvrages la-
borieux et de ])énibles recherches, (jui ne por-
metlaieiil p;is qu'on y icpandit des fleiiis, (pi'on
s'efforçât de briller, et que le bel esprit se uièlât
au savant.
Ceux qui nié|U'isent le ci'nied'AristoIe, au lieu
de s'en tenir a coiukunner sa pliysique, (pii ne
jtouvail être iwiuie, étant privée d'ex|>ctienccs,
seraient bien étonnés de voir qu'Arislote a en-
seigné i)arfaitenient danssa rliétoritiue la manièie
de dire les choses avec esprit. Il dit que cet art
consiste a ne i)as se servir siniplenient du mot
propre, qui ne dit rien de nouveau ; mais qu'il
faut eini)loyer une métaphore, une figure, dont le
sens soit chiir et l'expression énergique. 11 en
rapporte plusieurs exemples, et entre autres ce
que dit Périclcs d'une bataille ou la plus floris-
sante jeunesse d'Athènes avait péri: L'année a
été dépouillée de soti pt-i/itemps. Aristotc a bien
raison de dire (lu'il faut du nouveau. Le premier
qui, pour exprimer que les plaisirs sont mêlés
d'amertume, les regarda comme des roses accom-
pagnées d'cpines, eut de Vesprii. Ceux qui le ré-
péîèreiil n'en neurenl point.
Ce qu'on appelle esprit, dit encore Voltaire,
est tantôt une comi)araison nouvelle, tantôt une
allusiou fine; ici l'abus d'un mot qu'on présente
dans un sens, et qu'on laisse entendre dans un
autre; la un rapport délicat entre deux idées
peu conuuuncs; c'est une métaphore singulière ;
c'est une recherche de ce qu'un objet ne pré-
sente pas d'abord, mais qui est en effet dans lui ;
c'est l'art ou de réunir deux choses éloignées, ou
de diviser deux choses qui paraissent se joindre,
ou de les opposer l'une à l'autre; c'est celui de
ne dire qu'a moitié sa pensée pour la laisser de-
viner. Mais tous ces brillants ne conviennent point
ou conviennent fort rarement à uu ouvrage sé-
rieux et qui doit iiitéresscr. La raison en est
qu'alors c'est ''auteur qui paraît, et que le public
ne veut voir (pie le héros. Or, ce héros est tou-
jours ou dans la passion, ou en danger I.e dan-
ger et les passions ne cherchent point l'esjn'it.
Priam et Hccubc ne font point d'épigramuies,
quand leurs enfants sont égorgés dans Troie
cml)rasée; Didon ne soupire point en madrigaux,
en volant au bûcher sur lequel elle va s'immoler;
Démosiîiénes n'a point de jolies pensées, quand il
anime les Athéniens à la guerre; s'il en avait, il
serait rluUeur, et il est homme d'Étal. {Dict. phi-
losophique) A'oyez Clarté.
Essai. Subst. m. Voyez Épreuve. En littéra-
ture, ce mot, employé dans le titre de plusieurs
ouvrages, a différentes acceptions. 11 se dit ou
des ouvr.^es dans lesquels l'auteur traite ou ef-
fleure diiîérents sujets, tels que les Essais de
Moiituigne, ou des ouvrages dans lesquels l'au-
teur traite un sujet particulier, mais sans iiréten-
drerapi)rofondir, ni l'épuiser, ni enfin le traiter
en forme et avec tout le détail et toute la discus-
sion (lu'il peut exiger.
Essaim. Sjibst. m. Delille a dit un essaim de
colombes {Enéid., 11, 697) :
Ainsi qu'aux sifflements des tempêtes rapides
S'attroupe un [aible ettaim de colombes timides.
Il a dit aussi au figuré [Géorg., III, 89) :
L'n esiiiim de douleurs bientôt nous environne,
La tieillessc nous glace et la mort nous moissonne.
Essayer. V. a. et n. de lai" conj. 11 se con-
jugue comme payer. Essayer. A^n?, le sens de tâ-
cher, faire ses efforts, régit tantôt la préposition
ESS
269
a, et tantôt la préposition A-. Il faut mettre de
quand le sons iii(li(|n(> plus particulièrement les
eflorts mêmes (juc le but aucpiol ils tendent ; et à,
quand le sens a plus de ra|)port au but (ju'aux
cl forts : Ua homme faible et va'étudinaire essaie
de se lever, de i-iarcher; un musicien essaie a
joxier un air difficile.
Perdez un ennemi d'autant plus dangereux,
Qu'il esaatra sur vous o combattre contre eux.
(Uac, Àndrom., acl. I, se. Il, 29.)
Eeiayex sur ce point à la faire parler.
(Corn., Hor., act. I, se. i, 129.)
"Voltaire a dit au sujet de ce vers, on essaie de,
on s'essaie à. Cette remarque parait contraire à ce
iiuc nous venons d'avancer; mais nous avons
pour nous le vers à." Andromuque que nous ve-
nons de citer, et où la jH-cposition à nous semble
si bien placée, (jue nous ne croyons |)as qu'on
puisse y substituer tfe.— Dans la plupart des édi-
tions de Kacine que nous avons consultées, on
trouve qu'il s'cssuîra sur r^iis, et non qu'il cs-
saîra sur vous. Si cette leçon est la bonne,
rexemjjlc cité ne peut servir, selon nous, qu'à
prouver la justesse de la remarque de Voltaire.
EssE^TlEL, EssEiVTiELLF.. Adj. Ccl adj. ne se
met qu'ai)iès son subst. : Une chose essentielle.
Une cause essentielle. Une observation essen-
tielle.
EssENTiELLESiENT. Adv. Il pcut sc mettre entre
l'auxiliaire et le participe: // m'a oblvié essen-
tiellement, il vi'a essentiellement oblige dans
cette circonstance .
EssELLÉ, Esseulée. Adj. 11 sc dit, selon l'Aca-
démie, d'un homme qui est seul et sans compa-
gnie. On ne serait pas compris si l'on s'en servait
aujourd'hui.
Essor.. Subst. m. On dit bien prendre son es-
sor; mais je doute qu'on pni.sse dire avec De-
lille, abattre son essor [Énêid., W, 48) :
Pédale, de Minos fuyant la cruauté.
Osa, se confiant à ses rapides ailes,
Tenter un Vol hardi dans des roules nouvelles;
El, vainqueur fortune des vents glacés du nord,
Sur les remparts de Rome aiattit son essor.
Uessor est l'action de l'oiseau partant libre-
ment i>our s'élever dans les airs. Quand il part
pour' s'élever dans les airs, il n'est f)as encore
élevé; on ne peut donc pas l'abattre. On a trans-
porté ce mot au figuré, et l'on dit d'un auteur qui
a débuté hardiment, qu'/Z a pris son es5or; d'un
poêle qui commence avec liberlc, (\\\'il prend son
essor. On dit aussi /'6*.sô',r(/K ye/i/e, etc.
EssuiE-MAiN. Subst. m.llsemblequel'on devrait
écrireau s'mmWev essuie-mains , et non \)asessuie-
main ; car l'essuie-inaiii est un linge qui ne sert pas
seulement à essuyer la main, maisles mains. Cepen-
dant, puisque l'usage veut (| ne l'on écrive au singu-
lier essuie-main sans*, nous ne croyons pas qu'on
doive y ajouter un s au pluriel; car plusieurs es-
suie-main essuient les mains de même qu'un
seul , et si main se met au singulier pour mains,
il doit s'écrire de même au pluriel, où la signifi-
cation du mol viain n'est pas changée. Il faut
donc écrire Ac?, essuie-main ; la pluralité tombe
alors sur linge, qui est sous-entendu, et non sur
essuie, ni sur 7/(«i/i. L'Académie ne donne point
d'exemple qui puisse faire connaître son opinion
sur l'orthographe de ce mot comjiosé.
Essuyer. V. a. de la i" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, on conserve l'y de l'infinitif,
excepté devant un e muet : J'essuie, tu essuies,
ils essuient, j'essuierai, j'essuierais.
^70
EST
Est. Suhsl. m. L'orient. On prononce le t-
EsTiiÉriQLE. Siibst. f. On entend par ce mot la
philosophie des heaux-arts, on la science de dé-
duire de la natiito du goi'il, la théorie générale
et les rciiles rondainentaies des leaux-arts.
Ce mol vient du mol grec aisthésis, qui signi-
fie le sentiment. Ainsi l'esthétique est propre-
ment la science des sentiments, le grand hul des
beaux-arts est d'exciter un vif seniimenl du vrai
et du bon. Il t'aul donc que leur théorie soi( fon-
dée surcclle des sentiments et des notions confu-
Si'S(iuc nous acquérons a l'aide dos sens.
11 faut ranger Vestiiéti'/uc au nombre des
sciences pliiloso[)hiques qui sont encore très-im-
parfaites. 11 n'en est i|ue plus important de dcvo-
loi)per ici le plan général de cette nouvelle science
et d'en indiquer les parties.
Le premier pas était de fixer le but et l'essence
des bcaiix-arts; ensuite, après s'ctro convaincu
que ce Imt principal est de s'assurer l'empire sur
les cœurs à l'aide des sensations agréables ou dés-
agréables, il fallait remontera l'origine du senti-
ment, déduire de la nature de l'âme ce (pii en
consiitue l'agrément, ou s'en rapporter aux phi-
losophes (lui en ont traité.
Cela l'ait, il fallait indiquer les diver-ses classes
d'objets agréables et désagréa'olcs, et déterminer
les effets qu'ils produisent sur le cœur, c'est-à-
dire rechercher en quoi consiste le beau sensi-
ble cl l'énergie.
Enfin il "fallait traiter sous autant d'arti-
cles particuliers toutes les diverses es])èces du
beau et du laid, en descendant jusipi'aux plus
petites subdivisions, aussi loin tiue la théorie,
combinée avec un oxanien attentif des ouvrages
de goùl, |)ourrait les découvrir ou du moins les
presseniir. Tousccs objets rassend^lés formeraient
la partie théorique de la philosophie des beaux-
arts.
Dans la partie pratique, il reste à indiquer les
divers genres des beaux-arts, en fixant l'étendue
elle caractère particulier de chaque genre, comme
de la poésie, de l'éloquence, de la nmsiq'jc, de la
peinture, etc. 11 faut en même temps caractériser
le tour de génie, le goùl naturel et acquis que
chaque art en particulier exige de la part de l'ar-
tiste, et fiirc connaître ((uelssont les principaux
moyens de léussir dans les arts, c'esl-à-dirc le
génie, l'imagination, l'invention, le goùtjl'enlhou-
siasme, etc.
Chaque classe des beaux-arts produit diverses
espèces d'ouvrages qui se distinguent enlre elles
par leur nature propre et ]»ar un but plus [»réci-
sémcnt déterminé. Il faut donc encore caractéri-
ser séparément chaque espèce particulière. Ainsi
en poésie, par exemple, on a à traiter du poëme
épique, du lyrique, du didactique, du dramati-
que, etc. En peinture, on a à distinguer les sujets
histori(|ues, allégoriques, moraux, elc. ; et l'on
doit assigner à chaque es|)èce son caractère d'a-
près des principes sûrs et bien établis.
De ces sources découlent enfin les règles qu'on
doit suivre dans l'exécution des ouvrages de l'art.
Ce sont ou îles règles générales (jui concernent
l'invention, la disposition, ou l'ordonnance et l'en-
semble, ou des règles particulières sur le choix,
la proportion, l'harmonie et l'effet déterminé de
chaque partie.
Telle est l'étendue du champ que Pesthéti(|ue
doit embrasser. Cette science dirigera l'artiste
dans l'invention, l'ordonnance et l'exécution de
son ouvrage. Elle guidera l'amateur dans ses ju-
gements, et le mettra à portée de tirer de la jouis-
ET
sance des productions de l'art toute l'ulilité qui
en fait le viai but : milité qui ne tend pa^: a moins
qu'à remplir les vues de la philosophie et de la
morale. (Extrait de la Théorie générale des
leaux-arts, de Sulzcr. )
Estimable. Adj. des deux genres. Il se dit des
personnes et descluiv-cs, et peut se mettre avant
son subst. : Un auteur esHmuhlc, cet estimable
auteur. A''oyez Adjectif.
Estime. Subst. 1. Corneille a dit dans iVtcomède
(act. II, se. m, i\) :
El TOUS oflenserici l'estime qu'elle en fiil.
Voltaire a dit au sujet de ce vers : On a de
Vestlme, un conçoit de Vcstinie, on sent de l'es-
time. C'est précisément |)arce qu'on la sent qu'on
ne la fait pas. Par la même raison, rm sent de Va-
mour, de l'amitié ; on ne fait ni de l'amour ni de
l'amitié. {Remarques sur Corneille.)
Ainsi TOUS nie rendez l'innocence et l'estime.
(ConN., Rodog., act. II, se. m, 115.)
J^ous me rendez Vcstime, dit Voltaire, ne peut
se dire comme vous me rendez V innocence ; car
l'innocence appartient à la personne, et l'estime
est le sentiment d'autrui : f^ous me rendez mon
innocence, ma raison, mon repos, ma ffldre;
mais non pas won estime. {Remarques sur Cor-
neille.)
Estimer. V. a. de la 1" conj. On peut joindre
un adjectif à s'estimer. En voici des exemples :
Je ne puis vi empêcher de m'estimer heureuse.
(Montesquieu, VIP lettre persane.)
Roxane s'estimait assez récompensée. . .
(Rac, Baj., act. III, se. iv, 29.)
Estoc. Subst. m. On fait sentir le c.
Estomac. Subst. m. On ne fait pas sentir le c.
Et. Conjonction copulativc. Cette conjonction
marque l'action de l'esprit qui considère sous un
même rapport les mots et les phrases qu'elle lie.
On ne prononce jamais le t, même quand il est
suivi d'une voyelle. C'est pour cela qu'on ne met
point en vers un et devant une voyelle, parce que
cela ferait un hiatus.
Les mots que lie celte conjonction doivent être
du même ordre, c'est-à-dire (ju'cUe doit lier des
substantifs avec des substantifs, des adjectifs avec
des adjectifs, des verl)es avec des verbes, des ad-
verbes avec des adverbes. Ainsi l'on ne peut pas
d'ivc David était roi et prudent ; vous aimez la
justice et à gagner de--; batailles ; parce (pie dans
la première [)hrasc on lie un substantif avec un
adjectif, et dans la seconde, un substantif avec un
verbe.
Racine a dit dans Bajazet (act. I, se. i, 33) :
Amnrat est content, si nous le Touiont croire,
Et semblait se promettre une heureuse victoire.
D'Olivet doute avec raison qu'on puisse passer
ainsi brusquement du présent est à l'imparfait
semblait. Mais du moins il est certain que le
changement de temps demandait le pronom qui
répète le sujet : Amurat est content, et il sem-
blait, etc.
Il arrive souvent que la conjonction et parait
d'abord lier un nom à un autre et le faire dépen-
dre d'un même verbe; cependant, (juand on
continue de lire, on voit (pic cette conjonction
ne lie que les propositions et non les mots. Par
exemple, César a égalé le courage d'Alexandre,
et son bonheur a été fatal à la république ro-
ET
maine. Il semMo d'abord que bonheur dépende
Ùl^ égalé aussi bien que courage; cependant lon-
heur est le sujet de la proposition suivanle. Ces
sortes de consiruclions rendent les phrases lou-
ches.
Quand il ne s'au'it que de lier plusieurs mots
ensemble, on ne met la conjonction qu'avant \c
dernier : L'esprit, la science et la vertu, sont
les véritables biens de l'homme.
Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort.
(Bon.., Lutr., n, 164.)
Lorsque deux adjectifs précèdent leur sub-
stantif, et qu'ils sont assez analoirucs pour qu'il
soit inutile de répélerrarli<-Ic avant le second, la
conjonction et doit remplacer cet article : La
faible et timide innocence.
Mais s'il y a trois adjectifs, l'article doit élre
répété, et là conjonction iio doit pas être em-
ployée : L'humble, la faible, la timide inno-
cence.
Mais quelquefois, pour donner plus d'énergie
au discours, on met la conjonction même avant
le premier mot, et on la répète avan' tous les au-
tres : Je l'ai dit et à lui et à sa femme et à tous
ses amis.
Une coqueUe uston vrai monslrt à fuir;
Mais une femms et tendre et belle et sage,
De la nature estle plus bel ouvrage.
Dans les gradations et dans les phrases où l'on
veut peindre avec vivacité, on supprime ordinai-
rement la conjonction :
L'aUelage suait, soufQail, était rendu,
Uoinae, femmes, Tieiliords, tout était descendu.
(La Fost., Ht. TII, fable ix, 5.)
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé.
(Rac, Ândrom., act. I, se. iv, 61.)
Je le vis, je rougis, je p$lis à sa vue.
(Rac, Phèd., act. I, se. m, 121.)
Deux verbes joints par la conjonction et peu-
vent avoir le même régiiTie direct : Teslime et
je respecte la rertir. .Mais si les deux verbes
étaient joints par d'autres conjonctions, il fau-
drait donner au premier verbe le nom pour ré-
gime, et au second un pronom qui rap[ielât ce
nom : J'estime autant la vertu rjveje la respecte,
et non pas j'estime autant que je respecte la
vertu. (Buflier.)
La conjonction et sert à unir deux proposi-
tions affirmatives, comme la rertu cl la science
sont estimables; ou à lier une proposition affir-
mative avec une proposition négative, coniuiejV
plie et ve romps pas ; elle diffère en cela de la
conjonc^tion jii, qui sert à lier les substantifs, les
adjectifs, les verbes et les adverbes, quand la
proposition est négative : Je ne veux ni L'un ni
Vautre. La conjonction et ne se multiplie poini
dansTénuméralion; 7u' s'y multiplie autant de l'ois
qu'il y a de choses auxquelles on veut rendre la
négation commune : Les enfants n'ont ni passé
va avenir, mais ils jouissent du présent. C'est le
sort des choses humaines de n'être ni stables, ni
permanentes. — Lorsqu'il y a plusieurs verbes qui
se suivent, le premier n'est point précédé de ni.
Je ne veux, ni ne dois, ni na puis obéir. — Lors-
que ni est répété, on supprime toujours ;na.y et
point. On ne dit pas il ne faut pas être ni pro-
di'ttc ni avare; mais Une faut être ni prodigue
ÉTA
i7l
ni avare. Voltaire a repris Corneille d'avoir dit
dans les Horaces (act. III, se. iv, 48) :
Vous ne connaisseï point ni l'amour ni ses trait*.
Quand la conjonction ni n'est pas répétée, pas
ou point peuvent se mettre avec ni. Boileau a
dit [sat. x, 483) :
Ma maison ni mon lit ne sont point faits pour vous.
Il aurait été plus correct et plus conforme à l'u-
sage de dire, ni ma maison ni mon lit ne sont
faits pour vous.
On trouve souvent et au lieu de /ndans îles
propositions négatives, et ni au lieu de et dans
des propositions affirmatives. Ce sont des fautes
qu'il faut éviter.
Je ne connaissais pas Almanzor vt l'amour.
(Roy, Ballet des élément».)
il fallait:
Je TU connaissais pas Almanzor ni l'amour,
parce que la phrase est négative. — De même, au
lieu de dire la poésie n'admet pas les expressions
et les transpositions particulières, il faut dire,
avec le père Buflier, la poésie n'admet ni les ex-
pressions ni les transpositions, etc. Voyez Ni,
Cvp ula l if, Disco nven ance.
Ér.\LER. V. a. de la 1" conj. Dans le sens d'of-
frir aux yeux, il se dii dos choses qui flattent les
regards par la grandeur, par la variété, par la
ipompc, par la magniflcence : Étaler quelque
chose à quelqu'un :
Quelle gloire, seigneur, quels triomplies égalent
Les spectacles pompeux que ces bords vous étalent t
(Rac, Iphig., act. I, se. i, 23.)
État. Subst. m. L'Académie a omis la défini-
tion de l'acception générale de ce mot. État
d'un être en général, c'est la coexistence des
modifications variables et successives, avec les
qualités fixes et constantes. Celles-ci durent autant
que le sujet qu'elles conslitueni, et elles ne sau-
ruieiit souffrir de détriment sans la destruction
de ce sujet; mais les modes peuvent varier et va-
rient effectivement, ce qui produit les divers
étals par lesquels passent tous les élres finis. On
distingue Vétat d'une chose eu interne et externe.
Le premier consiste dans les qualités changeantes
intrinsèques; le second dans les (jualilés extrin-
sèques, telles que sont les relations. L'état in-
terne démon corps, c'est d'être sain ou malade;
son état externe, c'est d'être bien ou mal vêtu,
dans un lel lieu ou dans un aulre. L'usage de
celle distinction se fait surtout sentir dans la mo-
rale, où il est souvent important de bien distin-
guer ces deux états de l'homme. [Encyclipédie.)
On disait auliefois faire étui, pour esliiner,
faire t:ii5,jc fais beauc^nip d'état de cet homme-
là ;\)QUV présumer, penser,/^ fais état qu'il y a
là vingt mille hommes; pour résoudre, je fais
état de venir en tel temps, de partir tel jour;
pour être assuré, faites état de cette somme, fai-
tes état que vous aurez cette somme dajis quinse
jours. Toutes ces façons de parler ont vieilli.
Avei-vous su l'état qu'on fait de Curlaceî
fCoBW., Hor., ad. II, se. IT, I.)
Voltaire dit au sujet de ce vers, Vétat ne se
dit plus, et je voudrais qu'on le dit. Noire langue
272
ETE
n'est pas assez riche pour bannir tant de termes
dont Corneille s'est servi heureusement. (/îe-
marques sur Corneille.)
ÉTAiER. y. a. de la 4"oonj. Il se conjugue
isommo payer. Voyez ce mut.
Éteindre. V. a. de la 4' conj. Voltaire a dit
{OEd., act. I, se. m, 30) :
Vous éteignez l'encens que tous brùliei pour eux.
On dit éteindre la tendresse , éteindre la
haine :
Et les soins de la guerre auraient-ils en un jour
Eteint dans tous les cœurs la tendresse et l'amour?
UaC, Iphig., act. H, se. iii, 36.)
Ettignex dans mon sang votre inhumanité.
(Volt., Orphelin de la Chine, act, V, se. iv, 12.j
La Harpe dit au sujet de ce vers : On ne peut,
en aucun sens, éteindre l inhumanité. On n'é-
teint que ce (jui offre des rapports avec l'éclat, le
feu, la lainière, etc. [fours de littérature.) Ce-
pendant Racine a dit éteindre la tendresse, et
la tendresse n'a de nijjport ni avec éclat, ni
avec feu, ni avec luiiiicrc. Nous croyons qu'on
peut dire éteindre l'inhumanité , comme on dit
éteindre la tendresse, ctcindre la haine.
Etendard. Subsl. m. L'Académie dit au figu-
ré, suivre les étendard.',- de quelqu'un ; se ranger
sous les étendards, comhuttre sous les étendards
de quelqu'un, pour dire embrasser son parti.
On dit aussi dans le même sens, porter les éten-
du rds :
Le Dieu don! j'ai porté les sacrés étendard».
(Volt., ifahom., act. II, se. I, 47.)
Étendre. V. a. de la 4' conj. Voici des accep-
tions du verbe étendre, que l'on cherche en vain
dans le Dictionnaire de l'Académie :
Quand la mort sur le trône étend ses rudes coups.
(Volt., Henr., VI, 2.)
Je yais, sur les vaincus étendant mes secours,
Consoler leur misère et veiller sur leurs jours.
(Volt., Alz., act IV, se. i, 7.)
Et sa bonté s'étend sur toute la nature.
(Rac, Ath., act. II, se. vu, 32.)
Sur la face des eaux t'élend la nuit profonde.
(Delil., ÉneïcJ., I, 133.)
D'un peuple d'assassins les troupes effrénées.
Par devoir et par zèle au carnage acharnées.
Marchaient le fer en main, les yeux élincelants.
Sur les corps étendus de nos frères sanglants.
(Volt., Ilenr., II, 249.)
Éternel, Éternelle. Adj.Cetadjcclifest un de
ceii.x qui, exprimant une qualité absolue, ne sont
pas susceptibles dccomparaison soit en plus, soit
en moins. Une chose ne peut pas èirc plu s éter-
nelle ou moins éternelle (pj'une aulre. — Cet adj.
peut se mettre avant son subst., même en prose :
Un bonheur éternel, un éternel bonheur; vn
amour éternel, vn éternel amour. Voyez Ad-
jectif.
Eternellement. Adv. Il se jilace toujours
après le verl)e, et jamais entre l'auxiliaire et le
participe : Cela durera éternellement.
ÉTERNISER. V. a. de la i" conj. Voltaire a dit
éteriiiser l'enfance de quelqu'un, pour dire la
prolonger :
ETO
D'abord sa politique, assurant sa puissance.
Semblait d'un Gis docile éterniser l'enfance.
(Volt., Henr., II, 77.)
Éternité. Subst. f. Il n'a point de pluriel.
Corneille lui en a donné un dans ces vers d'//e-
raclius (act. III, se. i, 429) :
Ah! combien ces moments de quoi vous me llatlei.
Alors pour mon supplice auraient d'ctemitéi !
On n'a jamais vu dans aucune langue, dit à ce
sujet Auliaire, mettre le mot d'éternité au plu-
riel, excepté dans le dogmaiitpic, (|uand on dis-
tingue mal à propos l'érernité [>;isséc et l'éternité
a venir, comme lorsque Platon dit que notre vie
est vn point entre deux éternités. Ilemarquez
encore (pi'on ne peut dire les moments de quoi
vous me flattez, cela n'est pas français : il faut
iVirc. dont vous me flattez. (Remarques sur Cor-
neille.)
Étincelant, Étincelante. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Des yeux élincelants.
Rapporter à mes yeux son image sanglante.
D'amour et de fureur encore étincelante.
(Corn., Rodog., act. III, se. m, 17.)
VoltP.ire dit au sujet de ce vers, on dirait bien je
crois le voir étincelant de courroux; mais ce
n'est pas l'image (jui est encore animée. De plus,
on n'étincelle point d'amour. {Remarques sur
Corneille.)
Étinceler. V. n. de la 1" conj. On double la
lettre l dans les temps de ce verbe où cette lettre
est suivie d'une n\uci,j'étincelle,j'étinccllcrai,
il étincellera, il étincellerait ; on ne met (]u'un /
lorsque celte lettre est suivie de toute autre lettre
qu'un e muc[, j'étincelais, j'ai étincelé, ils étin-
celèrent.
Etincelle. Subst. f. Selon l'Académie, il se
dit figurément, surtout en parlant de l'esprit, de
1 âme : Il n'a pas une étincelle d'esprit, de cou-
rage. — Il a au figuré une signification plus
étendue :
De la divinité les vives étincelles
Étalent sur son front des beautés immortelles.
(Volt., Henr., IV, 523.)
Ah', si jcimais ta nation cruelle
Avait de tes vertus montié quelque étincelle.
(Volt., Alz., act. II, se. il, 41.)
Étoile, Etoilée. Adj. Il ne se met qu'après
son subsl.
Etonnant, Étonnante. Adj. verbal tiré du v.
étonner. On peut le ineitre avant son substantif
lorsque l'analogie et rbarinoiiic le permettent :
Des succès étonnants, d'étonnants succès.
ÉTONNER. V. a. de la !■''' conj. \ oltaire a dit
dans Sémiramis (act. \ , se. i, 3) :
La nature étonnée à ce danger funeste. . . .
La Harpe a dit à l'occasion de celle expression,
on dit étonné de, et non pas étonné it, si ce n'est
dans cette phrase, étonné ci la vue, à l'aspect; et
il est évident qu'étonné ci ce danger fi\ami\c étonné
à lu vue de ce danger. Ici la précision |»oétiquc
est dans tous ses droits. {Cours de littérature.)
Voltaire a dit dans la Mort de César (act. Il,
se. m, 5) :
Notre àme incorruptible étonne ses desseins.
I Ce verbe demande le subjonctif à la proposi-
ÉTR
tion subordoiiiice : Je in étonne que vous n'ayez
pas prévu cet accident, je ne m étonne plus qu'il
craigne de me roù-.— Dans les phrases inlcrroga-
lives, on mol (lueliiuerois si au lieu de que, cl
alors le verbe de la i>hrase subordonnée resle à
l'indicalif: Faut-il s'étonner s'i\s ne sont point
aimés, puisqtiils n'aiment nen que leurs gran-
deurs et leurs plaisirs? {¥éne\., Télém., liv.
XllI, l. Il, p. 94.) On dil aussi ne vous étonnes
pas si j'en use de la sorte.
JÉTOLFFANT, ËTOUFFAKTK. Âdj. Ycrbal lifc du V.
étouffer. 11 se inel ordinaircnicnl après son sub-
slaniif; ccpendanl il pourrait iiutiquelois le pré-
céder, surtout au rcniinin : Les étouffantes cha-
leurs nov s empêchèrent de continuer notre route.
A oyez Adjectif.
ÊTotFFEii. V.a. de lal"^^' conj. L'Académie ne
le dil au propre que dans le sens de suffoquer,
faire perdre la ros|)iralion, la vie. Ce verbe au
propre a une signilieation plus clendue. 11 signi-
fie sui)prinicr la connnunicaiion avec l'air libre.
On dil étouffer le feu dans un fourneau. On dit
au figuré, étouffer la révolte de ses sens, étouffer
le courroux, la haine.
Tu sais qu'à mou devoir tout euliére attachée,
TétouffaU de mes sens la révolte cachée. . . .
(YoLT., OEd., act. II, se. Il, 41.)
Tant de coups imprévus m'acohblent à la fois.
Qu'ils m'àteot la parole et m'étouffent la voix.
(lUc, Phid., acl. IV, se. il, 45.)
Ses malhears, lui dit-il, ont étouffé nos haines.
(Volt., Heur., I, 349.)
La paix a dans son cœur étouffé son courroux.
[Idem. VI, 549.)
Etourdi, Êtoirdik. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme étourdi, une femme
étourdie.
£tolrdiment. Adv. 11 se met après le verbe :
Agir étourdinient.
Étourdissant, Étourdissante. Adj. verbal tiré
du V. étourdir. Il se met après son subst. : Un
bruit étourdissant.
Étrange. Adj. des deux genres. L'Académie
définit ce mot, ce qui n'esû pas dans l'ordre
et dans l'usjige communs. Celle définition ne
convient p<iinî au mol étrange i ce qui n'est
pas dans l'ordre commun est désordonné , dé-
réglé, et sans ordre. Ce qui n'est pas dans l'u-
sage commun est extraordinaire. Etrange se dil
de" ce qui esl ou nous parait contraire aux no-
tions que nous nous sommes formées des choses,
d'après des expériences bien ou mal faites. Ce
qui paraît étrange à l'un ne le parait point à
l'autre; et ce que nous regardons quelquefois
comme étrange est très - conforme a l'ordre.
<juand nous disons d'un homme qu'il est étranne,
nous entendons que son action n'a rien de com-
mun avec celle que nous croyons qu'un homme
sensé doit faire en pareil cas; de là vient que ce
qui nous semble étrange dans un temps, cesse
quelquefois de nous le parailre quand nous som-
mes mieux instruits. Une affaire étrange est
celle qui nous offre un concours de circonstances
auquel on ne s'allendail point , moins parce
qu'elles sont rares, que parce qu'elles ont une
apparence de contradiction. Car si les circon-
stances étaient rares, l'affaire, au lieu d'éire
étrange, serait élonuante, surprenante, singu-
ù;re, elc. Cet adj. se met souvent avant son
ÈTR
27b
subst. : Étrangehomme, étrangehumeur, étrange
affaire, étrange aveuglement ; un humme étrange,
une humeur étrange. Voyez Adjectif.
Étrangement. Adv. 11 peut se mettre entre
l'auxiliaire et le [larlicipe : Il s'est étrangement
trompe, il s'est trompé bien étrangement.
Étranger, Étrangère. Adj. Kn prose, il ne S€
inel qu'après son subst. : Climats étrangers, lan-
gue étrangère. Karine l'emploie dans un sens
(jue l'Académie n'indique poinl :
David m'est en horreur, elles fils de ce roi,
Quoique nés de mon sang, sont étrang-rB pour moi.
[Ath., acl. II, se. Yii, 115.)
On dit aussi il est étranger à toute espèce cPitf
trigue, il est étranger dans ce pays.
Étrangir. V. a. delà 1" conj. Il signifie, se-
lon l'Académie, chasser d'un lieu, faire éloigner
d'un lieu, désaccoulumcr d'y venir : Les rats,
les vioincaux ont étrange les pigeons du colom-
bier. Elle ajoute qu'il se dil familièrement des
personnes : Il a su étranger les imp rtuns qui
venaient chez lui; Cl qu'il Se met aussi (pielque-
fois avec le pronom personnel: Le gibier s'est
étrange de cette plaine. — Il n'est usité dans au-
cun sens.
Étrangeté. Subst. f. On disait anciennement
estrangeté. Vieux mol qui signifiait merveille,
rareté, nouveauté, chose élonnanlc, extraordi-
naire. « Si le plus grand de tous los défauts, dit
La Harpe dans son Cours de littérature, esl de
ne pouvoir pas êlrc lu, quel reproche peut-on
nous faire d'avoir oublié les vers de Ronsard,
tandis que les amateurs savent par cœur plu-
sieurs morceaux de Marot et de Sainl-Gclais, qui
écrivaient tous doux trente ans avant lui? C'est
qu'en effet il n'y a pas quatre vers de suite qui
puissent êlre reicnus, grâce à l'étrangeté de sa
diction [s'il m'est permis de me servir de ce mot
nécessaire, et que l'exemple de plusieurs écri-
vains de nos jours devrait avoir déjà consacn^. »
[Cours de litt.. Il' part., liv. I, ch. i, t. iv, p. 77 )
Être. V. auxiliaire el substantif. Pour sa con-
jugaison, voyez Auxiliaire.
Comme verbe substantif, il sert à marquer la
liaison que nous faisons dans notre esprit de deux
termes d'une proposition, c'esl-à-dirc du sujet et
de l'allribut, Pierre est bon ; el par l'analyse, on
le retrouve dans tous les verbes adjectifs : Pierre
aime, c'est-à-dire Pierre est aimant.
Le verbe être esl auxiliaire lorsqu'il se joint
au participe passé d'un aulrc verbe, jiour en
former les temps composés, comme je suis aimé,
j'étais tombé, etc. Hors de la, c'est un verbe
substantif, c'est-à-dire qu'il ne signifie que l'af-
firmation, sans aucun attribut ; à moins qu'avec
l'affirmation il ne renferme le plus général de
tous les attributs, (jui est l'être, comme dans
celle phrase : Corneille était du temps do liacine,
c'est-à-dire existait du temps de Racine.
L'auxiliaire être sert à conjuguer les \erbes
passifs dans tous leslemps : Etre aimé, il est aime,
il était aimé; les temiiS conqKisi'S des verbes
pronominaux, et la plui)art des verbes neutres :
Je me suis blessé, j'étais arrivé, il est sorti,
etc.
Quand le verbe être est em[)Ioyé comme verbe
impersonnel avec des adjectifs eu des substan-
tifs, il rédl de avec l'infinitif, ou i/ve avec le
subjonctif: // est bon, il est vtile do faire, de
dire, etc.; ou que je fasse, (pic je dise, etc. Le
oremier est ordinairement préférable.
18
874
ÉTY
On dit U est des hommes qui, ou il y a des
hommes qui. Ces deux façons de parler sonl ad-
mises en prose ; mais la dcniicrc n'csl |)as souf-
ferte en vers, à cause do l'Iiialus. Voyez II.
On dilcVs< au maître à parler, c'est au dis-
(~iplc d'écouter. Les çraniinairiens disent que de
vaut mieux quand le verhe commence par une
voyelle ; Cest à nous d'obtir, et non pns à nbrir.
Nous ne saurions croire que la raison cle l'iiialus
soit la seule qui doive déterminer l'emploi de
deux prépositions qui expriment des rapjjorts si
diffcrcnls. Il nous semble qu'il faut emiiloyer à
lorsqu'il s'agit d'une action a faire par le sujet, et
de lorsque lo sujet ne doit pas agir, mais rester
seulement dans un état passif. Ainsi l'on dit bien
c'est au maître à parler, parce qu'il est question
d'une action que doit faire lo mailie; c'est au
disciple d^écnuter, parce que le disciple doit res-
ter dans un état passif; dans ce dernier cas, le de
n'est pas mis pour éviter l'hiatus, mais poijr
marquer l'état. On ne dirait pas c'est au disciple
à se taire; il faut dire efe se taire. Je conviens
qu'on doit, autant que l'on peut, éviter les hia-
tus; mais il ne faut i)as le faire aux dépens de
la nature des prépositions. H vaut mieux cher-
cher im autre tour.
.Avec la nrgation, est se met quelquefois à la
tête de la phrase et avant le sujet : N'est pas
toujours gaiquireut.
On dit ce qui est certain, et ce qu'il y a de
certain. La préposition de est nécessaire avec ce
qu'il y n ; elle serait de trop avec ce qui est.
On dit être d'une simplicité, d'ujie bêtise,
d'u?ie curiosité, etc. Les habitants de Paris sont
d'une curiosité qui va jv.iquà l'extravagance.
(Montesquieu, XXX* lettre persane.)
Étheime. Subst. L L'Académie ne le met
qu'au propre. Les meilleurs écrivains l'ont em-
ployé au ligure :
Et du nœud de l'iiynien Yétreinte dangereuse
Me rend infortuné, s'il ne tous rend heureuse.
(Volt., Zaïre, act. I, se. ii, 57.)
Étroit, Étroite. Ailj. Il se met avant le subst.
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Un chemin étroit, une rue étroite; des bas
étroits, des souliers étroits ; utie étroite alliance,
une étroite amitié; tine étroite v.iiion, une v?iio?i
étroite; une liaison étroite, une étroite liaison.
\oy(iz yidjectif.
ÉTRoiTKMi.NT. Adv. Il pout sc mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est élroitcvtent
attaché à la règle. On lui a étroitement défendu
de...
Êtdde. Subst. f. Voltaire a dit dans la Mort
de César (act. II, se. v, 6) :
T.i fièrc ingratitude
Se failHe m'ollcnscr une farouclie étude.
ÉTDDiF.R. V. a. de la 1" conj. L'Académie dit
étudier un homme, étudier les inclinations du
prince, étudier le monde. —■ On dit aussi étudier
te cœur de quelqu'un :
J'étudiai leur cœnr, je flattai leurs Caprices.
(Rac, Ath., act. HI, se. III, 76.)
ÉTYMOt.oGiE. Subst. f. Origine d'un mot, dé-
rivation d'un mot. Le mot d'où vient un autre
mol s'appollo primitif, et celui qui vient du pri-
mitif s'aiipclle dérive. On donne quelquefois au
primitif mcmo le nom A'élymologie ; ainsi l'on dit
(\\Xftpater est l'étymolosie de père. L'Académie
n'? Doint indiquécetle acception.
EUP
Étymologique. Adj. des deux genres, qui se
met toujours après son subst. On appelle art
étymologique, l'art de remonter à la source des
mots, de débrouiller la dérivation, l'altération et
le déguisement de ces inéincs mots, de les dé-
pouiller de ce qui, pour ainsi dire, leur est
étranger, de découvrir les changements qui leur
sont arrivés, et par ce moyen de les ramener à
la sinq)licilé de leur origine.
Eu. Il y a qucliiues observations à faire sur
ces deux lettres (]ni se trouvent l'une auprès de
l'autre dans l'écriture : 1" Eu, (juoique écrit par
deux caractères, ninditiuc ([u'un son .simple
dans les deux syllabes du mol heureux. La
Grammaire générale de Porl-Rjyal a remarqué
il y a long-lemps que eu est un son simple,
qu'oitpie nous l'écrivions avec deux voyelles.
Car ce qui fait la voyelle c'est la simiilicitc du
son et non la manière de désigner le son par une
ou plusieurs lettres. Les Italiens désignent le son
ou par le simple caractère v, ce qui n'empêche
pas que ou ne soil (également un sun simple soil
en italien, soit en français. Dans la diphlhongue,
au contraire, on entend le son particulier de cha-
que voyelle, quoiijue ces deux sons soient énon-
cés par une seule émission de voix , i-é,
pitié; u-i, nuit, bruit, fruit; au lieu que dans
feu vous n'entendez ni \'e, ni Vu; vous enten-
dez un son particulier tout a fait dilférenl de
l'un et de l'autre ; el ce qui fait écrire ce son par
deux caractères, c'est qu'il est formé par une dis-
position d'organes à peu près semblable à celle
qui forme \'e et a celle qui forme 1'»/. 2" Eu, par-
ticipe passif du verbe avoir, a subi plusieurs
variations dans l'orthographe. On a écrit heu,
puis simplement u; (Milin on écrit communément
en, ce qui a donné lieu de i)rononcer e-u, usage
qui s'était établi à la cour de Louis XIV, m.ais
qui n'a jamais été général. Aujourd'hui le bon
usage veut qu'on prononce?/, comme s'il n'y avaii
ijn'iin u. 3" Ett s'écrit œu dans a'uvre, .^œur,
bœuf, œuf. On écrit comiTiunément œil, el l'on
prononce euil. Voyez Diphllwngue.
EucnAiiisTiE. Subsl. f. Ch se prononce comme
k, el /z garde sa prononciation naturelle.
F( PHÊMisME. Subst. m. C'est une figure par
lafiuelle on déguise des idées désagréables, odieu-
ses ou tristes, sous des noms qui ne sont point
les noms propres de ces idées; c'est ainsi que
nous disons le maître des hautes œuvres, pour
ne pas dire le bourreau. C'est ainsi que nous di-
sons à un pauvre qui nous demande l'aumône.
Dieu vous assiste. Dieu mus bénisse, plutôt que
de dire /e n'ai rien a vous donner. Stiuvent, pour
congédier qucliiu'iin, on lui dit voilà qui est
bien, je vous remercie, au lieu de lui dire o//es-
vous-en.
EcPHOKiE. Subsl. f. Mot emprunté du grec, et
qui signifie prononciation facile, agréable. Cette
facilité de prononciation donl il s'agit ici vienl de
ia facilité du mécanisme des organes de la pa-
role. Par exemple, on aurait de la peine à pro-
noncer 7na âme, ma épée ; on prononce plus
aisément mon âme, mon épée. De même on dit
par euphonie, mon amie, el même m'umie, au
lieu de ma amie.
C'est par la raison de celle facilité dans- la
prononciation (jue, pour éviter la peine qtie cause
l'hiatus ou bâillement, lors(iu'un mol finit par
une voyelle el que celui qui suit connnence pa--
une voyelle, on insère quelquefois entre ces deu'
voyelles ccitaines consonnes y\\n mettent pius
de liaison dans les mois, et par conséquent plus
EUX
de facilité dans le jeu îles organes de la parole.
Ces consonnes soûl appelées Icilrcs ev phonique s.
C'est ainsi que l'on dit m'aimet-il, diia-t-on, au
lieu de wi '«me (7 ? dira on? Le t est la lollie
euphonique; il doit èlre entre deux tirets, et non
entre un tiret cl une aiwslroplic, parce qu'il n'y
a point de lettre supprimée. Mais il faut écrire
va-t'en, parce que le t représente le singulier de
vous ; on dit ru-t'en comme on dit allez-vous-
en, allons-nous-en.
On est un abrégé de homme ; ainsi comme on
dit l'homme, m dit aussi l'on : Si l'on veut. Le l
interromiil le bâillement que causerait la rencon-
tre des deux vuyelles i o.
S'il y a des occasions, dit Dumarsais, où il sem-
ble que l'euphonie fasse aller contre l'analogie
grammaticale, on doit se souvenir de cette ré-
flexion de Cieéron, que l'usage nous autorise à
préférer Terq^honie à lexactilude rigoureuse des
règles. — Jsous convenons de la justesse de la ré-
flexion pjur les cas où il ne s'agit que de quelque
accident grammatical, comme mon amitié, mon
^pée, au lieu de ma amitié, ma épée ; m:ds nous
n'en convenons pas si l'on veut eu inférer (jue l'eu-
phonie peut autoriser à changer la nature des
mots, et à employer, par exemple, au lieu d'une
préposition, une autre préposition qui a un rap-
port tout différent, comme à pour <//v ou de pour a.
EuPHOMQCE. .\dj. des deux aenres qui ne se
met qu'après son subsL Yoyez Evphonie.
EoROPÉKîs, EoRupÉENNt. Adj. 11 sc met toujours
après son subst. : Les nations européennes, les
mœurs européennes. "S'oltaire disait européen,
européane; mais l'usage n'a point adopté cette lo-
cution, et l'on dit généralement européen.
Eux. Pronom de la 3'' personne, m. pi. C'est le
pluriel de lui; mais il ne s'emploie pas comme
son singulier eu régime indirect; on y supplée par
le pronom leur, qui se dit au masculin et au fé-
minin. Voyez Leur.
Eux se met toujours après le verbe. Souvent
il est précédé d'une préposition, et alors il est le
terme du ra|ipori. S'il n'en est pas précédé, il est
le sujet d'une proposition. Dans ce dernier cas,
il ne se met jamais seul, et est suivi ou d'un
autre substantif ou de l'adjectif /«(?me : //* souf-
frent hcuuconp eux et leurs enfants, c'esl-à-dirc,
eus et letirs enfants souffrent beaucoup; ils le
disent cu.r-mêmes. — « Il est cependant certaines
I)lirascs où le pronom eux n'est pas place néces-
sairement après le veibe ; témoin ce vers de La
Fontaine (liv. XII, fable xvni, 6] :
Eux seuls seront exempts de la commune loi.
Mais il n'y a peut-cire que ce seul cas. » (A. Le-
mairC; Grammaire des Grammaires, p. 333.)
Après un substantif suivi de la préposition de,
\on n'emploie guère eux ; mais au lieu de ce pro-
|noui on met l'adjectif possessif Zcî/j- avant le sub-
jstantif. On ne dit jias c'est le livre d'eux, mais
■c'est leur livre. Cependant on dit /'ai besoin
d'eux, j'ai soin d'eux ; parce qu'avoir besoin,
avoir soin, sont des verbes, et qu'il ne s'agit pas
ici de S3ns possessif.
Eux s'emploie aussi pour rappeler au mascu-
iiii l'idée du pronom les mis en régime direct, et
pour lier ce pronom avec une proposition inci-
dente : P^ous les blâmez, eux qui n'ont suivi que
vos conseils.
Eux rappelle aussi ce même pronom au mascu-
lin, lorsque ce pronom partage lu fonction de ré-
gime a\ec un ou plusieurs substantifs placés
ÉVI 275
après le verbe, et sert à le lier avec ces substan-
tifs : Je les ai vus, eux et leurs enfants; jo les
ai vus, eux, leurs femmes et leurs enfants.
Eux sert aussi, dans un cas semblable, à raj)-
pclcr l'idée du pronom leur, employé c(jmmc ré-
gime indirect : Je leur aiparlc, à eux et à leurs
adhérents.
On peut dire, je veux leur parler ou je veux
parler à eux, mais avec la même différence de
sens que nous avons appliquée au mot lui. Voy.
Lui, Leur, Pronom, Amphib logie.
Ev.vcL'ANT, ÉvACLANTK. Adj vcrbal tiré du v.
évacuer. 11 ne sc met qu'après son subst. Ou peut
en dire autant de l'adjectif Évacualif.
EvASGÉLiQct:. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subsl. : Doctrine évangéliqx:e,
prédicateur ccangéliqtic.
ÉvA>cÉi.iQiKMEAT. .\dv. 11 SC met toujoui's après
le V. : // H prêché évangéliquement , et non pas
il a évangéliquement prêché.
EvA.NGiLE. Subst. m. Boileau l'a fait féminin
{Sat. XI, 1J2) :
L'Evangile au chfétien ne dit en aucun lieu ;
Sois dévot. EHc dit
De son temps, on mettait indifféremment ce
mot à lun ou à l'autre genro. Aujourd'hui, il
n'est plus que masculin.
ÉvAsiF, ÉvAsivE. Adj. qui no se met qu'après
son subst.
EvF,^TL•EL, ÉvENTCELLE. Aà']. qui suit toujours
son subst. : Traité éventuel, successioîi éven-
tuelle.
ÉvERsioN. Subst. f. 11 est peu usité.
Évidemment. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : Il a prouvé évidemment ce qu'il avait
avancé.
ÊvlDL^T, ÉVIDENTE. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsciue l'analogie et l'harmonie
le permettent : P'éHté évidente, preuve évidente,
proposition évidente; ces évidentes propositions .
Voyez Adjectif.
Evier. Subst. m. Ce mot signifie une pierre en
forme de table et légèrement creusée, avec un
conduit par où s'écoulent les eaux. On dit aussi
pierre d'évier et pierre à laver. Beaucoup do
femmes, quoique [)arlant assez bien leur langue,
disent un levier. Ce mot n'est pas français.
ÉvinBLE. Adj. des deux genres. Corneille a
dit dans Pompée (act. IV, sc. j, 37) :
Oui, par là seulement ma perte est évitabU.
P(»urquoi, dit Voltaire, à l'occasion de cette ex-
pression, pourquoi évitaUe n'est-il pas en usage,
\>\x\'i(\\\(iinérituble est reçu? C'est une grande bi-
zarrerie des langues, d'admettre le mot composé,
et d'en rejeter la racine. {Bemarques sur Cor
neille.) Isous avons, dit leraud d'après Bou-
hours, plusieurs mots composés qui sont très-
usités, quoique les simples ne le soient pas
comme inexorable, implacable, irréconcilialU
insatiable, indubitable, ineffable, immanquable,
inévitable, etc.— Dans sa derniérf édition, l'Aca-
démie admet ce mot, mais elle fait remarquei
qu'il est j^eu usité.
ÉVITER. V. a. de la i'^ conj. Ou demande si
l'on peut dire éviter quelque chose à quelqu'un
On le trouve dans de bons écrivains, et Eeraud
pense que si r.\cadémic ne l'a pas mis en ce sens,
c'est peut-être un oubli : Le lapin évite par la
à ses petits les inconvénients du bas âge. (Buf-
fon, le Lapin, t. XII, p. 544.) Je veux voui
S76
EXA
éviter Venrui de trouver cet homme maussade.
(Marmonlol.)
Maigre CCS autorités, nous ne pouvons nous
empôcîicr d'ap|irouvor les remarques suivaules,
que l'on trouve dans \cMumiel de la langue fran-
çaise, et dans la Grammaire des Grammaires
p. 1141). Éviter n'a point de régime indirect;
ainsi on ne saurait en faire usage dans lo sens
d'épargner. Éviter quelque chose d quelqu'un
présente donc une faute grave. En effet, si je dis
à quel(]u'un jV veux vous éviter celle peine, ce
que j'énonce est en opposition avec nui pensée;
car, loin à'ériler, de fuir la peine, je veux la
prendre sur moi en la faisant éviter, ou en l'e-
parg liant à la [tersonne à qui je parle. Éviter une
peine, un danger à quelqu'un, lie doit se dire
dans aucune langue, parce que c'est contre le
sens commun. Esl-il possible d'éviter une cluse
à quelqu'un, ou pour quelqu'un, si l'on veut que
la i)ersonne évite elle-même cette cliose? On
évite une chose purement et simplement, dit Do-
mcrguc, on ne Vcviic ni à soi, ni aux autres. Le
verbe éviter n'a point de régime indirect. Nos
bons écrivains ont employé le verbe épargner
lans le sens qu'on veut donner à éviter, ou bien,
is ont dit faire éviter :
l'épargne & sa Terlu d'clernels déplaisirs.
(Conx., Kicom., acl. III, se. ii, 59.)
Vous me pourriez sans doute épargner quelque peine
Si TOUS vouliez avoir l'âme toute romaiae.
(CottK., Ser(or., act. III, se. ii, 31.)
Ex, devant une voyelle, a le sou de gz : Exa-
gérer se prononce comme egzagércr. Devant une
consonne, il se prononce comme un c. Exciter
se prononce ecciter.
Exact, Exacte. Adj. On prononce le n et le t.
Il se met avant son subst., lorsque l'harmonie
et l'analogie le permettent. On peut dire vne
exacte recherche, une exacte perquisition. Mais
on ne dirait pas un exact homme, un exact récit,
un exact compte. On peut dire il a une exacte
con.iaissance des faits, OU une connaissance
exacte des faits.
Exactement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a suivi exactement
les ordres qu^on lui avait donnés, ou. il a exac-
tement suivi, etc.
ExAGÉr.ATEUR. Subst. m. Son féminin est exa-
gératrice, qui s'emploie surtout adjectivement ;
T'eûtes les passions sont exagératrices , et elles
ne sont passions que parce qu'elles exagèrent.
(Cliampfort, Maximes et Pensées, t. 1, p. 337.)
ExAGÉR.tTiF, ExAcÉRATivE. Adj. qui nc se met
qu'après son subst.
Exaltation. Subst. f. L'Académie ne dit point
exaltation du style, expression Irës-usitée depuis
longtemps.
Examen. Subst. m. L'Académie dit qu'on pro-
nonce ordinairement la syllabe finale comme celle
de chemin, mais que quelques-uns font, au sin-
gulier, sentir le u final, connue en latin. Il y a
aujourd'hui très-peu de personnes qui fassent
sentir ce n.
* ExANGUE. Adj. des deux genres. Vieux mot
qui signifiait futile. Prête exungue, diseur de fu-
tiliiés sonores en grands et en petits vers. On a
critiqué le mol exangue, qui est de Montaigne;
Miais, demande Diderot, ce mol n'est-il pas éner-
gique'' rs'aurait-il pas été regrellépar Voltaire,
•l mis au nombre des expressions que cet homme
EXC
de goût se proposait de restituer au vocabulaire
de l'Académie?
Exarchat. Subst. m. On prononce exarcat.
ExALcuH. V. a. de la 1" conj. L'Académie ne
le dit que de Dieu. Racine a dit dans Jphigénie
(act. I, se. I, S) :
Les vcots nous auraient-ils exauces cttle nuit?
Cette expression est bonne en poésie, mais elle ne
vaudrait rien en prose.
Excédant, Excédante. Adj. verbal tiré du v.
excéder. 11 nc se met qu'après son subst. : Les
sommes excédantes.
Excei.leji.ment. Adv. Il se met après le verbe ;
// a écrit excellemment. On prononce excéla-
ment.
Excellent, Excellente. Adj. Cet adjectif, ex-
primani la nature des choses, peut se mettre avant
son subst. : Une chose excellente, une excellente
chose ; un homme excellent, un excellent homme;
une musique excellente, une excellente musique ;
un ouvrier ezxellent, un excellent ouvrier, elc.
Voyez Adjectif. Excellent, étant par lui-même
un superlatif, n'esl pas susceptible de degrés de
comparaison. On ne dit i)as/)/«5 excellent.
Excepté. Préposition : Excepté un homme,
excepté une femme. Quand on le met après son
subst., il devient adj. : Une femme exceptée.
Excès. Subst. m. L'Académie ne défiuil ce
mot que dans l'acception morale. Au physique,
c'est la différence de deux quantités inégales; au
moral, l'acception n'esl pas fort différente. On
suppose pareillement une mesure à laquelle les
qualités et les actions peuvent cire comparées ;
et c'est par celle comparaison qu'on juge qu'il y
a excès ou défaut.
Excessif, Excessive. Adj. On i>eut le mettre
avant son subst., en consultant l'analogie et l'har-
monie. On nc dit [tas un excessif froid, un ex-
cessif prix; mais on dit «ne excessive chaleur,
une excessive clarté, une excessive ambition.
Voyez Adjectif.
ExcEssivEMi-KT. Adv. On pcut le mettre entre
l'auxiliaire et le i)articipe : Il a Lu excessivement,
il a excessivement hu.
ExcLAMATiF, ExcL\MATivE. Adj. qui marquc
l'exclamation , qui contient une exclamation :
Point exclamatif, proposition exclamative. Le
point exclamatif, que l'on a|tpelle aussi point
aduiiratif, se mel après les phrases qui expriment
la surprise, la terreur, la pitié, la tendresse, ou
quelque autre sentiment, comme dans 6 temps!
ô mœurs ! Qu'ai-je entendu.' Quelle surprise ex-
trême! Que je l'aime ! Que je l-e hais! Qu'il est
beau! \ oyez Admirât if.
Exclamation. Subsl. f. Figure de rhétorique
par laquelle l'orateur , élevant la voix, ei em-
j)loyani une interjection soit exprimée, soit s us-
entendue, fait paraître un mouvement vif de
surprise, d'indignation, de pitié, ou quelque autre
senliment excité par la grandeur et l'importancf
d'une chose. Les exclamations servent à donner
de la chaleur au discours, lorsqu'elles sont na-
turelles et appelées i)ar le sentiment de l'orateur;
mais rien n'est plus froid lorsqu'elles ne naissent
pas d'un sentiment vrai, et a l'occasion d'un ob-
jet qui nicriic ce senliment. Dans tous les cas, les
exclamations ne doivent point être prodiguées.
Exclure. V. a. et irrégul. de la 4*^ conj. Il se
conjugue comme conclure. Voyez ce mot. Il fait
au participe i)assé exclu, exclue. Autrefois on
disait aussi exclus, excluse :
EXE
Poar<{noi da ce conseil moi seule suis-je «xc{ua<?
(Rac, Baj., acl. II, se. m, 34.)
On ne le dit plus maintenant.
Exclusif, Exclusive. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Une raison. exclusive, un droit
exclusif, un privilège exclusif.
Exclusivement. Adv. Il se met à la fin de la
phrase où se trouve le verbe : Cela aura lieu
depuis le mois de mai jusqu'au mois d'oclubre
exclusivement. J.-J. Rousseau a dit exclusive-
ment à toutes sortes de fleurs ; et Bcgulus aimait
la patrie exclusivement à soi.
Excusable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme excusable, une
faute excusable.
Excuse. Subst. f. Demander excuse, employé
comme synonyme de demander pardon, dit la
Grammaire des Grammaires d'après plusieurs
grammairiens, est un vrai galimatias qui clKKjue
également et l'usage et la raison. En effet, on ne
peut exiger des excuses d'une personne qu'on a
offensée, ou la réparation serait pire que l'of-
fense. Si donc j'ai commis une faute envers
quelqu'un ou contre la civilité, ou contre la dis-
crétion, je dirai je vous fais vies excuses, je
vous pi~ie de m'excuser ; alors quand celui que
j'ai olfensé est satisfait, il reçoit mes excuses,
mais il ne m'accorde point d'excuses. Madame de
Sévignéa <\\\.jevous demande excuse ; mais c'est
en plaisantant. En général, les bons écrivains ont
dit : Je vous fuis excuse :
Pour TOUS, je ne veux point, monsieur, Tons faire exou««.
(Mol., École cU$ Maris, acl. III, se. X, 7.)
Quoi! tu faisais excuse à qui m'osait brader!
(CoRW., Nicom., acl. I, se. iv, I.)
Excuser. V. a. de la 1" conj. S'excuser régit
la préposition de : S'excuser de faire une chose,
s'en dispenser.
ExEAT. Subst. m. Mot tiré du latin , qui ne
prend point de s au pluriel. On prononce exéat
en fai^ant sentir le t linal.
Exécrable. Adj. des deux genres. Il se dit des
personnes et des choses, et peut se mettre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent : Un homme exécrable, un crime exé-
crable ; cette exécrable conduite le déshonorera
entièrement. Voyez Adjectif.
ExÉCRABLEMENT. Adv. Il 86 met après le
verbe.
ExÉcDTEtTR. Subst. m. Il fait au féminin exécu-
trice : On regardait les Furies comme les exé-
cutrices, et noncommelesvictimesdesvengeaiiccs
divines.
Exécutif, Executive. Adj. Il ne se met qu'a-
prés son subst. : Pouvoir exécutif, puissance
executive.
Exemplaire. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. ; F'ertu exemplaire, vie
exemplaire; châtiment, punition exemplaire.
Exemple. Subst. m. et f. Tous les grammairiens
ont dit f\Vi'exemple est féminin, lorsqu'il signMle
le patron, le modèle sur lequel un écolier ([ui
apprend à écrire forme ses caractères ; et qu'il
prend le même genre lorsqu'il signifie les lignes,
les caractères que l'écolier forme sur ce patron.
En 1835, l'Académie est d'avis que ce mot doit
toujours être employé au masculin ; mais elle
reconnaît que quelques personnes l'ont exemple
féminin dans ces deux acceptions : Une exemple
gravée. Il est, selon nous, conforme à la raison de
EXO
277
distinguer un exemple de vertu, et une exemple
d'écriture.
Corneille a dit dans le Cid (act. I, se. iv, 33) :
Instruisei-lc d'exemple.
Instruire d'exemple, dit 'Voltaire, me parait
faire un très-bel effet en poésie. Cette expres-
sion même semble y être devenue d'usage.
Il m'instruisait d'exemple au grand art des Iiéros.
(Volt., Henr., II, 115.)
[Remarques sur les sentiments de l'Académie.)
A'^oyez Imiter.
Exempt, Exempte. Adj. Le p ne se prononce
point. Cet adj. ne se met qu'après son subst., et
régit la préposition de : Exempt de blâme, exempt
de servir.
Exigeant, Exigeante. Adj. verbal tiré du v,
exiger. 11 ne se met guère qu'après son subst. ;
Un homme exigeant, une femrne exigeante.
Voyez Adjectif.
Exigence. Subst. f. On a employé ce mot dans
un sens que l'on ne iniuvc |)as dans les diction-
naires. On lui a fait signifier, ce que les hommes
exigent les uns des autres. Mirabeau a dit: Les
diverses religions varient dans leurs dogmes,
soîis varier dans leurs exigences.
Exiger. V. a. de la 1"' conj. Demander quel-
que chose en vertu d'un droit légitime ou pré-
tendu tel. Exiger suppose que la personne à
qui l'on demande a de la répugnance à accorder.
Dans la conjugaison de ce verbe le g doit tou-
jours avoir la prononciation du/, et pour la lui
conserver lorsqu'il est précédé d'un a ou d'un
0, on met une uiuet avant cet a ou cet o .• .l'exi-
geais, exigeons ; et non pas /'exilai «, exigons.
Exigible. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst.
Exigu, Exiguë. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. On fait sentir Vu au féminin comme
au masculin.
- Exiguïté. Subst. f. On fait sentir I'm à part.
Exil. Subst. f. On fait sentir le l, mais sans '
mouiller.
Exiler. V. a. de la 1" conj. L'Académie»,
le met point au figuré. Racine a dit dans Béré-
nice (act. V, se. v, 51) :
.... Laissej-moi du moins partir persuadée
Que déjà de Totre âme exilée en secret, etc.
Existant, Existante. Adj. verbal tiré du v.
exister. Il ne se met qu'après son subst. : Tous
les hommes existants, toutes les femmes exis-
tantes.
Exorable. Adj. des deux genres. Corneille a
dit dans Cz«7ja(act. III, se. m, 3S):
Rendei-le, comme vous, à mes vœux exorable.
.Ê'aroj-ûôZe, dit Voltaire, devrait se dire; c est un
terme sonore, intelligible, nécessaire, et digne
des beaux vers que débite Cinna. II est bien
étrange qu'on dise implacable, et non placuble;
âme inaltérable, et non pas âme altérable ; héros
indomptable, et non [las héj-os domptable. [Re-
marques sur Corneille.)
Montesquieu a dit en parlant d'un prince;
Qu exorable à la prière, il soit ferme contre les
demandes [Esprit des lois, liv. XII, chap. 27);
et Mirabeau en parlant du peuple : noient, mais
exorable; excessif, mais généreux. — L'Acadé-
mie, en 1S35, l'a adopté; mais elle remarque
qu'il est peu usité.
S78
EXP
ExoRBiTABMEnT. Adv. On petit le mettre entre
l'auxiliaire cl le {parlicipc : Il a dépensé cxorbi-
tamment, ou il a exorlituimneitt dépensé.
Exorbitant, Exorbitante. Adj. On peut le
mettre avant son subst. en coiisnliani l'oreille et
1 anii'loçie : Des dépenses exorbitantes, d'exorbi-
tanies dépenses.
ExoRDE. Stibst. m. C'est, ditCiccron, une partie
du discours dons laquelle on prépare doucement
l'esprit des auditeurs aux choses qu'on doit leur
annoncer par la suite. L'exurde est modéré ou
Drusque. Dans le premier, l'orateur prépare ses
auditeurs, et les conduit par degrés et comme
insensiblement aux choses ([u'il va leur proposer;
dans le second, il entre brusquement en maiioro,
et étonne son auditoire en paraissant lui-même
transporté de quelque passion subite.
Les qualités del'exorde sont la convenance, la
mudestieetla brièveté. Par la convenance, l'exorde
est naturellement lié au reste du discours dont
il est l'introduction; par la modestie, il fraie
le chemin à la persuasion; par la brièveté, il
conserve le caractère qui lui est poopre, et rejette
tout ce qui ne tend pas à préparer l'auditeur à
ce qu'on va lui dire.
Le style de l'exorde doit être noble, grave, me-
suré. C'est la partie du discours qui doit être tra-
vaillée avec le plus de soin, parce (jue c'est elle
qui commence à donner de l'orateur une opinion
favorable ou défavorable.
Expansible. Adj. des deux genres. Qui est ca-
pable d'expansion. 11 ne se met qu'après son subst.
ExPANsiF, ExPANsivE. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. Qui a la force de s'étendre, d'é-
tendre : Principe expansif, bonté expansive.
Expansion. Subst. f. Ce mot s'emploie depuis
queUjue temps dans un sens moral -.Il y a dans
te ctiiactcre du Français une expansion origi-
nale, f^nyagez deux jours dans une voiture pu-
blique ; lorsqu'on en descend, vous dii'iez, aux
înutuclles démonstrations d'ainitié, que ce sont
des amis de vingt ans qui se séparent. (Mercier.)
Expectant, Expectante. Adj. qui ne se met
qu'après son subst.
Expectatif, Expectative. Adj. qui ne se met
qu'après son subst.
Expectorant, Expectorante. Adj. verbal tiré
du V. expectorer. \\ ne se met qu'après son subst. :
Remède expectorant.
Expéditif, Expéditive. Adj. Il ne se r'st qu'a-
près son subst.
Expéditionnaire. Adj. m. qui se prend sub-
stantivement. 11 ne se met qu'après son subst. :
Commis cxpédilionnuire. — Subst. : Un expédi-
tionnaire.
ExpÉîUKNCE. Subst. f. Ce mot signifie commu-
nément la connaissance acquise i)af un long usage
de la vie, jointe aux réflexions que l'on a faites
sur ce qu'on a vu et sur ce qui nous est arrivé
de bien et de mal. Quand on dit d'un homme
qu'z'Z a de l'expérience, qu'jZ est expérimenté,
on veut dire qu'outre les connaissances que cha-
cun acquiert par l'usage de la vie, il a observé
particulièrement ce tiui regarde bOn état. Cet es-
prit d'observation est nécessaire pour acquérir
de l'expérience. C'est ce que l'Académie n'a
pas suffisamment fait sentir dans la dclinition
qu'elle a donnée de ce mot ()ris en ce sens. Dans
cette acception, ce mol n'apoinl de pluriel.
En physi(}ue, le mot expérience se dit des
épreuves que l'on fait pour découvrir les diflé-
rentes opérations et le mécanisme de la nature.
En ce sens, il a un pluriel : On fuit des expé-
EXP
riences sur la pesanteur de l'air, sur les phos-
phores, sur l'électricité. Les médecins font assez
souvent des expériences.
EXPÉIUMENTAL, ExPÉRI.VENTALF.. Adj. qui DC S«
met qu'après son subsl. : Philosophie expérimen-
tale, physique expérimentale. Ce mot n'a point
de iiluriel masculin.
Expert, Experte. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. , et régit quelquefois la préposition en :
Expert en chirurgie.
E.XPIATOIRE. Adj. des deux genres qui ne se
met ([u'après son subst. : Sacrifice expiatoire,
œurre expiatoire.
Expier. V. a. de la 1" conj. L'Académie ne
dit pas qu'il peut s'employer avec le pronom i>ep-
sonnel. Voltaire a dit dans Sémiramis (aet. I,
se. V, 59) :
Et peut-être il est temps que le crime s'«xptc.
Expirant, Expirante. Adj. verbal tiré du v.
expirer. Il suil presque toujours son subsl. :
Les époux expirants sous leurs toits embrasés.
(Volt., Henr., II, 263.)
Je vis nos ennemis vaincus et renversés,
Sons nos coups expirants, devant nous disperses.
[Idem, m, 197.)
Expirer. V. n. de la 1" conj. Racine a dit dans
Phèdre (acl. V, se. vi, 80) :
... A ces mots, le héros expiré, etc.
Le père Brumoi et l'abbé d'Olivet ont repris cette
expression ; et depuis ce temps-là les grannnai-
riens ont fait une règle de celte critique.
Le verbe expirer, dit la Grammaire des
Grammaires (]). 1147), est du nombre des ver-
bes neutres qui admettenl les deux auxiliaires
être et avoir; mais il faut distinguer dans ce
verbe le sens propre et le sens figuré. Dans le
sens propre, il convient aux personnes ainsi
qu'aux animaux, et se conjugue avec l'auxiliaire
avoir. Dans le sens figuré, il convient aux cho-
ses, et se conjugue avec l'auxiliaire être. D'a-
près ces principes, il est clair qu'on dira aussi
bien mon bail expiré, il faut que je me retire ;
la trêve expirée, on reprendra les armes ; que
mon bail étant expiré, il faut que je vie retire ;
la trêve étant expirée, on reprendra les armes,
parce que dans tous les verbes, excepté dans les
verbes neutres (jui se conjuguent avec avoir,
l'auxiliaire peut être sous-entendu. .Mais on s'ex-
primerait incorrectement si l'on dhnW. un homme
expiré, puisque expirer, quant aux personnes,
ne se dit qu'avec l'auxiliaire ar^dr, et (\u\iyant
ne se supprime jamais. D'ailleurs expirer, quant
aux personnes, est, de même que marcher, un
verbe neutre. Or, ( omme on ne peut pas dire un
homme marché, de même on ne peut pas dire un
homme expiré.
Examinons la nature du verbe expirer, et nous
verrons que la Grammaire des Grammaires s'é-
carte des vrais principes. Le verbe expirer, soit
au propre, soit au figuré, exprime deux choses
bien différentes : avec avoir, une action; avec
être, un état qui résulte de cette action. On dit
(lu'i/n homme a expiré à deux heures, pour dire
<|u'à cette heure-la il a fait l'action de rendre le
dernier soupir. Mais lorsqu'un lionune a expiré,
il résulte de celte action un état bien différent de
celui où il était avant cette action, et c'est pour
exprimer cet état qu'on doit joindre l'auxiliaire
être au j'grlicipe du verbe expirer: Cet homme
EXP
est expiré. On ne me niera pas nue l'action de
rendre le dernier soupir ne mette un homme d;ins
un état diflVMcnl de celui où il était auparavant ;
on ne rac niera pas t|u'il ne soit utile et souvent
nécessaire d'ex|)rimer t-et état ; il l'aul dt)nc m'ac-
cordcr que l'on doit dire qu'un lionime est ex-
piré, pour exprimer qu'il vient de rendre le der-
nier soupir. On me dira |)eut-êire, pourquoi ne
dites-vous pas qu'(7 est mort? Mais il est mort
exprime un étal par opposition à la vie en gé-
néral, et non par oi)po>iliùn au dernier sou-
pir que Ton vient de rendre. Alexandre et César
sont morts; mais on ne peut jias dire quzïs sont
expirés, parce que cette dernière expression ne
se dit que de l'état de ceux qui viennent de ren-
dre le dernier soupir. Ou croit avoir fait une
comparaison bien juste, et une réjjonse sans ré-
plique, quand on a dit qu'on ne peut pas dire
qu'i/n hi mme est marché; mais on ne remar-
que pas tpic le cas est bien différent. Le verbe
viarcher n'exprime pas une action dont l'exécu-
tion produise un état nouveau dans celui qui l'a
faite. Un homme qui a marché est dans le même
état où il était avant de marcher; mais un homme
gui a expiré n'est certainement pas dans le même
état où il était avant d'expirer. Dans le premier
cas, il n'y a point d'état à exprimer ; dans le se-
cond, il y en a un; et pour l'exprimer on doit
dire cet homme est expiré. D'ailleurs l'Académie
nous donne expirer comme le synonyme de mou-
rir ; jwurquoidonc ne pourrait-on pas direî7 est
expiré, comme on dit Ù est mortf
Dans le sens figuré, le verbe expirer prendra
de même, tantôt l'auxiliaire avoir, tantôt l'auxi-
liaire être, selon (ju'on voudra exprimer le mo-
ment où l'expiration a eu lieu, ou l'état qui ré-
sulte de cette expiration. On dira donc inon bail
a expiré hier, ou, sans marquer d'époque, 7non
bail est expiré. Si l'on ne i)Ouvait pas dire le pre-
mier, il cxiFterait une vue de l'esprit que l'on ne
|K)urrait exprinuM-, ce qui serait dans la langue
une marque de pauvreté.
Malgré les critifpies du père Brunioi et de
l'abbé d'Olivet, Voltaire et plusieurs autres écri-
vains ont mieux aimé imiter Hacine :
Ce noaveaa coup nous perd, et ce monslre expire. . .
(Gueires, act. Y, se. T, 47.)
El d'un père expiré, j'apportais en ces lieux
La volonté dernière el les derniers adieux,
[Zaire, act. Y, se. X, 21.)
L'abbé Desfonlaines a dit que cette expression,
quoique hardie, ne blesse point l'oreille, parce
que tout lecteur qui a du goût doit penser
que la poésie ayant un langage à part , ce
qui serait faute grammaticale pour le prosateur,
ne l'est pas toujours pour le pnëlc. L'abbé Des-
ibntaines î-c trompe; ce n'csi pas comme licence
poétique que Yoliairea cuqiioyé cette expression,
car il en a aussi fait usage en prose. Il dit dans sa
préface du Commentaire sur la Sophonisbe de
Corneille, enjiarlant de la Si.phonisbe de Mairet :
Là, c'est jUussinisse qui, en vi,yunt Sophonisbe
expirée, etc. IJnguet et plusieurs autres n'ont
pas fait difficulté de se servir de cette expression,
et je crois que tous ces exemples doivent la faire
adopter.
Explétif, Expi.étive. Adj. qui ne se met qu'a-
près ïon subsl. C'est un terme de grammaire qui
vient du latin explere, renq)i:r. On api)elle mois
explétifs ceux (jui" ne servent, comme les inter-
jections, qu'à remplir le discours, et n'entrent
EXP
279
pour rien dans la construction de la i)luase, dont
on entend également le sens, soit (pie le mol ex-
plétif soit énoncé ou (pi'd ne le soit pas. jN'otre
moi et notre vous sont (piehpiefois explétifs dans
le langage familier. On se sert de 7uoi tptand on
parle à l'impératif et au présent :
Avant que de parler, prenez-moi ce mouclioir.
(.Mol., Tartufe, acl. III, se. ii, 7.)
On se sort de vous dans les narrations : n vous
la prend et l'emporte. Notre même est souvent
exj)lélif : Le roi y est venu lui-même. J'irai
moi-même. Lui-même , moi-même , n'ajoutent
rien à la valeur du mot roi, ni à celle de je.
Parmi nous, dit l'abbé Régnier, il y a aussi des
particules explétives : par exemple, les pronoms
me, te, se, joints à la particule en, comme quand
on lin je m'en retourne, il s'en va; les pronoms
moi, toi, lui, employés par répétition : S'il ne veut
pas vous le dire, je vous le dirai, , moi ; il ne
m'appartient pas, a moi, de me mêler de vos af-
faires; U lui appartient bien, à lui, de parler
comme il fait, etc.
Les mots enfin, seulement, à tnut hasard,
après tout, ne doivent souvent être regardés que
comme des mots explétifs et surabondants, c'est-
à-dire des mots qui ne contribuent en rien à la
construction ni au sens de la proposition ; mais
ils ont deux services.
L'Académie a remarqué que dans celte phrase,
c'est une affaire oii il y va du salut de l'Etat,
la particule y parait inutile, puisijue où suffit
pour le sens; mais, dit l'Académie, ce sont là des
îornmles dont on ne peut rien ôter. {Décisions
de V Académie française.) La particule ne est
aussi souvent expléii\ e, et ne doit pas pour cela
être retranchée : Je crains que vous ne veniez
m'interroiiipre. Que fait là ce «c? Je devrais dire
simplement, /e crai/is que vous veniez. Non, dit
l'Académie; il est certain, ajoutc-t-ellc aussi bien
que Vaugelas, Boubours, etc., tiu'avec craindre,
empêcher et quelques autres verbes, il faut ué-
cessaireinent ajouter la négative ne: J'empêche-
rai bien que votis ne soyez du nombre.
C'est la pensée habituelle de celui qui parle
qui attire celte négation : Je ne veux pas que
?}ous veniez; je crains, en souhaitant que vous
ne reniez pas. ISIon esprit, tourné vers la néga-
tion, la met dans le discours. Ainsi le |)reiuier
service des particules explétives, c'est d'entrer
dans certaines façons de parler consacrées par
l'usage. Le second service el le plus raisonnable,
c'est de répondre au sentiment intérieur dont on
est affecté, et de donner ainsi plus de force ci
d'énergie à l'expression. L'inlelligence est promp-
te, elle n'a qu'un mstant; mais le sentiment e^^
plus durable : il nous affecte, et c'est dans le
temps que dure cette affection que nous laissons
échapper les interjections, et que nous pronon-
çons les mois explétifs, qui sont une sorte d'in-
terjection, puisqu'ils sont un effet du sentiineiit :
C'est à TOUS d'en sortir, vous qui parlez. .
(Mol., Tartufe, acl. lY, se. Vil, 19
Fous qui parlez est une phrase explétive qui
donne itlus de force au discours.
Je l'ai TU, dis-je, vu, de mes propres i/em vu,
Ce qu'on appelle tu.
(Mol., Tartufe, act. Y, se. m, 55.)
Kl je ne puis du tout me inellre dans l'esprit
Qu'il ail voulu tenter Us choses que Ton dit.
[Idem, 50.)
280
EXP
Ces mots, ru de mes yeux, du tout, sont explétifs,
et ne scrveni qu'à mieux assurer re que l'on dit :
Je ne parle pas sur le témnignarie d'un autre ;je
l'ai ru mni-mème,je l'ai entendu de mes propres
oreilles. (DuiiKirsiUS.)
Explicable. Ailj. ilcsileux çenrcsqui ne se met
qu'après son sulisl. : Passage explicable.
Explicatif, Explicative. .\dj. qui ne se met
qu'après sou subsl. : Commentaire explicatif.
Explicite. .Xilj. des deux genresqui ne se met
qu'après sou suhsl. : f^donti' explicite.
Explicitement. .\dv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le i)arliiipe: Cela est contenu ex-
plicitement dans le contrat, cela est explicite-
ment dit dans le contrat.
ExposiTiF, FxposiTivE. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. Terme de grammaire. On dis-
tineue les propositions expnsitives et les propo-
sitv ns intcrrocjatives. Voyez Proposition.
Exposition. Sul>s'.. f. En lormc de lillcralure,
on culpnd par cx[)osilion, la connaissance que
l'on donne, au coinmcnccnionl d'un ouvrage, du
sujet que l'on y traite. Dans le poëine épique,
l'exposition est directe et ne demande pas beau-
coup d'art. Elle doit être simple, majestueuse,
claire et précise, assez intéressante pour fixer
l'attention, mais sans orgueil et sans emphase, en
sorte qu'au lieu de promettre de grandes choses,
elle en Tasse espérer.
Dans le pocine dranwtique,rexposilion est pins
difficile, parce qu'elle doit être en action, et que
les personnages eux-mêmes, occupés de leurs in-
térêts et do l'état présent des choses, doivent en
instruire les spectateurs sans aucune intention ap-
parente que de se dire l'un à l'autre ce qu'ils se
diraient s'ils étaient sans témoins. L'art de l'expo-
sition dramatique consiste donc à la rendre si na-
turelle, qu'il n'y ait pas même le soupçon de l'art.
L'exposition se fait ou tout d'un coup ou suc-
cessivement , selon que le sujet l'exige : c'est
ainsi que, dans Héraclius, le secret de l'action se
développe d'acte en acte, et n'est pleinement
éclairci qu'au moment de la catastrophe; au lieu
que dans le Cid, dès la première scène tout est
connu.
Les expositions de ces deux pièces sont citées
comme des modèles d'exposition pour la tragédie;
et celles du Tartufe, du Misanthrope, de \' É-
cole des maris et du Malade imaginaire, comme
des modèles de l'exposition comiipie. (Extrait de
Marmonlel )
Exprès, Expresse. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un cominandcmcnt exprès, une loi
expresse. Voyez le mot suivant.
Exprès. Adv. 11 ne se met qu'après le verbe :
Il a fait cela exprès, ou tout exprès; il l'a fait
exprès pour vous chagriner. Voyez le mot sui-
vant.
Expressément. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On vous l'a défendu
expressément, ou on vous l'a expressément dé-
fendu.— Expressément n'est pas la même chose
<\\\'cxprès. Exprès signifie à dessein; expressé-
ment veut dire en termes exprés, furmels; on
fait une chose exprès, on dit une chose expres-
sément. Ainsi, dans ces vers de ['École des ma-
ris (acl. II, se. IX, 9) :
J'ai Toulu l'acheter, l'édil, êxpretiément.
Afin que d'IsabtUe il soit lu hautement,
c'est du mot exprès que Molière aurait dû se ser-
vir. (Bret, Commentaire sur Mol.)
Expressif, Expressive. Adj. Il ne se met qu'a-
ie XT
[irès son subst. : Un terme expressif, une façon
de parler expressive . Un ton, un signe, un geste
expressif.
Exquis, Exqdise. Adj. En prose, il se met or-
dinairement après son subst. En vers, le féminin
précède quehpiefois ce subst. Gresset a dit dans
f^ert-vert (1,115):
Mille bonbons, mille txquites douceurs
Chargeaient toujours les poches de nos sœurs,
ExTATiQCE. Adj. des deux genres On peut le
mettre avant son subst. lors(pie l'analogie et
l'harmonie le permettent. On dit ravissement ex-
tatique , tran.<!pnrt exiatigue. llousseau a dit
dans son Epitre au baron de Breteuil (v. \^t\) :
D'un faux béat.
h' extatiiue grimace
Voyez Adjectif.
Extension. Subst. f. Terme de grammaire. On
dit qu'un mot signifie telle ou telle chose par
extension , pour dire qu'outre sa signification
primitive, il a encore telle ou telle signification
(lui a rapport avec la première, et qui lui a été
donnée à cause de ce rapport. Par exemple, le
mot feuille so dit au propre et dans sa significa-
tion primitive et naturelle, des feuilles des plan-
tes, et on l'a dit par extension des choses qui
sont plates et minces comme les feuilles des plan-
tes. Ainsi l'on a dit par extension, une feuille de
papier, vne feuille de carton, une feuille de fer-
blauc, une feuille d'or, %tne feuille d'étain, etc.
Glace, dans le sens propre, est le nom de l'eau
gelée; ce mot signifie ensuite par extension un
verre poli, une glace de miroir, une glace de car-
rosse, une sorte de composition de sucre et de
blanc d'œuf que l'on coule sur les biscuits, ou
que l'on met sur les fruits confiis, et enfin une
sorte de liqueur congelée. Il y a même des mois
qui ont perdu leur première signification, et
n'ont retenu que celle qu'ils ont eue par exten-
sion. Florir, florissant, se disaient autrefois des
arbres et des plantes qui sont en fleur; aujour-
d'hui on dit fleurir au propre, et florir au figu-
ré; si ce n'est ta l'infinitif, c'est au moins dans les
autres modes de ce verbe; alors il signifie être
en crédit, en honneur, en réputation : Pétrarque
florissait dans ce siècle ; une armée fl,nrissante,
un empire florissant. Voyez Catachrese.
Extérieur, Extérieure. Adj. 11 ne se met
qu'après son subst. : Les parties extérieures, les
ornements extérieurs.
Extérieurement. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaire et le pariicipe.
Exterminateur. Adj. On ne trouve nulle part
comment il faut dire au féminin. Nous pensons
qu'on pourrait dire exterminatrice. Le glaive
exterminateur; la guerre, la peste extermina-
trice.
Externe. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Cause e.vtertte.
Extraire. V. a. et irrégulier de la 4' conj. Il
se conjugue comme traire. Voyez ce mot.
Extrait. Subst. m. Ce mol se dit, en littéra-
ture, d'une exposition abrégée, ou de l'cpitome
d'un grand ouvrage. Les journaux et autres ou-
vrages périodiques où l'on rend compte des ou-
vrages nouveaux, conliennent ou doivent conte-
nir des extraits des matières les plus importantes,
ou des morceaux les plus frappants de ces
ouvrages. L'extrait d'un ouvrage philosophique,
historique, etc., n'exige pour être e.xact que de
FAB
la justesse et de la netieté dans l'esprit de celui
qui le fait. Fxprimcr l;i subslnncc de l'ouvrage,
en présenter les raisonnements ou les laits capi-
taux dans leur ordre ou dans leur jour, c'est à
quoi tout l'art se réduit. Mais pour un extrait dis-
cuté, combien ne faul-il pas réunir de talents et
de lumières I (Marmontcl.)
K.\TRA0RDi>MRK. Adj. dcs dcux genres. En gé-
néral, il se met après son subst. On pourrait blâ-
mer, dans madame de Sévigné, la vie de cet homme
est une extraordinaire chose, ^extraordinaire
chose est dur. .Mais nous ne croyons pas i^u'on
puisse lui reprocher d'avoir dit j'ai une extra-
ordinaire envie de savoir de vos nouvelles. \'oyez
Adjectif.
ExTRAORDiNAiREMENT. Adv. On peut Ic mettre
entre l'auxiliaire et le participe : lia dépensé ex-
iranrdinairement cette semaine, ou il a extra-
ordinairement dépensé cette semaine.
ExTRAVAGAM.MEM. Adv. On pcut Ic mettre en-
tre l'auxiliaire et le participe : // s'est conduit
extravagamment dans cette affaire, OU il s'est
extravagamment conduit dans cette affaire. II
est peu usité.
Extravagant, Extravagante. Adj. verbal tiré
du V. extravaguer. Cet adjectif s'écrit sans u
FAB
281
après le g, quoiqu'il vienne du verbe extrava-
guer. Mais le participe actif extravaguant prend
cet «. Il peut se mettre av;ini son subst., lorsque
l'harmonie et l'analogie le pemiellent : Cette ex-
travagante idée nous fit pouffer de rire.
FXTRÊ.ME. Adj. des deux genres. L'Académie
dit les maux les plus extrêmes; et Fér;iud re-
marque, à celte occasion, que cette phrase est
bonne parce qu'elle est consacrée par l'usage;
mais qu'en général, extrême ayant la force d'un
superlatif, n'est pas susceptible de degrés de com-
paraison. Nous pensons que Féraud est dans
l'erreur. L'extrémité a des degrés; car on dit
être réduit aux dernières extrémités.
Extrêmement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le panicijie : Il s'est eTtrêmement
trompé. Il régit la préposition de. Il n'y aura
pas extrêmement de vin cette année.
ExTnÉMiTÉ. Subst. f. Voyez Fin et Extrême.
EXDLCÉRER. V. a. de la \" conj. Terme de
médecine. Voltaire a employé ce mot llgurément,
dans le sens de piquer fortement : Les diatribes
sont moins faites pour exulcérer, qu'une épi-
gramme fine et mordante.
Ex-voTO. Subst. m. Mot tiré du latin, qui ne
prend point de .y au pluriel : Des ex-voto.
F.
F. Subst. m. On prononce fe. Celte lettre con-
serve presque toujours le son qui lui est propre
au commencement et au milieu des mots. A la fin
des mots, elle se fait sentir au singulier comme
au pluriel, aussi bien devant les mois qui com-
mencent par une consonne que devant ceux qui
commencent [lar une voyelle : Fif désir se
prononce comn.e vif amour. Il y a quelques ex-
ceptions, qui seront indiquées aux articles des
mots sur lesquels elles tombent.
F en musique indique le fa ; c'est aussi le nom
de la plus b;isse des trois clefs. Au-dessus ou au-
dessous d'une des lignes de la portée, il signifie
encore fort ou forte. Deux F majuscules placés
ainsi : rF, indiquent (ju'il faut jouer très-fort,
fortissime. — Doublé, en caractères ordinaires,
mais unis ou identifiés [ff], il désigne les Pan-
dectes. — Il est l'expression du mot frère lors-
qu'il s'agit d'un moine et dans les sermons. —
Dans les"beaux-arts,/>c., abréviation du mol latin
fecit, suit souvent la signature de l'artiste. —
Dans le commerce, F" indique le folio d'un re-
gistre ou d'un livre. FL signifie florin; f. franc.
— Fsuv les pièces de monnaie est la marque de
la Tille d'An sers.
Fable. Subst. f. L'Académie dit que le mot
fable se pi end dans un sens collectif pour signi-
fier loutes les fables de l'antiquité païenne. Il fal-
lait dire tuules les fables de la théologie pnïenne.
En ce sens, le mot fable n'a point de [)luriel :
Étudier la fable. On divise la fable, prise col-
lectivement, en fables historiques , philosophi-
ques, allégoriques, morales, mixtes, et fables
inventées à jdaisir. On dit qu'un homme est la
fable du peuple, la fable de tout le monde, la fable
de la ville, pour dire qu'il est la risée du peu-
ple, delà ville, etc. U paraît que cette expression
peut s'employer aussi dans le style noble.
Racine dit dans Iphigénie (act. II, se. vu, 26) :
Sais-je, sans le savoir, la fable de l'armée ?
La fable est le récit d'une action feinte, desti-
née à l'amusement et à l'instruction, sous le voile
de l'allégorie.
On a dit le style de la fahle doit être simple,
familier, riant, gracieux, naturel et même naïfi
il faillit dire et surtout naïf
Tous les caractères d'esprit se concilient avec
la naïveté, hors la finesse et l'affectation . D'où
vient que Janot Lapin, Jiobin Mouton, Carpil-
lon Fretin, la Gent Trotte-Menu, etc., ont tant
de grâce et de naturel? d'où vient que don Ju~
gement, dame Mémoire et demoiselle Imagina-
tion, quoique très-bien caractérisés, sont si dé-
placés dans la fable? Ceux-là sont du bon homme,
ceux-ci de l'homme d'esprit.
Si La Fontaine enqiloie des personnages allégo-
riques, ce n'est pas lui qui les invente : on est
déjà familiarisé avec eux. La Fortune, la Mort, le
Temps, tout cela est reçu. Si quelquefois il en
introduit de sa façon, c'est toujours en homme
simple ; c'est que si que non, frère de la Discorde;
c'est tien et mien, son père, etc.
Lamotte, au contraire, met toute la finesse
qu'il peut à personnifier des êtres moraux et mé-
taphysiques : Personnifions, dit-il, les vertus et
les vices; animons, selon nos besoins, tous les
êtres; et, d'après celte licence, il introduit la
A'ertii, le Talent et la Réputation, pour faire faire,
à celle-ci un jeu de mots à la fin de la fable. C'est
encore pis lorsque V Ignorance, grosse d'enfant,
accouche û' Admiration, de demoiselle Opinion,
et qu'on fait venir ['Orgueil et la Paresse pour
uommer l'enfant, qu'ils appellent la Férité. La-
motte a beau dire qu'il se trace un nouveau che-
min ; ce chemin l'éloigné du but.
Encore une fois, le poêle doit jouer dans la
fable le lole d'un homme simple et crédule; et
celui qui personnifie des abstractions métaphysi-
ques avec tant de subtilité, n'est pas le mênru?
qui nous dit sérieusement cpic Jean Lapin, plai-
SM
FAB
dant contre dame Belette, allégua la coutume et
Vusaçte.
Mais comme la crédulili; -lu poëlc n'est jamais
plus naïve, ni par fonsi-iiuent plus amusante, que
dans lies sujets dt'poiirvus (le vraisembianto à
notre égard, ces sujets vont l)caiieoup plus droit
au hut'iic l'apologue (iwc ceux qui soûl naturels
et dans l'ordre des possibles.
La fable des Deux Amis, le Paysan du Da-
nube, Philémon et Baticis, ont leur cliarme et
leur intéicl iiarticulicr; mais qu'on y prenne
garde, ce n'est là ni le charme ni l'intcrél de l'a-
polosue. Ce n'est point ce doux sourire, cette
complaisance intérieure qu'excite en nous Jaiiot
Lapin, la Mmiche du coche, etc. — Dans les pro-
inières, la simplicité du poëlc n'est qu'ingénue et
n'a rien de ridicule; dans les dernières, elle est
naïve, et nous amuse à ses dépens. C'est ce qui a
fait ]>enscr que les fahles où les animaux, les
plantes, les êtres inanimés parlent et agissent à
notre manière, sont peut-être les seules qui mé-
ritent le nom de fahles. (Extrait de Marmontel.)
Voyez Apologue.
Dans les poëmes épique et dramatique, la fa-
ble, Vaction, le sujet, sont communément pris
pour synonymes; mais, dans une acce[)ijon plus
étroite, le sujet du poëme est l'idée subsantielie
(leVaction; l'ac/ioH, par conséquent, est le déve-
loppement du sujet; Vi/iirigue e^l cette même
disposition, considérée du côté des incidents qui
nouent et dénouent Vaction.
Fabliaux. Subst. m. plur. Les anciens poëmes
connus sous le nom de fabliaux sont des poëmes
qui, bien exécutés, renferment le récit élégant et
naïf d'une action inventée, petite, plus ou moins
intriguée, quoique d'une certaine proportion,
uiais agréai le ou plaisante, dont le but est d'in-
struire ou d'amuser.
Fablier. Subst. m. ^ladame de la Sablière ap-
pelait La Fontaine un fablier, pour signifier qu'il
portait des fables comme un arbre porte des fruits.
On emploie encore quelquefois ce mot pour dé-
signer cet illustre fabuliste. La Harpe dit, en
parlant d'un conte de Tasserat, qui a eu, dans
cette seule pièce à la vérité, le iiaturelchannant
et les grâces de notre fablier. (Cours de lit ter.,
IP part., liv. I, cliap. 1, t. iv, p.l']4.)
Fadricatecr. Subst. m. Onne trouve nulle part
comment il faudrait dire au féminin. Nous pensons
que rien n'empêche de dire fabricatrice.
Faeuleusement. Adv. Il n'est point usité.
Fabuleux, Fabuleuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst. : Une histoire fabuleuse. Us di-
vinités fabuleuses. La fabuleuse antiquité. Voy.
Adjectif.
Fabuliste. Subst. m. Auteur qui écrit des fa-
bles, c'est-à-dire des narrations fabuleuses, ac-
compagnées d'une moralité qui sert de fondement
à la fiction. — Ce mot est de finvenlion de l.a
Fontaine; c'est Lamotte qui nous l'apprend.
Lorsijue cet ingénieux auteur fit paraître ses fa-
bles en '170y, c'est-à-dire plus de quarante ans
après la publication de la préface de l.a Fontaine,
il remanpiait (p. 12 de l'édit. in-4") (jue le mot
fabuliste était encore nouveau, et il n'osait s'en
servir qu'en s'appuyanl de l'autorité de ce poëte.
En effet, on ne trouve ce mot ni dans les auteurs
de notre ancien langage, ni dans le Dictionnaire
de Nicot, et l'Académie ne l'avait pas admis en-
core dans la première édition de son Diction-
naire, qui fut publiée après la mort de l.a Fon-
taine. {M. Walckenaer, Notes sur la Préface des
Fables de La Fontaine, 1. 1, p. 18, éd. de 1827.)
point admis dans le
FAC
Face. Subst. f. Ce mot se dit figurément de l'é-
tal, de la situation des affaires; et en ce .sens il
appartient au style noble comme au style familier.
Il suffit, j'ai parlé, tout a changé de (ace,
(Uac, Brititn., acl. V, 8C. lit, U.).
iMa fortune Ta prendre une face nouvelle.
[Rac., Ànirom., act. I, se. i, 2.,
Voire fortune cliange et prend une autre face,
(Rac, PMi., act. 1, 3C V, 5.,
Face, dans le sens de visage, ne se dit plus dans
le genre noble. Il parait que, du temps de Racine,
il était admis dans la poésie :
Pyrrhus m'a reconnu mais sans changer de face.
[AnArom., acl. V, se. m, 9.;
Eh face. Préposition. Elle régit de : Cette viai-
son est située en face du château.
Facétie. Subsl. f. Il n'est iioint
style noble.
Facétieusement. .\dv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire elle participe : // nous a raconté fa-
cétieusement cette aventure, ou il 7ious a facé-
tieusement raconté cette aventure.
Facétieux, Facétieuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., quand l'harmonie et l'analogie
le permettent. On ne dirait pas un facétieux
homme, une facétieuse femme; mais il nous
semble tpie rien n'cm[)ôcherait de dire %ine fa-
cétieuse aventure.
Facette. Subst. f. L'Académie ne le dit qu'au
propre ; mais il me semble que madame de Sévi-
gné a dit avec i)eaucoup de justesse, les choses
de ce inonde sont à facettes.
Fâcher. V. a. de la i" conj. Corneille a dit
dans Rr:dogu7ie (act. II, se. ii. M) :
Son retour me fâchait plus que son hymooée.
Ce mot fâcher, dit A'ollaire, ne doit jamais entrer
dans la tragédie. {Beman/ues sur Corneille.)
L'Académie explique /ac/ier par mettre en co-
lère. Cette explication est fausse. On est fâché
sans être en colère : Je l'ai vu souvent en colère,
mais je ne l'ai jamais vu fâché. ^J.-J. Rousseau,
Confessions.)
Faculrie. Subst. f. Voltaire l'a employé dans
une lettre à Maupertuis, écrite en style plaisant :
Je crois que votre fâcherie est un de ces effets de
la liberté de Vhomme dont il n'y a point de rai-
son à rendre.
Fâcheux, Fâcheuse. Adj. Il se met souvent
avant son subst. : Fâcheux accident, fâcheuse
nouvelle, fâcheuse condition, fâcheux état. On
dit u/i fâcheux personnage, tuais on ne dit pas
un fâcheux homme. Voyez Adjectif.
Faciende. Subst. f. Ce mot, recueilli par l'Aca-
démie, n'est plus usité.
Facile. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Une chose facile, un esprit
facUe. Joint à un infinitif il régit à : Cicéron est
facile à entendre. Lorsiju'il est joint au verbe
être pris impersonnellement, il régit la préposi-
tion de : Il est facile de se tromper.
Lorsijuc /aci'Ze régit «, il donne au verbe régi
le sens passif. — Il ne faut pas dire des /ivres
faciles à se procurer, mais des livres qu'il est
facile de se procurer.
Ce mot ne signifie pas seulement une chose ai-
sément faite, mais encore qui paraît l'être. Le
pinceau du Corrége est facile. Le style do Qui-
nauli est beaucoup plus facile ([ue celui de Des-
FAC
préaux, comme le slylc d'Ovide l'emporte en fa-
cililé sur celui de Perse.
Celle facililé en peinture, en musique, en élo-
quence, en poésie, consiste dans un nalurcl lieu-
reux (jui n'adniel aucun tour de recherclie, et
qui peut se passer de force et de proiondcur.
Ainsi les tableaux de Paul Vcronèse ont \ni air
plus ftcile et moins liai que ceux de Michel-
Ange. Les symphonies de Kanicau sont supérieu-
res à celles de Lulli, cl semblent moins faciles.
Bossuel csl jilus vcrilablemcni élociuent et plus
facUev\}ic Fléchier. Eousscati, dans ses épitres,
n'a pas à beaucoup près la facililé et la vérilc de
Desprcaux.
Le commcnlalcur de Desprcaux dit que ce
poëtc laborieux avait appris à l'illuslre Racine à
faire dinicilenient des vers , et que ceux qui pa-
raissent faciles sont ceux qui ont été faits avec
le plus de difûculté.
il est très-vrai qu'il en coûte souvent pour
s'exprimer avec clarté; il csl vrai qu'on peut ar-
river au naturel par des efforts; mais il est vrai
aussi qu'un heureux génie produit souvent des
beautés faciles sans aucune peine, cl que l'en-
ihousiasme va plus loin que l'arl.
La plupart des morceaux passionnés de nos
bonsjwëtes sont sortis aclievés de leur plume, et
paraissent d'autant plus faciles qu'ils ont en effet
été composes sans travail : l'imagination alors
conçoit et enfante aisément. Il n'en est pas ainsi
dans les ouvrages didactiques; c'est là qu'on a be-
soin d'art pour paraître facile. 11 y a, par exem-
ple, bcaucouj) moins de facilité que de profondeur
dans l'admirable Essai sur l'Homme, de Pope.
On peut faire facilement de très-mauvais ou-
vrages qui n'auront rien do gêné, qui paraîtront
faciles, et c'est le partage de ceux qui ont, sans
génie, la malheureuse habitude de composer.
C'est en ce sens qu'un personnage de l'ancienne
comédie, qu on nomme italienne, dit à un autre :
Tu fais de méchants vers admirablement bien.
Le terme de facile est une injure pour une
femme, et est quelquefois dans la sociélô une
louange pour un homme; c'est souvent un dé-
faut dans un homme d'État.
Les mœurs d'Atticus étaient /àctVw; c'était le
plus ain:aMe des Ilomains. La facile Cléoi)âtre se
donna à Antoine aussi facilement qu'a César. Le
facile Claude se laissait gouverner par Agripi)inc.
Facile n'est là par rapport h Claude qu'un adou-
cissement ; le mot propre est faible.
Un homme facile est en général un esprit qui
se rend aisi'-menl à la raison, aux remontrances,
un cœur qui se laisse fléchir aux prières; un
homme faille est celui qui laisse prendre sur lui
trop d'autorité, (^'olt., Dict. philos.)
FACiLEMnNT. Adv. 11 ne se met guôie qu'après le
verbe : Il parle, il écrit faciJcmciit.
Facilitk. Subst. f. On dit avec la préposition
de, la facilité d' entendre, d'upprendre, de s'in-
struire, parce qu'il s'agit d'actions qvii s'opèi'cnt
dans le sujet même. Mais il faut employer la pré-
position à lorsqu'il s'agit d'actions qui ont un
but hors du sujet : Il a une grande facilité à
parler, à s'expriîner, à se faire comprendre, à
enseigner. Voyez Facile.
Faciutek. V. a. de la 1" conj. Faciliter
une affaire, faciliter les moyens de faire une
chose, faciliter quelqu'un à faire une chose.
Faconde. Subst. f. Vieux mot qui n'est plus
en usage que dans les poésies badines.
FAD
^285
Façonner, v. a. de la -1" conj. L'Acadéuiie dit
qu'il est aussi neutre dans le style familier, et
qu'alors il se dit des diflicultcs qu'on fait d'ac-
cepter quelque chose : Pourquoi tant façonner?
acceptes ce qu'on vous offre. Cette acception
n'est d'usage ni dans le style familier, ni dans
aucun autre style. On dit dans ce sens, pourquoi
fui^e tant de façons?
Factk^. Adj. des deux genres. En prose, il ne
se met ([u'après son subst. : Pierres factices, ca-
ractère factice.
Factieux, Factieuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst. : Un esprit factieux, des sol-
dais factieux, cette factieuse assemblée. Voyez
Adjectif.
Faction. Subst. f. L'Académie définit ce mot,
parti, cabale dans un État, dans une ville, dans
un corps, dans une compagnie. Voltaire a rectifié
cette définition. La principale acception de ce
terme, (lit-il, signilie un parti séditieux dans un
État. Le terme Reparti, par lui-même, n'a rien
d'odieux; celui de faction l'est toujours. Un
grand homme et un médiocre peuvent avoir ai-
sément un parti à la cour, dans l'armée, à la ville,
dans la littérature. On peut avoir un parti par son
mérite et par la chaleur cl le nombre de ses amis,
sans être chef départi. Le maréchal de Câlinât,
peu considéré à la cour, s'était fait un grand
parti dans l'armée, sans y prétendre. Un chef
de;3ar/iest toujours un chef de faction; icls ont
été le cardinal de Retz, Henri, duc de Guise, et
tant d'autres. — Un parti séditieux, quand il est
encore séditieux, quand il est encore faible,
quand il ne partage pas tout l'Étal, n'est qii'une
faction. La faction de César devint bientôt un
|)arli dominantqui engloutit la république. Quand
l'empereur Charles VI disputait l'Espagne a Phi-
lippe V, il avait un parti dans ce royaume, et
j enfin il n'y eut plus ([u'une faction ; cependant
on iieut dire encore le parti de Charles f'^I. Il
n'en est pas ainsi des hommes prives. Descartes
I eut longtemps un parti en France; on ne peut
dire qu'd cul une faction. C'est ainsi qu'il y a
des mots synonymes en plusieurs cas, qui cessent
de l'ôlre dans d'autres. {Dict. philos.)
Factotum. Subst. m. Ce substantif, comme tous
ceux qui sont empruntés des langues anciennes
ou ctrangércis, ne prend point de s au pluriel.
F.^ctum. Subst. m. C'est un mol emprunté de
la langue latine ; il ne prend point de s au plu-
riel : des factu7n.—Cc terme a été employé dtfosle
style judiciaire, lorsque les procédures et les juge-
ments se l'cdiseaicul en latin, pourexpiimcr le fait,
c'csl-à-dire les circonstances d' une affaire. On a en-
suite intitulé et ap|ielé/Y(c^Mfn un mémoire conte-
nant l'exposition d'une alïaire conlentieuse. Ces
sortes de mémoires furent ainsi appelés, parce (j ne,
dans le temps qu'on les rédigeait en lalin, ou y
mettait en iclc le mol fuctxim,i\ cause qu'ils ciitii-
mençaient par Pcxiiosition du fait, «lui précède
ordinairement celle des moyens. Depuis que
François I" eut ordonné, en 1533, de rcuiger
tous les actes en français, on ne laissa pas de
conserver encore au palais (juclques ternies la-
lins, du nombre desquels fut celui de faclum,
que l'on mettait en tête des mémoires.^ Depuis
longtemps on a substitué le terme de mémoire à
celui de factum.
Fade. Adj. des deux genres. Au figuré, on peut
le mettre avant son subst., lorsque l'analo;ne et
l'harmonie le permettent. On dilwne viande fade,
ttne sauce fade, une mine fude, une couleur fade;
284
FAI
maison pourrait dire «ne fade conversation, de
fades louanges.
Fagdf.nas. Subst. m. On ne prononce pas le s.
Odeur fade el mauvaise. Ce mot, que l'on trouve
dans le Dictionnaire de V Académie, n'est plus
usité.
Faible. Adj. des deux genres. On écrivait der-
nièrement foible. C'est \ ollaire qui a introduit
faible. On jjrononce fèl>lc. Cet adj. peut se met-
tre avant son subst., quand l'harmunie et l'ana-
logie le permettent : Un homme faible, une
femme faible, une âme faible, un remède faible,
ou i/;i faible remède; une mémoire faible, OU
une faible viémoire ; un jour faible, OU «;» fai-
ble jour.
A peine un faible jour vous éclaire et me guide.
(RiC, Iphia.. ad. I, se. i, 5.)
Une faible raison, un faible raisonnement, vn
^aible argument, une faible défense, un faible
secours, un faible soulagement, une faible espé-
rance, vn faible souvenir. Voyez Adjectif.
Faible se dit des ouvrages ile littérature. Un
ouvrage, dit Voltaire, peut être faible par les
licnsccs et par le stylo : par les pensées, quand
elles sont trop communes, ou lorsqu'étant jus-
tes elles ne sont pas assez approfondies; par
le style, quand il est dépourvu d'images, de
tours, de ligures qui réveillent l'attention. Les
i-iraisons de Mascaron sont faibles, et son style
n'a p;is de vie en comparaison de celui de Bos-
suet. Toute harangue est faible quand elle n'est
pas relevée par des tours ingénieux et par des
expressions énergiques; mais un plaidoyer est
faible quand, avec tout le secours de l'éloquence
et toute la véhémence de l'action, il manque de
raison. Nul ouvrage philosophique n'est faible,
malgré la faiblesse d'un style lâche, quand le
raisonnement est juste et profond. Une tragédie
est faible, quoique le style en soit fort, quand
l'intérêt n'est pas soutenu. La comédie la mieux
écrite est faible, si elle manque de force comi-
que. Les vers faibles ne sont pas ceux qui pè-
chent contre les règles, mais contre le génie, (jui,
dans leur mécanisme, sont sans variété, sans
choix de termes, sans heureuses inversions,
et qui, dans la poésie, conservent trop la simpli-
cité de la prose. Voyez Fragile.
Faiblement. Adv. On écrivait dernièrement
faiblement. C'est Voltaire qui a introduit faible-
ment. Il peut se mettre avant le verbe : // s'est
défendu faiblement ; ou entre l'auxiliaire et le
participe : // s'est faiblement défendu.
Faiblesse. Subst. f. On écrivait dernièrement
faiblesse. C'est Voltaire qui a introduit faiblesse.
On i)rononce féblesse :
N'espérons des liumains rien que par leur faiblesse.
(Volt., Brut., act. III, se. ii, 73.)
Faillible. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. On mouille les deux /.
Faillibilité. Subst. f. On mouille les deux l.
Faillir. V. n. , irrrégulicr el défectueux
de la 2' conj. On mouille les /. Il n'est guère
d'usage qu'au passé simple .Je faillis, tu faillis,
il faillit; nous faillîmes, vous faillîtes, ils fail-
lirent ; au passé composé, j'ai failli, etc.; aux
temps composés tant de l'indicatif que du sub-
jonctif;;! l'inlinitif, faillir; et au participe pré-
%CM, faillant.
L'Académie dit faillir à tomler, et faillir de
tomber.
FAI
Il nous semble que l'on dit il a failli à, .si le
verbe qui suit exprime une action qui s'opère
hors du s\ijot, ctijui indique un but auquel tend
ce sujet, ou auijucl il atteint sans le vouloir: Il
a failli ix me tuer, il a failli à me ruiner ; <i\.
que l'on dit il a failli de, lorsque l'action expri-
mée par le verbe suivant s'opère dans le sujet
même, el n'indique pas un but auquel tend le
sujet, ou qu'il atteint : lia failli de se contre-
dire, il a failli de tomber, le vaisseau a failli
à'être submergé. Selon l'Académie, on dil aussi
sans i)r('posi\\<m, j'ai failli mourir, l'oublier, elc.
Nous nouspennellrons sur ces derniers exem-
ples quelques observations, que nous ne donnons
que comme notre opinion j*arliculiére. II nous
semble qu'on ne peut jamais dire faillir sans
préposition, lorsque le sens indique un but. On
ne dit pas il a failli me tuer; mais on dil il a
failli à me tuer. On ne peut donc le dire sans
préposition, qu'en supprimant de : j'ai failli
mourir, au lieu de j'ai failli de mourir; j'ai
failli tomber, au lieu de j'ai failli de tomber.
Mais entre ces deux expressions nous remarquons
une nuance qui exige cpie l'on préfère tantôt
l'une, tantôt l'autre. Si un honune a eu une ma-
ladie grave qui l'ait mis pendant quelque temps
entre la vie el la mort, on dira bien il a failli de
mourir; de exprime le doute, l'incertitude, les
chances. Mais si un homme se trouve mal subi-
tement, au point que sa mort paraisse certaine,
inévitable, on diia il a failli mourir. On dit
j'ai failli de tomber, lorsiiuc j'ai eu le temps
défaire des efforts pour éviter la chute; cl fat
failli tomber, lorsque la cause subite de chute
n'a été balancée par aucun effort. On dit j'ai
failli de vous écrire, parce que la phrase suppose
délibération, chance, possibilité d'écrire ou de
ne pas écrire; mais on ne dit pasj'ni failli vous
écrire.
Faillir se disait autrefois pour faire une faute.
Racine a dil dans Phèdre (act. I, se. i, 99):
Aucuns nionàlres par moi domptés jusqu'aujourd'liui.
Ne m'ont acquis le droit de /aidir comme lui.
El Pascal : Comme il arrive à tout le monde
de faillir. {Pensées, p. 244.) — En abolissant ce
mot, l'usage n'en a point établi d'autre qui ex-
prime la même idée.
Faim. Subst. f. Ce mot n'a point de pluriel.
Fai.>éant, Fainéante. Adj. 11 ne se met qu'a-
près son subst. Ce mot n'est pas du style
noble.
Faire. V.a. el irrég. de la 4' conj. Voici com-
menl il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je fais, tu fais, il fait,
nous faisons, vous faites, ils font. — Imparfait.
Je faisais, tu faisais, il faisait; nous faisions, voriS
faisiez, ils taisaient.. — Passé simple. Je lis.
tu fis, il lit ; nous fiuîes, vous files, ils lirent. —
Futur. Je ferai, tu feras, il fera ; nous ferons,
vous ferez, ils feront.
Conditionnel. — Présent. Je ferais, tu ferais,
il ferait; nous ferions, vous feriez, ils feraient.
Impératif. — Présent. Fais, qu'il fasse; fai-
sons, faites, qu'ils fassent.
Subjonctif. — Présent. Que je fasse, que (u
fasse?, qu'il fasse ; que nous fassions, que vous
fassiez, qu'ils fassent. — Imparfait. Que je lisse,
que tu fisses, qu'il fit ; (jue nous lissions, que
vous fissiez, qu'ils lissent.
Participe. — Présent. Faisant. — Passé. Fait,
faite.
FAI
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
On prononce fesant , je fesais , tu fesais, il
fesait, itovs fcsioiis, rotis fesiez, ils fesaient.
— Vollaire, et, à son exemple, plusieurs lillcru-
teurs, l'ont même écrit ainsi ; mais Uumarsais,
Condillac, Girard, Bcauzce, d'Olivet et Domer-
gue, se sont tK)nslamment opposés à l'adoption
de ce changement, et l'Académie l'a formellement
rejeté.
Cependant Wailly, Féraud, Demandre, laissent
ie choix d'écrire nous fesons ou nous faisons;
je fesais ou je faisais; et ils s'appuient de
l'opinion Je Roilin [Traifé des études, liv II,
ohap. i, art. 1), (jui pense qu'il serait con-
forme à la raison de préférer iious fesons, je
fesais écrit avec un e, parce i]ue celte ortho-
graphe se trouve d'accord avec la prononciation.
[Grammaire des Grammaires, p. 562.) .\utrc-
fois on écrivait au futur je fuirai, au lieu <Je/e
ferai; il est probable que, malgré ies grammai-
riens qui s'y opposent, l'usage deviendra bientôt
général d'écrire nous fesons, au lieu de nous
faisons, etc.
Ne faire que sortir et rentrer, signifie sortir
et rentrer continuellement. Ne faire rue de
sortir, c'est être sorti depuis peu. — Je n'ai que
faire de cela, je n'en ai pas besoin, je ne ni'en
soucie pas. — Je ne sais qu'y faire ; ce n'est
pas ma faute; je n'y puis que faire, je ne puis y
remédier.
Se faire moine. — Se faire à quelque cJiose.,
s'y accoutumer. — Impersonnellement : Il fait
chaud, il fait froid, etc. Voltaire dit, dans tes
Remarques sur Corneille, que dans la poésie
noble, on doit éviter autant qu'on le peut le mot
faire.
La remarque suivante du même auteur peut
servir de correctif à la précédente. Toutes les fois,
dit-il, que lemot/àiren'cst pas suivi d'un article,
il forme une façon de parler trop familière. Faire
assaut, faire force de voiles, faire de nécessité
vertu, faire ferme, faire brèche, faire halte, etc.,
toutes expressions bannies du vers héroïque.
[Remarques sur Nicomède, acl. II, se. ii, 43.)
Voyez Participe.
Faire se met souvent pour un autre verbe
qu'on ne veut pas répéter, comme je n'écris plus
tant que je faisais autrefois. On ne peut s'in-
téresser plus tcîidremcnt que je fais à ce qui
vous tov.che. (Madame deSt^vigné.)
Une des propriétés du verbe faire est de
s'identifier avec l'infinitif qui le suit imiaédiate-
mer.l, et de ne former avec cet infinitif qu'un
seul et môme verbe dont le sens est toujours
actif. D'où il résulte que le verbe /àtre doit être
précédé des pri:)iioiiis lui, leur, et non des pronoms
le, la, les, lorscp.ie l'infinitif a un régime direct ,
car un verbe actif ne |)cul avoir deux régimes
directs : On lui fil obtenir un emploi; on lui fit
faire cette démarche ; et qu'il veut avant lui les
pronoms le, la, les, toutes les fois que le verbe
qui est à l'infinitif n'a point après lui de régime
direct : On le fit renoncer à ses prétentions ;
on le fit consenlir à cette demayide.
Faisable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Une chose faisable.
Faiseor. Subst. m. Ce mot se dit des person-
nes qui coni[)oscnt dos harangues, des discours
d'apparat, etc., pour ceux qui doivent les pro-
noncer. Les évé<[ues qui manquent de talent ou
de bonne volonté i)our faire des mandements ou
des sermons, ont des faiseurs qui les débarras-
FAL
285
sent de ce soin. Les hommes de lettres, dit Mer-
cier, ont été les faiseurs de tout ce que le clergé,
la cour, la finance et les parlements ont dit d*
mieux. On jirononce feseur, et plusieurs l'écri-
vent. Voyez Faire.
En |)arlant de modes et d'ouvrages recherchés,
on dit cet ouvrage est du bon faiseur, de la
bonne faiseuse, c'est-à-dire de l'ouvrier, de l'ou-
vrière qui est en réputation. — On dit par mé-
pris d'un mauvais poète, d'un mauvais auteur,
c'est un faiseur de re7's, un faiseur de livres.
Faite. Subst. m. L'Académie dit au figuré ie
faîte des grandeurs , le faîte des honneurs, le
faîte de la gloire. — Dû dit aussi le faîte du pou-
voir :
Viiicennes, tu n'es plus qu'un séjour détestable
Q'une prison d'ÉUt, qu'un lieu de désespoir,
Où tombent si souvent, du fritte du pouvoir,
Ces ministres, ces grands qui tonnent sur nos t^tes.
(YoLT., //fiir., VI, 376.)
Fallacieux, Fallacieuse. Adj. Corneille a dit
dans Rodogune (act. II, se. i, 1) : Serments fulla-
cieu.v ; et Vollaire dit à celle occasion : L'élo-
quent Bossuel est le seul qui se soit servi, après
Corneille , de celte belle épilhùle, fullacieus.
Pourquoi appauvrir la langue'/ Un mot consacré
|>ar Corneille et Bossuel peut41 être abandonné?
[Remarques sur Corneille.) J.-J. Rousseau j
aussi employé ce mot, et Roubaud pense qu'il
est beau et nécessaire. Une politique fallacieuse
est tout autre chose qu'une politique trompeuse.
— L'Académie, dans sa dernière édition, reinar
que qu'il ne s'emploie guère que dans le style
élevé.
Falloir. V. n. impersonnel de la 3'-' conj. Il
faut, il fallait, il fallut, il a fillu, il faudra,
il faudrait; qn'il faille, qu'il fallût. L'mfinitif
n'est point usité. On mouille les l dans qu'ii
faille.
Falloir, dans le sens de manquer , ne s'em-
ploie qu'avec la particule en et le pronom de !a
troisième personne : Il s'en faut beaucoup, il s'en
faut de beaucoup. On dit il s'en faut de beau-
coup, quand il est question d'ex{jrimer qu'une
quaniité n'existe pas à beaucoup prés : F'ous
croyez vi'avolr payé tout ce que vous me devez,
il s'en faut de beaucoup; mais quand on veut
exprimer une grande différence entre deux per-
sonnes ou deux choses, on dil simplement U s'en
faut beaucoup: Il s'en faut beaucoup que l'un
soit du mérite de l'autre. (Acad.) fl s'en fallait
beaucoup aidant Pierre le Grand que la Russie
fût aussi puissante, qu'elle dît nitant de (erres
cultivées, autant de sujets, autant de revenus
que de nos jours. (Volt., Histoire de Russie,
part. T, chaii. ii.)
Il s'en faut exprime dans toute sa conjugaison
une absence, une privation dont le sens négatif
se porte sur la proposition subordonnée, \lors,
quand ce verbe n'est accompagné ni d'une né-
galion, ni de quelque mot qui ait un sens néga-
tif, tels que peu, guère, presque, rien, elc, la
proposition subordonnée ne jirend pas la néga-
tive ne : Il s'en faut de beaucoup que la somme
y soit. Il s'en faut beaucoup que l'un ait autant
de mérite que l'autre. Mais lorsqu'il s'en faut
est précédé de la négation, ou accompagn- des
molspeu, ^i/è7-e, etc., qui ont un sens négatif;
ou bien encore si la phrase marque mterrogation
ou doute, la proposition subordonnée prend la
négative ne : Il ne s'en faut pas de beaucoup que
la somme n'y soit, lls'en faulpeuque l'un h'ait
286
FAN
autant de mérite que l'attire; il s'e7i fallait
peu qu'il n'eût achevé; il s^en est peu fallu
qy^U n'ait été tué; il ne s'en fallut guère
qu'il n'en vînt à biut; il ne s'en faut presiue
rien qu'il ue soit aussi grand que son frère.
Peu s'en faut que je n interrompe ici iimn dis-
cours. (Fléchier, Oriiison funèbre de Turenne,
p. 436.) Peu s'en est fallu qu'ils no l'aient ob-
tenu à la honte de la raison. (l)'AleiTibcrl.)
Pen s'en faut qtie Mathui ne m'ait nommé son père,
(RiC, Âth., ad. III, se. Yi, 4.) ■
Falot, Falote. Adj. Au masciiHn, il ne se met
qu'ai>rC3Sonsubsl. : Conte falot, aventure falote.
Au féminin, on peul dive cette falote aventure.
Falmficatetjti. Subst. m. On ne trouve nulle
parlcoimncnt il faut dire en parlant d'une femme.
Il nous scniblc que rien n'empêche de dire falsi-
firatrice.
Famé, Famée. Adj. Il est toujoui-s précédé des
mots bieti ou mal : Bien famé, mal famée. 11 ne
se met qu';!prés son subst. : Un homme bien fa-
mé, une femme mal fumée.
Faméliqce. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analo^e ot
rhaiinonie le permettent : Un auteur famélique,
ce famélique auteur, \o\iii Adjectif .
Fameox , Fameuse. Adj. 11 peut se mettre
avant ou après son subst. : Un conquérant fa-
meux, un fameux conquérant; vn écrivain fa-
meux, un favieiix écrivain ; un orateur fameux,
un fameux orateur. On ne dit ni un fameux
homme, ni une fameuse fsTwme. Voyez Adjectif.
C'est un poids bien pesant qn'uu nom trop tôt fameux;
Valois ne soutint pas ce fardeaa dangereux.
(ToLT., fleur., lU, 41.)
En parlant des choses, il régit quelquefois la
préposition en devant les noms; mais alors ces
noms doivent être au pluriel. 11 faut donc dire
une mer fameuse en orages , et non pas en
orage. La raison en est qu'un orage seul ne suffit
pas pour rendre une mer fameuse.
Faijii.iek, Familière. Adj. 11 ne se met qu'a-
piès son subst. : Un commerce familier, un air
familier, discours familier, style familier.
Familù;reîient. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ils ont vécu fartiilic-
rement ensemble. Pendant longtemps Un ont fa-
milièroiicnt vécu ensemble.
Fanal. Subst. m. 11 fait fanaux au pluriel.
Fanai iQCE. Adj. des deux genres. 11 so dit des
per.sonnes et des choses : Un zèle fanatique, des
opinions fanatiques , ses fanatiques discours.
On peut le mettre avant son subst., en consultant
l'harmonie cl l'analogie. On ne dit pas un fana-
tique homme, mais on pourrait dire, dans cer-
tains cas, cette fanatique fureur, ces fanatiques
esprits. Voyez Adjectif. Il s'emploie aussi sub-
stantivement : Un fanalitjue.
Fanfaron. Sul>st. m. et adj. Celui qui affecte
une bravoure qu'il n'a point. Un vrai fanfaron
sait qu'il ncst qu'un lùrhe. L'usage a un i)eu
étendu l'acception de ce mot. On l'applique à ce-
lui même qui exagère on fjui montre ave<^ trop
d'affectation et de'conliance la bravoure qu'il a,
et plus si)écialenienl à celui qui se vante, au delà
<iela bienséance, d'une vertu quelle qu'elle soit.
Mais les lois de la bienséance varient selon les
temps et les lieux. Ainsi, tel iKinnue est pour nous
UD fanfaron, qui ne l'eiait point pour son siècle,
FAN
et qui ne le serait point aujourd'hui pour sa na-
tion. Il y a des peuples fanfarons. La f:infaronnade
est aussi dans le ton. Il y a tel discours héroïque
qu'un mut ajouté ou changi- l'crail di'gèni'ier en
fanfaronnade; et rcciproquoment, il y a lc\propos
fanfaron qu'une pareille correction rendrait hé-
roïque. 11 y a plus, le même discours, dans la
bouche de deux hommes ililIVrents, est un dis-
cours élevé ou une fanfaronnade. On tolère, on
admire même dans celui qui a p;u--dovers soi de
grandes actions, un ton qu'on ne souffrirait point
dans un homme qui n'a rien fait encore qui ga-
rantisse et qui justifie ses promesses. {Encyclnp.)
Fangedx, Fangeuse. Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : Chemin fangeux.
Un torrent débordé, qui, d'un cours orageax,
Ronle plein de gravier sur un terrain fangeux.
(BoiL., Â. P., 169.)
FANT.iLsiE. Subst. f. Fantaisie signifiait autre-
fois imagination, et on ne se servait guère de ce
mot que pour exprimer cette faculté de l'àmc qui
recuit les objets sensibles. Descartes, Gassendi,
et tous les philosophes de leur temps, disent que
les espèces, les images des choses se peignent en
la fantaisie; et c'est de là que vient le mot fan-
tôme. Jlais la plupart des termes abstraits sont
reçus à la longue dans un sens différent de leur
origine, comme des instruments que l'industrie
emploie à des usages nouveaux. Fantaisie veut
dire aujourd'un un désir singulier, un got'tt pas-
sager, n a eu la fantaisie d'aller à la Chine.
La fantaisie du jeu, du bal, lui a passé. Un
peintre fait un portrait de fantaisie., qui n'est
d'après aucun modèle. Avoir des fantaisies, c'est
avoir des goûts extraordinaires qui ne sont pas
de durée. La fantaisie prise dans le sens moral
est une jassiou d'un moment, tjui n'a sa source
que dans l'imagination. Elle promet à ceux qu'elle
uccu|)e, non un grand bien, mais une jouissance
agréable; elle s'exagère moins le mérite que l'a-
grément de son objet; elle en désire moins la pos-
session que l'usage; elle est, contre l'ennui, la
ressource d'un instant; elle suspend les passions
sans les détruire; elle se mêle aux i)euchants
d'habitude, et ne fait qu'en distraire. Quelquefois
elle est l'effet de la passion même; c'est une bulle
d'eau qui s'élève sur la surface d'un liquide, et
qui retourne s'y confondre; c'est une volonté
(l'enfant, et (lui nous ramène, par sa courte durée,
à l'imbécillité du premier âge.
Fantaisie en ce sens est moins que bizarrerie
et que caprice. Le caprice peut siguifier un dé-
goût subit et déraisonnable. Il a eu la fantaisie
de la musique, et il s'en est dégoûté par ca-
price. La bizarrerie donne une idée d'inconsé-
quence et de mauvais goût que la fantaisie
n'exprime pas : // a eu la fantaisie de bâtir, mais
il a construit sa maison dans un goût bizarre. U
y a encore des nuances entre avoir des fantai-
sies et être fantasque. Le fantasque approche
beaucoup plus du bizarre. Ce mol désigne un ca-
ractère inégal et brusque. L'idée d'agrément est
exclue du mot fantasque, au lieu qu'il y a des
fantaisies agréiibles. On dit quelquefois en con-
versation familière, une fantaisie musquée, et
musquée en cette occasion est une expression e.x-
piétive qui ajoute à la force du mot, comme on
dit sottise pommée, folie fcffée, pour dire sottise
et folie complète. (Extrait eu partie de Voltaire,
Dict. philosophique.)
F*NTASJiAcor.iE. Subst. f. Art de faire apparaître
FAS
des spectres par le moyen d'une illusion d'op-
tique.
Fantasque. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsciue l'harnionie et l'a-
naloçic le permettent. On ne dit pas un fantasque
homme, une fantasque femme ; mais on pourrait
dire dans certains cas, celte fantasque humeur,
ce fantasque procédé. "N'oyez Adjectif, Fan-
taisie.
rANTASQCEAiEXT. Adv. Il uc sc met qu'après le
verbe : Il s'habille fantasquatient. Il est peu
usité.
Fantastique. Adj. des deux genres. Dans cer-
tains cas, on poul le mettre avant son subst. : Au
milieu de cas fantastiques espérances. A'oyez
Adjectif.
Faon. Subst. vn. On prononce fan.
Faonneu. V. n. de la l" conj. On prononce
fariner.
Fardeau. Subst. m. La signification figurée de
ce mot est fort étendue. Racine a dit dans Phèdre
(act. III, sc. m, 40) :
Le crime d'une mère est un pesant fardeau.
Dans Iphigénie (act. I, sc. ii, 92) :
Voudrais-je do la terre, inutile fardeau. ...
Voltaire a dit dans Sémiramis (act. I, sc. v,
93;:
Le fardeau de la vie est trop pesant pour moi ; -
el dans la Henriude (II, 307) :
Son Tic'jx père accablé sous le fardeaudes ans.
Farfouiller. V. n. et a. de la i" conj. On
mouille les l.
Farineux, Farineuse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst.: Pain farineux, dartre fari-
neuse.
Farouche. Adj. des deux genres. On peut,
quand l'analogie et l'harmonie le permettenl, le
mettre avant son subst. : Un homme farouche,
vne femme farnuche, vn animal farouche ; cette
farouche humeur, cette farouche vertu.
Faste. Subst. m. Ce mot, dit Voltaire, n'ex-
prime que la n.agnificence dans ceux qui, par leur
état, doivent représenter; il exprime la vanité dans
les autres. Quoique le mot de faste ne soit pas
toujours injurieux, fastueuxVe^i toujours : Il fit
son entrée avec beaucoup de faste; c^est un hom-
me fastueux. — T.e faste n'est pas le luxe. On
peut vivre avec luxe dans sa maison, et y vivre
sans faste; c'est-à-dire sans se parer en public
d'une opulence révoltante. On ne peut avoir de
faste sans luxe. Le faste est l'étalage des dépen-
ses que le luxe coûte.
Faste se dit en général de l'affectation de ré-
pandre, par des marques extérieures, l'idée de
son mérite, de sa puissance, de sa grandeur, etc.
Il entrait quelquefois du fade dans la vertu des
stoïciens. Il y en a presque toujours dans les ac-
tions éclatantes. C'est le faste qui élève quel-
quefois jusqu'à l'héroïsme, des hommes à qui \\
en coûterait d'être honnêtes. Il entre du faste
dans la dévotion ijuand elle inspire moins l'alta-
chomenl à ses devoirs comme homaie el comme
citoyen, que le goût des pratiques extraordi-
naires.
Fastidiedsement. Adv. Use met après le verbe.
Fastidieox, Fastidieuse. Adj. Il peut se mettre
FAT
287
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un homme fastidieux, un ouvrage fasti-
dieux; un fastidieux entrelien, les fastidieux
discours de cet homme. Voyez Adjectif.
Déffoûtant se ûil plus à l'égard du corps qu'à
l'égard de l'esprit; fastidieux, au contraire, va
plus à l'esprit qu'au corps. Dégoixtanl sc dit au
propre el au figuré; il s'appliijuc aux personnes,
aux viandes et à d'autres choses. La laideur est
déf/intlantc, la malpropreté csl dégt.ûlunle. Il y a
des ^CKA dégotîtants avec du mérite, cl d'aulres
qui plaisent avec des défauts. Fastidieux ne
s'emploie qu'au ligure. Un homme fastidieux
est un iiomme eimuyeux, impurlun, fatigant par
ses discours, par ses manières ou par ses actions.
Il y a des ouvrages fastidieux. Ce «lUi rend les
enlrcliens ordinaires si fastidieux, c'est l'applau-
dissciiient qu'on donne a des sottises. Le mot
fastidieux s'emploie également en prose et en
vers.
Fastuecsement. Adv. On peut le mettre cnirc
l'auxiliaire et le participe : Il est fuslueusemenl
entré dans la ville , suivi d'un cortège pom-
peux.
Fastueux, Fastueuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consullant l'oreille el l'ana-
logie. On dit un homme fastueux, cl non pas
un fastueux homme ; un équipage fastueux, et
un fastueux équipage. \'uye/. Adjectif.
Fat. Adj. m. qui se prend aussi substantive-
ment. On prononce le t: Un homme fat, un fat.
Il ne se dit point au féminin.
On aurait une idée bien imparfaite de la signi-
iicatioto du mol fat, si l'on s'en tenait à la di'lini-
tion de l'Académie. Il signifie, dil-elle, imper-
tinent, sans jugement, |)lein de complaisance
pour lui-même. — Le /ai est un homme dont la va-
nité seule forme le caractère, qui ne fait rien par
goût, qui n'agil que par ostentation, et qui, vou-
Tant s'élever au-dessus des autres, est desrcnilu
au-dessous de lui-même. Familier avec ses su-
périeurs, important avec ses égaux, inii)eptinent
avec ses inférieurs, il tutoie, il protège, il mé-
prise. Il n'a aucune connaissance, et il donne des
avis aux savants et aux artistes. 11 consulte la
mode pour ses travers comme pour ses habits,
pour ses indispositions connue pour ses voilures,
pour son médecin comme pour son lailieur. Vrai
personnage de théâtre, à le voir, vous croiriez
qu'il a un masque; à l'entendre, vous croiriez
(pi'il joue un rôle. Ses part)lcs sont vaines, ses
actions sont des mensonges, son silence même est
menteur. Pour peu qu'il soil fripon, il serait en
loul le contraste de l'honnêle houmie. En un mot,
c'est un homme d'esprit !)our les sots qui l'ad-
mirent, c'est un sol pour les gens sensés, qui l'é-
vilent. Mais si vous connaissez bien cet homme,
ce l'.'esl ni un homme d'esprit ni u?^ sot, c'est un
fat. (Extrait d'un article de Desmahisdans l'En-
cyclopédie.)
Fatal, Fatale. Adj. Il fait au pluriel masculm
fatals, qui est peu usilé. On peut le placer avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie :
Un é^^éiiement fatal, vn fatal événement; un
accident fatal, un fatal accident.
. . . Tombe avec moi ce fatal diadème
Odieux à la Grèce. . .
(Volt., Orcete, ac(. V, sc. m, 66.)
On dit un coup fatal, et non pas un fatal coup :
Mais si da coup fatal vous menacez sa tie.
rUELU.., i««id., VIII, 8Î9.)
288 FAT
Att«ndrai-jc en tremblant qu'un avis funéraire
Vienne du coup fatal assassiner ton père ?
{Idem, VIH, 857.)
La Harpe , dans son Caiirs de littérature, re-
proche à Voltaire d'avoir abuse de celle expres-
sion :
J'entends trop celte voix si fatale et si chère.
{Orph. de la Chine, ad. I, se. vil, 2.)
La voix du sang, dil La Harpe, esl ici cruelle;
clic n'est point fatale; cl ce mut si souvent va-
gue esl réputé dans deux i)ases jusqu'à satiété ;
Je tremble malgré moi de son fatal retour.
(Idem, act. II, se. I, 5.)
Aura-t-on consommé ce fatal sacrifice?
(Idem, 5.)
Présent fatal peut-être.
[Idem, act. II, se. Il, 7.)
On aravi son ûls dans sa fatale absence. . .
[Idem, 10.)
Tant de répétitions prouvent la négligence. Voy.
Fatalité.
Fatalement. Adv. Il se met après le verbe :
Cela est arrivé fatalement.
Fatalité. Subsl. f. Ce mol vient du latin fa-
tum. Fatum a clé fait de furi, et il a signifié d'a-
bord, d'après son origine, le décret par lequel la
cause primitive a déterminé l'existence des évé-
neiiicnls relatifs au bien ou au mal des élres sen-
sibles; car, quoique le décret ait dû détcnniner
également l'existence de tous les effets, les hom-
mes, rapportant tout à eux, ne l'ont considéré
que du côté par lequel il les intéressait. A ce dé-
cret on a substitué ensuite, dans la signification
du mot fatvm, une idée plus générale, les causes
cachées des événements; et comme on a pensé
que ces causes étaient liées et enchaînées les
unes aux autres, on a entendu par le mot fatum,
la liaison et rench:iinemenl de ces causes. Le mot
fatum a subi encore queUpies changements dans
sa signification en passant dans notre langue, et
en forinanl le mol fatalité; car nous avons em-
ployé particulièrement le mol falalilé pour dé-
signer les événements fâcheux; au lieu que dans
son origine il a signifié indifféremment la cause
des événements heureux et malheureux; il a
même gardé cette double signification dans le
langage philosophique. — Destin et destinée sunl
synonymes de fatalité, pris dans le sens que
nous venons de lui donner. Us le sont aussi dans
leur origine, jJUisiju'ils viennent de destinatum,
ce qui esl arrêté, déterminé. — On ne peut pas
employer l'un pour l'autre les mois de hasard ci
de fatalité. Un événement, quoique imprévu, et
tenant à des causes cachées, n'est ajjpelé fatal
que lorsqu'il a quelque influence sur le bien ou
le mal des êtres sensibles. C:ir si je parie ma vie
ou ma forlunc que je n'amènerai pas six fois de
suite le même point de dés, et que je l'amène, on
s'en prendra à la fatalité ; mais si, en remuant des
dés sans dessein et sans intérêt, la même chose
m'arrive, on attribuera ce phénomène au hasard.
Dans l'usage qu'on fait du mot hasard, il arrive
souvent, cl même en philosophie, qu'on semble
vouluir exclure d'un événement l'action d'une
cause déterminée; au lieu (ju'en employant le
mol de fatalité, on a ces causes en vue, (pioi-
qu'on les regarde comme cachées. Or, comme il
n'y a point d'événement qui n'ait des causes dé-
FAU
terminées, il suit de là que le m t de hasard est
employé dans un sens faux. — On entend aussi
par une action faite par le hasard, une action
faite sans dessein formé; et on voit encore que
cette signification n'a rien de commun avec celle
de /ù/aîi7e, i)uis(|ue le hasai-d est aveugle, au
lieu que la fatalité a un but auiiuel elle conduit
les êtres qui sont sous son empire. De plus, on
imagine que les événements qu'on attribue au
has;ird i)0urraicnt arriver tout autrement, ou ne
point arriver du tout, au lieu qu'on se repré-
sente ceux que la fatalité amène, comme infailli-
bles ou même nécessaires. — La fortune n'est
autre chose que la fatalité, en tant qu'elle amène
la possession ou la privation des richesses et des
honneurs; d'où l'on peut voir que fortune est
moins général que fatalité ou destin, puisque
ces derniers nous désignent tous les événements
qui sont relatifs aux êtres sensibles, au lieu que
celui-là ne s'applicpie qu'aux événements qui
amènent la possession ou la privation des riches-
ses et des honneurs. C est pourquoi si un homme
perd la vie par un événement imprévu, on attri-
bue cet événement au destin, à la fatalité; s'il
perd ses biens, on accuse la fortune. Fatalité
n'a point de pluriel.
Fatidique. Adj. des deux genres. Ce mol
n'étant en usage qu'en poésie, peut être mis, au
gré du poète, avant ou ai)rès son subsl. : Le vol
fatidique des oiseaux ; le trépied fatidique, le
fatidique trépied.
Fatigant. Fatigante. Adj. verbal tiré du v.
fatiguer. Cet adjectif s'écrit sans v, quoique le
participe présent du verbe en prenne un, fati-
guant. On peut, en consultant l'oreille et l'ana-
logie, le mettre avant son subsl. : Un exercice
fatigant, un fatigant exercice.
Fatiguer. V. a. et n. de la l'^conj. Les poêles
lui donnent quelquefois des acceptions qui ne
sont pas indiquées dans le Dictionnaire de l'A-
cadémie :
Il fallut s'arrêter, et la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile.
(RiC, Iphig., act. I, se. I, 49.)
Sous leur voûte funèbre, un torrent tortueux
Roule, et battant tes rocs de ses eaux vagabondes.
Fatigue les échos du fracas de ses ondes.
(Delil., Énéid., VII, 776.)
Fadchaison. Fenaison. Fauchaison exprime le
temps où l'on fauche les foins, où on les coupe;
il a rapport à faux. Fenaison a rapport à foins.
11 indique non-seulcmont l'action de faucher les
foins, mais aussi celle de les tourner et de les re-
tourner pour les faire sécher, de les rassembler
en meules, de les mettre dans les greniers.
Faufiler. V. a. de la \" conj. Au i)ropre, c'est
assembleràlongs points avec du fil des pièces d'é-
toffes, de soie, etc., de la manière dont elles doi-
vent étreeasuile cousues. Faufiler est quelquefois
synonyme de hûtir ; il y a cependant celle diffé-
rence, ({ncbâtir se dit de tout l'ouvrage, et fau-
{iler seulement de ses pièces; ainsi, quand toutes
es pièces sont faufilées, l'ouvrage est bâti. On
dit au figuré se faufiler, être faufilé. Se faufil
1er, c'est, s'insinuer adroitement dans une com-
pagnie Etre bien ou mal faufilé, c'est avoir
formé des liaisons avec des hommes estimés ou
méprisés dans la société.
Fad.sse-Bhaie. Subsl. f. Ce mol étant composé
d'un adjectif et d'un subst., l'un et l'autre doi-
vent prendre le * au pluriel : Des fausses-braies.
FAU
Faussement. Adv. On peut le mettre entre
'auxiliaire el le participe : On l'a accusé faus-
sement , on on Vu faussement accusé.
Fausseté. SuIjsI. f. C'est, en morale, le contraire
de la vérité, (le n'est pas propi-eincnt le mensonge,
dans lequel il entre toujours du dessein. On dit (pi'il
yaeu cent mille hommes écrasésdans le treiidjle-
ment de terre de Lisbonne; ce n'est ])<is un men-
songe, c'est une fausseté. La fausseté est. presque
toujours encore plus ([ue l'er-reur. \.i\ fausseté
tombe plus sui' les laits; Verreur sur les npinions.
C'est une erreur de croire ijuc le soleil tourne au-
tour de la terre; c'est une fausseté d'avancer
que Louis XIV dicta Iclostainentde CliarleslI. —
Un homme a de la fausseté dnw'i l'esprit quand il
prend prestpic toujours a gauche; (juand, ne con-
sidérant pas l'objet entier, il attribue a un côté de
l'objet ce (pii apiiarlient a l'autre, et que ce vice
de jugement est tourné chez lui en habitude. Il a
de la fausseté dans le cœur, quand il s'est ac-
coutumé a llatler et à se parer des sentiments
qu'il n'a pas. Celle fausseté est pire que la dis-
simulation. 11 y a beaucoup de fausseté tiuns les
historiens, des erreurs chez les philosophes, des
mensonges dans presque tous les écrits polémi-
ques, et encore plus dans les satiriques. Les e*-
prits faux sont insuiiporlablcs, el les cœurs faux
sont en horreur. (Volt., Dict. philos.)
Faute. Subsl. f. ^Manquement contre le devoir,
contre la loi, contre les régies de quelque art :
U a frit cette Wmle par inattention. (Acad.,art.
Inattention.) Faute de, locution prépositive qui
signifie /)ar manque de, à défaut de : C'est faute
d'attention qu'il n'a pas relei'é cette erreur.
(Acad., art. Attention.) Ainsi l'on ne peut pas
dire, en parlant d'une erreur commise par quel-
qu'un, c'est une faute d'attention; il faut dire
dans ce cas, c't?s< une faute commise par inatten-
tion. (A. Lcmaire, Grammaire des Grammai-
res, p. 1151.)
Sans faute. Façon de parler adverbiale. Elle
se met toujours après le verbe : Il arrivera sans
faute, il sera arrivé sans faute.
Fauteui;. Subsl. m. En parlant d'une femme,
on dit fautrice.
Fautif, Fautive. Adj. Il se dit des personnes et
des choses, el ne se met qu'après son subst. : Un
auteur fautif, un ouvrage fautif.
Fauve. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Poil fauve, bêtes fauves.
Faux. Subst. f. Instrument dont on se sert pour
couper l'herbe des prés ou les avoines. Autrefois
on écrivait fuulx avec un l, ce qui était con-
forme à l'élymologie, et distinguait ce mol de
l'adjectif faux. On ne sait trop pouniuoi il a plu
à l'Académie de retrancher ce l, elle qui, dans
tant d'auires mots, a conservé des lettres inutiles.
Les poètes emploient souvent ce mot :
Trudaine sait assez que le cultivateur
Des ressorts de l'Élal est le premier moteur,
El qu'on né doit pas moins, pour le soutien du trône,
À la faux de Cérès qu'au sabre de Bellone.
(Volt., Épttre LXXXIII, 57.)
Déjà près de mon lit la Mort inexorable
Avait levé sur moi sa faux épouvantable,
(Volt., ÈpUre XXII, 8.)
Faux, Fausse. Adj. Il se met souvent avant son
subsl. 11 est vrai qu'on dit homme faux, el non
pas faux homme ; esprit faux, et non pas faux
esprit; mais on dit faux avis, faux rapport,
fausse doctrine, fausse gloire, fausse nouvelle.
FAV
289
fausse monnaie, faux raisonnement, faux té-
vioin, faux prophète, faux testament, etc. On
peut aussi, dans pres(pie tous ces cas, mettre cet
adj. après son subsl., et c'est ce (ineftint les poë-
Icsquandilsy Iroiivenl leur commodité : Unavis
faux, un rapport faux, une doctrine fausse, ClC.
Voyez Adjectif.
Faux est aussi adverbe. Il ne se met qu'après
le verbe : Il chante faux, accuser faux.
A faux. Façon de parler adverbiale qui ne se
met qu'après le verbe :
Lui qu'Apollon jamais n'a fait parler à faux.
(CoRX., i/or., act. I, se. III, 59.)
Parler à faux, dit Voltaire au sujet de ce vers,
n'est ni assez noble, ni même assez juste. On dit
un coup porté à faux, on est accusé à faux,
dans le style faindier; mais on ne peut dire il
parle d faux dans un discours tant soit peu re-
levé. {Remarques sur Corneille.)
Faveur. Subst. f. Faveur, du latin fuvor, sup-
pose plutôt un bienfait qu'une récompense. On
hrigue sourdement la faveur, on mérite et ou de-
mande hautement des récompenses. Le dieu Fa-
veur, chez les mythologistes romains, était fils de
la Beauté et de la Foriunc. Toute faveur porte
l'idée de (juelque chose de gratuit : Il m'a fait
la faveur de m'inlroduire, de me présenter, de
recommande r mon ami, de corriger tnoji ouvrage.
La faveur des princes est l'effet de leur goût et
de la complaisance assidue ; la faveur du peuple
suppose quelquefois du mérite, et plus souvent
un hasard heureux. Faveur diffère beaucoup de
grâce. Cet homme est en faveur auprès du roi,
et cependant il n'en a point encore obtenu de
grâces. On dit il a été reçu en grâces; on ne dit
point il a été reçu en faveur, <iuoi(]u'on dise être
en faveur, parce que la faveur suppose un goût
habituel; el (\ue faire grâce, recevoir en grâce,
c'est pardonner, c'est moins que donner sa fa-
veur. Obtenir grâce, c'est l'effet d'un mo-
ment; obtenir la faveur, c'csl l'effet du temps.
Cependant on dit également faites moi la grâce,
faites-moi la faveur de recommander mon ami.
Des lellres de recommandation s'appelaient au-
trefois des lettres de faveur. Sévère dit dans Iq
tragédie de Polyeucte (act. II, se. i, 15) :
Car je voudrais mourir plutôt que d'abuser
Des lettres de faveur que j'ai pour l'épouser.
On a la faveur, la bicnveillam^c, non la grâce <\.y,
prince et du public. On obtient la faveur de son
auditoire par la modestie; mais il ne vous fail
[)as grâce si vous êtes trop long. (\'olt , Dict.
philos.)
Favorable. Adj. des deux genres. On peu; Je
mellre avant son subst. lorsiiue l'analogie el
l'harmonie le permettent ; Un accueil favorable,
un favorable accueil; sous des auspices favora-
bles, sous de favorables auspices. On dit être
favorable à :
Si jamais à mes vœu.x vous fûtes favorable....
(Rac, E$th., act. III, se. VII, 62.)
Voyez Adjectif.
FAvonABLEMENT. Adv. On petit le mettre entre
l'auxiliaire et le participe ; On l'a écouté favora-
blement, on l'a favorablement écouté.
Favori, Favorite. Adj. Il ne se met (lu'après
son sub>l. : jMoi favori, auteur favori, sultane
favorite, passion favorite.
1»
290
FEI
Fkal, Fkalk. Adj. Ucsl vieux et ne se dit plus
qu'en plaisantant :
Ah ! ah ! notre ftal ;
Voire pouvoir Ta, ce semble, un peu mal,
(Volt., En^. prod., act. I, se. ii, 6.)
Fécond, Fkconde. Adj. On peut le mellrc après
son subsl , si l'iiarmonie et l'analogie le {•cnnel-
tent : Une femme féconde, une terre fccondc,
U7ie source féconile, une matière féconde, une
iiitaginution féconde, une féconde imagination,
■une fée nde r^séo. 11 a queli|uefois nn régime;
le siihstanlif ijui suit ce régime doit toujours se
mettre au pluriel (voyez Favicux) : Fécond en
bons mots, en reparties :
GouTernei celle rive en malhcurê trop féconde,
(Volt., AU-, acl. I, se. i, 5.)
— Fécond est le synonyme de fertile c\m\M\ il
s'agit de la culture des lerres. On peut dire éga-
lement un terrain fécond et fertile. Fertiliser
el fécindcr un champ. La maxime qu'il n'y a
point de synonymes veut dire seulement cpi'on ne
peut se servir dans toutes les occasions des mê-
mes mots; ainsi une femelle, de quelque espèce
qu'elle suit, n'est point /e/7/7e, elle est féconde. On
féconde des fiMifs, on ne les fertilise pas; la na-
ture n'est pas fertile, elle est féconde. Ces deux
expressions scntiiuelquefoisé^'alcment employées
au ligur'* et au propre. Un esprit est fertile ou
fécond en grandes idées. Cependant les nuances
sont si dclicatco, qu'on dit un orateur fécond. q\.
}ion |)as un orateur fertile; fécondité et non fer-
tilité de pariiles ; cette viéthode, ce principe, te
sujet est d'une grande fécondité, et non pas
d'une grande fertilité. La raison en est (ju'un
principe, un sujet, une méthode, produisent des
idées qui naissent les unes des autres, comme des
êtres successivement enfantés; ce qui a rapport à
la génération :
Bienheureux Scudéri, doril la fertile plume.
(BoiL., Sat. U,ll.)
Le mot fertile est là bien placé, parce que celte
lume s'exerçait, se répandait sur toutes sortes
p sujets. Le mot fécond convient mieux au sujet
qu'à la plume. — 11 y a des temps féconds en cri-
ïies,et non pas fertiles en crimes. (Volt., Dict.
vhilns.)
Fkcomdant, Fécondante. Adj. verbal tiré du v.
■^éconder. On peut le mettre avant son subst. en
tonsiiltaiil l'analogie el l'harmonie : Une chaleur
Secondante, dette fécondante chaleur. Germe
fécondant. Matière fécondante.
FEiNDr.E. Y. a. el n. de la /i' conj. Il se conju-
gue connue peindre. Selon l'Acadéir.ie, feindre
se i)rend dans le sens d'hésiter : Je ne feindrai
point de rous dire, il n'a pas feint de lui décla-
rer, il ne feignit pas de l'aborder. C'est une
vieille acception qui n'est plus usitée aujour-
d'hui.
Corneille a dit dans Cinna fact. "V, se. m, U) :
Euphorbe vous a feint que je m'élais noyé.
Voltaire a dit au sujet de ce vers : On ne peut
dire feindre à quelqu'un. {Remarques sur Cor-
neille.) l'oindre, c'est faire semblant, inventer,
dissimuler.
Feint, Leinte. Adj. Il se met souvent avant
son subst. : Une douceur feinte, une feinte
douceur. Une amitié feinte, une feinte amitié.
FÉM
Ufto porte feint», une fenêtre feinte, une his-
toire feinte.
l'EiNTisE. Subst. f. Vieux mot inusité que l'on
trouve encore dans \c Dictionnaire de l' académie
I et dans t|ucli|ues autres. H signifiait feinte, ruse,
! déguisement.
Fêler. V. a. de la 1" conj. 11 n'est applicable
qu'aux ouvrages de terre, de verre, et aux vais-
seaux lie porcelaine. Ils sont fêlés hn-sqne la con-
tinuité de leurs parties est rompue d'une manière
a|)parente ou non aj)parenlc, sans (ju'il y ait une
se|iaralion totale. Si la séparation éiail entière,
aluis le vaisseau serait ou cassé ou briïié.
1 l'ÉLiciTÉ. Subst. f. L'Académie explique ce
i mol par béatitude, grand bonheur. La iélicilè
j n'est ni l'un ni l'autre, comme le |)rouve l'expli-
I eu lion (|ue Voltaire a donnée de ce mot. Voyez
; Bonheur.
Féliciter. V. a. de la l"^*" conj. Les mots, en
passant du subslaiitil' au verbe, ont rarciiicnl la
1 même signification. Féliciter, (|ui vicnl de/è7i-
j cité, et qu'on emploie au lieu de congratuler, ne
veut pas dire rendre heureux; il ne dit pas incmc
I se réjouir avec qucliju'un de sa félicilé; il veut
dire siiiq)lement faire compliment sur un succès,
sur un événement agréable, il a pris la place de
congratuler, parce qu'il est d'une prononciation
plusduiice el plus sonore, (^'olt., Dict. philos.)
L'Académie ne lui donne (luc de i>our régime.
Cependant on dit féliciter quelqu'un sur quelque
chose. Je ne sais qxii est l'auteur des vers la-
tins ; mais je le félicite, quel qu'il sidt, sur le
goût qu'il a, sur son harmonie et sur le choix
de sa bonne latinité. (Volt., Corresp.)
Félon, Félonne. Adj. U est encore employé
quelquefois dans le sens de cruel- inhumain, bar-
bare :
Pourrail-on croire
Qu'il soil encore, en ce siècle félon.
Un cœnr si droit, un inorlel aussi bon?
(Volt., Enf. prod., .ici. Itl, se. IV, 1.)
FÉMININ, Féminine. Adj. Il no se met guère
([u'aprcs son subst. C'est un (jualificalifqui mar-
que que l'on joint à son substantif une idée ac-
cessoire de femelle. Par exemple, on dit il'un
homme i\K\'il a un risage féminin, une mine fé-
minine, une voix féminine, etc. On doit obser-
scr que ce mot a une tcrininaison ma.vculine et
une féminine. Si le subslanlif e.-it du genre mas-
culin, alors la grammaire exige (|ue l'on énonce
l'adjectif avec la terminaison masculine; ainsi
l'on dit un air féminin, ■ic\on\i\ l'orme gramma-
ticale de l'élucuiion; ce ijui ne fail rien perdre
du sens, (pii est ()ue l'hùmnie dont on parle a une
configuration, un teint, un coloris, une voix, etc.,
qui ressemblent à lair et aux manières des fem-
mes, ou (jui réveillent une idée de femme. On
dit au conlrairc une voir fé'/iinine, |)arcc que
voi.T est ilu genre féminin. Ainsi il l'aui bien dis-
tinguer la forme grammaticale, et le sens ou la
signilication; en sorte ([u'un mol peut avoir une
forme grammaticale masculine, selon l'usage df
l'élocution, et réveiller en même temps un sens
féminin.
En poésie, on dit rimes féviiniîies, vers fémi-
nins, (iuoi(iuc ces rimes et ces vers ne réveillent
par eux-mêmes aucune idée de femme. Jl a plu
aux maîtres de l'art d'appeler ainsi, par extension
ou imitation, les vers(iui finissent par un e muet.
Ce qui a donné lieu à cette dénomination, o'esl
que lu terminaison féminine de nos adjectifs finit
FÉR
toujours par un e muet : Bon, bonne, un, une.
\oyezJiitiie. (l>iiiii;usais.)
Il n'y a point de rt-sles certaines pour distin-
guer si un substantif est du masculin ou du fé-
minin. On trouvera au mot Genre celles que don-
nent les grainniairicns. Voyez aussi les articles
Nom et Adjectif.
Femme. Snbst. f. On prononce faine. J.-J.
Rousseau a [)ris ce mt)t adjectivement : Faute
de pouvoir se rendre hommes, les femmes nous
rendent femmes. Chaque femme de Paris ren-
ferme dans son appartement un sérail d'hom.mes
plus femmes quelle. — On dit une femme auteur,
poète, philosophe, médecin, peintre, etc., el UOU
pas autrice, piëtesse, etc. Voyez Puëte.
FE^Di;^:. V. a. de la h' conj. L'Académie l'ex-
plique par diviser, couper en long Celle expli-
cation est fausse. On divise un morceau d'étoffe,
un morceau de toile, on le coupe en long, el l'on
ne peut pas dire pour cela qu'on le fend. Ce terme
ne se dit que de certaines matières, comme les
pierres, les bois, la terre, etc. Par une espèce de
inétapLore, ce même mot s'applique à l'eau el à
l'air. L'oiseau ou la flèche qui vole fend Pair;
et le poisson qui nage ou le vaisseau qui vogue
fend les eaux. 11 s'emploie aussi en hyperbole et
en ironie, et l'on dit d'un grand bruitqu'ii fend
la tête ; d'un petit malheur, cela fend le cœur.
Les poètes emploient souvent ce mot :
La Discorde aussitôt, plus prompte qu'un éclair.
Pend d'un toI assuré les campagnes de l'air.
CVOLT., Benr., Vf, t57.)
Mille jeunes Anglais vont bientôt sur ses pas
Fendre le scindes mers et chercher les combats.
{Idem, m, 377.)
Un peuple que je hftis et qui, malgré Junon,
Ose aux champs des Latins transporter Ilion,
Atcc ses dieux vaincus fend les mers d'Etrurie.
(Delil., Bneïd., I, 107.)
La reine enfin parait ; d'un air majestueux
Elle fend de sa cour les flots respectueux.
{Idem, IV, 2iO.)
Fer. Subsl. m. Les poètes emploient ce mot
dans un grand nombre d'acceptions diverses :
Contre ses attentats vous pouviei autrefois
Lever impunément le fer sacré des lois. . ,
^VoLT., Uahom., act. I, se. I, il.)
Il a, dans sa colère.
Du fer de la vengeance armé la main d'un père.
(Volt., AU., act. V, se. v, 58.)
Qu'aux Urmes, au travail, le peuple est condamné.
Et d'un sceptre de fer veut être gouverné.
IRac, At^., act. IV, se. m, 89.)
Affranchissons la terre et donnons aux Romains
Cet fers qu'ils destinaient au reste des humains.
i^VoLT., Brut., act. I, se. m, 19.)
Des citoyens romains ont demandé des fers !
[Idem, act. IV, se. vu, 7.)
Fer-blanc. Subsl. m. Ce nom, comme les noms
de métaux, n'a point de pluriel.
Féiual, FÉRi.iLE. Adj. qui ne se met qu'après
son subst.
Férir. V. a. et défeclif de la 2'^ conj. Ce veri)e,
qui signifie frapper, n'est plus d'usage qu'en cette
FER
291
j phrase, sans coup férir, pour dire, sans en venir
aux mains, sans rien hasarder.
FiiR.MA>T, Fermante. Adj. verbal tiré du v.
fermer. 11 ne se met qu'après sou subst. : A por-
tes fermantes.
Ferme. Adj. des deux genres. L'Académie ne
dit pas un cœur ferm.e :
Toi, conserve un cccur ferme au milieu du danger.
(Delil., Éneid., VI, 130.)
Cet adj. pnut se mettre avant son subst., en con-
sultanl l'harmonie et l'analogie. On ne dit pas «a
ferme homme, une ferme femme, etc. , mais on
dit une ferme résolution, un ferme soutien, et
non pas !/« soutien ferme. Un ferme propos, et
non pas rtn propos ferme. On dit cti-e ferme en ses
résolutions, et être ferme à faire quelque chose.
Us so7it labnneujc, adonnés au commerce, fer-
mes à conserver la pureté des anciennes lois.
Ferme. Adv. Il se met toujours après le verbe :
Frapper ferme, parler ferme.
Fermeairnt. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : FI est fermement
attaché à son parti.
Fermer. V. a. et n. de la l'' conj. Les poètes
emploient souvent ce mot dans des acceptions
qui ne sont pas toutes indiquées dans le Dic~
tionnaire de l'Académie.
Tandis qu'à nos vaisseaux la mer toujours fermée.
(Ric, Iphig., act. I, se. Il, 25.)
Ces vents depuis trois mois enchaînés sur nos tèles,
D'Ilion trop longtemps nous ferment le chemin.
[Idem, acL I, se. I, 30.)
0 ciel! pourquoi faut-il que la secrète envie
Ferme à de tels héros le chemin de l'.\sie?
{Idem, acl. I, se. il, 49.)
Déjà même au secours toute voie est fermée.
(Rac, Âth., act. IV, se. y. S.)
A tout autre désir mon cœur était fermé
(RiC, Baj., act. V, se. ir, 28.)
Approuvez le respect qui me ferme la bouche.
[RiC, Phéd., acl. IV, se. II, 56.)
Il tf.vpire, et ses yeux, où la mort peint ses traits.
D'un repos sans réveil sont fermés pour jamais.
(Delil., Énéid., XII, 469.)
On|)ourrait criliciuer tie* yeus fmnùs d'un repos.
Ses yeux sont pour jamais fermés à la lumière.
(Volt., Henr., VIII, 237.;
Fermeté. Subst. m. Fermeté vient de fenne,
et signifie autre chose tjue solidité et dureté. Une
toile serrée, un sable battu, ont de la fennelé,
sans élre durs ni solides. 11 faut toujours se sou-
venir que les modifications de l'àroe ne peuvent
s'exprimer que par des images physiques. On dit
la fermeté de l'âme, de l'esprit, ce (pii ne signifie
pas plus solidité ou dureté qu'au propre. La fer-
meté est l'exercice de l'esprit; elle suppose une
résolution éclairée. L'opiniâtreté, au contraire,
sup|)ose de l'aveugleincnt. Ceux qui ont loué la
fermeté du style de Tacite, n'ont pas tant de tort
(|iie le prétend le |)ére Ijouhours; c'est un terme
hasarde, mais bitMi placé, (jui e\'[)rime léiieigie
et la force des pensées et du siyle. On f)eut dire
que La Bruyère a un style tenue, et que d'autres
écrivains n'ont qu'un style dur (Volt., Dici.
philos.)
292
FES
FÉROCE. Aiij. (les deux genres. On peut le mel-
trc avant son subsl. en consultant l'ureille et l'a-
nalogie : On dit vite bête féroce, les bêtes féro-
ces, la nature fémce, vue joie féroce et une fé-
roce joie ; un regard féroce cl un féroce regard;
un vainqueur féroce, et 1//1 féroce vainqueur. —
J.-J. llousscaii a dit le ftroce amour des con-
quêtes. Voyez Adjectif.
Ferré, FKnnÉE. Adj. qni ne se met qu'après
son suhst : Eau ferrée, chemin ferré.
Ferrer. \ a. de la 1" conj. Ce vcrlie signifie,
dans son acception piimilive, garnir de Ter; mais
on dit, par une espèce de métaphore, ferrer d'or,
ferrer d'arpent, pour dire garnir d'or ou d'ar-
gent. Voyez Catachrèse.
Ferrlginelx, FEnRUGl^EDSE. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Terre ferrugineuse, eaux
ferrugineuses.
Fertile. Adj. des deux genres. On dit champ
fertile , terre fertile, esprit fertile, sujet fer-
tile, viutière fertile; mais on peut dire aussi
nous parcourions ces fertiles campagnes. Ainsi
cet adj. peut se mctlre avant son subst. lors(]ue
l'Iiarmoiiie et l'analogie ne s'y opposent point.
Voyez Adjectif.
Fertile rcgil la préposition en au propre comme
au figuré : Une terre fertile en blé, un esprit
fertile en expédients.
El quel temps fut jamais si fertile en miracles!
(Rac, Àth., acl. I, se. I, 104.)
Voyez Fécond.
Fertileme^it. Adv. Il se met après le verbe.
'* Fertilisation. Subst. f. Action de fertiliser,
de rendre fertile : La fertilisation des ter- es.
Ce mot, dont l'usage est bien établi, ne se '.ouve
point &àn%\(i Dictionnaire de VAcadéi> te : f^ol-
taire a proposé des vues générales s',r la ferti-
lisation. Voyez ce mot dans son i)ictionnaire
philosophique.
Fervemment. Adv. Si l'on pe'.t se servir de cet
v,.'verbe, auquel on substitue ordinairement arec
ferveur, on |)eut le placer entre l'auxiliaire elle
.participe : Il s'est fervemment acquitté de ce de-
voir religieux.
Fervent, Fervente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'a-
nalogie : Un homme fervent, vn zèle fervent,
une dévotion fervente, une prière fervente, une
fervente dévotion, une fervente prière. Voyez
Adjectif.
Fesse-cahier, Fesse-mathied. Ces deux sub-
stantifs composes ne prennent point de « au plu-
riel. La pluralité tombe sur les personnes que
l'on désigne par ces mots, et non sur les mois
cahier ou muthieu. Ainsi l'on dit des fesse-cahier ,
des fesse-mathieu . — L'Académie écril des fesse-
7na/Aie»/x,- elle n'indique pas le pluriel du mot
fesse-cahi^r.
Festin. Subst. m. Ordinairement, ce mot de
festin emporte l'idée de pompe, de magnificence,
de joie, d'allégresse. C'est ainsi que l'Acailéinie
le présente dans tous les exemples qu'elle en
donne, et qu'on le voit souvent employé par les
poêles :
Il veut que d'un festin la pompe et l'allégresse
(Rac, Dritan., acl. V, se. 1, 4.)
Hélas ! durant ces jours de joie el de feitins.
(Rac, Esth:, acl. I, se. i, 81.)
Et que le chef des Grecs, irritant les destins,
PréparSt d'un hymen la pompe et les ,'V«(in(.
(Rac, Iphig., art. I, se. iî, 31.)
Fie
Mais ce mot peut s'allier aussi à des idées de
tristesse et d'iiorreur :
Bourreau de votre fille, il ne tous reste enfin
Que d'en faire à sa mère un horrible fettin.
{Idem, acl. IV, se. IV, Si.;
Et toi, si.leil
Toi qui n'osas du père éclairer le feitin.
[Idem, act. V, se. IV, 20.)
FÉTIDE. Adj. des deux genres, (lui se met or-
dinairement après son subst. : Huile fétide. Nous
I)cnsoiis qu'il y a tels cas où l'on pourrait dire
cette fétide odeur. Voyez Adjectif.
Fétoyer. V. a. de la 1"^ conj. On écrivait
autrefois festoyer. Il se conjugue comme em-
ployer. Voyez ce mol.
Feu. Subst. m. Outre les acceptions physique--
de ce mot, on l'applique aussi au moral. Feu.
surloul en poésie, signifie souvent amour, el on
l'emploie plus dégammenl au pluriel qu'au sin-
gulier. Corneille dit souvent un beau feu pour
un amour vertueux et noble. Un homme a du
feu dans la conversation, cela ne veut pas dire
qu'il a des idées brillantes el lumineuses, mais
des expressions vives, animées par les gestes. Le
feu, dans Icsécrils, ne suppose pas non plus né-
cessairement de la lumière cl de la beauté, mais
de la vivacité, des figures muliii)liées, des idées
pressées. Le feu n'est un mérite dans le discours
et dans les ouvrages que quand il est bien con-
duit. On a dit que les pué'lcs étaient animés
d'un feu divin quand ils étaient sublimes. On n'a
point de génie sans feu, mais on peut avoir du
feu sans génie.
Feu, Fece. Adj. Il se dit, selon Ménage, des
personnes que nous avons vues ou (]ue nous
avons pu voir. Le père Bouliours prétend que
ce mot n'a ni pluriel ni féminin, et que par con-
séquent on doit dire feu mes oncles, et ma feu
mère. L'Académie dit : Cet adjectif n'a point de
pluriel, el il ne prend pas la terminaison féminine
lorsqu'il est placé avant l'ariiclc ou avant l'ad-
jectif possessif. — Ainsi, quoiciu'on dise /a feu£
reine, il faut dire feu la reine. Pourquoi ces
difliculiés bizarres el ces exceptions sans motif
et sans nécessité? Nous pensons que cet adjectif
doit avoir les mêmes accidents i|ue les autres
adjectifs, cl que l'un ne fait point de faute en
disant feus mes oncles et feue la reine. Ce serait
mal s'exprimer que de dire la feue reine dans
un pays où il n'y aurait pas une reine vivante ; il
faudrait dire alors feu» la reine.
Feuillet, Feuilletage. On mouille les l.
Feuilleter. V. a. de la 1" conj. Il se conju-
gue comme cacheter. Les l se mouillent.
Fi;lilleton, Feuillette, Fitjillu, Feuillcre.
Dans tous ces mots on mouille les l.
Fiancer. V. a. de la i" conj. L'Académie ne
dit pas se fiancer à quelqu'un; Voltaire l'a dii
ds^ns l'Enfant prod. (acl. I, se. i, 90) :
Quand l'étourdi dut, en face d'église,
So fiancer à ma petite Lise.
Fibreux, Fibredse. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subsl.
Ficeler. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme atteler.
Fichu, Fichue. Adj. L'Académie dit que c'est
un terme bas el de méi^is dont on se sert pour
dire malfait, impertinent. — C'est plus que cela,
c'est un terme iiiq)oli et grossier dont les hon-
nêtes gens ne se servent jamais.
FIE
Fictif, Fictive. Adj. qui ne sp mot qu'après
son subst. ; T'itre fictif, proprictis fictires.
Fidèle. Adj. des tlciix genres. I,'Ac;ul('mi'! dit
(idèl-e en ses promesse-t ; Racine a dit âdèle en
ses menaces. (Atlwlie, act. I, se. i, 112) :
Et Dieu trouve fidèle en toutes ses meuMes.
Dclille a dit fidèle à ses desseins {Enéide, VI[,
StiO):
Alors Juiion, fidèle à ses affreux desseins. . .
Cet adjectif peut se inellre avant son subst , en
consultant l'oreille et l'analogie: Un fidèle nmi,
une fidèle ipouse. On ne dirait pas un fidèle
Jiomme, une fidèle femme. Voyez Adjectif,
FiDÈLEjiKNT. Adv. On peut le placer entre
l'auxiliaire et le participe : // s'est acquitté fidè-
lement do sa commission, ou il s'est fidèlement
acquitté de sa commission.
Fieffé, Fieffée. Adj. On peut le mettre avant
son subst., en consullant l'oreille et l'analogie :
C'est un fripon fieffé, ou un fieffé fripon. On ne
dirait pas vn fieffé ivrogne, à cause de l'hiatus.
Voyez Adjectif.
FiEr.. V. a. de la 1" conj. On dit se fieréi, se
fier en, se fier sur. Voici comment nous croyons
qu'on peut expliquer les différences qui doivent
exister entre ces trois manières de s'exprimer.
Nous nous fions à quelqu'un, parce que nous
croyons qu'il ne nous trompera pas. On ne sait à
qui se fier, parce qu'on craint d'ôlre trompé.
Nous nous fions à V7ic chose quand nous croyons
qu'elle ne trompera pas notre espérance.
Plus il se Ce à tous, plus je dois espérer.
(Volt., Brut., act. II, se. iv, 22.)
Vous fiez-Tous encore à de si faibles armes ?
(Rac, Iphig., act. T, se. ii, 13.)
Se fier en quelqu'un, se dit par opposition à
toute autre personne en qui on aurait pu se lier :
Je me fie en vous, je ne me fie qu'en vous; vous
(■'les le seul en qui je metle ma confiance. On se
fie sur une personne quand on croit qu'elle a
tous les moyens Piéccssaires pour effectuer ce
qu'on désire. Dans cette malheureuse affaire,
je méfie sur vous pour me tirer d'embarras ; je
me fie sur vos talents, sur votre adresse, sur
votre éloquence.
. . . Lorsque avec frayeur je parais à vos yeux,
Que sur mon innocence à peine je me fie.
(Rac, Britan., acl. II, se. m, 80.)
Fier, Fière. Adj. Le r se prononce fortement.
On peut le mellre avant son subst. lorsque l'iiar-
monie et l'analogie le permettent : ÔEil fier,
mine fière, air fier. Dans cette fière contenance,
il bravait son rival. 11 régit quelquefois la pré-
[wsition de : Il est fier de celte préférence. Voyez
Pierté.
FiÈRE.ME.M. Adv. On peutle mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il s'était avancé fièrement
vers l'ennemi, ou il s'était fièrement avancé vers
l'ennemi.
Fierté. Subst. f. 11 n'a point de pluriel. — Ce-
pendant lorsqu'il s'agit non plus du caractère,
mais de ses actes, de ses effets, nous pensons,
malgré le silence de l'Académie, qu'on peut dire
avec Molière les fiertés d'une femme, comme on
dit les imprudences, les méchancetés, etc. 'A.
I.emaire, Grammaire des Grammaires, p. 147.)
FIG
293
Fierté est une de ces expressions qui, n'ayant
d'abordéléemployéosque dans iMisonso(lieux,ont
été ensuiic drtournées a un sens l'avorabl(>. C'est
un blàmcqiianil ce mot signifie la vanité hautaine,
aiiiôrc, orgueilleuse, dédaigneuse. C'est prestjue
une louange quand il signifie la hauteur d'une àme
noble. C'est un juste éloge dans un général qui
ynarche avec fierté à l'ennemi, l.cs éci'ivains ont
loué la fieité de la démarche de Louis XlV; ils
auraient du se conlenlcr d'en ronianpicr la no-
blesse. La fierté de l'âme, sans hauteur, est un
mérite compatible avec la modestie. H n'y a (|ue
la fierté dans 1 air et dans les manières qui cho-
que; elle déplaît dans les rois mornes. La fierté
dans l'extérieur, dans la société, est rex|)rcssion
de l'orgueil. La fierté dans l'âme est de la gran-
deur. Les nuances sont si délicates, qu'esprit
fier est un blâme, âme fière une louange. C'est
que itnr esprit fier on entend un honni:e(iui pense
avantageusement de bii-mcme, et p<\vâiiie fière oa
entend dos sentiments élevés. La liorlé annoncée
par l'extérieur est i(!llcment un défaut, que les
pclits qui louent bassement les grands de ce
défaut, sont obligés de l'adoucir, ou i)hilôl de le
relever par une épithète, cette noble fierté. Elle
n'est pas seulement la vanité, qui consiste seule-
ment à se faire valoir jiar les petites choses ; elle
n'est pas la présomption, qui se croit capable des
grandes; elle n'est pas le dédain, (]ui ajoute
encore le mépris des autres a l'air de la grande
opinion de soi-même; mais elle s'allie avec tous
ces défauts. On s'est servi de ce mut dans
les romans et dans les vers , surtout dans les
opéra, pour exprimer la sévérité de la pudeur;
on y rencontre partout vaine fierté, rigoureuse
fierté. Les poètes ont eu i)eut-éire plus de raison
qu'ils ne pensaient. La fierté d'une femme n'est
pas simplement la pudeur sévère, l'amour du
devoir, mais le haut prix que son amour-propre
met à sa beauté. On dit quelquefois la fierté du
pinceau, pour signifier des touches libres et
hardies. [\tj\\... Die t. philos.)
FiGUu.^TiF, FiGiR.\TivE. Adj. Oii appclIc pré-
cepte figuratif, phrase figurative , un précepte,
une phrase, i]ui nous enseignent quehjue chose
de fait ou de doctrine, pat des similitudes. Il
ne se met qu'après son subst.
FiGCRATivE.MENT. Adv. 11 sc met aprèsle verbe.
Figure. Subst. f. Terme de grammaire et de
rhétorique. On entend [tar figure, une disposition
particulière d'un ou de plusieurs mots, relative
à l'état primitif et pour ainsi dire fondamental
des mots ou des phrases. Les différents écarts
que l'on fait dans cet étal primitif, et les diffé-
rentes altérations qu'on y apporte, font les Mîé-
ren[cs figures de mots ou de pensées. Ces deux
mots Cérès et Bacchus, sont les noms propres
et primitifs de deux divinités du paganisme. Ils
sont pris dans le sens propre, c'est-à-dire selon
leur première destination , lorsqu'ils signifient
simplement l'une ou l'autre de ces divinités.
Mais comme Cérès était la déesse du blé, et
Bacchus le dieu du vin, on a souvent pris Cérès
pour le pain, et Bacchus pour le vin; et alors
les adjoints ou les circonstances font connaître
que l'esprit considère ces mots sous une nou-
velle forme, sous une autre figure; et l'on dit
qu'ils sont pris dans un sens figuré. Madame
Deshoulières a pris pour refrain d'une ballade :
L'amour languit sans Bacchus et Cérè.s.
C'est-à-dire qu'on ne songe guère à faire l'amour
quand on n'a pas de quoi vivre.
«04
FIG
Il y a des fisiircs de mots et des figures de
peiiscos. Les promitTCS tiennent es^onticUeuienl
au matériel des mots, au lien ([ue 1rs liciiies do
pensées n'ont besoin des mois que pour être
émmccrs. 11 y a dos ligures de mots qu'on ap-
pelle figures de constrvctioii. Quaml les mots
sont rangés selon l'ordre successif de leurs rap-
ports dans le discours, et que le mot qui en dé-
termine un au Ire est placé immédiatement et sans
interruption apré^ le mot qu'il délermino, alors
il n'y .i point de ligure de construction. Mais
lorsipi'on s'écarte de la simi»licilé de cet ordre,
il y a ligure, les principales figures de construc-
tion sont l'ellipse, le pléonasme, la syllepse ou
synthèse, l'imcrsion ou hyperhaie. Voyez ces
mots.
Il y a des figures de mots (ju'on appelle trrprs,
à cause du cliangeinent (]ui ariivc alors à la signi-
fication propre du mot. Ainsi toutes les fois qu'on
donne à un mot un sens différent de celui i)our
lequel il a été primitivement établi , c'est un
trope. Ces écarts de la première signification du
mot se font en bien des manières différentes,
auxquelles les rhéteurs ont donné des noms par-
ticuliers. Voyez Tropes.
Il y a une dernière sorte de figures de mots
qu'il ne faut pas confondre avec celles dont
nous venons do parler.
Les figures dont il s'agit ne sont point des
tropes, puisque les mots y conservent leur signi-
fication propre; ce ne sont point des figures de
pensées, puisque ce n'est que des mots qu'elles
tirent ce (pi'elles sont. Telles sont la répétition,
la synonymie, Vonornatopée. Voyez ces uiols.
Les figures de pensées consistent dans la pen-
sée, dans le sentiment, dans le tour d'esprit; en
sorte que l'on consen-e la figure, quelles que
soient les paroles dont on se sert pour l'expri-
mer.
Les figures, ou expressions figurées, ont cha-
cune une forme i)articuliére qui leur est propre,
et (]ui les distingue les unes des autres. Par
exemple, Vantithèsc est distinguée des autres
manières de parler, en ce que les mots qui for-
ment l'antithèse ont une signification o[)poséc
l'une à l'autre. L'apostrophe est différenie des
autres figures, parce que ce n'est que dans l'a-
postrophe qu'on adresse tout d'un coup la parole
à quelque personne présente ou absente. Ce n'est
que dans laprosopopée(\nG\ow fait parler les morts,
lesabsentsou les êtresinanimés. lien est de môme
des autres figures. Les grammairiens et les rhé-
teurs ont fail des classes parti<'ulières de ces dif-
férentes manières, et ont donné le nom iefifiirres
de pensées à colh^squi énoncent les jiensées sous
une forme particulière qui les distingue les unes
des aiUres et de tout ce qui n'est que phrase
ou expression. Ces classes sont en très-grand
nombre, et il est inutile de les connaître toutes.
Les principales, outre celles que nous venons
de nommer, sont Vexclamatinn, l'interrogation,
la commv nication , Vénumératinn, la concession,
la gradation, la suspension, la rélicence, l'in-
terruption, Vohserration, la périphrase, l'hyper-
Me, etc.
Les figures rendent le discours plus insinuant,
plus agréable, plus vif, plus énergique, plus
pathétique; mais elles doivent être rares et bien
amenées. Elles ne doivent être que l'effet du
sentiment et des mouvements naturels, et l'art n'y
doit |iuint paraître.
Nous parlons naturellement en langage figuré
lorsque nous sommes animés d'une violente pas-
FIG
sion. Quand il est de notre intérêt de persuader
aux autres ce que nous pensons, et de faire sur
eux une impression pareille à celle dont nous
sommes frai)pés, la nature nous dicte et nous
inspire son langage, .\lors toutes les figures de
l'art oratoire (pie Tes rhéteurs ont revêtues de tant
de noms pompeux, ne sont <iue des façons de
l)arler très-communes que nous prodiguons sans
aucune connaissance de la rhétorique. Ainsi le
langage figuré n'est que le langage de la simple
nature appli(iuc aux circonstances où nous le
devons parler.
Rien de plus froid que les ex[)ressions figu-
rées quand elles ne sont pas l'crfet naturel du
mouvement de l'àme. Pour(]uoi les mêmes pen-
sées nous i)araisseiu-elles beaucoup plus vives
quand elles sont exprimées par une ligure, que
si elles étaier.l enfermées dans des expressions
toutes simples? C'est que les ex[iressions figurées
nianpient, outre la chose dont il s'agit, le mou-
vement et la pass'ion de celui qui parle, et impri-
ment ainsi l'une et l'autre idée dans l'esprit; au
lieu (lue l'expression simple ne marque que la
vérité toute nue.
les figures doivent surtout être employées
avec ménagement dans la prose, (]m traite sou-
vent des matières de discussion et de raisonne-
ment. On n'admet f)oint le slyie figuré dans l'his-
toire, car trop de métaphores nuisent à la clarté ;
elles nuisent même à la vérité, en disant plus ou
moins que la chose même. Les ouvrages didacti-
ques le réprouvent également. Il est bien moins
à sa place dans un sermon que dans une oraisou
funèbre, parce que le sermon est une instruction
dans laquelle on annonce la vérité, l'oraison fu-
nèbre une déclamation dans laquelle on l'exagère.
L'imagination ardente, la passion, le dé.'iir sou-
vent trompé de plaire par des expressions surpre-
nantes, produisent le style figuré. La poésie d'en-
thousiasme, comme l'épopée, l'ode, est le genre
qui reçoit le plus ce style. On le prodigue moins
dans la tragédie, où le dialogue doit être aussi
natmel qu'élevé ; encore moins dans la comédie,
dont le style doit être plus simple. C'est le goût
qui fixe les bornes qu'on doit donner au style fi-
guré dans chaque genre.
1, 'allégorie n'est point le style figuré. On peut,
dans une allégorie, ne point employer les figures,
les métaphores, et dire avec simplicité ce qu'on
a inventé avec imagination.
Presque toutes les maximes des anciens Orien-
taux et des Grecs sont dans un style figuré. Tou-
tes ces sentences sont des métaphores, de courtes
allégories; et c'est la que le style figuré fait un
très-grand effet, en ébranlant l'imagination et en
se gravant dans la mémoire. C'est ainsi qu'on a
dit n'attises pas le feu avec l'épée, pour dire
n'irritez pas les esprits échauffés. Il y a dans
toutes les langues beaucoup de proverbes qui
sont dans le style figuré.
lorsqu'une figure se présente trop brusque-
ment, elle étonne plutôt qu'elle ne plail; lors-
qu'elle n'est pas soutenue, elle ne produit pas
tout son effet. 11 faut donc avoir soin de prépa-
rer et de soutenir les figures.
f^otis êtes bonne, quand vinis dites que vous
avez peur des beaux esprits ! Hélas! si vous
saviez combien ils sont empêchés de leur per-
sonne, vous les 7iieltriez bientôt à hauteur d'ap-
pui.— y4 hauteur d'appui est ici une ligure trop
brusque, et qu'on a même de la |)eine à entendre.
Mais si l'on dit avec madame de Sévigné : Hé-
las! si vous saviez combien ils sont empêchés
FIG
de leur personne, et combien ils sont petits de
près, vous les rcinetlriez bientôt à hauteur d'ap-
pui. \'uila ce (iiii s'ap|tell(' une ligure prejKirc'e.
En voici une autre qui ne l'esl pas : On voit peu
ePesprits entièrement stupidcs, l'on en voit en-
core 7Hoins qui soient sublimes et iranscendunts.
Le commun des hommes nage antre deux extré-
mités, (l.a Bruyère, de l'Homme, [). 3'i'7 ) Le mol
««^«T vient mal après ces deux classes d'esprit;
cette figure avait besoin d'être préparée. 11 faut ici
multiplier les exemples; ils instruiront mieux que
les préceptes.
Si Borne a plus porté de grands hommes qu^au-
cune autre ville qui eût été avant elle._ ce n'a
foint été le Jiasurd ; mais c'est que l'Etat ro-
main, constitué de la manière que nous avons
vu, était pour ainsi dire du tempérament qui de-
vait être le plus fécond en héros. (Bossuet, Disc,
sur l'Hist. univ., Z' part., chap. VI, p. 480.)
— Constitué prépare tempérament. Cependant,
comme Bussuel n'a pas trouvé celte figure assez
préparée, il sauve ce qu'elle a de plus brusque, en
ajoutant pour ainsi dire. 11 n'aurait pas eu be-
soin de cette précaution s'il ei'it représenté la ré-
publique comme un corps, et qu'il eût dit : C'est
que le corps de la république, constitué de la
«lanière que nous avons vu, était du iempéra-
meni qui devait être le plus fécond en héros.
Que sa vérité propice
Soit contre leur artiHce
Ton plus invincible mur;
Que son aile tutélaire
Contie leur âpre colère
Soit ton rempart le plus sûr.
(J.-B. Rouss., liv. III, Ode ti, 25.)
Voilà une confusion de figures qui ne sont
point préparées. Qu'est-ce, en effet, qu'une véritc
qui est un mur contre l'artilice, et qu'une aile
(]ui est un rempart contre la colère?
Bossuel a dit : C'est en cette sorte que les es-
prits V7ie fois émus, tombant de rtiine en ruine,
se sont dirisés en tant do sectes. [Orais. fun.
de la reine d'Angleterre, p. 27.) — Des esprits
ne tombent pas de ruine en ruine, et il faudrait
bien des précautions pour préparer une pareille
figure.
QueUiuefois c'est à la pensée même, exprimOe
dans les lermes propres, a préparer la figure : Je
suis sans cesse occupée de vous, ma chère en-
fant ; je pas!%i bien plus d'heures à Grijnan
qu'aux Rochers. (Sévigné.) Je passe bien plus
d'heures à Grignan qu'aux BochersC^ixine figure
qu'on n'entendrait [)as si la même pensée n'avait
pas d'abord été rendue dans les termes propres.
Voici des exemples de figures souteiiiles :
Où sont ces CIs de la terre
Dont les Gères légions
Devaient :illHmer la guerre
Au sein de nos régions?
La nuit les vit rassemblées,
Le jour les vit écoulées
Comme les faibles ruisseaux
Qui, gonflés par quelque orage,
Viennent inonder la plage
Qui doit engloutir leurs eauj.
(J.-B. Rouss., liv. III, Odex, H.j
Ces mots de légions écoulées font une image (}ui
n'est pas assez préparée. Mais toute la suite ofi'i c
une figure fort bien soutenue; car, dés quelles
sont écoulées, il est très-naturel de les comparer
a des torrents qui sont engloutis dans les lieux
où ils se répandent. A'oici un autre exemple d'une
figure bieu soutenue, à peu de chose près :
FIG
295
O Dieu! qu'est-ce donc que l'homme f est-ce
un prodige? est-ce un asscmbluic monstrueux
de choses incompatibles? est-ce une énigme in-
explicable? ou bien n'est-ce pas plutôt, si je puis
parler de la sorte, un reste de lui même, une
ombre de ce quHl était dans son origine, un édi-
fice ruiné qui, dans ses masures renversées,
conserve encore quelque chose de la beauté et de
la grandeur de sa première forme? Il est tombé
en ruine par sa volonté dépravée ; le comble est
abattu sur les murailles et sur le fondement;
mais qu'on remue ces ruines, on trouvera dans
les restes de ce bâtiment renversé, et les traces
des fondations, et l'idée du premier dessein, et
la marque de l'architecte. (Bossuet.)
Ce tableau est grand et juste dans toutes
ses proportions. 11 faut seulement retrancher
par sa volonté dépravée, car ces mots ne sau-
raient se dire d'un édifice; et la régie, pour
soutenir une figure, est de ne rien ajouter qui ne
soit dans l'analogie de la première figure. Voici
un exemple où cette règle est bien observée : Il
faut que M. de la Garde ait de bonnes raisons
pour se porter à l'extrémité de s'atteler avec
quelqu'un ; je le croyais libre et sautant et cou
ranl dans un pré; mais enfin il faut venir au
timon, et se mettre sous le joug comme les au-
tres. {.Sévigné, lettre du 17 7«(u'l676.)
JNous allons ajouter j)lusieurs exemples de fi-
gures mal |)répar6esou mal soutenues, afin «ju'on
apprenne à éviter des fautes dont les meilleurs
écrivains ne se garanlissenl pas toujours.
Tantôt il s'oppose à la jonction de tant de se-
cours amassés, et rompt le cours de ces torrents
qui auraient inondé la France ; tantôt il les dé-
fait et les disperse par des c-mibats réitcrés;
tantôt il les repousse au delà de leurs rivières.
(Fléchier, Oruis. fun. de 2'urennc, \). 110.) —
On ne défait pas des torrents, on ne les dissipe
l)as jiar des combats, on ne les repousse pas au
delà de leurs rivières. Celle figure est donc mal
soutenue.
Votre raison, qui jamais n'a flotte
Que dans le trouble et dans l'obscurilé,
Kt qui, rampant à peine sur la terre.
Veut s'élever au-dessus du tonnerre.
Au moindre ccueil qu'elle trouve ici-lia?,
lirouclie, trébuche et tombe à chaque pas:
Et vous voulez, fiers de celle étincelle.
Chicaner Dieu sur ce qu'il lui révèle !
(J.-B. Rouss., liv. II, Épttre 7, ?9.)
Quand on considère la raison comme une étin-
celle , peut-on dire qu'elle flotte, peul-on dire
qu'elle rampe? Enfin si elle rampe, Orrmcne-
t-elle, trébuche-t-elle, tombe-t-elle au moindre
écueil? Ce n'est là qu'une confusion de fiuures.
Je ne doute point que le public ne soit étourdi
et fatigué d'entendre, depuis quelques années,
de vieux corbeaux croasser autour de ceux qui,
d'un vol libre etd'uiie plume légère, se sont éle-
vés à quelque gloire pur leurs écrits. Ces oi-
seaux lugubres semblent, par leurs cris conti-
nuels, leur vouloir imputer le décri universel
où tombe nécessairement tout ce qu'ils exposent
au grand jour de l'impression, co/"w<? si oii était
cause qu'ils manquent de force et d'iudeine, ou
qu'on dût être responsable de cette médiocrité
répandue sur leurs ouvrages, (l.a Bruyère.)
Voilà des oiseaux, des ailes, des plumes, dei
ouvrages, des écrits exposés au jour de l'inqires--
sion, et qui ne sont rien moins qu'une figure sou
tenue.
29<J
FIL
Dieu redresse quand il lui plaît le sens égaré.
(Bossucl.) On ramène ce qui est égaré, on ne le
redresse pas.
Jusquesau bord du crime ils conduisent nos pa?.
Ils nous le font coinmcllre et ne l'excusent pas.
(Rac, Frérei ennemi», act. III, se. Il, 19.)
Commettre et excuser ne peuvent s'associer avec
un crime représenté comme un précipice sur le
bord duquel nos jtas sont conduits,
l'inissoiis par une ligure bien soutenue :
A peine du limon où le vice m'engage.
J'arrache un pied timide et sors en m'agilanl.
Que l'autre m'y reporte ets'embourbe à l'instant.
(BoiL., Épttre III, 90.)
On voit, par ces exemples, qu'une ligure a be-
soin d'être préparée toutes les fois que le terme
substitue n'a pas une analogie assez sensible avec
celui qu'on rejette. On voit aussi qu'une figure
est soutenue lorsqu'on conserve la même analo-
gie dans tous les termes qu'on emploie. (Dumar-
sais, Voltaire, Jaucourt, La Harpe, Condillac.)
Voyez Trope.
Figuré, Figurée. Âdj. Il signifie exprimé en
figures. On à\\.nnhallet figuré, d'un ballet qui
représente ou que l'on croit représenter une ac-
tion, une passion, une saison, ou qui simplement
forme des ligures , par l'arrangement des dan-
seurs deux "à deux, quatre à quatre ; copie
figurée , parce qu'elle exprime précisénicnt
l'ordre et la disposition de l'original; vérité [\-
^'urée par une fable, par vne parabole ; l'Eglise
figurée par la jeune épouse du Cantique des
Cantiques; l'ancienne Rome figurée /sac Babij-
lonc ; slyle figuré par les expressions métaphori-
ques (jui figurent les choses dont on parle, et qui
les défigurent quand les métaphores ne sont pas
justes. (Volt., Dict. philos.)
Cet adjectif se met toujours après son subst.
Voyez Figure, Style, Trope.
FiGURÉMENT. Adv. Il HO se met qu'après le
verbe : Ce mot est pris figurément, et non pas
est figurévient pris.
Fil. Subst. m. On prononce le l, mais sans le
mouiller.
Filial, Filiale. Il n'a point de pluriel au
masculin. On ne dit ni filials , ni filiaux. En
prose, il ne se met (ju'aprés son subst. : Respect
filial, crainte filiale, piété filiale.
FiLiALEMEM. Adv. Il sc luct aprés le verbe : Il
s'est comporté finalement envers son père et sa
mère.
Fille. Subst. f. L'emploi de ce mot au figuré
est fort étendu :
La médisance est la fille immortelle
De l'amour-propre et de l'oisiveté.
(Volt., ÉpUrc XXXY, 13.)
La mort auprès de lui, fille affreuse du temps.
(Volt., Henr., VII, 79.)
Colberl, c'est sur tes pas que l'Iieureusc abondance.
Fille de tes travaux, vient enricliir la France.
(Idem, VII, 348.)
Et si la perfidie est fille de l'erreur.
(/dem, II, 8.)
Sous le puissant abri de son bras despotique,
Au fond du Vatican régnait la politique,
Fille de l'inliJrCa et de l'ambition.
[Idem, IV, 222.
Voyez Demoiselle.
FIN
Fils. Subst. m. On ne prononce jamais leZ. On
prononce le s final devant une voyelle ou un h
non aspiré : Son fU-zaîné. ^'oyez Lis.
Fin, FiNK. Adj. H se met iir.linairenient après
Son subst. : Toile fine, étoffe fine ;~pensée fine,
raillerie fine, plaisanterie fine, etc. Cependant
on pi'Ut din; dansquol<iucs cas une fine ruil'çrie,
vue fine plaisanterie. Il précède aussi son subst.
dans les phrases suivantes, (pii sont comme con-
sacrées ; Un fin renard, une fine bête, vne fine
mouche, un fin matois, en fin fond de forêt. Voy.
.adjectif. Finesse.
Fin. Sut
bst. f. Terme relatif à commencement.
Le commencement est des parties d'une chose
celle ijui est ou qu'on regarde comme la pre-
mière; et la fin celle qui est ou (]u'on regarde
comme la dernière. Ainsi on dit la fin d'unvuyuge,
la fin d'un ouvrage, la fin de la vie, la fin d'une
passion. Cette passion tire à sa fin, cet ouvrage
tire à sa fin. Une ouvrière dirait en dévidant un
peloton de fil ou en travaillant, je touche à la fin
de mon fil; si elle en séparait une petlle portion,
voilà un bout de fil ; si elle considérait ce fil
comme continu, je le tiens par le bout ; %\ gWq
n'avait égard qu'au bout (lu'ollc tient, et qu'il fût
sur le point de lui échapper des doigts, tant la
partie <iu'cllc en tiendrait serait petite, je n'en
tiens plus que l'extrémité.
A LA FIN. Expression adverbiale. On peut la
mettre au commencement de la i)iirase : A la fin
il convint de tout ; on n^rii-i le verbe, il convint
de tout à la fin; ou entre l'auxiliaire et le parti-
cipe, il est il la fin convenu de tout.
Final, Finalk. Adj. H ne se met (praprùs son
subst. : État final, compte final, quittance finale^
impénitence finale, persévérance finale; il fait
finals au masculin pluriel, des sons finals. — L'A-
cadémie n'indique pas le pluriel. Cet adjectif s'em-
ploie substantivement au féminin, pour signifier
la dernière syllabe d'un mot : Finale longue, fi-
nale brève. (Acad.)
Finale. SuDst. m. Terme de musique emprunté
de l'italien. Morceau d'ensemble qui termine un
acte d'opéra : Le finale du premier acte. On dit,
dans un sens analogue, finale de symphonie, fi-
nale de sonate. (Acad.)
Finalement. Adv. Il peut se mettre au com-
mencement de la phrase : Finalement il en est
venu à bout; ou eiUre l'auxiliaire et le participe,
il est finalement convenu qu'il avait tort; ou
après le verbe, il est convenu finalement qu'il
avait tort.
Finaud, Finaude. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un homme finaud, une femme fi-
naude.
Finement. Adv. Il peut se mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : // a répondu finement, ou
il a finement répondu. Il s'est finement tiré d'af-
faire.
Finesse. Subst. f. Ce mot ne signifie, ni au pro-
pre ni au figuré, mince, léger, délié, d'une con-
texture rare, faible, ténue; il exprime quelque
chose de déUcat et de fini. Un drap léger, une
toile lâche, une dentelle faible, un galon mince,
ne sont pas toujours fins. Ce mot a du rapport
avec finir; de là viennent les finesses de l'art.
Ainsi l'on dit la finesse du pinceau de JVandcr-
werf, de Miéris. On dit un cheval fin, de l'or fin,
un diamant fin. Le cheval fin est opposé au che-
val grossier; le diamant fin au faux; l'or fin ou
affiné i\\'ov mêlé d'alliage. La finesse se dit com-
munrment des ciioses déliées et de la légèreté de
la main-d'œuvre. Quoiqu'on dise«?j cheval fin,
FIIN
on ne dit guère la finesse d'un cJiPvaf. On dit la
finesse des cheveux, d'une dentelle, d'une éti'ff'e.
(Jiiand on veut par ce mot exprimer le défaut ou
le mauvais emploi de (pielque chose, on ajoute
l'adverbe trop : Ce fil s'est cassé , il était trop
fin. Cette étoffe est trop fine pour la saison.
La finesse, dans le sens liguré, s'applique à la
conduiic, aux discours, aux ouvrages d'esprit.
Dans la conduite, /î/!f55e exprime toujours, comme
dans les arts, quelque chose de délie; elle peut
(pielquefois subsister sans l'Iiabilelé; il est rare
qu'elle ne soit pas mêlée d'im peu de fourberie ;
la politique l'adiiiet. et la sociélc la n'prouve. Le
proverbe de finesses cousues de fil blanc, prouve
que ce mot, au sens ligure, vient du sens pro-
pre de couture fine, d'étnff]; fine.
La finesse n'e^l pas tout à fait la subtilité. On
tend un piège arec finesse, on en échappe avec
subtilité. On a une conduite fine, on joue un
rôle subtil; on inspire la déliance en employant
toujours /a finesse. On se trompe presque toujours
en entendant finesse à tout. — La finesse, dans les
ouvrages d'esprit comme dans la conversation, con-
siste dans l'art de ne pas exprimer direcicment sa
pensée, mais de la laisser aisément apercevoir; c'est
une énigme dont les gens d'esprit devinent tout
d'un coup le mot. Tu chancelier offrant un jour
sa protection au parlement, le premier président
se tournant vers sa compagnie: Messieurs, dit-
il, remercions M. le chancelier, il nous donne
plus que nous ne lui dcma ndons. C'est là une ré-
ponse très-line.
La finesse, dans la conversation , dans les
écrits, diffère de la délicatesse. La première s'é-
tend également aux choses piquantes et agréa-
bles, au blâme et à la louange même, aux choses
même indécentes, couvertes d'un voile à travers
lequel on les voit sans rougir. On dit des choses
hardies avec finesse. La délicatesse exprime les
sentiments d.^ux et agréables, des louanges lines;
ainsi la finesse convient plus à l'épigramme, la dé-
licatesse au madrigal. 11 entre de la délicatesse
dans les jalousies des amants ; il n'y entre point
de finesse. Les louanges que donnait Despréaux
a Louis XIV ne sont pas toujours également dé-
licates; ses satires ne sont pas toujours assez fines.
Quand Iphigénie, dans Piacine, a reçu l'ordre de
son père de ne plus revoir Achille, elle s'écrie :
Dieux plus doux. Tous n'aviei demandé que ma vie!
(RlC, Iphig., act. V, se. i, 22.)
Le véritable caractère de ce vers est plutôt la dé-
licatesse que la finesse. (Volt., Dict. philosophi-
que)
Finesse, en morale, est la faculté d'apercevoir,
dans les rapports superficiels des circonstances et
des choses, les facultés jiresque insensibles qui
se répondent, les points indivisibles qui se tou-
chent, les lils déliés qui s'entrelacent et s'unis-
sent. La finisse diffère de la pénétration en ce
que celle-ci l'ail voir en grand, et la finesse en pe-
tit détail. L'homme pénétrant voit loin; l'homme
fin voit clair, mais de prés.
La finesse ne peut suivre la pénétration, mais
quelquefois aussi elle lui échappe. Un homme
profond est impénétrable pour un homme qui
n'est que lin ; car celui-ci ne combine que les su-
perficies; mais l'homme profond est quelquefois
surpris par l'homme- fin.
La délicatesse est la finesse du sentiment qui
ne réfléchit point; c'est une perception vive et
rapide du résultat des combinaisons. Si la déhca-
FIN
297
iesse est jointe à beaucoup de sensibilité, elle
ressemble encore plus à la sugucité qu'à la ^-
nessc.
La sagacité diffère de la finesse, i" en ce qu'elle
est dans le tact de l'esprit, comme la délicatesse
est dans le tact de l'àme; 2" en ce que la finesse
est superficielle, et la sagacité pénéiranic; ce
n'est point une pénétration progressive, mais sou-
daine, qui franchit le milieu des idées, et louche
au but dès le premier pas.
La ruse se dislingue de la finesse en ce qu'elle
emploie la fausseté. La ruse exige la finesse pour
s'cnveiopper plus élroilement, et pour rendre
plus sublils les piégos de l'artifue et du men-
songe. La finesse ne sert qucliiuefois q\i'à décou-
vrir et à rompre ces pièges; car la ruse est tou-
jours offensive, et la finesse iicut ne pas l'être.
Un honnête homme peut être fin, mais il ne peut
être rusé.
Du icsle, il est si facile et si dangereux de
passer de l'une à l'autre, cpic peu d'honnéles gens
se piquent d'être fins. Le bon homme et le grand
honune ont cela de commun, qu'Us ne peuvent se
résoudre à l'èlre.
Vas/uce est une (inesse pratique dans le mal,
mais en petit; c'est la ^«es^ecpii nuit ou qui veut
nuire. Dans l'astuce, la finesse esl jointe a la mé-
chancelé, comme à la fausseté dans la ruse.
La perfidie suppose plus que de la finesse ;c'csi
une lausselé noire et profonde qui emploie des
moyens plus puissants, ipii meut des ressorts
plus cachés que Vastuce et la ruse. Celles-ci,
pour être dirigées, n'ont besoin que de la finesse,
el la finesse suffit pour leur échapper; mais pour
observer et démasquer lu perfidie, il faut h péné-
tration même. La perfid ie csl un abus de la con-
fiance fondée sur des garants inévitables, tels
que l'humanité, la bonne loi, l'auiorilc des lois,
la reconnaissance, l'amitié, les droits du sang, etc.
Plus ces droits sont sacrés, plus la confiance est
tranquille, et plus, par conséquent. Va perfidie esl
à couvert. On se défie moins d'un concitoyen que
d'un étranger, d'un ami que d'un concitoyen, etc.,
ainsi par degré la perfidie est plus atroce, à me-
sure que la "confiance violée était mieux établie.
(Marmontel.)
FiM, Finie. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : U<i ouvrage fini, un poëme fini, un être
fini.
/^t/it signifie, en grammaire, déterminé, appli-
qué. On divise les modes des verbes en deux es-
pèces, en mode infinilif, et en modes finis. L'infi-
nitif énonce la signification du verbe dans un
sens abstrait, sansen faire une application indi-
viduelle, comme aimer, lire, écouter; ensorte que
l'infinitif par lui-même ne dit point ([u'aucun in-
dividu fasse l'action qu'il signifie. Au contraire,
les mode.<i finis appliquent l'action par rapjwrt à la
personne, au nombre et au temps : l'ierre lit, a
lu, lira, etc.— On dit aussi sens fini, c'est-à-dire
détermine ; on oppose alors sens fini à sens rague
ou indéterminé. — Sens ;Ç//i signifie aussi sens
achevé, sens complet; ce qui arrive quand l'es-
prit n'attend plus d'autre moi pour compicndre
le sens de la phrase. On met un point à la fin de
la période quand le sens est fin', ou complet. Alors
l'esprit n'attend idus d'autre mot par rapport à la
construction de la phrase particulière. (Dumar-
sais.) Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Finir. V. a. et n. de la 2'conj. 11 se conjugue
comme emplir. Il se joint à un infinitif avec la
préposition d^ ou la proposition à : Finir dépar-
ier, ^int>- de faire une chose, c'est cesser de la
298
FIX
fairo parce qu'elle est entièrement faite; ou bien
c'est rosser de la faire, (|uoi<iu'un puisse la conti-
nuer : Il (i fini de chanter snn air. Jl parlait sans
cesse, et on ne pouvait le faire finir. M:iil:inie de
Sévignc a dit je ne finirais point à roiis faire des
compliments. Il semble iino finira a rapport aux
choses (jui sont l'objet de l'action; et finir de, à
l'action ello-nicinc : On finit de parU-r, l'action
cesse. Je voudrais bien vous faire connattre tous
les hauts faits de cet homme extraordinaire ,
niait je ne finirais pas à votis les raconter — Je
roulais continuer, viais vne indisposition subite
m'a obligé de finir.
On dit tout a fini, et tout est fini; le premier
mar(]ue une acijun, le second un état : 'J'out a
fini ce join'-lù, tout a élc terminé, arrangé ce
jour-là. 7'out est fini, il n'y a plus rien à faire,
tout est dans un étal tel, qu'il n'y a rien à y chan-
ger.
L'Académie n'a point dit finir dans le sens de
faire cesser.
Il faut finir des Juifs le honteux esclavage.
(Rac, Ath., act. IV, se. m, 28.)
Finisiei vos regrets, et retenez vos larmes.
(Volt., OEd., acl. V, se. i, l.)
En finir. Cette façon de parler est née dans le
bouleversement de la révolution; le peuple
l'emploie en parlant d'une dispute ou d'une
affaire qui est trop longue à se terminer. Quand
une liiie veut se marier, elle dit à son amant qu'il
faut en finir, qu'elle veut en finir; elle l'engage à
en finir. Celle expression ne se trouve point dans
les bons auteurs. Elle n'est conforme ni à l'analo-
gie, ni à l'ordre de la construction grammaticale.
On finit une chose, mais on ne finit pas d'une
chose.
Fisc. Subst. m. Ou prononce le * et le c ;
Fisk.
Fi.scAL, Fiscale. Adj II ne se met qu'après son
subst. : Procureur fiscal, avocat fiscal, matières
fiscales, driiits fiscaux. (Acad.)
Fjxe. Adj. des deux genres. Il ne se met qu'a-
prés son subst. : f^ue fixe, regard fixe, prix fixe,
jour fixe, heure fixe. Molière l'a mis avant le
subst. (la Princesse d'Elide, acl. I, se. i, 4) :
El c&i fixes regards, tout chargés de langueur;
mais celte inversion parait din-e.
FixtHENT. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il m'a regardé fijcement,
ou il m'a fixement regardé. Voyez le mot sui-
vant.
Fixer. \. a. de la 1" conj. Ce mol signifie ar-
rêter, rendre stable, invariable : Fixer la valeur
des monnaies, fixer un jour., vne heure. Racine
a dit [Phèd., act. I, se. i, 25) :
Et/!2an(de ses tobux l'inconstance Tatalc;
et La Rochefoucauld : La hmangc qu'on nous
donne sert au moins à nous (ixcr dans la prati-
que des vertus. — On dit aussi fixer ses regards
sur quelqu'un, pour dire les arrêter sur (]uel-
qu'un; et fixer les regards de quelqu'un, pour
dire devenir l'objet de son attention, de sa pas-
sion Maison ne iii[\)as fixer quelqu'un, pour dire
le regarder fixement.
QueUiues Gascons, dit Voltaire dans son Dic-
tionnaire philosophique, au mot Langue fran-
çaise, hasardèrent de dire : J'ai fixé cette dame,
FLA
pour je l'ai regardée fixement, j'ai fixé mes yeux
sur elle. De la est venue la mode de dire fixer
une personne. Alors vous ne savez point si on en-
tend parce \nol, j'ai rendu cette personne moins
volage, on je l'ai ob.<!ervte, j'ai fixé 7aes regards
sur elle- Voila une nouvelle source d'équivoques.
— Au lieu du verbe ^.rer en ce sens, neciaignoiis
I pas de dire regarder fixement : Les aigles, dit-
on, accoutument leurs petits l't regarder fixement
! le soleil. (Bufl'on.) — i^fj-^r, dit Cliarles Nodier, a
' été employé dans le sens de regarder fixement
I par J -J. Rousseau, Diderot, Delille, Anquelil,
i Rivarol, Tiiiébault, madame de Genlis, et ocii!
I autres. M. de Chateaubriand le condamne; mais
i il en use, et fait bien. [Examen crit. des Dict.j
Flagellation. Subsl. f. Voyez Flageller.
Flageller. V. a. de la i" conj. Fouetter, ou
plutôt fustiger violemment et même ignominieu-
sement. On^attache à la (lagellation l'idée de pé-
nitence. Ce mol n'est plus employé (]ue dans le
style dévot et religieux. Il ne s'applique qu'aui
personnes; mais fiuettcr, qui est un terme géné-
rique, se dit des animaux et même des choses in-
animées : On fouette les chevaux, les chiens; on
fouette la crème pour la faire monter; un enfant
fouette ssi toupie pour la faire tourner.
Flageoler. \ . n. de la 1" conj. C'est un ter-
me de manège qui se dit d'un cheval aux jambes
duquel on aperçoit une espèce de tremblement
lorsqu'il s'arrête. J.-J. Rousseau l'a dit des jam-
bes de l'homme: J^out à coup, au lieu des flammes
quime dévoraient, je sens un froidmurtel courir
dans mes veines. Les jambes me flageolent, et,
prêt à me trotivcr mal, je m'assieds et pleure
comme un enfant.
Flagorner. V. a. de la l"^* conj. C'est, i)ro-
prement, flatter comme ces gens qui font les bons
valets, pour s'insinuer dans l'esprit d'un inaitre,
eu tâchant d'y détruire tout concurrent par de
faux rapports. H est familier.
Fluber. V. a. de la 1'^'' conj. Il signifie sentir
par l'odorat : Flairer mie rose. Les chiens flai-
rent le gibier. On ne peut employer le verbe /î«i-
rer qu'en ce sens. Voyez Fleurer.
Flambant, Flambante. Adj. verbal lire du v.
flamber. Il ne se met qu'après son subst. : Un
tison flambant, une bûche flambante.
Flabibeau. Subsl. m. Les poêles disent le ftam-
beati de la vie, les flumbeaux de la haine, etc. :
Tandis que de to» jour» prêts à se consumer,
Le/Zamïeau dure encore et pcul se rallumer.
(Rac, Phèd., act. I, se. m, 65.)
i.aissez-Tous pour adieux ces traits empoisonnés,
Ces flambeaux de discorde
(Volt., Marianne, acl. III, se. v, 71.)
Flamboyant, Flamboyante. Adj. verbal tiré du
V. flamboyer. En prose, il ne se met qu'après son
sulisl. : Épée flambcyante, astre flatnboyant- On
pourrait dire en vers : Sa flamboyante épée.
Voyez Adjectif.
Flamboyer. V. a. de la i" conj. 11 se conjugue
comme employer.
FLAiiiME. Subst. f. Les deux m avec lesquels on
écrit ce mot indiquent que la première syllabe
doit être brève. L'Académie de d7G2 ne nous dit
point que l'on doit prononcer flûme; mais Fé-
raud nous avertit que c'est là la vraie prononcia-
tion, cl l'Acadcmie de 171*8 répète cet avertisse-
ment, qui se Irouveencorc dans l'èditiondc 4835.
I Cette prononciation vient sùremenl de la licence
i (jue les poêles ont prise si souveiU de faire rimer
FLA
flamme :\\ ce âme. Féraiul,qui aime beaucouii
lessyllîibes longues, voudniil ijuc l'on écrivit y^/u-
me On i o iloil pas i>lus écrire fîûme qu<pi-
grùme. Flamme, pour la passion de l'amour, n'a
poinl de pluriel.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste.
(Rac, Phèd., ad. V, se. VII, 52.)
Je verrai le témoin de ma (tammc adultère.
[Idem, acl. 111, se. m, 17.)
De vos feux devant moi vons étouffiez la flamme.
(Volt., Brut., act. II, se. i, 11.)
Corneille a dit dans Xa Menteur (acl. III, se. ii,
4):
... L'ardeur deClarioe est égale à vos flammes.
Ce mot au pluriel, dit Voltaire, était aloi"s en
usage; et, en eflcl, pourquoi ne pas dir^ à rn.i
flammes aussi bien (\u\'i vos feux, à vos amours?
[Remarques sur Corneille.)
Flanc. Subst. m. Le c ne se prononce pas
De votre dictateur ils ont percé le (lanc.
(Volt., Nort de César, act. III, se. viii, 19.)
Flanqdant, Flanquante. Adj. verbal tiré du
V. flanquer. Il ne se met qu'après son subst. :
angle flanquant, bastion flanquant.
Flasquk. Adj. des deux çeiires. Il peut se met-
tre avant son subst., en consultant roreiilc et l'a-
nalogie : Un hoTnme flasque, un cheval flasque.
Flattf.u. V. a. de la 1" conj. Ce verbe a une
signilicalion propre et physique dont ne parle
point l'Acadéiiiie. 11 désigne ce que fait un agent
qui, au lieu de résister directement à une force
dont il veut arrêter ou changer la pente, semble
plutôt aider à son luouvement , et l'accompagner;
mais cependant en faisant avec la ligne de sa di-
rection un angle qui le détourne peu à peu de la
route (pi'd suivait, et le fait ainsi arriver à un
terme irés-dilférent de celui au(iuel il tendait
d'abord ; On flatte le couruiit d'une rivière (pi'on
veut détourner d'un bord qu'elle endommage,
no"n pas en lui opposant une digne qui lui résiste
en face, et <pie bientôt elle renverserait, ou qui
la porterait avec une violence nuisible du côté
opposé; mais eu lui présentant une surface qui,
ne faisant d'ahord qu'un léger angle avec son
courant, l'écarté insensiblement du bord «[u'ellc
rongeait, et [)orte ses eaux vers un point ([ui n'a
rien a craindre de ses cfiorls. On flatte la vio-
lence des varjues de la mer, (pii engloutiraient
un rivage si on les abandonnait à ellcs-méuies,
ou qui renverseraient une digue qui leur oppo-
serait une surface perpendiculaire contre la-
quelle ces eaux viendraient frapper à angle droit.
On leur op|)ose une digue consiruite de manière
(pi'ellc n'offre à l'impéluosiié des flots (ju'un long
talus qui accompagne plutôt (]u'il ne retient leur
mouvement, mais qui, s'élevant insensiblement
au-dessus du niveau, ralentit leur fureur, et la
réduit à la lin au repos, sans secousse, sans brus-
que résistance, en évitant tout choc capable d'é-
branler l'obstacle qu'on lui oppose. — On flatte
aussi vu cheval fougueux (]ui s'emporte, non en
lui opposant brutalement un mors contre lequel
il se révolterait toujours davantage, mais en pa-
raissant céder un peu à sa fantaisie, et en ralentis-
sant et détournant insensiblement sa course [lar
un mouvement des rênes qui n'ait rien pour lui
de douloureux, et qui semble accompagner et ai-
FLE
299
der ses mouvements, tout en les dirigeant avec
délicatesse. On le flatte aussi de la main et de la
voix i)ar des caresses (pii lui plaisent, et par un
son de voix (pii n'annonce rien de contraiiant,
mais (pii j'encdurai^e, l'adoucisse, et lui inspire
de la coiiliancc.
C'est dans un sens à peu prés semblable que
l'on em|)loic le mot flatter, en y juignant (luehpie
rajjport au moral, lorsqu'on dit qu'ail faut flatter
les sots, les furieux, les persoimcs enqxirtées
par un accès violent de colère. Ici le physiiiuc et
le moral se réunissent, et leur action a tant d'ana-
logie, que les mémos termes servent a exprimer
l'un et l'autre. C'est dans le môme sens cpi'un
homme galant llatlc une femme, qu'un courtisan
llattc un prince. Si l'on y fait bien attention, on
irouvcia la i)lus grande analogie entre le sens
propre cl physiipie, et le sens figuré et moral de
ce mot.
On dit se flatter, et lorsqu'il y a deux verbes
dans la [ibrase, on met çwesi le second verbe ne
.^0 rapporte pas au sujet de la phrase : ./<> me flatte
que vous viendrez; et de avec l'inlinilif, si ce
second verbe s(? ra|)porte au sujet de la phrase :
Je me flatte d'obtenir votre suffrage.
Flatti'.ur. Flattf.iisk. Adj. Il peut se mettre
avant son subst., lorsque l'oreille et l'analogie ne
s'y opposent i)()inl : Discours flatteur, esprit
flatteur, langage flatteur, espoir flatteur; une
espérance flatteuse, ou zi?ie flatteuse espérance ;
une image flatteuse, ou %i,nc flatteuse image. On
l'emploie aussi substantivement • Un flatteur.
Fléghiiî. V. a. et n. de la 2' cunj. Ployer,
courber. Le père Bonhours pense qu'il ne se dit
I)oint au propre. On dit bien, ajoute-t-il, fléchir
un hojnvie, fléchir la colère de quelqu'un ; mais
on ne dit pas fléchir un arbre, fléchir un bâton.
Quand on dit fléchir le genou, cela signifie ado-
rer, et non pas simplement plier le genou. Nous
pensons que le père Bouhours a parfaitement
raison.
Pour le fléchir enfin tente tous les moyens.
(Rac, Phéd., act. lU, se. i, 71.)
Puissé-je auparavant fléchir leur injustice!
(Uac, Jphig., dct. II, se. Il, 44.)
Un danger si pressant a fléchi ma colère.
(Volt., Henr., IH, 559.)
Il n'a devant Aman pu fléchir les genoui.
Ni lui rendre un lionneur qu'il ne croit dû qu'à vous.
(lUc, £et;t., act. V, se. i, 111.)
Fléchir au neutre, se dit au propre et au fi-
guré : Une poutre qui fléchit, fléchir sous le
joug.
Vous seriez libre alors, seigneur, et dcantvous
Ces maîtres orgueilleux /Zechiratcnt comme nous.
(Rac, Britan., act. IV, se. iv, 75.)
Heureuse de vous suivre et de vous obéir.
Devant vos volontés vont apprendre à flcrhir.
(Volt., Zaire, act. 111, se. VI, 10.)
Flegmatique. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consuliant l'oreille
et l'analogie. On d\lun homme flcgutaliquc, un
tempérament flegmatique. Mais onijonrrait dire
aussi cette flegmatique .humeur, son flegmatique
tempérament.
FLÉTRin. V. a. de la 2' conj. Ce verbe a au
figuré une signification beaucoup plus é'-'ndue
que ne l'indique l'Académie.
300
FLE
Quel secret pénétxé peut flétrir tolre g\oire !
(Volt., OEd., acl. lU, se. l, 39.)
Ce trône a vu flétrir sa majcstô suprême, . .
[Volt., Sémir., act. I, se. i, 45.1
Ce cœur triste et flétri que les ans ont glaeê.
(Volt., Mahom., acl. I, se. l, 71.)
Le chagrin vint flétrir la lleur de ses beaux jours.
(Volt., Henr., 111,17.)
De longs remords, une horrible tristesse.
Sur mon visage ont flétri la jeunesse.
(Volt., Enf. Prod., act. IV, se. m, 74.)
Fleurer. V. n. de la 1" conj. II siçnific n--
IKindre une odeur, exhaler une odeur : Cela fleure
bon, les tubéreuses fleuieut Ion- On dil plus or-
dinairement sentir. Figurémenl el provorhiaie-
inent, œi dit d'une affaire qui parait bonne et
avanlaçeuse : Cela fleure comme baume. On ne
peut pas dire cela flaire comme baume. "N'oyez
Flairer.
Flecri, Fleurie. Adj. Qui est en fleur. Arbre
fleuri, rosier fleuri. On ne dit point des fleurs
qu'elles fleurissent ; on le dit des plantes et des
arbres. Teint fleuri, dont la carnation semble
un mélange de blanc et de couleur de rose. On a
dit quelquefois c'est un esprit fleuri, pour si-
gnifier un homme (|ui possède une littérature
léEîére, et dont l'imagination est riante. — Un
discours fleuri est rempli de pensées plus agréa-
bles que furies, d'images plus biillanles que su-
blimes, de termes plus recherchés qu'énergiques.
Celte métaphore si ordinaire est justement pi'ise
des fleurs, qui ont de l'éclat sans solidité. (Volt.,
Dict. phdosoph irjue.)
Fleurir. V. n. de la 2* conj. Au propre, il est
régulier dans toules ses formes. Au (iguré, il
est irrégulier à rinq)arfait de l'indicatif : Le com-
merce florissait ; el au participe présent, floris-
sant. — L'Académie remarque, dans sa dernière
édition, qu'au figuré, on doit toujours dire flo-
rissant au iiarlicipc ou adjectif verbal, mais
qu'on emjjloie queliiuefois 1 imjjarfait , fleuris-
sait : Les sciences et les beaux-arts fleurissaient
ou florissaient sous le règne de ce prince. Elle
ajoute qu'on dit toujours florissait quand on
parle d'une personne ou d'une collection de per-
sonnes, comme d'un peuple, d'une ville, d'une
républjcjuc : Athènes florissait sous Périclès.
FLEURissàM, Fleurissante. Adj. verbal tiré du
V. fleurir. En vers, on le met quelqucftiis avant
son subst. : Les prés fleunssanls, les fleuris-
santes prairies. Au figuré, on dit florissant,
florissante. ^ oyez Florissant, fleurir.
Flki;ve. Subst. m. Le mot fleuve, flumen, de
flucre, couler, désigne une quanlilé considérable
d'eau qui coule dans une longue étendue de
pays, et qui conserve son nom depuis sa source
jusqu'à ce qu'elle se jette dans la mer, ou qu'elle
se perde dans les sablcscommeleRhin. La grande
quanlilé d'eaux, et la conservation du môme
nom jusqu'à ce que ces eaux ne coulent plus
sur la terre, constituent le fleuve, el on se serl de
ce mot dans tous les cas où ces idées forment le
fond de la pensée. Ainsi l'on dira les fleuves qui
traversent la France, les grands fleuves d'A-
mérique, le cours d'un fleuve.
Mais si l'on considère ces mêmes eaux abstrac-
tion faite de leur long cours, elles prennent le
norn de rivière. C'est surtout ce qui arrive lors-
qu'on considère ces eaux relativement à un en-
droit parliculicr, ou aux besoins journaliers des
FLO
honunes et des animaux. On dil la rivière de
Loire passe à Orléans, comme on dit la rivière
de liièvre passe dans Paris. l^L^is on dil, sousun
aulre point de vue, la Loire est un fleuve gui
se jette dans l'Océan, Cl la Bièrre est une ri-
vière qui se jette dans la Seine. liivière vient
du laun ripa, rive, rivage. Le fleuve, considéré
par rapport à ses rives, aux endroits (ju'il arrose,
aux eaux qui sonl contenues entre ses rives,
est une rivière; ainsi l'on dil celte province est
arrosée par une grande rivière, la nvière bai-
gne les murs de celte forteresse, qmjique celle
7-tt7/è/e, considérée sous un aulre point de vue,
prenne le nom de fleuve. Cet emploi du mot
rivière, appliqué a un fleuve, se remarque dans
l'usage où sont les gens de mer d'appeler rivières
les fleuves cimsidcrés sous le rapport de la po-
sition des villes qui sont jirès de leur embou-
chure. Us ai)pcllenl la Seine la rivière de Rouen,
la Loire la rivière de Nantes, la Tamise la ri-
vière de Londres, le Tage la rivière de Lisbonne,
paice (|u'ils veulent désigner par là, non la lon-
gueur du cours de ces fleuves, mais seulement la
partie de leurs eaux qui baigne ces villes. —
On dit la rivière est marchande, el non pas le
fleuve est marchand, parce qu'il ne s'agit pas
de la longueur du cours, mais de la quantité
d'eau nécessaire pour porter bateau. On dil de
l'eau de rivière, el non pas de l'eau de fleuve ;
du poisson de rivière, et non pas du poisson de
fleure ; aller puiser de l'eau ù la rivière, et non
pas au fleuve. En parlant d'un particulier, on
dit qu'î'/ a passé la rivière, quoique celle rivière
soit un fleuve. Mais si un fleuve, dans l'étendue
de son cours, empêchait l'entrée d'une armée
dans un pays, dans un royaume, on dirait Var-
mée a passé le fleuve.
Flexible. Adj. des deux genres On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Cet osier flexible ou ce flexible
osier ; son caractère flexible ou son flexible ca-
ractère. Voyez Adjectif.
Floriss.\nt, FLOr.issANTE. Adj. verbal tiré du
v. fleurir. 11 n'est usité qu'au ligure, el peut se
mettre avant son subsl. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permellent. On dit un État flo-
rissant , le commerce florissant ; mais on dit
aussi un florissant empire, wte florissante jeu-
nesse. Voyez Adjectif.
Flot. Subst. m. Le t ne se prononce point.
Ce n'est ni eau agitée, ni vague, comme le dit
l'Académie. Ue quehiue manière que l'on agile
de l'eau, dans un vase, dans un toimcau, il n'en
rcsuliera point de flols; les ondes, qui sont l'effet
naturel de la fluidité d'une eau qui coule, ne
s appliquent guère en prose qu'aux rivières; et
les vagues , qui proviennent d'un mouvement
beaucoup plus violent que celui qui cause les
flots, s'api'li(]uent également aux rivières et a la
mer; au lieu que les flots s'appliquent propit-
menl à la mer.
Flottable. Adj. des deux genres. Il ne se met
(ju'aprcs son subst. ; Un canal flottable, une
rivière flottable.
Flottant, Flottante. Adj. verbal tiré du v.
flotter. L'Académie ne le dit au figuré que de
l'esprit ; Un esprit flottant, ^■ollairc a dit dans
la Henriade{l\,i)) :
A ses destins flottant» il fallait un appui.
En prose, il ne se met (ju'après son subst.
Flotter V. n. de lai" conj. Il s'emploie sou-
FOL
vent au figure, soit avec la préposition entre, soit
sans cclto proposition ; Flotter entre l'espérance
et la crainte (Acad.) :
Elle flotte, elle hésite, en un mot elle est reninie.
(Uac, Ath., acl. III, se. m, 17.)
Le roi, tuus le voyez, flotte encore interdit.
(Rac, E$th., acl. Y, se. il, 6.)
Heureux, si dans le trouble où flottent mes esprits.
(Rac, Iphig., act. IV, se. v, 3.)
Flottille. Subst. f. On mouille les/.
Floet, Fluette. Adj. 11 ne se met qu'aprc-s
son subst. : Un corps fluet, une constitutùfii
finette.
Fluide. Adj. des deux genres. On peut, en
consultant rorcille et l'analogie, le mettre avant
son subst. : L'eau fluide, l'air fluide ; le fluide
élément. A'oyez Adjectif.
Flûte, I'luter, Flutedr. Féraud reproche à
l'Académie d'avoir marqué d'un accent circon-
flexe \'û de ces trois inots. Il prétend (juc cet u
n'est loni:(iue devant l'e muet. Féraud se trompe.
Flûte vient du lalin fistula. On a écrit pendant
longtemps fleuste, jiuis fluste, et enfin fliUc
L'accent circonflexe indiciuela suppression du s,
et celle suppression exige que la syllabe soit
longue. L'w est bien aussi long dans nous flû-
tP7is et nous flûtàmes, que dans flûte, je flûte,
tu flûtes, etc.
Flux. Subst. f. Le x ne se prononce pas devant
une consonne, cl devant une voyelle il prend
l'articulation du z : Le fia zel le reflux de la
mer.
FœTcs. Subst. m. On prononce le *.
Foi. Subst. f. Corneille a dit dans Cinnu
(act. m, se. IV, 40) :
Je suis toujo'irs moi-même, et ma foi toujours pure.
Il faut, dit Voltaire, ma foi est toujours pure.
Ma foi ne peut être gouverné par je suis ; foi
pure ne se dit qu'en théologie [^Remarques sur
Corneille.)
Foin. Subst. m. Selon l'Académie, on dit pro-
verbialement et populairement il a mis du foin
danx ses hottes, pourdire il a bien fail ses afi'aires,
il a beaucoup gagné; et cela se dit d'urdiiiaire
en mauvaise part et d'un gain iliicile. On dit
aussi dans le même sens il a du foin dans ses
baltes.
Fol ou Foo, Folle. Adj. On prononce, et
même un écrit f)u, cxccplé lorsque ce mot, em-
ployé connue adjuciii', est immédiatement suivi
d'un subslanlifipii commence par une voyelle
ou un h non aspiré. Alors on dit et on écrit fol au
lieu de fou. Un homme fou. Il est fou à lier. Un
fol espoir, un fol amusement. Fou se met tou-
jours après son subst., excepté dans celle phrase,
un fou rire, un rire dont on n'est pas le maître.
On pourrait dire aussi un rire fou, mais dans un
autre sens; un }-ire fou est nn rire sans raison.
Folle \\c\i[ se mcUre (piclquelois avant son sub-
stantif. On dit une femme folle, et 1 on ne dit
paswwe folle femme; mais on dit une entreprise
folle, et une f,l/e entreprise ; une vanité folle,
et une foUe vanité. On dit avec la préposition
de : Il est fou de faire tant de dépense ; et il est
fou de sa femme, de ses enfants, de sa maison,
pour dire «lu'il les aime éperdumenl. Voyez Ad-
jeciif
Folâtre. Adj. des deux genres. Il se met sou-
KON
301
vent avant son subst.: La jeunesse folâtre,
la ptlûtre jeunesse ; les amours folâtres, les
folâtres amours. Voyez Adjectif.
FoLATr,i;n. V. n. de la l"" conj. Féraud reproche
à l'Académie d'avoir mis un accent circonflexe
sur l'a; et il prétend que ccl a n'est long que
devant l'e muet. Fcraud prend |)rol)ablcmeiU ici
la prononciation de sa province i)our celle de la
capitale. A est long dans tous les temps et à
toutes les personnes du v. filâtrer. On dit et l'on
écrit également je folâtre, eiy<? folâtrais. Ce mot
est familier.
FoLK.uo.N, FoLicnoN>r.. Adj. Il se met ordi-
nairement après son subst. : Un esprit folichon,
une humeur folichonne. Xitycz Adjectif.
Folie. Subst. f. Féraud [irélend i\uc faire des
folies se prend toujours en inaiivjiise part, mais
que dire des folies |)eut se jjrcndre queltpiefois
en bonne part. // est toujours honteux, da-\\,de
faire des folies. — Faire des folios peut se
piendre aussi bien en bonne i)art i|ue dire des
folies, et on dit souvent à un jeune homme vous
faites de.'! folies, sans avoir intention de lui re-
procher de faire des actions honteuses.
Follement. Adv. On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire cl le participe : Parler folle-
ment, répondre follement;il a follement répondu-
FoLLKT, Follet lE. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Poil follet, feu follet, esprit follet.
Foncé, Foncée. Adj. 11 ne se met qu'après son
subst : Couleur foncée.
Foncièrement. Adv. U se met au commence-
ment de la phrase : Foncièrement il est honnête
homme , ou après le verbe, il est foncièrement
honnête homme.
Fond. Subst. m. On ne prononce iioint le d,
même lorsque le mot suivant commence par une
voyelle, excepté dans de fond en comble. Féraud
dit, d'après Vaugelas et l'Acadéuiie, qu'il faut
distinguer dans l'orlhographe fond et fonds. Le
premier, dil-il, est le fundum des Latins, c'est la
partie la plus basse de ce qui contient ou peut
contenir quelque chose : Le fond d'un tonneau,
d'un sac. Fonds est le fundus des Latins. Au pro-
pre, c'est la terre qui produit les fruits; au figuré,
c'est tout ce qui rapportedu |)rofit .• Fondsdeterre,
faire fonds sur quelqu'un. — Ménage et Thomas
Corneille n'admeltent point cette distinction, el
veulent (piel'on écrive toujours /o//(isans*ausin-
gulier. Dumarsais s'est rangé a leur avis, et a ex-
pliqué de la manière suivante tout ce qui a rap-
|)ort à la signification et à l'orthographe de ce
mot.
Fond, subst. m., fait au pluriel fonds. Ce mol
a plusieurs acce|itions analogues entre elles, tant
au propre qu'au ligure.
Fond signifie premièrement la partie la plus
basse d'un tout : Le fmd d'un puits, le fond
d'une nvière, le fond de la mer, de fond en
comble, le fond du panier. Bâtir dans un fond,
c'est bàlir dans un lieu bas; il faut mettre un
fonda ce tonneau, c'est-a-dire (ju'il faut y ajou-
ter des douves qui serviront de fond. — Le fond
des forêts, le fond d'une allée; il s'est retiré dans
le fond d'une solitude, dans le fond d'un cloître.
Fond signifie aussi profondeur : Ce hant-de-
chausse n'a pas assez de fond, c'est-à-dire de
profondeur La digestion se fait dans le
fond de l'estomac. Un fossé à fond de cwre csl
un fossé sec et escarpe des deux côtés, à l'imita-
tion d'un vase. On du familioieinent déjeuner u
fond de cuve, cest-a-dirc amplement. En lerme^
de jeu, on dit aller à fond, pour dire écarter au'
302
FON
tant de cnrlcs qu'on peut en prendre dans le ta-
lon. IJi leiines de marine, le fond de cale est la
partie hi plus basse du v-aisseau ; c'est celle où l'on
met les provisions et les marcliandises. — Prendre
/i'/irf, c'est jeter l'ancre. Coulera fi/ni iiedh, d:uis
le sens propre, d'un vaisseau (]ui se remi)lit
d'eau et s'enfome. On dit par ligure, dun
homme dont la forlune est renversée, qu'il est
coulé (i fond. — On dit encore, en termes de ma-
rine, donner f'iid, c'esl-à-diic jeter i'ancri!. On
sonde (picliinefois sans trouver fond. Un bon
fond, dans le sens propre, en termes do marine,
veut dire un bon amrai-'e, c'est-a-dn-e que le fond
de la mer se trouve propre à retenir l'ancre. Bas-
fond esi un emlroil de la mer où il y a |ie'.
d'eau, où l'eau est basse.
Il y a des carrosses à deux fonds. — On dit par
métaphore, le fond de l'dme, le fond d'une af-
faire ; ce qu'il y a de plus caché, ce qui fait le
nœud (le la diflicultc. On dit aussi en calcul, le
fond du sac. — On dit qu'il ne faut |)oint cpi'on
sache le fond de notre bourse, pour dire ce que
nous avons de bien ou d'arirent. — ^J fond, c'est-
à-dire |)leinemcnt: Il a parlé à fond de..., etc.
Connaître à fond, c'est connaître l'origine, la
vie, l'esprit, l;i conduite et les mœurs de quel-
qu'un. — Au fond, sorte d'adverbe de raisonne-
ment, pour dire au reste, si l'on veut bien y faire
attention.
Fond se prend aussi dans le sens propre pour
le terrain, pour ce qui sert de base : On aplanie
ces arbres dans vn bon fond. Un bon fond de
terre. On ne doit pus bâtir sur le fojid d' autrui.
On dit d'un homme qu'z7 est riche en fmds de
terre, in fundis terrœ, en sorte que, selon Mé-
nage, fonds est alors au pluriel.
Le fond d'un tableau, c'est ce qui sert comme
de base et de champ aux figures; c'est ainsi que
le find du damas est de taffetas, et que les fleurs
sont de salin.
Fond se dit par extension pour propriété, et
alors il est opposé à usufruit.
Fond se dit, par imitation, d'une somme d'ar-
gent (ju'im amasse, et qu'on destine à certains
usages : Faire u?i fond puuvhàùv, pour jouer, etc.
On dit d'un joueur qu'il est en fond, ou en fonds
au pluriel, p<iur dire qu'il a de l'argenl comptant.
— Fo/id, dans le même sens, se dit pour le capital
d'une somme d'argent : Aliéner son fond, a la
charge d'une rente (jui tient lieu de fruits. Quand
on donne de l'argent à rente viagère, pour en re-
tirer un denier plus fort, on ditqu'o/t Va placé à
fond perdu.
Fondc^i dit aussi, par ligure, des choses spiri-
tuelles, comme on le «lit (le retendue: Un fond
d'esprit, de. bon sens, de vertu, de probité, etc. —
On dit faire fond sur quelqu'un, on sur quelque
chose, j conqiUT, s'en croire assuré. L'abbé de
Bellegarde dit qu'il ne faut pas toujours faire
fond sur les personnes qui se répandent en té-
moignages extérieurs de politesse.
Quel(|ues-uns de nos dictionnaires ont adopté
fundum, fundi, auquel ils font signifier la partie
basse d'une ciiose ; et fundus, ipi'ils traduisent
par fonds, dans le sens de lerie (|ui produit. Mais
cette distinction est sans fondement. Fimdmn
n'est que l'accusatif de fundus. Hoc fundum ne
se trouve ni dans les bons dictionnaires, ni dans
les bons aulcurs. Il faut donc, à roxempie de
Ménage et de Thomas Corneille, écrire /i'«(i sans
s, et jamais fmds, avec un s, à moins (juc ce mot
ne soit au pluriel. — L'Académie écrit f^nds au
singulier, en parlant du sol d une terre, d'un
FON
champ, d'un héri.'age, ou d'un établissement indus*
triel et commercial, et dans tous les sens figurés
qui peuvent se rapporter à ces acceptions : Culti-
ver un londs ; ce marchand a vendu son
fonds; c'est un homme qui a ttn grand fonds
d'esprit.
11 ne faut pas confondre ce mol avec le mot
fonts q\\\ s'écrit avec un <et un s, et qui se dit
d'un grand vaisseau de jnerrc ou de marbre où
r<in conserve l'eau dont on se sort jmur baptiser.
On l'écrit avec un l [lar analogie avec le n\o\. fon-
taine : Les fonts baptismaux. Tenir un enfant
sur les fonts.
Fondamental, FoND.\ME:tTALE. Adj. 11 fait au
plnricl masculin fondamentaux , et ne se met
cpi après son subst. : Loi fondamentale, points
fondamentaux.
Fo.M)AMK.:sTALE.MF,NT. Adv. 11 sc uict Ordinaire-
ment entre i' mxiliaire cl le participe: Ce point
est fondamentuleincnt établi.
FoMDA\T, FoîvDANTE. Adj. vcrbal tiré du v. fon-
dre. 11 ne se met (ju'aprôs son subst. : Fruit fon-
dant, poire fondante, remède fondant.
Fo^DATEL:«. Subsl. ui. Eu parlant d'une femme,
on dil fondatrice.
Fondation. Subsl. f. Ce mol, dans son sens
primitif, s'applique à la construction de cette par-
lie des édilioes cpii Ifur sert de base ou do fonde-
ment, et q\ii est plus ou moins enfoncée au-des-
sous du sol, suivant la hauteur de 1 édifice ou la
solidité du terrain. Quoique le mut fondation,
suivant l'analogie grammaticale, ne doive signifier
que l'action de poser les fondements d'un édifice,
il a cependant passi,' an usage parmi les architec-
tes et les maçons de donner le nom de fondation
aux fondements eux-mêmes. Ainsi l'on dit ce bâ-
timent a douze pieds de fondation. Malgré cet
usage, il semble qu'il serait mieux de préférer le
mot de fondement, qui est plus conforme a l'ana-
logie.
Fondement. Voyez Fondation.
Fondre. V a. et n. de la 4' conj. Fondre, dans
le sens de tomber impétueusement, ne se dil, se-
lon le père Bouhours, que des choses visibles
et animées: Fondre sur l'ennemi; un oiseau qui
fond sur sa proie. Ainsi l'on ne dirait pas bien les
vents sont venus fondre sur cette maison, un
tourbillon de vent vint tout d'un coup fondre sur
la lac. Nous pensons que ces deux dernières ex-
pressions ne sont pas régulières, parce iiue les
vents ne tombent pas sur une maison, sur un lac,
de haut en bas, ce qu'mdicjue fondre sur. Mais
on peut dire l'orage est prêt à fondre.
Le tonnerre on éclats jcinblu fondre sur moi.
(Volt., OEd., acL Y, s. IV, 19.)
A la vérité, on dit fondre sur l'ennemi, mais fon •
dre ne signifie pas ici s'élancer contre, mais s'é-
lancer jjour tomber sur l'ennemi.
Fonds. Subst. m. Voyez Fond.
Fontaine, Sut)st. f. 11 est à propos de fixer ici
les acceptions précises suivant lesquelles il parait
(juc sont employés les termes de fontaine cl de
source Source semble être en usage ilans toutes
les occasions où l'on se borne a considérer ces ca-
naux naturels qui servent de conduits souterrains
aux eaux, a quelque iirofoiideur qu'ils soient pla-
cés, ou i)ien le produit deceses|K;cesd'a(iueducs.
Fontaine indique un bassin à la surface de la
terre, et versant au dehors ce (ju'il reçoit par des
sources ou intérieures ou voisines : Les sources
du Rhône, du Tessin., du Rhin, sont dans le mont
FOR
Saint-Golhard. La fontaine d'Arcveil est à vii-
côte. La source de Jiiingis fournit environ cin-
quante pouces d'eau. Les sources des 7nines sont
très-difficiles à cpuiser. Dans le bassin de cette
fontaine, on aperçoit l'eau de plusieurs sources
qui jaillissent.
Fonts. Siibst. m. plur. On ne prononce ni le
t ni le s. Voyez Fond.
Forain, Foraine. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Marchand forain, traite foraine.
Force. Subst. f. On a repris avec raison Ra-
t'ine d'avoir dit {Frères ennemis, act. I, se. vi,
14) :
Seconde mes soupirs, donne force à mes pleurs.
i)n ne dit pas donner force sans article, mais
donner de la force. — On dit sans article perdre
courage, perdre haleine; nuiison ne dit pas^er-
dre force. Il faut dire perdre sa force ou les
forces.
Les forces d'un amour que vous avez fait naître.
(Corn., Rodog., act. IV, se. m, 30.)
Voltaire dit au sujet de ce vers : On ne dit point
perdre les forces au pluriel, excepte quand on
parle des forces d'un Élal. {Remarques sur Cor-
neille.) Voltaire aurait dti ajouter, ou quand on
parlb des forces du corps.
Si verla comballue a redoublé ««» forces.
(CoBK., Cin., act. V, se. m, 18.)
On dil les forces d'un Etat, et la force de l'âme.
(Volt. Remarques sur Corneille.)
On A'w par force, lorsque /!;7-ce se rapporte au
sujet de la proposition : Il l'a fuit par force. On
ditie force lorsque force se ra|)porle au régime :
On le lui a fuit faire de force. Amener un
homme de f.;rce devant un tribunal.
Il .faut ajir <î,' force avec de tels esprits.
ConN., Héracl., act. I, se. I, 87.]
On dit entrer de force, u.ier de force, dit \o\-
t^irc au sujet de ce vers; je doute tju'on dise
iiyir de force ; le Style de la conversation permet
arjir de tête, uyir de loin; et s'il permet u^ir de
force. la pot^sie ne le souffre pas. {Remarques
.sur Corneille.)
Il y a bien de la différence entre rêguer
par force, et régner par la force. Le premier
veut dire régner malgré soi ; le second, mainte-
nir son autorité par la force Ainsi on peullrou-
verunc faute dans ce vers de Corneille {Horaces,
act. III, se. IV, 53) :
Il règne avec douceur, mais il régne par force.
11 fallait dire par la force.
Mais ma force est au Dieu dont l'intérêt me guide.
(Ric, Ath., ad. IV, se. ui, 35.)
Il fallait dire est dans le Dieu; car Joad n'en-
tend pas ici que sa force est à Dieu, mais que
Dieu fait toute sa force.
La force de l'esprit est la pénétration, la pro-
fondeur. La force d'un raisonnement consiste
diins une exposition claire des preuves exposées
dans leur jour, et dans une conclusion juste.
Elle n'a point lieu dans les théorèmes malhéina-
liques , parce qu'une démonstration ne peut
recevoir plus ou moins d'évidence, plus ou
moins de force; elle peut seulement procéder par
FOR
oU3
un chemin plus long ou plus court, plus simple
ou plus compli(pié. La fjrce du raisonnement a
i)arlout heu dans les questions problématitpies.
La force de l'éloiiueiice n'est |)as seulement une
suite de raisonnements justes et vieoureux, qui
subsisteraient avec la sécheresse f cette 'force
demande de reml)on|)oint, des images fra|)i»antes
des termes énergicpics. Ainsi on "a dit ciuc les
sermons de Boiirdaloue avaient plus de fiirce,
ceux de Massillon plus de grâce. Des vers peu-
vent avoir de la force et inampier de toutes les
autres beautés. La force d'un vers, dans noire
langue, vient i)rinci|)alenienl de dire quelque
chose dans chaque hémistiche :
Et monté sur le faite il aspire à descendre. . .
(CoRjf., Cin., act. II, se. i, 16.)
L'Eternel est son nom, le monde est son ouvrage.
(Rac, Esth., act. V, se. i, 57.)
Ces deux vers, pleins de force et d'élésance, sont
le meilleur modèle de poésie. (Voit., Dict.
philos.)
FoRr.KiiENT. Adv. 11 se met après le verbe : //
a fait forcément cette démarche; et non pas il a
forcé/lient fuit cette démarche.
FoRcr.MÎ, For.CE.NÉE. Adj. : Un homme forcené,
une femme forcenée.
*For,cENER. Vieux mot inusité qui signiliait
être colère, en fureur, être hors de sens.'Féne-
lon a dit : Le despotisme du peuple est une puis-
sance folle et oreiiglc qui se l'orcéne cmitre elle-
même, et qui n'est absolue et au-dessus des lois
que pour achever de se détruire. Ici l'expression
est heureuse et bien placée.
Forcer. V. a. de la i.'' conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, le c doit toujours avoir le
son de s, et pour lui conserver cette jirononcia-
tion lorsqu'il est ])récédé d'un a ou d'un o, on
met une cédille dessous : Je forçai, forçons.
L'Académie dil forcer quelqu'un à faire quelque
chose, el forcer quelqu'un de faire quelque chose;
mais elle ne dil point dans quel cas ou peut em-
ployer l'une ou l'autre des deux prépositions;
elle ne donne même pas un seul exemple qui
puisse aider à le deviner.
On force quelqu'un à faire quelque cliose, lors-
que l'action dont il s'agit a un but hors du sujet
qui la fait; on force quelqu'un a manger, à pur-
tir, à se remuer, parce ([ue ces aclions ont un
but marqué hors du sujet qui agit; mais on force
quelqu'un de consentir à quelque chose, (i'ubéir,
de se soumettre, |)arce (juc ces aclions sont des
actes de la volonlé qui u'onl pas un but marqué
au dehors.
On sent cette différence dans celte phrase de
Vollaire : Le ministère a été si indigné de celte
abominable intrigue de la cabale qui faisait agir
J ..., qu'on a forcé ce misérable de donner un dé-
sistement pur et simple, et à rendre cette letlie
arrachée à la bonne foi. {Corresp) Doimcr son
désistement est un acle de la volonté (|ui n'a
|)oinl de bui au dcliors, c'est se désister; mais
rendre une lettre est une action qui a un but hors
de la personne qui agit. Ces pcrsécutiin.i d'un
coté, et de l'autre une nouvelle invitation du
prince de Prusse et du duc de Hulslcin, me for-
cent enfin àpartir. (\ oit., Corresp.)
L'arche qui fil tomber tant de superbes tours,
El força le Jourdain de rebrous.wr son cours.
(Rac, Ath.. ict. V, se. l, 3o.J
304
FOK
L'action de rebrousser son cours lie tend pas a
un but; au contraire, elle marque la cessation
de l'action qui tendait à un but, l'cloignemenl de
<c but; mais on dirait forcer tm fleuve à repren-
dre son cours.
L'inconvénient de l'hiatus ne sérail point une
raison pour préférer de; il vaudrait mieux pren-
dre un autre tour que de donner à une préposi-
tion un f;iux rapport grammatical.
L'Acadoinie dit se forcer, pour faire quelque
chose avec trop de force et de véhémence, et pour
se contraindre. — Racine l'a employé dans ce
dernier sens [Bvilann., act. IIL se. vin, 29) ;
Ainsi Néron commence à ne se plus forcer.
FoncLOs. .\dj. Qu'on arrive aux portes d'une
ville fermée, dit ^'uitai^e, on est, quoi? Nous n'a-
vons plus (le mot pour exiiriiner cette situation;
nous disions autrefois forclos.
l'ORFAïuB. V. n. et (Jéfcclueux de la 4' conj. Il
n'est usité (ju'à rinfiiiitif, /o;-/((tVe, ctau participe,
forfait, et i)rond l'auxiliaire arotr.
Jb'ORF.\iT. Subst. m. On disiingueles mauvaises
actions des hommes relativement au degré de
leur méchanceté. Ainsi faute, crime, forfait, dé-
signent tous une mauvaise action; mais la faute
est moins grave que le crime, le crime moins
grave que le firfuit. Le crime est la plus grande
des fautes, le forfait le plus grand des crimes.
La faute est de l'iioinme, le crime du méchant, le
/br/àz7 du scélérat. Forfait ne s'applique qu'aux
crimes éclatants, rares, hors de la classe ordi-
naire, et suppose toujours une grande audace.
FoRGEH. V. a. de la d'* conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, le ^r doit toujours se pronon-
cer comme un y, cl pour lui conserver cette pro-
nonciation avant un a ou un o, on fait précéder
ces voyelles d'un e muet : Je forgeais, forgeons,
et non jias jV forgai, forçons.
FoRMATlo^. Subsi. f. Les grammairiens enten-
dent ordinairement par ce mot la manière de faire
prendre à un mol les différentes terminaisons ou
inflexions (pie l'usage a établies pour exprimer
les diffcronis rapports du moi à l'ordre de renon-
ciation. A l'égard des noms, la formation consiste
dans leurs variations du singulier au pluriel, et
du masculin au féminin. A l'égard des verbes,
elle consiste dans la variation relative aux temps,
aux modes et aux personnes, c'est-à-dire dans les
conjugaisons.
Les pluriels ne se forment pas de la même ma-
nière dans tous les substantifs. Voici les règles
que l'on a établies pour cette f(jrmalion.
En général, pour former le pluriel des sub-
staniifs, de (luelque terminaison qu'ds soient, on
ajoute un 5 a la lin du mot : le roi, les rois ; le
prince, les princes; la loi, les lois.
11 en faut excepter, 1" les noms terminés au
singulier par un s, un x ou un s; ceux-là n'é-
prouvent aucun changcmcnl au pluriel : le lis,
les lis; le fils, les fils; la croix, les croix; le
nez, les nez.
2° Les noms terminés par eau, au, en et ou,
prennent au pluriel un x ou un s. Le chapeau,
les chapeaux; Vétau, les étaux; Vessieu, les es-
sieux; le chou, les choux, etc. Clou, filou,
lovp-garou, matou Cl trou, suivent la règle géné-
rale, et prennent un s.
3' La plupart des noms terminés au singulier
par al ou par ail, ont leur jjluriel en «wx,- comme
arsenal, arsenaux ; canal, canaux; cordial, cor-
diaux ; corail, coraux; émail, émaux; canal, 1
FOR
canaux; ail, aulx ; travail, travaux. — Il faut
observer que la finale al et la finale ail se chan-
gent en ai/x,- ainsi n'écrive/ pas crisleaux, arien-
ieaux, au lieu de cristaux, i>rit'ntuvx. Travail
fait au pluriel travails, lorsqu'il signifie une ma-
chine de bois dans la(pielle les maréchaux atta-
chent les chevaux fougueux pour les ferrer, et
aussi lorsqu'il se dit des complcs (pi'uu ministre
ou autre administrateur rend des affaires de son
administration, ou des rap|)orls que les commis
font au chef d'une administration de celles qui
leur ont été renvoyées.
Les noms suivants, bal, cal, camail, carnaval,
détail, rpcuvantail, éventail, gouvernail, mail,
pal, poitrail, portail, régal, sérail, etc., suivent
la régie générale, et |)rennent un 5 au pluriel.
liercaU, bétail, miel, nont point de pluriel.
Voyez Bestiaux.
Ciel et œil, font deux et yeux dans le sens
primitif, et ciels et wils dans le hcns étendu. Ainsi
l'on dit des ciels de lit, de. tubleuu.v, de carriè-
res, Cl tics œils de bœuf, terme d'architecture;
des œils de chat, terme de lai»idaire; des œtV.v
de caractère d'imprimerie ; mais on dit les yeux
du fromage, du pain, de la soupe. — Pénitentiel ,
rituel de la pénitence, WdpéniteiUiels au pluriel;
et pénitentiaux est un adjectif masculin qui n'a
point de singulier, et qui ne se dit guère qu'en
parlant des psaumes, des canons. — Universel,
terme de logique, fait au pluriel masculin univer-
saux. Aïeul fait aïeuls lorsqu'il signifie le grand-
père paternel et le grand-père malcinel; et aïeux,
quand il s'applique à tous ceux dont on descend.
Voyez ce mot.
Pour la formation du pluriel dans les substan-
tifs terminés par ant ou par ent, voyez ci-aprés la
formation des adjectifs qui ont cette terminaison.
11 règne une grande diversité d'opinions pour
ia formation du pluriel des substantifs composer.
Nous avons exposé au mol composé les règles
(|ue nous croyons qu'on doit suivre à cet égard,
et que nous avons suivies nous-môme dans le
cours de ce dictionnaire. A'oyoz ce mot.
Les adjectifs, de même que les substantifs, for-
ment leur pluriel par l'addition d'un s: Grand,
grands ; petit, petits ; grande, grandes; petite,
petites. Mais il y a un grand nombre d'exceptions
à celte règle générale.
1" Les adjectifs tcimin(^s au singulier par un s
ou par un x, ne changent point de fornie au plu-
riel; tels soni. gras, gros, heureu.v, jaloux. —
2" Les adjectifs terminés en eau î'orment leur
pluriel au masculin en ajouiaul r; ainsi beau,'\\ï-
vteau, nouveau, font beaux, juir.eaux, nouveaux
— 3" Les adjectifs teriuincs eu al forment leur
pluriel au masculin, en cliangeani al en aux;
ainsi l'on dira avec rAcadcmic, abbatial, abba-
tiaux ; allodial, allodiaux ; anomal, anomaux;
arsenical, arsenicaux ; banal, banaux; baptis-
mal, baptismaux; bracliir.l, brachiaux ; bursa/,
bursaux; capital, capitaux; cardinal, cardi-
naux; claustral, claustraux ; collatéral, collit-
téraux ; cordial, cordiaux ; curial, curiaux ; û'i -
cennat, décennaux; doctrinal, doctrinaux ; à>-
maniai, domaniaux ; dotal, dotaux ; égal,égau.v;
épiscipal, épiscopaux ; féodal, féodaux ; fiscal .
fiscaux; fondamental, fondamentaux ; général,
généraux; grammatical , grammaticaux; in
fer nul, infernaux ; lacrymal, lacrymaux ; lu
téral, latéraux; légal, légaux; libéral, li~
béraux; local, locaux; méridional, méridio-
naux ; moral, moraux; municipal, municipaux;
national, nationau.v ; nuptial, nuptiaux; occi-
FOR
dental, occidentaux ; ordinal, ordinaux ; orien-
tal, orientaux ; patrimonial, patrimoniaux; pré-
sidial, présidiaux ; prévotal , prévotaux ;princi-
pal, principaux ; pronominal, pronominaux ;
quinquennal, quinquennaux; royal, royaux;
1 lirai, ruraux; sacerdotal, sacerdotaux ; sacra-
mental, sacramentaux ; seigneurial, seigneu-
riaux; septentrional, septentrionaux; sépul-
cral, sépulcraux; spécial, spéciaux; spiral,
spiraux; synodal, synodaux; triennal, trien-
naux; triomphal, triomphaux ; vénal, rénaux ;
vertical, verticaux ; vital, vitaux.
On dira avec Trovoux impartial, impar-
tiaux, etc. — On dira avec Buffon di s êtres
idéaux, des mouvements ynachinaux, des ?!ius-
cles transversaux. — Dans sa dcrniore édilion,
l'Académie remarque que ce pluriel est peu usité.
— On dira avec Rousseau et Desfontaines, des com-
pliments triviaux, etc., etc. — L'Académie, en
1835, reconnaît le pluriel de trivial, mais elle
remarque (lu'il est peu usité. — On dit des in-
stants fatals, des cierges pascals. — L'Académie
ne s'explique point sur le pluriel masculin des
mots canonial, clérical, conjectural, déloyal,
diaconat, ducal, électoral, final, etc. — Mais
l'Académie dit positivement que les mots ami-
cal, automnal , colossal , frugal , glacial et
jovial, n'ont |)oinl de i)luriel au masculin. ^^e-
néficiul , expérimental labial, virginal, n'ont
point de pluriel au masculin, parce que bénéficiai
ne s'emploie qu'avec les mots féminins matière,
cause, pratique; le mol expéritnental avec les mots
(émimws phy.iique, philosophie ; le mol labial avec
les mots féminins lettres, offres; enfin le moti'îV-
ginal avec les mots lait, pudeur, qui n'ont point
de pluriel. — Girault-Duvivier est d'avis qu'on
dit un teint, un air virginal, et, par suite, des
teints, des airs virginal s.
L'usage veut, pour les adjectifs comme pour
les substantifs, que l'on supprime le t au pluriel
de ceux qui soiil terminés par le son nasal ant,
ent. Les grammairiens qui réclament contre cet
usage prétendent qu'il est sujet à bien des incon-
vénients; car, disent-ils, si l'on dit au masculin
pluriel pay ça «5 et bienfaisans ?,'Aïi?> t final, les
étrangers n'en concluront-ils pas que le pluriel
féminin est le même pour ces deux mots; et par
conséquent, ou qu'on doit dire au féminin pay-
santes, parce qu'on dit bienfaisantes, ou qu'on
doit dire bien faisa nne \}aTCC qu'on d\[ paysanne?
On peut répondre à cela que les étrangers qui
apprennent notre langue, avant de former le fé-
minin dos noms ou des adjectifs, apprennent
comment se fait cette formation; et, lorsqu'ils
savent que le féminin d'un substantif ou d'un ad-
jectif se forme du masculin du même nom, ils
forment paysanne de paysan, bienfaisante de
bienfaisant, et ne vont point chercher le pluriel
de l'adjectif bienfaisant pour apprendre com-
ment on doit former le féminin du substantif
paysan, ni le féminin du subslanlirpuysa/j pour
apprendre comment on doit former le féminin de
l'adjectif Ô('en/aisn7i<. D'ailleurs, simplifier l'or-
thographe d'une langue, c'est la perfectionner.
Ces retranchements donnent aux langues déri-
vées un caractère particulier, un caractère natio-
nal; et quand même il en résulterait quelque
peine de plus pour les étrangers, cette considéra-
tion ne devrait point arrêter : car, comme nous l'a-
vons dit ailleurs, les langues ne sont pas faites pour
les étrangers, mais pour les nationaux. Nous ne
pensons pas que les Allemands ou les Russes, en
formant leur langue, aient pris en considération
FOR
308
les moyens de nous en faciliter la connaissance,
et nous croyons, i)ar conséquent, que nous pou-
vons, sans manciuer à la politesse, nous dispen-
ser du même soin à leur égard. — L'Académie et
la plupart des auteurs modernes conservent le t
dans tous les cas. Nous avons cru devoir adopler
cette orthographe, s;uis retrancher jwur cela les
remarques de l'auteur. — On trouvera à chaque
substantif et à chaque adjectif des remarques sur
les difficultés de la formation de leur féminin ou
de leur pluriel. Voyez aussi les mots Adjectif &\.
Genre. Passons maintenant à la formaliou des
temps des verbes.
Les temps des verbes sont ou simples, ou coin-
posés. Les temps sim[)les consistent en un seul
mot, dérivent tous d'une même racine fondamen-
tale, et diffèrent entre eux par les inflexions et
les terminaisons propres à chacun. Los temps
composés résultent de plusieurs mois, dont l'un
est un temps simple du verbe môme, savoir, le
participe passé; et le reste est emprunté d'un des
verbes auxiliaires avoir ou être.
Parmi les temps simples d'un vorbe, il y en a
cincj que l'on nomme primitifs-, parce (ju'ils ser-
vent a former les autres temps dans les quatre
conjugaisons. Ces temps sont le présent, le passé
simple de l'indicatif, l'infinitif, le participe pré-
sent et le participe passé.
De la première personne singulière du pré-
sent de l'indicatif, on forme la seconde personne
singulière de l'impératif, en ôlant seulement le
pronom ye, comme j'aime, je souffre, je finis,
je reçois, je rends; impératif, uiTrie, souffre,
finis, recois, rends. 11 faut en excepter les verbes
avoir, aller, savoir et être,qu'\ font j'ai, impéra-
tif, aye ou aie ; je rats, impératif, va ; je sais,
impératif, sache ; je suis, impératif, sois.
Du passé simple on forme l'imparfait dj sub-
jonctif, en changeant ai en asse, pour la pre-
mière conjugaison, j'aiwaz, que j'aimasse, et en
ajoutant se aux terminaisons du passé simple
pour les autres conjugaisons : Je finis, que je fi-
nisse; je reçus, que je reçusse ; je rendis, que
je rendisse ;je vins, que je vinsse; je crus, que
je crusse.
De l'infinitif se forme le futur de l'indicatif
de la manière suivante. Dans les verbes de la
première conjugaison, on ajoute ai à la consonne
*• de l'infinitif : Donner, oublier, jouer, prier,
créer; je donnerai, j'oublierai, je jouerai, je
prierai, je créerai. — Dans les verbes de la se-
conde conjugaison, on ajoute également ai à la
consonne finale r de l'infinitif: Emplir, finir;
j'emplirai, je finirai. — Dans les verbes de la
troisième conjugaison, on retrancheoir de l'infi-
nitif pour y substituer rai : Recevoir, aperce-
voir, concevoir; je recevrai, j'apercevrai, je
concevrai. — Enfin, dans les verbes de la qua-
trième conjugaison on change la finale re de l'in-
finitif en la finale rai : Rendre, défendre, tor-
dre ; je rendrai, je défendrai, je tordrai.
Le conditionnel présent se forme de même que
le futur du présent de l'infinitif, en mettant la
finale ais au lieu de la finale ai: Donner, Je don-
nerais; emplir, j'emplirais ; recevoir, je rece-
vrais; défendre, je défendrais.
Du participe présent se forment : 1* les trois
personnes plurielles du présent de l'indicatif, en
changeant ant en ons pour la première personne,
en ez pour la seconde, en ent pour la troisième :
Aimant, nous aimons, vous aimez, ils aiment.
— Il faut en excepter toute la troisième conju-
gaison en ce qui concerne la troisième personne
80
806
FOR
Auani et sachant, font 7iotis avons, vous avez,
ils ont ; nous savons, vous sares, ils srii^nt, cic.
Il faut aussi excoptcr le vcrbo /«ùf el luiis ses
COini)OSés: Faisant fait nov s faisons, mus fai-
tes, ils fnt; 2" l'impai-rail de l'iiulicalif on rhan-
gcanl 1.1 finale ant on ais : aimant, j'aimais ;
evifUssant, f emplissais ; recevant, je recevais ;
rendant, ie rendais; 3" le présent du subjonctif
en (•li;inçeaut ant, selon la personne cl le nombre,
en e, es, e, ions, icz, ent : Aimant, que j'aime,
f/tie tu. aimes, qu'il aime, que nous aimvms, que
vous aimiez, qu'ils aiment; emplissant, que
j'emplisse, que lu emplisses, etc. ; rendant, que
je rende, que tu rendes, etc.; cousant, que je
couse, que tu couses, etc. — Celte rcirle ne s'a|)-
plique |)resi]iie jamais à la troisième conjugaison;
recevant fait que je reçoive ; percevant, que je
perçoive, etc , elc.
Tous les temps comiwsés se forment du par-
ticipe passé, en joignant à ce participe les diffé-
rents temps des auxiliaires avoir ou cire : J'ai
Dans les verbes i)ronominîiux , el dans les
verbes neutres qui prennent l'auxiliaire être, les
temps composés se forment de même, mais avec
l'auxiliaire être: Je me suis repenti, je m'étais
repenti, etc.; jV suis tombé, j'étais tombé.
Les adverbes terminés en ment soui formés de
quelque nom adjectif, à l'exception de l'adverbe
comment, qui est formé de l'adverbe comme; de
nuitamment, diablement, iovaii^s des substantifs
nuit et diable; d'incessamment, notamment,
sciemment, dontlesadjeclifs n'onljamaisexisté,ou
n'existent plus. La formation de ces adverbes se
fait par la simple addition de ment aux adjectifs,
avec quekiues différences, suivant les différen-
tes terminaisons de ces adjectifs. Voici, à cet
égard, les règles qu'ont données les grammairiens.
1» Quand l'adjectif Unit au masculin par une
voyelle, la simple addition de ment forme l'ad-
verbe. Juste, honnête, jili, vrai, résolu, absolu,
donnent les adverbes justement, honnêtement,
joliment, vraiment, résolument, absolument. 11
faut excepter impuni, dont l'adverbe est im-
punément. L'e muet des adjectifs aveuyle, com-
mode, conforme, énorme, se change en e fer-
mé : Aveuglément , covimodéme nt , conformé-
ment, énormément. L'e muet des adjectifs fémi-
nins commune, confise, expresse, im,portune,
obscure, précise, profonde, se diangc aussi en
e fermé •■ Communément, confusément, expres-
sément, etc. \. es :\d\Qv\)C?> follement, mollement,
nouvellement, bellement, se forment des adjec-
tifs féminins fdle, molle, nouvelle, belle.
2° Quand radje;tif Unit par un é fermé, la
simple addili(jn de ment fait l'adverbe.- Aisé,
déterminé, privé, sensé; aisément, déterminé-
me.nt, privément, sensément, etc.
3" <Miand l'adjectif linil par une consonne au
masculin, l'adveriie se forme de la terminaison
féminine, en y ajoutant ment : fort, franc, doux,
vif, long, heureux, forment de leur féminin,
forte, franche, douce, vive, longue, heureuse,
les adverbes fortement, franchement, douce-
ment, vivement, longuement, heureusement.. Il
faut en excepter 5e/i<î7,(]ui fait gentiment, parce
que le l ne se nrononcc pas.
4° Les adjectifs terminés en ant ou ent for-
ment l'adverbe en changeant ant en umment;
et ent en emment : feuillant, élégant, constant ;
vaillamment, élégamment, constamment. Dili-
FOK
gent, éloquent, évident; diligemment, éloquem—
ment, évidemment. H faut en excc|)tcr lent et
présent, qui forment leurs adverbes en ajoutant
ment à leur terminaison féminine : Lentement,
présentement.
jSoiis avons donné ici ces règles des forma-
lions, i>arce qu'elles se trouvent dans la plupart
des grammaires, et que jdusieurs granunairiens
y alïrtchenl beaucoup iriuiportancc. Mais nous
ne conseillons ù jjersoDue d'en embarrasser sa
mémoire.
Formel, Formelle. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Paroles formelles, termes for-
mels, texte formel, aveu formel.
L'Académie n'a pas indi(iué toutes les accep-
tions de ce mol. Il signille, (jui est revêtu de
toutes les formes nécessaires : c'est en ce sens
qu'on ilit un déinenti formel; qui ordonne ou
qui défend une action de la manière la plus exacte
et la plus précise : on dit en ce sens la loi est
formelle ; (|ui n'a de rajijwrt qu'à la forme ou à
la (jualilé : l'objet formel de la logique. — Les
théologiens distinguent le formel et le matériel
d'une action. En ce sens, il est substantif.
FoKMELLEME.'^T. Adv. Il pcul ijuclquefois se
placer entre l'auxiliaire et le parucii)e : Il s'y
est opposé formellement, ou U s'y est formelle-
ment opposé.
Former. "V. a. de la 1" conj. Dans le sens
d'instruire, élever, dresser, il se dit avec le seul
régime direct : Former un jeune homme ; ou bien
il régit la préposition à devant les noms i;t devant
les verbes : Former un jeune homme à la
vertu.
Dans l'ombre du secret, depuis peu Médicis
A 1» fourbe, au parjure, avait formé son fils.
(Volt., Henr., Il, 155.)
Je conviens que cela les forme à être imperti-
nents. (J.-J. Rousseau.)
L'Académie dit se former des chimères; mais
on dit aussi se former des obstacles :
Ah ! n« nous formons point ces indignes obstacles.
(Rac, Iphig., aci. I, se. il, 97. j
Formidable. Adj. des deux genres. 11 i)eut se
mellre avant son subst. , lorsque l'analogie et
riiarmonic le permettent : Une armée formidable,
une formidable armée. Il régit la préposition à.
Féraud dit qu'il n'en a guère vu d'exemples, et
n'en cite qu'un seul tiré d'un auteur ([ui ne fait
pas autorité. Racine aurait pu le tirer d'em-
barras :
Aux portes de Trézène, et parmi ces tombeaui.
Des princes de ma race antiques sépultures,
Est un temple sacre formidable aux parjures. .
[Phéd., act. V, se. I, 64.)
On dit aussi en prose un prince formidable à
ses voisins. — En 1S35, l'Académie admet ce ré-
gime.
FonrdcATEUR. Subst. m. Féraud dit qu'on ne
dit point firnicatrice en parlant d'ime femme.
L'Académie l'indique, mais n'en doimc point
d'exemple. H parait qu'il ne peut point y avoir
de firnicaieur sans fornicatrice, et que ce fié-
minin est indispensable
FoRMCATioji. Subst. f. Ce mot, dit Voltaire,
vient du mol latin fornix , petites chambres
I voûtées, dans lesquelles se tenaient les lemnies
I publiques à Rome. On a employé ce terme pour
! signifier le «onunerce des personnes libres; il
FOR
n'est point irusage dans la conversation, et n'est
guère reçu aiijourd'liui *iuc dans le style maro-
tique. La dc'ccnce l'a banni de la chaire. Les
casuisics en laisaienl un grand usage, et le dis-
tinguaient en plusieurs csijéfcs. On a traduit par
le mot /b;-«/c«/t()« les inlidélités du ]»cuplejuif
pour les dieux étrangers, parce que chez les
propiictos, ces inlldclilcs sont iiy\)c\r(is,impii reiés ,
souilliuesA.'csl parla même extensionqu'on a dit
que les Juifs avaient rendu aux faux dieux un
nommage adultère.
Fort, Foute. Adj. On peut quelquefois le
mettre avant son subst, en consultant l'iiarmo-
nie et l'analogie .• Un homme fort. Avoir le bras
foi't, la 711 II in fn rie. Une exprêssinn forte, une
ville forte, une /j/wce forte. Une forte pluie.
une. forte iielcc, une forW, doul-etir, une forte
maladie. Une forte inclination, une forte pas-
sion, une forte impression.
Se faire fort; cette expression, dit Voltaire,
signifie j'en réponds, je |)ronds sur moi l'enire-
prisc, je nie Halte d'y réussir. Se faire fort ne
peut être em|)ioyé qu'en prose. {Remarques sur
Corneille.) — Dans cette expression, fort est
invariable. Une l'eniuie dira je me fais fort, et
non pas forte; et au pluriel ou dira î7s se font
fort, et non pas ils se font forts.
Onilii il est fort de votre faiblesse, ils sont
forts de nos divisinns. L'Académie n'indique
point ces expressions :
Je m'altacliais sans crainte à servir la princesse.
Fier de mes clieveui. l)lancs, et fort de ma faiblesse.
(Corn., Pulchérie, act. II, se. I, 89.)
Les Turcs encore forts de nos divisions.
(VOLTAIRB.)
Quelques-uns disent cela est fort de café, cela
est fort d' eau- de-vie ; son style est fort d'esprit,
ce discours ect fort de raisonnement. Ces ex-
pressions ne sont guère tolérées ((ue dans la con-
versation. — « Isotre temps est celui des discours
forts de choses, et il n'«!st [)ersonne entre nous
qui n'ait eu le bonheur d'entendre quelque part
des avocats fortj de la vérité de leurs moyens,
et des orateurs forts de lu pureté de leur con-
science. Ce style n'est pas fort. » (Gb. Nodier,
Examen critir/t/e des Dict.)
FoKT. Adv. il se met avant les adjectifs et les
adverbes «lu'il modifie: Fort beau, fort aimable,
fort heureusement; et après le verbe, ou entre
l'auxiliaire cl le participe : lia frappé fort, il
itCa fort diverti.
Foi'.TEME.NT. Adv. Il peut se mettre entre l'auxi-
liaire et le [larticipc: Il a parlé fortement, il a
fortement appuyé sur cette condition.
For■TlFIA^T, For.TiFu.NTf;. Adj. verbal tiré du
V. fortifier. 11 ne se met qu'après sim subst.
FoniL'iT, Fortuite. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Cas fortuit, rencontre fortuite, évé-
nement fortuit.
Fortuitement. Adv. Il se met après le verbe :
Je Vai rencontré fortuitement. Cela est arrivé
fortuitement.
FoRTCNK. Subst. f. Ce mot se prend pour tous
les événements heureux ou malheureux de la vie.
Vous avez entendu sa fortune.
(Rac, Àth., act. H, se. VII, 43.)
Celle expression est hardie. En prose, elle ne se-
rait point reçue. Voltaire a dit {Zaïre, act II,
se. m, 12i) :
FOU
307
Toi qui seul as conduit sa fortune et la mienne.
Mon Dieu qui mêla rends, me la rendi-lu chrétienne t
Hors de l'ordre commun il nous fait des fortunée.
(Conpt., Hor., act. 11, .•se. ni, 14 )
Voltaire dit au sujet de ce vers : Ce mot d»
fortunes au pluriel ne doit jamais être employ»,
sans épithéte : Bonnes et mauvaises fntunes
fortunes diverses, mais jamais des fortunes.
{Remarques sur Corneille.) Voltaire a employé
ce mot fortunes au pluriel, sans l'accompagner
d'une épithéte; il a dit dans OEdipe (act. V,
se. Ji, 79) :
A vous qui présidez aux fortunes des rois.
^lais des rois, qui suit ici fortunes, donne à ce
mol un sens déterminé.
Je le vois éprouvant des fortunes diverses.
Trop fier dans ses succès, mais ferme en ses traverses.
(Volt., Uenr., VII, 360.)
Ce mot se construit sans article avec jdusieurs
veri)es: Chercher fortune, faire fortune, tenter
fortune, courir fortune, etc. \'oye/. Fatalité.
Fortuné, Fortunée. Adj. 11 peut (juclquefois
se mettre avant son subst. : Un prince fortuné,
un amant fortuné ; ces fortunés amants ; ce fut
pour nous un fortuné présar/e.
Fou, Folle. Adj. \oyez Fol.
Foudre. Subst. On r"em|)loie tantôt au mascu-
lin, tantôt au féminin. Ménage et Bouhour.s di-
sent qu'on le fait plus souvent féminin au propre;
et inascjilin au ligure. Cette remarque parait
juste : Etre frappé de lu foudre, l'éclat de la
f udre.
Mais du jour importun les re^'ards éblouis
Ne distinguèrent point, au fort de la tempête.
Les foudres menaçants qui çn'ndaieut sur sa têto
(Volt., Uenr., 111, 102.)
Allez vaincre l'Espagne, et songez qu'un grand homme
Ne doit point redouter les vains foudres de Rome.
{Idem, 111, 39b.)
Avec plus d'art encore, et plus de barbarie,
Dans des antres profonds on a su renfermer
Des foudres souterrains, tout prêts à s'allumer.
{Idim, VI, 204.)
Voltaire a dit la foudre dans le sens figuré, ou
plutôt dans un sens étendu. [Sémirumis, act.
II, se. 1,6):
Vou.'i seuls portant la foudre au fond de leurs déserts.
Voyez Genre.
Foudre diffère de tonnerre, I" en ce que le
premier ne se dit guère que de la matière en-
flammée qui s'échajipe des nues; au lieu i|ue le
second se dit aussi de cette même matière, en
tant ([u'elle roule avec bruit au dedans des nua-
ges. Ainsi l'on Ci\l j'ai entendu plusieurs coups
de tonnerre, plutôt <iue j'ai entendu plusieurs
coups de foudre. 2" Foudre s'emploie souvent au
figuré, et tonnerre toujours au propi'e. On dit un
foudre de nuerre, un foudre d'éloquence, les fou-
dres de l'Efflise, etc.
Foudroyant, Foudroyante. Adj. verbal tiré du
V. foudroyer. Comme ce mot est surtout usité en
poésie, on le met quelquefois avant son subst. :
Son regard foudroyant, son foudroyant regard.
Foudroyer. ^. a. de la 1'" coiij. Il se con-
jugue comme employer. Voyez ce mol. Si l'on en
308
croit l'Académie, il ne se dit au propre que de la
foudre, des canons et des mortiers. Delille lui a
donné plus d'étendue. {Éntid., IX, H8l>.)
Acharné sur sa proie . . .
Le terrible Mnestbée i grands coups le foudroit.
Fouetter. V. a. de la 1" conj Voyez Flagel-
ler.
FocciELx, FoLGCEisE. Adj. 11 pcul sc placer
quelquefois avant son subsl., en consullant l'o-
reille cl l'analogie : Un homme fougueux, un
clieval fougueux, un caractère fou,ucux, un
fougueux caractère, un fougueux aquilon.
Foulant, Foulante. Adj. verbal tiré du v.
fouler. Il ne se met qu'après son subsl. : Une
pompe foulante.
Foule. Subsl. f. L'Académie dit que foule se
prend quelquefois pour oppression , vexation :
Les privilèges tendent à la foule des citoyens, de
l'État, de la province. — Il ne faut admettre ni
celle acception, ni cet exemple. On ne dit pas la
foule du peuple, la foule des citoyens, la foule
de l'État, pour signifier l'oppression du peuple,
des citoyens, de l'État; mais on dil bien fouler le
peuple, pour dire l'opprimer.
Foule se dil d'une multitude de personnes qui
se pressent, qui s'cnlre-poussenl. Lorsque ce mot
est suivi d'un autre substantif, le verbe suit le
nombre de ce dernier subsianlif; il se met au
singulier s'il est au singulier, au pluriel s'il est au
pluriel: Une foule de monde y accourut, u?ie
foule de personnes y accoururent.
Du temps de Corneille, on disait à la foule :
Les Farthes à la foule, aux Syriens mêlés.
{Rodog., act. Y, sc. il, 15.)
J la foule ne se dit plus; on dit aujourd'hui en
foule :
Les morts jonchent en ^ouîeet les profanes lieux
Et des temples sacrés le seuil religieux.
(Dblil., Éneid., II, 4S3.)
Fouler. V. a. de la 1" conj. On lit dans le
Dictionnaire de l'Académie : On dit figurément
fouler aux pieds, pour dire traiter avec mépris :
Un vrai chrétien foule aux pieds les vanités du
monde ; il foule aux pieds toutes les lois. Vol-
taire a donné à ce mol une acception un peu
différente :
Des prêtres fortunés foulent d'un pied tranquille
Les tombeaux de Caton et la cendre d'Emile.
(Uenr., IV, 183.)
Fourbe. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subsl. : Un homme fourbe, une
femme fourbe.
Fourchu, Fourchue. Adj. Il ne se met qu'a-
prés son subsl. : Arbre fourchu, nunton fourchu,
chemin fourchu, barbe fourchue.
Fournaise. Subsl. f. Espèce de four où l'on
pourraitallumer un grand feu. JS'ous ne connais-
sons plus de fiurnaise, et ce mot n'est guère em-
ployé que dans ces phrases et quelques autres :
Lame s'épure dans l'adversité comme le métal
dans la fournaise; les trois en faits delà four-
naise.
Fournil. Subsl. m. On ne prononce point le l.
Fourrer. V. a. de la 1"' conj. Cette expression
D'est que du style très-familier.
FRA
Fourvoyer. V. a. de lai" conj. Il se conju-
gue comme employer.
Fragili;. Adj. des deux genres. On peut, en
consullant l'harmonie cl l'analogie, le mettre
avant son subsl.: Un vaisseau fragile, une for-
tune fragile, des grandeurs fragiles, tin hovime
fragile ; la nature est fragile; de fragiles gran-
deurs, ces fragiles avantages.
On apiMille fragiles les corps dont les parties se
séparent facilement les unes des autres par le
choc. Ils différent des corps vious en ce que
dans ceux-ci les parties se déplacent par le choc,
sans se séparer ni se rétablir; des corps élasti-
ques, en ce (lue les parties se déplacent dans ces
derniers jiour se rétablir ensuite; et des corps
durs, en ce ([ue les parties ne se déplacent i)as
dans les corps de celle dernière espèce. — On dit
ligurémenl, une fortune fragile, lu chair est fra-
gile, etc. On appelle fragiles les malheureux en-
irainés plus fréipiemmeiu que les autres au delà
de leurs principes par leur lompérament et par
leurs goijls. Vhonivie fragile diffère de l'homme
faible en ce (luc le premier cède à son cœur, à
ses penchants, et l'homme faible à des impulsions
élrangères. La fragilité su|)pose des passions vi-
ves, et la faiblesse suppose l'inaction et le vide de
l'àine. L'Iiomme fragile pèclie contre ses princi-
pes, et l'homme faible les abandonne, il n'a que
des opinions, l.^hoinmç. fragile est incertain de ce
qu'il fera, et l'homme faible de ce qu'il veut.
Fraîchement. Adv. l)ans le sens de récemment,
il peut se mettre enire l'auxiliaire et le participe :
// est fraîchement arrivé.
Fraîcheur. Subst. f. Ce mot ne se dit pas dans
toutes les significations de l'adjectif frais. On dil
la fraîcheur du temps, la fraîcheur des bois, la
fraîcheur de la nuit; la fraîcheur du teint, la
fraîcheur d'une rose, la fraîcheur d'un ajuste-
ment; maison ne dil pas la fraîcheur des trou-
pes, en parlant des troupes délassées, ni la fraî-
cheur d'une date, comme on dit de fraîche date,
ni la fraîcheur du pain, comme on dit du pain
frais.
Frais, Fraîche. Adj. Il se met ordinairement
après son subst. Quelquefois cependant on peut
le faire précéder. L'Académie dil de fraîche date,
u7i vent frais, une matinée fraîche; de l'eau
fraîche, un œuf frais, du pain frais. — Frais,
subslanlivemeni,se dil d'une iem[)éralure fraîche:
Prendre le frais. Dans ce sens, il ne s'emploie
qu'au singulier.
Frais. Subsl. m. qui signifie dépense, dépens.
11 n'a point de singulier.
Franc, Franche. Adj. Le c ne se prononce au
masculin que devant une voyelle : Franc arbitre.
Dans certains cas, il se mei avant son subst., et
surtout dans le sens de vrai : Un franc animal,
une franche coquette, un franc sot, un franc pé-
dant. — On dit aussi avoir son franc parler.
Franc. Adv. Il ne se met qu'après le verbe : Il
m'a parlé franc.
Franc-alleu, Franc-funin, Franc-maçon, etc.
Ces mois étant composés d'un adjectif el d'un
substantif, l'un el l'autre doit prendre la marque
du pluriel : Des francs-alleux, des francs-fu-
nins, des francs-maçons, etc.
Franchement. Adv. On pcul le mellre entre
l'auxiliaire et le participe. On dil il a franche-
ment avoué sa faute ; mais on ne dirait pas */ a
franchement parlé. 11 faut dire il a parlé fran-
cheinent. Quelquefois aussi il se met au com-
mencement de la phrase en guise d'inlerjeclion :
FRA
Franchement, vous ne pouvez approuver sa con-
dmte.
Franchise. Subst. f. Mot qui donne toujours
une idée de liberlo dans (lucliiuo sens (ju'on le
prenne; mot venu des Francs, nui étaient libres.
Il est si ancien que loisinie le Cid a■^siL'gea et prit
Tolède, au onzièuie siècle, on donna des fran-
chies ou franchises aux Français qui étaient ve-
nus à cette expédition, et qui s'établirent à To-
lède. Toutes les villes inuréos avaient des fran-
chises, des libertés, des privilèges, jusque dans la
plus grande anarchie du pouvoir féodal. Dans
tous les pays d'étals, le souverain jurait à son
avènement de garder leurs franchises.
Ce nom, qui a été donné généralement aux
droits des peujilcs, aux imnuinitcs, aux asiles, a
été plus parliculicreinentalTeclé aux quaniersdes
ambassaileurs à l\ome. C'était un terrain autour
des palais; et ce terrain était plus ou moins grand,
selon la volonté de l'ambassadeur. Tout ce ter-
rain était un asile aux criminels; on ne pouvait
les y poursuivre. Cette franchise fut restreinte
sous Innocent XI à l'enceinte des palais. Les égli-
ses et les couvents en Italie ont la incme franchise,
et ne l'ont point dans les autres États. Il y avait
autrefois dans Paris plusieurs lieux de franchise,
où les débiteurs ne pouvaient être saisis |)our
leurs dettes par la justice ordinaire, et où les
ouvriers pouvaient exercer leurs métiers sans
être passés maîtres. Les ouvriers avaient cette
franchise dans le faubourg Saint-Antoine; mais
ce n'était pas un asile comme le Temple.
Cette franchise qui exprime ordinairement la
liberté d'une nation, d'une ville, d'un corps, a
bientôt après signifié la liberté d'un discours.,
d'un conseil qu'on donne , d'un procédé dans
une affaire; mais il y a une grande nuance entre
parler avec franchise et parler avec liberté.
Dans un discours à son supérieur, la liberté est
une hardiesse ou mesurée ou trop forte; la
franchise se tient \>\iis dans les justes bornes, et
est accompagnée de candeur. Dire son avis avec
liberté, c'est ne pas craindre; le dire avec fran-
chise, c'est se conduire ouvertement et noble-
ment. Parler avec trop de liberté, c'est marquer
de l'audace; parler arec trop de franchise, c'est
trop ouvrir son cœur. (Volt., Dict. philos.)
Franciser. V. a. de la J"conj. Donner une ter-
minaison, une inflexion française à un mot d'une
autre langue.
Frappant, Frappante. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Un spectacle frappant, une
vérité frappante ; xm portrait frappant de res-
semblance.
Frapper. "\". a. et n. delà 1" conj. Voici quel-
ques emplois de ce mot qui ne sont point indi-
qués dans le Dictionnaire de V Académie :
Mon cœur désespéré se soumet, s'abandonne
Aux volontés d'un Dieu qui frappe et qui pardonne.
(Volt., Alz., act. V, se. vu, 65.)
II se sentait frapptr d'une main invisible.
(YoLT., Ilenr., 111,27.)
Ils
frappent à présent des coups en l'air;
mais que serait-ce si la fureur était animée
par la présence d'un ennemi? (Montesquieu,
Lettres persanes.)
Nc'js l'avons vue,
Un poignard à la main, sur Pyrrhus se courber,
Lever les yeui au ciel, se frapper et tomber.
(Ric, Androm., act. V, se. V, 28.)
FRÊ 509
Fraternel, Fraternelle. Adj. On peut quel
qucfois le mettre avant son subst., lors(iue l'a-
nalogie et l'harmonie le permettent : Amour fra-
ternel, amitié fraternelle, union fraternelle ;
cette fraternelle amitié, ce fraternel amour,
cette fraternelle union-
FnATEiiNELLKMEM.Adv. Il sc luct aprèslc vcrbe 1
Ils ont toujours vécu fraternellement, et non
pas fraternellement vécu.
Fratricidk. Subst. m. Vaugelas dit que l'on
peut appliquer le nom de parricide a celui qui
tue son frère ou sa sd'ur comme à celui qui
tue son père ou sa mère. On le peut en effet;
mais quand il s'agit de distinguer clairement le
genre du crime, fratricide est utile, et doit être
employé.
FRAODULEtsEMENT. Adv. Il Se mct après le
verbe.
Fr-AtnnLEUx, Frauduleuse. Adj. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Contrat frauduleux,
traité frauduleux, banqueroute frauduleuse.
Frayer. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme Payer. Au propre, il se dit d'une route,
d'un chemin. Celui (jui fait les premiers pas ou-
vre la route, ceux qui le suivent la fraient. Une
route frayée, ou qui a déjà été fréiiuentée, c'est
la même chose.
Frein. Subst. m. C'est la même chose que
mors. On dit qu'wt cheval ronge .son frein, et
non pas (\\i'il ronge son viors ; qu'iZ prend le
mors aux dents, et non pas (\n^ il prend le frein
aux dents. — Dans la dernière édition de son
Dictionnaire, l'Académie donne pour exemple: Un
cheval qui s'emporte et qui prend le frein aux
dents; mais elle ajoute que, dans cette phrase, on
dit plus ordinairement le mors. —On dit mettre
un frein à ses désirs, à ses passions.
Mettre un frein à son luxe, i son ambition.
(Boit., Sar. X, 552.)
L'Académie dit seulement mettre un frein à sa
laîigue.
Frêle. Adj. des deux genres II se met sou-
vent avant son subst. : Une santé frêle, un
corps frêle ; un frêle roseau, un frêle appui,
un fiele vaisseau, un frêle avantage . Les Ty-
riens furent les premiers qui osèrent se mettre
dans un frêle vaisseau, à la merci des vagues
et des tempêtes. (Féiiel., Télém., liv. III, t. i,
p. ■134.) Voye?. Adjectif.
Frémir. V. n. de la 2"= conj. Ce mot est em-
ployé dans des acceptions très-variées :
Mais autant que ton âme est bienfaisante et pure,
Autant leur cruauté fait frémir la nature.
(Volt., AU., act. II, se. n, 45.
Son lulli harmonieux qu'accompagne sa voix,
Ou frémit sous l'archet ou parle sous ses doigts.
(Dblil., Énéid., VI, 8G5.
. . L'airain menaçant frémit de toutes parts.
(Rlc, Ath., act. IV, se. v, 2 )
Frénétique. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Un homme frénétique.
Fréquemment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela lui est arnvé
fréquemment, owcela luiestfréi/uemment arrivé.
Fréquent, Fréquente. Adj. Il se met souvent
avant son subst. : Des lettres fréquentes; des
visites fréquentes , de fréquentes visites; un
usage fréquent, un fréquent usage. Voyca Ad-
jectif.
3J0
IRE
Fréqcentatif, Frkqdehtative. Atlj. Terme Ao
grammaire. On apitcWc fréquentatifs les verbes
dérives d;ins lesquels l'idée primitive est modiliée
par une idée accessoire de répétition. Il y a en
français trois sortes de fréqucnlalifs diflércuts
les uns des autres, et par la différence de leurs
terminaisons, et par celle de leur origine. Les uns
sont .inturrls à cette langue, d'autres y ont été
faits à i'inutaiion de l'analogie latine, et les au-
tres enlin y sont étrangers, et seulement assujettis
à la terminaison française. I.a plupart de ceux
des deux premières espèces ne s'emploient guère
que dans le style familier.
Les l'rcqiienlalifs naturels à la langue française
lui vieiiMcMl do son pro[irc fonds, cl sont en gé-
néral termines en ailler. Tels sont les verbes
criailler, tirailler, ()ui ont jjour primitifs crier,
tirer, et (jui répondent aux fréquentatifs latins
clainitare, Iractare. On y aperçoit sensiblement
l'idée accessoire de répétition, de même que dans
brailler, cpii se dit plus parliculiéreuient des
hommes, et dans piailler, qui s'applique plus
parliculiéiemeiit aux l'ennnes. Mais elle est encore
plus marqué'e dans ferrailler, qui ne veut dire
autre chose que mettre souvent le fera la main.
Les IVcqnenialifs français, faits àl'imilation de
l'analogie launo, sont dos [iriuiitifs français aux-
quels on a donné vine inflexion ressemblanle à
celle des fréiiuenlatifs latins. Cette inflexion est
oier, et désigne, comme le tare des latins, l'idée
accessoire de répétition, comme dans crac/to/er,
clig noter, cliuclivter, qui ont pour correspondants
en latin sputare, nictarc, mvssitare.
Les lVé(|uenlatifs étrangers dans la langue fran-
çaise lui viennent de la langue latine, et ont seu-
lement pris un air français par la terminaison
er; tels sont /iftiiVer, dicter, apiier, qui- ne sont
que les fréquentatifs latins habitare, dictare,
agilare.
Fréquentation. Subst. f. Ce substantif a un
sens passif. Il se dit des personnes qu'on fré-
quente, et non pas des personnes qui fréquen-
tent : La fréquentation des bonnes compagnies,
la fréquentation des libertins.
Fréquenter. V. a. de la 1" conj. L'idée pré-
cise de fréquenter est celle de concours, d'al-
fluence; l'idée distincte de hanter, celle de so-
ciété, de compagnie. Rigoureusement parlant,
c'est la multitude qui fréquente, et elle fréquente
des licu.v, des places ; ce sont des particuliers
qui hantent, et ils hantent des personnes, des
assemblées. On fréquente un lieu, quel qu'il
soit ; on hante \>\o\)VCi\\ca\.des lieux d'assemblées,
les églises, les cabarets.
Je ne remarque pas qu'il hante les églises.
(Mol., Tartufe, ad. II, se. ii, 86.)
On dit bien avec l'Académie , dans un sens
neutre, fréquenter chez quelquhin, fréquenter
dans la maison de quelqu'un. Boileau a dit (A.
P. Il, 17d) :
Heureux si ses discours, crainls du chaste lecteur,
Ne se sentaient des lieux où fréquentait l'auteur.
Mais nous ne croyons pas qu'on puisse dire avec
cette même Actidémie, fréquenter avecquelqu'un,
fréquenter avec les héi'éîiques.
Fresque. Subst. f. On appelle peindre à fres-
que l'opération par laquelle ou emploie des cou-
leurs détrempées avec de l'eau, sur un enduit
assez frais pour cire pénétré. En italien, on ex-
prime cette façon de peindre par ces mots :
FRI
dipingere à fresco, peinilre à frais. C'est de là
que s''jst formée une dénomination qui, dans
l'ortliograplie française, semble avoir moins de
rapport avec l'ojjeration qu'avec le mot italien
dont elle est empruntée.
Frétillant, Frétillante. Adj. verbal lire du
V. frétiller. Il ne se met guère qu'après son
subst.
Friand, Friande. Adj. On peut le mettre avant
son subst. en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme friand, une femme friande ; avoir le
goût friand. — Un friand Morceau.
Fricasser. V. a. de la 1"= conj. Voltaire s'est
servi de ce mot en parlant de richesse. Il a dit
fricasser huit vnllions au lieu de manger huit
millions : Mon émerreillement dure toujours,
que le fils de Samuel Bernard nous ait fut ban-
queroute, et qu'Hait trouvé le secret de fricas-
ser huit millions obscurément et sans plaisir.
{Lettre à M. le comte d'Argenlal, 15 mail75S.)
— L'expression est un peu basse.
FniLEtjx, Frileusk. Adj. (]ui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme frileux, une femrne
frileuse.
Fringant, Fringante. Adj. (pii ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme fringant, une femvie
fringante, un air fringant.
Fripon, Friponne. Sulisl. qui se prend adjec-
tivement. Comme adjectif, il se met a|)rés son
subst. : Un air fripon, une mine friponne.
Frire. V. a. et défectueux de la 4« conj. Voici
comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je fris, tu fris, il frit;
poiiit de pluriel. — Point d'imparfait ni de passé
simple. — Futur. Je frirai, tu friras, il frira ; nous
frirons, vous frirez, ils friront.
Conditionnel. — Présent. Je frirais, tu frirais,
il frirait; nous fririons, vous fririez, ils friraient.
Impératif. — Présent. Fris; le reste manque.
Subjonctif. — Manque.
Participe. — Présent, manque. — Passé. Frit,
frite.
On dit fi-ire à rinlinilif ; et les temps compo-
sés se forment avec l'auxiliaire avoir.
Frivole. Adj. des deux aenres. On peut le
mettre avant sou subst. en consultant l'oreille et
l'analogie : Une raison frivole, un argument
frivole, %in discours frivole; un frivole espoir,
une excuse frivole, tine frivole excuse.
Il se dit (les personnes cl des choses. Les ob-
jets sont frivoles quand ils n'ont i)as nécessaire-
ment rapport au bonheur et à la perfection de
notre être. Les hommes sont frivoles (juand ils
s'occupent sérieusement de choses frivoles, ou
quand ils traitent légèrement des objets sérieux.
On est frivole parce qu'on n'a pas assez d'éten-
due et de justesse dans l'esprit pour mesurer le
prix des choses, du temps, de son existence. On
est frivole par vanité lorsqu'on veut plaire dans
le monde où l'on est emjjorlc par l'exemple et
par l'usage; lorsqu'on adopte par faiblesse les
goûts et les idées du plus grand nombre; lors-
qu'en imitant et en répétant on croit sentir et
penser. On est frivole lorsqu'on est sans passions
et sans vertus; alors, pour se délivrer de l'eimui
de chaque jour, on se livre chaque jour à quel-
que amusement, qui cesse bientôt d'en être un;
on se recherche sur ses fantaisies, on est avide
de nouveaux objets, autour desiiuels l'esprit vole
sans méditer, sans s'éclairer; le creur reste vide
au milieu des spectacles, de la philosophie, des
maîtresses, des affaires, des beaux-arts, îles sou-
pers, des amusements, des favx devoirs, des dis-
FRO
sertations, des bons mots, et quelquefois des
belles ae lions.
Froc. Subsl. m. On prononce le c.
Froid, Froide. .Adj. On iieul le mettre avant
son subsl., si l'analogie et i'iiarmonic le permet-
tent : Pays froid, climat froid, temps froid. —
Tempéra m eut froid, cerveau froid. — Un homme
froid, un style froid. Un froid discours, de froi-
des plaisanteries, une froide raillerie, de froides
caresses. "Voyez Adjectif.
On dit qu'un morceau de poésie, d'éloquence,
de musique, qu'un tableau même est froid, quand
on altend dans ros ouvrages une expression ani-
mée qu'on n'y trouve pas. Les autres arts ne sont
pas si susceptibles de ce défaut. Ainsi l'arciiilec-
ture, la géométrie, la logique, la inctapbysi(]ue,
tout ce qui a pour unique mérite la justesse, ne
peut être ni échauffé ni refroidi.
Dans la poésie, dans l'éloquence, les grands
mouvements des passions deviennent froids (juand
ils sont exprimés en termes trop communs et dé-
nués d'imagination. C'est ce qui fait(]ue l'amour,
qui est si vif dans Racine, est languissant dans
Campistron, son imitateur.
Les sentiments qui échappent à une âme qui
veut les cacher demandent au contraire les ex-
pressions les i)lus simples. Hien n'est si vif, si
animé que ce vers du Cid (act, III, se. iv, 115) :
Va, je ne te tiais point... je le dois... je ue puis.
Ce sentiment deviendrait froid, s'il était relevé
par des termes étudiés. {\oh., Bictionn. philos.)
Voyez Ampoulé.
Froid, Frais, Froideur, Froidure. Froid, dit
la Grammaire des Grammaires , est op|)Osé à
chaud ; c'est un cor|)S privé de chaleur. Frais
tientle milieu entre \e froid et le chaud, mais en
sorte pourtan- que le froid est plus sensible que
le chaud. Froideur est la qualité de ce (pii est
froid. On dit la froideur de l'eau, du marbre,
du temps, de la vieillesse. Froidure signifie le
froid répandu daijs l'air, et ne se dit cju'au pro-
pre : La froidure règne dans les lieux situes
vers le septenti-ion.
On se sert de ce mot pour signifier l'hiver;
mais en ce sens il n'est d'usage (pi'en poésie.
Nous observerons sur ces décisions i]ue froid
n'est pas un corps privé de chaleur, mais qu'il se
dit d'un corps privé de chaleur; et que frais se
dit d'une température d'air moyenne entre le
chaud et le froid.
Froid. Subst. m. Ce mot a deux acceptions dif-
férentes. H signifie proprement une modification
particulière de notre àine, un scnlinieiit i|ui ré-
sulte en nous d'un certain ciKingcincnl survenu
dans nos organes. Tel est le senliment^ (juc l'on
a quand (m louclie de la neige ou de la glace.
On se sert aussi du même mut |)our désigner une
des propriétés accidentelles delà in.itiére, juiur
exprimer dans les corps l'état singulier dans le-
quel ils peuvent exciter en nous la seusaliou dont
on vient de parler.
Froidement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // m'a reçu froide-
ment, il m'a froidement accueilli.
Fboidir. y. n. On a déjà remarqué que ce mot
est un barbarisme recueilli par l'.^cadéuiie. On
ne dit pas ne laissez pas froidir le dîner, votre
bouillon froidit, ou se froidit; mais on dit ne
laissez pas refroidir le dîner, votre bouillon se
refroidit. — L'Académie a laissé ce mot dans sa
FRO
311
dernière édition, mais elle remarque qu'il a vieilli
et qu'on dit refroidir.
Froidurelx, Fiioidureuse. Adj. C'est un bar-
barisme recueilli par l'Académie. On ne dit ja-
mais (iu't/« homme est froidurcux, on dit qu'il
est frileux.
Froncer. Y. a. de la 4" conj. Dans la conju-
gaison de ce verbe, le c doit toujours se pionon-
cer comme «e; et pour lui conserver cette pru-
iionciation lorsqu'il est suivi d'un a ou d'un o,
on met une cédille dessous : je fronçais, ff*^
çons.
*Frondeiîie. Subsl. f. Mot inusité forgé {>*..
madame de Sévigné, d'après fronder cl frondeur:
Il y a ici (en Bretagne) de grandes fronderies,
mais cela s'apaise dans vingt-quatre heures.
Front. Subst. m. On dit heurter de front, me-
ner de front, faire marcher de front, se présen-
ter de friut. Heurtant de frunt tout ce qui fait
aujourd'hui l'admiration des himmes.jc ne puis
VI attendre qu'à unblâme universel. (J.-J. Rous-
seau.)
Voici quelques autres cm[)lois de ce nom,
dont on ne trouve point d'exemples dans le Dic-
tionnaire de l'Académie :
Ces mots ont fait monter la rongeur sur son front.
(Rlc, Ath., act. III, se. m, 34.)
Combien nos fronts pour elle ont-ils rougi de fois !
(Rac, Iphig., act. IV, se. ir, US.)
N'cclaircirez-Tous pointée ^ronJ chargé d'ennuis?
(Idem, act. II, se. ii, 37.)
Songe à ce bras puissant, vainqueur de tant de rois,
A cet aimable front que la gloire couronne.
(Volt., Zaire, acl. I, se. i, 140.)
Avec plaisir, sans doute, il Terrait à ses pieds,
Des sénateurs tremblants les fronts humiliés.
(Volt., Brut., act. III, se. il, 65.)
Messène, après quinze ans de guerres intestines.
Lève un front moins timide, el sort de ses ruines.
(Volt., Mer., act. I, se. i, 5.)
Le même Voltaire a dit dans l'Orphelin de la
Chine (act. II, se. vi, 3) :
Où mon front sixili n'osa lever les yeui.
Voici la remarque que La Harpe a faite sur et
vers : « On criti(pia beaucoup ce vers dans sa
nouveauté ; el, quoiijue l'auteur se soit obstiné a
ne pas le clian.^er, je crois (ju'on avait raison. Ce
n'est pas <iuil ne soit physiipiement vrai que le
mou veinent des sourcils (jui fait lever les yeux ne
déjjcnde en partie du front; l'idée n'est donc pas
fausse, mais l'expression paraît afrectée, préci-
sément parce que, dans la pensée, nous ne sépa-
rons guéie ce mouvement des yeux de celui du
froJit, et que par conséquent il y a une sorte
d'affcclaliou à dire (ju'un front lève les yeux,
tandis que dans le fait c'est le même mouvement
de l'àme qui fait lever ou baisseï' à la fois les
yeux el le front; el c'est ce mouvement moral
que le poète doit exprimer. » (Couî-s de Htttu:)
Front pour air se dit en poésie :
Ah! je n'en doute pas, et ce front satisfait
Dit assez à mes yeui que Porus est défait.
(Rac, Alex., acl. m, se. I, S5.)
On dirait en prose cet air satisfait.
A front découvert est aussi une expression du
style soutenu, plutôt tiue du style familier •
312 FUI
Hais en ce siècle à la réTolle ouvert
L'impiélé marche i front découvert.
CJ.-B. Rotss., liv. Il, Épftre v, 79.)
On dil aussi, dans le slylc oratoire ou poélKiuo,
lerer un front orgueilleux, lever un front auda-
cieux :
De vils mortels, jusqu'au plus haut des cieux,
Osent lever un front audacieux.
(J.-B. Rouss., liv. II, Épttre V, 63.)
Frcctlecsement. Adv. Il peut quelquefois se
mellrc entre rauxiliairc et le pariicipe ; On a
travail^, fructueusement ù su conversion, ou
on a fructueusement travaillé à su conversion .
Frdctuedx, Frcctueuse. Adj. Il se met après
son subst.
Frugal, Frugale. Adj. Il n'a point de pluriel
au masculin. On dil des personnes frugales, mais
on ne dit pas des hommes frugaux. On i)eut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et l'Iiar-
monie le permettent : Un repas frugal, un fru-
gal repas.
Frugivore. Adj. des deux genres qui se met
après son subst. : Un animal frugivore.
Fruit. Subst. m. On ne prononce point le t (i-
nal. Les exemples suivants ne seront pas inutiles,
même après ceux qu'a donnés l'Académie :
De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux /"rui ta,
Au Dieu ds l'univers consacraient ces prémices.
(Rac, Ath., SiCi. I, se. I, iO.)
Les arrêts du sort
V«ulentquece bonheur soit un fruit de ma mort.
(Rac, Iphig., acl. V, se. ii, 23.)
Alors de vos respects voyant les tristes fruits.
Reconnaissez les coups que vous aurez conduits.
[Idem, 95.)
Les «oupçons importuns
Sont d'un second hymen les fruits les plus communs,
[Idem, ad. II, se. V, 31.)
Fugitif, Fugitive. Adj. En prose, il ne se met
qu'après sou subst. : Un esclave fugitif, l'onde
fugitive.
On appelle en littérature pièces fugitives tous
ces pelils ouvrages sérieu.v ou légers qui s'écha|)-
pent de la plume ou du portefeuille d'un auteur,
en difl'érentes circonstances de sa vie, dont le
imblic jouit d'abord en manuscrit, qui se ponlent
quebiuefois, ou (jui, recueillis tanlôt par l'ava-
rice, tantôt par le bon goijl, font ou rhonncurou
la honte de celui qui les a composés. l\icii ne
peint aussi bien la vie et le caiactère d'un auteur
que ses pièces fugitives. C'est là que se inonlre
l'homme triste ou gai, pesant ou léger, tendre ou
sévère, sage ou libertin, méchant ou bon, heu-
reux ou malheureux. On y voit quelquefois tou-
tes ces nuances se succéder, tant les circonstan-
ces qui nous inspirent sont diverses.
Fuir. V. a. et n. de la 2'^ conj. Il est irrégulier,
et prend l'auxiliaire avoir.
Indicatif. — Présent. Je fuis, lu fuis, il fiiil ;
nous fuyons, vous fuyez, ils fuient. — Imparfait.
•le fuyais, tu fuyais, il fuyait; nous fuyions, vous
fuyiez, il fuyaient. — Passé simple Je fuis, tu
fuis, il fuit; nous fuîmes, vuus fuites, ils fuirent.
— Futur. Je fuirai, lu fuiras, il fuira; nous fui-
rons, vous fuirez, ils fuiront.
Conditionnel. — Présent. Je fuirais, etc.
Impératif. — Présent. Fuis, qu'il fuie; fuvons,
fuyez, qu'ils fuient.
FUR
Subjonctif. — Présent. Que je fuie, que tu
fuies, qu'il fuie; que nnus fuyions, que vous
fuyiez, (ju'ils [xxmW..— Imparfait. Que je fuisse,
que tu fuisses, qu'il fuit; (]ue nous fuissions, que
vous fuissiez, qu'ils fuissent.
Participe. — Présent. Fuyant. — Passé. Fui,
fuie.
11 faut éviter d'employer fuyions et fuyiez,
que l'on trouve à l'imparfait de l'indicatif, et au
présent du subjonctif.
Le participe passé fuie, au féminin, n'est pas
usité On ne dit pus les occasions que j'ai fuies ;
il faut dire i\\icj'ai évitées., ou prendre un autre
tour. .J'ai fuie lorme tin son désagréable.
Voltaire a dit [OEdipe, act. ifl, se. iv, 76) :
Vous chercherez h mort, la mort fuira de vont.
Il y a des occasions, même en prose, où ce tour
peut être employé.
L'Académie ne dit ce mot que, des personnes,
dans le sens actif. DeliUe a dit [Énéid., IV, 4.5):
D'où vient que le sommeil fuit mon Jme inquiète î
Je ne sais où l'Académie a prisijuc fuir signi-
fie différer, empêcher qu'une chose ne se ter-
mine. On n'a jamais dit qu'un chicaneur fuit.
pour dire qu'il empêche un procès de se ter-
miner.
Fu.MANT, Fumante. Adj. verbal tiré du v. fu-
mcr. L'Académie ne donne pour exemples de
l'emploi de ce mot au propre, que tison fumant,
cendres fumantes, des viandes fumantes.
En tourbillons /"umonts la flamme se déploie.
(Delil., Énéid., V, 904.}
L'impatient Yalois, accourant à grands pas,
Vint saisir dans ces lieux tout fumants de carnage,
D'un frère infortuné le san;;l.int héritage.
(Volt., Ucnr., UI, 34.)
Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Fumeux, Fumeuse. Adj. Il ne se met (ju'après
son subst. : Du vin fumeux, de la bière fumeuse.
— Reunier l'a employé en parlant d'une personne
[Sat.X,toi):
Le pédant tout fumeux àc vin et de doctrine.
Funèbre. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Ornements funèbres,
pompe funèbre, honneurs funèbres, oraisons fu-
nèbres, accents funèbres; funèbres accents, fu-
nèbres images. Voyez Adjectif.
Fu.nérailles. Subst. f. pi. On mouille les l.
FuMîRAiRE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst.
Fu^•ESTE. Adj. des deux genres. On peut le i)ia-
ccr avant son substantif eiT consultant l'oreille et
l'analogie : Accident funeste, funeste accident;
mort funeste, funeste trépas ; voyage funeste,
funeste voyage ; conseil funeste, funeste conseil;
entreprise funeste, funeste entreprise, eic. Voye»
Adjectif.
Fu.NESTEMENT. Adv. Il sc met après le verbe.
FuiitTER. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme cacheter.
Fureur. Subst. î. Fureur, dit l'Académie, se
prend quelquefois pour passion démesurée : Il
avait une fureur étrange paur les tulipes. Il a lu
fureur du jeu. — Aces exemples, on peut ajou-
ter les suivants :
l'armi les passions dont il est agité,
FUR
FUS
513
Sspini grande fureur est pour la liberté.
^VoLT., Brut., act. I, se. IT, 7S.)
.... De l'amour j'ai toutes les^urfur».
(Hic, Phéd., act. I, se. m, 107.)
Triste effet des /"ureur» dont je suis tourmentée.
[Idem, act. II, se. I, 111.)
On remarquera que dans les deux derniers
exemples, fureur est emi)loyé au pluriel, ce qui
change un peu i'accepijon de ce terme. Il parait
alors marquer les effets de la passion plutôt que
son degré, comme quand on dit les fureurs de
la jalousie, les fureurs d'Oreste. Voyez Furie.
Fdribond, Furibonde. Adj. tpii ne se met qu'a-
prés son subst. : Un homme furibond, vn air fu-
ribond.
FoRiE. Subst. f. Fureur cl furie ne sont syno-
nymes que dans le cas où le premier est 'pris
dans le sens de colère. Au singulier, fureur si-
gnifie le degré extrême de la colère^ fureurs, au
pluriel, semble avoir plutôt rapport aux effets de
la fureur qu'à son degré; et en cela il se rappro-
che davaiUagc du sens de furie. La fureur est
une colère extrême causée par \m profond res-
sentiment. Elle tient tellement à cette cause,
qu'elle s'ajiaise, ou même cesse entièrement avec
elle. La furie est un mouvement violent né de la
fureur, (jui tend a la satisfaii'e, qui n'a plus
d'autre cause que le mouvement même qui l'a-
gite, et qui s'y abandonne aveuglément. Les /'î*-
rte* étaient implacables; elles poursuivaient sans
relâche les criminels; elles étaient filles de la
Nuit ou des Ténèbres. La fttrie \\c\xi cesser tout
à coup, mais non s'apaiser ou se ralentir : son ca-
ractère est l'excès. Elle ne voit point le motif; en
ce sens elle est aveugle. Elle ne voit que le mal-
heureux à tourmenter, u persécuter, à détruire.
Delille peint la /"înie avec,les couleurs qui lui
sont propres, vpiand il dit [Enéide, IV, 874) :
. . . Lorsque l'ingrat s'échappait de ces Imux,
Ne pouvais-je saisir, dêcliirer le parjure.
Donner à ses lambeaux la mer pour sépulture,
Ou massacrer son peuple, ou de ma propre main
Lui faire de son lili un horrible festin?. , .
Mais le danger devait arrêter ma furie. . .
Le danger ! en est-il alors qii'on liait la vie?
J'aurais saisi le fer, allumé les flambeaux.
Ravagé tout son camp, brûlé tous ses vaisseaux,
Submergé ses sujets, igorgé l'infidèle,
El son ûls.et sa race, et moi-même après elle.
Les exemples suivants serviront à confirmer ce
que nous venons de dire sur la véritable signifi-
raliou du mot furie :
Il a trop écouté son aveugle furie.
Il a Toulu mourir, mais mourir en héros.
(YoLT., Tancr., act. V, se. VI, 3.)
iisclaTe, d'où le vient celle aveugle furie ?. . .
(Volt., Àlz., act. III, se. v, O.'l
Plus loin sont ces guerriers prodigues de leur vie,
Ou'enflamma leur devoir et non pas leur furie,
(Volt., Henr., VU, 265.)
Le peuple, dont la reine avait armé le bras.
Ouvrit enfin les yeux et vit ses altenlats ;
Aisément sa pitié succède à sa furie, . .
(Idem, III, b.)
Vaincus plus d'une fois aux yeux de la patrie.
Soutiendront-ils ailleurs un vainqueur en furie ?
(Rac, Mithrid., act. III, se. i, 133.)
Penl-itre es ce moment, Amural en furie
S'tpproclie pour trancher une si belle vie.
(Rac, Baj,, act. I, se, ui, 0.)
J'entends de toutes parts menacer ma pairie.
Je vois marcher contreelle une armée en furie.
(RàC, Iphij,, act. m, se. iv, 35.)
Commandei à vos vents de servir ma furie.
(Delil., Éniid., I, 110.)
Je ne puis m'empccher de criti(pier un vers de
Voltaire où se trouve cette expression ;
Demandez-moi ma vie. . .
Mais laissez un champ libre à ma juste furie.
{AU,, act. IV, se. i, U.)
Je pense qu'on peut dire ma juste furetir, parf •
que, comme je l'ai dit, la fureur suppose un pro-
fond ressenlimcntqnipeuthaitred'unejustecause.
Mais la furie, qui ne voit plus la cause et qui s'a-
bandonne aveuglément et sans mesure à la rage de
la persécution ou de la vengeance, ne peut |)Ius
être juste. Ce qui passe les bornes est contraire à
la justice.
Furieusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parlicipe : Il a grandi furieuse-
ment, ou il a furieusement grandi. Mauvaise
expression qu'il faut laisser à la po|)ulace. — Mo-
lière et Boileau ne laissaient point échapper l'oc-
casion de critiquer l'emploi que les précieuses
en faisaient. Une oreille vn peu délicate pâtit
furieusement à entendre prononcer ces muts-là.
(Mol., Précieuses ridicules, se. v.) Je vous avoue
que je suis furieusement pour les portraits.
[Idem, se. X.) Le ruban en est bien choisi? — Fu-
rieusement bien, [Idem.) Le siècle s'encanaille
furieusement. (Mol., Critique de l'Ecole des
femmes, se. viii.) Sapho. L'illustre fille dont j'ai
ù vous entretenir {Tisipho7ie) a, en toute sa per-
sonne, je ne sais quoi de si furieusement extra-
ordinaire et de si terriblement merveilleux, que
je ne suis pas médiocrement embarrassée quand
je songe à vous en tracer le portrait, — Minos.
yoilà les adverbes furieusement et terriblement
qui sont, ù mon avis, bien placés et tout d fait
en leur lieu. (Boil., Héros de romans.)
Furieux, Furieuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst. lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Un homme furieux, une femme
furieuse, vn lion furieux, vn vent furieux, un
furieux vent ; une tempête furieuse, une furieuse
tempête ; un combat furieux, un furieux combat
Un furieux mangeur, vn furieux menteur, un
furieux travail, un furieux coup, une furieuse
entorse. H faut remarquer (jue l'adjectif précède
le substantif quand il est détourné de sa significa-
tion naturelle. Dans un furieux viangeiir, le mot
furieux Qsi bien éloigné de sa signilicalion natu-
relle, qui a rapport aune grande colère. Voyez
Adjectif, Furieusement.
Lorsqu'il est suivi d'un verbe, il prend pour
régime la préposition de : Il est furieux (Tavoir
manqué son coup.
FuRTiF, FuKTivE. Adj. On i)eut le mettre avant
son subst. : Des amours furtives, de furtives
amours ; des œillades furtives, de furtives œilla
des. Voyez Adjectif,
Furtivement. Adv. Il se met après le verbe :
Il est entré furtivement, et non pas il est furtive-
ment entré.
Fuseau. Subst. m. L'Académie n'indique point
d'acception figurée de ce mot.
Dans cette même main qu'un usage jaloux
514
GAG
Destinait au ^u«fou jous les loi» d'un époni.
(Volt., Semir., acl. III, se. Ti, 34.)
Fuselé, Fuselée. Adj. Il ne se met qu'après
sou subsl. : Colonne fuselée, doigt fuselé.
Fusible. Adj. des doux genres (|ui, en prose,
se met après son sul)Sl.: Des métaux fusibles.
Les ipocles piuirraieiit dire île fusibles iintati.T.
FisiL. Suhst. ui. Oii ne prononce point le l.
Fusiller. Y. a. de la 1" conj. On mouille
les l.
Futaie. Subst. f. Ce n'est pas, comme le dit
l'Ai-adc-mie, un bois composé de grands arbres,
mais de vieux arbres. On donne en générai ce
nom à tous les vieux bois. On (Wijeu/ir futaie
depuis quatre-vingts ;ins.jusiiu"ù cent vingt ims;
haute futaie depuis cet âge jusqu'au dépérisse-
ineiit inaniué, qu'on désigne par le nom àa vieille
futaie.
Futaille. Subst. f. On mouille les l.
Futé, Futée. Adj. On le met quelquefois avant
son subst. , en consultant l'oroillc et l'analogie :
Un homme futé, vue feiinne futée ; vn futé ma-
tois, ini fute compère.
Futile. Adj. des deux genres. Fcraud repro-
che à J .-J. Rousseau de l'avoir dit des per.^onnes :
Ces vains et futiles dédamatevrs vont de iovs
côtés, armés de leurs funestes paradoxes, etc.; et
ailleurs : Cette éloquence frivole , Vétudc et le
charme des hommes futiles.
On appelait futHis, futile, chez les anciens Ro-
mains, un vase à large orifice et à fond très-
étroit , dont on faisait usage dans le culte de
Vesla ; comme c'était une faute de répan-
dre à terre l'eau qui était contenue dans ces
futiles, on fit pour cet usage d'autres vases ter-
minés en pointe, et d'où l'eau ne jiouvait pas
sortir aisément. C'est de la (pie vient l'origine de
l'adjectif futile appliiiuc aux i)ersonnes. Un
homme futile est un bouillie (|ui ne peut rien re-
tenir, qui a la bouche large et peu de fond, et
qui par conséquent rciiand ;iiséiiienl cequ'onlui
a conlié. — Dans sa dernière édition, l'Académie
remarque qu'il se dit quelquefois des {icrsonnes;
C'est un hoininc futile, de vains et futiles es-
prits.
Cet adj. peut se mettre avant son subst. lors-
que l'analogie et l'harmonie le permettent : Des
discours futiles, de futiles discours, de futiles
- décluinateurs. Voyez Adjectif.
FuTur., Futlrf.. Adj. 11 se dit d'une chose qui
doit cire, qui doit arriver. Yaugclas dit que ce
mot est i)liis de la poésie que de la bonne prose,
et il le bannit du beau style, l.e père Bouliours
soutient le contraire. On dit plutôt le voyage que
710US deiuiiis faire, que notre voyar/e fitur; mais
il est établi qu'on dise les biens de la vie future,
par opposition à ceux de la vie présente. On dit
aussi les présages de sa grandeur future; on dit
aussi les races futures, et on s'en sert dans plu-
sieurs autres cas. — Cet adj peut se mettre avant
son subst. lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent. On ne dit ni les biens de la future
rie, ni les futures races ; mais on diiiiit fort bien
les présages de sa future grandeur. Les futurs
époux, les futurs conjoints sent un peu le style
de notaire; mais le futur, la future, ne sont que
de ce style.
Futur. Subsl. m. Terme de grammaire. Voyei
Temps.
G.
G. Subst. m. Septième lettre de l'alphabet, et
la cinquième des consonnes.
Le son [iropre de cette lettre c&[gue, comme dans
gage, guérir, guide, guttural; le son accidentel je,
devant e, i : gelée, giboulée; et k à la fin des mots
devant les voyelles: rang «'/ezje. Le ^ au commen-
cement ou dans le corps d'un mot a le son qui lui
est propre devant les voyelles a, o, -u, et devant
les consonnes /, r : galon, gosier, guttural, gloire,
grâce. — Devant les voyelles e, i, il a le son acci-
denlcl je, comme dans gène, gentil, gingembre,
pigeonneau, (pii se prononcent comme s'il y avait
jcne.jentil, etc.
On insère un c absolument muet après la con-
sonne g quand on veut lui ôter le son qui lui est
propre devant u, o, u, pour lui donner le son de
j, (pi'olle a devant e, i; ainsi l'on écrit forgeons
l>our le faire prononcer comme s'il y avait /br-
jons.
Pour donner, au contraire, à la lettre^ le son
(lui lui est propre avant e, i, et lui ôter celui que
l'usage y a attaché dans ces circonstances, on
met après cette consonne un m que l'on imîuI ap-
peler iiiiiet, coninie dans guérir, guide, à via
guise, où l'on n'entend aucunement la voyelle u.
(Douchet et Beauzèe, Encycl. mélh., lettre G.)
11 y a cependant quelques mots, comme ai-
guille, aiguillon, aiguiser, arguer, inextingui-
ble, et les noms propres d'Aiguillon, le Guide,
de Guise, dans lesquels l'u se fait entendre.
(Dangeau, Essai de Gramm. — Wailly, p. 423.)
G suivi delà consonne n forme différents sons.
Le son propre de^« forme deux articulations, ^we
ne, comme dans^/i07rte. Le son mouillé de^^w est
gne, comme dans signe. — Au commencement des
mots, gn conserve le son qui lui est projire,
gnome, Guide, gnostique, gnomon, que l'on pro-
iionccgueno7ne,Guenide,guenostique,guenoinon,
en passant légèrement sur la syllabe gue. — Le son
mouillé de gn n'a lieu iju'au milieu des mots;
ainsi on prononce y;; dans uiagnanime, Cocagne,
incognito, coiniiie dans règne, gagner, compa-
gnie. U faut en excepter 09710/, diagnostic, stag-
nation, cognât, régnicole, inexpugnable, que
l'on prononce avec le son projire, c'est-à-dire
(lue le g et le n sont enleiidus séparément.
Dans les noms propres Ctugny, Begnaud, Be-
gnard, la lettre n a sa prononciation naturelle,
et le^ ne se fait point du tout entendre. On pro-
nonce de même le mol signet ; mais signer, as-
signation, se jirononcent avec uu son mouille.
G dans le commerce signifie un gros. — En mu-
sique il est le signe du g-ré-sol. — Surnos mon-
naies il indique la ville de Poitiers.
Gacheux, Gâcheuse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subsl. : Chemins gâcheur, terres gâ-
cheuses.
Gager. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe, le
second g doit toujours être prononcé comme
un/; et pour lui conserver cette prononciation
lorsqu'il est suivi d'un a ou d'un 0. on met un e
GAI
avant cet a ou cet o : Je gageais, gageons, et non
pas/e gagais. ga<jons.
Ce vorho, lorsiiu'il est sans ncçalion, exige
que le verbe de la phrase subordonnée soit mis
à l'indicatif : y<; j7a^p (/i/'t'Z a dit cela;e[ lors-
qu'il est joint à une négation, que le verbe de la
proposition subordonnée soit njis au subjonctif:
Je ne gage pas qu'il ait dit cela.
Nous pensons qu'on peut dire je parie de ga-
gner cette partie, el non jtas je gage de gagner
cette partie. I.a raison en est que gager se dit
(juand il s'agit d'événements que l'on croit cer-
Ijiins ; el parier, quand il s';igil d'événements
incertains, douteux, dépendants de causes étran-
fOrcs. Or, il est de la nature de la préposition de,
Iriise avant un verbe, d'indiquer ce doute, cette
jjticertilude, celte dé|)endance. Madame dcSévi-
|çn('' a dit : f^oudriez-vous que Pauline fût par-
ifiaite; avail-elle gagé de l'être au sortir du cou-
vrent? [Lettre du 23 février 1689.) Mais madame
jde Sévigné n'est pas ime autorité irréfragable. On
j peut même dire que les phrases des auteurs les
' plus purs ne sont pas toujours les preuves de la
régularité d'une expression, surtout dans des cas
qui n'avaient été ni examinés, ni discutés, ni dé-
cidés de leur temps. Combien ne trouve-t-on pas
d'expressions et de phrases dans Racine, qu'une
criti(|ue postérieure à ce grand homme a juste-
ment condamnées?
GiGECRE. Subst. f. On prononce ^o/wrc.
Gagnage, Gagnant, Gagne, Gagner. Dans ces
quatre mots, gn se prononce mouillé.
Gagne-denier. Subst. m. On entend par ce mot
un homme qui gagne sa vie par le travail de son
corps, sans savoir de métier. On écrit au pluriel
des gagne-denier ; la pluralité tombe sur homme,
qui est sous-entendu, el non pas sur denier. —
L'Académie écrit des gagne-deniers.
Gagne-pain. Subst. m. Des outils, des objets
avec lesquels on gagne son pain. On écrit au plu-
riel des gagne-pain; la pluralité tombe sur outil
ou objet, qui est sous-entendu.
Gagne-petit. Subst. m. Qui gagne peu, qui se
contente d'un petit gain. On écrit au pluriel des
gagne-petit ; la pluralité tombe sur les ouvriers
auxquels on donne ce nom.
Gagnek. V. a. de la 1" conj. Voltaire remar-
que, au sujet d'un vers de Corneille, qu'on ne dit
point gagner des diadèmes, et il ajoute que c'est
peut-être une bizarrerie. (Bemarqves sur Cvr-
neûle.) — On a blâmé Corneille d'avoir employé
dans le Cid l'expression gagner des combats.
Aboyez Combat.
Gai, Gaie. Adj. Une se met qu'après son subsl. :
Un homme pai, vne femme gaie, itn visage gai,
■un air gui. V^oyez Gaillard.
Gaiement ou GaIment. Adv. Pourquoi deux
manières d'écrire ce mol ? Si l'Académie adop-
tait l'une uu l'autre, on écrirait comme elle. Cet
adverbe se met après le verbe : Il a tovjours
vécu gaiement.
Gaieté ou Gaîté. Subst. f. L'Académie devrait
se décider pour l'un ou pour l'autre. Yollaire
dépeint ainsi la gaieté {EpitreXXXl, 58) :
C'est là qu'on IrouTe la Gaîté
Cette sœur de la Liberté,
Jamais aigre dans la satire,
Toujours vire dans les bons mots,
Se moquant quelquefois des sots,
Et très-souvent, mais à propos.
Permettant au sape de rire.
GAL
315
Gaillard, Gaillarde. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Un. homme gaillard, vne hu-
meur gaillarde. — Chanson gaillarde, cunte gail-
lard.
Ce mot diffère beaucoup de gai. 11 présente
l'idée de la gaieté jointe à celle de la btiulfuime-
rie ou de la licence : C'est vn gaillard, ce cunte
est vnpeu //aillard. Il se dit qut'li|uelois de cette
espèce d'hilarité ou de galanterie libertine iprin-
spire une |)ointe de vin : // était assez gaillard
sur la fin du repas. On dit très-bien il a le pro-
pos gai, et familiérenicnt il avait le propus gail-
lard. Un propos gaillard est toiijinus gai: un
propos gai n'est pas toujours gaillard. On peut
avoir devant de jeunes persunnes \c propos gai;
\e propos gaillard y serait déjjlacé.
Gaillardement. Adv. 11 se met après le verbe :
Il a vécu gaiilardement, et non pas il a gaillar-
dement vécu.
Gala.mment. Adv. Il peut quelquefois se met-
tre entre lauxiliaire et le participe: Jl s'est ga-
lamment tiré de cette intrigue.
Galant, Galante. En parlant des personnes,
galant a un sens différent selon (ju'il est placé
avant ou après son subst. Un galant homine est
un homme hunnéte, juste, raisonnable, d'un bon
commerce. Un homme galant est un huintiie qui
fait la cour aux dames. — Au féminin, on entend
par vne femme galante une femme qui a des in-
trigues, et dont la conduite est déréglée. On ne
dit pas jine galante femme dans le sens de galant
homme. — En parlant des choses, un j)eul le met-
tre avant son subst. lorsque l'analngie et l'har-
monie le permettent : Air gala )it, humeur ga-
lante, manières galantes, discours galant, style
galant, habit galant, fête galante ; ces galantes
manières, ces galants propos.
L'article suivant, que l'on trouve dans le JHc-
tionnaire philosophùjue de \'ultaire, est un sup-
plément utile à celui du Dictionnaire de l'Aca-
démie.
Le mot galant signifia d'abord gaieté et ré-
jouissance, ainsi qu'on le voit dans Alain Char-
lier et dans Froissard ; on ti-ouve même dans le
roman de la Rose, galandé, pour signilier orné,
paré :
La belle fut bien atornée,
Et d'un Glel d'or galandce.
Il est probable que \egala des Italiens, et le^a-
lan des Espagnols, snnt dérivés du mot gui, qui
parait originairement celtiiiue ; de la se forma in-
sensiblement galant, qui signifie vn homme em-
pressé à plaire. Ce mot reçut une signilicatiou
plus noble dans les temps de la chevalerie, où ce
désir de plaire se signalait par des combats. Se
conduire galamment, se tirer d'affaire galaîn-
ment, veut encore dire se conduire en homme
de cœur. Un galanthomme, chez les Anglais, si-
gnifie un homme de courage ; en France, il veut
dire de plus xm hnvune à nobles procédés. Un
homme galant est tout autre chose qu'w/j galant
homvie ; celui-ci lient plus de l'honnéie homme,
celui-là se rapproche plus ^du petit-maître, de
l'homme a bonnes fortunes. Être galant, en gé-
néral, c'est chercher a plaire par des soins agréa-
bles, par des euqressomcnts flatteurs. Il a été
très-galant avec ces dames, veut dire seule-
ment il a montré quelque chose de plus que de
la politesse; mais être le galant d'une dame a
une signification plus forte ; cela signifie être son
amant. Ce mot n'est plus guère d'usage que dans
les vers familiers. Un gcdan* '"-si non-seulement
316
GAL
un homme à bonnes fortunes, mais ce mot porte
avec lui quelque idée de hardiesse et môme d'ef-
fronterie. Ainsi le même mot se prend en plu-
sieurs sens. {Pict. philos.)
Galanterie. Subst. f. Il signifie, dit Voltaire,
tantôt coquetterie d;ms l'esprit, paroles flatteuses;
tantôt' présent de petits bijoux; tantôt une intri-
gue avec une femme ou |)lusi(Mirs; ainsi, dire
des galanteries, donner des galanteries, avoir
des galanteries, sont des choses toutes différen-
tes. [Dict. philos.)
Galetas. Subst. m. On ne prononce point le 5.
Galeux, Galeuse. Adj. Ex|)ression l)assc que
l'Académie donne sans remarque. Il ne se met
qu'après son subst. ; Un enfant galeux, un
chien qaleMX, mie hrehis galeuse.
Galimatias. Subst. m. Plusieurs écrivains (:ct\-
vani galimathias. Nous pensons qu'il faut suivre
l'orthographe de l'Académie, qui est la plus sim-
ple. Ce'^ est d'autant plus mal placé qu'on ignore
ia véritable étymologie de ce mot.
On entend 'par cette expression un discours
obscurci embrouillé où l'on ne comprend rien, où
iln'yaquedcsmols sans ordre et sansliaison. Une
faut pas confondre le galimatias avec le phébus.
Le galimatias renferme une obscurité profonde,
el n'a de soi-même nul sens raisonnable. Le phé-
bus n'est pas si obscur, et a un brillant qui
signifie ou semble signifier quelque chose. Boi-
leau appelait galimatias simple ce que l'auteur
entend, mais que les autres ne peuvent compren-
dre; c\. galimatias double ce qui est également
inintelligible et pour le lecteur et pour l'auteur.
Il donnait en plaisantant pour exemple du der-
nier ces vers de Corneille dans Tite et Bérénice
(act. I, se. II, 1) :
Faut-il mourir, madame, el, si proclie du terme,
Voire illuslre inconstance est-elle encor si ferme,
Que les restes d'un feu que j'avais cru si forl
Puissent dans quatre jours se promettre ma mort?
Gallican, Gallicane. Adj. Il se met toujours
après son subst. : Rit gallican, église gallicane.
Gallicis.me. Subst. m. Terme de granunaire.
Le gallicisme est un écart de langage exclusive-
ment propre a la langue française. En français,
le gallicisme esta sa place; il sert ordinairement
à éviter un vice. Dans une autre langue, c'est
une locution empruntée qui prouve l'affinité
de celte langue avec la nôlrc, ou une expres-
sion figurée (jue l'imitation suggère à la pas-
sion ou au besoin, ou une expression vicieuse
qui nail de l'ignorance. La langue française a ses
gallicismes, connue la langue grecque ses héllé-
nismes, la langue latine ses latinismes, la langue
anglaise ses anglicistnes, la langue allemande ses
germanismes, etc. Voici des exemples de galli-
cismes dans la langue française.
Chacun a son opinion. C'est un gallicisme où
l'usage autorise la trangression de la syntaxe de
concordance pour ne pas choquer l'oreille par un
hiatus désagréable. Le principe d'identité exigeait
que l'on du sa opinion; l'oreille a voulu (ju'on
fit entendre son opinion, et l'oreille a sacrifié un
principe raisonnableaux agréments de l'euphonie.
Il est incroyable le nombre de vaisseaux qui
partirent pour cette expédition. C'est un galli-
cisme où l'usage permet de soustraire les parties
de la phrase à l'ordre qu'il a lui-même fixé, pour
donner à l'ensemble un sens accessoire que la
construction ordinaire ne pourrait y mettre. On
aurait pu dire le nombre de vaisseaux qui parti-
TêntfQUT cette expédition est incroyable; mais
GAR
il faut convenir qu'au moyen de cet arrangement,
aucune partie de la phrase n'est plus s;iillanie
que les autres; au lieu que dans la première, le
mol incroyable, (jui se présente au comuience-
ment, parait ne s'y trouver que pour fixer davan-
tage l'attention de l'esprit sur le nombre des
vaisseaux, et pour en exagérer en quelque sorte
la multitude; c'est une raison d'énergie.
Nousvenons d'arrii-er ; nous allons partir. Ce
sontdes gallicismes où l'usage est forcé de dépouil-
ler de leur sens naturel les motsiioMs venons, nom
allons, et de les revêtir d'un sens étranger, pour
suppléer à des inflexions qu'il n'a pasaulonsées
dans les verbes arriver et partir, non plus (juc
dans aucun autre. Nous venons d'arriver, c'est-
à-dire nous sonunes arrivés dans le moment ; ex-
pression détournée d'un |)assé récent auquel l'u-
sage n'en a point accordé d'analogique. Nous
allons partir, c'est-à-dire nous partirons dans
le moment; expression é(iuivalenie à un futur
prochain (jue l'usage n'a point établi.
Le nombre des gallicismes est prodigieux, el
plusieurs habiles gens ont remarqué que, si l'on
en excepte les ouvrages didactiques , plus un
auteur a de goût, plus on trouve dans son style
de ces irrégularités heureuses et souvent pit-
toresques, (pii ne paraissent violer les lois géné-
rales du langage que pour en atteindre plus sûre-
ment le but. Voyez Cor.
Galop. Subst. lu. On ne prononce pas le J>.
Gangrène, Gangrener, Gangreneux, On pro-
nonce cangrène, cangréner, cangrénciix.
Garde. Dans lessubstantifs composés où garde
est pris dans le sens de gardien, l'expression se
rapporte à une personne, et alors garde est un
substantif susceptible de prendre la marque du
pluriel. Il faut donc dire des gardes-chasse, des
gardes-marine, des gardes-cote, s'il ne s'agit
que d'une seule côte; des gardes-cotes , s'il
s'agil de plusieurs. Mais lorsque, dans les mê-
mes mois, garde est verbe, et qu'il signifie,
qui conserve , qui préserve , qui garantit ,
alors, en sa (jualité de verbe, il ne prend point
la marque du i)luriel. Des garde-feu sont des
grilles qui garaniissenl du feu ; la pluralité tombe
sur grilles. Des gardc-maiigcr sont des lieux où
l'on garde le manger; la pluralité tombe sur
lieux. L'Académie met un garde-fm au singu-
lier, et des garde-fous au pluriel. La pluralité
ne doit i)ii:ni tomber sur fou, mais sur les choses
qui servcnl ;i garantir les fous. 11 faut écrire au
singulier et au pluriel garde-fou, ou garde-fous
Je préfère le dernier. — On doit écrire des
garde-meuble ; la pluralité tombe sur le lieu où
l'on garde les meubles, et non pas sur les meubles.
11 y a plusieurs meubles dans un garde-meuble,
comme dans deux garde-meuble. Le s, dans la
seconde exi)ression, n'ajoute donc rien à l'idée
singulière, il est donc inutile. Par la même rai-
son on doit dire des garde-robe, et non pas des
garde-robes. — L'Académie, en 4835 , écrit dei,
garde-vieubles, des garde-robes.
Garde national. Quand ce mot est employé
dans un sens individuel, c'est-à-dire pour dési-
gner un ou |)lusieurs citoyens faisant partie de
la garde d'un déparlement, d'une ville, il esi
masculin. Alors on dit un garde national ci des
gardes nationaux. Mais si garde nationale est
employé dans un sens collectif, c'est-à-dire pour
désigner la totalité des citoyens composant la
garde d'un État, il se met au féminin : La garde
nationale de Paris, de Lyon, de la France. Les
gardes nationales de la France.
GAU
Garder. V.a. delal^conj.Ondildans Icsiylc
noble, garder à quelqu'un une haine éternelle :
Moi, je gard» à ce fourbe une haine éternelle.
(Volt., JUahom., act. I, se. l, 37.)
Dans le sens i'observer, on dit garder le
jeûne:
, .. Que tous les juifs dans Suzc répandus,
A prier avec vous jour et nuit assidus,
3Ie prélent de leurs vœux le secours salutaire.
Et pendant ces trois jours gardent un jeune austère.
(Rac, J£sth., act. II, se. i, 85.)
Ce verbe, dans le sons de prendre garde, s'ein-
[iloie quehiuefois sans pronom personnel ;
mais c'est en poésie seulement. Employé ainsi,
il exige ne dans la proposition subordonnée •
Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée,
-Ye soit d'une voyelle en son chemin heurtée.
(BoiL., A. P., I, 107.)
Gardez qu'avant le coup votre dessein n'éclate.
(Rac, Androm., act. III, se. l, 93.)
Gardez, pour vous punir de cet orgueil étrange,
Que le ciel à la fin ne souffre qu'on vous venge.
(Cohn., Cid, act. Y, se. it, 41.)
GARt<EMENT. Subst. in. On ne le dit guère seul,
et sans le faire précéder de quelque épithéte : Un
franc garnement, un mauvais garnement.
Que cet objet charmant
Soit préservé d'un pareil garnement .
(YOLT., Enf. prod., act. I, se. I, 69.)
La Fontaine a dit (liv.III, fable xviii, 18) :
Le peuple des souris croit que c'est chltimenf.
Enfin qu'on a pendu le mauvais garnementi
Garrot. Subst. m.Le t final ne se prononce
pas.
Gate-e>fant. Subst. des deux genres. Dans ce
mol composé, le pluriel ne peut tomber sur gâte,
qui est un verbe; mais il peut quelquefois tom-
ber sur le substantif enfant. S'il n'est question
que d'un seul enfant, et d'une seule [lersonne qui
le gâte, il faut dire un gâte-enfant, vne gâte-
enfant. S'il est question de plusieurs personnes
qui gâtent un enfant, il faut dire au pluriel,
vous êtes des gàte-enfaïU. Alors la pluralité ne
tombe que sur les personnes ([ui gâtent. Mais si
l'on veut dire de plusieurs personnes qu'en gé-
néral elles gâtent les enfants, il faudra dire voits
êtes des gâte-enfants.
Gate-métier, Gate-pate. Dans ces substantifs
composés, la pluralité ne peut tomber ni sur gâte,
qui est un verbe, ni sur les substantifs métier
oupâte; car il ne s'agit toujours que d'un métier
et de la pâte au singulier. La pluralité ne tombe
donc que sur les personnes qui gâtent, et il faut
écrire au pluriel des gâte-métier, des gâte-pâte.
Gacche. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : La main gauche, le pied
gauche; l'aile gauche d\n bâtiment, d'une ar-
mée; la rive gauche, un air gauche, des ma-
nières gauches.
GAUC1IEME^T. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il se présente gauchement, il travaille
gauchement, il s'y prend gauchement.
Gaucherie. Subst. f. L'Académie le définit,
action d'un homme gauche ; ce qui n'est pas
fort clair, car gauche ne se dit que d'un homme
GEN
317
dont les mouvements du corps sont gênés, em-
barrassés, et gaucherie se dit aussi i)ar rapport
à l'esprit. Une gaucherie, dans cctle dernière ac-
ccplion, est uiu; rcsululion. uiio (léiiiarchc, une
action (|ui miiripic peu de jugiMiioni ci de saga-
cité de la part de iclui (pii en est l'auleur, et qui
doit nécessairement tourner a sou désavantage,
ou i)roduii;e le contraire de ce qu'il s'était pro-
posé : f^ous avez fait là une grande gaucherie.
Ce serait une gaucherie de proposer la pain-
dans cette circonstance. Cet ambassadeur u fait
plusieurs gaucheries qui ont obligé sa cour à le
rappeler. H csL familier.
Gaulis. Subst. m. L'Académie le définit, bran-
ches d'un taillis qu'on alaisseescroitre.il parai-
trait, par cette définition, que gaulis n'a point
de singulier. On dit cependant lier avec du gau~
lis, ou avec des gaulis.
Gadlois, Gauloise. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Probité gauloise , franchise gau-
loise.
Gaz. Subst. m. On prononce le z.
Géant. Subst. tu. En parlant d'une femme on
dit une géante. On a dit autrefois ^e'ojte, on ne
i le dit plus aujourd'hui.
j Gélatineux, Gélatineuse. Adj. 11 ne se met
I (]u'aprés son subst. : Suc gélatineux, inaltérés
■■ gélatineuses.
Gémir. V. n. de la 2' conj. Les poètes le di-
sent des choses :
I La rive au loin gémit, blanchissante d'écume.
(Rac, Iphig., act. V, se. vi, 62.)
Il entendit gémir la voix de sa patrie.
(Volt., Henr., III, 8.)
L'airain couvrait le seuil de son palais divin,
Et les gonds gémissaient sous des portos d'airain.
(Delil., Énéid., I, 619 )
GÉMISSANT, GÉMISSANTE. Adj. vcrbal tiré du v.
gémir. On peut quelquefois le mettre avant son
subst. : P^oix gémissante, peuple gémissant; co-
lombe gémissante. Une gémissante voix.
Gènakt, Gênante. Adj. verbal tiré du v. gêner,
11 ne se met qu'après son subst. : Uîie personne
gênante, une posture gênante.
Généalogique. Adj. des deux genres qui ne se
met (pi'après son subst : Arbre généalogique,
table généalogique.
Général, Générale. Adj. 11 se dit des choses
et des persoimes, et ne se met (pi 'après son
subst. : Règlement général, maxiuie générale,
assaut général. Au pluriel masculin il fait ye-
néraux : Des principes généraux. — En par-
lant des personnes qui ont des emplois supé-
rieurs : Officier général, lieutenant général,
receveur général, contrôleur général.
11 se dit aussi quelquefois d'une femme:
Marguerite d'Anjou, femme de Henri f^I, roi
d'Angleterre, fut active et intrépide, général et
soldat. (Thomas, Essai sur les femmes.)
11 y a cette différence entre général et univer-
sel, que le premier comprend la totalité en gros;
le second, la totalité en détail. Le général aduicl
des exceptions, l'universel n'en admet point. Il
n'y a point de règle si générale qui ne souffre
quelque exception. On regarde comme un prin-
cipe universel une maxime dont tous les esprits
sans exception reconnaissent la vérité, dès qu'elle
leur est présentée en termes clairs et précis. —
Dans les sciences, le général est opposé auj?ar-
ticulier; l'universel à l'individuel. La gram-
318
GEN
inaire générale envisage les principes qui sont
ou peuvent être communs à toutes les langues ;
V\{iec d\>\i<i ffrarnmairi; miiverselle esl une iiioe
chimériiiue, pane que nul lioniine ne pcul savoir
les princi|)es parliculieis de luns les idiomes, el
que (|uand on les saurait, on ne pourrait j)as les
réunir en un corps.
GÉ^iÉRALKMENT Adv. Il pcut sc mettre entre
l'anxiliairc el le participe : On l'a blâmé qéné-
ralement, ou on l'a généralement bhimé. Celle
opinion esl reçi/e (jénéralemeiit, ou l'st générale-
ment reçue. On le joint quolciuefois avec le parti-
cipe p«r/a«/, et alors il sc met ou au commence-
ment uu à la lin de la phrase : Généralement
padaitl, cela est vrai, ou cela est vrai générale-
ment parlant. \ oyez Général.
GÉMillATKDB, GlÎNKRATRICE. Adj. Il nC SC mCt
qu'après son subst. : Point générateur d'une li-
gne, ligne génératrice d'une surface. — f^ertu
génératrice.
GÉ>Ér.ATiF , Générative. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Principe génératif, faculté
généralité.
Généreusement. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On l'a récompensé
généreusement, ou on Va généreusement récom-
pensé.
Généreux, GÉ^KREUSE. Adj. On peut le mettre
avant Son subst. lorstpie l'analogie el l'harmonie
le permettent : Ami généreux, généreux ami;
résolution généreuse, généreuse résolution. On
ne dit \YdSgénéreux homme, généreuse âme. —
On dit H7^ vin généreux, el on ne dit pas un géné-
reux vin.
Générique. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Lu différence générique.
Générosité. Subst. f. L'Académie ne donne
point de pluriel à ce mot. Il n'en a point quand
il sii'iiiiîe la vertu à laquelle on donne ce nom :
La générosité est la vertu des héms. Il en a un
lorstiu'il signifie des actes particuliers de géné-
rosité, jirise dans le sens de libéralité. On fait des
générosités à ses amis.
Génie. Subst. m. Dans le sens de talent, ce
n'est autre chose que la disposition à réussir
dans un art. Quand on dit i|u'un homme a du
génie, on désigne par là un talent très-supérieur.
Le génie sans goût commet souvent des fautes
gi'ossières; le génie conduit par le goût n'en
commettra jamais. Voyez ce que dit La Harpe
des niols^oiî^ cl génie. {Cours de littérature,
Introdvcl., l. I, p. 14.)
On appelle expression de génie Mnc G\\)YCis\on
que l'un |)arail avoir créée pour rendre avec
une UnxG ou une grâce inouïe la pensée ou le
senlimenl. — On appelle ^fCrttc d'«/i<? langue, son
aptitude à dire, de la manière la plus courte et
la plus harmonieuse, ce que les autres langues
expriment moins heureusement. Le français, par
la marche naturelle de toutes ses constructions,
et aussi jiar sa prosodie, est plus propre à la
ccnver.satiun qu'aucune autre langue.
Génie se pi'end ipiclquefois pour la personne
qui a du génie; maison ne peut l'employer dans
toutes les occasions où l'on emploierait le nom
de cette personne. On dira bien ce grand génie
a co7itHhué plus que tout autre à fixer lu langue
française, ce grand génie a illustre, sa nation,
parce (|ue dans ces jihrases il esl question de
choses <|ui ont rapport au génie; mais oh ne
dirait pas ce grand génie était lualade, ni comme
un grammairien, en parlant de Corneille, deux
jours après la mort de ce grand gé?iie, le roi lui
GEN
envoya des inarques de sa libéralité. La mort
d'un génie esl une expression bizarre, à cause
du défaut d'analogie enlre les deux termes.
Voyez Industrie.
Genre. Subst. m. Terme de grammaire. Dans
le langage ordinaire, genre ou classe sont à peu
près synonymes, cl signifient une collection
d'objets réunis sous un point de vue qui leur esl
comiMun cl propre. Il e^l probable que c'est dans
le même sens que le mot genre a clé introduit
dans la grammaire, el (ju'on a voulu mar(]uer
par là une classe de noms réunis sous un poinl
de vue commun.
La distinction des sexes semble avoir occasionné
celle des genres pris dans ce sens, puisqu'on a f
distingué le genre masculin et le genre féminin;
et pour marquer cette différence jusque dans les
noms, on leur a donné des terminaisons diffé-
rentes, suivant la différence des sexes, leiles que
lion, lionne ; chien, chienne. En conséquence,on
a dit, les noms sont de deux genres.
Maison a souvent tout à fait oublié ce pre-
mier motif de la distinction des genres, et on
a distribue des noms masculins el des noms fé-
minins, sans faire aucune aticnlion au sexe des
animaux. Par là un mot d'un seul genre a servi
«luelqucfois à distinguer Ions les individus d'une
espèce, tant mâles que femelles; lehsoM perdrix,
lièvre, carpe, brochet. Yoyc'i Epicène.
La distinction des genres étant une fois établie,
on l'a étendue à tous les noms. »1uelques-uns
avaient été terminés différemment, selon la dif-
fénce des sexes, c'en fut assez pour voirie mas-
culin dans certaines terminaisons, et le féminin
dans d'autres.
Mais une règle si peu fondée ne pouvait être
constante. Ainsi un mot a sou vent été d'un genre,
quand, par la terminaison, il aurait dû être d'un
autre; quelques-uns ont été des deux.
Les genres ne sont que les difl'ercnles classes
dans lesquelles on a rangé les noms pour servir
à déterminer le choix des terminaisons des mots
qui ont avec eux un rajiporl d'identité. Dans les
mots qui ont avec eux ce rapport d'identité, les
genres sont les diverses terminaisons qu'ils pren-
nent dans le discours, relativement à la classe
des noms leurs corrélatifs. Ainsi parce qu'il a plu
à l'usage que le nom homme fût du genre mas-
culin, et que le nom femme fût du genre fémi-
nin, il faut que l'adjectif prenne avec le premier
la terminaison masculine, vn bel homme ; avec le
second, la teruiinaison féminine, une belle femme.
C'est le même mot sous deux terminaisons diffé-
rentes, parce que c'est la même idée rapportée g
des objets dont les noms sont de deux genres
différents.
Ainsi, si la plupart des substantifs sont tou-
jours de l'un ou l'autre genre, les adjectifs, au
contraire, peuvent toujours être des deux; et on
leur donne l'un ou l'autre, suivant le genre des
substantifs auxquels on les joint : Un lion fu-
rieux, une lionne furieuse. Par ce moyen, on
indique i)lus sensiblement le substantif que l'ad
jeclif modifie.
L'usage seul peut donner la connaissance des
genres des noms. Cependant les grammairiens ont
établi à ce sujet (jnelques règles «pic nous croyons
devoir faire connaître à nos lecteurs, malgré les
nombrcusesexceiitions dont elles sontsusceptibles.
1" Il n'y a que les substantifs lerminés par un
e muet seul, ou suivi d'un s, selon que ces sub-
stantifs sont au singuUer ou au pluriel, qui soient
féminins : Fcmvie, abeille, caresses, plain-
GEN
tes, etc. Tous les substantifs, au contraire, ter-
minés autrement que par l'e muet, sont mascu-
lins, comme t'clat, portrait, carquois, etc.
Les mots dans lesquels IV muel est précédé
d'une voyelle sont ordinairement du féminin.
Il faut en (excepter colysée, apogée, périgée,
pygmée, 7/tausolée, incendie, génie, et plusieurs
autres qui sont du masculin.
2° Les noms des jours, des mois et des saisons
de l'année, sont masculins, sans en excepter atf-
tomne,i\y\\ était autrefois des deux genres, et (juc
l'on fait aujourd'hui masculin, ^'()ycz ce mot.
Quand on joint le diminutif 7«i à un nom de
mois, le nom composé devient féminin : la mi-
juin, la ini-uoût, la mi- septembre. Mi est là
pour moitié; c'est comme s'il y avait la moitié
de juin, la moitié d'août, etc
3" Les noms d'arbres, d'arbustes, de couleurs,
de minéraux, de métaux, sont masculins.
4» Les noms des vents sont masculins, à l'ex-
ception de bise cl tramontane.
5» Les noms de montagnes sont masculins,
quelle tjue soit leur terminaison, à Le.xception
des Alpes, des Pyrénées, des CordUih'es, des Cé-
vennes et des Vosges.
6» Les noms des villes sont en général mascu-
lins, à l'excepiion de ceux ([ui se lermincnt par
une syllabe féminine et de ceux ([ui portent
avec eux l'article féminin. Cependant quand on
personnilie une ville, on la met au féminin :
Malheureuse Tyr, en quelles mains es-tu tom-
bée! (Fénel.) Telein., liv. IIL l. i, p. 137.)
7o Les noms d'Htats, d'empires, de royaumes,
qui ne sont pas terminés par un e muet, sont mas-
culins : le Piémont, le Pérou, le Portugal, lu
Prusse, la Hollande, la Bussie.
8° Tous les noms de personnes qui sont affec-
tés aux hommes sont masculins, et tous ceux qui
sont affectés aux femmes sont féminins, (juelle
que soit leur terminaison. Les noms comnmns
des deux sexes, tels que ceux de famille, .sont de
l'un ou de l'autre genre, selon le sexe auquel on
les applique : Le savant et la savante Dacier.
9" Les noms de nombres ordinaux, distributifs
et proportionnels, les inlinilifs des verbes pris
substantivement, sont masculins.
10° Les diminutifs suivent le genre du nom
d'où ils dérivent. Globule est masculin, parce qu'il
dérive de gl<'be, ([ui est ujasculin; pellicule est
féminin, parce qu'il dérive de peau. Je n'en ex-
cepterai pas, comme Lévizac, le mol monticule;
car ce mol est masculin partout, excepté dans le
Dictionnaire de Boisle, et dérive de mont, qui est
du même genre.
dd" Les noms des vertus et des vices sont fé-
minins, à l'exception de courage et orgueil.
Nous explitiuerons les diflicultés relatives aux
genres des noms, à chaipic mol qui en sera sus-
ceptible. Quant aux geiu'cs des pronoms et des
adjectifs, voyez ces mots. Voyez Accord, Covt-
m.un.
Notre langue a plusieurs mois tantôt mas-
culins, tantôl féminins, sans aucune règle pour
nous diriger dans le choix du genre. Est-ce donc
encore une de ces bizarreries si souvent invo-
quées pour trancher adroitement toutes les difli-
cultés? Il est plus naturel de penser que chaque
genre imprime a ces mots versatiles le caractère
qui le dislingue lui-même.
Le masculin exprime, et par conséquent im-
prime au sujet un caractère de force, d'énergie,
d'activité, de vertu, un caractère mâle. Le fé-
minin exprimera et imprimera un caractère op-
GEN
319
posé, par la raison des contraires. Cette observa-
tion est prouvée par elle-même. Ainsi, le mas-
culin renforcera l'idée du substantif, et le fémi-
nin l'affaiblira. Ainsi, lorsque le même mot sert
également a désigner la cause et l'effet, vous dé-
signez la cause par le genre mascidin, et l'effet
[)ar le féminin. Lorsque le mot aura un seirs pas-
sif et un sens actif, l'article la s'emparera du i)re-
mier, et Tarlicle le du second. Far le masculin,
vous annoncerez l'agent supérieur, son exercice
et sa puissance; et par le féminin, l'agent infé-
rieur, subordonné, dirigé par celle pui.ssance.
Nous qualilions de noble le genre m.ascuiin; il
donne donc une idée plus grande, plus relevée,
plus forte de l'objet. Celle remai(iue n'est que
l api>!icalion des premiers éléments de la gram-
maire. Au lieu d'une bizarrerie légèrement im-
putée, elle donne à l'usage des substantifs à dou-
ble genre une raison philosophi(|ue, une nouvelle
espèce de richesse et de beauté, un moyen sim-
ple de lever les équivoques, cl d'ajouter à l'é-
nergie, connue a la clarté du discours. Les exem-
ples aideront peut-être à conlirmer celte règle en
i'éclaircissant.
Le physicien considère la foudre comme un
elTct naturel; mais pour animer A-olre tableau et
relever l'action, vous direz le foudre et les fou-
dres vengeurs. Jupiter lance la foudre; elle
n'est qu'un instrument passif et soumis. Mais si
la foudre est un dieu, il est alors la puis-sance
foudroyante : on dira un foudre, et non iine fou-
dre de guerre, fût-il i]UCSlion d'une femme, [tarce
qu'il s'agit de designer l'auteur et la grandeur
des exploits. L'usage favorise donc mon opinion.
Équivoque êlaitautrefois des deux genres, et
non sans raison; car il y a l'équivoque qui, dans
l'intention de l'auteur, veut tromper et abuser,
et réquivo(]uequi, sans dessein, se rencontre dans
le discours et le langage. Le moraliste qui juge le
vice de l'action aurait dû dire «k équivoque, et le
grammairien, qui juge de la régularité de la phrase,
aurait plutôt dit U7ie équivoque, [iour en indiquer
la faute ou le défaut.
On a dit aussi un rencontre et une rencontre,
et ce mot est un de ceux qui ont un sensactifet
un sens passiL Jîenconlrean masculin indicpie-
rait l'action de celui (lui cherche et qui rencon-
tre; au féminin, il indiquerait l'événeincnt arrivé
à celui qui ne cherchait pas et qui est rencontré.
Cette duplicité de genre esl évidemment propre
à distinguer dans une action l'agent et le liatient.
TJn dueF s'appelait particulièrement wh rencontre,
ce quiexprimaitunc action violenleel réciproque.
Plusieurs grammairiens font horoscope niast;u-
lin cl féminin, quoique l'usage du masculin l'ait
emporté, conformément à l'Académie. Ce sub-
stantif n'est pas moins suscepl.ble des deux gen-
res, puisqu'on prend également horoscope <ians
le sens actif, pour l'observation de l'élat des as-
tres a l'instant de la naissance de qucl(iu'un,dans
la vue d'en tirer des prédictions, et pour la pié-
diciion tirée de celte observation aslrologiiiue.
Ainsi ce mot désigne également l'opération et son
résultat, ce qu'il serait bon de distinguer.
Amour est quehjuefois féminin en poésie assez
à propos, s'il ne faut exprimer (pic la douceur,
la tendresse, la mollesse de celte passion ; mais
moins convenablement, si vous voulez en décru-e
l'ardeur, l'impétuosité, la violence. Observez
qu'il vous sera facile de trouver, en i»oésie, Va-
mou r maternelle; mais Vamour paternelle, vous
auriez de la peine à le découvrir; l'esprit semble
y répugner. Quant au pluriel, qu'on dise d'éter-
520
GEN
nelles, de constantes amours, il ne s'agit là que
de leur durée. Observez encore qu'amour au plu-
riel désigne plutôt la continuité d'un connucrce
réciproque que la force de la passion.
^igle est m;isculin lorsqu'on parle de l'oiseau
même, et ce genre convient parfaitement à son
caractère. Il est féminin quand il ne sert pliis<pie
de signe, comme dans Vaigle romuinf, Vaigle
inipt l'iule.
Je n'exclus pas d'autres causes de la dupli-
cité de genre. Ainsi, lorsqu'on dit d'un côté
de bonnes gens, et de l'autre des gens savants,
je conviens que l'oreille l'emporte souvent sur la
raison et sur la régie. (Laveaux, Dictionnaire
synonymique delà langue française, iS2i'), art.
Foudre.)
Genre, terme de littérature, se dit pour le
style. On distingue le genre simple, le genre su-
blime, le genre médiocre.
t.liaque genre, dit Voltaire, a ses nuances dif-
férentes; on peut au fond les réduire à deux, le
sinii)le et le relevé. Ces deux genres, qui en em-
brassent tant d'autres, ont des beautés nécessai-
res qui leur sont également communes. Ces beau-
lés sont la justesse des idées, leur convenance,
l'élégance, la propriété des expressions, la pureté
du langage. Tout écrit, de quelque nature qu'il
soit, exige ces qualités; les différences consis-
tent dans les idées propres à chaque sujet, dans
les Iropes. Ainsi, un personnage de comédie
n'aura ni idées sublimes, ni idées philosophiques;
un berger n'aura [)oint les idées d'un conqué-
rant ; une épître didactique ne respirera point la
passion, et dans aucun de ces écrits ou n'emploiera
ni métaphores hardies, ni exclamations pathéti-
ques, ni expressions véhémentes.
Entre le simple et le sublime, il y a plusieurs
nuances; et c'est l'art de les assortir qui contri-
bue à la iierfcction de l'éloquence et de la poésie.
La tragédie peut s'abaisser, elle le doit même ; la
simplicité relève souvent la grandeur. Ainsi ces
deux beaux vers de Titus, si naturels et si ten-
dres (Rac, Bérénice, act. II, se. ii, 208) :
Depuis cinq ans entiers chaquejourje la vois,
Et crois toujours la Toir pour la première fois.
ne seraient point du tout déplacés dans le haut
comique; mais ce vers d'Antiochus {idem, act. I,
se. IV, 93) :
Dans l'Orient désert quel devint mon ennui !
ne pourrait convenirà un amant dans une comé-
die, parce que cette belle expression {igiirée, dans
l'Orient désert, est d'un genre trop relevé pour
la simplicité du brodequin. Est-il une affectation
plus ridicule que celle d'un auteur qui, en écri-
vant SU' la i)hysi(pic, prétend (ju'il y a eu un
Hercule physicien, et ajoute qu'im ne pouvait
résister à un philosuphe de cette firce? ou celle
d'un autre qui, écrivant contre l'utilité de l'ino-
culation, dit (pie si on mettait en usage la petite
vérole artificielle , la mort serait bien attrapée?
1! y a un autre défaut qui n'est que celui de la
négligence, c'est de mélOT au style simple et noble
qu'exige l'histoire ces termes populaires, cesex-
])ressions triviales que la bienséance réprouve.
On trouve trop souvent dans Mézeray, et même
dans Daniel, qui, ayant écrit longtemps après lui,
devrait être plus correct, qu'un général, sur ces
entrefaites, se mil aux trousses de l'ennemi;
qu'A suivit sa pointe, qu'il la battit à plate cou-
ture. On ne voit point de pareilles bassesses
de style dans Tite-Live, dans Tacite, dans
GEN
Guichanlin , dans Clarendon. ( Dict. philos. )
Gens. Subst. i)lur. m. et f. Ce mot tros-bizarre
signifie un grand nombre de choses, et est d'une
construction trcs-diflicile. Il signifie tantôt les
hommes, tantôt les domesti«iues, tantôt les sol-
dats, tantôt les officiers de justice d'un prince,
et tantôt les personnes qui sont de même suite et
de même parti. Il est toujours masculin en toutes
ces significations, excepté quand il veut dire per-
sonne; car alors il est féminin si l'adjectif le pré-
cède, et masculin si l'adjectif le suit. Par exem-
ple, dans j'at ru des gens bien faits, l'adjectif
bien fait, après gens, est masculin. Au contraire,
on dit de vieilles gens, de bonnes gens; ainsi
l'adjectif devant gens est féminin. H n'y a peut-
être qu'une seule exception, qui esl pour l'adjectif
tout, qui, étant mis devant gens, esl masculin:
Tous les gens de bien. On met aussi tout au mas-
culin lorsqu'il est suivi d'un adjectif des deux
genres qui précède le mol gens .-"J'ous les honnêtes
gens. Mais quand cet adjectif n'est que du genre
féminin, tout redevient féminin : Toutes lea
vieilles gens.
Le |)ére Bouhours demande si, lorsque dans la
même phrase il y a un adjectif devant, et un ad-
jectif ou un participe après, il les faut mettre tous
deux au même genre, selon la règle générale; ou
si l'on doit m.ettre le féminin devant, et le mas-
culin après; par exemple, s'il faut dire il y a de
certaines gens qui sont bien sots, ou bien sottes;
ce sont les meilleures gens que j'ai jamais vus,
OU vues. Les meilleurs grammairiens croient
qu'il faut dire sots et vus, au masculin, par la
raison que le mot gens veut toujours le masculin
après soi.
Domcrgue nous a rendu celte règle sensible
dans les deux cxemi)les suivants : L'homme sage
évite de se familiariser avec les petites gens,
parce qu i\s en abusent. Certaines gens étudient
toute leur vie ; à la mort ils ont tout appris, ex-
cepté à penser.
On demande si l'on doit dire dix gens, quatre
gens, en nombre déterminé, comme un dit beau-
coup de gens, beaucoup de jeunes gens. Vaugc-
las. Ménage et le père Bouhours s'accordent una-
nimement a prononcer que gens ne se dit point
d'un nombre détermine; de sorte que c'est mal
|)arler de dire dix gens, six gens, quatre gens.
ils ajoutent qu'on dit fort bien mille gens, mais
c'est parce que le mot mille, en cet endroit, est
un nombre indéfini; et par cette raison on pour-
rail dire aussi cent gens, sans la cacophonie.
Cette décision est d'autant mieux fondée que, si
en effet il y avait cent personnes dans une mai-
son, ou bien mille, de com|)te fait, ce serait mal
])arler de dire il y a cent gens ici, j'ai vu mille
gens sur cette place. 11 faudrait sc Servir du
mol personne.
Cependant, quoiqu'il soit formellement décidé
(lue c'est mal parler de dire dix gens, on dira
fort bien dix jeunes gens, trois honnêtes gens,
en parlant d'un nombre déterminé. Il faut con-
clure de là que, quand il y a un adjectif ou un
nom quelconque avant le mot gens, on peut faire
précéder ce mot d'un nombre déterminé : Dis
jeunes gens, trois honnêtes gens. C'est pour cela
qu'on dit très-bien, en prenant gens pour soldai
ou pour domesli(]ue, cet officier accourut avec
dix de ses gens; le prince n'avait qu'un de ses
gens avec lui.
Il faut remarquer qu'on dit c'est vn honnête
homme, mais qu'on ne dit poinl, en parlant indé-
finiment, ce sont des honnêtes hommes; il faut
GEN
dire ce sont d'honnêtes gens. Cependant on dit
c'est 'tu des plus honnêtes hommes cjuc je con-
naisse. Corneille a dil dans Pompée (act. IV,
se. 111, 4U7) :
Acliillas et Pholin sont gens à dédaigner.
Ce mot gens, dil a eelte oceasion A'oltaire, ne
doit jiiinais entrer dans le style no\A&. [Remarques
sur Corneille.) Voyez Hoimne.
Gens pe lettp.ks. Au singulier, homme de let-
tres. L'Académie donne cette expression [wur
exemple au mot ^e/i*- ; nuiis cela ne nous apprend
pas ce ([u'on doit entendre par là. Ce mol, dit
^■oltaire, répond préiisénieiil à celui de gram-
mairiens, chez les anciens. Ciiez les Grecs et les
■Romains, on entendait par grammairien, non-seu-
lement un homme versé dans la granmiairc pro-
prement dite, qui est la base de toutes les con-
naissances, mais un lionimc (jui n'était pasctran-
ijer dans la géométrie, dans la philosophie, dans
l'histoire générale cl particulière, (jui surtout fai-
sait son étude de la poésie et de l'élo(iuence:
c'est ce i|ue sont nos gens de lettres d'aujour-
d'hui. On ne donne point ce nom à un homme
qui, avec peu de connaissances, ne cultive qu'un
seul genre. Celui qui, n'ayant lu que des romans,
ne fera ijuc des romans; celui qui, sans aucune
littérature, aura composé au hasard quelques piè-
ces de théâtre; qui, dépourvu de science, aura
fait queUpies sermons, ne sera pas compté parmi
les gens de lettres. Ce litre a, de nos jours, encore
plus d'étendue que le mol grammairien n'en
avait chez les Grecs et les Latins. Les Grecs se
contentaient de leur langue, les Romains n'appre-
naient que le grec; aujourd'hui l'homme de let-
tres ajoute souvent à l'étude du grec et du latin
celle de l'italien, de l'espagnol, et surtout de l'an-
glais. La carrière de l'histoire est cent fois plus
étendue qu'elle ne l'était pour les anciens, et
l'histoire naturelle s'est accrue à pio|)orlion de-
celle des peuples. On n'exige pas qu'un homme
de lettres appiofondisse toutes ces matières; la
science universelle n'est plus à la portée de
l'honane. Mais les véritables gens de lettres se
inellcnt en étal de porter leurs pas dans ces dif-
férents terrains, s'ils ne peuvent les cultiver tous.
iJn homme de lettres n'est pas ce qu'on ap-
pelle un bel esprit. Le bel esprit seul suppose
moins tle culture, moins d'étude, et n'exige
nulle philosophie. 11 consiste principaleiuentdans
l'imagination brillante, dans les agréments de la
conversation, aides d'une lecture connnune. Un
bel esprit peut aisément ne point mériter le titre
d'homme de lettres, et l'homme de lettres peut
ne point prétendre au brdlanl du bel esprit. 11 y a
des gens de lettres qui ne sont point auteurs.
[Dict. philds.)
Genï. Subsl f. Ce mol, pris dans la signilication
de nation, se disait autrefois au singulier. Mais
aujourd'hui, il n'est d'usage a ce nombre que dans
la poésie burlesque. On dit le ayait des gens. 11
faut remarquer que dans ce mol on retranche au
pluriel le t final.
Gent, Geme. Adj. qui se disait autrefois dans
tous les styles pour gentil, joli, mais qui ne se
dit plus aujourd'hui que dans le style inarotique.
Il ne se met qu'avant son subst. : Une gente de-
moiselle, une yenta fillette, le gent amour. — Ce-
pendant l'Académie, dans sa dernièie édition,
donne l'e-xemple suivant : Une fille au, corps gent.
Gemtil, Gemilli:. Adj. Au masculin, on ne
prononce point le / devant une consonne, gentil
cavalier ; on le mouille devant une voyelle, gen-
GES
321
tu amant. Au féminin on mouille les deux l. Cet
adj. se met souvent avant son subsl. : Un homme
gentil, une femme gentille ; cet enfant est gen-
til. Un gentil cavalier, une i/cntille inrention
Ironiiiuement, un gentil garçon, un r/entil mé-
tier, un gentil personnage. Voyez .Idjectif.
Gentilhomme. Subst. m. Le l se mouille. Au
pluriel, il fait gcntilshomnfes, et le l ne se pro-
nonce pas : genti-zhommes.
Gentiment. Adj. 11 se dit ordinairement par
une espèce de dérision ; mais on l'emploie <|uel-
(luefiiis sérieusement : Il s'est arquiliê oonti-
mentde sa commissio7i. Il a jouê gentiment son
rôle. Madame de Scvignéa dil : J'ai été fort aise
do savoir que le petit discours a été bien et gen-
timent prononcé.
Géocentriquk. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Lieu géocentrique ,
latitude géocentrique.
Géodésique. Adj. des deux genres qui ne se
met (ju'aprèsson subst. : Opérations géndésiqucs.
Géographique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Description géographi-
que, carte géographique.
Géométkal, Géométrale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Plan géométral.
Géométrique. Adj. des deux genres. 11 ne se
met qu'après son subst. : J\léthode géométrique,
démonstration géométrique , proportion géomé-
trique, esprit géométrique.
Géométriquement. Adv. 11 peut se mettre en-
tre l'auxiliaire et le participe : Cela est démontré
géométriquement, ou cela est géométriquement
démontré.
Ger. Terminaison de l'inhnitif de certains ver-
bes, comme /«^er, tnaiiger, obliger, etc. Dans les
temps de ces verbes où il se rencontre un a ou
un 0, il faut ajouter devant ces voyelles un e, qui
ne se prononce point, et qu'on ne met tiue pour
donner au g un son doux qu'il n'a pas naturelle-
ment devant l'a et Vo : Jvgeant, il jugea, nous
jugeâmes, nous jugeons, il jugeait, etc.
Germain, Germaine. Adj. Dans le discours or-
dinaire, il ne se dit ([u'avec cousin cl cousine, de
ceux ijui sont sortis des deux frères ou des deux
sœurs, ou du frère et de la sœur : Mon cousin
germain, ma cousine germaine.
Autrefois on faisait germain substantif. On di-
sait il est mon germain, nous sommes germains.
Bossuet a dil : Les mariages se pou raient faire
entre germains. Il est encore aujourd'hui sub-
stantif dans l'expression suivante : Cousins issus
de germains.
Germanique. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Style germanique, droit
germanique.
Germe. Subst. m. On dil au figuré le germe de
la haine, le germe de tu vie.
Delà tiaine déjà le germe est dans les cœurs.
(Delil., £neïd.,VII, 56P
Sur celle terre liorriblu tt des anges haie.
Dieu n'a point répandu le qerme de la vie.
(Volt., Henr., Vil, i33.)
Gérondif. Xoyez Participe.
Gésir. V. n. et défectueux de la i' conj., qui
signifie être couchè. Il n'est plus en usage (jue
dans il git, 7wus gisons, ils gisent, il gisait, gi-
sant. Les épitaphes commencent ordinaireinenl
par Ci-git.
Glsticulateur. Subst. m. Qui fait trop de ges-
tes. L'Académie ne dit pas coiiimenl il laudrail
dire en parlant d'une fenmie qui aurait ce défaut.
21
GLA
Nous pensons que l'analogie permellrait de dire
gesticulati'icc.
GiBBEUx, GiBBEDSE. Adj. On prononce les deux
b. Il ne se met qu'après son subsl. : Jm partie
gijbbevse.
Gir.BosiTK. Subst. f. On prononce les deux h.
GinET. Suiisl. ni. On ne prononce pas le t.
GiBiEi!. Subsl. m. On ne prononce jias le ?•.
GinitïLux, GiBOïKOSE. Adj. 11 ne se uict qu'a-
près son subst. : Une terre giboyeuse, un parc
jibnyeux.
GiG.\NTESQCE. Adj. dcs dcux genres. On peut
quelquefois le mellre avant son subsl., eu consul-
tanl l'oreille et l'analogie: Une taille gigantes-
que, une figure gigantesque. Ces gigantesques
expressions firent Hre leurs auditeurs. De gi-
gantesques projets. ^'oyez Adjectif.
GiNGDET, GciNGcETTE. Adj. Il uc sc inct iiu'ajtrcs
son subst. : Un hahit ginpvet, du vin ginguct.
Gl.^ce. Subsl. f. On dit figurémcnl P'isage de
glace, air de glace, cœur de glace. — On dit aussi
être de glace :
L'homme est âe glace aux vérilés,
Il est de feu pour les mensonges.
(La Font., Ht. IX, fable VI, 35.)
Que le mensonge un instant vous outrage.
Tout est en feu soudain pour l'appuyer :
La vérité perce enfin le nuage.
Tout est de glace à vous justiKer.
(VOLT., Èpttre XXXV, 115.)
Glacer. V. a. de la 1" conj. L'Académie ne
dit pas glacer la tendresse, glacer de peur, d'é-
pouvante, etc.
Ses froids embrassements ont glacé ma tendresse.
(Rac, Phéd., act. IV, se. i, 26.)
Quoi ! la penr a glacé mes indignes soldats.
(Rac, Âth., act. V, se. v, 32.)
Cent présages affreui la glacent d'épouvante.
(Dblil., Énéid., IV, 680.)
Ne crains rien de ce peuple imbécile et volage.
Dont un faible malheur a glacé le courage.
IVOLT., Henr., IV, 150.)
Ma langue glacée
Se refuse aui transports de mon âme offensée.
(Volt., Zaïre, act. III, se. vu, 1.)
Trouverai-je l'amant ff!ac^ comme le père ?
(Rac, Jphig., act. II, se. m, 35.)
Glacial, Glaciale. Adj. Il peut quebiuefois se
mettre après son subst., lorsque l'analogio et l'b.'ir-
monie le i)crmettent : Un vent glacial, un accueil
glacial, une réception glaciale, un air glacial.
Ce glacial accueil, cette réception glaciale m'in-
terdit. ^'oyez Adjectif Selon l'Académie, cet
adj. n'a point de masculin au pluriel. Bailly l'as-
trononie lui en a do'uiè un. Il a dit des vents gla-
cials.
Gladiateob. Subst. m. Il n'y avait point de
gladiatriccs chez les anciens, et par conséquent
ce mot n'a pas de fc^minin.
Glaikf.ux, Glaikecse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subsl. : Humeur glaireuse, mnlicrc glai-
reuse.
Glaive. Subst. m. Ce mot est employé très-
fréquemment en poésie :
J'ai plongé dans son flanc
LepJot'Dc con?ai.rc qn> _.it îjr^erson sang.
(Volt., âfahom., act. iV, se. iv, 54.)
GLO
Le glaive de Thémij,
Ce grand sontien du trAne, à lui seul «st soumis.
(Volt., !Uér., act. Il, se. vi, 15.)
Ce glaive à notre Dieu vient d'être consacré.
(Volt., Mahom., act. IV, se. iv, 18.)
Une invincible main suspend sur votre tHe
Le glaive menaçant que la vengeance apprête.
(Volt., OEd., act. III, se. «V, 70.)
Celui qui des chrétiens se dit encor le père
Met aux mains de ses fils un glaive sanguinaire.
(Volt., Henr., III, 351.)
Qnand l'arrêt des destins eut, durant qnelqnos jours,
A fcnnl de cruautés permis un libre cours,
Et que des assassins, fatigues de leurs crimes,
Los glaives émoussés manquèrent de victimes.
(Volt., Ilenr., III, 1.)
Je doute qu'on puisse dire le glaive des assas-
sins. Glaire emporte une idée de justice, de ven-
geance, de colère divine : Le glaive de Injustice,
le glaive des lois, le glaire de Tliémis , le glaive
sacré, le glaire de la vengeance ; mais non pas le
glaire des assassins, le glaire des brigands.
Glapissa?(t, Glapissante. Adj. verbal tiré du
V. glapir. On peut quelquefois le mcltrc avant
son subst., en consuliant l'oreille et l'analogie:
Ton glapissant, rois glapissante. J'entendis
une glapissante voix.
GLIssA^T, Glissante. Adj. verbal tiré du v.
glisser. Au propre, il ne se met qu'après son
subst. ; au figuré, on peut le faire procéder, lors-
que l'analogie et l'harmonio le permettent : Un
chemin glissant, un pas glissant ; une carrière
glissante, dans cette glissante carrière. A''oyez
Adjectif.
Gi.onsE. Subst. f. L'Académie dit que la gloire
est l'honneur, l'estime, les louanges, la réputation
que les vertus, le mérite, les grandes qualités, les
grandes actions ou les bons ouvrages attirent à
quelqu'un. Cette définition n'est pas bien daire.
Écoulons Voltaire; il va nous faire comprendre
beaucoup mieux que l'Académie ce qu'on doit
entendre par ce mot.
La gloire est la réputation jointe à l'estime;
elle csl au comble (pmnd l'admiration s'y joint.
Elle supi)ose toujours des choses éclatantes en
actions, en vertus, en talents, et toujours de
grandes difficultés surmontées. César, Alexandre,
ont eu de la gloire. On nn jjeut guère dire que
Socrateen ait eu. Il attire l'estime, la vénération, la
pitié;on éprouve de l'indignation contre ses enne-
mis ; mais le terme de glaire serait inqiropre à son
égard. Sa mémoire est respectable plutôt que glo-
rieuse.' Attila eut beaucoup d'éclat; mais il n'a
point de gloire, parce que l'histoire, qui peut se
tromper, ne lui donne point de vertus. Charles XII
a encore de la gloire, parce que sa valeur, son
désintéressement, sa libéralité, ont été extrêmes.
Les succès suflisciii pour la répuialion, mais non
pas pour la gloire. Celle de Henri IV augmente
tous les jours, parce que le temps a fait connaitre
toutes ses vertus, qui étaient incomparaldement
plu? grandes que ses défauts. La gloire est aussi
le partage des inventeurs dans les l)eaux-arts; les
imitateurs n'ont que des applaudissements. Elle
est encore accordée aux grands talents, mais dans
les arts sublimes. On dira bien la gloire de P^ir-
gile, de Cicrron, mais non la glone de Martial
ou d'Aulu-Gcllc. On a osé dire la gloire de
Dieu; il travaille pour la gloire de Dieu; Dieu
a créé le monde pour .sa gloire. Ce n'est pas «[ue
l'Etre suprême puisse avoir de la gloire; mais les
hommes n'ayant point d'expressions qui lui con-
GLO
Tiennent, cinpluient })our lui colles dont ils sont
le plus flattés.
IM taine gloire est celle petite ambition qui
se contente des apparences, qui s'étale dans le
grand faste, et cjui ne s'élève jamais aux grandes
choses. On a vu des souverains qui, ayant inie
gloire réelle, ont encore aimé la vainc gloire, en
recherchant trop de louanges, en aimant trop
l'appareil de la représentation.
La fausse gloire tient souvent à la vaine gloire;
mais souvent clic porte à des excès, cl la vainc
se renferuic plus dans des petitesses. Un prince
qui mettra son honneur à se venger, cherchera
une gloire fausse plutôt qu'une gloire vaine.
Faire gloire, faire ranilc, se faire honneur,
se preinieni quelquefois dans le même sens, et
ont aussi des sens différents. On dit également
U fait gloire, il fait vanité, il se fait honneur
de son luae, de ses excès; alors gloire signifie
fausse gloire : Il fait gloire de souffrir pour la
bonne cause, et non pas il fait vanitr. Il se fait
honneur de son bien, et non pas il fait gloire
OU vanité de son lien.
Bendrc gloire signifie reconnaître, attester :
Bendez gloire à la vérité, reconnaissez la vérité.
Au Dieu qu-; vous servez, princesse, rendez gloire.
(R.4C., Ath., act III, se. iv, 49.)
Attestez le Dieu que vous servez.
La gloire est prise pour le ciel : Il est au sé-
jour de la gloire.
Oii les conduisez-vous? — A la mort . — A la gloire.
(Cork., Pol., ad. V, se. m, 99.)
On ne se sert de ce mot pour désigner le ciel que
dans notre religion. Il n'est pas permis de dire
que Baichus, Hercule, furent reçusdans la gloire,
eu parlant de 'eur apothéose. {Dict. philos.)
Gloire n'a point de pluriel, excepté en parlant
des gloires que font les peintres.
Gloiuedsement. Adv. Il est toujours pris en
bonne part, et peut se mettre entre l'auxiliaire et
le participe . Il a rempli gloineusement sa car-
Hère, ou il a glorieusement rempli sa carrière.
Glorieux, Glorieuse. Adj. Quand il est ru|)i-
ihéle d'une chose inanimée, il exprime toujours
une louange : Bataille glorieuse, paix glorieuse,
affaire glorieuse. Rang glorieux- signilie rang
élevé, et non pas rang qui donne de la gloire,
mais dans lequel on peut en acquérir. Homme
gloHeux, esprit glorieux, est toujours une in-
jure; il signifie celui qui se donne à lui-même ce
qu'il devrait mériter des autres. Ainsi on dit un
règne glorieux, et non pas un roi gloi"ieux. Ce-
pendant ce ne serait pas une faute de dire au plu-
riel les plus gloiieux conquérants ve l'aient pas
un prince bienfaisant; maison ne dira pas les
princes glorieux, pour dire les princes illustres.
ÇVo\K., Dici. philos.)
GLOr.iELX. Subst. m. Le glorieux n'est pas
tout à fait le fier, ni l'avantageux, ni Vorgueil-
leux. Le fier lion'. de l'arrogant et du dédaigneux,
et se couununique peu. \Javantagevx abuse de
la moindre déférence qu'on a pour \\n. L'orgueil-
leux étale l'excès de la bonne opinion qu'il a de
lui-même. Le glorieux est plus rempli de vanité;
il cherche plus à s'établir dans l'opinion des
hommes; il veut réparer par les dehors ce qui
lui manque en effet. L'orgueilleux se croit quel-
r chose , le glorieux veut paraître quelque
se. Les nouveaux parvenus sont d'ordinaire
GON
)25
plus glorieux que les autres. On a appelé quel-
quefois les saints et les anges, les glorieux, connue
habitants du séjour de la gloire. {\o\[.,Dtct.
philds.)
Glorifier. V. a. de la 1" conj. Se glorifier est
lanlôt pris en boime part, tantôt en mauvaise, se-
lon l'objet dont il s'agit : // se glorifie d'une dis-
grâce qui est le fruit de ses talents cl l'effet de
l'envie. — On dit des martyrs {\\i'ils glorifient
Dieu; c'est-à-dire que leur constance rendait
resjieclable aux hommes le Dieu qu'ils imnon-
çaiont.
Glouton, GI.ouTOK^E. Adj. Il ne se met qu'a-
près soi! subst. : Un homme glouton, un enfant
glouton, un appétit glouton.
Gloutonnement. Adv. Il se met après le verbe:
lia mangé gloutonnement, et non pas il a glou-
tonnement mangé.
Glu. Subst. m. L'Académie ne dit pas qu'on
l'emploie au ligure. Féraud dit qu'on peut l'y
employer dans le style familier, et donne cet
exem|)lc tiré des Lettres de madame de Sévigné:
Il mt'urt d'envie de partir, à ce qu'il dit ; mais
ces courtisans ont bien de lu glu autour d'eux.
Je penche à croire que cette expression est (dus
que familière, cl je ne crois pas qu'on puisse la
donner comme un modèle à imiter. ^lais ou peut
assurer que glu au figuré ne peut entrer dans le
style noble; et on rirait aujourd'hui d'un orateui-
qui dirait, comme Mascaron a dit dans V Oraison
funèbre d'Henriette d^Angletcne : Le cœur suit
lentement le vol de l'esprit, parce que ses ailes
sont faibleset liées par la glu des affections de lu
terre.
Gluant, Gluante. Adj. Il ne se met qu'après
sou subsl. : Matière gluante, sueur gluante.
Glutineux, Glutinelse. Ailj. qui ne se met
qu'après son subsl. : Suc glutineux, matière glu-
tineuse.
Gnome, Gnomide, Gnomique, Gnomon, Gnomo-
N1QCE, G.NOSTiQUE. Daus ccs six mots, et dans
tous ceux qui commencent par gn, ces deux let-
tres ont le son dur guene.
GoBE-MoucuEs. Subst. m. Ce mot ne change
point au pluriel. La pluralité ne peut tomber sur
gobe, qui est un verbe. On dit des gobe-mou-
ches.
GoBEr.GER(sE).V. pronom, de lad "conj. L'Aca-
démie dit qu'il signifie se moquer. — Se goberger
signifie proprement se reposer nonchalamment,
pi'endre ses aises; mais il ne signifie pas se mo-
(luer. On ne dit pas se goberger de quelqu'un; et
si dans quelque village on a dit je m'en goberge,
on a signifié par là, je ne m'en inquiète point, je
ne me goberge pas moins pour cela, cela ne
m'empêche pas de me goberger.
Goguenard, Goguenarde. Adj. qui ne se met
([U'après son subsl. : Esprit goguenard, humeur
goguenarde, réponse goguenarde.
GoMMEUx, Gommeuse. Adj. (jui ne se met (ju'a-
près son subst. : Arbre gommeux, matière gom-
meuse.
Gond. Subsl. m. On ne prononce pas le d.
Gonfler. Y. a. de 1. 1" conj. 11 se du de
toute substance qui i)rend ou par la chaleur, ou
par quelque autre cause que ce soit, plus de ^•"-
lume qu'elle n'en avait auparavant.
Le vent gon/!e la voile ■••;••,,, t.i ,
(Deiil., Eneid., III, 241.;
L'Académie ne dit au figuré que gonflé d'orgueil.
On dit aussi gonflé d'impertinence :
Mais dès qu'il fut monsieur le président,
324
GOU
Il fut, ma foi, gonflé d'impertinence.
(Volt., Enf. prod., ad. 1, se. I, 26.)
*
L'un est plein de respect, l'aulre gonflé d'audace.
(CORXEILLB.)
GoTniQDE. Adj. des deux genres. 1! ne se mel
qu'après son subst. : Architecture gothique, écri-
ture gothique, lettres gothiques, caractères gothi-
ques.
Goi'FFRE. Subst. m. On dit au ûqnvi', gouffre Je
Jiialheurs, gouffre de misères. On dit aussi le
gfuffre des 711ers ; les gouffres de l'enfer.
Près d'OF.dipe et de moi, je voyais des enfers
Les gouffret étemelt h mes pieds cntr'uiiverls.
(Volt., OEd., act. Il, se. 11, 75.)
GocLD, GoDLDE. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Un homme goulu, un animal goulu.
GooLÛMEMT. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il « mangé govlûnvent , et non pas il a
goulûment mangé.
Gourd, Gourde. Adj. qui ne se met qu'après
son subsl. : ^Jvoir les mains gourdes.
GolRMA^D, GoDiîMANDE. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme gourmand, un
enfant pouriuand, un animal gourmand.
GornMA>DF.R. A . a. de la 1''" conj. Delille û dit
'Énéid., IX, 473):
Le fier Turnns lui seul garde une âme intrépide,
£t gourmande des siens la faiblesse timide.
Celte expression peut être approuvée, mais peut-
être n'approuvera-i-on pas de même l'emploi que
le môme auteur fait de ce mot dans le vers sui-
vant {Géorg.,1, 115):
Gourmander san? relâche un terrain paresseux.
Ici le mot gourmander paraît bien éloigné de sa
signification primitive.
GouT. Subst. m. Ce mot ne prend de plu-
riel ni au propre ni au figuré, lorsqu'il signifie
en général, et sans ap|)licutiun à des cas particu-
liers, soit le sens par lequel on dislingue les sa-
veurs, soit la faculté par laquelle on juge des dé-
fauts cl des beautés dans tous les arts. L'homme,
supérieur à tous les êtres organisés, a le sens
du toucher, et peut-être celui du ^mi plus par-
fait qu'aucun des animaux. (BulTon, Disc, sur
la nat. des oiseaux, t. XVIII, p. 32 ) L'instinct,
qui est un guide si sûr, fegoût, qtiijuge si bien,
et qui cependant juge au moment même qu'il
sent ; les talents, qui ne sont eux-uiêmes que le
goût lorsqu'il produit ce dont il est le juge, toutes
ces facultés sont l'ouvrage de la nature. (Con-
diliac.)
Mais lorsque le mo\. goût psl employé pour si-
gnifier l'application à quelque objet particulier
de la faculté de distinguer les saveurs, ou de
celle de juger des objets, alors ce mot peut être
mis au pluriel, parce qu'il peut signifier plusieurs
actes différcnis de la faculté de disiingner les
saveurs, ou de celle de sentir les beautés ou les
défauts d'un ouvrage. Ainsi l'on dira vous aimez
la sauce noire, et j'aime la sauce blanche ; nos
goûts sont différents. On dira de même en pein-
ture, il y a autant de goûts que de nations, que
d'écoles.
Goût prend aussi le pluriel lorsqu'il signifie
la prédilection de l'âme [wur tels ou tels objets^ :
Z/'m/j a le goût de la bonrw chère, l'autre le goût
de la sobriété, ce sont des goûts différents. La
GOU
nature nous a donné dis goûts '///'/' e.it aussi
dangereux d'éteindre que d'épuiser. (Barlhé-
leiui.) J'ose me flatter quelque fois que le ciel a mis
une conformité secrète entre nos affections ainsi
qu'entre nos goûts. (J.-J.l\ouss.,//('/(/ijr,r« part.,
lettre I.) f^os goûts peuvent avoir de la lé-
gèreté, mais votre cœur n'en a point. (Voltaire.)
Goût ne prend point de [iluriol quand il se dil
des objets capables d'exciiei' en nous la sensa-
tion du giiût : Ce vin a un bon goût, ces deux
melons ont chacun un goût différent.
Le goût, dil Voltaire, ce don de discerner nos
alimenls, a iiroduil dans toutes les langues con-
nues la inèlaphoretjui ex|)rime, pai- îe mol goût,
le sentimeni des beautés et des défauts dans tous
les arts. C'est un discernement prompt comme
celui de la langue et du palais, et qui prévient
comme lui la réflexion. Il est, comme lui, sen-
sible et vohii)lucux à l'égard du bon; il rejette,
comme lui, le mauvais avec soulèvement ; il est
souvent, comme lui, incertain cl égaré, igno-
rant même si ce qu'on lui prcsenie doit lui
plaire, et ayant (lueUpiefois besoin, comme lui,
d'habitude pour se former.
Il ne suflil pas pour le goûtÙQ voir, de con-
naître la beauté d'un ouvnige; il faut la sentir,
en èlre louché. Il ne suffit pas de sentir, d'être
louché d'une manière confuse; il faut démêler
les différentes nuances; rien ne doit échapper à
la promptitude du discernement; ci c'est encore
une ressemblance de ce goûl inlellectuel, de ce
goût des arts, avec le goûl sensuel; carie gour-
met sent et reconnaît promplement le mélange de
deux liqueurs. L'homme de goûl, le connaisseur,
verra d'un coupd'œil prompt le mélange de deux
styles; il verra un défaut à côlé d'un agré-
ment.
Comme le mauvais goût, au physique, consiste
à n'être flatté que par des assaisonnements trop
piquants et trop recherchés, ainsi le mauvais
goûl, dans les arts, est de ne se plaire qu'aux
ornements étudiés, cl de ne pas sentir la belle
nature.
Le goût dépravé dans les alimenls est de
choisir ceux qui dégoiileiil les autres hommes;
c'est une espèce de m;il;idie. Le goûl dépravé
dans les arts est de se plaire à des sujets qui
rcvolicnt les esprits bien faits; de préférer le
burlesque au noble, le précieux et l'affecté au
beau simple et naturel ; c'est une maladie de
l'esprit.
11 y a un bon et un mauvais goûl. Le meilleur
goût,' en tout genre, csi d'imiter la nature avec
fe plus de fidélité, de force et de grâce.
le goût, (junlipie peu commun, n'est point
arbitraire; mais il ii'élend pas son ressort sur
toutes les beau lès dont un ouvrage de l'art est
susceptible. Il en est de frappantes, de sublimes,
qui saisissent également tous les esprits, que la
nature produit sans effort dans tous les siècles et
chez tous les peuples, et dont par conséquent
tous les esprits, tous les siècles et tous les peu-
ples sont juges. L'éloquence doit être partout
persuasive; la douleur, touchants; la colère im-
pétueuse ; la sagesse, tranquille. Mais il est des
beaulcs de détail qui ne louchent que les âmes
sensibles, et qui glissent sur les autres. Ces beau-
lés sont celles qui demandent le plus de sagacité
p(jur cire produites, et de délicatesse pour être
senties. Aussi sont-elles plus fréquentes parmi
les nations chez lesquelles les agréments de la
société ont perfectionné l'art de vivre et de jouir;
et voilà pourquoi ce qui plaît dans un siècle ne plaît
GOU
pas dans un autre, pourquoi on trouve excellent
à Pans ce qu'on dédaigne à Londres ou à Vienne.
Ce genre de beautés l'ailes pour le petit nond)rc
est proprement l'objet du goût, qu'on peut dé-
finir le talent de deinèlcr, dans les ouvrages de
l'art, ce qui doit plaire aux âmes sensibles, et ce
\u\ doit les Idesser.
Si \effuût n'est pas arbitraire, il est donc fondé
sur des i)rincipes incontestables; et, ce qui en
est une suite nécessaire, il ne doit point y avoir
d'ouvrage de l'art dunt on ne puisse juger en y
appliquant ces ])rincipcs. En eliel, la source de
notre plaisir et de notre ennui est uniquement et
entièrement en nous; nous trouverons donc au
dedans de nous-inèmcs, en y portant une vive at-
tention, des régies générales et invariables de
goût, qui seront" comme la jnerre de louche à l'é-
preuve de laquelle toutes les productions du ta-
lent pourront être soumises.
Le ffotU se fortifie par l'habitude, par les ré-
flexions, par l'esprit philosophique, par le com-
merce des gens de goût. 11 est l'ouvrage de l'étude
et du temps; il tient à la connaissance d'une
multitude de règles ou établies ou supposées.
Pour qu'une chose soit belle selon les règles du
goût, il faut qu'elle soit élégante, finie, travaillée
sans le paraître.
Nous ne pouvons mieux finir cet article que
par le portrait que Voltaire a fait du faux goût.
C'est le bon goût qui jiarle:
Je sais qu'à vos yeux éclairés
Le faux goUt tremble de paraître:
Si jamais tous la rencontrez.
Il est aisé de le connaître.
Toujours accablé d'ornements.
Composant sa voix, son visage,
AITecté dans ses agréments.
Et précieux dans sou langage.
Il j rend mon nom, mon étendard ;
Mais on voit assez l'imposture.
Car il n'est que le fils de l'art.
Et je le suis de la nature.
[Temple du Goét, i la Gn ]
\oyez Industrie, Génie.
Goûter. V. a. de la 1" conj. On dit goAter un
mets, goûter d'un mets, et goàter à vnmets. On
goûte un mets pour savoir s'il est t:on ou mau-
vais ; on goûte d'un 7nets lorsqu'on en mange
un peu comme alimcnl; on goûte ù un mots,
pour savoir s'il y manque quelque chnsc, et dans
le dessein de sujipléer ce qui man(]ue. J'ai
goûté ce vin-là, et Je l'ai trouvé bon ; Je nai
mangé que du rôti, je n'ai pas goûté des ragoûts.
Un cuisinier, en faisant une sauce, goûte à la
sauce jusqu'à ce qu'il n'y manque rien ; avant de
la servir, il la goûte pour s'assurer (lu'elle est
bonne. On goûte le vin, on goûte du vin, mais,
on ne goûte pas à du vin parce qu'il n'y a rien à
y changer.
Goutte. Subsl. f. Voyez le mot f^oir.
Gouvernail. Subst. m. On mouille le l.
Gouverner. V. a. de la 1" conj. Terme de
grammaire. Il ne suflit pas, jiour exprimer une
pensée, d'accumuler des mots indislinctement ;
il doit y avoir entre tous ces mots une corréla-
tion générale qui concoure à l'expression du sens
total. Les noms appellatil's, les prépositions et les
verbes relatifs, ont essentiellement une significa-
tion vague et générale qui doit être déterminée
tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, selon les
conjonctures. Celle dclerminalion se fait com-
munément par des mots que l'on joint aux mots
indéterminés, et qui, en conséqueuce de leur
GRA
325
destination, se revêtent de telle ou telle forme,
prennent telle ou telle place, suivant l'usage et le
génie de chaciue langue.
Or, ce sont les mots indélerniincs qui, dans le
langage des granmiairicns, gouvernent ou régis'
sent les mots déterminants. Ainsi l'on dit qu'un
verbe gouverne ou régit telle ou telle prépo-
sition, pour dire que cette préjjosilion doit le
suivre pour le déterminer.
Grack. Subst. f. Terme de littérature. On ap-
pelle ^/-oct', en général, ce ijui plait avec attrait.
Les grâces ne sont point la beauté, elles l'ac-
compagnent. Un ouvrage (jui n'a que de la beauté
peut plaire par la noblesse de l'invention, par la
grandeur du sujet, par l'habilité de l'exécution ;
il peut produire l'étonnemcnt et l'admiration,
s'il n'a rien qui soit contraire aux grâces. Mais,
sans les grâces, il ne produira point ce charme
secret (pii invite à le rcgariler, qui attire, qui
remplit l'ànie d'un sentiment doux.
Les grâces de la diction, soil en élociuence,
soit en poésie, dit Voltaire, dépendent du choix
des mots, de l'harmonie des |)hrascs, et encore
plus de la délicatesse des idées et des descrip-
tions riantes. L'abus des grâces est l'afféicrie,
connue l'abus du suldune est l'anqjoulé; toute
perfection est prés d'un défaut. Vijyez Faveur.
Avoir de ,a grâce, s'entend de la chose et de
la personne : Cet ajustement , cet ouvrage, celte
femme a de la grâce. La bonne grâce aijpartient
à la personne seulement : Elle se présente de
bonne grâce. lia fait de bonne grâce ce qu'on
attendait de lui. Avoir des grâces. Cette femme
a des grâces dans so7i maintien, dans ce qu'elle
dit, dans ce qu'elle fuit.
Obtenir sa grâce, c'est, par métaphore, obtenir
son pardon, comme faire grâce est pardonner.
On fait grâce d'une chose en s'emp.irant du
resle. Les commis lui prirent tous ses effets, et
lui firent grâce de son argent. Faire des grâces,
répandre des grâces, esl le \)\us bel apanage de
la souveraineté; c'est faire du bien; c'esi plus
que justice. Avoir les bonnes grâces de quel-
qti'un, ne se dit que pai' rap[)ort a un supérieur.
Avoir les bonnes grâces d'une dame, c'est cire
son amant favorisé. Etre en grâce se dit d'un
courtisan qui a été en disgrâce. (\ oll., Bict. phi-
losophique.)
(jRAciABLE. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'a|)rôsson subst. : Casgraciable, fait graciable .
Gracieuslment. Adv. Il se met après le verbe:
Il Va reçu gracieusement.
Gracieuser. V. a. de la I" conj. Ou com-
mence, dit foliaire, à se servir du mot gracieu-
ser, qui signifie recevoir, parler obligeamment;
mais ce mot n'est pas encore employé par les bons
écrivains dans le style noble. — Depuis Vol-
taire, il a été entièrement abandonné, el l'Aca-
démie aurait bien fait de ne pas le mettre dans
son Dictionnaire, même en avcrlissanl qu'il esl
familier. Il n'est plusaujourd'iiui (pie populaire.
Gracieux, Gracieuse. Ailj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmo-
nie le permettent : Un souriie gracieux, U7i gra-
cieux sourire. Un air gracieux, et non pas un
gracicus air. Des manières gracieuses, et de
gracieuses manières.
Gracieux esl un terme qui manquait à notre
langue et qu'on doit à Ménage. Bonhours, en
avouant (pie Ménage en est l'anleur, prétend
qu'il en a fait aussi l'emploi le pbis juste en disant :
Pour moi de qui les vers n'ont rien de gracieux.
(Liv. I. Chrietine, égl. vers 133 )
326
GRA
Le mol lie Ménage n'en a pas moins réussi. Il
voul dire plus i\u'agréabl£ ; il indique l'envie de
plaire.
Le sens du mol^rraciVj/x, dilMarmonicl, n'est
pas toujours absolument analogue à celui de
grâce. On dit bien un pinceau f]racievx, vu style
gracieux, vn tour gracieux dans l'expressiim ; et
cela signifie un pinceau, un t-lyle, un tour qui a
de la grâce. Mais on dit aussi vn sujet gracieux,
et des images gracieuses; et alors gracieux si-
gnilie ce qui porte à l'imagination, à l'àme, des
idées, des [leinturcs , des sentiments doux et
agréables, le gracieux se compose de l'élégant,
du riant et du noble. Un tableau de l'Albane, du
Corrcge, de Claude Lorrain, est gracieux; un
tableau de Tcniers, de Rembrandt, de Michel-
Ange, ne l'est pas. Une scène du Pastor fido, ou
de VAminte, est gracieuse ; une scène de î>Io-
licre est plaisante; une scène de Corneille est
sublime. On trouve dans l'Arioslc, élans le Tasse,
<lans Ttlérnaque, des peintures gracieuses; on
en voit peu dans Homère.
On voit par ce morceau, qu'on dit le gracieux
comme on dit le beau, et que ce mot peut se
§ rendre substantivement. L'Académie n'en a rien
iL
Gradation. Subst. f. Ce mot se dit en littéra-
ture d'un ordre gradué qui se reinanjuc entre
certaines idées, et que l'on doit suivre dans lar-
rangcment des mots et des phrases «jui les ex-
priment. La gradation lie les idées dans l'esprit;
elle doit lier les expressions dans le discours. La
gradation va du moins au plus, ou du plus au
moins, suivant l'idée totale que l'on a dans l'es-
prit, et la manière dont on veut l'exprimer. Il a
c<immis des fautes, des crimes, des forfaits;
voilà une grauation du moins au plus. On ne
peut lui reprocher ni des for faits ni des crimes,
pas mê/ne des fautes; en voilà une du plus au
moins. Quand il s'agit d'iinagesou de sentiments ,
la gradation peint leurs commencements, leurs
progrès, leur force et leur étendue. C'est ainsi
que Sapho exprime par gradation l'amour qui
s'est emparé de son cœur :
Un nuage confus se répand sur ma vue.
Je n'entends plus, je tombe en de douces langueurs;
Et pâle, sans lialeine, interdite, éperdue,
Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs.
^Traduction de Boileau, VlUechap.du Traité du Sublime.)
C'est ainsi que Racine, en imitant cette belle
gradation, fait dire à Phèdre (act. I, se. m, d21):
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon Sme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Je sentis tout mon corps et trm^ir et brOtler.
C'est ainsi que Boileau dit, en peignant l'épui-
sement de la Mollesse {Lutrin^ II, 164) :
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, et s'endort.
Si l'on a l'esprit juste, on découvrira presque
toujours entre les idées une gradation plus ou
moins sensible (jui les lie entre elles, et l'on sen-
tira la nécessité d'exprimer cette liaison dans le
discours par l'arrangement des mots et la con-
struction des phrases.
Quelqu«fois la gradation est entre plusieurs su-
jetsd'une même proposition : Les besoins, les dé-
sirs, les passions, assiègent le cœur de Vhoiimie ;
d'autTOB fois on la rso^àique entre le même ra[>-
port d'un verbe répété plusieurs fois, comme dans
GUA
yous ignorez mes peines, mes chagrins, ma mnr-
sère; ou bien dans des rapports diffiirents, dont
l'ordre e^t inar(|iiè par la n;iture des idées. Il y a
gradation entre le régime direct et le régime in-
direct d'im verbe actif, et le premier obtient na-
turclicinent la jjremière place, à moins que la |)lus
grande liaison des idées n'en ordonne autrement.
Ainsi on observe la gradation en iWsMxl j'envoie
un présenta mon frère; on l'intervertit si l'ofl
d'dj'emwe à mon frère unprésent.
D'autres fois encore on voit la gradation entre
plusieurs compléments d'une préposition: Il tra-
vaille pour subvenir à ses besoins, pour soula-
ger ses amis, pour secourir les paurres. Enfin la
gradation se trouve entre plusieurs propositions
principales, comme il observe, ilcompare, il juge.
La gradation contribue beaucoup à la clarté de
la diction, et il faut suivie l'ordre qu'elle indique,
à moins ([ue des vues particulières de l'esprit ne
demandent qu'il soit interverti.
On a reproché justement à Racine d'avoir in-
terverti cet ordre dans le vers suivant {Androm.,
(act. V, se. IV, 10) :
Je devins parricide, assassin, sacrilège.
L'épithéte d'assassin est moins odieuse que celle
de parricide. La gradation était je devins assas-
sin, parricide, sacrilège. Voyez Construction.
Graduer. Y. a. de la 1" conj. La Harpe a
employé ce mot au figuré dans le passage suivant :
Le père Lemoine, dans son poème de Saint-
Louis, ne sait ni fojider ni graduer l'intérêt
des événements et des situations. . . [Cours de
Littérat.,U' part., liv. I, t. iv, p. 121.)
Graillon. Subst. m. C'est, dit l'Académie, les
restes ramassés d'un repas : Beaucoup de pauvres
gens virent de graillons. — On a déjà critiqué
cet article. Un graillon est positivement une ex-
crétion de la poitrine, dont elle s'est débarrassée
au moyen delà toux. C'est le sens littéral du mot.
louant aux acceptions métaphoriques, il est très-
peu de circonstances oii les gens qui respectent
l'honnêteté puissent les employer.
Graisseux, Graisseuse. Adj. Jl se met toujours
après son subst. ; Corps graisseux, membrcaie
graisseuse .
Grammaire. Subst f. On ne prononce qu'un w.
Terme de littérature. C'est la science de la parole
prononcée ou écrite. On appelle communément
grammaire un recueil systématique d'observa-
tions sur une langue, contenant toutes les règles
qu'il faut suivre pour la parler et l'écrire correc
tement, et les exceptions qui s'écartent de ces rè-
gles. Une grammaire est un livre utile pour un
maitre ; il y voit la liaison et l'cnchaincmcnt des
jjrinciiics; il y trouve toutes les règles dont il doit
donner connaissance à ses élèves, toutes les ex-
ceptions que l'usage commande ; et, s'il n'y trouve
pas la meilleure manière d'enseigner, il y apprend
du moins à connaître tout ce qu'il doit ensei-
gner.
Aucune de nos grammaires n'offre une bonne
méthode pour l'inslruclion des jeunes gens; et <e
n'est pas en voulant leur inculquer isolément les
règles qu'elles contiennent, (ju'on peut parvenir
à leur apprendre facilement la langue. La nature
nous montre «(ue, pour apprendre à parler, il ne
faut qu'entendre parler et imiter ce que l'on en-
tend, et que les régies les mieux expliquées nous
conduisent bien plus lentement à la pureté du
langage que les bons exemples, et l'habitude de
les imiter. Une nourrice ne commence pas par ap-
GRA
prendre à son nourrisson ce que c'est qu'un sub-
stantif, un adjeclir. un adverbe, etc. ; elle lui
parle s;u)s cesse, il s'essaie à riuiiler ; ses besoins
le poussent à celte iinitalion ; il y parvient, et au
bout de deux ou trois ans il exprime des juge-
ments, il fait accorder le substantif avec l'adjec-
tif, le sujet avec le verbe; il donne à chaque verbe
les régimes qui lui conviennent, et tout cela sans
savoir ce que c'est que grammaire, substantif,
adjectif, verbe, régime, etc.
Il ne faut pas croire cependant que tout cela
se soit fait en lui au hasard et sans aucune es-
pèce de règle; l'ordre qu'il a entendu donner aux
mots, et i|û'il y a donné lui-même par imitation,
se grave dans'sa incmoire; l'analogie le conduit
successivement des piirases qu'il a imitées à celles
qu'il est oblige de cuniposer; il suit sans le savoir
ua système, et les règles de la grammaire dirigent
les opérations de son esprit sans qu'il s'en aper-
çoive et sans qu'il réfléchisse sur la lumière qui
lui sert de guide.
Cependant celte lumière existe réellement dans
son esprit; celte analogie qui lui donne linslinct
du développement de son langage est en lui une
habitude. La première chose à faire ixiur décou-
vrir aux jeunes gens les principes de leur langue,
c'est donc de travailler sur ce premier fonds que
la nature fournit à l'instituteur; c'est de faire
réfléchir les élèves sur ce qu'ils ont l'ait en com-
posant des i)hrases, de leur apprendre à distin-
guer dans leurs propres opérations les règles qu'ils
ont suivies sans le savoir, et de leur indiquer les
noms de tous les signes qu'ils ont employés pour
exprimer leurs pensées. C'est ainsi qu'on ira du
connu à l'inconnu, et qu'on avancera d'une ma-
nière sûre dans la carrière de l'instruction.
Mais qu'on est loin encore de suivre cette mé-
thode indiquée depuis si longlemjjs par des hom-
mes de génie, et recommandée par tous les gram-
mairiens qui désirent sincèrement les progrès des
lumières! Que fait-on dans la plupart des mai-
sons d'éducation? Des maîtres insouciants saisis-
sent au hasard une grammaire qui favorise leur
ignorance ou leur paresse ; ils la font apprendre
par cœur à leurs élèves, la leur expliquent comme
ils peuvent, et s'applaudissent de leurs succès
lorsque ces élèves ont répété, comme des perro-
quets, des mots sans les comprendre, et que sou-
vent les maîtres eux-mêmes ne compreiment pas
davantage.
La meilleure manière d'enseigner une langue à
des enfants, c'est de leur montrer comment cette
langue s'est formée. Les langues ont été formées
avant les grammaires, et les grammaires ont été
faites sur les langues. Etudions la langue sur la
langue même, et cherchons-y les règles. C'est a
faciliter cette recherche que consiste l'art de
l'instituteur.
Je suppose qu'une institutrice intelligente, pc-
uétiée de la nécessité de se faire comprendre,
veuille cn^cigner la grammaire à ses jeunes élè-
ves, elle commencera par les idées les plus sim-
ples. Si elle veut leur faire connaître ce que c'est
qu'un nom^ elle saisira l'occasion où Tune d'elles
nommera une chose; elle lui demandera, par
exemple, pourquoi appelez-vous cela un livre?
Il est certain que l'élève finira par répondre :
C est que c'est son nom- Et alors, en passant en
revue les noms d'un grand nombre d'objets sen-
sibles, on lui fera comprendre, ou plutôt elle dira
d'elle-même qu'un nom est un mot qui sert à nom-
mer une chose. En la faisant réfléchir sur l'habi-
tude qu'elle a prise de mettre le devant certains
GRA
527
noms, et la devant d'autres, on lui fera remarquer
que depuis qu'elle parle, elle a distingué par ces
mots le mâle de la femelle, et de là la connais-
sance des genres. Par la nécessité d'exprimer
qu'elle voit telle ou lelle qualité dans un objet,
on lui fera comprendre ce que c'est que les ad-
jectifs ; et on lui donnera facilement une notion
juste du verbe, en lui faisant remarquer qu'elle
ne saurait exprimer l'union d'une chose avec uue
qualité sans se servir d'un mot particulier qui
n'exi)rim(? ni l'une ni l'autre, mais (lui sert à in-
di(pier qu'on les conçoit réunies. 11 n'y aura pas
plus de difliculté à lui l'aire sentir la fonction des
prépositions: Ma sœur va au. jardin, je viens
de lu classe, elle est dans la chambre. La moin-
dre réflexion sur ces phrases, prononcées par l'é-
lève, lui fera connaître qu'elle a l'habitude de
marquer par les mots à, de, dans, le rapport des
personnes avec un lieu oii elles se rendent, avec
un lieu d'où elles viennent, avec un lieu dans le-
quel elles sont contenues; et ces rapports bien
compris, les prépositions sont connues, et leur
emploi distingué de celui de tout autre mot. <^ue
la même élève dise ma mère gronde ma sœur, je
lui demanderai pourquoi elle ne dit pas mu sœur
grande ma mère;]& lui ferai remarquer connnent
cette transposition de mots produit un sens diffè-
rent; et il me sera aisé de lui faire comprendre que
dans l'arrangement qu'elle a suivi, elle a distin-
gué la personne dont elle a voulu parler, l'action
qu'elle a attribuée a cette personne, et l'objet sur
lequel cette action se termine. De là la connais-
sance du sujet, du verbe, du régime. Il sera aisé
de même de lui faire connaître que tout autre
arrangement de mots ne rendrait point son idée,
ou en rendrait une toute contraire ; et voilà les
premiers principes de la conslructiou. li n'est au-
cune règle de granunaire que l'on ne puisse l'aire
comprendre de cette manière; et une élève ainsi
instruite aura bientôt dans l'esprit une suite de
connaissances claires, bien lio-îs. W'^n motivées,
qui la conduiront facilement, par la voie du rai-
sonnement et de l'analogie, qui lui sera devenue
familière, à toutes les autres connaissances qu'<"j»
voudra lui faire acquérir; tandis que ceUe qui
n'aura reçu que l'instruction ordinaire des gram-
maires n'aura dans la lêie que des mots, des rè-
gles qu'elle ne comprendra pas, et dont par con-
séquent elle ne pourra jamais faire une juste ap-
plication.
C'est alors, mais alors seulement, qu'on peut
lire et exphquer aux jeunes gens la suile des rè-
gles que donnent lesgiammairiens; ils les com-
prendront aisément, parce que dans les instruc-
tions qu ils ont reçues on a eu soin de substituer
peu à peu les termes techniques aux mois com-
muns ou aux périphrases que l'on a été obligé
d'employer d'abord. Ces règles leur rappelleront
tout ce qu'ils savent déjà, et la grammaire leur
apprendra à former un système régulier des con-
naissances grammaticales qu'ils ont acquises, et
dont la plupart sont déjà liées dans leur esprit.
Toute autre manière d'enseigner la grammaire
aux jeunes gens est inutile, rebutante, et ne fait
surtout de plusieurs jeunes personnes du sexe que
des pédantes insupportables quicroientsavoir leur
langue parce qu'elles savent des mots, et qui mé-
pris'ent celles de leurs cumpagncs qui n'ont pas
puisé comme elles les régies du langage dans Res-
tant, Wailly, ou quelque autre grammairien re-
nommé.
Les exercices que je conseille doivent toujours
se faire de vive voix; l'élève doit être exercé
528
GRA
d'abord à rcpeler, puis à écrire ce qu'on lui a
expliqué. Il duil composer lui-même sa gram-
m;iiie.
A ces exercices doit être jointe la lecture des
bons auteurs qui sont à la portée des élèves, en
s'arrèUnil sur les |>lirases qui ont du rapjjort à ce
qu'ils ont api)ris, mais seulement sur ces phrases,
afin de foriilier les connaissances sans les em-
brouiller.
Grammairien. Adj. qui est souvent pris sub-
stanlivemenl. 11 se dit d'un homme qui a fait
une élude particulière do la grammaire; et
l'on iliraH. ç/rammairien7ie d'une léunne qui au-
rait fait avec succès la même élude. Autrefois on
distinguait entre grammairien et çranunatiste.
On entendait par (grammairien ce que nous en-
tendons par honune de lettres, homme d'érudi-
Mon, bon criti(iue. deux (]ui n'avaient |)as ces
.■onnaissances et qui étaient bornés a montrer
par état la praliqiie des premiers éléments des
iellres, liaient i\]>\>dés ffiamvuitistes.
Aujoiird liui on dit d'un lionmie de lettres qu'il
est bun (fraimnairien, lorsqu'il s'est appliqué aux
connaissances qui regardent l'art de parler et
d'écrire correctement. Mais s'il ne connaît pas
que la parole n'est que le signe de la pensée, que
par conséquent l'art de parler suppose l'art de
penser ; en un mol, s'il n'a pas cet esprit philoso-
jdiique qui est l'instrument universel, et sans le-
quel nul ouvrage ne peut élre conduit à la per-
feclion, il est a \)cu\c ffrarmnatiste.
Grammatical, Grammaticale. Adj. qui ne se
met jamais qu'après son subst. : Discussion
grammaticale , construction grannnaticale. On
.Kit au pluriel mdi^cuWn principes grammaticaux.
(Acad.) Voyez Accent.
Grammaticalement. Adv. Il se met après le
verbe : Cela est hnn grammaticale me nt .
Grammatiste. Subst. m. Voyez Grammairien.
Gra>d, Grande. Adj. L'adjectif grand, placé
avant ou après un substantif, donne quelquefois
à ce dernier un sens difb'rent. Ainsi l'on entend
par l'air grand une physionomie noble, cl qui
annonce de l'élévation dans l'àme; et par vn
grand air les manières d'un grand seigneur. Un
homme grand s\s,n'\{\(i un homme de grande taille;
vn grand homme signilie un homme d'un génie
exlraordinaire, et qui a fait de grandes choses
pour le bien de l'humanilé. — En parlant d'une
femme, dit Bouhours, cet adjectif n'a rapport
qu'a la taille, et on ne dit point c'est une grande
femme, pour dire c'est une femme d'un génie
exlraordinaire. — Nous ne sommes point de cet
avis. On dit très-bien que Catherine II fut une
grande impératrice; Elisabeth, une grande
reine; nous pensons même que l'on pourrait
donner a l'une cl à l'autre le litre de grande
/em7/(e.— Danssa dernière édition, l'Académie dit
grande feuime dans le même sens (\w^ homme
grand; Cl dans l'aulrc sens seulement, grande
reine, grande princesse.
Grand, quand il e>t seul, se met toujours
avant le subst., soii au |)hysiquc, soit au moral :
Un grand orage, un grand ynalheur, une grande
maladie, de grands biens, un grand génie, un
grand esprit, un grand capitaine. 11 ne faut donc
pas dire comme Molière dans le Misanthrope :
On a pour ma personne une atcrtion grande.
Quand il est joint à un adverbe de quantité, il
peut se mettre avant ou après : Un très-grand
orage, ou un orage très-grand; un très-grand
GRA
malheur, OU un malheur très-grand ; une très-
grande misère, ou une misère très-grande. Ce-
pendant on ne dirait pas c'est un génie très-
grand, un esprit très-grand; mais on Akailune
très-grande prudence et une prudence très-
grande; une très-grande sagesse, OU une sagesse
très-grande, etc.
Boileau dit qwe grand, précédé de l'article de-
vant un nom propre, ne peiil se dire que dos con-
quérants et dos saints : Le grand dtndé, le
grand saint François ; et il reprend un poclc
d'avoir dit le grand Apclle. On peut bien dire,
dit-il, (\WApeUe était vn grand peintre ; mais
qui a jamais dit le grand ytpelle? On pcul bien
appeler Cicéron un grand orateur' mais il serait
ridicule de dire le grand Cicéron.
Le nom de I.oui' X IV dii "^'oltaire, a prévalu
dans le puldic su.' ^elui de Grand. L'usage est
le mailre de loul Henr' qui fut surnommé le
Grand à si juste titre apr6s s.i mort, est appelé
communément Henri IV, et ce nom seul en dit
assez. M. le prince de Condé est toujours appelé
le grand Condé, non-seulement à cause de ses
actions héroïques, mais par la facilité qui se
trouve à le distinguer, par ce surnom, des autres
princes de Condé. Si on l'avait nommé Condé le
Grand, ce litre ne lui fût pas demeuré. On dit
le grand Corneille, pour le dislinguer de son
frère. On ne dit pas le grand Virgile, ni le grand
Homère, ni le grand Tasse . Ale.vatidre le Grand
n'est plus connu que sous le nom A' Alexandre.
On ne dit point César le Grand. Chaiies-Ouint,
dont la fortune fut plus éclalanle que celle de
Louis XIV, n'a jamais eu le nom de Grand. Il
n'est resté à Charlemagne que comme un nom
I)ropre. Les titres ne serveni de rien pour la pos-
lériié. Le nom d'un homme qui a fait de grandes
choses impose plus que toutes les épilhèlcs. [Siè-
cle de Louis Xiy, chap. XIII.)
L'e muet de grande s'élide quelquefois dans la
prononciation, et même en écrivant, devant les
substantifs qui commencent par une consonne.
On dit et l'on écrit grand'mère, grand'tante,
grand' messe , grand" chambre , grand' salle , grande-
chère, grand'croix,grand'pitié. Cependant il n'y
a que le mot grand'mère pour lequel la règle soit
générale -, car, dans bien des occasions, et en par-
ticulier quand le mol grande est procédé de quel-
que prépositif, Ve iiiuol final ne soufl'ro poinl d'é-
lision. Ainsi l'on dil et l'on écrit une grande
chambre, la plus grande chère, une grande
messe, la plus grande peine, etc.
Quelquefois le lormo^ms-esl pris au physique
pour grand, mais jamais au moral. On dil Mgros
biens, pour de grandes richesses; une grosse
pluie, pour une grande pluie ; mah non pns gros
homme pour grand homme ; gros capitaine pour
grand capitaine ; gros ministre pour grand mi-
nislre. Voy. Apostrophe, Chose.
Grandelet, Grandki.f.tte. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un enfant grandclet, une
file grandelette.
Grandkment. Adv. On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire et le participe : Il s'est
trompé grandement, ou il s'est grandement
trompé.
Grandeur. Subst. f. Ce terme, en physique et
en géométrie, est sauvent absolu, et ne suppose
aucune comparaison ; il esl synonyme de quan-
tité, d'étendue. Kn monde, il esl relatif cl porte
l'idée do supériorité. Ainsi, quand on l'applique
aux qualités de l'esprit ou do l'.àmo, ou collecli-
I vement à la personne, il exprime un haut degré
GRA
d'élévation au-dessu? de la multittide. Mais cette
élévation peut étie ou naiu relie ou nictice ; et
c'est ce qui dislingue la grandeur réelle de la
grandeur d'institution.
Grandiose. Adj. des deux genres. Terme em-
prunté de l'iialien. 11 se dit, en termes d'arts, de
ce qui frappe l'iinagination par un caractère de
grandeur, d'élévation, de noblesse, de magnili-
cence extraordinaire : Cette esquisse a quelque
chose de grandiose. Un site grandiose. Ou l'em-
ploie aussi substantivement : Le grandiose est
fils du génie.
Grandir. Y. n. de la 2' conj. Si, parce verbe,
on a intention d'exprimer l';iclion successive de
devenir grand, on le conjugue avec le verbe
avoir : Il a lien grandi, il a grandi en peu de
lempj. Si au contraire on veut exprimer l état
qui résulte de cette action, on le conjugue avec
le verbe être : Il est bien grandi-
GRAriiiQi'E. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Description graphique, re-
présentation graphique.
Grapiller, Grapilledr, Grapillon. Dans ces
trois mots on mouille les l.
Gras, Grasse. Adj. 11 se met ordinairement
après son subst. : Un homme gras, une femme
crasse, viande grasse, potage gras, vin gras, etc.
(Cependant on dit figurémeiit durmir la grasse
matinée, pour dire dormir bien avant dans le
jour, se lever fort tard.
Grassement. Adv. Il peut quelquefois se met-
tre entre l'auxiliaire cl le participe : // a étépayé
grassement, ou il a été grassement payé.
Grasset, Grassette. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Un enfant grasset, une petite
fille grassette.
Grasseyemf.nt. Subst. m. Défaut qui fait que
l'on parle gras, ([ue l'on chante gras. On parle
gras, on chante gras, quand on donne au c cl au
d le son du i, au double II celui de l'y, ou lors-
qu'on prononce la lettre r de la gorge, en sorte
qu'on la fait précéder d'un c ou d'un g. Ainsi h
mot race, dans la bouche de ceux qui grasscyent
sonne comme le mot grâce ou trace dans ccllt
des gens qui parlent ou ch;unenl bien ; et au lieu
de dire carillon, groseille, on prononce caryon,
groseye. Il est rare que dans les premières an-
nées on ne puisse pas corriger les enfants de ce
vice de prononciation, qui ne vient presque ja-
mais du défaut de l'organe.
Grassouillet, Grassouillette. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Ce morceau grassouil-
let.
Gratification. Subst. f. La gratification est un
don accordé en récompense surcrogatoire de
quelque service rendu ; il semble donc que la
gratiêcalion suppose trois choses : un consente-
ment particulier de celui qui gratifie, une action
utile de la part de celui qui est gratifié, et un
avantage pour celui-ci. Sans cet avantage, la gra-
tification ne serait qu'une récompense ordinaire.
Gratis. Adv. On prononce le s. Il ne se met
«ju'aprés le verbe : On lui a donné cela gratis.
Gratitude. Subst. f. L'Académie le définit re-
connaissance d'un bienfait reçu. Cette idée est
commune aux deux mois gratitude et reconnais-
sance, e; ne fait point connaître les nuances qui
les distinguent. La reconnaissance est le souve-
nir, l'aveu d'un bienfait reçu; la gratitude est le
sentiment, le retour inspiré par un bienfait, pai
un service. La reconnaissance est dans la mé
moire, la gratitude dans le cœur. Le mot de gra
litvde, hasarde sur la fin du seizième siècle, a de
CRA
5^20
<a peine à se soutenir; c'est diinmage. Il me
semble, dit Montaigne, que nouf avons besoin de
mettre ce mot en crédit. Ce besoin n'jsl pas
moins urgent encore <iue du temps de Montai-
gne. Par une autre bizarrerie de notre langue, le
mot mécotinaissauce est tombé, et le mot ingra-
titude a pris sa place.
Gratte-cul. Subst. m. L'Académie écrit gratte-
culs au pluriel avec un s. Assurément, il ne s'a-
git point ifi de plusieurs ci/«, mais de plusieurs
roses di't'ouries auxq'uillos nn a dunné ce nom;
et la pluralité tombe sur roses déncuries, qui est
sous-entcndn. Il faut écrire des gratte-cul, ou
des gratte-cu.
Gratuit, Gratuite. Adj. Il no se met qu'après
son subst. : Don gratuit, supposition gratuite,
7néchanceté gratuite.
Gratuitement. Adv. Il peut ([uclquefois se
mettre entre l'auxiliaire et le parlitipc : f^ous
avez avancé cela gratuitement , ou vous avez
gratuitement avancé un mensonge.
Grave. Adj. des deux genres. Dans le sens phy-
sique, il ne se met qu'après son subst. : Un corps
grave. Dans le sens moral, on peut quelquefois
le faire précéder : Un homme grave, et non pas
un grave homme; un magistrat grave, ou vn
grave magistrat ; un auteur grave., ou km grave
auteur; vn air grave, et non ])as mi grave air;
Une affaire grave, vne maladie grave, un style
grave, un accent grave, vn son grave, un ton
grave.
Grave, au sens moral, dit Voltaire, lient tou-
jours du physique ; il exprime quchiuc chose de
poids; c'est pourquoi on dit un homme , un
auteur, des ma.vimes de poids, pour homme,
auteur, maximes graves. Le grave est au sé-
rieux ce que le plaisant est à \ enjoué ; il a un
degré de plus, et ce degré est considérable. On
peut être sérieux par humeur, et incme faute
d'idées. On est grave, ou par bienséance, ou par
l'importance des idées qui donnent de la gravité.
Il y a de la différence entre être grave et être un
homme grave. C'est un défaut d'être grave hors
de propos. Celui qui c^{ grave dans la société est
rarement recherché. Un homme grave est celui
qui s'est concilié de l'autorité plus par sa sagesse
que par son maintien. L'air décent est nécessaire
partout, mais l'air grave n'est convenable que
dans les fonctions d'un ministère important, dans
un conseil.
Un auteur grave est celui dont les opinions
sont suivies dans les matières conlentieuscs; on
ne le dit pas d'un auteur qui a écrit sur dos ma-
tières hors de doute. H serait ridicule d'appeler
Euclide, Archimède, des auteurs graves.
Il y a de la gravité dans le style. Titc-I.ive,
de Thou, ont écrit avec gravité. On ne peut pas
dire la même chose de Tacite, quia recherché la
précision, et qui laisse voir de la malignité; en-
core moins du cardinal de Retz, qui met quel-
quefois dans SOS écrits une gaieté déplacée, et (pii
s'écarte quelquefois des bienséances. — Le style
grave évite les saillies, les plaisanteries. S'il s'é-
lève quelquefois au sublime, si dans l'occasion
il est touchant, il rentre bientôt dans cette sa-
gesse, dans celle simplicité noble qui fait son ca-
ractère. Il a de la force, mais peu de hardiesse.
La plus grande difficulté est de n'être point mo-
notone. Affaire grave, cas grave, se dit plutôt
d'une cause criminelle que d'un procès civil
Maladie grave suppose du danger. [Dict. phi-
los.) Vovcz .accent
Gravelkux, Graveleuse. Adj. Il ne se met qu'a-
330
GRI
près son subst. : Urine graveleuse. — Conte gra-
veleux^, conversation graveleuse.
GnwEMENT. Adv. On pcul le mcUrc entre
l'auxiliaire cl le parlicipe: Il a parlé gravement,
il s'est oravement avance vers nous.
Graver. V. a. de la l'^' coaj. Selon l'Académie,
on dit figiirément graver quelque chose dans l'es-
prit, dans la mémoire, dans le cœur. Yollaire a
dil(/^f/.r., VII,109) :
Il (Dieu) grave en tous les cœurs la loi de la nature.
Graveur. Subst. ui. Eu i)arlant d'une femme,
on ne dit pas graveuse, mais (graveur, de même
cju'on dit une femme auteur.
Gravité. Subst. f. Voyez Grave.
Grec, Grecque. Adj. En prose, il ne se met
qu'après son subst. La Fontaine a fait précéder le
féminin : La grecque beauté.
Gredinerie. Subst. f. Misère, gucuscric, mes-
quinerie. On a reproché ce not à l'Académie,
comme un barbarisme.— Dans la dernière édition
de son Uiclionnaire elle remarque qu'il est fami-
lier et qu'il vieillit.
GRÉGoniEN, GRÉGORiENJiE. Adj qui ne se met
qu'après son subst. : Chant gréjr^iv., année gré-
gorienne.
Grêle. Adj. des d:a.x gsnrcs. T{ ne se met qu'a-
près son subst. : Tailla grêle, to7i grêle. — Intes-
tins grêles.
Grelotter. V. n. de la 1" con;. Voltaire l'a
employé dans sa 39'' épitre (v. 19) :
Vous allez donc aussi sous le ciel des frimas.
Porter en grelottant la lyre et le compas,
Et. sur des monts glacés traçint des parallèles,
Faire entenûïs âux Lapons vos chantons immortelles.
Grenu, Grenue. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Un épi grenu. — Bu maroquin grenu, de
l'huile grenue.
Grief, Grii^ive. On prononce le /*du masculin.
Adj. On peut le mettre avant son subst., en <on-
sultanl l'oreille et l'analoirie : Il est défendu sous
de grièves peines. Un péché grief, une faute
grieve; et non pas, un grief péché, ni une griève
faute. Voyez Adjectif.
GRiiiYEMEJiT. Adv. Il peut sc mettre cntrc
l'auxiliaire et le participe : // a été offensé griè-
vement, ou il a été gfièvement offensé. Il est
hlcssé grièvement, OU il est grièvement blessé.
On l'a insulté grièvement, ou o» l'a grièvement
insulté.
Gril. Subst. m. On ne prononce pas le l.
Grimace. Subst. f. Espèce do contorsion du vi-
sage ou de quebiu'une de ses parties, qu'on fait
par affectation, par habitude, ou naturellement,
pour exprimer quelque seniimeiit de l'àme.
Grincer. V. a. et n. de la l"' conj. : Grincer
les dents, grincer des dents. Delille l'a employé
en vers dans le style noble {Énéid., 111, UIO) :
Là, tout sanglant encor, hideux, grinçant let dent».
Grippe-sod. Subst. m Au pluriel, le mot grippe
ne prend point de 5, parce que c'ect un verbe; le
mot sou n'en prend point non plus. La pluralité
tombe sur les personnes qui sont désignées par
ce mot. Des grippe-sou, c'est-à-dire des gens
qui grippent sou à sou.
Gris, Grise. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Drap gris, étoffe grise, cheveux gris,
barbe grise.
Grisâtre. Adj. des deux genres. Il ne se met
GRO
qu'après son subst.: Couleur grisâtre, étoffe yrpk
sdtre.
Grison, Grisonne. Adj. Il ne sc met qu'après
son subst. : Poil grison, barbe grisonne.
Grogneur, GnoGNEust. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Humeur grogneuse. Cette grogncuse hu-
meur.
Grondant, Grondante. Adj. verbal lire du v
gronder.
Ces guerriers inlropides
Percent des flots grondants les niont.igncs liquides.
(CoBU., Yictoiru du roi sur les Etats <ie Hollande, 282.\
Cet adjectif ne se trouve point dans le Diction-
naire de V Académie . Il ne peut se mettre qu'a-
près son subst.
Gronder. V. a. et n. de la 1" conj. L'Acadé-
mie dit dans le sens neutre , gronder couire
quelqu'un. On dit aussi gronder de quelque
chose :
Eh! pourquoi donc jrondcr de tout ceci?
(Volt., Enf. prod., acl. IV, sc. iv, 47.)
Grosdeur, Grondeuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst. lorsque l'harmonie et l'analogie
le permettent : Humeur grondeuse, grondeus»
humeur.
Gros, Grosse. Adj. Terme de comparaison.
Son corrélatif est petit. Il parait, dans presque
tous les cas, s'étendre aux trois dimensions du
corps, la longueur, la largeur e! la profondeur,
et en marquer une (]uanlilé considérable dans le
corps appelé gros, par comparaison à des corps
de la même espèce.
J'ai i\\\. presque dans tous les cas, parce (ju'il
y en a où il ne désigne qu'une dimension. Ainsi
un gros homme est celui dont le corps a plus de
diamètre que l'homme n'en a communément, re-
lativement à la hauteur de cet homme. Aloi-s
petit n'est pas son corrélatif. Il se dit de la hau-
teur , et un petit homme est celui qui est au-des-
sous de la hauteur commune de l'homme. Quand
cet adj. est sans modification, il se met toujours
avant son subst. : Un gros homme, une grosse
femme, un gros arbre, une grosse tête, une
grosse jambe. — Un gros mur, un gros bourg,
une grosse armée. Quand il est modifié par quel-
que adverbe de quantité, il se met avant ou
après: Un fort gros homme, un homme fort
gros; une bien grosse femme, une femme bien
grosse. Avec les adverbes Icrinincs en ment, il sc
met toujours après : Un homme extrêmement
gros, une femme prodigieusement grosse. — Seul,
avant le mot femme, il n'a pas le même sens
qu'après ce mot. Une gnsse femme est une
femme qui a beaucoup d'embonpoint; une femme
grosse e.^t une femme enccinlc. Dans ce dernier
sens, il prend quelquefois un régime : Elle était
grosse de son aîné. — Un homme dit ligurémcnt
et familièrement, je suis gros de vous voir, je
suis gros de savoir cela. Mais, «luoi qu'en dise
Féraud, une femme ne dli'ait ni^e sins grosse de
vous voir, ni je suis grosse de savoir cela. — An-
ciennement, dit Féraud, on disait devant les
noms, gros de Son imagination, toujours
grosse de mMes idées, enfante continuellement
do nouvelles images. (Madame Dacier.) Féraud
ajoute que cette exiircssion ne plairait pas au-
jourd'hui. — Cependant on dit familièrement, et
même dans le style noble, avoir le cœur gros do
GUE
soupirs ;el proverbialement, que le temps pré-
sent est gros de l'avenir.
Le cœur gros de soupirs qu'il n'a point écoules,
(Ric, Phéd., act. III, se. m, 19.)
Delille a employé celte expression avec i)eau-
conp de hardiesse, en parlant du cheval de Troie
(^m;7rf., VI,G65):
Quand ce colosse allier, apportant le trépas,
Entrait groa de malheurs, d'armes et de soldais.
GnossFuu. Sulist. f. Ce mot a deux acceptions
assez difrOrcnles. On dit la grosseur et v ne gros-
seur. Pour le itrcmicr sens, voyez Gros. Dans le
second sens, c'est presque la même chose ([ue tu-
meur.
Grossier, Grossière. Adj. On peut le inetlre
avant son snbst., en consultant l'oreille et l'analo-
aie : Un ouvrage grossier, un grossier ouvrage ;
un travail grossier, un grossier travail; une ar-
chitecture grossière, xtne grossière architecture.
Un Iicmine grossier, une femme grossière. On
ne dit pas un, grossier homme. Voyez Adjectif.
Grossièrement. Adv. On peut le mettre cnlre
l'auxiliaiie cl le participe : Cela est travaillé
grossièrement, cela est grossièrement travaillé.
Grotesque. Adj. des deux genres. Au ligure,
on pctii le mettre avant son subst. lorsque l'a-
nalogie et l'harmonie le permettent : Des figures
grote.sqttes , des peintures grotesques. — Un
homme grotesque, une femme grotesque; une
imagination grotesque ; voilà tine grotesque ima-
gination, des idées grotesques, de grotesques
idées. On ne dirait pas un grotesque homme, une
grotesque femme, ^o'^ez Adjectif.
Grotesqdement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il est vêtu grotesque-
ment, oo il est grotesqitement rêtu.
Grouillant, Grouillante. Adj. verbal tiré du
v. grouiller. On mouille les l. 11 ne se met qu'a-
près son subst. On dit populairement: Il a six
enfants tout grouillants.
Grcger. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le second g doit toujours avoir la prononciation
duy,- et pour la lui conserver lorsqu'il est suivi
d'un a ou d'un o, on met un c muet avant cet a
ou cet 0. Je grugeais, je grugeai; et non pas je
grvgais, je grugai.
Gru.meleu.x, Grumeleuse. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Caillou grumeleux , bois
grumeleux, poires grumeleuses.
Gruyère. Subst. m. L'Académie dit que c'est
une sorte de IVomage qui tire son nom d'un lieu
do la Suisse où il se fait. Ce fromage r.e s'appelle
pas i)roprement rf(/ yr«î/ère, mais du fromage de
Gruyère ; ^c n'est (juc par ellipse qu'on dit quel-
quefois du gruyère.
GuÉABLE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son ?ubst. : Rivière guéable.
Guéder. y. a. de la 1'' conj. Soûler, faire
manger avec excès. Voltaire a écrit : Si je n'étais
pas guédé de vers, je crois que j'en ferais pour
M. de Laudon,qui vient de prendre Shweidnitz.
Il n'est guère usité.
* Gcenili.edx, Gdenilleuse. Adj. L'Académie
ne met point ce mot. Cependant il est utile. Di-
derot a dit en parlant d'une esquisse de Charles
Vaidoo qui rcpréscnle saint Grégoire vendant son
bien et le distribuant aux pauvres : C'est ici qu'il
faut voir comme nn peint la meyidicité, com-
ment on la rend intéressante sans la montrer
GUE
3SI
hideuse, jusqii'oit il est permis de la vêtir sans
la rendre opulente ni gucnilleuse.
Gdekon. Subst. f. L'Académie dit (|u'on le di
par injure d'une laide femme: C'est une guenon,
une franche guenn, une laide guenon — Si ce
mot signifie une laide femme, pourquoi dirait-
on une laideguennnf L'Académie ajoute qu'il se
dit aussi par injure d'une femme de mauvaise
vie, et ([u'il est familier dans ces deux accep-
tions. II est vrai qu'à la halle on emploie quel-
quefois ce mot dans ce dernier sens ; mais on ne
l'entend guère ailleurs, si ce n'est parmi la popu-
lace ; ce qui prouve qu'il n'est pas familier, mais
bas et grossier.
Guère 07/. Gui:RES. Adv. On n'écrit plus guères
(ju'en vers, lorsqu'il est favorable à la mesure
ou à la rime : H ne travaille guère, ce vin-là
n'est guère bon. Devant les substantifs, il régit
de : Il n'y a guère de bonne foi dans le monde ;
il n'a guère ^'argent. Cet adverbe est toujours
accompagné de la négation. Dans les temps com-
posés, ilse met toujours entre i'uuxiiiaire et le
participe : Il n'a guère viangé. Je n'ai gulre
dormi. Dans les temps simples, il se met après le
veibe : n ne mangea gtiére. Mais il précède tou-
jours l'infinitif : il ne veut guère manger. Les
adverbes de comparaison se mettent toujours
après guère : Guère plus, guère moins.
Ceux qui disent il no s'en faut de guère, pour
dire il ne s'en faut guère, s'expriment mal. On
dit : n ne s'en faut guère, il ne .'s'en est guère
fallu, lorsque ce mot est employé absulument;
mais c'est quand il a rapport à une quantité com-
parée avec une autre qu'on ajoute de. Si l'on
mesure deux choses, el que l'une ne soit pas
beaucoup plus grande que l'autre, on dit qu'elle
ne la passe de guère. Au mot beaucoup, l'Aca-
démie est d'avis qu'il faut supprimer le rfe quand il
s'agit simplement d'une différence sans compa-
raison : Le cadet n'est pas si sage que l'aîné, il
s'en faut beaucoup; et qu'il faut le mettre quand
il s'agit d'exprimer un manque de (luanlité :
f^ous croyez m'avoir tout rendu, il s'en faut de
beaucoup. Par une suite de ce principe, on doit
(lire il ne s'en faut guère qu'il ne soit aussi
avancé que son frère; et il ne s'en faut de
guère que ce vase ne soit plein.
Guérir. V. a. el n. On li'û se guérir, guérir
quelqu'un, et guérir d'une maladie. C'est un
terme relatif à l'état de santé et à l'élnt de ma-
ladie, qui marque le passage de celui-.-i au pre-
mier, soit par le secours de la médecine, soil
par Ic-s forces de la nature. Il se prend au propre
et au figure, et s'applique aussi comuuinément
aux maladies de l'esprit qu'à celles du corps.
Guerre. Subst f. Boileau avait dit (Satire viii,
129) :
L'ours fail-il dans le? bois la guerre avec les ours?
La Fontaine, Racine, et d'autres amis du poëte,
remarquèrent qu'on ne dit pas faire la guerre
avec, mais « quelqu'un. Boileau corrigea ce vers
de celte manière :
L'ours a-t-il dans les bois la guerre avec les ours?
Il est vrai que, dans ce sens, on ne dit pas
faire la guerre avec quelqu'un; mais il ne tant
pas en conclure, comme semble l'avoir fait Fé-
raud, que faire la guerre avec quelqu'un ne soit
pas une expression française. On dit qu'on a /ai<
la guerre avec quelqu'un pour dire qu'on a
332
H
servi avec lui en temps de guerre dans les armi'cs
du même souverain ou du même parti J'ai fait
avec lui la guerre d'Italie ; nous avons fait la
guerre ensemble.
Gi'KRitiKR, GuKRRiKRE. A(ij. On peut le mettre
avant sonsubsl., en consultant l'haiinonieel l'ana-
logie : Une nation guerrière, des erphiits guer-
riers ; un air guerrier, une viinc guerrière ; une
audace guerrière ; cette guerrière audace. A'oyez
Adjectif.
GcET. Subst. m. On dit fignrément d'un
homme qui est dans un lieu pour observer ce qui
s'y passe, il a l'œil et l'oreille au guet :
On avait mij des gens au guet,
(Lu Fo>T., llv. TV, ful.le x, lO.'i
On dit aussi les oies, les chiens, sont de Imii
guet. De bonne guette soraji une mauvaise lo-
cution. [Grammaire des Grammaires, p. dlGU. )
Gdeusant, Gdeusame. Adj. veri)al tiré du v.
gueuser. 11 est peu usité comme adjectif.
G DEUX, GcEDSE. Adj. L'Académie l'explique
par indigent, nécessiteux, qui est réduit à men-
dier. — Les indigents, les nécessiteux, les gens
réduits à mendier ne sont pas des gueux ; ce sont
des pauvres, des mendiants. Le mot de gueux
emporte avec lui une idée de mépris que l'on
n'attache pas ordinairement aux autres. Les gens
gueux, ou pour mieux dire les gueux, car ce
mot est dans l'origine un substantif que l'on em-
ploie adjectivement; les gueux sont des misé-
rables qui mendient par fainéantise ou par liber-
tinage, qui font métier de mendier, et qui ne
voudraient pas travailler si on leur offrait de
l'ouvrage. Il n'y a (pie la légèreté ou l'imperti-
nence qui traite de gueux les indigents et les
pauvres. On peut juger par-là combien est dé-
placé cet exemple du Dictionnaire de l'Acadé-
mie : Ces gens-là sont si gueux qu'ils n'ont point
de pain.
Voici ce que dit Ch.Nodieràcesujct : ^^ Gueux,
misérable, etc. Au sens propre, ces adjectifs se
disent d'un homme très-i»auvre ; au sens (iguré,
d'un scélérat. 11 parait que cette extension est
de la langue des riches, et non pas de celle de
rhumaniFé. Chez les anciens, res sacra erat
miser. Chez nous, pour manjucr qu'un homme
est à fuir, on dit que c'est un malheureux. »
{Examen criliq. des Dict.) L'auteur de cet ar-
ticle pensait donc, comme l.avcaux, ([ue le mot
gueux ne doit point conserver deux acceptions
aussi différentes; seulement c'est le sens de /la;/-
vre qui, selon lui, aurait du prévaloir. C'est le
seul que Béranger ait eu en vue dans sa jolie
chanson des Gueux.
Gui, Guichet, Gdichetier, Guide, Guider.
H
Dans ces mots, gui se i)ronoiTce en une seule syl-
labe, sans faire sentir l'u.
Guide-ane. Subst. m. Petit livre qui contient
l'ordre des fêtes cl celui des offices relatifs à
chaque fête. Dans ce substantif composé, ni le
mot guide, qui est un verbe, ni le mot âne, ne
doit prendre la manjue du pluriel; la pluralité
tombe sur livre, qui est sous-entendu, cl l'on
doit écrire des guide-âne.
GiiDON. Subst. m. Gui se prononce conuroe
une seule syllabe, sans faire sentir \'u.
Guigne, Guigner, Gligmer, Guignon. Dans
ces quatre mo'.s,5ri/t se prononce en une seule
syllabe, sans faire sentir Vu, et ou inouilley«
Guillage, Guillaume, Guiiledou. Dans ces
trois mots, gui se prononce en une seule sylhibe,
sans faire sentir \'}i, et on mouille les l.
Guillemet. Subst. m. C'est une espèce de ca-
ractère ligure ainsi i^, cl ([ui ressemble à deux
virgules assemblées. On le met au commence-
ment et à la lin d'une citation, et souvent même
au commencement de chacune des lignes qui la
composent. — Dans ce mot, et dans guillemelter,
on prononce guil en une seule syllabe, sans faire
sentir I'm, et l'on mouille les deux/.
Guilleret, Guillerette. .\dj. On prononce
guil en une seule syllabe, sans faire sentir I'm, et
on mouille les l. 11 ne se met qu'après son subst. :
Un air guilleret, un habit guilleret.
GUILLERI, GUILLOCHEH, GuiLI.OCHIS. DaUS CCS
mots, guil se prononce en une seule syllabe,
sans faire sentir Vu, et on mouille les l.
GuiM.\DVE. Subst. L Gt/i se prononce en une
seule syllabe, sans faire sentir Vu.
Guimbarde, Guimpe. Dans ces deux mots,
guim se prononce en une seule syllabe, sans faire
sentir I'm.
GuiNDAGE, GuiNDER. Daus CCS dcux mols, guin
se prononce en une seule syllabe, sans faire sen-
tir Vu.
Guinée. Subst. f. Gui se prononce en une
seule syllabe, sans faire sentir Vu.
Guingois, Guinguette. Dans ces deux mots,
guin se prononce en une seule syllabe, sans faire
sentir Vu.
Guirlande. Subst. f. G !«'»• se prononce en une
seule syllabe, sans faire sentir l'w.
Guise. Subst. f. Gui se prononce en une seule
syllabe, sans faire sentir Vu.
Il faut rcmaniuer (|ue, dans les noms propres,
on fait sentir Vu : Le duc do Guise.
Guitare. Subst. f. Gui se prononce en une
seule syllabe, sans faire sentir 1'»/.
Guttural, Gutturale. Adj. On prononce les
deux t.
H.
H Subst. m. On prononce he. Celle lettre est
souvent aspirée, lorsque dans la même syllabe
elle est seule avec une voyelle. Quand elle est
aspirée, elle donne au son de la voyelle suivante
une articulation gutturale, cl alors elle a les
mêmes effets que les autres consonnes. Si elle
commence le mot, elle empêche l'élision de la
voyelle finale du mot précédent, et rend muette
la consdimc liualo. Ainsi, au lieu de dire avec
clision funest'husard en quatre syllabes, comme
funest' ardeur, on dit funes-te'hasardy en cinq
syllabes. Une haine se prononce u-ne-hame ;
j'aurais honte, counnc j'aurc honte. — Si la lettre
/; est muette, elle n'indiciue aucune articulation
pour le son de la voyc^lle suivante, qui reste dans
l'état actuel de simple émission de la voix ; el,
dans ce cas, elle n'a pas plus d'influence sur la
l)rononciation que si elle n'était point écrite. Ce
n'est alors (ju'une lettre purement étymologique,
(jue l'on conserve comme une tiare du mol ra-
dical où elle se trouvait, i)lutôt que comme le
signe d'un élément réel du mol uù elle est em-
n
ployco ; et si clic commence le mol, la Icllre
hnale du mot précédent, soit voyelle, soit con-
sonne, est réputée immcdintcincnl suivie d'une
voyelle. Ainsi, au lieu de dire sansélision ti-tre-
hnnoi-aUe, comme on dit ti-tre- favorable, il faut
dire avec élision tilr' honorable, comme on dit
titr'onéreux.
Voici, pour ceux qui savent le latin, deux rè-
gles assez générales iiour distinguer le> mots où
il faut aspirer le /i. Dans ions les mots français
qui viennent de mots latins commençant par un
h, cette lettre ne s'aspire point. Tels sont homme,
qui vient de homo; honneur, qui vient de honor.
Excepté héros, hennir, harpie, hanter, où le îi
s'aspire, ciuoiiiu'ils viennent de mots latins qui
commencent par un /;. T.a seconde règle, c'est
que les mots français commençant par un h, qui
viennent de mots latins qui ne commencent p:is
par cette lettre, doivent s'aspirer; ainsi l'on dit
avec l'aspiration, la haine, la honte, dont les
mots latins correspondants, odium et pudor, ne
commencent pas par un h. 11 en faut excepter
heureux, huit, huile, hièble. Mais il est plus sûr
de connaître tous les mots de la langue où le h
est aspiré; et c'est ce que nous indiquons dans
la table qui est à la fin de cet article.
Les consonnes après lesquelles on emploie la
lettre h en français sont c, l, p, r, t. Après la
consonne c, la lettre h est purement auxiliaire,
lors<iue avec cette consonne elle devient le type de
l'articulation forte dont nous représentons la
faihle par j, et qu'elle n'indique aucune aspira-
tion dans le mot radical. Telle est la valeur de h
dans les mots purement français, ou qui vien-
nent du latin, comme chapeau, cheval, chose,
chute, etc. — Après c, la lettre h est purement
étymologique dans plusieurs mots qui viennent
du grec, ou de quelque langue orientale ancienne,
parce qu'elle ne sert alors qu'à indiquer que les
mots radicaux avaient un h aspiré, et que dans
le mot dérivé elle laisse au c la prononciation
naturelle du k. comme dans archétype, archié-
piscopal, archonte, archange, Cluilcedoine , Chal-
déen, chaos , chirographaire , chœur , choriste,
chorus, chorngraphie , chrétien, chromatique ,
chronique, chronologie, chrysalide, Melchisédech,
Bacchus, Achèlous, Chloris, Machiavel, Mel-
chior, Alichel-Ange, que l'on prononce comme
s'il y avait nrliétype, arkiépiscopal, arkonte, etc.
Plusieurs mots de cette classe, étant devenus plus
communs que les autres parmi le peuple, se sont
insensiblement éloignés de leur prononciation ori-
ginelle, pour prendre celle du ch français; et
l'on prononce aujourd'hui à la française Achéron,
H
533
archevêque, archidiacre, urchiprctre, architecte,
archiduc, Achille, chimie, chirurgien, chéru-
bin, etc. — Jouchiin se prononce avec le son
propre, et la dernière syllabe prend un son nasal
comme dans la première du mot injuste. — Dans
almanach \c ch n'a aucun son, et l'on prononce
almana. ^'oyez Ch.
Après la consonne l, le A ne se met que pour
faire mouiller le l, comme dans MUhau, ville.
P suivi de h, a pour nous le son propre de fv.
Phare, philtre, phosphore, philosophe, phrase,
physionomie, phalange , philanthnpe, sc pro-
noncent comme fare, filtre, filosofe, etc.
Ilh n'a jjoint d'autre articulation que celle du
r simple. likétcur, rhume, rliythme, se pronon-
cent conur. réteur, rume, rytme.
Les i.^.,ts v^Ji commencent par un h non as^
pire font sonner le i final du mot précédent, au-
quel ils doivent être unis : Un savant homme.
Cependant il y a des substantifs où il serait mal
de prononcer le t final, comme dans u/i^ru^ hor-
rible, un instinct heureux. La dureté qui ré-
sulterait de la prononciation du t fait assez sentir
la raison de cette exception.
Le h conserve l'aspiration dans les mots com-
posés de ceu.x où il est aspiré, tels que déharna-
cher, enharnucher, enhardi, aheurtemenl, etc.
Cette lettre fait alors l'effet du tréma, et sert à
annoncer que la voyelle qui la suit ne s'unit pas
en diphthongueà la voyelle qui la précède. On sn
cxcei^le exliausser, exhaussement, qui, quoique
formés de hausser et haussement, où /test asiiirè,
ne prennent point l'aspiration. Quelques gram-
mairiens pensent avec raison que 1 on devrait
aspirer le h dans ces deux mots, ne fut-ce que
pour distinguer exhausser, élever, d'exaucer,
accorder à quelqu'un ce qu'il demande. — Les
dérivés du mot héros, tels que héroïne, héroïsme,
héroïquement, héroïde, ne prennent point l'asjji-
ration. — Le h de Henri s'aspire dans le discours
soutenu, mais on ne l'aspire jamais dans la con-
versation. Le h du nom propre Henriette ne
s'aspire dans aucun cas. — On doit toujours as-
pirer le h dans Hollande, Hongrie, excepté dans
ces phrases qui ont passé du langage du peuple
dans le langage commun ; Toile d'Hollande,
fromage d'Hollande, du point d'Hongrie, eau de
la reine d'Hongrie; encore csl-il mieux d'y con-
server l'aspiration. "N'oyez Hollande, Hongrie.
— QueUiues granunairiens ne veulent pas qu'il
y ait d'aspiration dans huit, mais c'est stius fon-
dement, puisqu'on écrit et qu'on prononce sans
élision ni liaison, le huit, les huit volumes, le
huitième, ou la huitième, la huitaine.
LISTE DE TOUS LES MOTS OU LA LETTRE H EST ASPIRÉE.
Les mots de cette liste qui ne sont pas dans le Dictionnaire de l'Académie se trouvent dans notre
Nouveau Dictionnaire de la langue française. JN'ous avons placé ici certains mots dans les(piels
plusieurs grammairiens n'ont pas cru que le h fût aspiré, et nous en avons omis quelques autres où
ils pensent qu'il l'est. Nous avons exposé nos motifs dans l'article relatif à chacun de ces mots.
Ha! interjection.
Hâbler et ses dérivés.
Hache.
* Hachebaché
* Hachée.
Hache-paille
Hacher.
Hachereai' .
Hachette.
Hachis.
Hachoir.
* Haehotte.
Hachure.
Hagard.
Haha, ouverture.
Ha! ha!
Hahé, terme de chasse.
Haie.
'Rnïe,crides charretiers
Haillon.
■* Haim ou Hain.
Haine et ses dérivés.
Haire.
* Hake.
Halage.
* Halbourg.
Halbran.
Halbrcné.
Hàle et ses dérivés.
Haler.
Hâler.
Haletant.
Haleter.
Haleur.
*Halin.
Hallage, droit de halle
Halle.
Hallebarde.
Hallebardier.
Hallcbrcda.
554
H
* Haller.
Haliier.
Halo.
Haloir.
Halot.
Halotechnie.
* Ilalolrichum.
Halle
Hainac.
* Hamaux
* HainbourL'cois.
* Hanilyrc.
Hameau.
Hampe.
Han.
Hanap.
Hanche.
Hangar.
Hanneton.
Hauscrit.
Hanse.
Hanscatiiiue.
Hansièrc.
♦Hantai.
Hanter.
Hantise.
* Ha plaire.
Happe.
* Happechair.
Happelourde.
Happer.
* Haque.
Haquenée
Haquct.
Haquetier.
* Har.
*Harai.
Harangue et ses dérivés
Haras.
Harasser.
* Harassier.
Harceler,
Harde.
Harder.
Hardes.
Hardi et ses dérivés.
Harem.
Hareng el ses dérivés.
Harengaison,
Harengère.
Hargneux.
Haricot.
Haridelle.
* Harnachement.
Harnach'T.
* Harnacheur.
Harnais.
Harnois.
Haro.
Har[)aillcr.
Harpe.
Harjié.
* Harpeau.
Harper.
Harpie.
Haipin.
Harpiste.
Harpon.
Harponner.
Han.
Hasard et ses dérivés.
Hase.
*Hasséki.
H
Hasle.
Hâte.
* Hàtereau.
Hàicur.
Hàlicr.
* Hùiurc.
Haubans.
Haubergcon.
* Haiihercicr.
Haubert."
*Haulce.
Hausse p/ ses dérivés.
Haus^e-cl)l.
Haussement.
*Hausse-i)icd.
* Hausse-queue.
Hausser.
* Haussoire.
Haut et ses dérivés.
*Haul-à-bas.
*Haui-à-haut.
Hautbois.
* Haut-bord.
* Haui-de-casse.
Haui-de-chausse.
* Haut-dessus.
* Haute-bonté.
* Haute-bruyère.
Haute-contre.
* Haulce.
Hautessc.
* Haute-taille.
Haut-fond.
* Hautin.
Haut-le-corps.
Hauturier.
* Hauyne.
* Havarnaal.
Hâve.
* Haveau.
* Haveléc.
* Haveneaa.
* Havenet.
*Haveron.
* Havet.
Havir.
Havre.
Havre-sac
* Hayon.
Hé!
Heaume.
* Heaumier.
* HècLe.
Hciduque.
Hein.
Héler.
Hem!
*HeMUC.
*Heiuier.
HeiMiir.
Hennissement.
*Hennuyer.
* Henri.
* Henriade.
Héram.
Hère.
* Hérissée.
Hérisser.
Hérisson.
Hérissonné.
Herniaire.
Hernie.
* Hcrnieux.
H
Hernutes.
Héron.
Héronneau.
* Héronner.
Héronnier.
Héronnière.
Héros.
* Herpailles.
Herpès.
* Herque.
Hersage.
Herse et ses dérivés.
Hêtre.
Heurt.
* Heurte.
* Heurlequin.
Heurter.
Heurtoir.
Hibou.
Hic.
Hideusement.
Hideux.
Hie et ses dérivés.
Hiérarchie.
Hiérarchique.
Hiérarchiquement.
* Hiérarques.
* Hiérobotane .
Hile.
* Hille.
* Hilon.
Hisser.
Hobereau.
Hoc.
Hoca.
Hoche.
Hochement et ses déri-
vés.
Hochcpied.
Hochepot.
Hochequeue.
Hocher.
Hochet.
Holà!
* Hôlement.
* Hôlcr.
* Hollandais.
* Hollandaise.
HoUander.
Homard.
Hongre.
Hongrcr.
* Hongrie.
* Hongrois.
* Hongroise.
Hongroyeur ou Hon-
grieur.
Honnir.
Honte et ses dérivés.
Ho(iuel.
Hoqueloii.
* Hoquette.
Horde.
Horion.
♦Hornblend.
* Hornslein.
Hors.
Hotte.
Hollée.
♦Hoitenlot.
Hotleur.
Houblon.
Houblunner.
H
Houblonniéiie.
Houe.
Houcr.
* Houctlo.
* Houffuincs.
Houille.
Houill^r.
Houillèri'.
Houilleur.
Houillcux.
* Houillite.
Huulan.
Houle.
Iloulelte.
Houleux.
Houpper.
Houppe.
* Hiiuppée.
Houppelande
Houpper.
*Houppier.
* Houque.
Hourailler.
Houraillis.
Huurdagc.
Hourder.
Hourdis.
Hourct.
Hou ri.
Hourvari.
Housard, Houssard om
Hussard
* Housarder.
Houscaux.
Houspiller.
Houssage.
Houssdie.
Housse et ses dérimii.
Houssine.
Houssiner.
Houssoir.
Housson.
*Hout.
Houx.
* Houzures.
Hoyau.
* Hoyé.
Huard.
* Huau.
Huche
Huclicr.
Huchcl.
H uc, en des charreiierê
Huée.
Huer.
Huguenot.
Hugucnolc.
Huit cl ses dérivés.
Hulotte.
ITiMiicr.
Hune.
Hunier.
Huppe.
Huppé.
* Hurasse.
Hure.
Hurhaul.
*Huri.
Hurlement.
Hurler.
* Hurleur.
Hutte.
Huiler.
HAB
Ha. Interjection. Elle exprime la surprise et
l etoiincinciit : Ha! lia! l'homme savant, on vous
y prend aussi! Ha, vous voilà ! Voyez Ah !
Habilk. Atlj. des deux genres. L'Acndémie
l'expliiiuc par capable, intelligent, «idroil, savant.
En général, ce mot signiiie plus que capable, plus
nue instruit, plus que savant, soit qu'on parle d'un
général, ou d'un Siivant, ou d'un juge. Un homme
jieut avoir lu luut ce qu'on a écrit sur la guerre,
et même l'avoir vue, sans être habile à la l'aire ; il
peut être capable de commander ; mais pour acqué-
rir le nom A'haHle général, il faut qu'il ait com-
mandé plus d'une fois avec succès, l'n juge peut
savoir toutes les lois sans être hahile. à les appli-
ijuer. Le savant peut n'être //o6/;<? ni à écrire, ni
i\ enseigner. L'habile homme est donc celui qui
lait un grand usage de ce qu'il sait. Le capable
peut, et l'habile exécute. Ce mot ne convient
point aux arts de pur génie. On ne dit pas un
habile poêle, un habile orateur, et si on le dit
quelquefois d'un orateur, c'est lorsqu'il s'est tiré
avec habileté, avec dextérité, d'un sujet épineux.
Par exemple, Bossuet ayant à traiter, dans l'Orai-
son funèbre du grand Condé , l'article de ses
guerres civiles, dit qu'il y a une pénitence aussi
glorieuse que l'innocence même. Il est habile
dans la manière dont il manie ce morceau , et
dans le reste, il parle avec grandeur. — On dit
habile historien , c'est-à-dire historien qui a
pursédans de bonnes sources, qui a comparé les
relations, <iui en juge sainement, en un mot qui
s'est donné beaucoup de peine. S'il a encore le
don de narrer avec l'éloquence convenable, il est
plus qu'habile, il est grand historien, comme
Tile-Live, de Thoii, etc. — Le mot à'hahile con-
vient aux arts qui tiennent à la fois de l'esprit et
de la main, comme la peinture, la sculpture.
On dit 7/w hahile peintre, vn habile sculpteur,
parce que les arts supposent un long a[)prentis-
sage, au iieu qu'on est poëte presque tout d'un
coup, et qu'on est môme orateur sans avoir beau-
coup étudié. — Pourquoi dit-on pourtant habile
prédicateur"^ c'est qu'alors on fait plus d'atten-
tion à l'art qu'à l'éloquence ; et ce n'est pas un
grand (loge. On ne dit pas de Bossuet c'est vn
habile faiseur d'oraisojis funèbres. Un simple
joueur d'instruments est habile; un compositeur
est plus qnliabile, il lui faut du génie. Le met-
teur en œuvre travaille adroitement ce que
l'homme de goût a dessiné habilement.
Dans le style comique, habile peut signifier
diligent, empressé. Molière fait dire à M. Loyal
{Tartufe, act. V,sc. iv, 73) :
Il TOUS faut être habile
A tiderde céans jnsqu'au moindre ustensile.
Un habile homme dans les affaires est instruit,
prudent et actif. Si l'un de ces trois mérites lui
manque, il n'est point habile.
Habile couriisan emporte un peu plus de
blâme cpie de louange ; il veut dire trop souvent
habile flatteur; fl peut aussi ne signifier qu'un
homme adroit qui n'est ni bas ni méchant. Le
renard ipii, interrogé par le lion, sur l'odeur qui
■s'exhale de son palais, lui répond qu'il est en-
"^humc, est vn courtisan habile. Le renard qui,
pour se venger de la calomnie du loup, conseille
au vieux lion la peau d'un loup fraîchement écor-
ché, pour réchauffer sa majesté, est plus qw'ha-
bile courtisan. C'est en conséquence qu'on dit
un hahile fripon, un habile scélérat.
Habile, en jurisprudence, signifie reconnu ca-
HAB
335
pable par la loi; et alors capable veut dire ayant
droit, ou pouvant avoir droit. On est hahùs à
succéder. (Volt., Dict. philos.)
Ce mot régit les prépositions à, dans et en, et
la première n'est pas bornée à la jurisprudence.
On dit habile dans vn art, habile et manier le
ciseau, habile en mathématiques. "N'oltaire a dit
i\iinsBrutus (act. II, sc.iv, 22) :
Plus je dois espérer
Qu'habile à le conduire, et non à régarer...
On dit aussi il est habile h profiter de tous ses
avantages.
Habile, quand il est sans modification, se place
Souvent avant son subst. : Un habile homme, une
habile femme, vn habile peintre, un hahile mu-
sicien. Quand il est modifié par des adverbes de
quantité, il peut se placer avant ou après : Un
fort Itabile homme, un homme fort habile. Avec
d'autres adverbes, il se met toujours après : Un
homme extrêmement habile.
Habilement. Adv. Il se dit dans les mômes ac-
ceptions qu'habileté : Il travaille, il joue, il en-
seigne habilement. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a habilement sur-
monté rette difficulté. Il s'est tiré habilement
d'affaire, ou Ù s'est habilemeiit tiré d'affaire.
Habileté. Subst. f. Ce mot est à capacité ce
qu'habile est à capable : Habileté datis U7ie
science, dans vn art, dans la conduite. On ex-
prime une qualité acquise en disant il a de l'ha-
bileté; ou on exprime une action en disant il a
conduit cette affaire avec habileté.
Habiller. V. a. de la \" conj. Selon l'Aca-
démie, on dit habiller un co7ite, pour dire cou-
vrir, parla manière de conter, ce qu'il peut y avoir
d'indécent dans le fond. — Dans cette acception,
le verbe liabiller a une signification beaucoup
plus étendue. J.-J. Rousseau a dit habiller ga-
lamment la raison, et Boileau (sat. VII, 61) :
Souvent j'?ia6t7ie en vers une maligne prose.
Habit. Subst. m. Ce mot est banni du style no-
ble, et l'on ne dirait pas aujourd'hui comme du
temps de Racine :
Quelles traces de sang vois-je sur tos habits ?
(Frères ennemis, act. I, se. m, 5.)
HABrrABLE. Adj. des deux genres. Il ne se met
au'après son subst. : Un bâtiment habitable, VM
logement habitable.
Habitant, Habitante. Adj. verbal tiré du v.
habiter. L'Académie ne le donne en ce sens que
pour un terme de pratique. Voltaire l'a employé
autrement dans le i)oëme sur la Loi naturelle
(l"' partie, 27) :
Dans lesplisdu cerveau la mémoire haliitante
Y peint de la nature une image vivante.
Habitude. Subst. f. L'Académie dit : habitude
au bien, habitude au mal; mais elle ne dit pas
(lue ce mot régit aussi la préposition à et la pré-
position de devant un verbe a l'inlinitif .; ///;«6(-
ivde à vivre de peu est le plus précieux hé-
ritage. (Marmontel.) J'ai déjà vieilli dans l ha-
bitude de ne dire jamais mon secret, et encore
plus de ne trahir jamais, sous aucun prétexte,
le .secret d' autrui. (Fénel., Télém., Ww. III, t. i,
p. 'J2!.)
Il est aisé de saisir la différence de sens qui
I exige l'une ou l'autre de ces prépositions. L'*a-
356
UÂL
bitude à a rapport à des actes successifs doni la
répétition foriilie île plus eu plus l'iiabituds.
L'hahitadc à rirre de peu est furuiée il'acles suc-
cessifs (pii se iépi.-leiil forinellemciit. Uhulilrde
de se dit d'une habitude formée, sans rapi)ort aux
actes subséciucnls qui la fortilicnt : L'hubitude
de se taire. C'est dans ce sens (ju'on dit c'est une
habitude de vingt uns.
Habitude se dit d'une sorte de timidité natu-
relle qui donne de l'aversion ponr les objets nou-
veaux. C'est dans ce sens ([u'on dit c'est un
homme d'habitude ; je suis femme d'habitude, j"
n aime point les visages nouveaux.
llABncKL. HABiTtKLLE. Adj. Il HC sc met qu'a-
près S'in subst. : Mal habituel , livre habituel,
péché habituel; — grâce habituelle.
HABiTLELLEJiEvr. Adv. Il SC mct après le
verbe : Il s'enivre habituellement, mentir habi-
tuellement.
Habitue;;. \ . a. de la \." conj. Il régit à de-
vant les noms et les verbes : Habituer ses en-
fants à la paresse; les habituer à supporter le
froid et le chaud.
L'esprit à la Irouvcr aisément s'habitue.
(BoiL., A. P., l, 32.)
Hagard, Hagarde. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : L'œil kayard, les yeux hagards,
l'air hagard.
Hagiographe. Adj. Il est aussi subst. On donne
ce nom aux auteurs de certains livres de l'Ecri-
ture, et à ceux qui ont écrit sur la vie et les ac-
tions des saints.
Haillon. Subst. m. Ce terme est proscrit du
style noble.
Haine. Subst. f. Haine n'a point de pluriel
■juand il signifie la passion en général ; il en a un
quand il signifie les sentiments de haine qui ont
quelque objet particulier en vue; et ce pluriel
s'emploie non-seulement en vers et dans le style
élevé, mais aussi dans le style simple. Voltaire
a dit en prose simple : Les liaines particulières
cédaient à la haine générale ; j'aigrissais mon
cœur, j'y nourrissais avec plaisir les défiances
et les haines; et Barthélémy : Comment se ga-
rantir aujourd'hui de ces cruautés réfléchies,
de ces haines froides et assez patientes pour
attendre le moment de la vengeance?
Haineux, Haineuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Uu homme haineux, une femme hai-
neuse. Un caractère haineux. Ce haineux ca-
ractère fera votre malheur. Voy. Ad/ectif.
Haïk. V. a. de la 2' conj. 11 est irrcgulier aux
trois premières personnes du présent de l'indica-
tif, qu'on écrit/e hais, tu hais, il hait, et à la
seconde personne de l'imiiératif, hais. L'a et l'i
ne font qu'une seule syllabe, qui se prononce
comme un è ouvert. Partout ailleurs «.es deux
lettres forment deux syllabes, et l'on met deux
points sur l'i, nous haïssons, nous haïrons:
Hais le roi qui le hait veut que je le ha>$$f.
[Iphig., acl. Y, sc. i, 17.)
Haïssable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme haïssable, une
femme haïssable.
Halage. Subst. f. L'Académie dit que le h
s'aspire; Féraud dit qu'il est muet. Si ce mot
vient du lalin halitare, Féraud prononce d'après
la règle géni raie, qui dit que dans les mots fran-
çais qui vieimcnl des mots latins commençant
HAP
par un h, celle lettre ne s'aspire point. INIais l'u-
s;ige en a aulremenl ordonne, cl il est certain
que le h est aspiré dans <e mol. iVous pensons
donc (|u'il faul ici suivre l'Académie. On dit
chemin de halage. el non pas chemin d'halage.
Il nous remble qu'on dc'vrail écrire hallage el
haller; ces mots sont liés-anciens, el on les a
toujours écrits ainsi. D'ailleurs le double l indi-
que que la syllabe est brève, el distingue ces
mois de hâle et hâler, dont la |tiemiére est longue.
Haleine. Subst. f. On ne dit, ni au propre ni
au figuré, une haleine de vent. Le mol haleine, au
singulier et au pluriel, ne scdil des vents (lue lors-
que ceux-ci soi't personniiii's; alors c'est une ex-
pression prise par analogie de l'haleine de l'homme.
Fénelon a dit : Les lents retenaient leurs ha
leines [Télém., liv. Il, t. I, dUl.) Barthélémy :
Déjà les vents retiennent leur haleine, tout
est calme dans la nature. Boileau {Lutrin, II,
129) :
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faiiail taire des vtnls les bruyantes haleines.
Et Lefranc de Pompignan [Poésies sacrées, liv. I,
ode XII, 59) :
(Le Seigneur)
Empoisonne des cents les brûlantes haleines,
]\Iais on s'exprimerait bien ridiculement si l'on
disait : Je sens U7ie haleine de vent qui entre
par cette fenêtre.
Halener. y. a. de la l"' conj. L'Académie dit
que le h s'aspire dans ce mot; Féraud dit qu'il
est muet. Ici nous C4oyons que Féraud a raison,
parce que ce mot est un composé d'haleine, où
le /( n'est point aspiré.
Halek. V. a. de la i" conj. L'Académie dit
que le h est aspiré, et Féraud le dit aussi, quoi-
qu'il ait dit qu'au mot halage celle lettre est
muette. Elle est aspirée comme dans Jialage.
Voyez ce mot.
Haletant, Haletante. Adj. verbal lire du
verbe haleter. Il ne se met qu'après son subst. :
Un homme haletant, une femme haletante.
Hallebreda. Subst. f. Mot barbare qui, selon
l'Académie, est un terme de mépris qui se dit
d'une grande femme mal bâtie, et quelquefois
d'un homme qui a le même dcfaul. Elle ajoute
qu'il esi populaire, et que le h s'aspire.
Hameau. Subst. m. On entend par ce mol
un assemblage de quelques maisons qui ne for-
ment point une commune, mais qui font partie
d'une autre commune, quoi(ju'elles en soient sé-
l)arces.
Hanse. Subst. L Vieux mot qui signifiait so-
ciété, compagnie de marchands, et dont on se
sert encore pour désigner une société de celte
espèce, formée enlre plusieurs villes du nord de
l'Allemagne.
Hanséatique. Adj. Qui a rapport à la hanse.
L'Académie ne dit point si le /tesl aspiré dans ce
mot ; mais il doit l'être comme dans le mol hanse,
d'où il est lire.
Hanter. V. a. de la 1" conj. Y ov. Fréquenter.
Hantise. Subst. f. L'Académie ait que ce mot
e>l du style familier; elle aurait du dire qu'il est
bas et populaire.
Hai'pelourde. Subst. f. H se dit proprement
d'une pierre fausse (lui a l'éclat et l'apparence
d'une vraie pierre précieuse. L'Académie ajoute
qu'il se dit figurément des personnes qui ont une
belle apparence, uu bel o-xlérieur, cl qui n'ont
IIAR
point d'esprit. Je doute que l'on dise souvent
cet honime-lù est une rraie luippeloiirde, une
belle Iwppeluurde . Ce mot, dans ce sens, est
vieux.
Happer. V. a. de la 4" conj. L'Académie dit
que d;uis le style familier ce mut signilic (iguré-
ment alliapcr, saisir, surprendre à l'improviste:
Tl s'est laissi' happer par les huissiers, les gen-
darmes l'ont happé. — Cette façon de parler n'est
que du langage populaire.
HAQUE^ÉE. Siibst. f. L'Académie définit ce mol,
cheval ou cavale de médiocre taille, facile au
montoir, et qui va oïdinairement l'amMe. l.a ha-
qucnée est une jument de prix et de parade que
montaient autrefois les dames. La haquence,
d'après sa destination, devait être facile au mon-
toir, comme tous les chevaux bien dresses; et elle
ne devait a\ oir d'autre allure que le pas et l'am-
ble; mais la taille n'y faisait rien; et comme la
haquenée était faite pour la parade, il y a appa-
rence qu'elle devait être de belle taille loisque
la dame qui la montait était jeune et ingambe.
Harangue. Subst. f. Discours qu'un oiateur
prononce en public, ou qu'un écrivain, tel (ju'un
historien ou un poëte, met dans la bouche de
ses personnages. — Ce mot se prend quchpiefois
dans un mauvais sens pour un discours diffus
ou trop pompeux, et qui n'est qu'une pure dé-
clamation. En ce sens, un harangueur est un
orateur ennuyeux.
Harceler. \. a. de la 1" conj. Dans les temps
de ce verbe, Ve de ce est ouvert lorsque la syl-
labe suivante Unit par le son d'un e muet : Je
harcèle, je harcèlerai, il harcèlera, il harcèle-
rait; il est muet lorsque cette syllabe finit par
tout autre son : Je harcelais, j'ai harcelé, ils
harcelèrent .
Hardi, Hardie. Adj. On peut le mettre avant
son subst. en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme hardi, une femme hardie, un mot
hardi, une mine hardie. Un hardi volexir, un
hardi coquin, un hardi iiientexir. Un hardi sol-
dat, un hardi capitaine. Il régit à devant un in-
finitif : Hardi à décider. Voyez Hardiesse.
Hardiesse. Subst. f. 11 régit tantôt à, tantôt de :
On ne peut snuff'rir sa hardiesse a décider de
tout. Il a la hardiesse de dire, de faire. La dif-
férence de la téjnérité el de la hardiesse consiste
dans le rapport qu'il y a entre la difficulté de la
chose et les ressources de celui qui la tente. D'où
il suit que tel homme ne se montre que hardi
dans une conjoncture où un autre mériterait le
nom de téméraire. Voyez audace.
Hardiment. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Jl a décidé hardiment la
question, ou il a liurdiinent décidé lu question.
*Hargnerie. Subst. f. Mol inusité que J.-J.
Rousseau a employé : Le véritable respect qu'on
doit au public est de lui épargner, non de tristes
vérités qui peuvent lui être utiles, mais bien
toutes les petites hargncries d'auteurs dont on
remplit les écrits pi Icmiques.
Hargneux, Hahcneuse. Adj. Le h s'aspire, et le
gn se mouille. 11 ne se met qu'après son subst. :
Un homme hargneux , une femme hargneuse. Un
chien hargneux, humeur hargneuse.
Harmome. Subst. m. Ce que nous appelons
harmonie dans le discours devrait s'appeler plus
proprement mélodie; car mélodie, en notre lan-
gue, est une suite de sons (jui se succèdent agréa-
blement, et harmonie est le plaisir qui résulte du
mélange de plusieurs sons qu'on entend à la fois.
Les anciens, qui selon les apparences ne connais-
HAR
357
salent point la musiipie a plusieurs parties, du
moins au même degré <iue nous, ajipelaient har-
monie ce que nous a|)p(!lons mélodie. En trans-
portant ce mot au style, nous avons conservé l'i-
dée qu'ils y allachaienl; et en le transportant à
la musique, nous lui eu avons doimé une autre.
Le but de l'harmonie, dans le discours, est de
charmer l'oreille. Or, doux choses charment l'o-
reille : le son et le nombre. Le son consiste dans
la qualité des mots, et le nombre dans leur ar-
rangement. Ainsi l'harmonie du disrouis oratoire
consiste, en général, à n'employer que des mots
d'un son agréable et doux ; à éviter le concours
des syllabes rudes, et celui des voyelles, sans af-
fectation néanmoins; à ne pas mettre entre les
membres des phrases trop d'inégalité; surtout à
ne pas faire les derniers membres trop courls,par
raf)port aux premiers; à éviter égaleuient des pé-
riodes trop longues et des phrases trop courtes,
le style qui fait jierdre haleine, celui qui force à
chaque instant à la reprendre, et qui ressemide à
une sorte de maniuetcrie ; à savoir entremêler
les périodes soutenues et arrondies avec d'autres
qui le sont moins, el qui servent comme de repos
à l'oreille. Voyez Propriété.
Les principes de l'harmonie, qui consiste dans
l'arrangement des mots, sont aussi dans la nature.
Chaque pensée a son étendue, chaiiue image son
caractère, chaque mouvement de l'àme son de-
gré de force et de rapidité. Tantôt la pensée est
comme un arbre touffu dont les branches s'entre-
lacent, elle demande le développement de la pé-
riode. Tantôt les traits de lumière djnt l'esfyrit
est frapjté sont comme autant d'éclairs qui se
succèdent rapidement; l'incise en est l'image na-
turelle. Le style coupé convient encore mieux
aux mouvements impétueux de l'âme ; c'est le
langage du pathétique véhément et passionné, et,
quoique le style périodique ait plus d'impulsion,
à raison de sa masse, le style coupé ne laisse pas
d'avoir quelquefois autant et plus de vitesse :
cela dépend des nombres (ju'on y emploie.
Il est vrai que la génc de notre syntaxe est ef-
frayante pour qui ne connaît pas encore les sou-
plesses et les ressources de la langue. L'inversion,
qui donnait aux anciens l'heureuse liberté de pla-
cer les mots dans l'ordre le plus harmonieux,
nous est presque absolument interdite ; mais cette
difficulté même n'a pasrebulc les écrivains doués
d'une oreille sensible, et ils ont su trouver au be-
soin des nombres analogues au sentiment, à la
pensée, aux mouvements de l'àme qu'ds vou-
laient exprimer.
Il serait peut-être impossible de rendre l'har-
monie continue dans notre prose, et les bons
écrivains ne se sont attachés à peindre la pensée
([ue dans les mots dont l'esprit et l'oreille de-
vaient être vivement frappes. C'est aussi à quoi
se bornait l'ambition des anciens, et l'on va voir
quel effet produisent dans le style oratoire et
poéli(iuedes nondjres placés à propos.
Fléchier, dans Voraisnn funèbre de M. de
Turenne (p. 9'i), termine ainsi la première \)é-
riode : « Pour louer la vie, et pour déplorer la
mort dû sCtge et vùiilûnt Mt'ichubf-I'' ; » s il eut dit
du vaillant et sage Machubee ; s'il eût dit pour
louer la vie du sage et vaillant Machabee, et
pour déplorer sa mort, la période n'avait plus
cette majesté sombre cjui en fait le caractère.
« Cet hinnvie, ajoute l'orateur, cet homme, que
Dieu avait mis autour d' Israël comuie un mur
d'airain oii se Irisèrent tant de fois toutes les
forces de l'Asie... venait tous les ans, comme hf
92
368
HAR
vioindres Israélites , réparer avec ses mains
triomphantes les ruines du sanctuaire, n H est
aisé de voir avec quel soin l'analogie des iioin-
bros, relaliveiiienl aux iinaL;cs, cslo'ltscivéc dans
tons les repos, el (juals noniLtrcs niajcsuieux il a
choisis pour Taire ressonir ses idées. Si vous vou-
lez en mieux sentir l'elfet, substituez ù ces mots
des synonymes qui n'aient pas les mêmes quan-
tités; sup|xjse/. cictonU'uses à la place de triom-
phantes,temple au lii.'U de àunctuuire. « Il venuil
tous les ans, comme les iiuiadrcs Israélites ,
réparer arec ses maifis victorieuses les ruines
du temple ;i^ vous ne trouvez plus cette bar-
monie qui vous a frapini. «Ce vaillant hom/ne,
repolissant enfin avec un covrage invincible les
ennemis /ju'il avait réduits d une fuite hon-
teuse, reçut le coup mvrtcl, et demeura comme
enseveli dans son triomphe. « (}ue ce soit |)ar
sentiment ou par choix que l'orateur a peint cette
mort imprévue par deux ïambes el un spoixlée,
reçût le coup môrlêl, el qu'il a opposé la rapidité
de celle chute, comme ensevelie, à la lenteur de
celle image, dans son triomphe, où deux nasales
sourdes relenlissent lugubrement , il n'est pas
possible d'y méconnaître l'analogie des nombres
avec les idées.
Elle n'est pas moins sensible dans la peinture
suivante: «^Jw premier bruit de ce funeste ac-
cident,toutes les villes de Judée furent émues,
des riiisscaxix de larmes coulèrent de tous les
yeux des habitants; ils furent quelque temps
saisis, muets, immobiles: un effort de douleur
rompant enfin ce long et morne silence, d'une
voix entrecoupée de sanglots que formaient dans
leurs cœurs Iti tristesse, la pitié, la crainte, ils
s'écrièrent : Comment est mort cet homme puis-
sant qui sauvait le peuple d'Israël? A ces cris,
Jérusalem redoubla ses pleurs, les voûtes du
temple s'ébranlèrent, le Jourdain se troubla, et
tousses rivages retentirent du son de ces higa-
hres paroles : Comment est iiiorl cet homme puis-
sant? etc.» Avec quel soin l'orateur 0 coupé,
comme par des soupirs, ces mots, saisis, muets,
immobiles! connnc les deux dactyles renversés
expriment bien l'impétuosité de la douleur, et les
deux spondées (jui les suivent, l'effort (ju'elle fait
pour éclater 1 connue la lenteur et la résonnance
des sons rendent bien l'image de ce long et mnrne
silence! comme les pleurs de Jérusalem sont
vivement peintes par ces mots: Jérusalem re-
dotilla ses pleurs! comme le mol s'ibri'inh~r(nt
est analogue;! l'action qu'il exprime ! combien plus
frappante encore est l'harmonie imitative dans ces
mots ; « Le Jourdain se troubla , et tous ses 7-i-
vages retentirent du son de ces lugubres pa-
rties ! n
Bossuet n'a pas donné une altenlion aussi
sérieuse au choix desnondires. Son harmonie est
plutôt dans la coupe des |)ériodes brisées ou sus-
pendues à prof>os, (]ue dans la lenteur ou la ra-
pidité des syllabes. Mais ce qu'il n'a presque
jamais négligé dans les peintures majestueuses,
c'est de donner des appuis à la voix sur des syl-
labes sonores et sur des nombres imposants.
« Celui qui règne dans l-es deux, de qui re-
lèvent tous les empires, à qui seulement appar-
tient la gloire, la majesté, l'indépendance, etc.»
(Oraison fun. delà reine d'Angleterre, p. 3.)
Qu'il eut placé l'indépendance avant la gloire el
la majesté, (jue devenait l'harmonie'? (( Il leur
apprend, dil-il, en parlant des rois, il leur ap-
prend leurs devoirs d'une manière souveraiiie et
digne de lui. » Qu'il eùl dit seulement d'une
HAR
manière digne de lui, ou d'une manière ahsclua
et digne de lui, l'expression perdait sa gravité;
c'csl le son dé|)loyé sur la pémjltième de" towpc-
rûinc qui en fait la p()ni|ie.
» Si elle eut de la joie de régner siir xme
grande nation, dil-il de la reine d'.AngleteiTC,
c'est parce qu'elle pouvait contenter le désir im-
mense qui sans cesse la sollicitait d faire du
bien.» (Idem, p. S.) Retranchez 1 épitl)éte îw-
mense, substitue/-y celle d'extrême, ou '.elle
autre qui n'aura pas celte nasale volumineuse,
l'expression ne peindra plus rien.
K.xaniinons du même orateur le tableau qui ter-
mine Y oraison funèbre du grand Condé. (p. 334)
« Nobles rejetons de tant de rois, lumières de la
France, mais auji urd'hui (bscurcies et cou-
vertes de votre douleur comme d'un nuage, venez
voir le peu qui vous reste d'une si auguste nais-
sance, de tant de grandeur, de tant de gloire.
Jetez les yeux de toutes parts ; voilà tout ce qu'a
pu faire la magnificence et la pitié pour honorer
un héros. Des titres, des in.icriptions, vaines
marques de ce qui n'est plus, des figures qui
semblent pleurer autour d'un tombeau, et de
fragiles images d'une douleur que le teuips em-
porte arec tout le reste ; des don nés qui sem-
blent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique
témoignage de votre néant, n (Jucl exemple du
style harmonieux! Obscurcies et (ouvertes de
votre douleur, n'aurait peint qu'à l'imagination
comme d'un nuage, rend le tableau sen.->iblc
l'oi-cille. Bossuet pouvait dire: Les dé-phrubles
restes d'une si auguste nais.tance ; mais pour
exprimer son idi-e, il ne lui fallait pas de si grands
sons; il a préféré le peu qui reste, et a léservé
la pompe de l'harmonie pour la naissance, la
grandeur cl la gloire, qu'il a fait contraster avec
ces faibles sons. La même opposition se fait sentir
dans ces mots, vaines marques de ce qui n'est
plus. Quoi de plus exiiressif a l'oreille (lue ces
figures qui semblent pleurer autour d'un tômr-
beûu ! C'est la lenteur d'une pompe funèbre. Et,
qu'on ne dise pas que le hasard produit ces effets;
on découvre partout, dans les bons écrivains,
les Isaces du sentiment ou de la reflexion : ce
n'est point l'art, c'est le génie; car le génie est
l'mstincl des grands hommes. Il suffit de lire ces
paroles de Flécliier dans la péroraison de l'O-
raison fu?tèbre de Turenne (p. 136.) «Ce grand
homme, étendu sur ses propres trophées, ce corps
pâle et sanglant, auprès duquel fume encore lu
foudre qui l'a frappé.» H suflit de les lire à
haute voix pnur sentir l'harmonie qui résulte de
cette longue suite de syllabes tristement sonores,
terminées tout à coup par ces quatre brèves,
qui l'a froppê. Dans le même endroit, au lieu
de Za religion et de la patrie cplorêc, que l'on
dise de la religion et de la patrie en pleurs, il
n'y a jdus aucune harmonie; et cette diffé-
rence si sensible pour l'oreille dépend du mot
fplorêf, sur lequel tombe la |)ériodc.
Nous n'avons fait sentir que les effets d'une
harmonie majestueuse et funèbre, parce que nous
en avons jnis les modèles dans des discours où
tout respire la do\deur. Mais dans les u'.ouients
Iranipiilles, dansla peinluredesdoucesémolionsde
l'âme, dans les tableaux naifs et louchants, l'clo-
queme française a mille exemples du pouvoir et
du charme de l'harmonie. Usez ces descriptions si
douces que la plume dcFénelona ré|)anducs dans
\<i'rélêmuque; lisez les discours enchanteurs ijue
Massillon adressait à un jeune roi, vous verrca
combien la mélodie des paroles ajoute a l'ouciiou
HAR
céleste de la sasesse et de la vertu. L'auteur de
JX'létnaqiie i'XccWc d;ins les situations paisibles.
Sa prose mélodieuse et tendre exprime le carac-
tère de son àme, la douceur et l'égalité; mais
dans les moments où son style demanderait des
mouvements brusques et rapides, son slyle n'y
répond pas assez.
Dans tout ce que nous venons de dire, nous
n'avons exposé (| lie la simple analogie des nom-
bres avec le caractère de la pensée, la ressem-
blance réelle et sensible des sons et des mouve-
ments de la langue avec ceux de la nature; cette
harmonie imilalive qu'on appelle onomatopée, et
dont nous voyons tant d'exemples dans les an-
ciens, n'est pas |iermise à nos poêles. La raison
en est que, dans la formation des langues grec-
que et latine, l'oieille avait été consultée, au lieu
que les langues modernes ont pris naissance dans
les temps de barbarie où l'on parlait pour le
besoin, cl nullement jiour le plaisir. Eu général,
plus les peuples ont eu l'oreille sensible et juste,
plus le rapport des sous avec les choses a été
observé dans l'invention des termes. La dureté
de l'organe a produit îles langues âpres et rudes;
l'excessive délicatesse a produit les langues
faibles, sans énergie et sans couleur. Or, une lan-
gue qui n'a que des syllabes âpres et fermes, ou
que des syllabes molles et liantes, a le défaut d'un
aïonocorde. C'est de la variété des voyelles et
des articulations que dépend la fécondité d une
belle haruwiiic.
L'harmonie souffre quelquefois de la justesse
et de l'arrangement logique des mots, et récipro-
quement. C'est alors à l'orateur à <;oncilier, s'il
est possible, l'une avec l'autre, ou à décider lui-
même jusqu'à quel point il peut sacrifier l'har-
monie à la justesse. La seule règle générale qu'on
puisse donner sur ce sujet, c'est "qu'on ne doit
ni trop souvent sacrifier fune à l'autre, ni jamais
violer l'une ou l'autre d'une manière choquante.
Le défaut de justesse offense la raison ; le défaut
d'harmonie blesse l'organe ; l'une est un juge
sévère qui pardonne diflicilcmcnt, l'autre un juge
orgueilleux qu'il faut ménager.
On exige dans la poésie trois sortes d'harmo-
nie : l'harmonie du style, qui doit s'accorder
avec le sujet qu'on traite et qui met une juste
proportion entre l'une et l'autre. Quelle diffé-
rence entre le ton de ia tragédie et celui de la
comédie, delà poésie lyrique, de la pastorale, etc. !
Si cette harmonie manque à quelque poëme que
ce soit, il devient une masi:arade ; c'est une sorte
de grotesque qui lient de la parade; et, si ([uel-
quefois la tragédie s'abaisse ou la comédie s'élève,
c'est pour se mettre an niveau de leur matière,
qui varie de temps en temps. Cette harmonie
poétique est essentielle; mais on ne peut que la
sentir; et malheureusement les poètes ne la sen-
tent pas toujours assez. Souvent ils confondent
les genres; et on trouve dans le même ouvrage
des'vers tragiques, lyriques, comiques, (jui ne
sont nullement autorisés par la pensée qu'ils ren-
ferment.
La seconde sorte d'harmonie poétique consiste
dans le rapport des sons et des mots avec l'objet
de la pensée. Elle est commune au poète et à l'o-
rateBr, et nous venons de parler de cette sorte
d'harmonie. C'est surtout dans le récit que le
poète doit rechercher les nombres. Ils ajoutent
au coloris des peintures un degré de vérité qui
les rend mobiles et vivantes. Par là, les plus petits
objets deviennent intéressants. Mais dans le style
passionné, c'est a la coupe des périodes qu'il faut
HAR
339
s'attacher; c'est de là que dépend essentielle-
ment l'imitation des mouvements de l'âme.
La troisième espèce d'harmonie dans la poésie
peut être appelée artificielle, par opposition aux
deux autres espèces; parce ([uc, quoique fondée
dans la nature aussi bien que les deux autres,
elle ne se montre bien sensiblement (pie d.uis la
poésie. Elle consiste dans un certain art qui,
outre le choix des expressions et des sons par
rapport à leur sens, les assortit entre eux de ma-
nière que toutes les syllabes d'un vers, prises
ensemble, produisent par leur son, leur nom-
bre, leur (juanlité, une autre sorte d'expression
qui ajoute encore à la signification naturelle des.
mots. La poésie a des niarthes de différentes es-
pèces pour imiter les diff(''rents mouvements, et
peindre à l'oreille, par une sorte de mélodie , ce
qu'elle peint à l'esprit par les mots. C'est une
sorte de chant musical qui porte le caractère,
non-seulement du sujet en général, mais de cha-
que objet en particulier. Celle harmonie n'ap-
partient princijialement qu'à la poésie, et c'est le
point exquis de la versification. On sent cette
espèce d'harmonie dans les vers suivants de Boi-
leâu {Lutr., 1, 19) :
Ses chinoiiies vermeils et brillants de santé
S'ensraissaiont d'une longue et sainte oisiveté.
Le premier de ces vers est riant, l'autre est lent
et paresseux. On la sent de même dans cet autre,
où le même auteur peint la Mollesse {Lutr., II,
164) :
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, et s'eytdort.
(Extrait du chevalier de Jaucourt, de Marinon-
tel et d'autres auteurs.) Voyez Accent.
Quoique le substantif harmonie, dit Voltaire,
n'admette point de pluriel, non plus iiue 7nélo-
die,' musique, physique, et presque tous les noms
des sciences et des arts, cependant j'ose croire
qu'il est des occasions où harmonie au i)luriel
n'est pas une faute. On peut dire les mélodies
de Ltilli et de Hameau sont différentes. On peut
dire très-bien les harmonies de la nature, parce
qu'il y a ensemble et accord et dans le tout ci
dans les différentes parties.
Harmomkcse.ment. Adv. Il se met après le
verbe : Chanter harmonieusement.
Haumomlcx, Harmonieuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'harmonie et
l'analogie le permettent : Chant harmonieux ,
musique harmonieuse, voix harmoiiieuse, vers
harmonieux, période harmonieuse, d'harmonieux
accents. Voyez Adjectif.
L'Académie ne dit harmonieux que des cho-
ses; cependant on le dit quelquefois des per-
sonnes : Un poète harmonieux. C'est ainsi que
sotis la plume du plus harmonieux des poètes les
sons deviennent des couleurs, et les images des
vérités. (Barthélémy.)
Gardez-vous d'imiter ce rimcur furieux.
Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux.
Aborde eu récitant quiconque le salue.
fBoiL.,^. P., IV, 53.)
Harmonique. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Sons harmoniques.
Harmoniquement. Adv. 11 peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ce morceau de musi-
que est composé harmoniquement, OU est kar-
moniguement compose.
340
HAS
* Harmoniser (s'). Y. pronom. Mot nouveau
qui siïïiiilic se iiieltrc en harmonie. 11 n'esl pas
encore généraiemciil usilé.
HAnvtciiKu \. a. de la \" conj. McUre le
harnais à un cheval : Harnacher des chtvuux.
Harnois ou Harnais. Subsl. ni. (Lorsqu'on
parle des chevaux, hamois ne se dit qu'en poé-
sie ou dans le style soutenu.) On ap|ielait an-
ciennement harniiis l'armure comidéle d'un
Âomme d'armes. Ce mol esl encore usilé dans
luelqucs façons de parler liu'urécs : Blanchir
ous le harnais. (Acad. 483o.)
Haro. Terme de pratique : Clameur de haro.
Harpagon, Suhsl. ni. Kom du principal per-
sonnage de y Avare de Molière. On le dit quel-
quefois pour désii-'ner un honunc exlrémement
avare : C'est vu Harpagon.
Harpailler (sk). y. a. de la J" conj. Les /se
mouilieiil. Ce mot, qui, selon l'Académie, est du
style familier, cl se dit de deux personnes qui
se querellent, esl bas et peu usilé.
Hasard. Subsl. m. Le d ne se prononce ja-
mais. Il se dit des événements pour marquer
qu'ils arrivent sans une causn nécessaire ou
prévue. Quand nous disons qu'j/«e chose est ar-
rivée par hasard, nous n'enleiid(3ns autre chose,
sinon (juc la cause nousen esl inconnue, et non
pas, conune quelques personnes l'imaginent mal
à propos, que le hasard lui-même puisse être la
cause de quchiue chose. Cependant on person-
nifie souvent le hasard, et on le prend pour une
espèce d'clre chimériciue qu'on conçoit comme
agissant arbitrairement et produisant tous les
effels dont les causes réelles ne se montrenl point
à nous. Dans ce sens il est équivalent à fortune.
— //rt.v«rc^ manpie aussi la manière de décider
des cliKses dont la cunduile ou la direction ne
peuvent se réduire à des régies ou mesures déter-
minées, ou dans lesquelles on ne peut pas trou-
ver de raison de préférence , connue dans les
caries, les dés, les loteries, etc. Les poêles le
disent au pluriel des dangers de la guerre. Ra-
cine a dit dans Mithridate (act. I, se. v, 2) :
Ma Tie et mon amour tousdeui eoursnt hasard.
On a trouvé que courir hasard n'esl pas une
expression assez noble pour la tragédie. Yoycz
Fatalité.
Hasarder. Y. a. de lai" conj. L'Académie dit
qu'en parlant d'une pièce de boucherie, ou d'une
pièce de gibier qu'on a gardée trop longlen)ps
pour la rendre plus tendre, ou pour lui donner
plus de fiiincl, on dit qu'elle est hasardée: Gi-
got hasardé, celle perdrix est hasardée. — Nous
laissons aux mailres d'hôlel et aux cuisiniers le
soin de crilii|uer celle acce|)tion.
Se hasarder régit lanlôl la préposition à, lan-
lôl la préposition de; la |)rcmiére lorsque le
verbe suivant indiiiue une action (jui sert de
but : Se hasarder à faire une proposition; la se-
conde lursiiue le second verbe indiipie une ac-
tion qui a sa cause et son effet dans la personne
même : Se hasarder de répondre.
Hasaudeusement. Adv. 11 ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe : // a entrepris cela
Hcn hasa7-deiisement, et non pas il a hasardeu-
sement entrepris cela.
Hasardeux, Hasardeuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un joueur hasardeux, unviarchand ha-
sardeux; nu coup hasardeux, vne entreprise
HAU
hasardeuse, cette hmardeuse entreprise. Voyez
Adjectif.
Hase. Subst. f. Ce mol, emprunté de l'alle-
mand, où il signifie lierre, se prend en français
pour la fi-melle de cet animal. L'Académie dit
qu'il se dit aussi de la femelle du lapin; mais
c'est probablement du lapin de garenne ; car,
pour le lapin doinesli(iuc, sa femelle se nomme
lapine, comme le dil fort bien l'Académie à ce
mot.
Hâter. Y. a. de la 1" conj. L'Académie dil
hâter soîi départ, hâter son retour, hâter les
fruits, hâter le supplice. Voltaire a dit hâter les
coups :
Des assassins Irop lents, il tcuI hdJer les coups.
(Ilenr., II, 2S3.)
Hatif, Hative. Adj. Il ne se met (ju'aprèsson
subst. : Fruit hâtif, cerises hâtives, fleurs hâ-
tives. — Esprit hâtif.
Hâtivement. Adv. Il ne se mol point cnlrc
l'auxiliaire et le participe : Il a fuit venir ces
fruits hâlirement, cl non pas il a hâtircment fait
venir ces fruits, ni il a fait venir hâtivement
ces fruits.
Haubans. Subsl. m. plur. C'est ainsi «nie l'A-
cadéuiie l'indiiiue. Elle n'a pas fait aUeiition (fue
ce mol a aussi un singulier. On dil un hauban el
les haubans.
Hausse-col. Subst. m. Au jiluricl, on ne met
de s ni à hausse ni à col, parce que hausse est
un verbe, et <iu'il ne s'agit pas d'une chose qui
hausse les cols ou les cous, mais d'une plaque
qui serlà hausser le col. La pluralilé tombe sur
le mol plaque ou croissant, (|ui est sous-enlendu.
On doii donc; dire au pluriel des hausse-col. L'A-
cadémie dil dcii hausse-cols ; mais il serait difli-
cile de juslilier celle orlliographe.
Haut, Haute. Adj. Cet adj. se met ordinaire-
nienl avant son subsi. : Haut clocher, haute mon-
tagne, haute tour. — Avoir la voix haute, parler
à haute voix; les hauts faits, le haut style;
haute estime, haute vertu. — Haute insolence,
haute injustice, haute sottise. Aller en haute
mer, jeter les hauts cris. Une messe haute, les
hautes sciences. — Un hominehaut, orgueilleux;
%ine âme haute, avoir le cœur haut.
Haut. Adv. Il ne se met jamais entre l'auxi-
liaire et le participe : // a parlé haut, et non pas
il a haut parlé. Toyez Hautement.
Hautain, Hautaine. Adj. Il ne se met ([u'après
Son subsl. : Un homme hautain; une femme
hautaine. — Humeur hautaine, mine hautaine,
rnanières hautaines.
Ce mot est le superlatif de haut et d'allier. Il
ne se dil que de l'espèce humaine. On peut dire
en vers :
Un coursier plein de feu Ioï.jiI sa lèle latiére.
J'aime mieux ces forèls altiéreê
Qu« ces jardins piaules par l'arl.
Mais on ne peut pas dire une foret hautaine, la
léle hautaine d'un coursier. — Hautain esl tou-
jours pris en mauvaise jiari ; c'est l'orgueil qui
s'annonce par un extérieur arrogant. On prince
peul el doit rejeler avec une hauleur héro'i'que
des propositions humilianles, mais non pas avec
des airs hautains, un ton hautain, des paroles
hautaines. L'àme haute esl l'àme grande; la Aam-
taiîie esl superbe. L'iiisoleiil esl à l'égard du
hautain ce (ju'esl le hautain à l'impérieux, ce
HEB
sont des nuances qui se suivent. (Volt., Dict.
philos.)
Hadtai>f.mf.nt. Adv. 11 ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe : Il a parlé havtaine-
tnent, et non pas il a hautainenieiit parlé.
Hact-de-chaisses , Halte-comre. Haut-de-
ehausses fait au pluriel des hauts-de-chausses;
haute-cnnire fait t\ci hautes- cnntrn.
Haltement. Adv. 11 se mcl quelqticfois entre
l'auxiliaire et le participe : Il a déclaré cela hau-
tement, ou il a hautement déclaré cela.
J'ai Touinl'aclieler, l'cJit, c\pre«soniciit,
Afin que d'Isabelle il soitlù hautement.
(Mol., École des Maris, act. II, se. ii, 9.)
Hautement n'est pas la même chose que haut.
On dit hautement sa pensée; c'est-à-dire hardi-
ment, rcsoliunciit. On lit, on parle haut, c'est-à-
dire d'une voix liautc. (M. Auçcr, Commentaire
sur Molière.) ^'oyez Expressément.
* Haute-taille'. Subst. f. On écrit au pluriel
des hautes-tailles.
IIactecr. Subst. f. Si hautain est pris en mal,
hauteur est tantôt une bonne, tantôt une mau-
vaise qualité, selon la place qu'on tient, l'occa-
sion où l'on se trouve, el ceux avec qui l'on
traite.
On a souvent employé au pluriel le mot hau-
teur dans le style relevé : Les hauteurs de l'esprit
humain; et on dit dans le style simjile, lia eu
des hauteurs, il s'est fait des ennemis par ses
hauteurs. (Volt., Dict. philos.)
Have. Ailj. des deux Kcnres. 11 ne se met qu'a-
près son subst. : Un visage hâve.
Havre-sac. Subst. m. Ce mot est entièrement
allemand. Habersack signifie littéralement, dans
celte langue, sac à avoine, du mot sack, sac, et
haber, avoine. D'après cette étymologie, il faut
écrire au plu'-iel des havre-sacs.
Hé. Interjection. Voyez £'/i.
Hebdomadaiiîe. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Ouvrage hebdoma-
daire , fet/ille hcbdomaditire,
Hébétf.r. V. a. de la 1'^ conj. Comme ce mot
vient de bêle, dont le premier e a un accent cir-
conflexe, ou devrait i)cul-êlre écrire hébêter, et
c'est ainsi qu'on l'écrivait autrefois. Mais l'Aca-
démie en a décidé autrement ; et la manière dont
on prononce généralement est conforme à celle
décision, si ce n'est qu'on prononce cet e ouvert
et même long, lor^^quc la sylhibe cpii le suit est
terminée par un e muet : J'hébke, tu lu'hctes, il
hébcte ; nous hébélnis, vous héhétez, ils licbéient.
C'est ce que l'Académie aurait dii faire observer.
Hébraïqce. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'ajjrès son subst. : La langue héljraïque. phrase
hébraïque , grammaire hébraïque, Bible hébraï-
que.
Hébraïsant. Subst. m. L'Académie a omis une
signilicalion de ce mol. 11 se dit non-seulement
d'un homme qui a fait une étude particulière de
la langue hébraïque, mais aussi d'un observateur
trop scrupuleux des règles de l'Évangile, d'un
homme ijui suit en aveugle ses maximes sans re-
connaître aucune circonstance où il soit permis
à la raison de les inlerprèler. On s'exprime ainsi
par allusion aux Hébreux, qui, en général, étaient
scrupuleusement aliucliés à la lettre de leurs
écritures, aux cérémonies (jui leur étaient pres-
crites, et à toutes les minulies de la loi.
Hébreux. Subst. m., qui se prend quelquefois
adjectivement. Dans celte dernière acception, il
se met après son subst. : Le texte hébreux.
HÉM 341
HÉMISTICHE. Subst. m. Moitié lie vers, demi-
vers, repos au milieu du vers. Ce repus à la moi-
lie d'un vers n'est proprement le partage (]ue des
vers alexandrins. La nécessiié de couper toujours
ces vers en deux parties ég.des, ei la nécessite
non moins forte d'èviier la iiionoionie, d'obser-
ver ce rejms et de le cacher, s<int des clKiinesq:!!
rendent l'art d'autant plus précieux, qu'il est plus
difficile. Voici des vers tcchnicjues qu'on pro
pose, pour montrer par quelle mélhode on doit
rompre cette monotonie que la loi de l'hémisti-
che semble entraîner avec elle :
Observez riiémistiche el redoutez l'ennni
Qu'un repos uniforme attache .auprès de lui.
Que votre phrase heureuse, et ciairement rendue,
Soit tantôt terminée et tantôt suspendue;
C'est le secrelde l'art. Imitez ces accent»
Dont l'aisé Géliotte avait charmé nos sens.
Toujours harmonieux, et libre sans licence,
Il n'appesantit point ses sons et sa cadence.
Salle, dontTerpsichore avait conduit les pas.
Fit sentir la mesure el ne la marqua pas.
Ceux qui n'ont point d'oreille n'ont qu'à con-
sulter seulement les points et les virgules de ces
vers; ils verront qu'étant toujours partagés en
deux parties égales, chacune de six syllabes, la
cadence y est cependant toujours variée ; la phrase
y est contenue ou dans un demi-vers, ou dans un
vers entier. On peut même ne compléter le sens
qu'au bout de six vers oti de huit ; et c'est ce
mélange qui produit une harmonie dont on est
frappé, el dont peu de lecteurs voient la cause.
Plusieurs dictionnaires disent que l'héinistichc
est la méiTie chose que la césure ; mais il y a une
grande différence. I/hémistichc est toujours à la
moitié du vers; la césure, qui rompt le vers, est
partout où elle coupe la phrase.
Tiens, le voilà, marchons ; il est à nous, viens, frappe.
Presque chaque mot est une césure dans ce
vers.
Hélas! quel est le prit des vertus? La souffrance.
La césure est ici à la neuvième syllabe.
Dans les vers de cinq pieds ou de dix syllabes,
il n'y a point d'hémistiche, quoi qu'en disent
tant de dictionnaires; il n'y a que des césures :
on ne peut cou|ier ces vers en deux i)arlies éga-
les de deux pieds et demi.
.4insi parta;,'és — boiteux et malfaits,
Ces vers lan^-iiissants — ne plairaient jamais.
On en voulut faire autrefois de cette espèce,
dans le temps qu'on cbcrchait l'harmonie, (pi'on
n'a que irés-difliiilcmeni trouvée. On prétendait
imiter les vers pentamètres des I.alins, les seuls
qui aient en cifel naturellement cet héiuisliche;
maison ne songeait pas que les vers penlaiiiélres
étaient variés par les spondées et par les dactyles;
queleurs hémistiches pouvaient conleniroii cinq,
ou six, ou sept syllabes. Mais ce génie de vers
français, au contraire, ne iiouvait jamais avoir
que des hémistiches de cinq syllabes égales, et
ces deux mesures étant trop courtes et trop rap-
prochées, il en résultait nécessairement celle
uniformité ennuyeuse qu'on ne peut rompre
comme dans les vers alexandrins. De plus, le
vers pentamètre latin, venant après un hexamè-
tre, produisait une variété qui nous manque.
Ces vers de cinq pieds, à deux hémistiches
égaux, pourraient se souffrir dans des chansons;
ce fut pour la musique que Sapho les inventa
chez les Grecs, et qu'Horace les imita quelque-
342
HER
fois, lorsque le chant était joint à la poésie, selon |
sa première institution. On pourrait parmi nous |
introduire dans le chant cette mesure, qui appro-
che de la saphique :
L'amour est an dieu — <j\ie la teirt adore,
Il fait nos tourments, — il sait les guérir.
Dans un doux repos — heureux qui l'ignore.
Plus heureux cent fois — qui peut le servir.
Mais ces vers ne pourraient être tolérés dans des
ouvrages de longue haleine, à cause de la cadence
uniforme. Les vers de dix syllabes ordinaires
sont d'une autre mesure; la césure sans hémi-
stiche est presque toujours à la fin du second
pied, de sorte que le vers est souvent en deux
mesures, l'une de quatre, l'autre de six syllabes.
Maison lui donne aussi souvent une autre place,
tant la variété est nécessaire :
Linguissant, faible, et eonrbé sous les maux.
J'ai consumé mes jours dans les travaux.
Quel fut le prix de tant de soins? l'envie.
Son souffle impur empoisonna ma vie.
Au premier vers, la césure est après le mot
faible; au second, aprésjoMrî; au troisième, elle
est encore plus loin, après soins; au quatrième,
elle est nprès impur.
Dans les vers de huit syllabes, il n'y a ni hémi-
stiche, ni césure :
Loin de nons ce discours Tulgairei
(^ue la nature dégénère,
Que tout passe et que tout finit.
La nature est inépuisable,
F.t le travail infatigable
Est un dien qui la rajeunit.
(Ces vers .sont les derniers d'une ode que Vol-
taire composa en 1786. Mais Voltaire ici ne se cite
pas plus exactement que de coutume. Note de
M. Beuchnt.)
Au premier vers, s'il y avait tine césure, elle
serait à la sixième syllabe. Au troisième, elle se-
rait à la troisième syllabe, passe, ou i)lutôt à la
quatrième, se, qui est confondue avec la troisième,
pus; mais, en effet, il n'y a point là de césure.
L'harmonie des vers de cette mesure consiste
dans le choix heureux des mots, et dans les rimes
croisées, faible mérite sans les pensées et les ima-
ges. (Volt., Dict. philos.)
Hendécas-ïllabe. Adj. des deux genres. Le s se
prononce comme s'il était double. Cet adj. ne se
met qu'après son subst. : rers hendécasyllahe.
HENMn. V . n . (le la 2'" conj . On prononce hanir.
Hennissement. Subst. m. On prononce Aa/iw-
sement.
Henri. Subst. m. Nom d'homme. Le A s'aspire
dans le discoui-s soutenu; il ne s'aspire pas dans
le discours familier.
Hekrh;tti.. Siilisl. f. Nom propre de femme, où
le h n'est jamais aspiré : L'âge d'Henriette, et
non pas l'ûge de Henriette.
* Herbagedx, Hekbageuse. Adj. Mot nouveau,
que quelques auteurs ont employé Voliiey a dit
Tandis qve je tenais les yeux fixés svr l'Asie,
soudain du côté du nord, des tourbillons de fu-
mée et de flamme attirèrent mon atlentioti. Ils
coururent le hmy du lac fajigexix d'Azof, et fu-
rent se perdre dans les plaines herbageuses du
Kouban. {Les Ruines, ch. xii, p. 68.) VoyCî
Herbeux.
Hi.EBEcx, Herbecse. Adj II se dit des lieux
où il croit de l'herbe. La différence entre herba-
geux et herbeux est la même qu'entre herbage et
hcrhs.
HÉR
Hébéditaire. Adj. des deux genres, il ne se
met qu'après son subst. : Bnyaume héréditaire,
couronne héréditaire. — Charge héréditaire. —
Maladie héréditaire . Haine héréditaire.
Héréditairement. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe.
Hérésif.. Subst. f. Ce mot, qui se prend à pré-
sent en très-mauvaise part, et qui signifie une er-
reur upiniàire, fondamentale, contre la religion, ne
désignait dans son origine qu'un simple choix,
une secte bonne ou mauvaise; c'est le sens du
mot grec dont il est dérivé, et qui signifie choi-
sir. On disait hérésie péripatéticienne , hérésie
stoïcienne, et Vhérésie chrétienne était la secte
de Jésus-Christ. Voyez Hérétique.
Hérétique. Adj. des deux genres. H ne se met
qu'après son subst. : Proposition hérétique, dogme
hérétique.
11 se prend aussi substantivement : Un héréti-
que, une hérétique. Ce mot, dans le sens propre,
signifie un homme qui fait choix d'une opinion,
d'une secte bonne ou mauvaise. Dans le sens or-
dinaire, il désigne toute personne qui croit ou
soutient opiniâtrement un senlinient erroné sur
un ou sur plusieurs dogmes de la religion chré-
tienne.
Ce mot et celui d'hérésie , pris dans le sens
usité de nos jours, devraient être bannis du dic-
tionnaire d'une religion d'amour <t d'une nation
civilisée. En effet, ces deux mots supposent dans
ceuxcjuien font usage, un amour-propre brutal
et insolent par lequel ils affectent de déclarer or-
gueilleusement à leurs semblables qu'eux seuls
sont en possession de la vérité, dans des choses
qui sont depuis plusieui's siècles des sujets de
dispute et de contestations interminables; et que
tous ceux qui ne pensent pas comme eux doivent
être des objets d'horreur et de mépris. Cette note
d'infamie peut être renvoyée par toutes les sectes
à ceux qui la leur imposent; et par la les chré-
tiens, qui devraient s'aimer et se tolérer les uns
les autres, sont divises en une mulliludc de so-
ciétés qui s'abhorrent, et ne respirent les unes
contre les autres qu'une liainc deslruciive et im-
placable. Heureusement, la philosoi)hie repousse
ces dénominations odieuses, qui ont si souvent in-
ondé la terre de sang liumain; et elles ne sont
plus guère usitées que parmi un petit nombre de
fanatiques incorrigibles.
Hérisser. V. a. ci n. de la l" conj. Delille
a dit à l'actif {Énéid., VIII, 461) :
Enfin s'offre à leurs yeux la roche Tarpéienne,
Ce futur Capilole où la grandeur romaine
Étalera son marbre et ses colonnes d'or:
Des ronces, des buissons le hérissent encor.
Féraud, d'après l'Année littéraire, veut bien
qu'on dise l'hiver hérissé de glaonns ; mais il ne
veut pas qu'en prose on donne ce régime au verbe.
Cependant Delille a dit en prose : Jupiter obligea
l'homme ci cultiver la terre, en la Itérissant do
plantes inutiles ov nuisibles, et nous pensons
qu'il a bien dit. — Dans la dernière édilion de son
dictionnaire , l'Académie dit hérisser de pieux
un bastion, hérisser son style de pointes, d'anti-
thèses, de nédlogismes.
Héritage. Subst. m. L'Académie dit que ce
mot se piend dans un sens étendu pour signifier
les immeubles réels, comme terres, maisons :
Fendre . acheter vu hcrituge. Nous pensons,
comme Féraud, qu'il se dit, en ce sens, des ter-
res, des biens de campagne ; mais qu'il ne se dit
HER
pas des maisons. Jamais on n'a dil qu'un hommo
a acheté w/i héritage, pour dire iiu'il a aclielé une
maison ou un liôtul. (.x'iieiulaiU ce terme est usité
en ce sens en jurisprudence, où l'on entend p;ir
héritaiîc tout immeuble réel qui peut se trans-
mettre par succession
HÉRiTiin.A'. n. delal"conj. Ce verbe peut-il
être employé activement, et peut-on dire hériter
vne viaison, hériiervne terre, conuneon dit héri-
ter d'une 7naisoii, hériter d'une terre'? Féraud
rapporte [ilusicurs exemples en prose et en vers,
où ce verbe est employé ainsi. 11 nous scinbic
qu'on ne di l/tt'c/ifci/ y»? c/w^c que lorsque ce verbe
a deux rcirimcs, et pour éviter leduuble régime c/e
dans deux sens difl'érents. Ainsi, pour ne pas dire
il a hérité de cette terre de son père, on dit il a
hérité cette terre de son père; mais on ne dit pas
absolument, î7 a hérité cette terre. JNous pen-
sons (pi'il vaut mieux éviter de donner un régime
direct à ce \erije. L'Académie dit aussi (jifon
prend ce verbe activement; mais dans les exem-
ples qu'elle en donne, elle évite ce qui pourrait
les rendre clioiiuants : Il n'a rien hérité de son
père, voilà tout ce qu'il en a hérité, il en a hérité
de grands biens. Mais elle ne dit pas positivement
il a hérité une terre, il a hérité une viaisoii de
son père. — Dans la dernière édition do son dic-
tionnaire, elle a ajouté les deux exemples suivants
à ceux qui viennent d'élre cités : C'est une ma-
ladie qu'il a héritée de sa mère; la vertu est le
seul bien quil ait hérité de son père.
Her.iiêtiqci;. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Science hermétique, philo-
sophie hermétique, œuvre hermétique.
HEnsiÉTiQCEsiENT. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On a scellé ce vaisscuu
hermétiquement, ou on u hermétiquement scellé
ce vaisseau.
HÉnoÏDE. Subst. f. Êpître en vers, composée
sous le nom de quelque héros ou personnage fa-
meux. A'oyez Héros.
Héroïne. Subst. f. \oycz Héros.
Héroïque. Adj. des deux genres. Boileau a dit :
Combien Homère est héroique Ini-mê me en pei-
gnant le caractère d'un héros {Traité du .w-
Wïnie,ch. VII.) Massilloii, en parlant de Louis XIV:
Cet hcvoiqMC vieillard; et Fléchier :Cc\.[e femme
héroïque, (oraison funèbre de 31'"' d' Aiguillon,
p. 8G.) Nou'; pensons a\ec Féraud (pi'on ne
peut pas appliquer celte épithète aux personnes.
On peut être sage sans avoir donné au dehors des
preuves de sagesse; voilà pourquoi on dit un
h,omm.e sage, comme on dit une action sage, f^ous
connaîtrez dans l'accasion que vous avez affaire
à un homme sage. Mais on ne peut pas dire un
homme héroïque, parce qu'on ne peut nas être un
béros sans avoir donné au dehors dès marques
d'héroïsme; que c'est l'éclat de ces marques qui
constitue le héros, et que i)ar conséquent l'épi-
Ihéte d'/itVoi'çî/e appartient parliculicremenl à ces
marques, lorsqu'on lui hiil signifier ce qui carac-
térise les héros. — Cependant l'Académie, (pii ,
dans ses éditions précédentes, n'avait dit héroïque
que des choses, remarque en 4835 qu'il se dit
quelquefois des personnes qui montrent de l'hé-
roïsme, et elle donne pour exemple 7ine femme
héroïque, et dans un sens analogue, utie âme hé-
roïque.— En prose, cet adjectif se met ordinaire-
ment après son substantif; cependant on peut le
mettre avant, en consultant l'harmonie et l'analo-
gie : Des actions héroïques, des exploits héroï-
ques, d'héroïques exploits. — Quand on dit des
vertus héroïques, des sentiments héroïques, cela
HEU
54Ô
ne veut pae dire des vertus, des sentiments qui
font le héros, mais des vertus, dos sentiments qui
portent aux actions qui font le héros. — Pueme hé-
roïque, stylehéroïque,vershéroïques. Voy. Héros.
Héroïquement. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe. On dit il s'en comporté
héroïquement dans cette action, et non |)as il s'est
héroïquement comporté. N'oyez Héros.
HÉROÏSME. Subst. m. Voyez //tros.
Héronnière. Subst. f. Selon l'Académie, on
appelle familièrement femme héronnière une
femme maigre et sèche, et qui a des hanches fort
hautes. Celle façon de parler n'est point usitée.
Héros. Subst. m. Le /; est aspiré dans ce mot,
mais il ne l'est point dans ses dérivés, tels (}u'/ie-
roïne, héroïs ui e , héroïque , héroïquement, hércnde.
Herpès marines. Subst. f. plur. On donne ce
nom à des productions marines ipie la mer tire
de son sein, et qu'elle jette natui'ellement sur ses
bords, telles (juc l'alubrc, le corail, etc. L'Acadé-
mie ne dit pas si le Ii de herpès est aspiré ou
non; mais, comme il vient du vieux mot harpir
(prendre), où le h était aspiré, il doit l'être aussi
dans herpès. Du reste, on ne dit plus aujour-
d'hui herpès de mer, mais épaves de mer.
Hésitation. Subst. f. L'hésitation est une in-
certitude dans les mouveincnts du corps, qui
marque la même incertitude dans la jxînsée. Si
dans la comparaison ([ue nous faisons iuléricure-
inent des motifs qui peuvent nous déterminer à
dire ou à faire quelque chose, ou (pii doivent
nous en empêcher, nous sommes alternativement
portés et retenus, nous sommes incertains, nous
hésitons.
Hésiter. V. n. de la 1" conj. Autrefois on as-
pirait le h de ce mot :
JVe hésiter jamais et rougir encor moins.
(CoUN., Menteur, act III, se. IV, 14, édil. de Volt.)
Aujourd'hui on ne l'aspire plus. Devant les noms,
ce verbe demande la préposition sur; et devant
les verbes, il régit à: Il a longtemps hésité sur le
choix d'une profession. Il ne faut point hésiter
à prendra un parti; de prendre un parti serait
une faute.
HÉTÉROCLITE. Adj. dcs dcux genres. 11 ne se
met qu'ajirês sou subst. : Nom hétéroclite. Un
homme hétéroclite. Conduite, action hétéroclite,
esprit hétéroclite .
Hétérodoxe. Adj. des deux genres. Il ne se
met ([u'après son subst. : Doctrine hétérodoxe,
opinion hétérodoxe.
Hétérogène. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Parties hétérogènes.
Heur. Subst. m. Yieuxinot dont Corneille s'c;>t
encore servi plusieurs fois, mais (pii n'est pluscii
usage aujourd'hui :
Cliimène, qui l'eut dil,
Que noire heur fût si proclic et silol se perdit?
(Corn., Cïd, ael. Ht, se. iv, 159.)
Sa joie éclatera dans Vheur de ses enfants.
(Corn., Ilor., ad. I, se. i, 58.)
Voltaire dit, au sujet de ce dernier vers : Ce mot
A'heur, qui favorisriit la versification, cl qui ne
choque point l'oreille, est «ujourd'hui banni de
notre langue. [Remarques sirr Corneille.) La
Bruyère recrcttait aussi ce mot. Heur, dit-il, se
I)lacait oh' bonheur ne saurait entrer. Il a fait
heureux, qui est français, et il a cessé de l'être.
{De quelques usages, chap. XIV, p. 365.)
344
IIEU
Hfcbe. Subst. f. On ilit être à sa dernière
heure, oU élre à son heure dernière, pour dite
élre sur le poiiil de mourir. Le premier pai-iil
élre du langage ordinaire, et le second s'emidoie
mieux en vers :
Déjà Valois touchait à son heure dernière.
(Volt., Uenr., V, 333.)
Hedbel'semest. Adv. Bien des personnes [tro-
noncenl hureusement; c'est une faute. Cet ad-
verbe peut se placer au coininencement de la
phrase, après le verbe, ou entre l'auxiliaire et le
participe : Heureusement il se dètovrnn. Il
ichappa heureusement. Cela est exprimé heu-
reusement, ou cela est heureusement exprimé.
(Quelquefois /;(?'Me(/6eme/i< est suivi de que : Heu-
reusement qu'il rmis laisse à vutre aise. (Mar-
monlel.) Quelquefois même la conjonction (71/e est
Séparcc d heureusement : Heureusement puur lui
que son père 71e l'aperçut pas. Voyez Heureux.
Heureux, Heoueuse. Adj. 11 se met souvent
avant son subst., soit en vers, soit en prose : Un
homme heureux, une femme heureuse. — État
heureux, heureux état; condition heureuse,
heureuse condition ; situation heureuse, heureuse
situation. Heureuse influence, influence heu-
reuse ; heureuse constellation, être né sous une
constellation heureuse; sort heureux, heureux
sort; règne heureux, heureux règne; séjour
heureux, heureux séjour; année heureuse, heu-
reuse année ; jour heureux, heureux jour ; occa-
sion heureuse, heureuse occasion. — (In heureux
présage, un présage heureux ; une physionomie
heureuse, une heureuse physionomie. — Un na-
turel heureux, un heureux naturel; un génie
heureux, un heureux génie ; une invention heu-
reuse, une heureuse invention ; une expression
heureuse , une heureuse expression ; un vers
heureux, non pas un heureux vers; une rime
heureuse, non ])as vne heureuse rime; un tour
heureux. On ne dit pas un heureux homme, mais
un dit uîie heureuse femme, un heureux enfant.
Heureux régit fi, en et de: Il est heureux au
jeu. Un esprit prompt à concevoir les matières
les plus élevées, et heureux à les exprimer quand
)1 les avait une fois conçues (Fl/'chicr, oraison
funèbre de Lamoignon, p. loi.) Etre heureux en
affaires. Il est heureux du bonheur des autres.
On dit pensée heureuse, trait heureux, re-
partie heureuse, physionomie heureuse, climats
heureux. Ces pensées, ces traits heureux qui
nous viennent comme des inspirations soudaines,
et qu'on appelle des bonnes fortunes d'homme
d'esprit, nous sont donnés comme la lumière en-
tre dans nos yeux, sans effort, sans (]ue nous les
cherchions; ils ne sont pas plus en notre pou-
voir que la physionomie heureuse, c'est-à-dire
douce, noble, si indépendante de nous, et souvent
si trompeuse. — Le climat heureux cal celui que
la nature favorise : ainsi sont les imaginations
heureuses, ainsi est V heureux génie.
On dit en parlant à' wif., heureux génie, et '][\-
mais malheureux génie ; la raison en est palpa-
ble : c'est que celui qui ne réussit pas manque de
génie absolument. I.c génie est seulement plus ou
moins heureux.— On dit z/(fe«/îV)/t heureuse ou
malheureuse, mais c'est seulement au moral;
c'est en considérant les maux qu'une invention
produit : La malheureuse invention de la pou-
dre, l'heureuse invention de la boussole, de l'as-
trolabe, du compas de proportion, etc.
Le cardinal oc Mazarin demandait un général
heureux; il entendait ou devait entendre par là
H EX
un général habile ; car lorsqu'on a eu des succès
réitérés, habileté et bonheur sont ordinairemenl
synonymes.
Quand on dit heureux scélérat, on n'entend
par ce mot que ses succès : /ici/rfwj: Si/lla. Un
Alexandre VI, un duc de Borgia, ont heureuse-
ment iiiUé, trahi, empoisonné, ravagé, égorgé;
il y a ap|)arence qu'ils étaient Uii^-malheureux,
quand moine ils n'auraient pas craint leurs sem-
blables. (Extrait des œuvres de Voltaire.)
Heureux se met quelquefois au commence-
ment de la phrase, en forme d'exclamation-, cl
alors il est ordinairement suivi de l'adjeclif con-
jonctif qui, ou de la conjonclion que : Heureux
le peuple qui est conduit par un sage roi! (Fén.,
Telém.yhv, H, t. I, p, 91). Heureux le peuple
qui trouve ses modèles dans ses maîtres! Heu-
reuse erreur que celle qui coîitribue à nous ren-
dre meilleurs! Trop heureux si je pouvais vous
plaire ?
Heureux qui satisfait de son humble fortune.
(Rac, Iphig., acl. I, se. I, 10.)
Voyez Adjectif.
Heurter. V. a. de la Y" conj. Dans le sens de
frapper à une porte, il ne se dit plus. On dit
frapper, frapper à vne porte. J'ai frappé trois
fois, et l'on ne m'a point ouvert. On no dit plus
au ligure qu'u?» homme a heurté, mais qu'ii a
frappé à toutes les portes pour faire réussir son
affaire. L'Académie ne fait celte observation ni
au mot heurter, ni au mot frapper. H semble
même qu'en parlant d'une porte, elle préfère
heurter à frapper, et qu'elle n'admet ce dernier
que lorsciu'on frappe à une porte avec un mar-
teau.— (Cependant elle appelle heurtoir le mar-
teau dont on se sert pour frappera une porte; et
elle ajoute qu'on dit plus communément mar-
teau. Si l'on appelle heurtoir le marleaii avec le-
quel on frappe à une porte, on pourrait donc dire
heurtera une porte avec le marteau; et si l'on
dit plus communément 7«ar/eat/, c'est que l'on
dit plus communément frapper. Heurter et heur-
toir sont vieux.
Hexagone. Adj. des deux genres qui se met
toujours après son subst. : Plan hexagone, fi-
gure hexagone.
Hexamètre. Adj. des deux genres. V.w français,
les vers hexamèlrcs sont ceux de six ])icds ou
douze syllabes. La Harpe dit dans son Cours de
littérature : Noire hexainèlre, nalurellement ma-
jestueux, doit se reposer sur lui-même ; il perd
toute sa noblesse si on le fait marcher par sauts
et par bonds. Si la fin d'un vers se rejoint souvent
au commencement de l'aulrc, l'effcl do la rime
disparait, cl l'on sait qu'elle est essentielle à no-
tre rhythme poétique. 11 est vrai que, par lui-
même, il est voisin de runiformité; mais aussi le
grand art est de varier la mesure sans la détruire,
et de couper le vers sans le briser. Le moyen
qu'ont employé nos bons [loëtes, c'csl de placer
lie lemps en temps des césures ou des repos à dif-
férentes places, en sorte (lu'un vers ne ressemble
pas à l'autre; de ne pas toujours procéder j)ar
distiques, et de finir quelquefois le sens en fai-
sant altendre la rime, comme dans cet endroit de
Racine [Esth., acl. IH, se. j, lUl) :
Il faut des clùtiments dont l'univers frrlmi^se;
Qu'on tremble en comparant l'offense et le supplÎM;
Que les peuples entiers dans le sang soient noyés.
Je veux qu'on dise un jour aux peuples effrayés:
// fut dei Juift.
HIA
Ei ailleurs (£'i/;j., act. Ill, se. i, «6):
Je l'ai trouvé couvert d'une affreuse poussière,
Revelu de lambeaux, tout p51c ; — mais son œil
Conservait sous la cendre encor le même orgueil.
Tous ces vers sont d'une coupe différente, et la
césure est loujovir> placée avec une intention re-
lative au sens. \'oyez Hi'mistiche.
L'jdjeclif hexamètre ne se met qu'après son
substantif: Un verx hexamètre.
Hiatus. Subst. m. On prononce le 5. Ce mot,
purement latin, a été adopté dans noire langue
sans aucun changement, pour si^'nilîcr l'espèce
de cacophonie qui résulte de l'ouverture conti-
nuée de la biiiuhc, dans réiiiis-ion consécutive
de plusieurs sons qui ne sont dislingués l'un de
l'autre par aucune artirulalion. Dumarsais re-
garde comme exactement synonymes les deux
mois hiatus et bùUlevient, mais, en les exami-
nant bien attentivement, on trouve que lûillc-
vient exprime particulièrement l'état de la bou-
che pendant l'émission des sons consécutifs, et
qu'hiatus exprime la cacophonie qui en résulte,
en sorte que l'on peut dire ipic Vhiatus est l'effet
du hûillemeiit. Le bâillement est pénible pour
celui qui parle, ïhiatuses\. désagréable pour ce-
lui qui écoute.
L'hiatus est «pielquefois doux, quelquefois
dur; et l'on va s'en apercevoir. Les accents de
la voix peuvent cire tour à tour détachés ou cou-
lés, comme ceux de la flûte; et l'articulation est
à l'orgunc ce que le coup de langue est à l'instru-
ment. Or, la modulation du style, comme celle
du chant, exige tantôt des sons coulés, et tantôt
des sons délachôs, selon le caractère du sentiment
ou de l'image que l'on veut peindre; donc, si la
comparaison est juste, non-seulement l'hiatus est
quelquefcis permis, mais il est souvent agréable.
C'est au sentiment à le choisir, c'est à l'oreille à
marquer sa [ilace. Nous sommes déjà sûrs qu'elle
se plaît à la succession immédiate de certaines
voyelles; rien n'est si doux pour elle que ces
mots : ifanaé, Lais, Phaon, Léandre , Ac-
téon, etc.
L'hiatus sera donc mélodieux dans la liaison
des mots, car il est égal jiour l'oreille que les
voyelles se succèdent dans un seul mot, ou d'un
mot à l'autre. 11 y avait peut-être chez les an-
ciens une espèce de bâillement dans l'hiatus;
mais s'il y en a chez nous, il est insensible, et la
sucip-sion de deux voyelles ne me sendjlo pas
moins l'ontinue et facile dans il y a, il a été, que
dans Dunaé, Méléagrc. — Nous éprouvons ce-
pendant qu'il y a des voyelles dont l'assemblage
dé[)laît ; a-u, o-i, a-an, a-en, o-un, sont de ce
nombre, et l'on en trouve la cause physique dans
le jeu même de l'urgane. Mais deux voyelles dont
les sons se modifient par des mouvements que
l'organe exécute facilement, comme dans Clio,
Datiaé, non-seulement se succèdent sans dureté,
mais avec beaucoup de douceur.
L'hiatus d'une voyelle avec elle-même est tou-
jours dur à l'oreille. 11 vaudrait mieux se donner,
même en prose, la licence que Racine a prise
quand il a dit j'écrivis en Jrgos, que de dire
j'écrivis à Argns. C'est encore pis ([uand l'hiatus
est redoublé, comme dans il alla à Athènes.
Ou voit par là qu'on ne doit ni éviter ni em-
ployer indd'féremment l'hiatus dans la prose. Il
était permis anciennement dans les vers ; on l'en
a banni par une règle, à mon gré, trop générale
HIS
345
et trop sévère. La Fontaine n'en a pas tenu
compte, et je crois ipi'il a eu raison.
Du reste, parmi les écrivains (pii ob.servcnt
cette règle en apparence, il n'y en a pas un qui
ne la viole en effet, toutes les fois que \'e muet
final se trouve entre deux voyelles; car cet e
muet s'élide, et les sons des deux voyelles se suc-
cèdent immédiatement :
Heclor tomba sous lui, Troy' eipiis sous vous....
(Ric, >4ridrom., act. I, se. il, 6.)
Allez donc, et portez cette joi' à mon frère.
(Rac, Britan., act. IV, se. il, 189.)
11 y a peu d'hiatus aussi rudes (jue celui de ces
deux vers, l.a règle qui i)erinet cette élision et
qui défend l'hiatus est donc une règle capri-
cieuse, et aussi peu d'accord avec elle-même
(ju'avec l'oieille, qu'elle prive d'une iiilinilé de
douces liaisons. (Extrait de Marinontel.) Voyez
Bédllement, Demi-hiatus.
HiDKusEMENT. Adv. Il sc mct entre le verbe et
l'adjectif, ou entre l'auxiliaire et le participe : Il
est hideusement laid, elle est hideusement défi-
gurée.
Hideux, Hideuse. Adj. On peut le mettre avant
son subst. , en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme hideux, une femme hideuse. Un
spectacle hideux. Quel hideux .spectacle ! Devant
un infinitif, il régit la préposition à : Une chose
hideuse d voir. Voyez Adjectif.
Hier. Adv. On prononce le r. Cet adverbe
peut se mettre devant ou a|irès le verbe, mais
jamais entre l'auxiliaire et le i)articipe : Hier
710VS allâmes, OU nous allâmes hier ; mais non
pas nous avotis hier été.
Il désigne quelquefois une époque indétermi-
née, mais qui n'est passée «lue depuis peu : C'est
une histoire d'hier, une fortune d'hier, un
homme d'hier.
HiÉRARCHiQCE. Adj. dcs dcux gcurcs. Cet adj.
se met toujoui-s après son subst. : Ordre hiérar-
chique, état hiérarchique, gouvernement hié-
rarchique.
Hiérarchiquement. Adv. Il se met après le
verbe : L'Eglise est gotivernée hiérarchique-
ment.
Hiéroglyphique. Adj. des deux genres. Il ne
se met qu'après son subst. : Caractère hiérogly-
phique, figure hiéroglyphique.
HiSToiiiocRAPiiE. Snbst. m. Titre fort différent
de celui d'hi>lorien. On appelle communément
en France historiographe l'homme de lettres jicn-
sionnç, et, comme on disait autrefois, appointé
pour écrire l'histoire. Alain Chartier fit histo-
riographe de Charles l^Il.
Ilcst trcs-difficiled'assignerauxsciencesetaux
arts, aux travaux littéraires, leurs véritables b'^r-
nes. Peut-être le propre d'un historiographe est
de rassembler les matériaux, et on est historien
quand on les met en œuvre. Le prcimcr peut
tout amasser, le second choisir et arranger. L'his-
toriographe tient plus de l'annalisle simple, et
Miistorien^amXAc avoir un champ plus libre pour
l'éloquence. (Volt., Dict. philos.)
Historique. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'a[)rès son subst. : Style historique, narration
historique, recueil historique, mémoires histori-
ques, faits historiques. — Temps historiques,
personnages historiques.
Historiquement. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe : Il a narré les faits
historiquement, ou il a narré historiqueme-iit les
34G
HOM
faits; Cl non pas H a historiquement narré les
faits.
Hiver. Subsl. m. On appelle iiçiiromenlcl poé-
tiquemenl la vieillesse fhiver des ans, l'hiver de
la vie:
Je sais que tos appa<, encor duis leur priiilemp?,
Pourraient s'elTaroucher de l'hivtr ii me» ana.
(Volt., Mir., act. I, se. m, 15.)
Ho. Interjection. File marque rùtonncmenl et
l'indigniilion : //'>.' que me ditei-nnis là ? — Elle
sert aussi à appeler : Hu ! venez unpni ici.
Hocni-.T. Siihst. m. Ce mol, qui signifie au
propre un ;<iuet d'enfant, s'emploie aussi lisurc-
ment : Les hochets de la vieillesse. Fonlenelle a
dit : // est des hochets pour tout âge.
HoLA. Tnlcrjection, adv. et sul)sl. L'Académie,
enlcdomiant comme subslanlil", (Wlrnettre/e hohi,
et mettre les holà. Féraud dit (pi'cn ce sens il est
subslanlif indécHnaUe. 11 a voulu dire, sans
doute, qu'il ne prend point de s au pluriel.
HoLLA^DE. Dans ce mol, le 7* est aspiré. Ce-
pendant, dans certaines phrases (pii ont jiassé du
îantr.igc du i)cuplc dans le langage commun, ou
ne l'asiiirc pas. Ain.si on dit toile d'Hollande,
fromage d'Holtatide ;msih il vaut mieux conser-
ver partout l'aspiration. L'Académie, au mol Fro-
mage, écrit fromage de Hollande; et au mol
Toile, toile de Hollande, ou d'Hollande ; on ne
sait trop que conclure de ces trois exemples.
Homélie. Subsl. f. L'Académie défuiit ce mol,
discours fait pour expliquer au peuple les matiè-
res de la religion, et particulièrement l'Evan-
gile. On en peut dire à peu près autant des ser-
mons et des prônes.
Ce mot signiflail originairement conférence ou
assemblée ; mais il s'est dit ensuite des cxliorta-
lions et lies sermons qu'on faisait au peuple. Le
mot grec d'homélie signifie discours familier ,
comme le mol latin senno, et l'on nommait ainsi
les discours qui se faisaient dans l'église, pour
montrer (jue ce n'étaient pas des harangues et
des discours d'apparat, comme ceux des orateurs
profanes, mais des entretiens, comme d'un maître
à ses disciples, ou d'un père à ses enfants. On
distinguait Yhomélie du sermon, en ce que la
première se faisait familièrement dans les églises
par les prélats qui interrogeaient le peuple, et
qui en étaient interroges comme dans une confé-
rence ; au lieu que les sermons se faisaient en
chaire, à la manière des orateurs.
H0.MICIDE. Subst. m. <iui se prend adjective-
ment. Ce mot se dit et de l'action de tuer un
homme, el de celui qui a commis celte action :
Commettre uji homicide. On a condamné l'homi-
cide à mort. — Homicide, adjectif, n'est guère
d'usage que dans le style souteiui, el se met tan-
tôt avant, tantôt après son subst. : Uu bras ho-
micide, sa ■main homicide, dessein hoviicide,
complot homicide
J'ii senti tout à coup un homicide acier
Que le traître «n mon sein s plongé tout entier.
(RiC, Ath., act. II, se. V, 54.)
Voyez Adjectif
11 est bon d'observer ici qu'il y a certaines
actions «lui causent la morl d'autrui, que l'on ne
qualifie pas d'homicide, el que l!on ne considère
pas comme un crime. Ainsi les gens de guerre
qui tuent des ennemis dans un combat, ne sont
pas qualifit-s d'homicides, et lorsque l'on exécute
un homme condamné a mort, cela ne s'appelle
HOM
pas un homicide, mais une exécution à mort ; cv
celui qui donne ainsi la mort ne commet point
de crime, parce qu'il le fait en vertu d'une au-
torité légitime.
Homme. Subst. m. On dit pour marquer l'état,
la profession, vn homme de gticrre, un homme
d'éfflise, un homme d'épée, un homme de lettres ;
pour marquer les qualités, un homme do cœur,
■un homme de courage, un homme de bon sens, vu
^07n??ierfej7(iM/. Pour marquer ce qu'un homme est
capal>lo défaire, on dil, sansarticlo, t7 m^/wwtti*'
éi se battre, il est homme à tout (ntnprendre, il
n'est pas homme à endurer un affront.
Gens est souvent le pluriel du mol homme.
Un homme de bieit, des gens de bien ; vn homme
d'éfflise, des gens d'église ; un homme de lettres,
des gens de lettres; vn honnête homme, d'hon-
nêtes gens; vn brave homme, de braves gens ;
un saint homme, de saintes gens, etc.; et non
\iViS d'honnêtes hommes, de braves hommes, de
saints hotnmes, etc. — Voltaire, dans sa 80'
Épîtrc (v. 37j, a dit honnête homme en parlant
d'une femme:
Une femme sensiljle, ei queramour engage,
Quand elle est honnête homme, à mes yeux est' un sage.
C'est-à-dire quavid elle a les qualités d'un hon-
nête homme ; c'est ce que n'aurait pas exprimé
honnête femme.
"S'oliaire fait de ce mot un adjectif, en écrivant
à Maupertuis : Il n'ij a que le roi de Prusse que
je meis de niveau avec vous, parce que c'est de
tous les rois le moins roi et le plus homme.
HoMMAssE. Adj. L'Académie le fait des deux
genres, ce qui est en conlradiclion avec l'expli-
cation qu'elle donne de ce mot. Cet adjectif ne
se dil que d'une femme dont les traits, le son de
la voix, la taille, tiennent plus de l'homme que
de la femme.
HoMosYME. Adj. des deux genres. Terme de
grauunaiic. On appelle ainsi un mot qifi sert à
nommer plusieurs choses diiïérenles, comme
coin, qui signifie un instrument à fendre du bois,
un angle, la uialriLC ou rinslrumont avec quoi
l'on marque la monnaie ou les médailles.
On peut distinguer deux espèces d'homony-
mes, \' homonyme vnivoque, et V homonyme équi-
voque. Un homonyme univoque est un mot qui,
sans aucun chang'craont daiis le matériel, est des-
tiné par l'usage à diverses significations propres,
el dont jiar conséciuent le sens acliicl dépend
toujours des circonstances où il est employé; tel
est le mol coin, dont nous venons de parler. J'ai
dil diverses significations propres, parce qu'on
ne doit i)as regarder un mot comme homojiyme,
quoiqu'il signifie une chose dans le sens propre,
el une autre dans le sens figuré. Ainsi le mot
voix n'est point homonvine, (pioiqu'il ail dans le
sens figuré des significnlioiis différentes de celles
du sens propre. ï)ans le sens propre, il signifie le
son qui sort de la bouche; dans le ligure, il si-
gnifie quelquefois un sentiment intérieur, une
sorte d'inspiration, com'.nc quand on dit la voix
de laconscicnce; el d'autres fois, \m suffrage, un
avis, comme quand on dit qu't7 vaudrait mieux
peser les voi.r que de les compter.
On ai>[)elle homontjmes équivoques, des mots
(jui n'ont entre eux que des différences très-
légères, ou dans la pnmonciaiion ou ilans l'oi^
thographe, ou même dans l'une et dans l'autre,
(|uo1(ju'ils aient des significations tolalcinent dif
. férenles. Par exemple', les mots ceinl, cinctus;
HOM
sain, sanus ; sein, sùms; et seinir, chirogra-
phuiii, ne dilTércnt entre eux que par l'orlhogra-
phc; et les nuits lâche, pensum; et tache, 7iia-
cula, différent entre eux et par la prononciation
et par l'orthographe.
L'usage des homonymes de la première es-
pèce exige tpic, dans la suite d'un raisonnement,
on attache constamment au môme mot le même
sens qu'on lui a d'abord supposé; parce qu'à
coup sur ce qui convient à l'un ne convient pas
à l'autre, par la raison même de leur différence,
et que dans l'une des deux acceptions on avan-
cerait une proposition fausse, qui deviendrait
HOM
347
peut-être ensuite la source d'une inGnité d'er-
reurs.
L'usage des homonymes de la seconde espèce
exige de l'exactitude dans la prononciation et
dans l'orthographe, afm qu'on ne présente pas,
jiar maladresse, un sens louche et même ridicule,
en faisant entendre on voir un mol pour un au-
tre qui en approche. (Bcauzée.)
On a remarqué dans ce que nous venons
de dire, que le mot homonyme se prend subs-
tantivement. Quand il est pris adjectivement, il
suit toujours son substantif.
HOMONYMES QUI ONT UNE SIGNIFICATION DIFFÉRENTE,
SELON qu'ils sont PRONONCÉS LONGS OU BREFS.
Acre, piquant.
Alêne, ou'il de cordonnier.
Avant, préposition.
Bailler, o\ivrir la bouche extraordinairemenl en
respirant.
Bat, selle pour les bêtes de somme.
.B«a«<e, régularité et perfection des traits.
Bete, animal irraisonnable.
Boîte, ustensile à couvercle.
Bond, saut.
Chair, substance molle qui est entre la peau et
les os de l'animal.
Clair, adjectif.
Corps, substancee étendue.
Côte, os plat et courbé qui s'étend de l'épine du
dos n la poitrine.
Cours, lieu de promenade.
Craint (il), du verbe craindre.
Cuîre, verbe.
Dégoûte (il), il ôte le goût, l'appétit,
Dôni, adjectif conjonclif.
Faite, sommet.
Foret , grande étendue de terrain couvert de
bois.
Fûmes (nous), du verbe être.
Govte (il), du verbe ^OM^er.
Grave, adjectif.
Haie, air chaud et sec qui flétrit le teint des
herbes.
Hôte, qui lient une hôtellerie.
Jah<!, substance d'un noir luisant.
Jeûne, abstinence.
Z-aïi, jeune baliveau.
Laisse (je), du verbe laisser.
Legs, don fait par testament.
MaUre, substantif.
Mâle, (pii est du sexe masculin.
^h'itin, chien.
Moi.v, douzième partie de l'année.
Mint, montacne.
Mùr, adjectif.
Nait (il), du verbe naître.
Pâte, farine détrempée et pétrie.
Paume, jeu. — Le dedans de la main.
Pécher, prendre du poisson.
Pêne, morceau de fer qui ferme une serrure.
Rôt, mets.
Scis, tissu de crin qui sert à passer de la fari
ne, etc.
Acre de terre.
Haleine, air attiré et repoussé par les poumons.
Avënt, les quatre semaines avant Noël.
Bailler, donner.
Bût ''il), du verbe battre.
Botté, qui a mis des bottes.
Bette, herbe potagère.
Bcùte (il), du verbe boite.
Bon, adjectif.
Cher, adjectif.
Clerc, celui qui travaille chez un notaire ou un
procureur.
Cor., durillon aux pieds. — Instrument.
Cote, marque numérale.
Cour, espace découvert enferme de murs.
Crin, poil long et rude.
Cutr, peau d'animal.
Dégoutte (il), il tombe goutte à goutte.
Don, présent.
Faîte, participe féminin du verbe faire.
Forêt, petit instrument qui sert à percer.
Fume (je), du verbe fumer.
Goutte, petite partie d'un liquide.
Grave (il), du \erhe graver.
I Halle, lieu qui sert de marché.
Hôite, panier que l'on porte sur le dos.
Jet, action de jeter.
Jeune, j)eu avancé en âge.
Lai, laïc, frère lai.
Laisse, cordon pour mener des lévriers.
Laid, adjectif.
Laît, liqueur blanche que donnent les femelles
de cerlains animaux.
Mettre, verbe.
Molle, espèce de coffre.
Mâtin, premières heures du jour.
Mot, pronom personnel.
Mon, adjectif possessif.
Mur, muraille.
Nit, adjectif.
Patte, pied des animaux.
Pomme, fruit.
Pêcher, transgresser la loi divine
Peine, affliction, souffrance.
Rot, vent qui s'échappe avec bruit de l'estomac.
Ça, adverbe.
ia, adjectif possessif.
548
IION
HON
Saut, action de saulcr.
Saint, pur, souverainemei.t parrail.
I Sôt, slupide, grossier.
/ Ceait, |turticipe passé du verbe ceindre.
I SeUi, partie du corps liumain.
( Seing, signature.
J Sehte, rivière,
j Tache, souillure.
Sci'ne, lieu où se passe uns action.
Ci'/ie, dernier souper de Jésus-Christ
Tâche, ouvrage donné à faire en un temps li
mité.
rr^.,^parlie de ranimai, siège des organes des j ^.^^^ ^.^^^ ^^ ^,^,.^^ ^^^^^
Tris, adverbe.
f'''a}ne, féminin de l'adjectif vain.
Fer, insecte long et rampant.
filtres, suiistanlif.
f oJx, son qui sort de la bouche de l'homme.
Trait, dard. — Ligne au crayon ou à la plume
freine, vaisseau (jui contient le sang.
P'rrt, la couleur verte.
Vivre, verbe.
Voit (il), du verbe voir.
Nous avons retranché de cette liste, donnée par plusieurs grammairiens, les mots plaine, plate
campagne, et pleine, féminin de l'adjcctif/j/ff/i, dont on veut que le premier soit long, et le second
bref; parce «jue nous pensons qu'ils sont brefs l'un et l'autre. Il en est de même de voler, déro-
ber, et voler comme les oiseaux. Nous pensons que l'on prononce voler dans l'un et dans l'autre
sens.
Hongrie. Subsl. f. Nom d'un royaume. Le 7t
s'aspire, excei)té dans quelques phrases qui ont
passé du langage du peuple dans le langage com-
imm. Ainsi l'on dit du peint d'Hongrie, de l'eau
de la reine d'Hongrie. 11 est mieux de conserver
partout l'aspiration.
Ho^(;p,ols, HoNcr.oisE. Subst. qui se prend ad-
jectivement. Qui est de Hongrie. Quand il est
pris adjeclivemont il suit toujours son subst. :
Le peuple hongrois, des soldats hongrois.
Honnête. Adj. des deux genres. 11 se met tan-
tôt avant son subst,, tantôt après. En pailant des
choses, on dit umour honnête, honiiète amitié,
honnête éyniilation, -conduite honnête, action hon-
nête, âme honnête, récompense honnête, honnête
récompense; famille honnête, honnête famille ;
air honnête, manières honnêtes. — En parlant
des personnes, /jo/iwè/e homme,homme honnête, ne
signifient i)as la niême chose; le premier désigne
un homme (pli a de la probité, ou simplement qui
a un rang, de la fortune, et qui jouit de l'estime
publique; par le second on entend un homme
poli qui observe toutes les bienséances et tous
les usages de la société. Le pluriel d'honnête
homme est honnêtes gens, et non pas honnêtes
hommes. — On appelle honnête femme une femme
qui n'a point d'amants, quelques défauts ([u'elle
puisse avoir d'ailleurs. C'est un abus du mot.
Un autre abus, c'est qu'on d'jnne le nom é'ho7i-
nêtes aux manières, aux attentions d'un homme
jioli. L'estime que mèrilent ces petites vertus est
si peu de chose, en comparaison de celle que
mérite un honnête homme, qu'il semble que ces
abus d'un mol ijui exprime une si respectaLile
idée, prouvent les progrès de la corruption.
HoNNÊTf.MENT. Adv.'llsc uict quclquefois cutrc
l'auxiliaire et le parlici[)e: Vivre honnêtement;
on l'a traité honnêtement, on l'a honnêtement
traité; il est honnêtement meublé.
Honnêteté. Subst. f. Quand il signilie la qua-
lité d'un honnête homme, il ne prend point de
pluriel : Lhimnêlclé de ces deux ^ frères m'est
connue ; je réponds de leur honnêteté. — Hon-
nêteté jirend un pluriel (piand il se dit des ma-
nières, des procédés d'iui houniic honnête, c'est-
à-dire d'un homme civil, poli, obligeant : H ne
lui a pas fuit une honnêteté, il m'a fuit mille
honnêtetés.
Honneur. Subsl. m. Ce mot est pris dans un
grand nombre d'acceptions, que l'Académie sem-
ble avoir quelquefois o^nfoudues.
L'honneur se dit du sentiment de l'estime de
nous-mêmes, et du droit que nous avons à celle
des autres, en conséquence de notre droiture et
de notre probité. C'est dans ce sens qu'on dit un
homme d'honneur, un homme sans honneur; il
aime l'honneur ; il mourrait plutôt que de faire
une mauvaise action. En ce sens, le mot hon-
neur n'a point de pluriel.
L'honneur se dit aussi delà bonne opinion que
les autres ont de notre droiture, de notre probité,
de notre courage. En ce sens, on peut aroir de
l'honneur sans élrc un homme d'honneur, cl être
vn homme d'honneur sans avoir de l'honneur; car
d'un côté l'hypocrisie usurpe souvent ce qui n'est
dû qu'au vrai mérite, et la calomnie se plait à
répandre son venin sur les vertus les plus pures.
On dit, en ce sens, acquérir de l'honneur ; atta-
quer, blesser, flétrir, déchirer l'honiieur de quel-
qu'un; faire réparation d'honneur à quelqu'un;
se tirer, sortir d'une a/faire avec honneur. En
ce sens, hotmeurna point de pluriel.
Honneur èe dit des démonstrations de respect,
des marques de civilité, de politesse. C'est ainsi
qu'on dit rendre honneur à Dieu; faire des
honneurs, de grands honneurs à quelqu'un ; on
l'a reçu avec de grands honneurs ; faire les
honneurs d'une ynaison, d'un repas, d'une fête;
rendre les honneurs funèbres.
On appelle honneurs au plurielles dignités, les
décorations, les marciucs de distinction que le
souverain accorde ou distribue à ceux qu'il en
croit dignes, ou qu'il lui plaît de favoriser. Dans
les états monarchit]ues, il y a des honneurs pour
diverses classes de la société. On dit en ce sens
aspirer aux honneurs, cire élevé aux honneurs,
être décoré d'une marque d'honneur. — On dit
aussi proverbialement, les honneurs changent les
mœurs.
11 y a des conseillers d'honneur, des marguil-
liers d'honneur, et même des membres d'hon-
neur dans les académies, c'est-à-dire des con-
seillers, des raarguillicrs, des académiciens qui,
n'ayant pas les qualités ou les talents nécessaires
pour renq)lir les fonctions de ces places, y sont
appelés sous |)rètexte d'un hommage rendu à
leur naissance, à leur dignité, à leurs richesses,
à la faveur dont ils jouissent auprès du i)rince ,
mais en effet pour se procurer de la protection
ou d'autres avantages.
Faire honneur, procurer delà gloire, de la ré-
putation. Un homme de génie fait honneur à ta
HON
patrie, à sa nation, à son pays. Un bon o'jvrage
fait honneur « son auteur.
Du reste, le mol honneur est souvent prodi-
gué à tort el à travers dans les formules de la
civilité. On a l'honneur de vous voir, de vous
parler, de vous entcnd'T, de vous rencontrer,
de fous offrir quchiue chose. 11 faut se soumettre
a ces formules ridic\ilcs ; car il y a des gens qui
ne vous pardonneraient pas si vous n'aviez que
le plaisir do les voir ; ils veulent absolument que
ce soit pour vous un honneur.
Honorable. Adj. des deux genres. Cet adj.
peut se mettre avant son subst., en consultant l'o-
reille et l'analogie : Poste honorable ; profession,
condition, emploi honorable ; des blessures ho-
nnrulh's, d'honorables blessures. — On appelle
amende honorable un acte par leiiuel un criminel
m., en chemise, demande publiquement pardon à
Dieu, au roi et à la justice, en exécution du ju-
gement qui l'a condaumé. 11 n'y a rien de si dés-
honorant que celle amende honorable, et il faut
convenir qu'ici l'usaçc a bien abusé du terme.
HoKORADLE.MENT. Adv. 11 pcut sc mettre entre
l'auxiliaire et le participe .• Il a été reçu honora-
blement, il a été honorablement reçu, on Va
traité honorablement, on l'a honorable ment traité.
Honoraire. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subsl. : Conseiller honoraire, tuteur
honoraire.
Honte. Subsl. f. Ce mot n'a point de pluriel;
il paraît qu'autrefois on lui en donnait un. La
Bruyère a dit : La plus brillante fortune ne mé-
rite point ni It: tourment que je me donne, ni les
huviiliations, ni les hontes que j'essuie.
Corneille a dit aussi [Pomp., acl.V, se. m, 41) :
Pour résenrer sa têle aux honte$ d'un supplice.
Cependant on trouve dans certaines éditions,
à l'affront d'un supplice. Enfin il a dit dans Ro-
dogune (act. IV, se. m, 51) :
.... Vous avez dû garder le souvenir
Deê hontes que pour vous j'avais su prévenir.
Voltaire dit au sujet de ce dernier vers : La
honte n'a point de pluriel, du moins dans le style
noble. — Ainsi il ne le condamne pas expressément
dans le langage ordinaire.
On dit avoir honte de faire quelque chose, et
avoir honte de quelque chose Féraud prétend
qu'avec le verbe avoir, honte se dit toujours sans
la préposition de, même quand la phrase est né-
gative. 11 re|)roche à Fénelon d'avoir dit . N'ayez
point de honte à attribuer à leurs instructions
ce que vous ferez de meilleur ; et à l'Académie
d'avoir donné pour exemple : Naves-vous point
de honte. Il nous semble que Féraud est ici dans
l'erreur. La honte est im sentiment susceptible
de plus ou de moins. Quand on dit je n'ai pas
honte d'avoir dit cela, honte est j)ris dans un
sens général el indéterminé. Mais dans je n'ai
point de honte d'avoir fait cela, hotite est consi-
déré comme suscci)lible de plus ou de moins, il
est [Mis dans un sons partitif; c'est comme si l'on
disiiii je n'ai pas le moindre sonlimenl de honte;
et il y a une nuance entre ces deux manières de
s'exprimer. On dira, aans un sens général el in-
déterminé, il ne faut pas avoir honte de foire
une bonne action, et non pas i^ ne faut point
avoir de honte, etc. Mais si un homme a commis
une acticn de nature à produire la honte la plus
grande dans une âme tant soit peu honnête, je
UON
349
lui dirai : N'avez-vous point de honte d'avoir fait
une telle action? c'est-a-dirc celte action si pro-
pre à exciter dans toute âme hoimête la honte la
plus grande, n'a-1-elle pas produit dans la vôtre
le plus léger sentiment de honte? 11 n'y a donc
rien à reprendre, ni à la phrase de Fénelon, ni à
celle de l'Académie.
Une autre faute que Féraud reproche à Fé-
nelon dans la même phrase, c'est d'avoir dit
n'ayez point de honte d attribuer, de. 11 paraît,
dit-il, que Fénelon a confondu dans cette occa-
sion le verbe aroi;- actif, avec avoir impersonnel.
On dit il y a de la honte à être méchant, il n'y a
pas de honte à être pauvre ; mais on dit il y a
honte d'être pauvre, il n'a pas honte d'être pau-
vre.— ki les erreurs de Féraud se multiplient.
On ne dit pasi.' y a de la honte à être méchant,
il n'y a pas de honte à être pauvre ; mais il y a
de la honte d'être méchant, il- n'y a pas de honte
d'être pauvre. La phrase de La Bruyère, que cite
lui-même Féraud, en est une preuve suffisante :
Quelle plus grande honte y al-il, d'être refusé
d'un poste que l'on mérite, ou d'y être placé saîis
le mériter? (De la Cour. ch. Vlll.) Dans ces
sorlesde phrases, soil que le verbe avoir soitaclif
ou impersonnel, on emploie à ou de, selon (|ue le
verbe suivant exprimé uneactionou un état : Il a
honte à mentir, il a honte d'avoir menti. Il y a de
la honte iivo\cr;il y a de la honte d'être un voleur.
Quand je dis selon que le verbe exprime une action.
il ne faut pas entendre par là une action que l'on
fait actuellement ; car une action que l'on fait ac-
tuellement peulêireconsidéréc comme unétat, re-
lativement a celui qui la fait. Si unhommeesl sur
le point de commettre un mensonge, el qu'il rou-
gisse de honte avant de le prononcer, il a honte
à mentir ; s'il rougit en le prononçant, il a honte
de mentir. Quand Fénelon dit n'ayez point de
honte à attribuer à letirs instructions ce que
vous ferez de meilleur, attribuer n'exprime pas
une action que l'on fait actuellement, mais une
action que l'on doit faire. dans la suite; et voilà
potu'quoi il emjjloie la préposition à. 11 aurait
dil, dans le cas contraire, pourquoi avez-vous
honte d'attribuer à leurs instructions ce que vous
avez fait de 7nei!lcur? Certainement, en em-
ployant la préposition à, Fénelon a eu l'intention
d'exprimer la nuance dont nous parlons, car
l'hiatus que l'orment les deux mots à attribuer
est tro|< sensible pour qu'il ne l'eût pas évité en
employant la construction conununo, s'il l'avait
crue exacte. Si l'on rejetait cette manière de par-
ler, autorisée par cet e.xempie de Fénelon, je de-
manderais s'il existe véritablement une nuance
entre les deux locutions. On ne pourrait le nier,
caria honte que l'on éprouve a la vue d'une ac-
tion que l'on est sur le point de faire est diffé-
rente de celle que l'on éprouve eu la faisant ou
après l'avoir faite. Alors je demanderais s'il y a
dansla langue une autre manière d'exprimer celte
nuance; et si Ton convenait «lu'il n'y en a point,
j'insisterais, d aprèf l'exemple d'un de nos i)lus
illustres écrivains, sur la nécessité de celle que
je viens d'indiquer.
" La Fontaine a dit dans la fable des Deux Anus
(liv. VIII, fableXI,24):
Qu'un ami véritalile est une dnuce chose!
Il clierclievos besoins au fond de voire cœur;
Il TOUS épargne la pudtur
De les lui découvrir vous-même.
Le mot d&pudeur, dit Voltaire, n'est pas pro-
pre ici. On ne peut dhe j'ai la pudeur de parler
530
eoR
devant tous, au lieu de ilïrcj'ai honte de parler
devant vous.
HOMECSEMEAT. Adv. On peut le mcllre cnlre
l'auxiliaire et le parlicipo : H a fui honteusement,
il a été chassé honteusement, ou il a été hon-
teusement chassé.
HoMTEDx, Ho^TECSE. Adj. Oh pcut le meure
avant son subsl., lorsque ranalogie cl rharmonu;
le permettent : Une conduite honteuse, celte hon-
teuse conduite ; un procédé honteux, ce ho nteruv
procédé, une fuite honteuse, vne honteuse fuite ;
un crime honteux, un homme honteux, et non
pas un honteux crime, un honteux homme :
Fier du fcontcux honneur d'avoir su l'éviter.
(BoiL., J. 7>.. IV, 218.1
Il régit quelquefois la préposition de : Il est
honteux de sa faute. On dit aussi être honteux
devant quelqu'un, en présence de quelqu'un.
Horaire. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Mouvement horaire.
IIouDE. Subst. f. Voltaire, dit La Harpe, fit en-
tendre pour la première fois, dans / Orphelin de
la Chine (acl. I, se. ii, 10), un mot peu usité jus-
qu'alors, et (jui a fait depuis une grande fortune:
c'est celui «.le horde, affecté originairement aux
tribus errantes des Tariarcs. Ce mot était parfai-
temeut à sa place dans V Orphelin, et peut s'appli-
quer aussi à toute peuplade guerrière ou uouiuwc.
On en a fait depuis un abus ridicule en le niel-
lant partout, même dans le langage familier, à la
place de tourbe, qui serait le mut convenable.
C'est ainsi que la multitude ignorante confond et
dégrade les expressions réservées pour le style
noble, qui en devient tous les jours plusdifticile.
[Cours de littérature.')
Horizontal, Horizontale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Ligne horizontale, plan
horizontal, cadran horizontal.
Horizontalement. Adv. Il ne se met pas cnlre
l'auxiliaire et le participe : Un cadran placé ho-
rizontalement.
Horoscope. Subst. m. L'Académie, dans les
premières éditions de son Dictionnaire, a fait ce
mot féminin. Richelet et Trévoux le font mas-
culin et féminin ; Ménage ne le veut (jue mascu-
lin, et Wailly lui donne aussi les deux genres.
Les variations de l'Académie ont produit cette
incertitude. Enfin l'Académie, dans ses dernières
éditions, s'est fixée au genre masculin, ei aujuur-
d'hui on lui donne généralement ce genre.
Horreur. Subst. f. On prononce les deux r :
Avoir horreur de quelque chose, avoir do i'hor-
reur pour quelque chose. — On dit une sainte
horreur, une divine horreur, pour dire un sai-
sissement mêlé de crainte et de respect :
Le ciel brille déclairs, s'enlr'ouTre, et parmi nous
Jette une tainte horreur qui nous rassure tous.
(Rac, Iphij., act. T, se. VI, 64.]
D'une divi*ehorrmr son âme est pénétrée.
;VOLT., Henr., VI, 551.)
Horreur c^i une expression dont on abuse sou-
vent dans la conversation. Les femmes surtout
disent d'une chose tant soil peu difforme, qu'elle
fait horreur, qu'eiZe est à faire horreur. Je suis
toiffée à faire horreur. Ces sortes d'exagérations
sont ridicules.
J'ai pris dans l'horreur même où je suis parvenue
Une force nouvelle, etc.
(YoLT., Or^iheUn de la Chine, act. V, se. i, 51.)
HOR
La Harpe dit au sujet de ce vers : Les exemples
de ces abus du mut horreur sont sans nombre
dans Voltaire. Quelles phrases que celles-ci:
Prendre une force dans l'horreur, et parvenir
dune horreur ! [Cours de littérature.)
Horrible. Adj. des deux genres. 11 se met
souvent avant son sul)st., I(jrs(iue rharmonieet
l'analogie le permettent: Une cruauté horrible,
vne horrible cruauté; une méchunceté horrible,
une horrible méchanceté ; une laideur horrible,
vne horrible laideur ; une dépense horrible , une
horrible dépense; une faute horrible, vite horri-
ble faute, etc. On dit il est horrible de voir... et
c'est vne chose horrible à voir. "N'oyez Adjectif.
Horriblement. .\dv. On jieut lé meure entre
l'auxiliaire et le participe: // avait souffert hor-
riblement, ou il avait horriblement souffert. On
le met entre le verbe être et le participe ou l'ad-
jectif: Nous étions horriblement pressés, et non
pas nous étions pressés horriblement. Elle ett
horrible me 71 1 laide.
Hors. Préposition. La préposition feorj servant
à marquer exclusion régit de : Tous les viaux
sont depuis longtemps hors de la boite de Pan-
dore ; mais l'espérance est encore dedans. (Mar-
montel.) — Cette préposition, employée dans le
même sens devant un verbe al'infinilif, légitaussi
de : Hors de le battre, il ne pouvait pas le trai-
ter plus mal. (Acad.) Devant les autres modes
des verbes, on fait usage d'c la conjonciion q7ie :
Illuia fait toutes sortes de mauvais traitements,
hors.qu'il ne l'a pas battu. (Acad.) Peut-être se-
rait-il mieux de dire ici, hors de le battre.
Mais du moins votre esprit est hors de ses alarmes.
(CoBN., Pol., act. II, se. III, 2.)
Voltaire a dit au sujet de ce vers; On dit hors
d'alarmes, hors de crainte, hors de danger; mais
non Iwrs de ses alarmes, de .va crainte, de sim
danger, parce qu'on n'est pas hors de (j[uelque
chose qu'on a : // est hors de mesure, mais non
pas hors de sa mesure. Ce mot hors, bien em-
ployé, peut devenir noble :
Mais le cœur J'Émilie est hors de son pouvoir.
(Corn., Cin., act. UT, se. iv, 58.)
Il nous semble que Voltaire s'est trompé quand
il a dit qu'on n'est pas hors de quelque chose
rjji'on a; car on dit être /jor.î de sa maison, être
hors de son bon scîis. Ce n'est pas jiar cette rai-
son que l'expression de Corneille est r(>[)réhensi-
blc, mais par une raisou toute contraire. On ne
(lit pa? être hors de sa crainte, parce ipi'on ne
l)eut pas être hors de la crainle d'un autre; il
faut donc supprimer l'adjeclif possessif (pii est in-
utile, et dire hors de crainte. .Mais ijue l'on dise
hors de crainte, OU hors de .m crainte, cela signi-
fie toujours hors de la crainte qu'on a ou qu'on
avait. On ne peut pas dire être hors de maison,
pour dire être hors de sa viaison, jiai'ce qu'on
jieut être hors de la maison d'un autre. De même
on dit être hors de son bon sens, parce qu'on
peut être hors du bon sens général. Cette propo-
sition est hors du bon sens; cet Ivimuie est hors
de.S'U bon .icns. — On objectera qu'on ne peut
pas «lire sa crainte, de la crainle (lu'une personne
a eue, et qu'elle n'a plus. L'adjectif possessif
son, .sa, ses, peut très-bien se dire, et se dit en
effet des choses rpie l'on a eues, et que l'on n'a
plus. On dit 5<?* craintes, ses inquiétudes se sont
dissipées, sa douleur a cessé, etc.
Hors-d'oeuvre. Subsi. m. On écrit au plurirf
HOU
des hors-d'œurre ; il se dit de certains pclils plats
que l'on sert pour accompagner les potages , et
qui ne font point partie de rarrangeinent gênerai
de l'œuvre, c'cst-à-dirc de Vœuvrc du repas : or,
quel que soit le nombre de ces plats, ils seront
toujours hors de l'œuvrn, et non pas hors des œu-
vres. (Euvre ne doit donc point prendre de s au
pluriel dans ce mot composé.
Hospice. Sui)si. ni. Ce mot se dit aujourd'hui
de certaines maisons de cliarilo où l'on nourrit
et entrelient des indigents ou des gens hors d'état
de gagner leur vie à cause de leur àïe ou de lotus
infirmités. On distingue Xff^hospiccs deshôpitaux;
ceux-ci sont [)arliculièremcnt destinés à la guéri-
son des malades. Bicêtre est un hospice; l'Hùlcl-
Dieti est un hôpital.
Hosi'iT.iLiER, Hospitalière. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Peuple hospitalier, nation
hospitalière.
Hostie. Subst. f. Victime.
De tous les corabattants a-l-il fait des hosties î
(Coui*., Bor., act. III, se. ii, 4.)
Voltaire dit au sujet de ce vers : Hostie ne se dit
plus, et c'est dommage; il ne reste plus que le
mol de victime. {Remarques sur Corneille .)
Hostile. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille cl
l'analogie : Une action hostile, une entreprise
hostile, un projet hostile, ces hostiles projets.
Hostilemf.nt. Adv. 1! ne se met poinl entre
l'auxiliaire et le participe: Hélait entré hostile-
ment stir les terres de ce prince, et non pas il
était hostilement entré, etc.
Hôtel. Subsl. m. Les bourgeois, dit Beauzée,
occupent des maisons; les grands à la ville occu-
pent des hôtels ; les rois, les princes, les évoques
y ont des palais; les seigneurs ont des châteaux
dans leurs terres.
Hôtel-Dieu. Subst. m. Il fait au pluriel des
hôtels-Dieu. A'oyez Composé.
Hôtellerie. Subst. f. Féraud avertit avec rai-
son que ce mot est vieux, et qu'il ne se dit plus
guère que dans les occasions où auberge serait
un terme trop bas. Dans le langage ordinaire, on
dit auberge.
Hodrvari. Subst. m. L'Académie dit que le
h s'aspire, et «lue c'est un terme dont les chas-
seurs se servent pour faire revenir les chiens sur
leurs premières voies, (juand ils sont tumbés en
défaut. Si l'on ne veut pas aspirer la premiéie
lettre de ce mot, on trouvera dans le même Dic-
tionnairs de l'Académie, ce mot écrit û((rr«;-<.
L'Académie dit que hourvari ou ourvari se di-
sent ligurémcnt et familièrement pour dire un
grand bruit, un grand tumulte : Il y a eu là un
étrange hourvari.
On a déjà reproché à l'Académie d'avoir con-
fondu ici hourvari et boulevari. Le second est
un terme de marine, et c'est celui qu'on emploie
figurémcnt pour signifier un grand bruit, un grand
tumulte. — Du reste, nous croyons qxx'ourvari
n'est pas français; c'est houi-vari qu'il faut dire.
Féraud est sans doute du même avis, car il n'a
point mis ourvari. Le h de hourvari doit être as-
piré.
HocsARD. Subst. m. L'Académie dit houssard,
housard ou hussard. On prononce communément
housard. Le housard est proprement, selon l'Aca-
démie, un cavalier hongrois; et on donne aujour-
d'hui ce nom aux soldais d'une sorte de milice à
cheval qui a une manière particulière de com-
HUM
35i
battre, et dont on se sert ordinairement pour en-
voyer en parti ou à la découverte.— //ousari est
un mot de notre langue qui vient du vieux mol
houses, qui signifiait guêtres, bottes, brodei|uins,
bottines qui se ferniaicnt avec des boucles et des
courroies, parce qu'elles étaient fendues d'ui?
bout à l'autre. Ainsi un housard se disait autre-
fois d'un cavalier chaussé de houses. rrubal)ie-
ment le mot houses vient de l'allemand hosen, qui
signifie culotte, pantalon.
Hcgcenot. Subst. m. Hdguenotte. Subst. f.
De l'ailcmaiid cidjcnoss, lié par serment. Les
calvinistes suisses ayant pris, dans leurs disputf.-s
contre les catholiques, le nom de cidgenoss, ce
nom, (jue les Français prononçaient huguenots,
leur fut donné en France par sobriquet, et lesca-
tholi(iucs de ce temps y attachéreiit une note
d'infamie. Ce mot, qui est une injure, n'est plus
employé aujourd hui hors de l'histoire que par
quekjues fanatiques. H en est de même du mot
huguenotisme.
Huit. Adjectif numéral invariable.Le t final se
prononce quand ce mot est seul, le huit. Devant
un mot qui commence par une consonne, il ne se
prononce i)as; on prononce hui chevaux; il se
prononce devant un mot qui commence par une
voyelle; hui-técus.
Humain, Hcdaine. Adj. Dans le sens de, qui
concerne l'homme, qui appartient à l'homme, on
peut le mettre avant .son subst. : La f-.die hu-
maine, l'humaine folie; les vertus humaines, les
humaines vertus; V industrie humaine, l'humaine
industrie. Le genre humain^ le corps humain,
l'esprit humain, l'entendement humain, la na-
ture humaine, la voix humaine. — Dans le sens
de sensible, il ne se met qu'après le subst. : Un
homme humain, un prince humain, un vainqueur
humain. Voyez Adjectif,
Humainement. Adv. H ne se met poinl entre
l'auxiliaire et le participe: Il l'a traité humaine-
ment, et non pas il l'a humainement truite.
Htjmamté. Subst. f. L'Académie l'explique par,
bonté, sensibilité, compassion pour les malheurs
d'autrui. Cette explication rend faiblement la si-
gnification de ce mot. l'humanité est un senti-
ment artif de bienveillance pom- tous les hommes.
Il ne s'enflamme guère (jue «lans une àmc grande
et sensible. Ce noble et sensible enthousiasme
se tourmente des peines des autres cl du besoin
de les soulager. Il nous cache les fautes de nos
semblables, ou nous empêche de les sentir; mais
il nous rend sévères pi lur les crimes. Il arrache
des mains du scélérat l'arme qui serait funeste à
l'honune de bien. Il ne nous porte pas à nous dé-
gager des chaînes particulières; il nous rend au
contraire meilleurs amis, meilleurs citoyens,
meilleurs époux. II se plait à s'épancher par ia
bienfaisance sur les êtres que la nature a placés
près de nous.
On appelle /n/TwawzVes, au pluriel, les lettres hu-
maines, c'est-à-dire l'élude de la grammaire, du
grec et du latin, de la poésie, de la rhétorique,
et des anciens jwëtes, orateurs, historiens; en un
mol, tout ce qu'on a coutume d'enseigner dans les
collèges. On dit d'un jeune homme qui s'est dis-
tingué dans toutes ses classes, qn'il a fort bien
fait ses humanités. On croit qu'on a nommé les
belles lettres humanités, parce que leur but est
de répandre des grâces dans l'esprit et de la dou-
ceur tbns les mœurs, et par- là d'humaniser ceux
qui les cultivent.
Humble. Adj. des deux genres. En prose, lors-
qu'il se dit des personnes, il suit ordinairement
352
HUM
son subst. : Un homme humble, une femme hurn-
lle, une âme humble. Dclille a dil en iwésie,
Vhumble laboureur.— LoTi,i\n'\\ se dit des cliuscs,
il |)iccéJc souvent son subst. : Une hum/dr priè-
re, une humble siippHcution, faire de tres-hum-
bles remontrances , rendre de très - humbles
grâces.
Heureux qui, salisfail de son humble furluse.
l^IUc, Iphig., ad. I, se. i, 10.)
Dans le sens de bas, peu élevé de terre, il pré-
cède son subst. : Les humbles fougères ; les super-
bes palais et les humbles cabanes.
Ce mot se prend aussi substantivement : Dieu
résiste aux superbes, et donne sa grâce aux
humbles. A'oyez Humilité.
Humblement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il s'est soumis hum-
blement à tout ce qu'on a exigé de lui, ou il s'est
humblement sovmis, CtC.
Hlmecta.nt, Humecunte. Adj. verlial tiré du
V. humecter. Il ne se met qu'après son subst. :
Boisson humectante.
Humer. Y. a. de lal" conj. Mercier a dit :
On lui conseilla d'aller humer l'air de la cam-
pagne ; et il ajoute, humer ne vaut-il pus mieux
en ce sens que prendre? — Je ne le pense pas ; il
n'y a aucune analogie entre humer du vin de
Cbampagne, et humer l'air; et celte dernière ex-
pression'a quelque chose de bas, quand on la
compare avec la première. D'ailleurs nous avons
aussi respirer V air de la campagne , qui est l'ex-
pression la plus naturelle. Quand on i\\i prendre
l'air, on regarde cette action relativement à la
santé ; on prend l'air de la campagne, comme on
prend les eaux pour se guérir. — Dans la dernière
édition de son Dictionnaire, l'Académie dit humer
l'air, le vent, le brouillard, etc., dans le sens de
s'exposer à l'air, au vent, au brouillard, etc.
Hdmércs. Subst. m. On prononce le s.
HcMECK. Subst. f. Le père Bouhours remarque
qu'on ne doit pas dire indifféreunncnt être d'hu-
meur et être en humeur; le premier, dit-il, mar-
que en quelque sorte l'inclination, la constitu-
tion; le second ne marque qu'une disposition
présente et passagère. Etre d'humeur régit la
préposition à; être en humeur n-git la préposition
de : Il est d'humeur à tout souffrir, il est en hu-
meur de rire. La première parue de cette règle
D'est pas bien exacte, car on dit souvent être d'hu-
meur de, pour maniucr une disposition passa-
gère: Je ne suis pus d'humeur devons écouler.
On appelle bonne humeur une espèce d'épa-
nouissement de l'àme contente, i)roduil par le bon
état du corps et de l'esprit. Cette heureuse dis-
jK>silion a ijuelque chose de i)lus calme que la
joie: c'est une sorte de gaieté plus douce, plus
égolc-, plus uniforme et plus constante.
Humide. Adj. des deux genres. En prose, il .se
met ordin;iirement après son subst.; mais en
vers, il le i)récéde souvent : Un air humide, un
temps humide, un lieu humide, une chambre hu-
mide.— L'humide élément, les humides plaines,
Phumide sein de l'onde. Voyez Adjectif.
Humidemem. Adv. 11 se met après le verbe: //
ast logé humidement.
Humilu>t, Humiliante. Adj. verbal tiré du v.
humilier. H se met <iuelquefofs avant sou subst. :
Des reproches humiliants, d'humiliants repro-
ches.
Humilité. Subst. f C'est une sorte de timidité
«alurellc ou acquise, qui nous détermine souvent
ttïD
à accorder aux antres une préémift^nce que nous
méritons. Elle naît d'une réllexion habiiuelle sur
la faiblesse humaine, sur les fautes qu'on a com-
mises, sur celles qu'on peut couunetlre, sur la
médiocrité des talents qu'on a, sur la supériorité
des talents qu'un rccunnail à d'aulre>, sur l'im-
portance des devuirs de tel ou tel emploi qu'on
{wurrait solliciter , mais dont on s'éloigne par
la comparaison qu'on fait de ses faculiés person-
nelles avec les fonctions qu'on aurait à rem-
plir, etc. L'orgueil est l'oppusé de l'humilité. Se
déprimer soi-même i)our plaire à celui (|u'on mé-
prise et qu'on veut flatier, ce n'est pas humilité,
c'est fiiusscté, c'est bassesse. 11 y a de la diffé-
rence entre l'humilité et la modestie. Celui qui
est humble ne s'estime pas ce qu'il vaut; celui
qui est modeste peut connaître toute sa valeur,
mais il s'apidique a la dérober aux autres, il craint
de les humilier. L'iiomme médiocre qui se l'a-
voue franchement, n'est ni humble ni modeslo;
il est juste et n'est pas sans courage.
Hure. Subst. f. \'oyez Parties des animaux.
Hurhaut. Mot dont se servent les charretiers
pour faire tourner leschev;iuià droite.
Hurlement, Hurler. Le subst. hurlement est
souvent appliqué aux hommes dans l'Écriture
sainte :
Des enfantj de Lévi la troupe c nsiernée
Eu poussa vers le ciel des hurlementi alTreux.
(Rac, Ath., act. III, se. m, 99.)
Hurluberlu. Expression populaire qui signifie
brusquement, iiiconsidérémenl : Il est entré tout
hurluberlu, sans dire gare. (.Jueliiuefois ce mot
s'emploie adjectivement, cl même substantive-
ment. Dans ce cas, il signifie brusque, étourdi :
C'est un homme hurluberlu, c'est un hurluberlu.
Le peuple dil hustuberlu. — Dans la dernière édi-
tion de son Dictioimaire, l'Académie ne donne
aucun exemple où ce mot paraisse employé d'une
manière adverbiale ; elle dit seulement: c'est un
hurluberlu, agir en hurluberlu.
Hydraulique. Adj. des deux genres. Il ne se
met (]u'après son subst. : Science hydraulique,
machine hydraulique.
Hydre. Quoique ce mot soit indiqué féminin
dans tous les dictionnaires, quehjues auteurs
l'ont fait masculin. Voltaire a dit [Pucelk, XV,
Jo4):
De l'hydre affreux les lêtes menaçantes,
Tombant à terre et toujours renaissantes,
N'elTrayaient point le fils de Jupiter.
De Saint-Ange a dit dans sa traduction des
Métamorphoses d'Ovide (liv. IV, fable xxvi, 10) :
Hirisse ses cheveux à'hyires entortillée ;
et il s'exprime ainsi à ce sujet dans une remarque :
u Dans la version, ce mot est masculin comme
en latin, quoique au singulier il soit féminin. On
ne doit pas laisser tomber en désuétude ces va-
riations, qui ne sont que trop rares dans notre
langue. «
Domergue observe que c'est le féminin laiin
hydra qui nous a donne hydre féminin, et il de-
mande pourquoi le masculin Inlin hydrus ne
nous donnerait pas hydre masculi"!! Nous serions
de l'avis de ce grainmaiiien, si le mol hydre mas-
culin ou féinininsigiiiliail deux<hosesdiff'''rentes.
Pourquoi établir dans les mois une différence
qui n'existe i)as dans les choses?
Hydrographique. Adj. des deux genres qui ne
HYP
se mot qu'aprc5 son subst. : Description hydro-
graphique, rarte hydrographique.
HïiMF.v 'jii JIïJiÉMiE. SubsL m. le n final se
fait sentir dans Aywp«. C'est i)ioi)renicnt le nom
d'une divinité des anciens, (jui ])résidail aux no-
ces. Ces mots sont souvent employés en vers
pour signilicr le mariage, et on leur donne même
<|uel(]Ucfois ce sons en prose : f^ivre sous les
lois de rhymeii. Heureux hyménée.
Achille
Ilecherclie votre fille, et d'un hymen si beau
Veut dans Troie embrasée allumer la flambeau.
(Ric, Ifhig., act. I, se. I, 22.)
.... Je quille \ regret la rive fortunée
Où je vais allumer les flambeaux à.'hyménte.
(Idem, act. III, se. m, lb.|
Je ne m'attendais pas que do notre hyménée
Je dusse voir si lard arriver la journée.
{Rac, ilithrid., act. II, se. iv, 4.)
Fénelon a dit figurément: Toute Vannée n'est
qu^un heureux hymen du printemps et de l'au-
tomne, qui semblent se donner lamain. (Télém.,
liv. VIII, t. I, p. 282.)
Hymne. L'Académie dit qu'il s'emploie ordi-
nairement au féminin, en parlant des hymnes
qu'on chante dans l'église. Il ne fallait pas dire
ordinaire /ne lit, c'est une règle sans exception.
Ce mot est masculin lorsqu'il signifie les hymnes
que les anciens chantaient en l'honneur dé leurs
dieux.
Hypalage. Subst. m. Terme de grammaire.
C'est une espèce de trope qui consiste dans une
transposition ou changement de construction.
C'est ainsi qu'on dit il n'avait point de souliers
dans ses pieds, pour dire il n'avait point
ses pieds dans des souliers; enfoncer son cha-
peau dans sa tête, pour dire enfoncer sa tète
dans son chapeau, ('.elle ligure est particulière à
la langue latine. On n'en trouve que très-peu
d'exemples en français, et il faut les regarder
comme des idiolismes.
HYPEr.oATr.. Subst. f. Voyez Inversio?i.
HYPr.iinoLK. Subst. f. Lorsque nous sommes
vivement frajjpés de quelcjuc idée que nous vou-
lons représenter, et que les lerincs ordinaires
nous paraissent trop faibles pour exprimer ce que
nous voulons dire, nous nous servons de mois
qui, à les prendre à la icllre, vont au delà de la
vérité, et représentent le plus ou le moins pour
faire entendre queliiuo excès en gi'and ou en pe-
tit. Ceux ([ui nous cnlendent rabattent de notre
expression ce cpi'il en faut rabattre, et il se
forme dans leur esprit une idée plus conforme
à celle que nous voulons y exciter, que si
nous nous étions servis des mois propres. Par
exemple, si nc"JG voulons faire comprendre la
légèreté d'un cheval qui court extrêmement
vite, nous disons qu'il va plus vite que le vent.
Cette figure s'a|)pelle hyperbole, mcil grec qui si-
gnifie excè^. — Au contraire, si l'on veut faire
entendre qu'une personne marche avec une ex-
trême lenteur, on dit qu'elle marche plus lente-
ment qu'une tortue. Il y a des hyperboles qui
consistent dans la seule diction, comme quand on
nomme géa7it un homme de haute taille; pyg-
mée, un petit homiTie. Mais elles sont souvent
dans une pensée qui contient une ou [ilusicurs
périodes; et l'hyperbole de la pensée se trouve
également d-îns la diminution comme dans l'aug-
mcnUition des choses qu'elle décrit, quoique
IIYP
38:
cette figure se i)laiso jibis ordinairement dans
l'excès (pie dans le difaul.
Lcses|irils vils, pleins de feu, et qu'une vaste
imagination emporte hors dos régies et de la
justesse, ne i)euvcnt s'assouvir d'hv|)erboles, dit
La Bruyère. (Cli. I, I)e.i ourraçe.s- de l'esprit.)
Excepté queUiues façons de parier communes et
proverbiales, nous usons très-rarement d'hyper-
boles en français. On en trouve quel<iues exeuq)les
dans le style satiri(iue et badin, et (luoiquofojs
même dans le style sublime et poéti(iue. riéchier
a dit dans YOraison funèbre de Turenne (p. 95) :
Des ruisseaux de larmes coulèrent des yeux
de tous les habitants. Cette figure est la l'essource
des petits esprits qui écrivent pour le bas peuple.
Mais quand on a du génie et de l'usage du
monde, on ne se sent guère de goût pour les
pensées fausses et outrées.
Quant aux hyperboles (pie l'usage a rendues
communes, on en saisit la signification du premier
coup, sans avoir besoin de penser (pi'il faut les
prendre au rabais. Quand on dit, |)ar exemple,
qu'w?i homme meurt de faim, tout le monde en-
tend que cela signifie qu'il fait mauvaise chère,
ou qu'il a beaucoup de peine à gagner sa vie.
On dit encore qu'un homme ne sait rien, pour
dire qu'il ne sait pas ce (ju'it lui convient de sa-
voir pour sa i)rol'ossion ou pour son iiiclicr.
Hyperbolique. Adj. des deux genres. Il se
met ordinairement après son subst. ; Discours
hyperbolique, expressions hyperboliques .
Hyperboliquement. Adv. Il ne se mot point
entre l'auxiliaire et le participe: Il s'est exprimé
hyperboliquement, et non pas il s'est hyperbuli-
queiiient e.vprimé.
Hyperborée. Adj. des deux genres.
J'ai vu de ces brigands la horde hyperborée.
[Orph. de la Chine, act. I, se. H. 10.)
■Voltaire, dit La Harpe, est le premier, ce me
semble, qui ail hasardé de franciser l'adjectif
latin hyperboreus, et d'en faire hyperborée, mot
très-nombreux, et beaucoup plus commode pour
la poésie que celui d'hyperboréens, (|ui élail seul
en usage : Peuples hyperboréens, pays hyperbo-
réi'ns. [Cours de littérature.)
Hypocondre. Subst. i)ris adjectivement. Il se
dit d'une personne bizarre et mélaiicoli(iue: Un
homme hypocondre , une femme hypocondre. La
Fontaine a dit (liv. II, fable xvm, 16) : Son
hypoco7idre de mari.
Hypocondriaque. Adj. des deux genres. Ma-
lade dont la maladie vient dos liypocondies : Un
homme hypocondriaque. — Affection hypocondria-
que. Il ne se met (ju'aprés son subst.
Hypocrite. Adj. des deux genres. Appliqué
aux personnes, il ne se met (iu'a|>rès son subst. :
Un homme hypocrite, une femme hypocrite.
Appliqué aux choses, il peut (juclquefois le pré-
coder : Un air hypocrite, une contenance hypo-
crite, lin maintien hypocrite. Cet hypocrite
maintien, cette hypocrite contenance en impose
à tout le monde.
Hypothécaire. Adj. dos deux genres. 11 ne se
met qu'après son subst. : Créancier hypothécaire,
dette hypothécaire .
Hypothégaikehent. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaireet le participe: Il est Migé hypothécai-
rement, et non pas il esthypotliécairemcnt obligé
Hypothétique. Adj. des deux genres. Il se
met toujours après son subst. : Proposition hy-
pothétique.
23
354
I
Hypothétiquement. Adv. Il se met après le
verbe : Cela n'est qu'hypnihétiquement vrai.
Hypotypose. Suhst. f. Terme de rhétorii]uo.
C'est un mot crée qui signifie image, tableau.
L'hypolyposc est une fiçure qui point l'iinngc
dont on" parle avec des conlonrs si vives, qu'on
croit la voir de ses proj^es yeux, et non siini>le-
ment en enicndro le récit. Tel est le |)orlrait que
Boileau fait de la mollesse personnilice ( Lutrin,
II, 461) :
La Mollesse, oppressée.
Dans sa bouche, .\ ce mot, sent sa langue glacée,
Et lasse de parler, succomhanl sous l'effort.
Soupire, clend les bras, ferme l'œil, et s'endort.
Il y a une hypotyposc sublime dans le tableau
que i\aeine nous donne, dans Athalie, de la ma-
nière dont Josabet sauva Joas du carnage (act. I,
se II, 77) :
Hélas ! l'état horrible où le ciel me l'oiïrit
lieTient à tout moment effrayer mon esprit.
De princes égorgés la chambre était remplie ;
Un poijrnard à la main, l'implacable Âtbalie
1
An carnajre animait ses barbares solàals,
I''t poursuivait le cours de ses assassin&is.
Joas, laisse pour mort, frappa soudain ma v<K .
Je me figure encor sa nourrice éperdue,
Oui devant les bourreaux s'était jetée en rali^
Et faible le tenait Tcnversé sur son sein.
Je le pris tout sançlant; et, baignant son visage.
Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage:
Et, soit frayeur encore, ou pour me caresser.
De SCS bras innocents je me sentis presser.
On peut aussi citer comme des exemples d'hy-
potyposc le morceau de la même pièce où Athalie
raconlc à Abncr et à Malhan le sonsrc qu'elle a eu
(act. II, se. V, 34) :
C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit, etc. ;
et le récit de la mort d'Hippolyte, dans la Phèdre
de Racine (act. V, se. vi, 26) :
Cependant sur le dos de la plaine liquide, etc.
La poésie tire son plus beau lustre de l'hypo-
typose.
I.
I. Subst. m. C'est la neuvième lettre de l'al-
phabet, et la troisième des voyelles. L'j est de
toutes les voyelles celle dont le son est le plus
délié et le plus aigu. Sa prononciaiion naturelle
est comme dans la première syllabe iVimage.
Lorsque, dans une syllabe, elle se joint à la con-
sonne (jui la suit, sans cire précédée d'une autre
voyelle, elle conserve su prononciation naturelle,
a moins que la consonne avec laquelle elle se
trouve jointe ne soit un m ou un n: Illustre,
irrégtdier, issue. ]\Iais dans imprimer, impru-
dent, impassihle, printemps, brin, fin, lin, et
autres semblables, le son aigu et délié de Yi se
change en un autre qui lient beaucoup de !'e
ouvert, tel qu'il se prononce dans le mot lien.
Cependant si le m auquel i est joint se trouve
redoublé, celle voyelle reprend sa prononciation
naturelle, comme dans immédiat, immersion,
immense, etc. Il en est de même lorsque le n qui
se trouve après \'i est suivi d'une voyelle ou d'un
h non aspiré, comme dans inaction , inatten-
tion, inexorable, inouï, inusité, inhabile, inhé-
rent, etc.
Les imprimeurs appellent ï tréma celui sur
lequel on met deux points disposés horizontale-
ment. Quchiucs grammairiens doimenl à ces
deux points le nom de diérèze, qui vaut mieux,
parce qu'il signifie division, séparation. Voyez
Tréma.
Notre orlhographc assujettit laletlrei à beau-
coup d'usages (jiie la raison mcme veut que l'on
suive, quoiqu'elle les désapprouve comme in-
conséquents.
Dans la diphthongue oculaire ai, on n'entend
le son d'aucune des voyelles qu'on y voit. Quel-
quefois ai se prononce de môme que \'e niucl,
comme dans faisant, nous faisons, (jue l'on
prononce /è«a«<, nous fcsons. Il y a même quel-
ques auteurs qui écrivent ces mots avec l'e muet,
de même que je ferai, nous ferions. S'ils s'écar-
tent en cela de l'étymologie latine facere, et de
l'analogie des temps qui conservent ai, comme
faire, fait, vous faites, etc., ils se l'approchent
de l'analogie de ceux où l'on a adopté univer-
sellement l'e muet, et de la vraie prononciation.
(Voyez Faire.) — D'autres fois aise prononce
de même que l'e ferme, comme dans j'adorai,
je commençai, j'adorerai, je commencerai, et les
autres temps sembablcs de nos verbes en er. — Dans
d'autres mots, ai tient la place d'un è peu ou-
vert, comme dans les mois plaire, faire, affaire,
contraire, vainement. Cl en général partout où
la voyelle de la syllabe suivante est un c muet. —
Ailleurs, ai présente wné fort ouvert, comme dans
Icsmots dais, faix, mais, paix, palais, portraits,
souhaits. Au reste, il est très-difficile, pour ne
pas dire impossible, d'établir des règles de pro
nonciation pour cette diphthongue; parce que,
dans des cas tout à fait semblables, elle se pro-
nonce diversement. On prononce je sais comme
je se, cl je fais, comme je fè. Dans le mot
douairière, on prononce ai comme a, do-uarière.
— L'Académie n'indique pas celle anomalie de
prononciaiion. — C'est encore à peu près le son
de l'e plus ou moins ouvert que représente la
diphthongue oculaire ai, lorsque, suivie d'un m,
ou d'un û, elle doit devenir nasale, comme dans
faim, pain, ainsi, maintenant, etc.
La diphthongue oculaire et est a peu prés as-
sujcllic au même usage qucni, si ce n'est qu'elle
ne représente jamais l'e muet. Mais elle se pro-
nonce (piclquefoisde même que Vé fermé, comme
dans reine, peiner, seigneur, et tout autre mot
où la syllabe qui suit ei n'a pas pour voyelle un
e muet. — D'autres fois, ei se rend par un è peu
ouvert, comme dans veine, peine, enseigne, et
tout autre mot où la voyelle de la syllabe sui-
vante est un e muet. Il en faut seiiloincnl excep-
ter reine, retire et seize, où ei vaut un ê fort
ouvert. — Lnfin, l'ei nasal se prononce comme
Vai nasal, plein, sein, éteint.
La voyelle i perd encore sa valeur naturelle
dans la diphlhongite oi, qui est quelquefois im-
propre et oculaire, et quelquefois propre et auri-
culaire.— Si la diphthongue oi n'est qu'oculaii-e,
elle représente quelquefois l'c moins ouvcri,
I
oomme dans foible, il avmt, que l'on écrit au-
jourd'iiui faible, il avait; et (iiielquelois !V fort
ouvert, comme dans anglais, j'avois, ils avaient,
que l'on écrit aujourd'hui ajiglais, j'avais, ils
avaient. — Si la diplillionguc i est auriculaire,
c'est-à-dire (lu'ellc indiciue deux sons elToctils
que l'oreille peut discerner, ce n'est aucun des
deux qui est représenté natin-ellcment par les
deux voyelles 0 et »■; au lieu do o, on prononce
toujours ou, et au lieu de l'j, on prononce un
è ouvert qui semble approcher souvent de l'o .•
Devoir, sournois, lois, moine, poil, poivre, etc.
— Enfin, si la diphthonguc auriculaire oi, au
moyen d'un «, doit être nasale, l'i y désigne en-
core un è ouvert : Loin, fain, témoin, join-
ture, etc.
Il est donc également contraire à la destina -
lion primitive dos lettres, et à l'analogie de Tor-
thogi-aphe avec lu prononciation, de représenter
le son de l'è ouvert par ai, par et, ou par oi; et
l'usage qui a substitué ai à oi, partout où celte
diphfhongue oculaire représente l'è ouvert ,
cominedans anglais, français, je lisais, ilpoui^
rait, connaître, au lieu d'écrire anglais, fran-
çais, je lisais, il pourrait, connaître, a rem-
placé un inconvénient par un autre aussi réel.
Voyez A et Oi.
Ison-seulement la lettre i est souvent em-
ployée à signifier autre chose que le son qu'elle
doit primitivement représenter, mais il arrive en-
core qu'on joint cette lettre à quelipie autre pour
exprimer simplement ce son priuiitil. Ainsi, les
lettres wi ne représentent que le son simple de
Xi dans les mots guide, guider, etc., quitte,
quitter, acquitter, etc. , et partout où l'une des
deux articulations ^î<e ou qxie précède le son i.
De même, les lettres ie représentent simplement
le son i dans vianiement, je prierais, nous re-
mercieroiiS, il liera, qui viennent de manier,
prier, remercier, lier, et dans tous les mots pa-
reillement dérivés des verbes en ier. Vu qui
précède ïi dans le premier cas, et \'e qui le suit
dans le second, sont des lettres absolument
muettes.
I au milieu d'un mot est remplacé par un y,
l» dans les mots où il a son double, comme dans
payer, où l'on entend pai-ier, moyen, employer,
essuyer, nous payons , nous employons, etc.;
2° dans les mots dérivés du grec, où il exprime
l'upsilon de cette langue, comme dans hy mon, qm
vient du grec humen; martyr, qui vient de
martnr, etc. Voyez Y.
Plusieurs grammairiens voudraient que l'on
écrivit to\ijours par un i simple les mots, les
syllabes où l'on n'entend que le son simple de
cette lettre, comme dans anonime, himen, mar-
tir, siuonime, etc., et je pense qu'ils ont raison.
Les Italiens se sont débarrassés de cette exacti-
tude pédanlesquc, et leur langue n'en est pas
moins claire. Ils écrivent anonimo , imene ,
martirio, stile, sinonimo, etc. L'usage a déjà
aboli en français un grand nombre de signes
étymologiques, il abolira sans doute aussi celui-
ci. Déjà l'Académie écrit abîme, asile, au lieu
i'abyme, asyle ; mais pourquoi n'écrit-elle pas
aussi anonime, himen, sinonime, etc.? Elleaurait
bien de la peine à rendre raison de cette préfé-
rence , et cette demi-réforme ne fait qu'augmen-
ter l'incertitude et l'embarras.
La lettre i s'élide dans la conjonction si avant
le pronom masculin il, tant au singulier qu'au
pluriel : Il viendra s'il veut, ils auront tort s'ils
ae fichent. Mais cette élision n'a lieu devant aucun
IDE
355
autre mot, par quelque voyelle qu'il commence,
quand mémo ce serait par un i; on dit et l'on
écrit si elle t-ient, si on vous dit que, si un
j homme se présentait, si Isabelle avait régné
plus longtemps.
Lest l'expression abrégée du mot impériale.
S. A. I. So7i Altesse Impériale. S. M. 1. Sa Ma'
jcsté Impériale. — I signifie t/« dans la numé-
ration ordinaire des Romains. — La lettre 1 est
celle qui caractérise la monnaie de Limoges. —
Dans les gravures, inc, abréviation du mot in-
cidit, accompagne le nom du graveur, et inv.,
abréviation du mot invenit, celui de l'auteur de
la composition.
Ici. Adv. de lieu. Il se dit du lieu même où
est la personne qui parle. Mais il comprend une
certaine étendue qui varie. Lorsqu'on entre
dans une maison, et qu'on demande si le maiire
de la maison est ici, l'adverbe ici comprend l'é-
tendue de la maison. L'advcrl)e ici peut com-
lirendre aussi l'étendue d'une ville. On dira
étant à Paris, est-il encore d Londres? et on ré-
pondra, non, il est ici, et ici co!n[)rcnd la ville
lie Paris. Mais ici ne peut comprendre ni une
province ni un royaume. On ne dira pas il est ici
pont dire il est dans le département de la Seine,
ou pour dire il est en France.
Ici désigne le lieu où est la personne qui parle;
là désigne un lieu différent. Fenez ici, allez là.
Le premier marque et désigne l'endroit, l'autre
est plus vague ; il a besoin, pour être entendu,
d'être accompagné de quelque signe de l'œil ou
de la main. 11 se met toujours après le verbe,
même dans les temps composés : Je suis arrivé
ici, et non pas, je suis ici arrivé. Il a passé par
ici, il est parti d'ici, il est venu jusqu'ici, et
non pas il a par ici passé, etc.
Idéal, Idéale. Adj. En ternies de beaux-arts,
il désigne le plus haut degré de perfection auquel
ces arts pui^ssent atteindre : perfection qui n'a
point de modèle dans la nature, mais (juc le
génie peut seul apercevoir. Le genre idéal est
opposé au genre imitatif. Le beau idéal. On dit
aussi substantivement l'idéal. Cet adjectif ne se
met qu'après son subst. : Existence idéale, pou-
voir idéal, la beauté idéale, etc.
Le Dictionnaire de l'Académie ne fait pas
connaître le pluriel masculin de cet adjectif.
Bufltm a iWides êtres idéaux, et je crois qu'on
peut 1 imiter en cela.
iDENTigUE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : P rupositions identiques.
lDf.^TIQTIEME^T. Adv. 11 se met ajjrés le verbe.
Identité. Subst. f. Ternie introduit dans la
grammaire pour exprimer ie rapport qui sert de
fondement à la concordance.
Un sinqjle coup d'œil jeté sur les différentes
espèces de mots, et sur l'unanimité de toutes les
langues à cet égard, conduit naturellement a
les diviser en deux classes générales, caractéri-
sées par des différences purement matérielles. La
première classe comprend toutes les espèces de
mots variables, je veux dire les noms, les pro-
noms, les adjectifs et les verbes, qui, dans la
plupart des langues, reçoivent a leurs lerminai-
sons des changements qui désignent des idées
accessoires de rclaiion, ajoulies à lidée princi-
pale de leur signification. La seconde classe ren-
ferme les espèces de mots invariables, c'est-a-
dire les adverbes, les prépositions, les conjonc-
tions et les interjections, qui gardent dans le dis-
cours une forme immuable, parce qu'ils expri-
356
IDI
ment conslammenl une seule cl même idée prin-
cipale.
Enlre les indexions accidcnlelles des niol?^ de
la première classe, les unes sont connnunes à
louies les espèces qui y sont comprises, et les
autres sont propres à (pieliiucs-unes de ce? es-
pèces. Les inflexions comiiiuncG sont les nombres,
les genres cl les personnes; les temps cl les mo-
des sont des inflexions propres au verbe.
C'est enlre les inflexions communes aux mois
qui onl quelque corrélation iiu'il y a et (lu'il doil
y avoir concordance dans toutes 1er langues qui
admellenl ce^ inflexions. Mais poui établir celle
concordance, il faut d'abord déicrminer l'inflexion
de l'un des mois corrélaiils; et ce sont les be-
soins réels de l'énoneialion, d'après ce qui existe
dans l'espril de celui «pii parle, qui règlent celle
première dèlermination, conformément aux usa-
ges de chaque lan.^uc. Les autres mots corréla-
tifs se révèlent ensuite des inflexions correspon-
dantes par imitation, cl pour être en correspon-
dance avec leur corrélatil, qui leur sert comme
d'original Celui-ci est dominait, les autres sont
subordoni.és : c'est ordinairement un nom ou
un pronom qui est le corrélatif dominant ; les ad-
jectifs et les verbes sont subordonner; c'est à
eur. à s'accordei , et la concordance de leurs in-
flexions avec celle du nom ou du pronom est
connue une liviéc qui atteste leur dépendance.
Celle dépendance est fondée sur un rapport qui
est, selon les meilleurs grammairiens modernes,
un ra|)porl d'idfintilé. On voit en effet que le
nom et l'adjectif qui l'accompagne ne font qu'un,
n'expriment ensemble qu'une seule et même
chose indivisible ; La loi naturelle, la loi politi-
que, la loi évangélique, sont trois objets diffé-
rents, mais il n'y en a que iroi? ; la loi naturelle
est un objet aussi unique que la lui en général.
Il en est de même du verbe avec son sujet ; le so-
leil luit esl une expression qui ne préseule a l'es-
prit (}u'une seule idée indivisible.
Cependant l'adjectif et le verbe expriment Irès-
distinctemenl une idée attributive, fort différente
du sujet exprimé par le nom ou par le pronom ;
comment peut-il y avoir identité entre des idées
si différentes'
C'est que les noms et les pronoms présentent
à l'esprit des êtres détermines, et (jue les adjec-
tifs et les verbes présentent à l'esprit des sujets
quelconques, snus une idée précise, applicable à
tout sujet déterminé (jui en est susceptible. Or,
il en esl dans le discours, de celte idée vague de
sujet quelconque, connue de la signification gé-
nérale et indéfinie des symboles algébriques dans
le calcul. De part et d'autre, la généralisation des
idées n'a été instituée que [>our éviter l'embarras
des cas particuliers trop multipliés; mais de part
et d'autre, c'est à la charge de ramener la préci-
sion dans chaque occurence, i)ar des applications
particulières ou individuelles.
C'est 11 concordance des inflexions de l'adjectif
ou du verbe avec t elles du nom ou du pronom
qui désigne l'application du sens vague de l'un
au sens précis de l'autre, et ridenlificatior. du
sujet vague présenté par la première espère,
avec le sujet déterminé énoncé par la seconde.
(Eeauzée.)
Idiome. Subst.m. L'Académie ie définit, langue
propre d'une nation. Cette définition n'est pas
exccte. Une langue, dit Beauzée, est la totalité
dec usages propres d'une nation pour exprimer
ks pensée: par la parole. Si dans le langage oral
IGN
d'une nation on ne considère que l'expression
des pensées par la parole, d'après les principes
généraux et communs à tous les hommes, le nom
de langue exprime parfaitement cette idée; mais
si l'on veut encore y ajouter les vues particuliè-
res à celte nation, et les tours singuliers qu'elles
occasionnent nécessairement dans sa manière de
parler, le lermc d'idiome est alors celui qui con-
vient le mieux à cette idée moins générale et plus
restreinte. De là vient que l'on doin^e le nom d'x-
di'lisiiie aux tours d'élocution qui sont propres
à un idiome.
Idiot, Idiote, Adj. que l'on prend aussi sub-
stantivement. Comme adjectif, il ne se met qu'a-
prés son subst. : U/i homme idiot, une femme
idiote .
L'n idiot n'est ni un stupide, ni un imbécile,
connue le dit l'Académie; c'est celui en qui un
défaut naturel dans les organes qui servent aux
o[)ératioiis de renlendeuicnl esl si grand, qu'il
esl incapabh de combiner aucune idée, en sorte
que sa condition paraît a cet égard plus bornée
que celle de la bêle. La différence de Vidiot et
de \' imbécile consiste en ce qu'on naît idiot, et
qu'on devient imbécile. Le stupide pèche par
défaut de sentiment. A'oyez Imbécile.
Idiotisme. Subsl. m. Façon de parler éloignée
des usages ordinaires, ou des lois générales du
langage, adaptée au génie propre d'une langue
particulière. C'e^l un tenue général dont on peut
faire usage à l'égard de toutes les langues : un
idiotisme grec, latin, français, etc. C'est le seul
terme que l'on puisse employer dans bien des oc-
casions; nous ne pouvons dire qu'un idiotisme
espagnol, portugais, turc, etc.; mais à l'égard
de plusieurs langues, nous avons des mots spé-
cifi(pies subordonnés à celui à'idiotisme, et nous
disons anglicisme, gallicisme, germanisme, hé-
braïsme, hellénisme, latinisme, etc.
Idolâtre. Adj. dcr deux genres. Au propre, il
se dit toujours absolument, et ne se met qu'après
son subsl. : Les nations idolâtres, les peuples
idolâtres, eic— Au figuré, il régit la préposi-
tion de: Un homme idolâtre d'une feynme, une
mère idolâtre de ses enfants, une femme idolâ-
tre de sa beauté.
Idolâtrer. Y. n. et a. de lai" conj.Au propre,
il esl neutre : Les Hébreux idolâtrèrent dans le
désert. — Au figuré, il esl actif : // idolâtre cette
femme., elle idolâtre ses enfants.
Idolatrique. Adj. des deux gei.res qui ne se
met qu'après son subsl. : Culte idddtriqite,
amour idolatrique , superstition idolatrique.
Idole. Subsl. f. Quand il se prend pour l'ob-
jet d'une passion extrême, il so construit quel-
quefois avec la préposition de : Il est l'idole de
sa mère.
Idylle. Subsl. L Petit poëmc champêtre qui
conlicju des descriptions ou des narrations de
qucicues aventures aeréables Lf. différence qu'il
y r. «lire yidylk d. l'églogue eti fort légère, et
les auteurs les confondent souvent. Cependant il
semble tpie l'usage veut plus d'action cl de mou-
vemeni dans l'égrogue,et que dans l'idylle on se
contente de trouver des images, des récits ou des
scnlimonls seulement. Voyez Eglogue.
Autrefois ce mol était masculin et féminin.
Boileau a dit les idylles les plus courts, ei uneélé'
gante idylle. (A. 1'., 11, G.] Aujourd'hui on ne le
fait plus que féminin.
Ignare. Adj. des deux genres. Gn se mouille.
Il ne se dit que des personnes, et ne se met qu'a-
IGN
prtS son SUhst. ■■ Vn homme {griwre', une femme
ignare.
Igné, Ignée. Adj. On ])roiionce le g dur, comme
gue. Cet ;idj. ne se met qu'iiprèsson subst. : Cor-
puscules ignés. Substance ignée.
IcNicoLE. Adj. des deux genres. I.e g se pro-
nonce dur, comme ;/iie. Cet adj. ne se met qu'a-
près son subst. : Un peuple ignicole, une nation
ignicole.
Ignition. Subst. f. Le g se prononce dur,
comme gue.
Ignoble. Adj. des deux genres. Gn se mouille.
Il se dit de l'air, des manières, des sentiments,
du discours et du style. L'air est ign-^ble lors-
qu'au premier aspect d'un homme qui se pré-
sente à nous, nous sommes tentés de le reléguer
dans quel(pie condition abjecte de la société. Les
manières sont ignobles lorsqu'elles décèlent un
intérêt sordide; les sentiments sont ignobles
lorsqu'on y remarque la vérité, la justice et lu
vertu blessées par la prél'érence qu'on accorde
sur elles à tout autre objet; le ton dans la con-
versutiofi et le style clans les écrits sont ignobles,
lorsque les expressions, les comparaisons, les
idées sont empruntées d'objets vils et populaires;
mais il n'y en a guère que le génie et le goût ne
puissent e'nnolijir.
On peut le mettre avant son subst., en consul-
tant l'oreille et l'analogie : Un langage ignoble,
des espressions ignobles, des sentiments igno-
bles. — Ces ignobles espressions, ces ignobles
sentiments.
1g>oblejient. Adv. Le gn se mouille. Cet ad-
verbe peut se mettre entre l'auxiliaire et le par-
ticipe : Il s'est exprimé ignoblement, il s'est
ignoblement exprimé.
Ignominie. Subst. f. Gn se mouille. Lorsque
ce mot a le sens d'outrages, d'injures, on peut
l'employer au pluriel :
Ce vieux rimeur couvert d' ignominies,
Organe iaipur de tant de calomnies.
(Volt., Épttre XXXV, 138.)
Ignomimeusement. Adv. Gn se mouille. Il ne
se met qu"a[irès le verbe : On l'a traité ignomi-
nieusement.
Ignomi.melx, Ignominieuse. Adj. Gn se mouille.
On peut le mettre avant son subst., en consul-
tant l'oreille et l'analogie : Mort ignominieuse,
supplice ignominieux, traitement ignominicv.v.
Cet igominievx supplice le faisait frémir d hor-
reur. Cetignomiiiieu.r traitement le révolta.
Ignorance. Subst. 1', Gn se mouille. Dans le
sens de défaut de connaissance, man(iue de sa-
voir, il n'a point de pluriel : C'est un homme
d'une grande ignorance .
L'ignorance vaut mieux qu'un savoir alTeclé.
(BoiL., Éfttrt IX, lOi.)
Quand il se met pour faute commise par igno-
rance, il a un pluriel. Bossuet a dit en parlant
d'un ouvrage, On y trouve autant (/'ignorances
que de mots; et Boileau : Que serait-ce donc si
j'allais lui faire voir ses ignorances sur Pla-
ton, etc. {Conclusion des neuf premières ré-
flexions sur Loni/in.) Dieu a permis qu'il soit
tombé dans des '\iinax'<iwccs si grossières, qu'elles
lui ont attiré la risée de tous les gens de lettres.
{Idem.) Ce livre est plein d' ignoriinccs impar-
donnables. (Acad.)
Ignor.4nt, Ignorante. Adj. verbal tiré du v.
ignorer, mais qui a une signification plus étea-
IGN
357
due que ce verbe. Gn se mouille. On le construit
quelquefois avec la préposition de : C'était un
jeune métaphysicien firt ignorant des choses de
ce monde, (^'olt.) O ranitf, 6 mortels ignorants
de leurs destinées! (Bossuet.)— On dit aussi être
ignorant en géographie, en astronomie , pour
dire n'avoir point de connaissances dans ces
sciences. L'Académie dit il est ignorant sur ces
matières-là. — L'AcadiMiiie ne dit ignorant (jue
des personnes; cependant plusieurs bons auteurs
l'ont dit des choses : Leurs ignorantes et ini-
ques décisions. (Bossuet) Choqué de ^ignorante
audace avec laquelle il y décide de tout ce qu'il
y a déplus révéré dans les lettres. (Boil., Con-
clusion des 7ieiif premières réflexions sur Lon-
gin.)
Un ignorant suffrage
X'estpas moins sot qu'un ignorant ouvrage.
(Rot'SSEAU.)
Puisqu'on dit une savante décision, une sa-
vante interprétation, pourquoi ne dirait-on pas
une ignorante décision, une ignorante inter-
prétation? L'un signifie une décision, une inter-
préiation qui montre, qui dénote de la science,
de l'instruction ; l'autre signifierait une décision,
une interprétation qui montre, qui dénote de l'i-
gnorance. 11 est probable ([ue l'Académie a ou-
blié d'indiquer celte acception dans son Dic-
tionnaire, et que peu à peu sa négligence aura
passé pour une règle. — On vient de voir que cet
adj. se met souvent avant son subst. Voyez Ad-
jectif.
Ignorer. V. a. de la l"' conj. Gn se mouille.
Ne savoir pas. 11 signifie aussi ne pas connaî-
tre : Ils ignorent les hommes et s'ignorent eux-
mêmes. (Fénelon, Télémaque.)
Mon cœur, qui s'ignore.
Peut-il admettre un Dieu que mon amant abhorre?
Volt., Zaïre, act. I, se. i, 100)
J'ai rangé soustos lois vingt peuples de l'aurore,
Qu'au siècle de Bclus on ignorait encore.
(Volt., Sémir., act. III, se. Yl, 56.)
Mais nos concitoyens
Sous les armes des Grecs ignorant les Troyens. . .
(DELiL.,£netd., II, 543.)
/jncres-vous leur fourbe, ijnorcï-vous Ulysse?
[Idem, II, 66.)
Ijnorons-nous le sort et ses jeux inconstants?
[Idem, II, 66.)
Le verbe ignorer, suivi de que, régit le sub-
jonctif quand la phrase est affirmative, et l'indi-
catif quand elle est négative : On ignore com-
munément que Tristan ait mis en vers l'Office
de la sainte Vierge. (Wiltaire.) Il ignore qu'on
fasse des inforniations contre lui. Il n'ignore
pas qn'o7i fait des informations contre lui. Cet
usage semble contrarier la règle générale,qui veut
que^ dans les verbes (pji expriment la croyance,
on emploie l'indicatif quand la phrase est affir-
mative, et le subjonctif quand elle est négative.
Mais le fondement de cette règle générale, c'est
que la phrase affirmative marque (luehpie chose
de certain, de positii', et (luc la phrase négative
marque du doute, de l'incertitude. Or, l'usage
que nous venons d'exposer dans l'emploi du
verbe ignorer, est conforme à l'esjjrit de cette
régie générale. Ignorer, dans une phrase affir-
mative, a réellement le sens négatif, et indique
358
IL
du dûulc, «le l'inccrliludc. Ignorer, c'est ne
f»a.S savoir : J'ignore qu'il ait fait cela. Dans
ane i>lirase uéçalivc, au contraire, ignorer a un
sens afiirmatif, et marque fjuehiuc chose de cer-
tain et de positif ; ne pas ignorer, c'est savoir :
e n ignorepas qu'il u fait cela.
11. ri-oiioai sing. m. do la 3* pcrsoiuie. 11 se
il des personnes et des clioses, et est toujours
îjet du verbe; il fuit ils au i)kiriel. Ce pronom
te met a la place d'un nom déjà exi)rMLC : J'ai
ru votre frère, il m'a dit, etc. J'ai lu cet ou-
vrage, il est beau.
Il parait quelqiicfoii- ne ])rondrc la |»lace d'au-
cun nom ; c'est lors(iu'on l'emploie avec les ver-
bes qui n'oM ci première, ri seconde personne,
et qu'on nomr.îC verbes in pc. sonne/s. Tels sont
il faut, il importe, il toK.:r, il pleut. Dans CCS
cas cependant il rappelle toujours l'idée d'un
nom exprimé ou sous-cntcndu. Dansi/ faut par-
ler, il est \\o\iv paîlor; c'est comme s'il y avait
il parler faut. Dan; il importL de faire, il est
pour faire; c'est conunc s'il y avait il faire
importe. 11 est vrai que dans il tonne, if pieu f,
on ne voit pas dabord le nom auquel il peut se
rapporter; il y en a un cependant. Ce sera, par
exemple, ciel : il ciel tonne, il ciel pleut. Dans
ces cas, comme l'observe Condillac, il se rappro-
che du sens de l'article le.
Quand le pronom il est après un verbe qui
finit par une voyelle, on met, pour adoucir la
prononciation, un t euphonique entre le verbe et
le pronom : Comment cet homme ose-l-il espérer
qu'on lui pardonnera 9
Le pronom il, de même que les adjectifs rela-
tifs (voyez ce mol), ne doit pas se rai)|)orler à un
mot pris indèlcnninément, c'est-à-dire dont la
sisuilication ne soit pas déterminée par l'article
ouï par quelque chose d'équivalent : Une sen-
tence d'interdit fut publiée sur tout le royaume;
il dura sept mois. Il ne peut rappeler ici l'idée
d'interdit, parce que ce mot, n'étant précédé que
de la proposition de, est pris dans un sens indé-
terminé. Pour rectifier cette phrase, il faudrait
dire une sentence d'interdit fut publiée sur le
royaume, et cet interdit dura sept mois.
Il faut toujours que l'esprit saisisse d'abord à
(lucl nom se rapporte le pronom il. Ne dites donc
pas Molière a surpassé Plante dans Unit ce quW
a fuit de meilleur; car ici on ne sait si il se rap-
porte à Molière nu à Piaule.
On demande s'il faut répéter le pronom il dans
une phrase où il est le sujet de plusieurs verbes.
Nous allons essayer de répondre à cette question.
On A'\\.,il était honteux de sa crainte, et ii'a-
vait pas le courage de la stirmonter. Ici, si l'on
ue répète pas il, ce n'est pas, comme certains
grammairien? l'ont cru , parce que les deux
verbes sont au même tci;:ps, mais parce ijuc ces
verbes expriment deux actions simultanées. Dans
la phrase suivante, fourbes, adroits, hypocrites,
dangereux, ils flattent, ils caressent, ils environ-
nent de séductions, on répèle il, (juoi(|ue les ver-
bes soient au même temps, parce (jue chaque
verbe exprime une action dislinctc qui a pour
sujet seulement un des noms énonces au com-
mencement de la phrase. C'est conunc s'il y avait,
comme fourbes, ils flattent; comme adroits, ils
caressent; comme hypocrites dangereux, ils en-
vironnent de séductions. U y a réellement là trois
pro[iosilions distinctes où le sujet est considéré
souE trois points de vue différents. Voilà pour-
quoi la rcpelition du pronom est nécessaire.
Quand Buffon a dit: Ce plan n'est pas encore
IL
le style, mais il en est la base ; il le soutient, il
le dirige, il règle son mouvement, et le soumet à
des lois {Disc, sur le style, t. XXA', p. 2fil),
il a ré|)èlé le pronom il, non parce que, .sans cette
répélilion, l'oreille ne serait [kis saiisfaile, à cause
du régime différent du ti'oisième verbe; car je
crois iju'il aurait bien pu dire, il le soutient, le
dirige, règle son mouvement, et le soumet à ses
lois ; mais il a, répété le pronom, |)arce que la
()remié:"c de ces propositions est une preuve, et
chacune des propositions suivanlcD une nouvelle
preuve de la proposition il en est la base; et c'est
pour faire mieux sentir la force de ces preuves,
qui se fortifient l'une l'autre, qu'il a fait cette
répélilion.
C'est ainsi qu'on dirait à un enfant ingrat :
Comment pvuvez-vous ne pas chérir votre père?
il vous aime, il vous élève, il vous nourrit, il
pourvoit à tous vos besoins, et nest occupé que
de votre bonheur. Assurément, on pourrait dire,
sans blesser les règles de !a graiiunaire, il vous
aime, vous élève, vous nourrit, pourvoit à t"us
vos besoins, et n'est occupe que de votre bonheur.
Mais ce tour serait froid. C'est donc le besoin
d'appuyer sur chacune de ces raisons, et de Caire
scniir iju'cUesse renforcent l'une l'aulrc, qui fait
répéter le pnmom. La crainte de blesser l'oreille
n'y a aucune pari.
Souvent la répélilion du pronom est nécessaire,
parce que les propositions sont séparées par des
incises ([ui indiiiuenl une action intermédiaire.
C'est par la raison de la liaison ou de la sépa-
ration des verbes, ijuc l'on voit, dans le passage
suivant de Buffon, le pronom tantôt suj)priiûé,
tantôt répété.
Bulfon dit en parlant de l'homme : Excité par
l'insatiable avidité, aveuglé par l'ambition en~
core plus insatiable, il renonce aux sentiments
d'humanité, tourne toutes ses forces contre luir
même, cherche à s'entre-détruire, se détruit en
effet ; et, après ces jours de sang et de carnage,
lorsque la fumée de la gloire s'est dissipée, il
voit d'un œil triste la terre dévastée, les arts
ensevelis, les nations dispersées, les peuples af-
faiblis, son propre bonheur ruiné, et sa puis-
sance réelle anéantie.
Concluons de tout ceci que, lorsque le pronoir.
il est le sujet de plusieurs verbes, il se répète
quelquefois, et (luelquefois ne se répète pas; et
que cette répétition est réglée par le caractère
particulier que veui donner à sa pensée celui
qui parle ou qui écrit, par le rapprochement ou
réloignemeut des verbes, par la simulianéité ou
la non simultanéité des actions exprimées par ces
verbes.
Si je veux exprimer, par exemple, que plu-
sieurs actions ont eu lieu successivement, sans
interruption et peur ainsi dire dans le même
temps, je dirai ; il soupire, étend les bras, ferm-
l'œil et s'endort. Mais si je veux fixer l'attention
sur chaque action en particulier, et les faire
considérer l'une après l'autre, je dirai : il m'in-
sulte, il m'outrage., il me charge de fers.
S'il y a une sorte d'opposilion dans les idées,
je répéterai le pronom : // me corrige, mais il
m'aime; il veut, et il no veut pus ; il donne et \
il reçoit. Mais je dirai, il ne donne ni ne reçoit, \
parce que, loin (ju'il y ait opposition entre ces
deux actions, ([ui sont récUemenl différentes,
elles sont en (juclque façon assimilées par la né-
gation. Quand je dis il donne et il reçoit, c'est
Connue si je disais il fait L'action de donner, et
il fait l'action de recevoir; et j'exprime deux ac-
IL
tions différentes: mais dansiZ ne donne ni ne re-
çoit, il n'y a réelleuionl (]u'une idée, c'est de ne
pas faire; C'est comme s'il y avait il ne fuit ni
l'action de donner, ni faction de recevoir.
On dira, quoique les verbes ne soient pas au
même temps, il pleurait dedcpit, et alla trouver
Calijpso errante dans les sombres furets (Fond.,
Télém., iiv.YII, t. I, p. 252), {larce (|uc l'action
de pleiirer et d'aller sont présentées ici connue
simulianccs. .Mais si l'on veut exphmer deux ac-
tions faites, ou qui doivent être laites dans des
temps différents, on répétera le pronom, et on
dira, i)ar exemple, «7 désire vaincre, et il vain-
cra.
Le pronom // se met avant le verbe, excepté
dans les phrases iiilcrogalives : Il vient, vient-
ilf Lorsqu'il se met avant le verbe, il le précède
immédiaiement, à moins qu'il ne soit suivi d'un
autre pronom persoimel, t7 me donne; ou de la
partii'ule négative ne, il ne veut pas.
Le pronom //, se mettant à la ])lacc des noms
dont on veut éviter la répétition, ne doit pas être
employé dans une phrase avec le nom qu'il re-
présente. On ne dira donc pas, mon frère il m'a
dit. Mais (luelquefois on l'emploie élégamment
dans la nièmc phrase avec le nom, lorsque ce
nom vient après. Ainsi l'on dit, ils sont rares les
hommes qui conforment leur conduite aux
maximes de la sagesse; ils sont passés ces beaux
jours oîi Ce tour s'emploie surtout dans les
interrogations. Où *owi-ils ces gens qui veulent
VL accuser d'un crime?
D'a[)rés la première partie de cette règle, il
semblerait qu'il y a quelque chose à reprendre
dans les vers suivants do Voltaire (Henr., VIL
25.) :
Louis en ce moment prenant son diadème.
Sur le front du vainqueur il le posa lui-même.
il est certain qu'en prose il serait mieux de dire,
Louis prenant son diadème, le posa lui-même
sur le front dti vainqueur. Mais le tour employé
par Voltaire peut être admis en vers, lorsqu'il y
a dans la phrase deux verbes qui expriment deux
actions différentes, et faites en différents temps.
Il ne serait pas supportable, s'il y avait, Louis il
posa lui-même son diadème sur le front du
vainqueur, parce qu'il y aurait évidemment ré-
pétition de sujet, et que l'on ne pourrait pas se
faire illusion, sur cette faute. Mais dans Louis
prenant son diadème, sur le front du vainqueur
il le posa Lui-même, on voit deux verbes; et deux
sujets ne iiaraissent point étranges,quoi(pj'ils ne
soient pas exactement conformes à rexaclitudo
grammaticale. Louis parait le sujet de prenant,
il\e sujet de poser; et on pense d'autant moint
que Louis pourrait servir de sujet aux deux ver-
bes, que ces deux verbes sont à des leuq)S diffé-
rents. Les mots sur le front du vainqueur, ([ui
séparent le premier verbe du second, servent en-
core à compléter l'illusion, et à faire croire à la
nécessité du pronom.
Corneille a dit [Gin., act. II, se. i, J31) :
II passe pour tyran, quiconque s'y fait maître.
Cet U, dit Voltaire, qui était autrefois un tour
très-heureux, la tyrannie de l'usage l'a aboli : Il
est un tyran, celui qui asservit son pays. Il est
un perfide, celui qui manque d sa parole. On a
encore conservé ce tour ; Ils sont dangereux, ces
ennemis du théâtre, ces rigoristes outrés.
\L
359
. Il est, il y a. Ces deux expressions, qui sont
j souvent employées l'une pour lautre, offrent ce-
, pendant (luelquo différence. Il est semble expri-
i mer quoique chose de plus irénéral, et il y a
j quelque chose de plus particulier, déplus appli-
cable a une circonstance particulière, (luand je
dis, par exemple, il est des dangers auxquels
l homme le plus sage ne saurait ichopper je
n'exprime qu'en général l'existence de ces dan-
j gers, et je ne les appli(pie à aucun cas pariicu-
! lier. Mais quand je dis, il y a dans cette affaire
' des dangers auxquels vous ne pourrez échap-
I per, je n'indique plus les dangers d'une manière
vague et générale, mais Je les sniipose existant
réellement d'une manière particulière et déter-
minée. C'est alors que l'on doit employer j7 y a,
et que // est serait une faute : Il y a dans Ilùrace
\ des passages qu'on explique difficilement, et non
pas il est dans Horace, etc. Il en est de mémo
lorsque, par ces sortes de phrases, on veut faire
un reproche indirect a quchpi'un. Si l'on veut
s'exprimer avec queliiue ménagement, on dit, U
est des gens qui ne se comportent pas si sage-
ment; et si, au contraire, on veut faire sentir
l>lus vivement l'application que l'oii fait de celte
observation à la conduite de la iforsonne à qui
l'on parle, ou dira il y a des gens qui ne se com-
portent pas si sagement, et c'est i)rcs(iue comme
si l'on disait, vous êtes du nombre de ceux qui
ne se comportent pas si sagement. On remarquera
le même sens général dans les vers suivants :
Il est des contre-temps qu'il faut qu'un sage essuie.
(Rac. Esth., act. IV, se. i, i6.)
Il est des nœuds secrets, il est des sympathies.
(Cous., Rodog., act. I, se. vu, 61.)
Cependant comme l'expression il. y a forme un
hiatus assez désagréable, les poètes et les orateurs
préfèrent dans tous les cas il est à il y a. ^'ollaire
dit dans Sémiramis (act. V, se. vm, 46) :
// est donc des forfaits
Que le courroux des dieux ne pardonne jamais !
Dans l'exactitude du sens, Voltaire aurait dû
dire, il y a donc des for faits, ci\r il s'agit ici d'un
forfait particulier ; mais il y a n'est pas souffert
dans un vers noble
La même différence se remarque entre ces ex-
pressions, lorsqu'on les énonce avec la négation.
OndiltV n'y aque vous qui puissiez meconsoler,oi\
désiP'ne un être particulier; mais c'est mal s'expri-
mer, de dire, il n'y u rien qui puisse /«e conso-
ler, parce (pie le sens tombe sur une idée géné-
rale; il faut direz'/ n'est rien qui puisse vie con-
soler. Il n'y a que la religion qui puisse nous
consoler des bornes étroites de la rie. (Nicole.)
Le sens tombe sur une idée particulière, la reli-
gion; il n'est que lu religion qui puisse nous
consoler, serait mal dit. // n'est rien que je ne
fasse pour vous soulager, il n'est en général au-
cune ciiose, etc. // n'y a rien à manger, ù boire;
il n'y a aucun objet particulier que l'on puisse
manger ou boire. // n'y a Hen à faire. Il n'y a
rien icipour moi. On ne pourrait pas dire, il n'est
rien à manger, à boire, il n'est rien à faire, il
n'est rien ici pour moi. Je sais que, dans la con-
versation, on met indifféremment il y a ou il n'y
a dans les cas où le sens général exigerait il est
ou il n'est. Mais, si la nuance (|ue nous venons
d'indiquer est réelle, pourquoi ne l'exprimerait-
3G0
ILL
on pns dans le discours? Les poêles, au contraire,
incitcni toujours il est el il n'est au lieu de il y
(I '"l il n'y a.
Il n'est que les grands cœurs
Quisenlentia pitié que l'on doit aux malheurs.
(Li Harpe, PhUoctite,».cU I, se. iv, 238.)
Selon quelques grammairiens, il faul dire il y
a plaisir à dcvanl une consonne, cl il y a plaisir
de devanl une voyelle : Il y a plaisir à rendre
seiTice à un galant homme; il y a plaisir d'être
sevl, entouré de bons livres. — Il nous semble que
ce n'esl ni In voyelle ni la consonne qui détermi-
nent l'emploi des propositions a ou de, mais bien
le sens de la phrase. On dit il y a plaisir à ren-
dre service à un gahnit hovune, parce qu'il s'agit
d'uni; action, rendre service; et l'on dit, il y a
plaisir d'être seul, parce qu'il s'agit d'un état.
On dit irés-bien devant une consonne, il y a plai-
sir de s'entendre louer, et devant une voyelle, il
y a plaisir à écouter les louaiiges qu'on nous
donne, ^'oyez Amphibologie.
Illégal, Illégale. Adj. On prononce les deux
l. Il ne se met (|u'après son subst. : Convention
illégale, assemblée illégale, formes illégales; des
actes illégaux.
Illégitisie. Adj. des deux genres. On prononce
les deux l. Quand il signifie qui n'a pas les condi-
tions, les qualités requises par la loi, il ne se met
qu'après son subst. : Mariage illégitime, en faiit
illégitime. — Dans le sens d'injuste, déraisonnable,
on peut quelquefois le mettre avant : On ne pou-
vait se soumettre à ces illégitimes prétentions.
"Voyez Adjectif.
Illégitimement. Adv. On prononce les deux l.
On peut le mettre entre l'auxiliaire et le parti-
cipe : Il a possédé illégitimement cette terre, ou
il a illégitimement possédé cette terre.
Illégitimité. Subsl. f. On prononccles deux ^
Illettré. Subst. m. On prononce les deux l.
Qui n'a aucune connaissance des belles-letlres.
Illicite. Adj. des deu.v genres. On prononce
les deux /. Il ne se met qu'après son subst. : ac-
tion illicite, plaisir illicite, amour illicite.
Illicitement Adv. On prononce les deux /. Il
ne se met qu'après le verbe : Il a agi ilUcite-
vient.
Illimité, Illimitée. Adj. On prononce les deux
l. Il ne se met qu'après son subst. : Espace illi-
mité, étendue illimitée, autorité illimitée, pou-
voir illimité.
Illisible. Adj. des deux genres. On dit inli-
sible de l'écriture, des caractères que l'on ne
|)eut lire, (pie l'on ne peut déchiffrer,- et illisible
des ouvrages qui sont si mauvais qu'on ne peut
en supporter la lecture : Sa main ne forma que
des caractères iniisibles. (Volt., Ilist. de Bussie,
II' part., ch. xvii, année 172j.) Pourquoi ces
trois hommes ii ont-ils écrit que «^'illisibles ou-
vrages? (La Harjie, Cours de littérature, II*
part.,liv. I, ch. i, t.lV, p. 122.)
S'il ne s'agissait d'exprimer par ces deux
mots qu'une seule idée, savoir, celle de ne pou-
voir déchiffrer des caractères, il serait inutile
d'employer l'un el l'autre; un seul suffirait; et
nous pensons avec Féraud (ju'il faudrait préfé-
rer illisible; mais puiscjue le besoin de la pensée
exige deux cxjjressions différentes, on fera très-
bien de les conserver l'une el l'autre, chacune
dans un sens différent.
ILL
Il parait i\n'inlisible se dit aussi des ouvrages
que la décence, la convenance, ne pcnneitenl pas
de lire en jiublic ou devant certaines personnes.
D'Alembert a écrit à A'oltaire : F'ous pourriez,
au lieu des grossièretés iniisibles publiquement
que vous citez de Shakspeare, y substituer quel-
ques autres passages ridicules et lisibles. Ccs
deux adjectifs illisible et inlisible peuvent SC
mettre avant leurs substantifs, en consultant l'o-
reille et l'analogie. — Boisle, Noël el Girault-
Duvivier partagent l'opinion de I,avcaux relative-
ment au sens qu'on doit donner à ces deux ad-
jectifs ; mais l'Académie, qui semble dire indif-
l'éiemmenl écriture illisible, ou inlisible, parail
cire d'avis de n'einjjloyer que ce dernier mol en
parlant d'un écrit dont la lecture n'esl pas sup-
IHirtable : Cet ouvrage est inlisible; enfin Charles
Nodier dit ])Osiliveincnt dans son Exauien criti-
que des dictionnaires, qu'illisible a rapport à
l'écriture, inlisible au style ; mais il ne donne au-
cun exemple de ces acceptions.
Illuminatif, Illcminative. Adj. On prononce
les deux /. Il ne se met qu'après son subsl. : f^ie
illuminative .
Illcminer, Illusion. On prononce les deux l
Illusoire. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Proposition illusoire, con-
trat illusoire, demande illusoire, promesse illu-
soire. On prononce les deux l.
Illusoiiiement. Adv. qui ne se met qu'après le
verbe. On prononce les deux l.
Illustration. On prononce les deux l.
Illustre. Adj. des deux genres. On prononce
les deux /. 11 peut quelquefois se mettre avant
son subst. en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme illustre, une femîne illustre, vji corps
illustre, uîi auteur illustre, un illustre auteur,
une illustre compagnie, une illustre assemblée .
— Cet adjectif s'emploie ordinairement en bonne
pari; cependant il se joint aussi avec des noms
qui marquent les vices, les crimes des hommes
trop connus, trop fameux, etc. :
D'illustres attentats ont fait toute leur gloire.
(Volt., Lois de Sfinos, acl. I, se. 1, 48.)
[Grammaire des Grammaires, p. 1168.)
Illustrer. V. a. de la 1" conj. Les deux / se
prononcent.
Illustrissime. Adj. qui ne se dit guère que
des ecclésiastiques élevés en dignité : Illustris-
sime seigneur. On prononce les deux L
Image. Subst. f. On apiicUe généralement
image, en éloquence cl en jioésie, toute descrip-
tion courte et vive (jui présente les objets aux
yeux autant qu'à l'esprit. Telle est la peinture
qu'offrent les vers suivants dans Athalie (acl. I,
se. Il, 79):
De princes égorgés la chambre était remplie;
Un poignard à la main, Timplacable Athalie,
K\x carnage animait ses barbares soldats, etc.
En parlant du coloris du style, on entend par
image celte espèce do métaphore qui, pour don-
ner de la couleur à la pensée, et rendre un objet
sensible s'il ne l'est pas, ou plus sensible s'il ne
l'est pas assez, le peint sous des traits qui ne sont
pas les siens. Toute image est une inéta])horc,
mais touic mélnpliorc n'es! p;:s une image. 11 y a
lies translations de mois qui ne présentent leur
IMA
Tiouvelobjotquetcl qu'il est en lui-môme, comme,
par exoiniile, la clef d'une roiUe, le pied d'une
montagne ;^\\ litHi ([ue l'expression «pii l'ait imaw
peint avec les çoiilouis de son premier objet la
nduvelle idée à laquelle on l'allaclie. C'est ainsi
qu'Awsilas, a qui l'on demandait pourquoi l.acé-
démone n'avait point de murailles, répondit en
montrant ses soldats ; f^oilù les murailles de La-
cédi'mnne.
L'image supiiose une ressemblance, et ren-
ferme une comparaison, et de la justesse de la
comparaison dépend la clarté, la transparence de
l'image. Mais la comparaison est sous-enlendue,
indiquée ou développée. On dit d'un homme en
colère, il rugit ; on dit de même c'est un liim; on
dit encore tel r/u'uti lion altéré de sang, elc. Il
rugit sup[)Ose la comparaison, c'est un lion l'in-
dique, tel qu'un lion la développe.
■Telle image est claire, comme expression sim-
ple, qui s'obscurcit dés qu'on veut l'étendre.
S'enivrer de louange est une façon de parler fa-
milière ; s'enivrer est pris là comme terme pri-
mitif; celui (pii l'entend ne soupçonne pas qu'on
lui présente la louange comme une liipieur ou
connne un parfum. Mais si vous suivez l'image,
et que vous disiez un roi s'enivre des louanges
que lui versent les flatteurs, ou que les flatteurs
lui font respirer, vous éprouverez que celui (jui
a reçu sans diflicullé s'enivrer de louange, sera
étonné d'enlendre verser la louange, respirer la
louange, et qu'il aura besoin de réflexion pour
sentir (jue l'un est la suite do l'autre. La difli-
cullé ou la lenteur de la conception vient alors
de ce que le terme moyen est sous-entendu, f^er-
ser et s'enivrer annonce une liqueur. Dans res-
pirer et s'enivrer, c'est une vapeur qu'on sup-
pose. Que la li(iueur ou la vapeur soit expressé-
ment énoncée, l'analogie des termes est claire et
frappante par le lien qui les unit : Un roi s'eni-
vre du poison de la louange que lui versent les
flatteurs; un roi s'enivre du parfum de lu
louange que les flatteurs lui font respirer. Tout
•ela devient naturel et sensible.
La nectar que l'on sert au maitfe du loraierre.
Et dont nous enivrons tous lc:j dieux de la terre,
C'est la louange.
La Fom., Ht. X, fabl. i, 0.)
Les langues, à les analyser avec soin, ne sont
presque toutes qu'un recueil d'images que l'iia-
biludea mises au ran^ des dénominations primi-
tives et que l'on emploie sans s'en apercevoir. Il
y en a de si hardies, que les poêles n'oseraient
fes risquer si elles n'étaient pas reçues. Les phi-
ijsophes en useul eux-mêmes connue de lermcs
abstraits. Perception, réflexion, attention, in-
duction, tout cela est pris de la matière. On dit
suspendre, précipiter sou jugement, balancer
les opinions, les recueillir, elc. Ou dit que l'âuie
s'élève, que les idées s' étendent, (pie la génie
étincelle, que Dieu, vole sur les ailes des vents,
(\\l'il habite en lui-même, (pie son souffle anime
la matière, que sa voix commande au néant, etc.
Tout cel;i est familier, non-seulement à la |)ocsie,
mais à la philosophie la plus exacte, à la théolo-
gie la plus auslère. Ainsi, à l'exception de quel-
ques termes abstraits, le plus souvent confus et
vagues, tous les signes de nos idées sont emprun-
tés desobjels sensibles. Il n'y a donc, pour l'em-
ploi des uuages usitées, d'autres ménagemenls à
-jrder que V^s convenances du style.
11 est des images qu'il faut laisser au peuple ;
IMV
361
il en est qu'il faut n'server au langage héroïque;
il en est de communes à tous les styles et a tous
les tons; mais c'est au goût formé [)ar l'usage à
distinguer ces nuances.
Quant au choix des images rarement employées
ou nouvellement introduites dans la langue, il
faut y apporter beancou|i [dus de circonspeciion
et de sévérité. Que ces images reçues ne soient
point exactes; (pie l'on dise de l'esprit qu'i7 est
solide, de la pensée qu'elle est hardie, de l'at-
tenlion qu'e//e est profonde; celui qui emploie
ces imag(;s n'en garantit pas la jnslesse; et si l'on
demande pourquoi il allrihue de la solidité à ce
(pi'il appelle un souffle (spirllus), de la hardiesse
à l'aclimi de peser (pensarc), de la profondeur
à la direction du nKuivcment [lendere ad), car
tel est le sens primilif d'esprit, de pensée et d'at-
tention, il n'a (pi'un mot à répondre : Cela est
reçu; je parle ma langue.
Mais s'il emiiloie de nouvelles images, on a
droit iFexiger de lui qu'elles soient justes, clai-
res, sensibles, et d'accord avec elles-mêmes. C'est
à quoi les écrivains, même les plus élégants, ont
nuuKiuêplusd'uuefois. Brumoi dil «luc la comé-
die grec(pie, dans son troisième âge, cessa d'être
une mégère, et devint un miroir. (Discours sur
la comédie grecque, § v.) Quelle analogie y a-t-il
entre un miroir et une mégère?
Il y a des images qui, sans être précisément
fausses, n'ont pas celle vérité sensible qui doit
nous saisir au premier coup d'œil. Vous repré-
senlez-vous un jour vaste par le silence, dies
per silentium vastus? c'est l'expression dont se
sert Tacite pour exprimer le jour des funérailles
de Gerinanicus; mais même, après avoir déve-
loppé la pensée de Tacite, on ne saisit point en-
core son image. La Fonlain(!, empruntant cette
image à l'historien laliii, a dil :
Craignez le fond des bois et leur vaste silence.
Ici l'image est claire et juste. On se transporie
au milieu d'une solitude immense, où le silence
règne au loin ; et silence vaste, qui parait Jiardi,
est beaucoup plus sensible ([ue silence profond,
qui est devenu si familier.
Distinguons cependant une image confuse
dune image vague. Celloci peut être claire,
(luoi(piC indélinie. L'étendue, l élévation, la pro-
fondeur, sont des lennes vagues, mais clairs. Il
faut même bien se garder de déterminer certai-
nes expressions doni le vague fait toute la force.
Tout était Dieu, excepté Dieu meute, dil Bos-
suel en parlant des siècles d'idolàlrie; c'est le va-
gue et l'immensité de cette image qui en l'ait la
force et la sublimilé.
Pour s'assurer de la justesse et de la clarté
d'une image en elle-même, il faut se demander
en écrivant, que fais-je de mon idée? une co-
lonne, un fleuve, une plante? L'image ne doit
rien représenter qui ne convienne à la i)!anle, a
la colonne, au fleuve, elc. La règle osi sim|)le,
sûre et facile. Rien n'est plus commun cependant
que de la voir négliger, et surtout par les com-
mençants, qui n'ont pas fait de leur langue une
élude philosophique.
L'analogie de l'image avec l'idée exige encore
plus d'attention que la justesse de l'image en
elle-même, comme étant plus dillicile à saisir.
jNous avons dit que toute image suppose une res-
semblance, ainsi que toute comparaison ; mais la
comparaison développe les rapports, l'image ne
fait que les indiquer. Il faut donc que l'image soit
3G2
IMA
au moins aussi juste qucla comparaison peut l'i^lrc.
L'image qui ne s'applitiue pas exactement a ri<l('e
qu'elle enveloppe, l'ob^-curcil au lieu de la len-
ilrc sensible; il faut que le voile ne fasse aucun
pli, ou (pic du moins, pour parler le lan^'agc des
peintres, le nu soit bien ressenti sous la draperie.
Après la justesse et la clarté de l'imai^e, il
faut placer la vivacité. L'effet que l'on se iiruiwse
étant d'affecter l'imagination, les traits qui l'af-
fectcnl le plus doivent avoir la iireférence.
Tous les sens contribuent proportionnellement
au langage figuré. Nous disons le coloris des
idées, la voix des remords, la dureté de l'urne,
la douceur du curacicre, Vodcur de la re/imn-
mée. Mais les objets de la vue, plus clairs, plus
vifs et plus distincts, ont l'avantage de se graver
plus avant dans la mémoire, et de se retracer
plus facilement. La vue est, par excellence, le
sens dcriraagination,etlesobjets qui se commu-
niquent à l'àme par l'entremise des yeux, von', s'y
peindre comme dans un miroir. Aussi la vue est-
ellc celui de tous les sens qui enrichit le plus le
langage poétique. Apres la vue, c'est le toucher;
aprésle toucher, c'est l'ouïe; après l'ouïe vient
le goûi ; cl J'odoi-af, le plu? faible de tous, four-
nit à peine une image entre mille. Parmi les ob-
jets du même sens, il en est de plus vifs, de plus
frappants, de plus favorables à la peinture. Mais
le choix est au-dessus des règles, c'est au sens
intime à le déterminer.
C'est peu que l'image soit u-nc expression juste,
il faut encore qu'elle soit une expression natu-
relle, c'est-à-dire c]u'ellc paraisse avoir dû se pré-
senter d'elle-même à celui qui l'emploie. Les
peintres nous donnent un exemple de la pro-
priété des images ; ils couronnent les naïades de
perles cl de corail, les bergères de fleurs, les mé-
nadesde pampre, Uranie d'étoiles, etc.
Les productions, les accidents, les phénomè-
nes de la nature, diffèrent suivant les climats. Il
n'est pas vraisemblable que deux amants ijui
n'ont jamais dû voir de palmiers, en tirent l'image
de leur union. Il ne convient qu'aux peuples du
Levant, ou à des esprits versés dans la poésie
orientale, d'exprimer le rapport des deux extrê-
mes par le cèdre et l'hysope. L'habitant d'un cli-
mat pluvieux compare la vue de ce (ju'il aime à
la vue d'un ciel sans nuages; l'habitant d'un cli-
mat brûlant la compare à la rosée. Voyez com-
bien sont opposées l'une à l'autre les idées que
présente l'image d'un fleuve débordé à un berger
des bords du Nil et à un berger des bords de la
Loire. 11 en est de même de toutes les images lo-
cales, (pie l'on ne doit transplanter qu'avec beau-
coup de précaution.
Les images sont aussi plus ou moins familiè-
res, suivant les mœurs, les opinions, les usages,
les conditions, etc. Un peuple guerrier, un peu-
ple pasteur, un peuple matelot, ont chacun leurs
images haijituelles; ils les tirent des objets qui
les occupent, (jui les affectent, ([ui les intéressent
le plus. Un chasseur amoureux se compare au
cerf qu'il a blessé :
Portant partout le trait dont je suis déchire.
(Rac, l'héd., act. II, se. il, 77.)
Un berger, dans la mémo situation, se compare
aux fleurs exposées aux vents du midi.
C'est ce qu'on doit observer avec un soin par-
ticulier dans la poésie dramatique. Brihundcus
ne doit pas être écrit comme Alhulie, ni Pu-
lycvcte comme Cinna. C'est un heureux choix
d'images inusitées parmi nous, mais rendues na-
IMA
lurelles par les convenances, qui fait la magie du
style de Mahomet et iV.lIzirc, et qui manque
peut-être à celui de Btijazd.
Il y a des phénomènes dans la nature, des opé-
rations dans les arts qui, (|U(ji(pic i)résents à toiu
les hommes, ne frappent vivement ([uc les yeux
des philosophes ou des artistes. 1 es imaïcs, d'a-
bord réservées au langage des arts et des scien-
ces, ne doivent passer dans le style oratoire ou
poétique qu'à mesure <iue la lumière des sciences
et des arts se répand dans la société. Le ressort
de la montre, la boussole, le télescope, le pris-
me, etc., fournissent aujourd'hui au langage fa-
milier des images aussi naturelles, aussi peu re-
cherchées que celles du miroir et de la balance
Mais il ne faut hasarder ces translations nouvelles
qu'avec la certitude que les deux termes sont bien
connus, et ([ue le rapport en est juste cl sensible.
Le puëie lui seul, comme pacte, peut employer
les images de tous les temps, de tous les lieux et
de toutes les situations de la vie. De là vient
(juc les morceaux épiques ou lyriques dans les-
(juels le poëte parle lui-même en qualité d'Iiomme
inspiré, sont les plus abondants, les plus variés
CD images II a cependant lui-même des ménage-
ments à garder.
1» Les objets d'où il emprunte ses métaphores
doivent être présents aux esprits cultivés; 2" s'il
adopte un système, comme il y est souvent obligé,
celui^ par exemple, de la théologie, ou celui de
la mythologie, celui d'Epicure ou celui de New-
ton, il se borne lui-même dans le choix des ima-
ges, et s'interdit tout ce qui n'est pas analogue
au système qu'il a suivi; 3" les images que l'on
emploie doivent être du ton général de la chose;
élevées dans le noble, simples dans le familier,
sublimes dans l'enthousiasme , et toujours plus
vives, plus frappantes tiue la peinture de l'objet
même; sansiiuoi l'imagination écarterait ce voile
inutile, (^'est ce qui arrive souvent à lalec;ure
des poèmes dont le style est trop figuré; 4" si le
poëte adopte un personnage, un caractère, son
langage est assujetti aux mêmes convenances que
le style dramali()ue ; il ne doit se servir alors,
pour peindre ses scnlimenls et ses idées, que des
images qui sont iirésentes au personnage qu'il a
pris'; 5" les images sont d'autant plus frappantes,
que les objets en sont plus familiers; et, connue
on écrit surtout pour son pays, le style p'iéliiiue
doit avoir iliturellcmcnt une couleur natale.
Mais une règle plus délicate et plus difficile à
prescrire, c'est l'économie et la sobriété dans la
distribution îles images. Si l'objet de l'idée est de
ceux que l'imagination saisit et retrace aisément
et sans confusion, on n'a besoin, pour la frapper,
que de son expression naturelle ; et le coloris
étranger n'est plus que de décoration. Mais si
l'objet, (juoitiue sensible par lui-même, ncscpnv
senle à l'imagination ([uc l'aiblement, confusé-
ment, successivement ou avec jjeine, l'image qui
le peint avec force, avec éclat, éclaire et soulage
l'esiirit autant qu'elle embellit le style.
Mais ce n'est pas assez que l'idée ait besoin
d'être embellie, il faut qu'elle mérite de l'être.
Une pensée triviale, revêtue d'une image pom-
peuse ou brillante, est ce «pi'on appelle du phé-
hiis. On croit voir une ])hysionomie basse et
commune ornée de diamants Cela revient à ce
premier principe, que limage n'est faite <pie pour
rendre l'idée sensible. Si l'idée ne mérite pas d'ê-
tre sentie, ce n'est pas la peine de la colorer.
En observant ces deux règles, .savoir : de ne
jamais revêtir l'idée que r^ur l'embellir, et de ne
IMA
jamais embellir que ce qui mérite d'être embelli,
on évitera la iirot'iision des images, on ne les em-
ploiera qu'a propos; c'est là ce qui fait le cliarmc
du style «le llacine et de La Fontaine. 11 est ri-
che et n'est point chargé ; c'est l'abondance du
génie «lue le goût ménage et répand.
La cuntiiuKilion de la même image est une af-
fectation que l'on doit éviter, surtout dans le
dramaliiiue, où les personnages sont trop émus
pour penser à suivre une allégorie. C'était le goût
du siècle de Corneille, et lui-même il s'en est
ressenti.
En changeant une idée, on peut immédiate-
ment i)asser d'une image aune autre; mais le
retour du ligure au siuiple est indispensable si
l'on s'étend sur la même idée, sans quoi l'on se-
rait oldigé de soutenir la première image, ce qui
dégénère en affectation ; ou de présenter le même
objet sous deux images différentes, espèce d'in-
conséquence qui clioquelc bon sens et le goût.
Il est des idées qui veulent être relevées, il y
en a d'autres qui veulent que l'image les abaisse
au ton du style familier. Ce grand art n'a point
de règle, et ne saurait se raisonner.
Dans tous les mouvements impétueux, comme
l'enthousiasme, lu passion, etc., le stylo s'euûe
de lui-même; il se tempère ou s'affaiblit quand
l'âme s'apaise ou s'épuise. Ainsi, toutes les fois
quo la beauté du sentiment e.-t dans le calme,
l'image est d'autant plus belle, qu'elle est plus
simple et plus familière. Les exemples de celte
simplicité précieuse sont rares chez les moder-
nes, ils sont communs chez les anciens.
Quanta l'abus des images qu'on appelle jeux
de mots, il consiste dans la fausseté des rapports.
Les rapports du figuré au figuré ne sont que des
relations d'une image à une image, sans que ni
l'une ni l'autre soit donnée pour objet réel. C'est
ainsi que l'on compare les chaînes de l'amour
avec celles de l'ambition, et que l'on dit que
celles-ci sont plus pesantes et moins fragiles.
Alors ce sont les idées mêmes que l'on compare
sous des noms étrangers.
Mais c'est abuser des termes que d'établir une
ressemblance réelle du figuré au simple. L'image
n'est qu'une comparaison dans le sens de celui
qui l'emploie; c'est la donner pour l'objet même
que de lui attribuer les mêmes rapports qu'à
l'objet, comme dans ces vers:
Brûlé de plus de feux que je n'en allumai.
(Rac, Ândrom., act. I, se. IT, 62.)
Elle fuit, mais en Parthe, en nous perçant le cœur.
(Corn., Rodog., act. I, se. v, 3.j
De la fiction à la réalité, les rapports sont pris
à la lettre, et non pas de la niélaphurc à la réa-
lité. Par exemple, après avoir changé Syrinx en
roseau, le poëtc en peut faire une flùie; mais
quoiqu'il appelle des lis et des roses les cou-
leurs d'une bergère, il n'en fera pas un bouquet.
Pourquoi cela? C'est que la métamorphose de
Syrinx est donnée pour un fait dont le poëte est
persuadé; au lieu que les lis et les roses ne sont
qu'une comparaison dans l'esprit môme du poëtc.
C'est pour n'avoir point fait cette distinction si
facile, que tant de poêles ont donné dans les jeux
de mots, l'un des vices les plus opposés au na-
turel qui fait le charme du style poétique. (Ex-
trait ûeMarmonlel.)
Quelquefois on présente dans une description
deux images opposées qui, jointes ensemble, se
relèvent mututUement. C'est ce qu'où appelle
IMB
363
dmihle peinture. C'est en usant d'une double
I^inturc que Corneille, dans le récit du songe de
Tauline, lui fait dire, en parlant de Sévère [Puly.
act. I, se. III, 99) :
Il n'était point couvert de ces tristes lambeaux
Qu'une ombre désolée emporte des tombeauic;
Il n'était point percé de ces coups pleins de gloire,
Qui, retranclianlsa vie, assurent sa mémoire:
Il semblait triomphant, et tel que sur son char,
Victorieux, dans Home entre notre César.
La double peinture est d'un merveilleux effci
pour le path(;ti(]ue , mais il faut beaucoup d'a-
dresse pour la ménager et l'employer à propos.
[Encyclop , article /'emmure double.)
Imaginable. Adj.des deux genres. Qui peut être
imaginé. Fcraud prétend qu'il ne se dit guère
qu'avec la négative ou en interrogation. C'est une
erreur. Les exemples que donne l'Académie sont
une preuve du contraire : On lui a fait tous les
remèdes Lmayi/iahles. Tous les malheurs iinagi—
nuhles lui sont arricés. On a fait tous les ef-
forts iinuiiinables pour le sauver. Cet adj. ne se
met (pi'après son subst.
Imaginaire. Adj. des deux genres. Qui n'est
que dans l'imagination. On dit en ce sens un bon-
heur imaginaire, une peine imaginaire. Sous ce
point de vue, imaginaire n'est point opposé à
réel; car un bonheur imaginaire est un bonheur
réel; une peine imaginaire g^\. une peine réelle.
Que la chose soit ou ne soit pas comme je l'ima-
gine, je souffre ou je suis heureux. Ainsi, \'ima-
ginaire peut être dans le motif, dans l'objet ;
mais la réalité est toujours dans la sensation. Le
malade imaginaire est vraiment malade, d'esprit
au moins, sinon de corps. En prose, il ne se
met qu'après son subst. : Un bonheur imagi-
naire, des biens imaginaires. — Un malade
imaginaire .
Imaginatif, Imaginative. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Esprit imaginatif, faculté,
puissance Imaginative.
Imaginer. "V. a. de la I" conj. Les grammai-
riens onl remarqué qu'il y a une grande dilfé-
rcncc entre imaginer et s'imaginer , soit par
rapport au sens, soit par rapport à la syntaxe.
T'uagincr, c'est se rcprésenteniuclque chose dans
l'esprit; c'est aussi en queUpie sorte créer une
idée, en être l'inventeur. S'imaginer, c'est se
figurer (luelque chose sansfondemcnt, ou simple-
ment croire, se |)ersuader quelque chose. Ima-
giner ne peut jamais être suivi d'un que, ni d'un
infinitif. On ne doit pas ùlrcj'imagine que cela
est; il imagine être un grand homme. ]\Iais i't-
viaginer peut avoir à sa suite un que , un nom,
un infinitif ou une proposition incidente : On
s'imagine ordinairement qu'on a plus de mérite
et de perfections qu'on nen a en effet. Celui qui
imagina les premiers caractères de l'alphuhcl u
bien des droits à la rccotinaissance du genre hu-
main. Les esprits inquiets s'imaginent d'ordi-
naire les choses tout autrement qu'elles ne sont.
La plupart des écrivains polémiques s'iinaginenl
avoir bien humilié leurs adcersaires, lorsqu'ils
leur ont dit beaucoup d'injures. On s'imagine
avoir quelque jour /e temps de penser à la mort;
et, sur cette fausse assurance, on passe sa vie
sans y penser.
luBÉcii.E. Adj. des deux genres. Il y a une
grande différence entre les imbéciles et les fouc.
Je croirais fort, dit Locke, que le défaut de:'
imbéciles vient de manque de vivacité, d'acti-
vité, et de mouvement dans les facultés intellec-
364
IMI
tucUcs, par où ils se trouvent privés de l'usage
de la raison. Les fous, an contraire, semblent éire
dans l'exlrcmilc opposée; «-ar il ne parait pas que
ces derniers aient perdu la faculté de raisonner;
mais il parait qu'ayant joint mal à propos cer-
taines idées, ils les prennent |)our des vérités,
et se trompent de lu même manière que ceux qui
raisonnent juste sur de faux principes. Ainsi
vous verrez un fou cpii, s'imaginant être roi, pré-
tend, par une juste conséquence, être servi, ho-
noré selon sa dignité. D'autres, qui ont cru être
de verre, ont pris toutes les précautions nécessaires
pour empcrlicr leurcorpsd'élrc cassé. Ce qui con-
stitue vraisemblablement la différence qui se
trouve entre les imléciles et les fous, c'est que les
fous joignent ensemble des idées mal assorties et
extravagantes, sur lesquelles néanmoins ils raison-
nent juste; au lieu (pie les imhiciles font très-peu
de propositions, ou n'en font ])oint, et ne rai-
sonnent ([ue i)cu, ou point du tout, suivant l'état
de leur imbécillité. — 11 se dit, surtout en vers,
de la faiblesse du corps :
Prêtres audacieui, imhéciUs soldats,
Du sabre et de l'épée ils ont chargé leurs bras.
(Volt., ifcnr., IV, 353.)
On voit par ces vers qu'il peut se mettre avant
son subsl. A'oyez Adjectif, Idiot.
IsiBÉciLr.jiEîiT. Adv. Cet adverbe, que l'on no
trouve guère que dans le Dictionmiire de l'Aca-
démie et dans celui de Restaut, n'est presque
point usité.
Lmcécillité. Subst. f. On fait sentir les deux l
sans les mouiller. A'oyez Imbécile.
Imberbk. Adj. m. Il ne se met qu'après son
sulist. : Un jeune homme imlerhe. L'Académie
le fait des deux genres et donne [)our exemple
du Icminin : Plusieurs nations de l'Amérique
sont imberbes. Les nations ne sont point im-
berbes; il n'y a (juc les hommes de certaines
nations qui le soient. Ce mot ne se dit que de
ceux qui n'ont point de barbe, et qui doivent
ou qui devraient en avoir , suivant les idées
communes. On dit que les femmes n'ont point de
barbe, mais on ne dit pas i[u'elles sont imberbes.
Lmboihe. y. a. de la 4' conj. C'est un vieux
mot très expressif, dont nous n'avons conservé
que le participe imbu. 11 signifiait recevoir par
goùl des idées, des opinions, etc., t;t se les ren-
dre jiroprcs par la force de l'h;ibitudc. On disait
'ii\iss'\ s* imboire. Montaigne a dit : Il faut qu'il
imboive leurshumeurs, non qi/' il apprenne leurs
préceptes; et qu'il oublie hardiment s'il veut d'oii
il les tient; mais qu'il se les sache approprier.
[Essuis,\\v.], cb'ip. XXV, t. I, p.4.43.)J.-J. llous-
scau a fait renaître cette ex|)ression, et quelques
écrivains l'ont imité. Celui qui vous parle est
un solitaire qui, vivant peu avec les hommes,
a moins d'occasions de _ s'imboirc dz leuîs
pr, jugés, {i.-i. nouss., Emile, liv. II, t. v:,
p. 146) Nous n'avons aucun nio» (pii exprime
convenubleuient l'idée que présence celui-ci;
pourquoi donc le rejeter?
liiBBOGMo. Subst. m. On le prononce à l'ita-
lienne ein-bro-glio, en mouillant gl. L'Académie
<lit qu'on le prononce aussi imbroille, a la fran-
çaise, Cdus faire sentir l't, et en mouillant les /.
Imit.\bi.e. Adj. des deux genres. 11 ne se dit
guère qu'avec la négative, et alors il diffère
d'inimitable, en ce(iue celui-ci se dit du bien ou
du beau auquel on ne peut atteindre, et imitable,
des choses qu'il faut se carder d'imiter. Virgile
IMI
est inimitable, Lucain n'est pas imitable. Je
sens si virement ce que le père du théâtre a de
sublime, qu'il ui'est permis, plus qv'ii personne,
de montrer en quoi il n'est pas imitable. (Volt.,
Dernières remarques sur Sertorius.) 11 en est
de même dans le sens moral . Ce trait d'héroïsme
est inimitable. Cette actrice n'est pas imitable.
I.MiTATECR. Subst. m. Eli parlant d'une femme,
on dit imitatrice. Il se prend aussi adjective-
ment, et alors il ne se met qu'après son subst. :
Un e.<;pril imitateur, un peuple imitateur.
liMiTVTiF, Imitative. Adj. Qui imite. 11 ne se
met qu'après son subst. : Termes imitatifs,
harmonie imitative, chants imitatifs.
En termes de grammaire et de poésie, on ap-
pelle/iferaic imtVn/tVe toute phrase «lui imite en
quelque manière le bruit inarticulé dont nous
nous servons par instinct naturel, pour donner
l'idée de la chose (lue la phrase exprime avec des
molsarliculés.
L'homme qui manque de mots pour exprimer
quelque bruit extraordinaire, ou pour rendre a
son gré le sentiment dont il est touché, a recours
nalurcUement à l'expédient de contrefaire ce
même bruit, et de marquer ses sentiments par
des sons inarticulés. Nous sommes portés par un
mouvement naturel à dépeindre par des sons
inarticulés le. fracas qu'une maison aura fait en
tombant, le bruit confus d'une assemblée tumul-
tueuse, et plusieurs autres choses. L'instinct
nous porte à suppléer par ces sons inarticulés à
la stérilité de notre langue, ou bien à la lenteur
de notre imagination.
Mais les écrivains latins, particulièrement les
poètes, qui n'ont pas été gènes comme les nôtres,
et dont la langue est infiniment plus riche, sont
remplis de phrases imitatives t|ui ont été ad-
mirées et citées avec éloge par les écrivains du
bon temps.
Nos poêles qui ont voulu enrichir leurs vers
de ces phj-ases imitatires n'ont pas réussi au
goût des Français, comme les poètes latins au
goût des Romains. Nous rions du vers où Du-
bartas dit en décrivant un coursier (Artifices.
1" jour de la 2' semaine, Jf^' partie, 398) :
Le champ plat, bat, abat...
Nous ne traitons pas plus sérieusement les vei-s
suivants, où le vol de l'alouette est décrit en
phrase imitative :
Elle guindée du zépliire,
Sublime en l'air, vire et revire,
Et y décligne un joli cri,
Qui rit, guérit, et tire lire
Des esprits mieux que je n'écris
Pasquier rapporte i)lusieurs autres phrases
imitatives des poêles français, par lesquelles il
veut prouver que noire langue n'est pas moins
tapaltle que la latine de beaux traits poétiques;
mais les exemples qu'il rapporte suffisent jjour
réfuter sa pri)|iosilion.
En effet, i)arce qu'on aura introduit quelques
phrases imitatives dans des vqis, il ne s'ensuit
pas que ces vers soient bons. Il faut que ces
phrases imitatives y aient été introduites sans
préjudicier au sens et à la conslruction gram-
maticale. Or, on cilerait bien peu de morceaux
de poésie française qui soient de celle espèce,
et qu'on puisse opposer en (pielque façon à tant
d'autres vers que les Latins de luus les temps
ont loués dans des ouvrages de \cuvs poêles. Du
Bos ne connaissait en ce genre que la descrip-
IMI
tion d'un assaut qui se trouve dans l'ode de
Dcsprt'MUX sur la Prise de Namvr (v. I/18). Le
poëie, dit-il, y dépeint en phrase imitative le
soldat (]ui LTavil coiiirc une bièche, et qui vient,
le fer et la îlannne on la main,
Sur les monceaux de piques
De corps morts, de rocs, de briques.
S'ouvrir un large chemin.
(Elirait do Y Enoyclopèdie .)
Imitation. Subst. f. Eu termes do litlérature,
on entend par imilalion l'ciiiprunt des images,
des pensées, des seniiiiienls ([u'on jiuise dans les
écrits de quehiue aulcur, el dont on l'ait uu
usage, soit différent, soit approclianl, soit en en-
chérissant sur l'original, llieu n'est plus permis
que d'user des ouvrages qui sont entre les manis
de tout le monde. C'est dans les bons écrits
qu'il faut prendre l'abondance et la richesse des
termes , la variété des figures, et la manière de
composer. Ensuite on doit s'attacher fortement à
imiter les perfections tpie l'on y voit; car on ne
doit pas douter (lu'une bonne partie de l'art ne
consiste dans l'imitation adroitement déguisée
Virgile imite tanlôt Homère, lanlôt Théoerilc,
tantôt Hésiode, et tantôt les poètes de son lem[)S ;
et c'est j)our avoir eu tant de modèles, qu'il est
devenu un modèle admirable à son tour.
La première chose qu'il faut faire, c'est de se
choisir un bon modèle. 11 est plus facile qu'on
ne pense de se laisser surprendre par des guides
dangereux; on a besoin de sagacité pour discer-
ner ceux auxquels on doit i- : livrer. 11 ne faut
pas nièi. 0 s'attacher tellement a un excellent mo-
dèle, ipi'il nous conduise s&ul, et nous fasse ou-
blier tous les autres écrivains. Le discernement
n'est j)as moins nécessaire pour prendre dans les
modèles qu'on a choisis les choses qu'on doit
imiter. Tout n'est pas également bon dans les
meilleurs auteurs, et tout ce qui est bon ne con-
vient pas également dans tous les temps et dans
tous les lieux. Mais ce n'est pas encore assez que
de bien choisir; l'imitation doit être faite d'une
manière noble, généreuse et pleine de liberté.
La bonne imitation est une continuelle invention.
11 faut, pour ainsi dire, se transformer en son
modèle, embellir ses pensées, et, par le tour
qu'on leur donne, se les approprier, enrichir ce
qu'on lui prend, et lui laisser ce qu'on ne peut
enrichir.
C'est ainsi que La Fontaine imitait, comme il
le déclare nettement :
Mon imilalion n'est point un esclavage.
{Éfttre à l'évéque d'Avranchcs en lui donnant
un Qitintilien, 26.)
« Je n'emploie que l'idée, les tours el les lois
que nos maîtres suivaient eux-mêmes. »
Si d'ailleurs quelque endroit plein chez eux d'excellence,
Peut entrer dans mes vers sans nulle violence.
Je l'y transporte, et veux qu'il n'ait rien d'affecté,
lâchant de rendre mien cet air d'antiquité.
{Idem, 29.)
(Extrait de l'Encyclopédie.'^
Imiter. V. a. de la 1" conj. Imiter l'exemple
se dit de celui qui s'efforce de cojjicr une écri-
ture, un dessin. Dans le sens moral, on dit «mz-
ter l'exemple de qiielqu' un, et suivre Vcxemple
de queiqu'xui ; mais suivre V exemple de quel-
qu'un n'est ^);is toujours une phrase corrccle, et
il faui îouvcî^t dire imiler l'exemple de quel-
qu'un. Sn suit des conseils, des avis; ils indi-
IMM
36î
qucnt, ils tracent une route, et on la suit. Mais
qu'est-ce ([u'un exemple? c'est une qualité mo-
rale, une action bonne ou mauvaise considérée
connue pouvant èlvc imif te. On \\c suit pas une
qualité morale, on ne *!/// pas une action bonne.
On dit cest une action à imiter, c'est une ac-
tion qu'il ne faut pas imiler ; ei non pas c'est
une action à suivre, c'est une action qu'il ne
faut pas suivre. Qu'est-ce ([u'imiler? c'est pren-
dre pour modèle. Or, on ne suit pas un modèle,
du moins dans le sens dont il est question ici; on
tâche de l'imiter. Bossuot a dit : Imites un si
bel exemple, et laissez-le à vos descendants.
Boilcau a aussi employé celte expression dans les
vers suivants {Épitre Vil, 71) :
Imite mon exemple ; el lorsqu'une cabale,
Un flot de vains auteurs follement le ravale.
Profite de leur haine et d« leur mauvais sens,
nis du ^ruit passager de leurs cris impuissants.
Dans les :;as oij il s'agit de la conduite que l'on
tient, des el'i'orls (pu; l'on fait, d'une carrière que
l'on parcourt, on peut dire suivre V exemple de
quclqu'-in. .Je dirai donc, voyez comme votre
frère étudie, et suivez son exemple, f^otre ami
s'enrichit par son activité et son travail, sui-
vez Si n exemple. Un grenadier monta à l'as-
saut, les autres suivirent son exemple. Mais
lors(-,ue le modèle (pie l'on propose est complet,
lorsqu'il n'y a plus rien à y ajouter, on emploie
imiter, f^otre frère .s'est avancé par sa docilité,
imitez son exemple, f^otre ami s'est cnrichipar
son travail et so?i économie, iîuitez son exem-
ple. On ne suit pas l'exemple des personnes qui
n'existent plus, on l'imite; le modèle est com-
plet, il n'y a plus rien à suivre, il s agit d'imi-
ter. On ne dit pas suives les exemples de vos an-
cêtres, mais imitez les exemples de vos ancê-
tres.
Immacclé, Immaculér. Adj. On prononce les
deux m, et l'i conserve le son qui lui est naturel.
TiiMANGEABLE. Adj. dcs dcux geurcs. On pro-
nonce les deux ?«, et Vi initial conserve sa pro-
nonciation naturelle. Cet adj., i\m est très-i)cu
usilé, ne se met qu'après sou subst. Au lieu de
dire cela est immangeable, on dit ordinairement
cela n est pas mangeable .
1.MMANQUABLE. Aoj. dcs dcux gcnfcs. Lcs dcux
m se prononcent, et Vi garde le son (jui lui est
naturel. H ne se dit que des choses, et se met
toujours après son subst. : Une affaire imman-
quahlc.
Immanquablement. AJv. l'i conserve sa pro-
nonciation naturelle, et on prononce les deux m.
On peut le mettre entre l'auxiliaire et le parti-
cipe : // aura fini inmanquuhlemenl dans deux
heures. Il aura immanquablement fini dans
deux heures.
Immatérialité. Subst. f. Vi initial conserve
sa prononciation naturelle, et Icsdeu.x.OT se font
sentir.
Immatériel, Immatérielle. Adj. L'z initial con-
serve sa prononciation naturelle, el les deux m
se font sentir. Cet adj. ne se met qu'après son
subst. : Substance immatérielle .
Immatriculation, Imiutricule, Immatriculer
Dans ces trois mois, l'j iinlial conscrTC le son qui
lui est naturel, cl on prononce les deux m.
Immédiat, Immédiate. Adj. L'i initial conserve
le son qui lui est propre, et les deux m se font
sentir. Cet adj. ne se met tpiaprès son subet •.
Cause immédiate, effet immédiat.
366
IM.M
Immédiatfmf^t. Adv. L'i initial conserve la
prononciation qui lui est propre, et les deux vi
se font sentir. Il doit être place après le verbe :
// tient iinmédiutoncnt ses pouvoirs du souve-
rain. Lorsqu'il niodilie un autre adverbe, il doit
le précéder : Innnédiate/neni après.
Immémoui*!., bniKiioniALE. Adj. 1,'z initial con-
serve sa jH'onouciation naturelle, et les deux m
se font sentir. Il ne se met qu'a|irès son subst. :
Usage immé moriA.il , possession immémoriale.
Cet adj. se dit de ce qui passe la mémoire des
hommes qui sont actuellement vivants, et dont
on ne connaît point le commencement. On dit, par
exemple, «pie de temps immtnnnrial o-n en a w.Ç(;
ainsi, on que \ on a une possession inimérnoriaie
d'un héritiige. La possession de trente ou (jua-
raiitc ans, et même de cent ans, n"esl point im-
/«e«iori(//e dés qu'on en connaît l'origine.
Ijimekse. Adj. des deux genres. \Ji conserve
sa prononciation naturelle, et oh fait sentir les
deux wi. Cet adj. peut se mettre avant son subst.,
lorsque l'analo^iie et l'iiarmonie le permettent : Une
étendue immense, une immense étendue. Cet ad-
jectif exprimant une espèce de superlatif, n'est sus-
ceptible ni de plus ni de moins; on ne peut donc
dire ni plus immense, ni moins immense. Dclille
a dit fort heureusement {Énéid., IV, 775) ;
Sur le monde assoapi régnait un calme immente.
Nous pensons qu'il n'a pas si bien réussi en di-
sant {Enéid., II, 73) :
A CCS mots, saisissant sa jareline immcTue.
Une javeline immense semble un peu étrange.
On dit bien une hauteur immense, parce que le
mot hauteur présentant l'idée d'une dimension,
peut s'allier dans toute sa signification avec l'idée
à'iin?-cnse. 11 n'en est pas de même du mol ja-
veline, qui, loin de présenter par lui-même l'idée
d'une dimension, exclut au contraire celle d'une
surface, qui s'alliele plus naturellement avec l'i-
dée d'immensité. Il n'y a donc entre l'adjectif et
le substantif qu'une analogie éloignée que l'esprit
ne saisit pas d'abord, ce qui empêche l'idée d'être
claire. Peut-être pourrait-on ne lias désapprou-
ver le vers suivant du même auteur (Enéid.,
V,519):
Il montre lenr vigueur, montre sa taille immense.
Taille présente Tidée d'une hauteur, d'une éléva-
tion, et a, ])ar cette raison, une analogie plus di-
recte avec l'adjectif immense.
lM.MENsiiMF.NT. Adv. L'i conscrvc sa prononcia-
tion naturelle, et on fait sentir les deux m. On
peut quelquefois le placer entre l'auxiliaire et le
participe : Il a perdu immensément dans cette
entreprise. Il a immensément perdu dans cette
eni.-cprise. Féraud veut qu'on écrive et qu'on
prononce immensément, sans accent sur l'e qui
suit Ys ; mais l'usage exige cet accent.
Immensité, I3IMERSI0N. Dans ces deux mots l't
initial conserve le son qui lui est naturel, et on
fait sentir les deux m.
Immeuble. Adj. qui se prend subslîintivement.
L'i conserve sa prononciation naturelle, et on
fait sentir les deux m. Comme adj., il ne se met
qu'après son subst. -.Des biens immeubles.
Imminence. Subst. f. L't initial conserve sa
proiionciation naturelle, et les deux m se font
sentir, ^'ecke^a dit Vimmincnce du danger. —
IMM
L'Académie a mis ce mot dans la dernière édition
de son Dictionnaire.
Imminent, Imminente. Adj. L't initial conserve
le son qui lui est propre, et on fait sentir les
deux m. On peut le mettre avant S'Hi subst., en
consultant l'oreille et l'analogie : Dans ce péril
imminent, dans cet imminent péril. \o^czÉ mi-
nent.
Immiscer, bnnxnos. Dans ces deux mots, 1'»
initial conserve sa prononciation naturelle, cl on
l'ait sentir les deux m. YiSin?, immixtion, ii con-
serve sa prononciation naturelle.
Immobile, Immobilieiî, Immobilité. Dans ces
trois mots, \'i initial conserve sa prononciation
naturelle, et on fait sentir les deux m. Les deux
adjectifs, immobile et imm<ibiiier, immubilière,
ne se mettent qu'après le subst. : Un homme im-
mobile. Une succession immobilière.
Immodéré, Immodérément. Dans ces deux mois,
l'î initial conserve sa prononciation naturelle, et
on fait sentir les deux m.
Immodéré, immodérée, CS^ UT\ a^lj. qui nîSft
met qu'après son subst. : Zèle immodéré, pas-
sion immodérée, désirs immodérés.
L'adverbe immodérément ne se met point en-
tre l'auxiliaire et le participe : Il a bu immodé-
rément, et non pas il a immodérément bu.
I.^iMODLSTE, Immodestement, Immodestie. Dans
ces trois mots, l't initial conserve sa prononcia-
tion naturelle, et on l'ait sentir les deux ju. Im-
inodeste, adj. des deux genres, peut se mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Des regards immodestes, ces im-
modestes regards. L'adverbe immodestement ne
se met point entre l'auxiliaire et le participe : //
a parlé immodestement, et non pas il a immo-
destement parlé.
Immolation, Immoler. Dans ces deux mots,
Vi initial conserve sa prononciation naturelle, et
on l'ait sentir les îh. Dans immolation, ii se pro-
nonce comme ci.
Immoler signifie quelquefois, surtout dans le
style poétique, tuer, massacrer, égorger. Voltaire
a dit dans la Mort de César (act. II, se. iv, 12U) :
Courons au Capitule ;
C'est là qu'il nous opprime, et qu'il faut qu'on l'immole
Immonde, Immondice. Dans ces deux mots, Vi
initial conserve sa prononciation naturelle, et on
fait sentir les deux m. Immonde, adj. des deux
genres, ne se met qu'après son subst. : Des ani-
maux immondes, des viandes immondes. Im-
mondice, subst. f., ne se met qu'au jjluriel quand
il signifie ordure; et l'Académie elle-même, qui
le met au singulier en ce sens, ne donne (jue des
exemples du pluriel : Oier, nettoyer les immon-
dices, les rues sont pleines d'inimnndices. — Ii
n'a de singulier que dans le sens d'impureté lé-
gale, qui lui est donné dans l'Écriture sainte :
Immondice légale.
Immoral, Immoralité. Dans ces deux mots, l'i
initial conserve sa prononciation natuicUe, et on
fait sentir les deux m. Immoral, immorale, ne
se met qu'après son subst. : Un caractère immo-
ral, un ouvrage immoral, — Immoral, dit Do-
mergue, est un mot de nouvelle création que je
trouve fort bon. Mais que doit-il signifier ? le
contraire de moral, comme injuste, inexact, si-
gnifient le contraire de juste, d'exact. Or, que si-
gnifie moral? — (La (pii a Irait aux mœurs, ce
qui est propre a inspirer les bonnes mœur.s : //
ne faut négliger ni l'éducation physique, ni l'é-
IMP
ducatinn morale. Les coûtes moravx de Mar-
montel. L'éducation morale est la partie de l'c-
diicaliou iiiii a trait aux mœurs, qui forme los
niirurs. Lcx contes moravx de Mnrnumlt'l oui
élc l'ails dans l'intention d'inspirer de bonnes
mœurs. Un impôt immoral est un impôt tjui
tend à dépraver les mœurs; tout ce qui est im-
m rul est tnut ce qui est contraire aux bonnes
mœui"S On voit il\\\' immoral s(t dit des choses et
non des personnes. — Moral ne signilie pas qui
a des mœurs; immoral no peut donc pas signi—
lier qui n'a point de mœurs.
Toutes les belles raisons que je viens de don-
ner, ajoute Domergue, n'ont pas empêché l'adop-
tion de ce mot dans le sens que lui donne Mira-
beau ; sens que Domergue vient de combattre.
Nous pouvons ajouter que l'Académie a donné
|)our exemple de l'emploi de cet adjectif, c'est
l'hovivie le plusimniiiral que je co7i?iaisse. Rien
n'empèehe de dire immoraux au pluriel mascu-
lin.
Immortaliser , Immortalité , Immortel. Dans
ces trois mots, Vi initial conserve sa prononcia-
tion natiuelle, et on fait sentir les deux m. Im-
mortel, immortelle, adj., peut quelquefois se met-
tre avant son subsl. : Vieux immortels , âme
immortelle. — Monument immortel , immortel
inonument, des exploits immortels, d'immortels
exploits. Cet adjectif n'est pas susceptible de
comparaison, soit en plus, soit en moins. On n'est
pas plus ou moins îmmoi-tel.
Immuable, Immdaclement, Immctabilité. Dans
ces truis mots, Vi initial conserve sa prononcia-
tion naturelle, et on fait sentir les deux m.
Imviuahle, adj. des deux genres, peut se met-
tre avant son subst., en consultant l'oreille et l'a-
nalogie : Les décrets immuables de la Divinité,
les immuahles décrets de la Divinité.
L'adv"rbe immuuUement est peu usité.
IsiMDNiTÉ. Subst. f. L'i initial conserve sa
prononciation naturelle , et on fait sentir les
deux m.
Impair, Impaire. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Un nombre impair, les années impaires.
Impalpable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. ; Poudre impalpable.
Impardonkadle. Adj. des deux genres. La
Gravnnuire des Grammaires prétend qu'on
s'cxiirimerait incorrectement en disant une per-
so?ine pardonnable , une personne impardon-
nable, parce que le verbe pardonner n'a pour ré-
gime direct qu'un nom de chose. Si cette règle
était adoptée, il faudrait dire aussi qu'on s'expri-
merait incorrectement en disant une personne ir-
réprochable, parce que le verbe reprocher n'a pour
régime direct qu'un nom de chose. Cependant on
dit tous les jours qu'une personne est irrépro-
chable, (ju'clle est irréprochable dans ses mœurs,
dans sa conduite ; et on dit de même, vous êtes
impardonnable d'avoir agi ainsi.
Quand impardonnable et irréprochable se di-
sent des chcises, ils signifient, qu'on ne peut pas
pardonner, qu'on ne peut pas reprocher ; quand
on les dit des personnes, ils signiiient, à qui on
ne peut pas pardonner, à qui on ne peut rien re-
procher.
Je conviens que pardonnable et rcprochable ne
doivent se dire que des choses.
Lcxlj. impardonnable ne se met qu'après son
subst. t-a parlant des personnes. En parlant des
choses, il j^^ut se mettre avant ou après, en con-
sultant l'oreil\Q et l'analogie : Une effense impar-
donnable. Cette impardonnable offense Une
IMP
367
faute impardonnaUe. — L'Académie ne le dit
que des choses.
Imparfait, Imparfaite. Adj. 11 ne se met guère
(pi'après son subsl. : Une j'oie imparfaite, vu
ouvrage imparfait.
En termes de grammaire, on appelle /irt/cVî/
imparfait, ou simplement imparfiit, un temps
(lui a rapport a une époque déteriuinée |iar la suite
du discours ou par (pichiue circonstance. Voyez
Temps. L'imparfait de l'indicatif se l'orme "du
participe présent, en changeant la finale avt en
ais, comme aimant, j'aimais ; emplissant, j'em-
plissais ; recevant, je recevais ; rendant, je ren-
dais.
Les terminaisons de l'imparfait de l'indicatif
sont les mêmes dans tous les verbes, tant régu-
liers qu'irréguliers, sans aucune exception. Pour
le singulier, elles sont, ais, ais, ail', j'aimais,
tu aimais, il aimait; et pour le pluriel, ions,
iez, aient; nous aimions, vous aimiez, ils
aimaient.
L'imparfait du subjonctif se forme du passé
simple, en changeant aien asse, pour la première
conjugaison ly'aiwrtz, que j'aimasse ; et pour les
autres conjugaisons, en ajoutant se à la terminai-
son du passé simple : Je finis, qjie je finisse; je
crus, que je crusse; je rendis, que je 7'cndisse.
L'imparfait se rapportant à une époque déter-
minée par la suite du discours, doit avoir souvent
un rapport de correspondance avec des temps qui
expriment ces époques. L'imparfait de l'indicatif
correspond ou à son propre temps , je lisais
quand vous écriviez; on au passé simple, je li-
sais quajid vous écrivîtes; ou au passé composé,
je lisais quand vous avez écrit.
L'imparfait du subjonctif correspond ou à l'im-
parfait de l'indicatif, jV voulais que tu vinsses;
ou aux passés simple et composé, je voulus, j'ai
voulu que tu vinsses; OU aux deux condition-
nels, jVi'o?/dr«js,y'a?<rafs voulu que tu vinsses.
Dans les phrases où il y a subordination do
propositions, c'est une règle générale que quand
le verbe régissant est à l'imparfait de l'indicatif,
le verbe régi soit à l'imparfait du subjonctif: Je
voulais qu'il partit, je désirais qu'il s'éloignât.
Féraud a eu raison de relever dans la phrase sui-
vante de Bossuet une faute que j'aimerais mieux
attribuera l'ignorance d'un éditeur ou d'un im-
primeur, qu'à l'inatten'iion de cet illustre écri-
vain : Les preuves indicatives du Messie de-
vaient être distribuées de telle sorte, qu'elles
soient déclarées chacune en son temps. Il fallait
qu'elles fussent déclarées.
C'est une règle générale que lorsipie dans une
phrase il y a deux verbes correspondants dont le
premier est au passé, le second doit être à l'impar-
fait. Ainsi il faut dire, /'ai cru qu'il avait raison,
je croyais qu'il avait tort. Mais cette règle est-
elle sans exception? et peut-on dire j'ai cm que
Dieu était juste, je savais que deux et deux fai-
saient quatre^ L'Académie , consultée sur une
phrase qui présentait cette difficulté, a fait^ une
réponse qui peut nous servir do guide dans l'exa-
men de cette question, cl les observations que
Domergue y a opposées nous fourniront l'occasion
d'entrer dans des détails qui pourront nous aider
à l'éclaircir.
Un magistrat de Lyon avait dit dans un mé-
moire sur la jurisprudence : « Pénétré de cette
vérité avouée par les (grands magistrats et les
vrais jurisconsultes, j'ai tâché d'absoudre mon
ouvrage de ce reproche [d'être aride); j'ai re-
gardé comme un devoir de mettre un peu plus a
368
IMP
la portée de inut le monde les lois que tout le
mimde doit suivre ; j^ai cru que le caractère es-
sentiel d'un livre classique de jurisprudence est
de rendre la jurisprudence plus aimable et moins
rebutante. »
(JiK'lques personnes pensaient, d'après la règle,
qu'au lieu du présent est, il fallait nietlre l'impar-
fait était; d'autres soutenaient ipic le jnésent
devait être employé dans cette phrase.
On consulta l'Académie. Elle lit la réponse sui-
vante par l'entremise de d Alembcrt, son secré-
taire perpétuel.
« L'.\cadémic pense que dans la phrase
proposée, et dans toutes celles du même genre,
l'usage, en cela conforme à la syntaxe, autorise
généralement l'imparfait au second membre, dans
le cas même uù la chose dont il s'agit n'est pas
contingente; mais il y a ce[)endant des cas où il
est permis, et pcut-élre mieux, d'employer le |iré-
senl, surtout quand la chose dont il s'agit est une
vérité incontestable, nécessaire, et généralement
reconnue; par exemple, une proposition de géo-
métrie, etc., ou (juand le premier membre de la
phrase exprime une assertion absolue, comma j'ai
prouvé , j'ai démontré, quoique la proposition ne
soit pas même alors à l'abri de toute difficulté. En
conséquence de ce princi|)e, l'Académie croit que
la phrase ne portant ni le caractère d'une asser-
tion absolue, ni celui d'une vérité incontestable,
on doit mettre l'imparfait au second membre. »
Nous conviendrons avec Domcrgue que celte
décision n'est pas exprimée en termes fort clairs;
mais cela ne nous empochera pas d'y reconnaître
lcprinci|ie qui peut servira éclaircir parfaitement
la difficulté. Suivons Domergue dans sacrilicjue.
« Les mots, dil-il, offrent le tableau des pen-
sées. Le substantif exprime l'objet dont l'image
se peint dans l'esprit ; l'adjectif rend la modilica-
lion sous laquelle l'esprit considère tel ou tel ob-
jet. Le temps grammatical doit être, par consé-
quent, l'expression du temps qui existe dans l'es-
prit ; et nous devons employer le présent, le passé
ou le futur, suivant que ré'po(iueque nous avons
en vue est présente, passée ou future. Ce principe
ne peut éire contesté; il porte sa démonstration
avec lui : le langage, en effet, n'est rien, s'il n'est
pas la (lensée écrite ou parlée, n
Nous ne contesterons point ce principe, et nous
l'admcllons comme la base de notre examen, de
même que Domergue en a fait la base du sien. 11
ne s'agit donc plus (pie d'examiner quelle pensée
on doit avoir dans res[irit pour employer le pré-
sent, et quelle autre pour se servir de l'imparfait.
« Pour savoir, continue Domergue, si l'auteur
a eu raison d'emi)loyer le présent," il suffit d'exa-
miner si répo(]ue (ju'il a en vue est actuelle-
ment existante, si le caractère essentiel d'un livre
classique de jurisprudence est, etc., puisque
c'est d'après ce principe qu'il travaille à son ou-
vrage, etc. «
Ici le criticjue s'écarte déjà de son principe. Il
vient de nous dire que le temps grammatical
lioit être celui qui existe dans l'esprit ; et main-
tenant, au lieu d'examiner quel est le temps qui
existe dans l'esprit, il veut que nous examinions
si ce temps, quel qu'il soit, est actuellement exi-
stant, c'est-à-dire, sans doute, s'il est com[)ris
dans une période écoulée ou non écoulée.
Il ne s'agit pas d'examiner si l'époque que l'au-
teur a eue en vue est actuellement existante,
mais bien (|uelle epoipic il a eue en vue; et s'il
l'a considérée autrement que comme existante au
momcDl où il parlait, et par rapport à la circon-
IMP
slance exprimée dans son discours. Je m'expli-
que. Quoi(}u'unc vérité soit existante de toute
éternité, on peut, en la croyant telle, ne l'expri-
mer que sous le rap|)ort du moment où l'on
parle, et des circonstances qui en dépendenl.
Dieu est ban csy une vérité éicinclle. <^)uand je dis
absolument , et sans rapport à aucune autre cir-
constance, je pensais que Dieu est bon, je con-
sidère l'existence de la bonté de Dieu dans toute
son étendue, et comme une vérité éternelle. Mais
si, étant sur le point de in'abandonner au déses-
poir, je reprends courage par l'idée de la bonté
de Dieu, applicable à la circonstance où je ine
trouve, je pourrai dire, /p pensai que Dieu était
bon ; et alors, tout persuadé tjue je suis de l'exi-
stence éternelle de la bonté de Dieu, je ne pré-
.senle pas cette existence dans toute son étendue,
mais, j'applique une partie de celte étendue à la
circonstance où je me trouve; et c'est cette si-
multanéité |)articuliére d'époque qui nécessite el
justifie l'emploi de l'imparfait.
« Quoi ! dit Domergue, l'auteur rendant compte
de sa manière de penser, pleinement convaincu
qu'il faut écarter de l'étude des lois la séche-
resse, mère du dégoût, s'est fait de ce principe
une règle invariable, une règle toujours présente
à son esprit, et l'on veut qu'il exprime cette e.u-
slence actuelle par un temps passé I Ce serait ren-
verser l'ordre des choses, présenter une image
fausse, et mettre en contradiction les mots avec
les pensées. »
Il est vrai que l'auteur s'est fait un principe,
une règle invariable, une règle toujours présente
à son esprit, mais il n'est pas vrai (ju'd ait eu in-
tention de présenter cette règle d'une manière ab-
solue, et dans toute l'étendue de son existence.
11 a voulu seulement appliquer l'existence de cette
règle à la circonstance où il se trouvait. Il n'a pas
voulu dire simplement et absolument, j'ai cru
que le caractère essentiel des livi'es classiques
de jurisprudence est de rendre la jurisprudence
plus aimable; mais il a voulu dire, pénétré de
cette vérité j'a i tâché j'a i regardé cum me
vn devoir de mettre mon ouvrage un peu plus à
la portée de tout le monde ; olddns cette circon-
stance j'ai considéré le caractère essentiel de
tous les livres classiques de jurisprudence ,
comme devant être appliqué au mien, j'ai cru que
le caractère d'un livre classique de jurispru-
dence était de rendre la jurisprudence plus ai-
mable et inoins rebutante.
« En vain, continue le critique, en vain l'ai-
je appelé d haute voix, dirais-jcen parlant d'un
homme éloigné; 7'fli vu qu'Une //t'entendait pas.
En vain lui ai-je sauvent adressé la parole, di—
rais-je en jiarlant d'un sourd, y'at vu qu'il /('en-
tend pas. Le temps n'est plus où l'homme éloigné
était ne m'entcndant pas; voilà pourquoi, dans la
première plirase, il faut un leini)s |iassé. Le temps
est encore où le sourd est n'entendant pas; voilà
pourquoi, dans la seconde, il faut un temps pré-
sent. »
Dans l'une et l'autre de ces phrases, je n'ai eu
l'intention d'exprimer ni l'existence d'une chose
qui n'e.>t plus actuellement, ni l'existence d'une
chose ijui est encore; mais seulement l'existence
d'une chose à une époque que je désigne, et cette
simultanéité d'existence exige l'inijtarfait dans
l'un cl l'autre cas. Au moment où j'ai adressé la
l)arole a l'homme éloigné, il ne m' entendait pas;
au moment où j'ai adressé la parole à l'homme
sourd, il n'entendait pas; ']& n'ai pas voulu ex-
primer la cause, mais la sunultauéité de l'exi-
IMP
stencc de reffel avec rcxislence (U; ifia parole.
Mais si je doistlire d'un liomme sourd, c/i i-ain
je lui ai Ao^n•('llt adresse la parole, jai vu qu'il
«'cnlcnd pus, par la raison ([ue la surdilé cxisle
encore, il faudra donc, avant de in'exprimer ainsi,
que je urinforme si l'homine dont il est question
n'est pas guéri de sa surdilé; car, dans ce cas, la
phrase serait ridicule, et l'on pourrait me répon-
dre : A'ous vous trompez; vous voulez dire sans
doute qu'il n'entendait pas alors, car actuelle-
ment il entend très-bien. Certaincmeul, en disant
qu'un homme n'entend pas au moment où je lui
parle, je ne veux pas assurer qu'il n'entend pas
pendant dix ou vingt années.
Domergue prétend «pie ces deux phrases : Je
vous ai dit que mon frère était malade, je vous
ai dit que mon frère est malade , sont deii.X
phrases également bonnes en soi, avec celte diffé-
rence essentielle, (xw'ctail /«aZo^e signifie qu'il a
cessé d'être malade, et est malade, qu'il l'est en-
core.
Notre critique s'embrouille ici de plus en plus,
par les efforts qu'il fait pour soutenir l'erreur
qu'il a avancée, nuoi! (|uand je vous ai dit que
mon frère était malade j'ai voulu vous dire (|ue
sa maladie avait cessé! mais si j'avais eu cette in-
tention, je vous aurais dit tout simplement, oto/j
frère n'est plus malade. Quoi ! quand je vous ai
dit dans im lemps jtassé qve mon frère est ma-
lade, }'n\ voulu vous dire qu'il l'est encore dans
un temps futur! L'absurdité est évidente. Com-
ment ai-je pu vous assurer, il y a quinze jours,
par exemple, l'existence d'une chose contingcnle
qui est présente au moment où vous me pariez,
mais qui aurait pu ne pas l'être? Je n'ai pas pu
vous dire il y a (piinze jours que mon frère est
malade aujourd'hui; tout ce que j'ai pu vous
dire, c'est <iu'il était malade au moment où je
vous ai parlé.
Ce n'cbl donc pas en examinant si la chose dont
il est question existe ou n'existe pas actuellement,
qu'on peut s'assurer s'il faut employer l'imparfait
ou le présent; mais en examinant si celui qui a
parlé a voulu présenter cette chose comme ayant
une existence permanente, ou seulement comme
ayant une existence relative aux circonstances.
Dans le preuiiercas, il faut mettre le présent, je
vous ai dit que Dieu est bon; dans le second,
l'imparfait, je vous ai dit que yuan frère était ma-
lade, et jamais est vuilade, à moins que le pre-
mier verbe ne soit au présent, comme dans/e
vous dis que mon frère est malade.
Le critique, confondant ainsi les principes, pré-
tend (jue nos meilleurs écrivains sont sur ce
point en contradiction avec eux-mêmes, et qu'ils
emploient indifféremment dans le même sens, tan-
tôt le présent, taniôl l'imparfait. Nons allons dé-
.nontrer que c'est toujours dans des sens diffé-
rents, et conformément à la règle que nous venons
d'indiquer.
Entre les pattes d'un lion,
Un rat sortit de lerre assez à l'étourdie;
Le roi des animaux, en cette occasion.
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
(La Font., liv. II, fabl. ii, 5.)
Que signifie, dit Domergue, montra ce qu'il
était? Cela signifie évidemment, montra que la
générosité est une de ses qualités essentielles per-
manentes, et par conséciuent une ([ualilé exi-
stante actuellement dans l'esprit du poëte. La
phrase peut être rendue ainsi : Le lion est géné-
IMP
369
revx ; il lui a donné la vie; il y a donc ici un
temps passé pour unecpocpie i)réscnlc.
Non, cela ne signifie pas l'csistcnce permanente
d'une qualitc présente, cela manpio simultanéité
d'une i)artie de l'existence permanente d'une ijua-
lité avec une circonstance iiarticulicre, montra ce
qu'il était, c'est-à-dire, ap|>li()iia à la circonstance
la preuve de lexistence do ses (pialitcs essen-
tielles. Ce n'est point un temps passé pour une
époque présente, c'est lui lemps présent relative-
ment à uneépocjue passée; c'est l'imiiarfait. Mon-
tra ce qu'il est serait un contre-sens; il romprait
une correspondance <]ui existe entre le second
verbe et les circonstances qui doivent servir à
déterminer l'époque de l'existence.
La daine au nez pointu répondit que la terre
Était au premier occiipanl.
(La Vost., liv. Yll, r.ibl. xvi, 16.)
La terre est au premier occupant, répondit la
belette. Ces deux phrases ont cxaclemeni la même
sienificalion, dit Domergue.
tes deux i)hrases ne signifient pas exactement
la même chose : la [tremière veut dire ([ue le prin-
cipe général, la terre est au premier occupant,
est applicable à la circonstance; et la seconde ne
fait {[u'exprimer absolument le principe général,
sans rapport à aucune circonstance.
Voici deux exemples du même auteur, où Do-
mergue trouve un accord parfait cuire la pensée
et l'expression, quoique le premier verbe soit an
passé, et le second au présent.
Mais que t'a-l-il dit à l'oreille?
Car il s'approchait de bien prés,
Te retournant avec sa serre.
Il m'a dit qu'il ne faut jamais
Vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre
(La Font., liv. V, fabl. xx, 3i.)
Comme me voilà fait! Comme doit être un ours.
Qui t'a dit qu'une forme eit plus l)elle qu'une autre?
(La Font., liv. XII, fabl. m, 09.)
Dans ces deux exemples, on a employé le pré-
sent, parce qu'il s'agit d'une vérité générale dont
l'existence est présentée dans toute son étendue,
et n'est pas restreinte aux circonstances particu-
lières de la i)hra.se. 11 n'y a pas réellement de
correspondance entre les doux proposilions il m'a
dit et il ne faut, qui t'a dit et (pi'M/;e firme est;
il n'y a (pi'une suite de deux [iropositions isolées
par le sens, et liées senleincnt par la conjonction
C'induciivc que, qui mène de la première à la se-
conde, comme à un complément. Cela est si vrai,
que, si vous ôlez cette conjonction, les proposi-
tions seront vraies en elles-mêmes, el la seconde
ne parailra avoir aucune liaison avec la pre-
mière . Il m'a dit, il ne faut pas vendre la peau
de l'ours, elc. Qui l'a dit, ou y a-t-il quelqu'un
qui t'a dit, Une forme est plus belle qu'une
autre?
A la vérité, l'ours personnifié, en disant il ne
faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'a-
voir jeté par terre, a bien intention <pic rajiph-
cation de cette vérité générale soit faite a la cir-
constance particulière; mais il ne veut pas lairc
lui-méuie cette application. Il laisse a cciui a qiu
il parle le soin de la faire. Il ne veut donc expri-
mer (lue la proposition générale, sans exprimer
qu'il en fait l'application a la circonstance. Son
idée doit être rendue par le présent, qu'il m
faut. ,. ., , j-, r ■>
Mais quand on dit, il m'a dit que son freflt
24
570
IMP
était malade, il y a onlre les verbes dit et était
une ccirrcsi)ondance réelle de pensées , el non
une simple iiîiison de complément. Si j'ùlc le qup,
lii seconde proposition n'est plus vraie isolement;
elle présente un cai"ictérc de correspondance d'i-
dées avec une autre proposition qui doit i)récé-
der : // via dit — son frère était malade. Son
frère était malade, considéré isolement, ne signi-
iie rien, jiarco (|ue était suppose une correspon-
dance d'idées, une simultanéité avec une époque
qui doit précéder, el celte époipie n'est pas ex-
primée. Dans il m'a dit — son frère est malade,
la dernière prop<JSilion est vraie , indépendam-
ment de la première; elle n'a plus aucune corres-
pondance nécessaire avec le verbe précédent;
donc c'est l'imparfaii (pii marque celle correspon-
dance d'idées, cette simullanéilé d'époques avec
un verbe pr(!'céilcnt mis au passé; donc on doit
employer rimparfait toutes les fois qu'on veut
marquer celte correspondance; et, comme on n'a
pas eu rinlenlion de marquer cette correspon-
dance, celte simullanéilé, en disant, il m'a dit
qu'il ne faut pus rendre la peau de l'ours, etc.,
qui t'a dit t\u'v/ic forme est plus belle qu'une au-
tre, mais (|u'on a voulu seulement énoncer une
vérité générale sans en faire expressément l'appli-
cation à la circonstance, on a dû se servir du pré-
sent, qu'il faut, (\v\'une forme est.
Voici d'autres exemjjles par lesquels Domergue
prétend prouver que Boileau csl à cet égard en
contradiction avec lui-même. Nous allons lâcher
de montrer que celle contradiction n'existe pas,
et que Boileau a eni|)loyé le présent ou l'impar-
fait, d'après les principes que nous venons d'ex-
poser {sat. XII, 277) :
Soudain, an grand honneur de l'église païenne,
On entendit prêcher dans l'école chrétienne,
Que sous le joug du vice un pécheur abattu
Pouvait sans aimer Dieu ni même la vertu.
Par la seule frayeur au sentiment uuie.
Admis au ciel, jouir de la gloire infinie;
Et que les clefs en main sur ce seul passe-port.
Saint Pierre à tout venant devait ouvrir d'abord.
« On entendit prêcher qu'un pécheur /joi/raii;
que sjiint Pierre devait; el quelques vers plus
bas (,Idem, 297) :
C'est alors qu'on apprit qu'avec un peu d'adresse.
Sans crime un prêtre peut vendre trois fois sa messe.
Pourvu que, hiissant là son salut à l'écart.
Lui-même, en la disant, n'y prenne aucune part ;
C'est alors que l'on sut qu'on peut, pour une pomma,
Sans blesser la justice assassiner un homme.
« On ajiprit qu'un prêtre peut; on sut qu'on
feut.
« Dans l'esprit des théologiens qu'ont tourné
en ridicule Boileau et l'ingénieux auteur des Pro-
vinciales,c(i sont des maximes invariables, et par
conséquent lutijours présentes, qu'un homme peut
être un saint sans aimer Dieu, et que saint
Pierre doit lui ouvrir le paradis; qu'j/?» prêtre
peut vendre trois fois sa messe', qu'un peul «*-
sassiner pour une pomme. Kt cependant ces
maximes, loules actuellement existantes dans la
pensée, sont exi>rimées, les unes par le passé, les
autres par le présent. «
J'observerai, en passant, que Domergue affecte
toujours de donner à l'imparfait la dénomination
de passé, ce qui n'est pas exact; il devait dire :
Mt cependant ces maximes, toutes actuellement
existantes dans la pensée, sont exprimées, les
unes par l'imparfait, et les autres par le présent;
IMP
ce qui n'est point contradictoire, puisque cela
veut dire : Les unes par un temps qui les mar-
que comme présentes à une certaine époque pas-
sée, les autres comme présentes et sans rapport
à aucune époque.
« Oue coiielure de là, continue Domergue?
qu'il y a doux usiiges, dont l'un délruit l'autre;
qu'il n'y a de vraie autorité que celle de la raison,
et que l'auteur de la phrase contestée a très-
bien fait d'exprimer par le présent une époque
qui n'a |ias cessé d'être présente à son esprit. »
Je ne nie point que les maximes dont il est
question n'aient paru à ces docteurs des maximes
invariables, et qu'ils ne les aient eues toujours
présentes; mais je nie (jue, dans tous les exem-
ples cités, ils soient censés les avoir proposées
comme telles. Dans celte phrase, on entendit prê-
cher qu'un homme ne pouvait être un saint sans
aimer Dieu, le prédicateur, quehpie persuadé
qu'on le suppose de la maxime (ju'il nrèchc, ne la
présenle point à ses auditeurs comme une vérité
invariable, inconleslable, mais plutôt comme un
problème (ju 'il s'efforce de résoudre. C'est ce que
prouve le mot prêcher, qui suppose raisonne-
ment, discours pour persuader, et non pas énoa-
ciation simple d'une chose regardée comme in-
contestable. Ainsi, ceux qui ont prêché qu'itii
pécheur pcuvait être un saint, n'ont pas eu l'in-
tention de i)résenlcr celle maxime ccinme incon-
leslable , mais seulement de prouver par des
raisonnements qu'elle est inconleslable. Ainsi
l'on a dû dire: On entendit prêcher quon jtou-
vait, etc.
11 n'en est pas de même des deux autres exem-
ples. On apprit qu'un prêtre peut vendre trois fois
sa messe ; on sut qu'on [jCUI assassiner pour une
pomme. Ici les verbes on apprit, on sut, indi-
quent, non des problèmes à résoudre, non des
maximes sur lesquelles on a besoin d'être prêché,
mais des maximes invariables et conslanics.
Quand on a appris, quand on sait des ma.ximcs
constantes ou regardées comme telles, on les ad-
opte dans touie retendue de leur existence. J'ai
appris, j'ai su que deux et deux font quatre, et
non pas que deux et deux faisaient quatre. J'ai
appris, j'ai su qu'un prêtre peut vendre trois
fis sa messe , et qu'on peut assassiner un
homme pour une pomme; el non pas pouvait ven-
dre, pouvait assassiner; mais ou a été obligé de
me prêcher longtemps que cela était, avant que
j'aie appris, avant (juc j'aie su que cela est.
Ainsi Builcau n'est point opposé a lui-même dans
ces divers exemples, mais il a suivi la raison el
observé les règles.
Examinons maintenant l'examen que fait Do-
merp ue de la décision de l'Académie, et suivons-
le dans ses erreurs.
« Remettons, dit-il, sous les yeux la phrase
condamnée, et osons examiner le jugement qui la
condamne.
« Phrase proposée : Pénétré de cette vérité,
avouée par les grands magistrats et les vrais ju-
risconsultes..., j'ai cru que le caractère essen-
tiel d'un livre de jurisprudence est de rendre la
jurisprudence plus aimable.
« Jugement de V Académie française. L'Aca-
démie pense (jue, dans la phrase proposée et dans
toutes celles du même genre, l'usage, en cela
conforme à la syntaxe , autorise généralement
l'imparfait au second membre; maisil y a cepen-
dant des cas où il est permis, et peut-être mieux,
d'employer le présent, surtout quand h chose
dont il s'agit est une vérité incontestable, néces-
LMP
saire, ou géncraleniciil reconntic, par exemple,
une pruposili'Mi de L'ouiiictrie; ou (|u;iiid le prc-
iiiier nieiiilire de la piirase exprime une asseriion
absolue, vo\\\mc j'ai proui-é, j'ai démontré, quoi-
que la propnsilJon ne soil pas monie alors à l'abri
de toiiio dil'licuilé.
« IJi conséquence de ce principe, l'Académie
croit tpic la phrase proposée ne portant ni le ca-
ractère d'une assertion tibsolne, ni celui d'une
vérité incontestable, on doit mettre l'imparlait au
second membre. »
« Ce jugement, dit Domergue, me paraît man-
quer de cfarté dans la rédaction, de vérité dans
les motifs, de justesse dans l'application.
« Oue signifie l'usage en cda conforme à la
syntaxe^ Si par syntaxe on entend les règles de
l'usage, je ne vuis pas ce que veut dire L'vsage
conffrrme at/a- règles de l'usage. Si l)ar syntaxe
on entend les principes de la raison, on devait
prouver la conlormité de l'une avec l'autre, etc.
« Après avoir posé la règle générale (jui, dans
ces sortes de phrases, veuf l'imparfait au second
membre, l'Académie ajoute : Mais il est des cas
où il est permis , et peut-être mieux , d em-
ployer le plé^ent. Une chose permise fait entendre
qu'une chose est ordinairement défendue; ce qui
esl permis est à peine bien; conunent pourrait-il
être mieux? D'ailîeurs, ou vous mettez le présent
quand il s'agit d'une chose présente, et alors il
n'est pas besoin de permission, vous obéissez à la
sensation que vous éprouvez; ou vous mêliez
l'imparfait, qui esl un temps passé, quand il s'agit
d'une chose qui n'est point du tout passée, cl
alors qui peut <lonner la permission? La raisonne
saurait permettre d'aller contre la raison.
w Essayons de dégager la règle académique de
l'ombre qui l'obscurcit, et nous verrons à la faus-
seté des raisons qui motivent le jugement, que ce
n'est pas sans in.enlion qu'on a mis quelque soin
à l'envci ipper de ténèbres.
« Lors(|ue dans une phrase il y a deux verbes
correspondants, dont le premier est au passé, le
second doit être à l'imparfait. Exemple : J'ai ap-
pris que vous étiez marié. — Que j'étais marié!
que dites-vous ? je n'ai pas cessé de l'être ; je suis
marié actutUement, au moment où vous parlez ;
vous devez dire, d'après voire pensée : J'ai ap-
pris que vovs êtes marié. »
On sent, d'après ce que nous avons dit, com-
bien cette criti(]ue est absurde. J'ai appris que
vous cV\cz ?n a rié i\ l'époque où on me l'a appris;
mais je n'ai pu apprendre à celle époque <|ue vous
êtes encore marié aujourd'hui. Si je dois dire, se-
lon que vous êtes encore, ou cpie vous n'êtes plus
marié, j'ai appris que vous êtes viarié, ou que
vous étiez marié, ce (jue j'ai ajjpris dépend donc
du sort qui a conservé ou enlevé voire épouse;
et, pour savoir si je dois me servir de l'une ou de
l'autre expression, il faudra que vous me disiez
auparavant ce qui en est. Cependant, ce que j'ai
appris il y a un an, par exemple, je lai bien véri-
tablement apjiris, bien absolument appris, indé-
pendammcni de la mort de votre épouse; et c'est
que vous éiiez marié à l'époque où on me l'ap-
prenait. Je n'ai appris que cela, je n'ai pu appren-
dre que cela ; car on ne pouvait pas m'assurer
que votre fenune ne mourrait pas le lendemain.
« Autre exemple : J\ii lu dans un uiiieur que
le mariage était un enfer ou un paradis. — Élait
un enfer ov vn paradis^ Cela est toujours dans
l'esprit de cet auteur. — Hé 'jien! puisqu'il n'a pas
change d'opinion, puisque cette maxime est dans
sa pensée une vérité invariable, et par conséquent
IMP
371
toujours présente, la pensée exige le présent :
J'ai lu dans vn autour que le mariage est un en-
fer ou un paradis. Le second verbe, couune le
premier, comme tous les verbes possibles, exprime
une épotpie dont le type esl dans l'esprit ; le temps
grammatical doit être la copie de l'original intel-
lectuel. »
Rappelons ici nos princi[)cs. Dans la phrase,
j'ai lu dans un auteur que le mariage est un
paradis ou un enfer, il n'y a pas correspon-
dance réelle d'idées entre les deux propositions,
mais seulement une liaison de deux propositions
par la conjonction que, qui conduit de l'une a
î'au.rc. Elles ne sont liées que parce que b' prû-
:nière est incomplète, et que la seconde lui sert
de complément ; mais celle seconde serait vraie
isolément; cl par conséquent, elle n'a aucune
correspondance nécessaire d'idées avec la i)re-
miôrc: Le mariage est un enfer ou un paradis.
Ainsi, quoique le verbe de cette piuase doive
être au présent, ce n'est pas une preuve de la
fausseté de la règle. Il n'y a point de correspon-
dance d'idées entre les deux verbes, donc le se-
cond ne doit pas être mis à l'imparfail.
Cette correspondance d'idées entre les deux
propositions dépend du point de vue sous lequel
celui qui a parlé a considéré la dernière. S'il l'a
considérée connne générale et isolée, la corres-
pondance n'existe point. J'ailudans un auteur
que le mariage est vn enfer ou un paradis. S'il
l'a considérée comme une vciilc existant particu-
lièrement au moment où il a parlé, ou comme
pouvant être appliquée à la circonstance de son
discours, la correspondance d'idées existe. Ainsi
je pourrais dire, en parlant d'une personne que
j'ai voulu détourner du mariage, je lui ai dit que
le mariage était vn enfer. Ici je n'ai pas voulu
seulement présenter cette vérité comme géné-
rale et isolée, mais j'ai eu intention d'en montrer
l'existence en correspondance avec la circon-
stance : j'ai formé dans mon esprit une liaison
entre l'existence de cette vérité et cette circon-
stance, et c'est en consétiucnce de celle liaison
que je dois employer l'imparfait.
« Exception de VAcadi-mie. On met le pré-
sent, quand le premier verbe exprinic une asser-
tion absolue, comme j'ai prouvé, j'ai démontré
que vous êtes marié.
« Est-ce que l'actualité de mon mariage, dit
Domergue, dépend de votre preuve, de votre
démonstration? et si votre assertion était moins
absolue, ne serais-je plus marié? Oui, qu'au lieu
Ad j'ai prouvé, j'ai dmo/j^re, vous eussiez mis
j'ai dit ou j'ai appris, il n'y avait pas une asser-
tion absolue, et j'étais veuf de par l'Académie.
Cette plaisante consé(iuence est sérieusement dé-
duite du |)rincipe iiue je combats. »
Observez que l'Académie ne dit i^as, comme
l'avance Domergue, ([u'o« met le présent quand
le premier membre exprime une assertion ab-
solue; mais elle dit qu't'/ y a des cas où il esl
permis, et peut-être mieux, d'employer le pré-
sent, surtout quand le premier membre deja
phrase exprime une assertion absolue, commej'uî
prouvé, j'ai démontré. Voila exactement ce «pic
dit l'Académie. Ainsi, selon l',^î;".'émie,_^il v a
des cas où, après avir ilh j'ai proure,j ai dé-
montré, W est permis, et peut-être mieux, d em-
ployer le présent dans la phrase suivante. Or, celle
exception esl vraie, et il n'a mamiue à 1 Acadé-
mie que d'indiquer quels sont ces cas. Nous al-
lons essayer de le faire.
Quand je dis j'ai [trouve, j'ai démontre, je
372
IMP
puis avoir dessein ou d'exprimer rcxistence d'une
chose ù l'cpcfnic où j'ai prouvé, où j'ai dt'nion-
tfé, ou lexislence dune clioso sur hKiuolle ma
preuve, ma dcmonslralion iiilUic eniure, jku- la
raison que celle chose exislc encore acluellcincnl.
Dans le premier cas, je dirai, par exemple, /ai
prouvé que vous éliez marié; el celte iilnase
sera jusie, soil que vous soyez encore marie ac-
lucilemenl, soil (jue vous ne le soyez plus. Dans
le second cas, je d\n\,j\iiprouié que vous clcs
vturié ; Cl cela voudra dire, comme j'ai prouve
précédemmenl que vous cliez marié alors, et
connue vous l'cles encore à présent, ma preuve,
ma dcniunslralion tombe aussi bien sur l'existence
actuelle de votre mariage, que sur son existence
antérieure, puisqu'il s'agit du même mariage.
C'e.''l ce que dira encore à sa partie un avocat,"en
sorlani d'un tribunal où il vient de prouver la va-
lidité du mariage de cette partie; il lui dira, vos
adrersciires perdront leur procès, car j'ai prou-
vé, j'ai démontré que vous êtes marié. Voilà
donc des cas où, quand le premier membre ex-
prime une assertion absolue, il est permis, et
même mieux, d'employer le piésent ciuc l'iuqjar-
fait. Dans ces phrases, on pourrait dire, j'ai
prouvé que vous étiez marié, c'est-à-dire l'exi-
stence de votre mariage au moment où je prou-
vais; mais si l'on veut faire l'applicalion de la
preuve à l'existence actuelle, il est mieux de
à\vc, j'ai prouvé que vous êtes marié.
Observons encore que, loin que dans ces phra-
ses les propositions /'ai joroj/rt;, fai démontré,
j'ai dit, j'ai appris, doivent influer, comme le
dit pomergue, sur l'existence actuelle de mon
mariage, c'est au contraire cette existence ac-
tuelle, ([uand clic est dans l'esprit de celui qui
parle, qui influe sur le sens des premières pro-
positions. De ce que votre mariage existe actuel-
lement, il s'ensuit qu'ayant prouvé il y a un an
qu'il existait, j'ai prouvé qu'il existe encore au-
jourd'h.ii, parce que la preuve tombe sur le ma-
riage a lous les moments de son existence. Mais
de ce i^uc j'ai dit il y a un an que vous étiez
viarit, il ne s'ensuit pas que j'aie dit que vous
êtes marié actuellement, quoique vous le soyez
en effet; car mon dire n'étant pas une assertion
absolue, n'a pu tomber que sur l'existence de
votre înariage au moment où j'ai dit, el nulle-
ment s.,r votre mariage dans lous les temps de
son e.\!?lencc. J'ai dit (luc vous étiez marié, et
cela pouvait être ou ne i)as être vrai, el cela peut
encore actuellement être ou ne pas être vrai;
aussi nulle conséipiencc du passé au présent. J'ai
montré que vous êtes marié, c'esl-à-d ire j'ai
U la vérité de l'existence, de la validité de
»-..e mariage, vérité qui se trouve encore établie
aujourd'hui, parce que votre mariage dure en-
core, el qui restera établie tant que ce mariage
durera.
« 6'' ite de l'exception. On met encore le pré-
sent quand le second nuMnbre exprime une vé-
rité incontestable et généralement reconnue.
u Le rcsulial ilc deuxajoulé a deux est quatre
incontestablement. Cependant on ne pourrait
pas dire je croyais que deux et deux font quatre;
il faut nécessairement faisaient. La présence
des vérités, même mathématiques, grannnalica-
lement parlant, dépend non de leur nature, mais
de l'opinion de celui ipii les énonce. La règle la
plus sure, et en même temps la plus claire, est
que l'cpixine (pi'on a dans l'esprit est précisé-
ment celle ([u'il faut peindre par la parole ou 1
tracer sur le papier.» I
IMP
Icf, comme dans l'article précédent, Domer-
gue commet une mfidélilé. L'Académie n'a point
dit on met, mais elle a dit il est des cas où il est
permis, et peut-être mieux, d'employer le pré-
sent, quand le second membre exprime une vé-
rité incontestable el généralement recoimue.
Celle leçon étant rétablie dans sa pureté,
il n'y a plus de diffu-ulic; el d'après les nou-
veaux principes qu'établit Domergue dans ce pa-
ragraphe, il va se trouver d'accord avec l'Acadé-
mie el avec nous.
On a vu, au commencement de cet article,
que Domergue a prétendu ^\\^Q, pour savoir si
l'on doit employer le présent, ou l'imparfait, il
suffit d'examiner si Vépoqve que l'auteur a eu
en vue est actuellement existante. Ici, ce n'est
plus cela; il convient (|ue la présence des vérités
même mathématiques, grammaticalement pariant,
dépend, non de leurnatnie, mais de l'opinion de
celui quiles énonce; et il nous donne comme la
règle la plus sûre et la plus claire, celle que nous
avons taché d'établir dans tout le cours de cet
article, savoir, que Vépnque qu'on a dans Ves-
prit est précisément celle qu'il faut peindre par
la parole ou tracer sur le papier.
D'après cela, il est certain cpie, quand le se-
cond mevihre exprime une vérité incontestable,
et généralement reconnue, il y a des cas où il
csl permis, et ]néino mieux , d'employer le pré-
sent.
Par exemple, l'existence de la vérité de celte
proposition deux et deux font quatre, peul-étre
considérée ou dans toute son étendue, on seu-
lement dans une i)arlie de celte étendue. Si je la
considère dans toute son étendue, je dois em-
ployer le présent, car j'ai dans l'esprit une
époque véritablement et éternellement présente.
Si je la considère seulement dans une partie de
son étendue, que j'appli(iue à une époque pas-
sée, je dois exprimer mon idée par rinq)arl'ait;
car j'ai dans l'esprit une époque présente l'cla-
livemenl à une épo(iue passée. Je dirai donc je
croyais que deux et deux font quatre, si je veux
exprimer que je considérais celle vérité dans_
toute l'étendue de son existence; et je dii-ai/c'
croyais que deux et deux faisaient quatre, je
me rappelai que deux et dtux faisaient quatre,
si je veux exprimer que je ne considérais l'exi-
stence de celle vérité que comme correspondante
à mon action de croire ou de me rappeler. Sup-
posons un homme si borné qu'on ne puisse lui
faire presque rien comprendre, on pourra dire de
lui, je suis parvenu à lui faire croire que deux
et deux faisaient quatre; el on voudra dire par-
là (lue, ne pouvant pas [jarvenir à lui faire com-
prendre (jue deux et deux font quatre est une
vérité toujours existante, on est parvenu du
moins à lui faire croire (jue celte vérité existait
relativement aux exemples qu'on lui mettait sous
les yeux. L'idée qu'on a dans l'esprit ne serait
pas exactement rendue, en disant que deux et
deux font quatre. Yoilà donc l'exception de
l'Académie parfaitement justiliée.
Justilions de même les excnq)les suivants, où
Domergue prétend que d'Alendjert est en con-
tradiction avec la règle de l'Acadonue.
« Massillon pensait que c'csl un plaisir bien
vide d'avoir affaire d des yens qui nous ad-
mirent.
« Les sages remontrances de Massillon fu-
rent saîts effet, et il apprit, par sa propre expé-
rience, qu il est souvent moins difficile de rame-
ner les mécréants que de concilier ceux qui
IMP
auraient tant d'intérêt de se réutiir pour les
confondre.
« L'ahbé de Saint-Pierre pensait que, dans
les controverses théologiques, quelque fois siutiles,
et tôt/jours si dangereuses, un gouvernement
sage doit fermer sévèrement la bouche à ceux
qui les excitent.
Il // croyait que la devise de Vhonime vertueux
est renfermée dons ces deux mots : Donner et
pardonner. ■'■<
Dans tnuies ces plirases, il n'y a point de cor-
respondance d'idées entre les verbes, mais seu-
lement des rapports d'expressions incomplètes,
avec leurs complcinents. Les secondes proposi-
tions sont vraies indépendamment des premières.
Ces exemples ne sont donc ponU contraires à la
régie de rAcadémie, prise dans son véritable
sens.
Tout ce que nous venons de dire confirme la
règle que nous avons donnée au commencement
de cet article, savoir, que, lorsque dans une
phrase il y a deux verbes correspondants dont
le premier est au passé, le second doit être ci
l'imparfait .
Celte règle n'a point d'exception ; mais, pour
s'en convaincre , il faut bien comprendre ce
qu'on entend par correspondance des verbes.
Il faut cnlendre ici, par celte expression, la
simultanéité d'existence des choses exprimées,
et non des rapporls d'expression incomplète avec
son complément, ou tout autre rapport d'une au-
tre nature. Dans ces phi'ases, j'ai appris que
vous étiez marié. J'ai cru qu'il me craignait, il
y a correspondance entre les verbes; dans la pre-
mière, parce que l'existence du mariage est ex-
primée comme présente à l'époque où je l'ai
apprise ; dans la seconde, parce que l'exislence
de la crainte est exprimée comme présente au
moment où j'ai cru qu'elle exislail. Mais dans
j'ai appris que vous êtes marié, il n'y a point de
correspondance entre les verbes , parce cjuc
l'existence du mariage n'est pas exprimée comme
présente à l'époque où je l'ai apprise, mais seu-
lement comme une vérité permanente existante
indèpendannnent de celle époque.
Par la ménje raison, il n'y a point de corres-
pondance entre les verbes de ces phrases, j'ai
appris quil partirait , j' ai su qu'il viendrait ;
il y a seulement rapport d'une expression in-
complète avec son complément. J'ai appris une
chose, savoir, qu'il partirait ; j'ai su une chose,
savoir, qu'il viendrait.
Lorsqu'il s'agit d'une vérité incontestable, né-
cessaire et généralement reconnue, la correspon-
dance existe ou n'existe pas entre les verbes,
suivant qu'on a eu o\i (pi'un n'a pas eu dans
l'esprit l'idée de la simulianéitc d'existence. Dans
cette phrase, je sentis alors que Dieu était bon,
il y a correspondance, parce que l'existence de
la bonté de Dieu est exprimée comme présente à
l'époque où j'ai éprouvé ce sentiment. Dans cette
autre, au contraire, j'ai soutenu que Dieu est
bon, il n'y a point de correspondance, parce
qu'on n'a pa? marqué la simultanéité de l'exi-
stence de la bonté de Dieu avec l'époque où l'on
a soutenu que cette bonté existe. Il en est de
même dans les phrases où le premier membre
exprime une assertion absolue.
Imparfaitement. Adv. Il se met après le verbe.
Impartial, I.mpartiale. Adj. On peut le mettre
avant sonsubsl., surtout en parlant des choses,
si l'analogie et l'harmonie le permcilent : Cet
examen impartial, cet impartial examen. Un
IMP . ?.??
juge impartial, et non pas un impartial jnae.
Kien n'empêche qu'on ne dise impartiaux au
pluriel masculin. La Harpe a dit des juges îîi.'-
partiaux. {Cours de littérature.) — L'Acadci^îf
n'indiipie pas ce pluriel.
Impasse. Subst. f. Ce mot, proposé par Y'»'
taire, a remplacé généralement celui de cul-(^.f~
sac. Voyez Cul.
Impassible. Adj. des deux genres. 11 ne se me",
qu'après son subst. : Un coi-ps impassible, «:-.
juqe impassible.
I.^iPATUMMKNT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il a attendu impa
tiemment votre retour, OU il a impatiemment
attendu votre retour.
IMPATIE^T, Impatiente. Adj. T.n parlant des
personnes, il ne se met qu'aprèr son subst. : Un
homme impatient, et non un impatient homme.
Ln parlant des choses, on peut le mettre avant,
en consultant l'oreille et l'analogie : Son humeur
impatiente, son impatiente humeur. 'Voyez Ad-
jectif. Bouhours prétendait que cC adjectif ne
souffre point de régime. Ménage n'était pas de
cet avis. L'Académie, dans ses dernières cditionr,
a adopté l'opinion de Ménage, ou i)luiô' elle a re-
connu l'usage. On dit/e suis impatient de savoi,
de ses nouvelles; et en poésie, impatient di'
jovg, impatient du frein. Voltaire a dit d'v.
coursier [Hcnriade, VIII, J38) :
Impatient du frein, vole et bondit sur l'iierbe.
Un grammairien moderne prétend qu'on '^t
peut employer impatient que devant un sut'"'..-
Il traite de barbarisme toute phrase où ce oiOi
est employé autrement. En conséquence, il n -
garde et condamne comme telles les phrast!.": 3'!i-
vantes: Pourquoi voit-on si souvent le peuple
impatient du joug des lois? (Marmontel, Btlis.,
ch. XI, p. 102.)
Impatient du frein, vole et bondit sur i'Iierbe.
^ (i/enr., YII, 138.)
Le peuple impatient de celle mort cruelle,
L'attend comme une fêle auguste et solennelle.
(Volt., Lois de afinos, ad. lY, se. m, 12.)
Cette critique n'a pas été approuvée.
Impatienter (s').V. pronom, de la 1" conj. La
Grammaire des Grammaires prétend que ce
verbe ne prend point de régime. J.-J. Rousseau
ne pensait pas ainsi. Il a dit: Tu t' impatiejites
de savoir oiij'en veux venir.
Impayable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme impayable, un
ouvrage impayable.
Impeccable. Adj. des deux genres. Il no se
met qu'après son subst. : Un être impeccable.
Impénétrable. Adj. de: deux genres. En par-
lant des jKîrsonnes, il ne se met qu'après son
subst. En parlant des choses, ou peut le mettre
avant, en consultant l'oreille et l'analogie : Un
honme impénétrable, vue femme impénétrable,
un dessein impénétrable, cet impénétrable des-
sein. Il régit quelquefois la préposition a: Un
cuir impénétrable il Veau .
Impénitent, Impénitente. Adj. H se ne me»
qu'après son subst. : Un homme impénitent.
Impératif, Impérative. Adj. Il ne se met qu a-
prés son subst. : Un ton impératif, un air im-
pératif. , . . ,1 . '
Mode impératif ou substantivement l impé-
ratif Terme de grammaire.
374
IMP
L'impératif est un mode du verbe qui ex-
prime la coexistence du sujet avec i'ailriliui,
comme devant être une suite d'un commamie-
ment, d'une prière, dune exhortation.
les grammairiens duimcnt à ce mode un pré-
sent.
/^oi.s,pourle singulier; faites, pour le pluriel.
Ces mots paraissent au présent, parce cpic celui
qui commande semble vouloir (pie la chose se
fasse à l'instant même. Cependant ce sont de
vrais futurs, puiscju'on ne peut obéir que posté-
rieurement au lommandenient.
.iyez fait, autre forme de l'impératif, est éga-
lement un futur. Jijcz fait quand j'arriverai
est, pour le fond, la même chose que vous aurez
fuit quand f arriverai. \ oilà tous les temps de
ce mode. Il n'a point de passé, et l'on voit qu'il
n'en j)eut pas avoir.
Le futur de l'impératif n'est qu'un simple com-
mandement ; celui de l'indicatif, quand il est em-
ployé dans le mémo sens, est un comnjandement
plus positif, une volonté plus absolue, dont on
ne permet pas d'appeler. Si , après avoir dit
faites ou ayez fait, on ne paraissait pas disposé
à m'obéir, j'insisterais en disant: f^ovs ferez,
vous aurez fait ; et par là, je déclarerais que je
ne veux ni excuse ni retardement.
Ce mode n'a point de i>rcmière personne au
singulier, parce que quand on se parle à soi-
inêm«, on ne peut se parler qu'à la seconde per-
sonne.
Impératif. — Présent ou futur simple. .. fais.
Ce temps indique un présent jiar rapport à l'ac-
tion de commander , et un futur par rapport à
l'action commandée.
Futur coiriph.ié ayez fait.
Ce tciftp? -«xprime un futur relatif à une époque
future.
La seconde personne singulière de l'impératif
se forme de la première personne singulière du
présent de l'indicatif en en ôtant seulement le
pronom je : J'aime, je soufre, je finis, je re-
çois, je rends; aime, souffre, finis, reçois,
rends. 11 n'y a que quatre verbes dont l'impéra-
tif ne suive pas celle formation ; savoir : J\ii,
impératif aie; je vais, impératif va; je sais,
impératif sache; et je suis, impératif, sois.
La seconde personne de l'impératif étant for-
mée de la première personne du présent de l'in-
dicatif, ne doit point prendre de s à la fin, lois-
«jue <ette dernière n'en a point. Ainsi, il faut
écrire aime, souffre, cueille, parce qu'on écrit
j'aime, je souffre, je cueille, etc. ; mais il faut
conserver le s dans les verbes où il termine la
première personne du présent de l'indicatif. On
écrira donc à l'impératif etnplis, reçois, rends,
Jjarce qu'on wyW. j'emplis, je reçois, je rend.'-,.
Lorsque la seconde personne singulière de
l'impératif doit se terminer par un c muet , et
qu'elle doit être suivie de l'un des pronoms y
ou en, alors, pour éviter un hiatus, on ajoute un
s euplionique, et l'on écrit donne.s-en, portes-y.
On ne fait point usage de la lettre euphonique
lorsqu'après le verbe terminé par un e muel,
c'est la ()réposition en qui suit : Admire en quel
état le voilà, et non pas admires en.
On doit mettre un tiret entre l'impératif et le
pronom qui le suit, mais seulement quand ce
pronom est régi par le verbe (jui est à ce mode.
Ainsi, l'on doit écrire dites-lui, montrez-vous.
Mais (juaiid le pronom qui suit l'impératif est
régi par le verbe suivant, il ne faut point mettre
un tiret entre l'impératif et ce pronom.
IMP
Ainsi il faut écrire sans tiret : Prenez vw parler,
va te récrét r, parce (juc 7ne et te ne sont pas
régis [)ar l'impératif venez et va, mais |»ar l'inli-
niiiï parler et récréer. On dit transportez-vous-
y, envoyé z-y-7n(4, donnez-m'en, donne-t'en, et
ainsi des autres verbes; mais lusage ne permet
pas de dire traiisportc-t'y, enroyez-y-nous ; il
faut dire transportes-y-toi, envoycz-nous-y.
Ouelqucfois on se sert de la première personne
du pluriel de l'impératif, quoiqu'il ne s'agisse
que d'une personne. Un homme se dira à lui-
même écrivons-lui, oublions ses torts.
jMais observez que, de même qu'en parlant à
une seule personne le participe ne prend pas la
marque du pluriel, quoiqu'on ait fait usage du
pronom vous, el (|ue l'on dise Ahmsieur vous
êtes estimé, de même on met l'adjectif nu singu-
lier lorsqu'une personne, en se parlant à elle-
même, se sert de la première personne du pluriel
do l'impératif :
Soyons indigne sœur d'nn si généreux frère.
[CoR>'., Hor., act. IV, se. IT, 46.)
Ah! soyons sage; i! est bien temps de l'être.
(Volt., Enf. prod., acl. III, se. VI, 58.)
On emploie aussi l'impératif dans le sens de
Vous auriez beau fairo,vous auriez beau être, etc.:
Siiycz savant, habile, vertueux, instruises les
houivtes, sauvez la patrie, etc.; voris êtes mé-
prisés si vos talents ne sont pas relevés par le
faste. (Fénelon, Télém.)
Impérativement. Adv. 11 peut se mettre quel-
quefois entre l'auxiliaire et le participe: Il m'a
parlé impératireynejit , il m'a impérativement
recomvinndé de suivre cette affaire.
Imperceptible. Adj. des deux genres : Une
odeur imperceptible, l'art est imperceptible. On
peut le mettre avant son subst., en consultant
l'analogie et l'harmonie : Cette imperceptible
adresse.
Imperceptiblement. Adv. Il se met avant ou
après le verbe neutre, ou entre l'auxiliaire 2t le
participe : Imperceptiblement il est parvenu à
son lut; il est pnrrenu imperceplihlement à son
but; il est imperceptiblement parvenu à son
but.
Imperdable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Un procès imperdable,
y n je u imperdable .
Impérial, Impkriale. Adv. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Autorité impériale , couronna
impériale, troupes impériales, ornements im-
périaux.
Impérieusement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe: Il a parlé iynpèricuscment, il traite im-
périeusement tous ses inférieurs.
Impérieux, Impérii use. Adj. On le dit de l'hom-
me, du caractère, du geste et du ton. L'homme
impérieux veut commander partout où ilest; cela
est dans son caractère, il a le ton haut et fier et le
geste Insolent. Les liommes impérieux A\cc\(inYS
égaux sont impertinents ou vils avec leurs supé-
rieurs; impertinents, s'ils demeurent dans leur
caractère, vils, s'ils en descendent. L'ainour est
une passion impérieuse. Cet adjectif jicul se
mettre ayant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Un homme impérieux, une femme
impérieuse. Cet impéneux despote, cet im.pé-
ricux caractère.
Impérissable Adj. des deux genres. On peut
IMP
U mettre avnnt son subst., lorsijue l'analogie et
riiarmonie li' pcmicltcnt : Plusieurs philosophes
anciens croyaient la luaiière impérissable. Les
impérissables atomes.
iMPF.nMÉABLE. Adj. des deux genres. On peut
le meiirc avant ou après son subst., en consul-
tant rdrcillo cl l';inalo^ie : Matières imperméa-
bles; les imperméables corpuscules.
IjiPF.nsQjiNEi., Impersonnei.lk. Adj. Terme de
grammaire. Le mot personnel signifie qui est re-
latif aux porsonnes, ou qui reçoit des iullexioiis
"elalives aux personnes, (.^'est dans le premier
>ens que les grammairiens ont distingué les pro-
noms personnels, parce que chacun de ces pro-
noms a un rapport lixe a l'une des trois person-
nes; et c'est dans le second sens qu'on peut dire
que les verbes sont personnels, quand on les en-
visage comme susceptibles d'inllexions relatives
aux personnes. Ce mot impersonnel est composé
de l'adjectif /jeî-.wn/icZ, et de la parliculc priva-
tive j/t. 11 signifie donc qui n'est pas relatif aux
personnes, ou qui ne reçoit pas d'inflexions rela-
tives aux personnes. Les grammairiens qualilient
d'impersonnels certains verbes «jui n'ont, disent-
ils, que la troisième personne du singulier dans
tous leurs temps, comme il faut, il importe, il
pleut, e[c. Cette notion, comme on voit, s'ac-
corde assez peu avec l'idée naturelle qui résulte
de l'étymologie du mot, et mèn:c elle la contredit,
puisqu'elle suppose une troisième personne aux
verbes que la dénomination indique comme privés
de toutes les personnes.
Les modes sont personnels ou impersonnels,
selon que 1-e verbe y reçoit ou n'y reçoit pas des
inflexions relatives aux personnes; et cette diffé-
rence vient de celle des points de vue sous les-
quels on y envisage lu signilicalioii essentioUo du
verbe. L" indicatif, fimpéraiif, le subjonctif, sont
des modes personnels. L'inlinitif et le participe
sont des modes impersonnels . les premiers sont
personnels, parce que le verbe y reçoit des in-
flexions relatives aux personnes : à l'indicatif,
j'aime, tu aimes, nous aiuions ; à l'impératif,
aime, aimons; au subjonctif, que j'aime, que
nous aimions. Les derniers sont impersonnels,
parce que le verbe n'y reçoit aucune inflexion re-
lative aux personnes : à l'infinitif, aimer ; au par-
ticipe, aimant, aimé.
Les verbes impersonnels ont cela de particu-
lier, qu'étant précédés du pronom il, ils ne parais-
sent pas avoir de sujet. Dans les verbes person-
nels , le pronom il tient lieu d'un nom déjà
exprimé, et qu'il n'est pas difficile d'y substituer,
comme dans cette phrase : Un homme sage ne
s'étonne de rien; il sait que, etc. On voit (pie
cet il est mis pour homme sage. Mais dans les
verbes appelés impersonnels, on ne peut mettre
à la place de il aucun mol qui ait déjà été ex-
primé; comme dans il faut se contenter de sa
fortune.
On peut distinguer deux sortes de verbes im-
personnels, savoir : les verbes impersonnels de
leur natui'c, c'est-à-dire ceux qui ne sont jamais
employés qu'à la troisième personne, comme il
pleut, il neige, etc.; et ceux qui sont tantôt im-
personnels et taïuôt personnels, c'est-à-dire qui
ne sont quelquefois susceptibles que de la troi-
sième personne, et quelquefois s'emploient à tou-
tes les autres. Tels sont conveuir, arriver, qui
sont impersonnels dans ces phrases : Il convient
que nous rapportions à Dieu toutes 710s actions ;
il arrive souvent que, etc.; et personnels dans
celies-ci, pardonnez à votre fils, il convient qu'il
m?
375
a tort ; votre père n'est pas encore arrivé, mais
il arrivera demain.
QueUiues grammairiens mettent au nombre des
verbes impersonnels ceux qui sont i)réccdés du
mot on, comme o/( voit, nn rfi/; mais, à ]n'oprc-
ment jiarle;', ni ces verbes, ni tcux (pie nous ve-
nons d'indiquer, ne sont inqiersonncls. On est un
|)ronom général qui désigne, |)ar l'idée précise
de la troisième personne, un sujet d'une nature
quelconque; et conséquemment il n'y a ])oint
(i'impersonnalité partout où on le rencontre. Dans
les autres exemjdes, il remplit la inèine fonction,
avec cette difierence, que on lixe plus particuliè-
rement l'attention sur les hommes, et que il dé-
termine d'une manière plus générale. On dit, les
hommes di.sent; c'est-à-dire, des hommes disent :
Il pleut, c'est-à-dire l'eau pleut, le ciel pleut.
A'oyez II, On.
Imperson>'ellement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Ce verbe peut être employé imperson-
nellemenl.
iMi-Er.TiNEJiMEM. Adv. Ou pcut Ic mcttrc entre
l'auxiliaire et le participe : // a répondu ijuperti-
nemment, il a iinpcrtincmuient répondu.
lMPF.r,TiNE\cE. Subst. f. L'u.sagc a changé le
sens de ce mot. 11 exprimait autrefois une action
ou un discours opposé au sens commun, aux bien-
séances, aux petites règles qui composent le sa-
voir-vivre. On ne s'en sert guère aujourd'hui que
pour caractériser une vanité dédaigneuse, conçue
sans fondement et montrée sans pudeur. Voyez
Impertinent.
lJIPE^.Tl^ENT , Lmpertinf.nte. Adj. et subst.
Comme adj. on peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie : Un hnmme
impertinent, une femme impertinente, une ac-
tion impertinente . C'est un impertinent auteur;
voilà un impertinent coquin. Une réponse im-
pertinente, une impertinente réponse.
i'M«/)er^t/ic/ice se dit du caractère de l'homme,
et d'unj action qu'il aura faite. On dit <le l'hom-
me, c'est un impertinent; de faction, c'est une
imj.ertinence. 11 faut cependant observer <|u'-l
en est de l'impertinence comme du inensongC; de
finjustice, et de la plupart des autres (iu;,:ilés
bonnes ou mauvaises. Celui (]ui a dit un mcn-
songo ou qui a commis une injustice, n'est pas
pour cela un homme injuste ou un menteur; et
celui tpii a fait une impertinence n'est pas jiour
cela un homme impertinent. L'impertinent ne
distingue ni les lieux, ni les circonstances, ni les
choses, ni les i)crsonnes; il parle, il offense; il
parle encore, et il offense encore. 11 n'est pas
toujours sans esprit, mais il est sans jugement,
sans délicatesse; il rebute, il aigrit, on le hait, on
le fuit; c'est un fat outré.
Imperturbable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Une mémoire imperturbable. Son
imperturbable mémoire le servit lien dans cette
occasion. — Cet adjectif ne se dit guère que de
la mémoire. Un prédicateur dont la mémoire ne
se trouble jamais a une mémoire imperturbable.
Cependant on dit encore d'un homme (|u'aucuiie
objection n'ébranle, qu'il est imperturbable dans
ses principes; alors cela est relatif a la dispute.
C'est par l'étude, les connaissances acquises, la
réflexion, l'intérêt, le caractère, que nous nous
rendons imperturbables dans nos sentiments,
dans nos projets, dans nos résolutions, etc. Il
faut avoir la raison pour soi, sinon, d'impertur-
bable qu'on était, on devient entêté, opiniâtre.
Impertcrbablemem. Adv. On peut le mettre
376
IMP
etilre l'auxiliMiro cl le participe : Il est attaché
irperturlulleincnt à ce projet, ou il est imper-
tiirbabl ente lit attaché à ce projet.
lupÉTRABLE. Adj. (Ics litMix gcnres qui ne se
incl qu'après S' n siibsl. . Grâce impctrable, bé-
Ttéfice iiiipêtruble
Impétuk.lsejiknt. Adv. On prononce tueu en
deux sylliibcs. On pcul (luelipiefois nicHre cet
adverbe entre l';iuxili;iirc et le pailicipe : /igir
ijiipétueitiemihi Un fleure qui coule impétueu-
sement. Il s'est jeté impétueusement sur l'ennc-
«jt, ou il s'est impétueusement jeté sur l'ennemi.
Impétuecx, Iju'ÉTUtisE. Adj, Tueu se pro-
nonce en deux syllabes. Cet adjectif est relatif a
la violence du monvcnicnt : Le vent est impé-
tueux, les fliits de la mer sont impéiueua- ; le
Blwnc est impétueux. Il se dit au ligure de la
jeunesse, delà colère, du caractère, du zèle, du
style, du discours, et de presque toutes les qua-
lités (jui peuvent péclier par excès. — On peut le
mettre avant son subst., si lliarnionie el l'analo-
gie le perinetlent : Un vent impétueux, un tor-
rent 'impétueux, vn homme impétueux. Un im-
pétueux torrent. Sun ardeur impétueuse, son
impétueuse ardeur.
Impie. Adj. des deux genres. 11 ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme impie, une femme
impie, des discours impies, des pensées impies,
des paroles impies, ouvrage ivipie, action impie,
culte impie
Impiété. Subst. f. lé fait deux syllabes.
Impitoïable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsipie l'analn^io et
l'harmonie le permettent : Un hommeimpitayaUc ,
vue âme impitoyable, vnjuge impitoyable, vu
censeur impituyahlc , vn impitoyable censeur;
une loi impitoyable, une impitoyable loi.
l.MPrroYABLEMEM. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On l'a traité impi-
toyablement; on l'a dépouillé impitoyablement,
OU on l'a impitoyablement dépouillé.
Implacable. Adj, des deux genres. On peut le
îno'tre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'an;^logie : Un homme implacable. Un ennemi
implacable, un implacable ennemi. 11 ne se dit
que des personnes cl des cbascs qui y ont rap-
port : Une haine implacable, une colère impla-
cable. On ne dit point des (lots implacables, une
tempête implacable . ^
Implanter. "\'. a. do la 1" conj. Etreimplanté ,
c'est avoir son origine et son attache profondé-
ment en (luelquc endroit : Les oreillettes et les
artères s'implantent dans le cœur.
Implexe. Adj. des deux genres. Terme de lit-
térature qui se dit des poèmes épi(iMes et des ou-
vrages diamati(pies. C'est l'oppose de simple.
L'ouvrage est simple quand il n'y a point de ren-
versement dans la furtune du héros. Il est im-
plexe si la fortune du héi'os devient mauvaise
de bonne qu'elle était, ou do mauvaise devient
bonne.
Implicite. Adj. des deux genres. C'est le con-
traire à'cTplicitc. Il signifie n<jn explicjuc, non
développé. On appelle volonté implicite, celle (]ui
se manifeste moins par des paroles que par des
circonstances et par des faits. Telle clause, par
exemple, sans être énoncée dans un contrat, y est
censée contenue, parce qu'elle suit de la volonté
implicite et primitive des conlraclanls, laipiellc
se démontre, tant par la nature de l'acte (pic par
d autres clauses é(piivalentes el netieinent ex-
primées. On appelle foi implicite un acipiicscc-
menl général et sincère a tout ce que l'Église nous
IMP
propose, sans que le fidèle porte sa vue ni sa foi
sur tel ou tel article de croyance, qu'il ignore le
plus souvent. 11 ne se met ipi'après sonsubst. :
Volonté implicite, condition implicite.
Impliciteme.nt. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cette clause est con-
tenue implicitement dans le contrat, ou est im-
plicitement contenur danslc contrat.
Implorer. \. a. C'est demander avec toutes
les marques de 1 instance : On implore du secours,
on implore la justice. Implorer rassistance, le
secours de quelqu'un, implorer Dieu dans son
affliction. Féraud prétend qu'on ne le dit point
des personnes. Voici des exemples du con-
traire :
Hélas ! ils m'imploraient contre leurs assassins.
(YOLT., Mer., acl. I, se. i, 76.)
Klle implore la Mort, elle est lasse du jour.
(Dblil., Énéid., IV, 678.)
Ici la Mort est personnifiée.
Impoli, Impolie. Adj. Une se met qu'aiirèsson
subst. : Un homme impoli, une femme impolie,
un air impoli, un ton impoli.
Impollue.nt. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Parler impolinient .
Impolitique. Adj. des deux genres. Qui n'est
pas politique. On peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille el l'analogie : Une con-
duite impi'litiqxte, une démarche impolitique. —
Ces impolitiques discours , cette impolitique
maxime.
Importance. Subst. f. Terme relatif à la valeur
d'un objet. S'il a, ou si nous y attachons une
grande valeur, il est important. On dit d'un
meuble précieux Mrt meui/e d'importance ; d'un
projet, d'une affaire, d'une entreprise, qu'elle
est d'importance, si les suites en peuvent deve-
nir ou très-avantageuses ou très-nuisibles. Le
mal et le bien donnent cgalcinent de 1 imjwrtance.
Voltaire remarque que gens d'importance est
une expression p ipulaire el triviale que la prose
el la poésie réprouvent également. {Remarques
sur Corneille.)
Important, Importante. Adj. D'importance oa
a fait important, qui se pi-end à peu près dans le
môme sens. On dit il est important de bien com-
mencer, d'aller vite. Il faut que le sujet (Tun
poème épique ou dramatique soit important. Cet
adjectif a deux acceptions particulières. On dit
d'un homme qui pcul beaucoup dans la place
qu'il occupe, c'est un homme important. On le
dit aussi de celui qui ne peut rien ou peu de
chose, et qui met tout en œuvre pour se faire at-
tribuer un crédit ([u'il n'a pas. En ce sens,
on l'emploie subsianlivcmcul ; C'est un im-
portant, il fait l'important. L'adjectif peut se
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent ; Un avis important,
un mot important, une affaire importante ; vn
important avis, une importante affaire.
Quel important besoin
Vous a fait devancer l'aurore de si loin?
(Rac, Jphig., se. I, 3.)
Importer. \. n. de lai" conj. Il ne s'emploie
qu'à l'infinitif, et aux troisièmes personnes du
singulier : Cela ?ie lui peut importer de rien, ne
lui importe de rien. Souvent on l'emploie
impersonnellement , lorsqu'il est suivi d'un in-
finitif [irécèdé de la préposition de : Il vous
importe de partir promptement; ou lorsqu'il est
TMP
suivi d'un nom, précéiki de lu préitnsition ii : Il
importe a votre frère que mus rereniez hie/itot.
II faut employer de avec l'iiifinilif (|uaiid le se-
cond verbe se" iai)|)orte au régime. // importe à
votre frère (.le partir, signifie îl iuiporlc (juc voire
frère parle. Mais <|uand li; second verbe ne se
rapporte pas an i-égimc, il faut niellrc que^ avec
le subjonctif: Il importe à votre frère que vous
parties.
On demandes! qu'importe peut régir la prépo-
sition de. Montesquieu a dit : Si en général le
caractère est h n, qu'importe de quelques défauts
qui s'y trouvent^ [Esprit des lais.) El Kacine
dans Bérénice (ad. IV, se. ii, 12) :
El que m'importe, liclas! dt ces vains ornements?
L'abbé d'Olivct a critiqué ce vers, mais l'abbc
Desfonlaiiics el Kacine le fils l'onl défendu. En
47(>2, l'-Xcadcmie pensait comme l'abbé d'Olivet;
mais dans les dernières éditions de son Diction-
naire, elle a cru devoir admellre ce régime; et,
selon elle, on dit qu'importe de so7i amour ou
de sa hat/te? qu'importe du beau ou du /«au-
rais temps? — 11 nous semble que les phrases
de ÎSIonlcs(|uieu et de Racine ne doivent pas cire
regardées comme des exemples à imiter, mais
comme des négligences autorisées peut-être par
l'usage dans le tciiq)s où ils écrivaient. En effet,
3ue signifie le verbe importer? L'Académie le
éfinit être d'importance, de conséquence. Ainsi,
qu'importe signifie de quelle importance est?...
et qtie m'importe, de quelle importance est pour
moi? Or, ces phrases exigent pour complémenl
un nom sans pié[)osilion. Que m'importent cc.^
vains ornements, signifie de quelle importance
sont pour moi ces vains ornements. ]\lais com-
ment analyser que la importe de ces vains orne-
ments? cela signiliera-l-il de quelle importance est
pour mi de ces vains ornements? Celle phrase
est absurde, cl tout à fait contraire à l'analogie
de la langue. 11 en est de même de celle qu'elle
représente. Nous pensons, en conséquence, qu'il
faut s'en tenir au sentiment de l'Académie de
1762, et dire décrire comme tout le monde dil et
écrit aujourd'hui, que m'importent ces vains or-
nements? qu'importe son amour uu sa haine? clc.
3.-3. Rousseau a dil; C)u"imporie la vérité de
l'imitation , pourvu que l' illusion y soit? —
M. Lemaire justifie ainsi les exemples critiqués
dans cet article: «Pour nous, le véritable sujet
c'eslle pronom yi/e absolu, el la phrase s'explique
tout n;ituicllemenl : Que, quelle chose de ces
vains ornements m'importe , est d'importance
pour moxl [Grammaire des Grammaires, p.525 )
IjiPoiiTLN, Lmportlke. Adj . On peut le mellrc
avant son subst., en consultant l'oreille cl l'ana-
logie : Un homme importun, une femme impor-
tune. — Ses vi.tites importunes, ses importunes
visites ; sa présence importune, son importune
présence; son bahil importun , son importun
babil. Voyez Adjectif
Importunémem. .\dv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire cl le participe : Il m'a
pressé importunément de lui prêter de l'argent,
il ma importunément pressé, etc.
Importuner. \. a. de la 1" conj. L'Académie
ne dit pas que ce verbe peut régir la préposition
de. On dil importuner quelqu'un de quelque
chose. Je vous prie de me laisser en repos, et de
ne m' importuner plus de vos querelles. (Montes-
quieu, Xl^ lettre persane.)
liiposANT Imposamte. Adj. verbal tiré du v.
im
377
imposer. 11 se dil de tout ce qui imprime un sen-
timent de crainte, d'admiration, de respect, d'c-
gard, de considération. On iieut le mellre avant
son subst. , lorsque l'analogio et l'harmonie le
permellent : Un homme imposant, une figure
imposante ; une gravité imposante, une impo-
sante gravité.
Imposer. V. a. de la 1" conj. Ce verbe sieni-
lie prendre sur queUpi'un un ceiiain ascendant
qui, en lui faisant illusion, l'empéclie de juger
connue il voudrait, ou comme il devrait juger ;
d'agir comme il voudrait, ou devrait agir. C'est
ce qui est bien décrit dans ces vers ^^■oll., Mort
de César, acl. I, se. i, 101) :
Son superbe «ourage
Flatte en secret le mien, mime alors qu'il l'outrée.
Il m'irrite, il me plaît; son cœur indépendant
Sur mes sens étonnes prend un lier ascendant.
Sa fermeté m'impose.
Sémiramis veut parler de ce même ascen-
dant quand elle dit qu'Assur pense lui impo-
ser:
Je demandais Arsace, afin de l'opposer
Aux complices odieux qui pensent m'impoier.
(Volt., Semir., act. I, se. v, SO.)
Il nous semble (jne les deux expressions im-
posera en imposer renferment également un sens
d'illusion, de fausse apparence, mais que la pre-
luière s'emploie lorsque les moyens d'illusion
opèrent sans intention de la j)art de celui (pii les
possède; et qu'on se sert de la seconde lorscjuc
ces moyens sont mis en usage à dessein de faire
illusion ou de tromper.
Ainsi César a dû dire de Brulus, sa fermeté
m'impose. Brulus n'avait pas l'intonlion d'en
imi)oscr à César par sa fermeté, ou du moins Cé-
sar n'avait pas dessein d'exprimer celle intention.
Sémiramis aurait dû dire d'Assur II pense
m'imposer, car les moyens i)ar lesquels Assur
pensait imposer à Sémiramis n'avaient pas élé
inventés par lui à dessein de la tromper, mais ils
étaient une suite ualurclle d'événemcnls anté-
rieurs qui avaient eu un autre objet.
Un magistrat, par l'air grave qui est habituel
en lui, m'impose; un homme qui affecte avec
moi un air impérieux ou menaçant, dans le des-
sein de m'amencr à ses fins, m'en impose. Un
vieillard respectable impose, un spadassin qui
menace eji impose aux poltrons. L'air noble cl
simple de l'innocence impose; l'air composé d'un
hyiiocritee« impose. La majesté du trône impose ;
queli]ucfois le lasli: d un sol en impose. L'hon-
nête homme (jui dit franciienicnl la vérité im-
pose ; le fripon qui cherche a se tirer d affaire
par des mensonges en impose.
D'après celte' règle, Orosmane, pour parler
exactement, n'aurait pasdii dire à Nércsian:
Tu m'impo$ais ici pour me déshonorer;
(YoLT., Zaïre, acl. V, se. x, 5.)
mais tu m'en imposais; car il croyait que Né-
reslan avait dessein de le tromper. Boilcau n'au-
rait pas dû dire Afin qu'il ne m'accuse pas de
lui imposer [1' Rt flexion critique sur Longin.) ;
carie verbe «ccî/ser suppose une mauvaise in-
tention reprochée; il fallait dkc .-ifin qu'il ne
m'accuse pas de lui en imposer. De même Mas-
sillon aurait dû dire [Petit-Carême, Ville ser-
mon, Écueils de la piété des grands, t. I,
0. .59S.) On craindra de vous en imposer,
quand L'imposture n'aura plus d attendre que
378
IMP
votre colère; et non pas de vous imposer. — I.e
mol (Ti'iipnsture marque ici l'inlenlion, le des-
sein di' tromper. Mais Yollaire s'est exprimé
confnniiéinenl a notre règle lorsqu'il a dit (Oz/^A.
de la Chine, act. I, SC. i, 49) ;
Lui qui traîne après lui tant de rois ses soÎTants,
Dont le nom seul impose au resta des virants.
Les exemples suivants la coniirment encore :
Loin du faste do Rome et des pompes mondaines,
Des temples consacres aux tanilés humaines,
Dont l'app irell suprimo impos' à l'univers.
L'humble religion se cache en des déserts.
(Volt., Henr., IV, 263.)
D'où Tient qu'une bergère, assise sur les (leurs.
Simple dans ses imbits, plus simple dans ses raœnrs,
/mpo(« à ses amants surpris de sa sagesse ?
(Bernis, Religion vcngét^ V.)
Qui ne s'y fiit trompé? jamais l'air d'un visage,
Si ce qu'il dit est vrai, n'imposa davantage.
(Mol., Étourdi, ad. III, se. Il, 55.)
Ils demandent un chef digne de leur courage.
Dont le nom seul impose à ce peuple volage.
(VuLT., Brut., act. I, se. IV, 48.)
Demandez aux, Scythes, aux SaT^mates et aux
Esclavons, si l'Ébre, le Danube, le Tanaïs, sont
des lanières qui leur imposent. (Marmontei,
Bélisaire, chap. XI, p. 90) :
La dame qui, depuis longtemps
Connaît à fond votre personne,
A dit: Hélas! je lui pardonne
D'en vouloir imposer aui gens.
(v'oLT., rfpi'Jrs Y, 8.)
// (le théâtre' doit en imposer aux yeux, quil
faut toujours séduire lespremiers. (Volt., Dis-
sertation sur la tragédie, II' partie.
Qu'elle ne pense pas que par de vaines plaintes.
Des soupirs affectes, et quelques larmes feintes,
Auiyeut d'un conquérant on puisse en imposer,
VYOLT., Orphelin de la Chine, ad. III, se. I, 25.^
L'Académie remarque que en imposer a élé
j)ris souvent dans le sens de inspirer du respect,
de l'admiration, delà crainte ; mi\?, qu'il signifie
plus exactement iroOT/jer , abuser, en faire ac-
croire. Il vaut d(-nc mieux observer strictement
cette distinction, à laquelle aujourd'hui tout le
monde semble se ranger. (A. l.emaire, Gram-
maire des Grammaires, p. 117(5.)
Liipossini.E. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : C'est vne chose impossible.
On ne doit pas employer cette expression avec le
verbe /)oj«-oîV. Il y aurait de la néglinencc dans
celle phrase : Il est impossible qu'un puisse ima-
ffiner la douleur que cette mort lui cause, parce
que le verbe pouvoir ne dit rien de l'ius que ce
qui a étédil par h; mol impossible. Ainsi il faut
dire : On ne peut 'bimariincr, ou bien il est im-
possible de s'imaginer, etc. Voyez Peut-être.
Imposteur. Subst. m. qui se prend adjective-
ment. Comme adjectif, il ne se met qu'après son
subst. : Un ion imposteur, vn air impostiur. 11
n'y a point d'exemple du féminin, ni pour le sub-
stantif, ni pourradjerljf.
Imposture. Subst. f. Ce mol vient du v. impo-
ser, dans le sens d'e/i imposer. Or, on en impose
aux hommes par des actions et par des discours.
Toutes les manières possibles dont on abuse de
LMP
la confiance ou de limbécillité des hommes sont
autant d'impostures. — L'imposture est le mas-
que de Ici vérité, dit A'auvcnargues ; la fausseté
une imposture naturelle; la dissimulation une
imposture réfléchie; la fmrbcrie une imposture
3ui veut nuire; la duplicité une imposture à
eux faces.
I.MPOTENT, Impotente. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme impotent, une femme
impotente , un bras impotent.
Impraticable. Adj. des deux genres. Qui ne
peut être pratiiiué. Il se dit des chutes cl des
personnes : Les chemins sont impraticables ;
c'est un homme impraticable . Il se dit aussi de
tout ce qui fait un obstacle insiu'montable à
l'exercice de nos facultés. Il ne se met qu'a[)rés
son subst. : Une chose impraticable ; un projet
impraticable ; un homme impraticable; un esprit
impraticable ; une maison impraticable ; un ap-
partement impraticable ; des chemins imprati-
cables. Voltaire a dit, en parlant de certains su-
jets de tragédies, ce sont les sujets les plus in-
grats et les plus impraticables. JSi l'analogie, ni
l'usage, dit Féraud, n'admeltenl ce mot en ce
sens. Justiu'à ce qu'on dise pratiquer un sujet
de tragédie ou de comédie, il semble que sujet
impraticable n'est pas propre. — Celle critique
de Fcraud est absurde. Il n'a pas fait attention
qu'on ne pratique pas un esprit, un caractère,
une humeur, une maison, un appartement, et
qu'on dit cependanl xin esprit impraticable, un
caractère impraticable, une humeur impratica-
ble, une maison impraticable, un appartement
impraticable.
Imprécaîiok. Subst. f. Ce terme, dans l'ac-
ception commune, désigne proprement des vœux
formés par la colère ou par la haine. On appelle
imprécations, les expressions (|ue le désir de la
vengeance nous arrache, lorsfjue, nous sentant
iro; faibles pour nuire par nous-mêmes à ce
qu'- nous haïssons, nous osons réclamer le se-
cenrs de la divinité, et l'inviter à épouser nos res-
sentimonls.
On Vi\)\i(i\\c -imprécations, en littérature, une
figure de rhélorique par la<iuelle l'orateur sou-
liâite des malheurs à ceux à qui il parle, ou dont
il parie. Elle est quelquefois dictée par l'hor-
reur pour le crime et pour les scéléi'als, comme
celle-ci du grand prêtre Joad dans VAlhalie de
Racine (act. 1, se. ii, 428) :
Daigne, daigne, ninn Dieu, sur M.ilhan et sur elle,
lîépaiidre cet esprit d'imprudence et d'erreur,
De la chute des rois funeste avant-coureur.
Quelquefois elle est l'effet de l'indignation,
mais le plus souvent celui de la colère et de la
fureur. Ainsi, dans Bodogunc, Cléopàlro expi-
rante souhaite à son fils Anliochus et à cette
princesse tous les malheurs réunis (act. "V,
sf. IV, 214) :
Puisse le ciel tous deux vous prendre pour victime»,
El laisser choir sur vous la peine de mes crimes!
Puissiei-vous ne trouver dedans votre union
Qu'horreur, que jalousie, et que confusion !
Kl, pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble.
Puisse naître de vous un lils qui me ressemble !
{Encyclopédie.)
* Imprégnation. Subsl. f. Le g se prononce
dur, et sans mouiller. — L'Académie ne recon-
nail pas le mot imprégnation. .Mais nous ne
voyons pas de raison pour changer la prononciatiou
d'un mot à un aulrc, et nous nous rangeons de
IMP
l'avis de M. N. Landais, qui vent (ju'on mouille
gn dans impn'g nation comme dans imprrgner.
C'est un mol, au reste, dont on peut se passer.
(A. LcLuairc, Grammaire des GramTnaires ,
p. 45.)
Imprégner. V. a. délai" conj. On mouille le
ifn.(De Wailly.)
Imprknable. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst.
Imprescriptible. Adj. des deux genres. Il ne
se met qu'après son subst.: Droits imprescrip-
tibles.
Imprévoyant, Imprévoy.xnte. Adj. Il peut quel-
quefois se mettre avant son subst. : Jeunesse im-
prévoija nie, imprévoija nte je u nés se .
Impi-.évi', l.MPRÉvuE. Adj. Il ne se met qu'après
son si!l>sl. : (In accident imprévu, une chose
imprérue, vivrt imprévue.
Ibiprobable. .\dj. dos deux genres. Il ne se met
qu'apivs son subst. : Une chose improbable.
iMPiioBATEUR. Adj. qui se prend quelquefois
substantivement. En pariant d'une femme, on dit
improbatrice.
I.1IPR0BITÉ. Subst. f. Ce mot originairement la-
tin, dit La Harpe, a dû passer naturellement dans
noire langue, dérivée en grande partie de la lan-
gue latine, et n'a fait qu'en prendre la termi-
naison. On peut remarquer seulement que si
improbitas signifie en latin méchanceté, il n'ex-
prime en français (}ue la privation de la probité.
— Nous observerons ici que de la privation de
la probité il résulte une mauvaise qualité, réelle
et positive, i]ui empêche de se conduire avec
probité, et (ju'ainsi l'improbilé n'est pas pure-
ment la privation de la probité. Quand je dis
son iviprvbit- lui uttucra quelque mauvaise af-
faire, j'indiiiue une mauvaise qualité réelle, une
cause qui doit produire un effet. Voyez In.
Impromptu. Subst. m. Selon la règle générale
qui dit que les substantifs tirés des langues étran-
gères ne prennent point de s au pluriel, on ne
met point cette lettre à la fin de ce mot lors-
qu'il est au i)luriel : Un impromptu, des im-
promptu. — On donne ce nom à une petite pièce
de poésie assez semblable au madrigal ou à
l'épigramme, mais dont le caractère propre cl
distinctif est d'être fait sans préparation sur un
sujet qui se présente. L'impromptu, dit le comte
Hainilton, est
... un certain volontaire
Enfant de la table et da vin,
Difficile et peu nécessaire,
Vif, entreprenant, téméraire,
Etourdi, négligé, badin.
Jamais reTcur ni solitaire,
Quelqnefoi.'î délicat et lin.
Mais tenant toujours de son père.
(Lettre à M. de Mimure, 1" juillet 1705.)
Impropre. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Un ternie impropre, un
mot impropre .
Impropre, en grammaire, se dit d'un terme qui
n'exprime pas exactement le sens qu'on a voulu
lui faire signifier.
Voici quelques exemples de termes impropres
que Condillac trouve dans Boileau. Ce poêle,
voulant dire qu'un esprit qui se flatte ignore
souvent combien il a peu de talent, et s'aveugle
sur son peu de génie, s'exprime ainsi {A. P., I,
li») :
Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime
Méconnaît son génie et s'ignore soi-même.
IMP
37»
MccnnnaUre signifie proprement ve pas re-
connaître, ou même ne pus vouloir reconnaître.
D'ailleurs ne pas reconnaître sua génie signi-
lierait ignorer combien on a de talents; et Des-
préaux veut dire ne connaît pas combien il en a
peu. Au lieu de soi-même , il faudrait lui-
même. Peut-on dire un esprit qui méconnaît son
génie'* Enfin qui s'aime n'a été ajouté que pour
rimer avec soi-même.
Pour dire : Variez votre style, si vous voulez
méHter les applaudissements du public, il prend
ce tour {A. P., I, 69) :
Voulez-vous du public mériter les amours,
Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Varier ses discours, c'est, proprement, écrire sur
différents sujets. Les amours pour les applau-
dissements est mal encore. En écrivant est
inutile.
Improprement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il a parlé improprement.
Impropriété. Subst. f. Terme de grammaire.
Les grammairiens distinguent trois sortes de
fautes dans le langage, savoir : le solécisme, le
barbarisme, et l'impropriété. Celle-ci so commet
quand on ne se sert pas d'un mot propre et qui
ail une signification convenable; comme si on
disait vn grand ouvrage en parlant d'un ouvrage
prolixe et diffus. Le mot ^7-awrf serait impropre,
;)arce qu'il serait équivoque , grand ouvrage
pouvant se dire d'un ouvrage long, mais bien
lait et utile, et il ne serait pas aussi net, aussi
expressif que diffus, qui caractérise un défaut
"N'oyez Impropre.
Improvisatecr. Subst. m. En parlant d'une
femme on dit improvisatrice.
Imprudemment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est conduit im-
prudemment dans cette circonstance, il s'est
imprudemment conduit dans cette circonstance.
Imprudence. Subst. f. Ce mot n'a point de
pluriel quand il signifie le vice ; Leur impru-
dence est connue. On lui en donne un quand il
se dit des effets de l'imprudence, des actes d'im-
prudence : Il a commis bien des imprudences.
Imprudent, Imprudente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et rharinonie
le permettent : Un homme imprudent , -une
femme imprudente. — Une conduite impru-
dente, des discours imprudents, des actions im-
prudentes ; cette imprude nte conduite ; tant d'im-
prudents discours , d'imprudentes actions le
perdirent.
Impudemment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a menti impudem-
ment, il m'a imj)udeninient trompé.
bipuDENCE. Subst. f. L'Acadéuiie le définit ef-
fronterie, man(iuede pudeur. On peut le définir,
une hardiesse insolente à commettre de gaieté de
cœur des actions dont les lois, soit naturelles, soit
morales, soit civiles, ordonnent qu'on rougisse:
car on n'est point blâmable de n'avoir pas lionte
d'une chose qu'aucune loi ne défend; mais il
est honteux d'être insensiiile aux choses qui sont
déshonnétcs en elles-mêmes.
Ce mot n'a point de pluriel quand il signifie le
vice auquekon donne ce nom; mais il en a un
lorsqu'il se dit des actes particuliers d'impu-
dence: Je le ferai repentir de ces impu-
dences. Y . Impudent.
Impudent, Impudente. Adj. On le met souvent
avant son subst. : Un homme impudent, une
380
IMP
femme impudente ; vn vientetir impudent, un
impudent menteur ; une jeunesse impudente,
une impudinte jeunesse. Observez ù Paris,
dans une assemblée, l'air suffisant et vain, le
ion ferme et tranchant d'une impudcnlc jeu-
7iesse, tandis que les anciens, craintifs et mo-
destes, ou n'osent ouvrir la bouche, ou sont à
peine écoutés. (J.-J. Kousseau.) S'uycz Ad-
jectif.
Impudecr. Subst. f. Mol nouveau, dil Domer-
guc, que rien n'emoèclic de laisser enlrcr dans
la langue, maisfpii na pas, selon mol, dans les
ccrils du leniiis, la signilicalion que l'analogie
lui assigne. L'impudeur doil signifier la non-
pudeur, le contraire de la pudeur. Or, qu'csl-cc
(]ue la pudeur? une cerlainc honte, un mouve-
ment evcilé |)ar ce qui blesse rhunnélelé ou la
niùdcslie. D'aprcscc principe, Domergue se plaint
de ce qu'on le confond trop souvent avec l'iw-
j>udence, qui est un allental contre la pudeur.
Celle observation de Domergue nous parait juste.
'\'oyez Impudence.
].MPi'DiQUE. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Une femme impudi-
oue, désirs impudiques, regards impudiques ;
chansons impudiques. D'inipttdiques discours,
d'impudiques regards.
L'une fut impuctique et l'autre parricide.
(CoRx., Cin., act.Y, se. Il, 33.)
Phèdre seule cliarmait les impudiques yeux.
(Ric, Plicd., act. lY, se. II, 82.)
Voltaire a dit, au sujet du premier vers : Ce mot
impudique ne se dit plus guère dans le style no-
ble, parce (lu'il présente une idée qui ne l'est
Jias. [Remarques sur Corneille.)
Impldiqdemem. Adv. 11 ne se met qu'après le
verlje : Vivre impudiquement.
Impuiss.^ncf.. Subst. f. L'Académie n'attribue
ce mot qu'aux personnes : Je suis dans l'im-
puissance de vous servir. L'impuissance où je
suis de vous rendre service. Racine a dit dans
Iphigénie (acl. I, se. v, 29) :
Seigneur, de mes ciïorls je connais V impuissance.
Impuissance se dit plus particulièrement de
l'incapacité d'avoir des enfants, causée ou par un
vice de Conformation, ou j)ar quelque accident.
En ce sens, il ne se dit que des hommes. En
parlant d'une femme qui est incapable d'avoir des
enfants, on dit (\nelle est stérile.
Ce mot n'a point de pluriel.
I.MPL1SSANT, Impuissante. Adj. On peut souvent
le mettre avant son subst. : Un ennemi impuis-
sant, un impuissant ennemi; une colère im-
puissante, une impuissante colère; faire des
efforts impuissants, faire d'impuissants efforts.
A oyez. Adjectif.
Impunéue.nt. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Voler impunément. Il a trahi ùnpuné-
vient son devoir.
Impuni, Impunie. Adj. 11 ne se met qu'après
son subsl. : Une faute impunie, un crime im-
puni. Cet adjectif exprimant une qualité absolue,
n'est point susceptible de comparaison, soit en
plus, soit en moins
Impur, Impure. Adj. Au |iropre, il ne se met
qu'après son subst. : Des métaux impurs, un
sang impur. Au ligure, on peut le faire précé-
der lorsque 1 unalogleel l'harmonie le permellent:
Des amours impures, d'impures amours.
IN
Imputer. V. a. de la 1" conj. L'Académie ne
dit i)as que ce verbe s'emploie aussi avec le pro-
nom i)ersonnel.
Ne «ou» imputez point le mallieur qui m'opprime.
(Rac, tlilhrid., acl. IV, se. ii, 36.)
Is. Particule prépositive qui se met au com-
mencement de certains mots. Celle particule a,
ainsi qu'en latin, deux usatrcs très-différents :
i" Elle conserve en plusieurs mots le sens de la
préposition latine 171, ou de notre particule fran-
çaise en, el par conséquent elle marque position
ou disposition. Voyez En. Position, comme in-
carnation, infuser, ingrédient, inhumation, ini-
tier, inné, inoculation, inscrire, intrus, inva-
sion ; disposition, comme inciter, induire, in-
fluence, innover, inquisition, insigne, inlen-
tioîi, inversion. In cl en ont telleincnt le mémo
sens quand on les considère comme venues de la
préposition, (]uc l'usage les partage quelquefois
entre des mots simples qui ont une même ori-
gine et un même sens individuel, et qui ne diffè-
rent que par le sens spécifique : Inclination, en-
clin; inflammation , enflammer; injonction,
enjoindre ; intonation, entonner.
2" //t est souvent une paiticule privative qui
marque, dit-on, l'absence de l'idée individuelle
énoncée par le mot simple : Inanimé, inconstant,
indocile, inégal, infntuné, ingrat, inhumain,
inhumanité, inique, injustice, innombrable, in-
ouï, inquiet, inséparable, intolérance, involon-
taire, inutile, etc. Quel que puisse éire le sens
de celte particule, on en change la finale n en
m devant les mois simples qui commencent par
une des labiales b, p ou m : imbiber, imbu, ijnbé-
cile, impétueux, imposer, impénitence, immer-
sion, imminent, immodeste. N se change en l
devante, el en r devant r; illuminer, illicite,
irruption, irradiation, irrévérent, etc.
Je ferai quelques observations sur les mots
dans la composition desquels entre cette parti-
cule. Il me semble qu'on n'a pas bien indiqué la
signification de ces sortes de mots, en disant (ju'ils
marquent l'absence de l'idée individuelle énoncée
par le mol simple.
Je remarque dans l'absence d'une qualité ex-
primée par un mot simple, deux choses bien dis-
tinctes: 1° cette absence en elle-même; 2'' une
qualité contraire à la qualilé exprimée par le mot
simple. Par exemple, si je considère dans l'al»-
sence de la justice celte absence en elle-même,
abstraction laite des effets qu'elle peut produire,
je dirai, pour rai)pli(]iier a une personne, ([ue
cette personne n'est pas juste ; et je ne puis me
servir ici que d'une expression négative, puisque
l'idée est entièrement el absolument négative.
Mais si je considère que l'absence de la justice
produit une mauvaise qualilé réelle cl positive,
qui est opposée à la justice, dont les elïcts sont
sensibles el les suites fâcheuses, je n'ai plus alors
dans l'esprit l'idée d'une négation, m.iis l'idée de
quelque chose de réel et de positif qui ne peut
être exprimé que d'une manière aflirinaiive; et
alors je dirai d'un homme auquel j'attribuerai
celte mauvaise qualité, qu'il est i?ijuste. H y a
donc celte différence entre n'être pas juste el
être injuste, (juc la première phrase exprime la
négation d'une qualité, el la seconde l'existence
d'une qualité ; différence rendue sensible par
celle des expressions donl l'une est négative el
l'autre affirmative.
On conviendra aiséiDent de la justesse de celte
IN
observation, si l'on fait attention que les adjectifs
3iiiex[)riinont iine<iiialilé dont i'aljseuee ne pro-
uit puint une iiiuiiité conliairc, ne s'associent
point a la particule in, et qu'on ne peut exprimer
cetic absence que par des négations. Par exem-
ple, on ne dit pas qu'i//j homme est inaimahle,
inlniuiblc, inudniiiahU', (larce que l'alisencc des
qualités (pii rendent aimalde, louable, admirable,
ne produit point une (]ualilé réelle contraire. Ce-
lui qui n'est [jas aiinuble n'est [)as pour cela haïs-
sable; celui qui n'est |)as loiiuhle n'a pas une
mauvaise qualité réelle contraire à la ([ualitéquc
l'on désigne par le mot louable ; celui qui n'est
|)Oinl admirable n'a pas une (]ualilé léelle con-
traire à ce ([ui produit l'admiration. 11 n'y a dans
CCS trois individus que des négations, îles ab-
sences, et rien de réel ni de positif.
Au contraire, celui qui est inconstant a une
mauvaise qualité réelle , produite par l'ab-
sence lie la constance, qualité (lui se numifesle
ordinairement dans les diverses circonstances de
sa vie.
Je me crois donc fondé à penser que ces ex-
pressions que l'on nomme privatives, et dont les
particules in, im, il, ir, sont les signes caracté-
ristiques, n'ont élc inventées que pour exprimer
l'existence d'une qualité réelle résultant de l'ab-
sence de la qualité exprimée par le mot simple.
A l'égard des adjectifs tirés des participes pas-
sifs des verbes, il faut examiner si la négation de
l'action exprimée i)ar le verbe influe ou non sur
l'état du sujet. Dans le premier cas, la particule
in peut se joindre à l'adjectif; dans le second,
elle ne peut |)as s'y joindre. Qu'une personne ne
soit pas aimée, ne soit pas désirée, ne soit pas
battue, ne soit pas blessée, ne soit pas tuée, il
n'en résulte en elle aucun changement, aucun
état nouveau, et vuilà pourquoi l'on ne veut pas
dire i\\ïiinc persenne est inaimée, indésirée, im-
batiue, iiiiblessée, intitée ; mais qu'une personne
ne soit pas animée, qu'elle ne soit pas soumise
connue elle devrait l'être, il en résulte en elle un
état particuliei" ipii lait qu'on peut dire qu'eZ/e
est inanimée, ([u'ellc est insoumise.
11 en est de même des choses. On dit qn'iine
maison est inhabitée, [)arcc que l'absence ou le
défaut d'habitants la met dans un état différent
de l'éiat ordinaire ou de l'état précédent; mais
on ne dit |)as ([u'une maison est inlouée, est in-
vendve, parce (]u'il s'agit ici de circonstances
qui ne changent rien à l'état actuel de la maison
en elle-même.
Je sais bien qu'on dit qu'un homme est incir-
concis, que des marchandises sont invendues,
quoiiiue l'absence de la circoncision et le défaut
de vente ne change rien à l'état de l'homme ou
des marchandises; mais ces ex[)ressions ne se di-
sent (jue dans un sens d'opposition. On dit les
incirconcis par opposition à ceux qui sont cir-
concis, et pour établir une différence entre les
uns et les autres. C'est une expression établie
parmi les juifs et les musulmans. Chez nous, où
il n'est pas d'usage de faire une distinction nomi-
nale entre ceux ijui sont baptisés et ceux qui ne le
sont pas, on ne dit pas les imbaptisés. On dit de
niéuietiuc des marchandises sont invendues, par
opposition aux marchandises ([ui sont vendues,
et pour distinguer leur état de l'état de ces der-
nières. Mais sans l'idée de celte opposition, et
sans qucUpie circonstance qui la fasse sentir, on
ne pourrait pas dire (ju'une marchandise est in-
vendue. Si j'ai mis i)lusieurs marchandises en
vente, je pourrai dire par opposition, relalivc-
INA
381
ment à cette vente, que les unes sont vendues al
(]ue les auires sont invindues. Mais si je voulais
dire, sans opposition, que ma maison n'est pas
vendue, je parlerais d'une manière ridicule en
disant qu'elle est invendue.
Les poètes, (pii se pi'rmetlent tout, ont pu dire
des guerriers invaincus , ton bras est inraincu.
Mais Voltaire lui-même, «jui approuve cette ex-
l^ression dans Corneille, serait convenu qu'elle
serait bien étrange en prose, cl je ne crois pas
(|u'il eût voulu dire, dans une de ses eomi»osi-
tions histori(iues, que des troupes se retirèrent
invaincues , qu'une armée fut invaincue, ou
(pie le bras de Louis XI^^ était invaincu. A.
parler grammaticalement, to7i bras est invaincu
est une expression positive employée pour ex-
primer une idée purement négative. 'J'un bras est
invaincu signilie, dans le seul sens (ju'on peut
doimer ici au mot invaincu, ton bras est et n'est
pas vaincu.
La particule in entre dans la composition de
plusieurs substantifs; mais c'est toujours pour
signilier des choses positives, des (pudités, un
état réel, et jamais une siuq)le absence, une né-
gation absolue. L'incombustibilité est la qualité
d'un corps incombustible; V incompréhensibilité,
la qualité d'une chose incompréhensible; Vin-
conduite, une conduite contraire aux règles
de la bonne conduite; Xinconstatœe, une qualité
positive contraire à la constance; Vindocilité,
une (]ualité (jui rend indocile; ['ingratitude, une
qualité ([ui rend ingrat. Mais on ne dira pas Viîi-
vérité, connue le veulent certains novateurs,
parce que ce mot n'exprimerait que l'absence de
la vérité, et que l'absence de la vérité, en ex-
cluant la vérité, ne [jroduit pas une chose posi-
tive contraire a la vérité, et "jui i)uisse être ex-
primée par un substantif. Il en est de même
d'insuccès, d' innécessité, d'insagesse, d'ingaieté,
et d'un grand nombre d'autres que des nova-
teurs irréfléchis voudraient introduire dans la
langue. \ oyez Privatif.
* Inabondance. Subst. f. Mot nouveau que
l'usage n'a pas adopté, mais ijui pourrait être
utile. Pénurie est l'opposé d'abondance; mais
inabondance est entre les deux. Ce pays
n'est pas pauvre, dira-t-on, il n'y a pas à
craindre de pénurie. On répondra : Oui, pour
vingt mille hommes ; mais pour soixante mille,
la seule inabondance est un danger. (La llarpc.)
Inabordable. Adj. des deux genres. Qu'on ne
peut aborder. Il ne se met ipraprés son subst. :
Une plage inabordable. — Un homme inabor-
dable. Il régit (juclquefois la préposition à : Cette
côte est inabordable aux vaisseaux de l'Europe.
* Inabordê. Inabordée. Adj. Mot nouveau ([ue
l'usage a ado[)té. Nous avons inabordable, cl il
faut (]ue nous ayons inabordé, surtout dejjuis
trois siècles (jne l'on a découvert de nouvelles
terres qui n'avaient jamais été abordées. Quel
plaisir de réduire toute cette périphrase en
un seul mot ! de peindre Odomb et Gama tou-
chant i)Our la première fois dc^ rives inabordées'.
(La llarpc.) Vovez In.
* l.NABSTiNKNCE. Subst. f. Mol uouveau, que
l'usage n'a pas adopté, ijui iwuirait l'être avec
utilité, et sans inconvénient. Un honwne est mort,
parce (pi'il s'est nourri de viande i)cndant le cours
d'une maladie (pii lui prescrivait de ne vivre que
de légumes et de lait. On dira (pie c'est l'usage
delà viande (jui l'a tué, et cela s'entendra; ce-
pendant cela n'est pas exact, car l'usage delà
viande n'est pas une chose nuisible, ni mortelle
382
rxA
par elle-mome. Il csî mort pour ne s'ctro pas aos-
tenu de vijiinle (]uaiid il fallait s'en abstenir; c'est
donc V iimlstinence de la viande ipH i a fait mou-
rir. (La Harpe.)
Inaccessible. Adj. des deux genres. Dont on
ne peut approcher, li se dit au propre et au
figuré : Les torrents qui tombent de celle mon-
tagne en rendi'nl le sommet inaccessible. Les
grands sont inaccessibles. Il ne se met qu'après
son subst. : Un rocher inaccessible. — Un homme
inaccessible. Il régit quelipiefois la piéposilion
ù : n cit inace.tsiWe a la peur, a l amour,
à la flatterie. Fly a peu de cœurs inaccessibles d
la flatterie.
Ou sein de ce sépulcre, inaccessible au monde.
(Volt., Sétnir., acl. I, se. m, 30.)
I>AccoMMODABLE. Adj. dcs dcux gcnrcs, qui ne
se met qu'après son subst. : Une querelle inac-
commodable, une affaire inaccommodable .
iNàccor.DABLE. Adj. des deu.v genres, qui ne se
met qu'après son subst.: Des caractères inaccor-
dahles.
Inaccostable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'ai)rès son subst. : Un homme inaccos-
table.
Inaccoctcmé, Inaccootcmée. Adj. II ne se met
qu'après son subst. : Des mouvements inaccou-
tumés.
Inachevé, Inachevée. Adj. Mot nouveau que
l'usage a adopté. Nous sommes obliges de dire,
en parlant de l'ancien Louvre, ce grand monu-
ment inachevé... il ne convient pas quil reste
inachevé; ce ([ui n'est pas la même chose qu'm-
/>rt/-/ài<. (La Harpe.) Si l'on peut dire u\\ édifice
inachevé, on demandera pourquoi l'on ne pour-
rait pas dire une maison imbâtie. — Le cas est
bien différent. Un édifice inachevé est dans un
état de cnmmencement de construction qui forme
un rapport avec l'achèvement. Mais qu'est-ce
qu'une maison imbâtic? ce n'est rien; il n'y a
point d'éiat positif, c'est une pure négation qui
ne peut être exjH'imce que par une expression né-
gative. Voyez In.
Inactif, Inactiv:;. Adj. II ne se met" qu'après
son subst. : Un homme inactif, un peuple inac-
tif.
Inaction. Subst. f. Cessation d'action. Il y a
une inaction qui tient de l'indolence, comme
quand on dit il aime à vivre dans l'inaction. 11
y en a une autre qui tient de la paresse et de
l'indifférence : Les plus grands intérêts ne le
tireraient pas de l'inaction.
iNADMissroLE. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Preuve inadmissible,
moyens inadmissibles.
Inadvertance. Subst. f. Ce n'est pa.s comme
ledit TAcadcmie, un défaut d'attention à quel-
que chose, mais une action ou une faute commise
sans attention a ses suites.
* Inajournable. Adj. des deux genres. Mot
nouveau (jue l'usage n'a point adopté, mais qui
mérite de 1 être. M. Daunou a dit : Multiplions,
prolongeons les séances destinées ù la discus-
sions des lois constitutixmnelles; écartons inexo-
rablement tout ce qui viendrait Vinterrovipre
sans avoir un titre pressant et manifeste à une
déUbévulion soudaine et inajouinable. — Une
chose inajournable est une chose qui existe dans
des circonstances telles qu'elle lie |)eul cire ajour-
née, et cette existence, accompagnée de celle
modiOcaiion, est <pielqiie chose qui peut être
e.\j)rimè par une expression positive. Voyez In
Gl Inaimuble.
* Inaimable. Adj. des doux genres. Mot inusité.
Nous avons bien des gens inaimablcs, e! cepen-
dant inaimable ne s'cst point encore dit. (Vol-
taire.)
On ne dit pas inaimable., parce qu'une per-
sonne qui n'est p;is aimable est simplcmont pri-
vée des (jualilés (jui peuvent la rcuilrc telle aux
yeux des autres; mais de cette privation il ne
résulte pas en elle des qualités réelles contraires
à l'amabilité; ce n'est qu'une négation, qu'une
privalion de qualités; et celle privation ne peut
être iiidi(iuéc que par des cx|)ressioiis négatives,
elle n'est pas, et non par des expressions posi-
tives, elle est inaimable. \oyez In.
Inaliénable. Adj. des deux genres. Il se dil
des choses dont la propriété ne [leut valablement
être transporlée à une autre personne. Il ne se
•net qu'après son subst. : Biens inaliénables.
Inalliabli:. Adj. des deux genres. Qui ne se
peut allier avec. 11 se dit au propre et au figuré:
Ces métaux sont inalliables. Leurs intérêts
sont inalliables. Il ne se met qu'après son
substantif.
Inaltérable, Adj. des deux genres. Qui ne
peut s'altérer ou cire altéré. Au i)roprc, il ne se
met cpi'aprcs son subst. : Substance iualtérable.
Au figuré, il peut le précéder, lorstpie l'analogie
et l'harmonie le permettent : Une tranr/uillité
inaltérable, v?ie inaltérable tranquillité , un
caractère inaltérable. Voyez Adjectif.
In'aîiovible. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après le subst. : Emploi inamovible ,
place inamovible .
*lNàMcsABLE. Adj. dcs deux genres. Mot nou-
veau que l'usage a adopté. Il signifie qui ne peut
être amusé : Il y a beaycoup d'Anglais qui pa-
raissent inamusables. Etre iuamusaUe SU|tpose
un état positif et réel, qui repousse tous les amu-
sements. A'oyez In. — Ce néologisme n'a que
deux autorités, lesquelles me paraissent éiiuiva-
lentes à rien : celle de Dorât cl celle de Deinous-
tier. Leurs comédies ont pu trouver souvent le
public inamusable ; mais que n'étaient-ollcs ainu-
sanles. (Ch. Nodier, Examen crit. des Dict)
* Ina.iiusant, Inamusante. Adj. Mot nouveau
que l'usage n'a point adopté. H se peut qu'il y
ait une nuance cwira inauiusant el e.inuyeux ;
mais elle est si déliée, que je ne sais s'il y aurait
un moyen de la délerniincr. Ce qui n'est pas
ainusaiil csl si [irès de l'ennui, en fait de choses
qui doivent être amusantes, ipie bien peu de
personnes se chargeront de définir l'inlcrmé-
diaire, si ce n'esl peut être cet Anglais à qui
l'on demandait s'il s'amusait au spectacle : Je «e
m'amuse ni ne m'ennuie, dit-il, Ve suis bien.
(La Harpe.)
/»r/?/ji/ia/(< exprimerait une privation, une né-
gation de qualités; el celle privalion ne peut être
cxiirimée (|ue jiar des expressions négatives. 11
faut donc dire celle chose n'est pas amusante,
el non pas est inainusantc. Voyez /;/.
Inanimé, Inahimée. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Une créature inanimée, une figure
inanimée.
Inanité. Subst. f. Vanité, inutilité. Mol nou-
veau (juc quelques écrivains ont employé. L'i-
nutilité d'une chose marque (pie cette chose
n'esl d'aucun usage, qu'elle peut même cire dés-
avantageue et nuisible. L'inanité exprime le
INA
peu de fondcmcnl d'une chose, le vide des cspc-
tances qu'on peut iiiellre sur celte chose ; en vin
mot, sa Irivolilé : Le sage à son heure dernière
est bien canvuincu de /'inanité des choses hv-
maines. Ce mot me parait utile cl expressit".
Inaperçu, Inaperçue. Adj. L'Académie le dc!i-
DÏt qui n'est point aperçu : Le hasard n'est que
l'effet de causes inurperçues. Delille l'a dit dans
le sens de qu'on n'a pas encore aperçu :
II s'élance, il saisit sa pesante massue,
Cherche du noir séjour la porte inaperçue.
[Énéid., YIII, 28S.)
Derrière le palais il était une issue.
Une porte «les Grecs eacore inaperçue,
{Idem, II, 605.)
Inappliqué, Inappliquée. Adj, Il ne se met
qu'api'ès son subst. : Un hovime inappliqué, un
esprit inappliqué.
l . "pRÉciABLE. Adj. des deu.Y genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Quantité inappréciable, valeur
inappréciable. — Une faveur inappréciable,
cette inappréciable faveur.
* iNAPPRivoisàBLE. Adj. dcsdcux gcnfcs. Qui ne
peut être apprivoisé. Mot nouveau que quelques
écrivains ont employé. Le pinson, l'alouette, la
linotte, le serin, jasent et babillent tant que le
Jour dure; le soleil couché, ils fourrent leur tête
sous Vaile, et les voilà endormis. C'est alors
que le génie prend la lampe et l'allume, et que
l'oiseau solitaire, sauvage, inapprivoisable, brun
et triste de plumage, ouvre son gosier, com-
mence son chant, fait retentir le bocage, et
rompt mélodie use me nt le sileiice et les ténèbres
de la nuit. ^Diderot.)
* Inapte. Adj. des deux genres. Mot nouveau
proposé par Mercier d'après Yolney, (jui s'en est
servi ; Devenu inapte aus affaires, il en a jeté
le fardeau sur des mercenaires, et les merce-
naires Vont trompé Ou demandera peut-être
pourquoi inapte, lorsqu'on a inepte'i — Je pense
que ces deux mots pourraient étreenq)loyés pour
exprimer deux nuances différentes. 11 me semble
que l'on est inepte par nature , par mauvaise
constitution; et qu'on est inapte par accident,
par négligence, faute d'exercice. Celui (jui est
inepte lest toujours; on devient inapte, cuuxuiQ
l'indiipic \'ohiey dans la phrase citée.
Inarticulé, Inarticulée. Adj. (jui ne se met
qu'apiés son subst. : Des sons inarticulés.
* Inassorti, Inassortie. Adj. Mot nouveau
que l'usage a adopté. On dirait bien, dit La
Harj)c, en disant un composé de choses inas-
sorties, ce qui est fort différent de mal assor-
ties.
* Inassoupi, Inassoupie. Adj. Qui n'est point
assoupi. Mot nouveau que f usage n'a point
adopté. Un poète, dit La Harpe, s'emparera vo-
lontiers des xjcux inassoupis, pour peu qu'il ail
à parler d'Argus.
Inattaquable. Adj. des deux genres. Qui ne
peut être atiauué. On ne peut guère '.e mettre
qu'après son subst. : Poste inattaquable , droit
inattaquable.
Inattendu, Inattendue. Adj. Auquel on ne
s'attend point. Il ne se met qu'après son subst. :
P^isite inattendue, mulheur inattendu , disgrâce
inattendue .
* Inattente. Subst. f. Mot inusité dont Mer-
cier nropose l'usage. La Harpe a dit : Serait-ce
INC
38-
un tort de dire l'inattente de tout secours força
les assiégés ii capituler?
Inattentif, Inattentive. Adj. qui ne se met
qu'aitrès son subst. : Un enfant inattentif, un
esprit inuitentif.
Incaguer. V. a. de la 1" conj. L'Académie
dit qu'il signifie délier (]uelipi'un, le braver, en
lui témoignant beaucoup de mépris. — Incaguer
est un terme du vieux langage, ipic personne ne
comprend aujourd'hui, et dont personne ne fait
usage.
Incapable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Un homme incapable ;
j//t homme incapable de raison, incapable inap-
plication.
Incendie. Subst. m. L'Académie le définit
grand embrasement. Cette définition est très-
fautive. l'Ile paraît indiquer qu'i/zce/icfte dit plus
(\\\'embrasement, ce qui n'est pas exact; car, au
contraire, embrasement, sans y ajouter l'adjectif
grand, dit plus i\\x' incendie. On dit Vincendie
d'une grange, d'une maison, et Veuibrasement
de Troie. Un incendie n'est pas un grand em-
brasement, mais un grand feu allumé par mé-
chanceté ou par accident. Veinbrasement est un
feu général; Vincendie a des progrès successifs.
Une éliiiccile allume un incendie, et Vincendie
produit un vus^-C embrasement. L'incendie porte,
lance de toutes parts des flammes ; dans l'embra-
sement le feu est partout, tout briile, tout se
consume. Voyez Embrasé.
Incertain , Incertaine. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Chose incertaine, événe-
ment incertain. — Un luwime incertain, être
incertain de ce qui arrivera.
Ilacine a dit dans Phèdre (act. Il, se. ii, 22) :
Du choix d'un successeur Athènes incertaine.
Et dans Bajazet (act. II, se. i, 63) :
Infortuné, proscrit, incertain de régner.
Incertainement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il ne parle qu'incertainemcnt.
Incessamment. Adv. Sans délai, au plus tôt. H
ne se met (lu'apiés le verbe: On l'attend inces-
samment.
L'Académie dit qu'il signifie plus ordinaire-
ment, continuellement, sans cesse : Il travaille
incessamment. On ne le dit plus en ce sens.
Incestueux, Incestueuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un Iwmme incestueux,
un commerce incestueux , un mariage inces-
tueux, un amour incestueux, un incestueux
amour.
Inchoatif. Adj. m. On prononce inkoatif. V.n
termes de grammaire, on appelle rerie* inchoatif s,
les verbes (jui expriment le commencement d'une
action. Tels sont les verbes blanchir, jaunir,
vieillir, grandir, et plusieurs autres terminés en
ir. On devrait plutôt les appeler verbes pro-
gressifs, car ils expriment moins un commenco-
ment qu'une progression d'action.
Incidemment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : On n'a traité cette question qu'incidem-
ment.
Incident, Incidente. Adj. qui ne se met qu a-
prés son subst. : Demandij incidente, requête
incidente, question incidente.
En grammaire, on distingue la proposition
principale et la proposition incidente. La propo-
384
INC
sition incidente est toujours partielle à l'égard de
lu principale; cl l'on peut dire que c'est une
proposition particulière, liée à un mot dont elle
est snp|)léi)icnt explicatif ou détenninatif. Par
exemple, quand on dit : Les saranis, gui sont
plus instruits que le commun des hommes, de-
vraient aussi les surpasser en saijesse, c'est une
proposition totale; qui sont plus inslruils que le
commun des huvimes, c'est une |)roposilion par-
tielle liée au mot savant, dont elle est un supplé-
ment explicatif, parce qu'elle scn à en développer
l'idée, puur y trouver un motif qui justKie l'é-
noncé do la proposition princijjale, /es savants
devraient surpasser les autres hommes en sa-
gesse ; \d proposition partielle, (7miot«< /)/m5 in-
struits r/ue le commun des hommes, est donc une
proposition incidente. — Pareillement quand on
dit : La gloire qui vient de la vertu a vn éclat
immortel, c'cii une proposition totale ; qui vient
de la vertu, est une proposition parliclio, liée au
mol i/lo ire ; mais elle en est un supplément dé-
terminaiif, parce qu'elle sert à restreindre la si-
gnification trop générale du mot gloire, par
l'idée de la cause particulière (jui la procure,
savoir, la vertu. Ainsi la proposition partielle,
qui vient de la vertu, est une proposition inci-
dente.
Il y a donc deux sortes de propositions inci-
dentes. La première est explicative, et elle sert
a développer la compréhension de l'idée du mol
auquel elle est liée, pour en faire sortir, pour ou
contre la proposition principale, une preuve, si
elle est spuculative, ou un motif, si elle esl pra-
tique. La seconde esl déierminalive, et elle
ajoute à l'idée du mol auquel elle est liée, une
idée particulière qui la restreint à une étendue
moins générale.
Lorsque la proposition incidente est explica-
tive, on peut la retrancher de la principale sans
en altérer le sens, i)arce que, laissant dans toute
l'étendue de sa valeur le mot sur lecjuel elle
tombe, elle peut en être séparée sans qu'il cesse
d'expiimer la même idée. Mais si la proposition
incidente est déterminalive, on ne peut la re-
trancher de la principale sans en altérer le sens,
parce que, restreignant l'étendue delà valeur du
mot auquel elle esl liée, elle ne peut en être sé-
parée sans qu'il recouvre sa première généralité
par la suppression de l'idée particulière expri-
mée dans la proposition incidente. Ainsi, dans
le premier exemple, les savants, qui sont plus
instruits que le commun des hommes, devraient
aussi les surpasser en sagesse, si l'on supprime
la proposition incidente, la principale conservera
toujours le même sens dans loute son intégrité,
parce «prcUc aura toujours le même sujetet le
même altriljut, les savants devraient surpasser
en sagesse le commun des hommes. Mais dans
le second exemple, la gloire qui vient de la
vertu a un éclat immortel, si l'on supjjrime la
proposition incidente, rintégrité de la principale
cstaltC'Fée au point que ce n'est plus la même,
parce que ce n'est plus le même sujel et le même
attribut; la gloire a un éclat immortel, il s'agit
ici de la gloire en général, d'une gloire qucl-
comiue, ayant une cause quelconque; de ma-
nière iju'il en résulte une proposition fausse, au
lieu de la première qui est vraie.
Quand la proposiiton incidente est explicative,
elle est toujours liée au mot sur lequel elle
tombe, par l'tm des mots conjoiiclifs qui, que ,
dont, lequel, etc.
Le mol expliqué par la proposition incidente
INC
est appelé Vuntécédcnt du conjonctif, et de la
proposition incidente même, et c'est toujours un
nom ou ré(piivalcnl d'un nom. Dans ce «as, on
peut, sans altérer la vérité, substituer l'aniécé-
dcnt au conjonctif, pour transformer la proposi-
tion incidente en primi|);i!c, en noumeltant l'an-
técédent à la méine syntaxe (jnc le conjonctiL
Ainsi, lorsqu'on a la proposition totale, les sw-
i^ants, qui sont plus instruite que le commun
des hommes, etc., on peut dire les savants sont
plus instruits que le commun des liOmmes ; et
cette proposition, devenue priniipale, a encore
la même vérité que quand elle étail incidente.
Ce serait la même chose de ces autres proposi-
tions incidentes : L'homme que Dieu a doué de
raison ; la Providence par qui tout est gouverné ;
la religion chrétienne dont les preuves sont in-
vincibles. Après la substitution de l'antécédent à
la place «lu conjonctif, selon la même syntaxe,
on aura autant de propositions jirincipales égale-
ment vraies : Dieu a doué l'homme de raison ;
tout est gouverné par la Providence ; les
preuves de la religioîi chrétienne sont invin-
cibles.
Mais quand la proposition incidente est dé-
terminalive, quoi(iu'elle soit amenée par l'un dos
adjectifs conjonctifs qui, que, dont, lequel, etc.,
on ne peut pas la rendre [irincipale en substi-
tuant l'antécédent à l'adjectif conjonctif, sans en
altérer la vérité. Ainsi, dans la proposition totale,
la gloire qui vient de la vertu a un éclat im-
mortel, on ne peut pas dire la gloire vient de la
vertu, parce que ce serait afiirmer en général
que toute gloire a sa source dans la vertu, ce
que ne disait point la proposition incidente, et
qui est faux en soi.
Il est essentiel d'observer que la proposition
incidente, soit explicative, soit déterminalive,
forme, avec son antécédent, un tout (]ui est une
partie logique de la proposition principale; l'an-
técédent en est la partie grammaticale correspon-
dante. La religion que nous professons e.'t di-
vine ; dans celle phrase, la religion est le sujet
grammatical de la proposition principale, lu re-
ligion que nous professons est le sujet logique,
parce que c'est l'expression totale de l'idée uni-
que dont la proposition principale énonce un
jugement, assure qu'elle est divine.
îl faut reconnaître dans toute proposition in-
cidente les mêmes parties essentielles que dans
la principale, le sujet, l'attribut, les divers com-
pléments, etc. Par exemple. César fut le tyran
d'une république dont il derait être le défenseur,
c'est une proposition totale et principale; doutU
devait être le défenseur, est incidente; il (César)
sujel de l'incidente; (ferai/, verbe qui renferme
l'altribul grammatical, devant, {élixil devant) ; de-
vant être le défenseur dont ou de laquelle, at-
tribut logique; dent (de laquelle), complément
déterminatif du uom-.ippeWidii le défenseur. Telles
sont les parties de la proposition incidente, dé-
terminalive de rantécédent , d'une république
Dans la proposition |)i'inci|)ale, d'une républi-
que est le complément termiriatif grannnatical du
nom appellatif le luvun; d'une république dont
il devait être le dejenic,,:., ^;iribul logique,
César, sujet de la proposition totale.
Le mot conjonciif, (jui sert à lier la proposi-
tion incidente à son anlccédent, doit toujours
être à la ictc de la proposition incidente, et im-
médiatement après l'antécédent, soit granomali-
cal, soit logiipie; sans cela, le rapport de liaison
ne serait pas assez sensible, et l'énoncialion en
INC
serait moins claire. — Cependant le conjonclif
peut cire après une préposition dont il est coni-
p\C'mcM : Les (unis sur qui vous comptez; ou
même après le complément grammatical d'une
proj)osiijon, s'il est délerminatif do ce complé-
ment : Les amis sur le secours desquels vous
wmptez.
Eu conséquence de la distinction des proposi-
tions incidentes en exiilicalives et détermina-
tives, l'abbé Girard établit une régie de ponctua-
tion qui est très- raisonnable: c'est de mettre
entre deux virgules la proposition incidente ex-
plicative, et démettre de suite, sans virgule, la
déterminative. En eiïct , l'explicative est une
espèce de remarque intcrjeclive mise en paren-
thèse, que l'en peut ajouter ou retrancher à la
proposition principale, sans en altérer le sens.
Elle n'a donc pas avec l'antécédent une liaison
logique bien nécessaire. Mais la déterminative
est une partie essentielle du tout logique qu'elle
constitue avec son antécédent. Si on la retrancbe,
on change le sens de la principale au \mn\. d'en
altérer la vérité; ainsi il ne faut pas même la
séparer de rantécédcnt par une virgule, qui in-
diquerait faussement la séparabililé des deux
idées. 11 faut donc écrire avec la virgule, les sa-
vants,qui sont plus instruits que le cnmntun des
hommes, devraient aussi les surpasser en sa-
gesse ; et sans virgule, la gloire qui vient delà
vertu a un éclat immortel. [Encyclop.) Voyez
Ponctuation.
Ikcidekt. Subst. m. Événement, circonstance
particulière. On entend par incident dans un
poëme , un épisode ou une action particulière
liée à ractioii principale, ou qui en est indépen-
dante.
Incirconcis, I\circoncise. Adj. qui se met
toujours ajirés son subst. : Peuple incirconcis.
Incise. Subst. f. On donne ce nom, en gram-
maire, à tout sens détaché, quand il a peu d'é-
tendue. Dans le style coupé, il y a presque autant
d'incises que de propositions. Dans ces vers de
La Fontaine (liv. I, fable i, 19) :
Nuit et jour, à tout venant,
Je chantais, ne yous déplaise :
Yous chantiez, j'en suis fort aise;
Hé bien ! dansez maintenant ;
les trois derniers vers contiennent cinq proposi-
tions qui sont autant d'incises: Je chantais, ne
vous déplaise ; vous chauliez, j'en suis fort aise :
dansez maintenant. Dumarsais le fait mascu-
lin.
Incisif, Incisive. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. ; Remèdes incisifs, dents incisives.
Ikcivu,, Incivile. Adj. On peut le mettre avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme incivil, une personne incivile , une
demande incivile, cette incivile demande ; xin
procédé incivil, cet incivil procédé.
Incivilement Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Parler incivilement.
Incivilité. Subst. f. Corneille a dit dans Po-
lyeucte (act. IV, se. iv, 6) :
Je TOUS ai fait, seigneur, une incivilité.
Incivilité, dit Voltaire, au sujet de ce vers, ne
doit jamais être employé dans la tragédie. {He-
marqves sur Corneille.)
Inclémence. Subst. f. Voltaire a dit dans son
Dictionnaire philosophique, au mot Diction-
naire : J'observerais que Vinclénienco des airs
IiNC
385
est ndiculo dans une histoire, parce que ce ter-
me à'incltmencc a son oriçinc dans la colère du
ciel qu'on suppose manifestée par l'intempérie,
les dérangenu'iils, les rigueurs des saisons, la
violence du froid, la corruption de l'air, les tem-
pêtes, les orages, les vapeurs pestilentielles, etc.
Ainsi donc inclémence étant une métaphore, est
consacré à la poésie.
Quoique cette observation soit fort juste, il
n'en faut pas conclure que toute métaphore soi'
exclusivement consacrée à la poésie.
Voici (|uelques exemples de l'emploi de et
mot en poésie :
Tandis que, pour fléchir l'i'ncWmence des dieux.
(Uac, Iphig., act. I, se. ii, 27.)
Je supporte avec toi Vinclémence des airs.
(Volt., Mahom., ad. II, se. iv, 34.)
Prclexlcz ses périls, les rigueurs de l'hiver.
Ses nefs à réparer, ^inclémence de l'air.
(Dblil., £;ieid., IV, 85.)
Il vaut raieuj. l'éloigner...
Que d'aller, de Charybde affrontant Vinclémence,
Braver les lourbiflons, les gouffres écumantj.
[Idem, III, 567.)
Jevais,jevais moi-même, accusant leur silence (des dieux),
Par mes vœux redoublés fléchir leur inclémence.
(Volt., OEd., act. II, se. v, 37.)
Inclination. Subst. f. Penchant, disposition
de l'âme à une chose par goût et par préférence.
Les inclinations différent des appétits que la
nature a établis dans tous les hommes, tels que
la faim et la soif, lesquels appétits ne tendent
qu'à notre conservation, et cessent lorsqu'on a
satisfait les besoins corporels ; au lieu que les
inclinatiojts ont pour objet le bonheur de l'âme,
qui a sa source dans les sensations agréables, et
dans la continuation de ces sensations. — j.es
inclinations d\((èrcr\\. aussi licspassions, qui con-
sistent dans des affections violentes, actuelles
et habituelles; car les inclinations existent avant
même que nous ayons été affectés par les sensa-
tions ou i)erceptions qu'elles nous rendent agréa-
bles ou désagréables. — Les inclinations diffèrent
de ['instinct, q\i\ tient lieu, dans les animaux, de
connaissance, d'ex|)éricnce, de raisonnement et
d'art, pour leur utilité et leur conservation.
l'inclination diffère du penchant. Elle s'ac-
quiert, le penchant est inné. Le penchant est
violent, \ inclination al douce. On sui son zh-
clination, le jjenchant entrainc. Ils se prennent
l'un et l'autre en bonne et en mauvaise i-art.
On a des penchants honnêtes et des inclinations
droites, des inclinations perverses et des pen-
chants honteux.
Inclus, Incluse. Part, passé du v. inclure,
qui n'est plus usité. — Inclus, placé avant un
nom dont lé sens est vague, est invariable :
f^ous trouverez ci -inclus copie de ce que vous
me demandez. .Mais quand le sens est précis,
inclus prend le genre et le nombre du substan-
tif : f^ous trouverez ci-incluse la copie que vous
m'avez demandée. — Inclus, placé après un nom,
quel qu'il soit, se rapporte nécessairement à ce
nom, et doit en adopter le genre et le nombre :
Une copie de ma lettre, une prornesse de ma-
riage est ci-incluse.
Inclusivement. Adv. Il est opposé à exclusive-
ment, et signifie que la chose dont on parle est
comprise dans la convention ou disnosiuon. Par
386
INC
exemple, quand on dit depuis le lundi jusqu'au
dimanche suivant inclusivement, OU veut dire
que le dimanche est compris dans cet espace de
temps.
Incognito. Adv. On mouille gn. Il ne se met
qu'après le verbe : Foyager incognito. Il a gardé
l'incognito. Dans ce dernier exemple, il est pris
substantivement.
Incohkkknt, Incohérente. Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Parties incohérentes, idées incohé-
renles; ces incohérentes idées. Voyez Adjectif.
I>coMBCSTiDLE. Adj. dcs dcux genres. 11 ne
se met qu'ai)rès son subst. : Mèche incombus-
tible, totle incomhuslâle.
Incommode. Adj. des deux genres. Il se dit de
tout ce qui nous eêne, de quelque manière que
ce soit : Un forgeron, est un voisin incommode.
• Ily a des vertus incommodes . Il ne se met guère
au'aprés son subst. : Une maison incommode,
un bruis i>icommude. — Un homme incommode ,
une femme incy/iimode.
Incommodément. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le verbe : Jl est logé incommodé-
ment, il est incoMTnodément logé.
Inco.mmunk AELE. Adj. des deux genres. On ne le
met qu'après son subst. : Bie?i incommunicable,
droits incomvi unicables.
Incomparable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son siibsl., en consultant l'oreille
et l'analogie : Une beauté incomparable, une
incomparable beauté, une modestie incompara-
ble, une incomparable modestie.
Incomparablement. Adv. 11 est toujours suivi
d'un adverbe de comparaison, tel que plus ,
moins, mieux, etc. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Elle est incompara-
blement plus belle que sa sœur, il s'est in-
comparablement mieux conduit aujourd'hui
qu'hier.
Incompatible. Adj. des deux genres. Qui ne
[leut subsister ou demeurer avec u^^ autre sans
e détruire : Le froid et le chaud sont incompa-
tibles dans vn viême sujet. Le mouvement et le
repos sont incompaiihles dans le même corps.
Ce mot, ayant un sens relatif, ne doit point s'em-
ployer au singulier absolument, et sans la pré-
position avec. Pour (ju'il puisse élre employé
sans régime , il faut qu'on exprime les deux
termes de la relation, les deux choses qui ne peu-
vent pas compatir ensemble. On ne dit pas plus
incompatible absolument, tjue compatible : Ces
deua, caractères sont incompatiiles. L'amour de
Dieu et l'amour des richesses sont incompati-
hler. Son humeur est incompatible avec celle de
son frère. Nous pensons qu'on peut quelquefois
le mettre avant les substantifs auxquels il se
rapporte, et qu'on dirait bien, dans certains cas:
Leurs incompatibles humeurs. Voyez Adjectif.
* Incomplaisance Subst. f. Voltaire a enq)loyé
ce mot [Dict. philos., au mot Impuissance).
L'Académie ne le met point. Il nous semble de
nature à être adopté.
Incovplet, Incomplète. Adj. Au propre, il ne
se met qu'après son subst. : Un recueil incom-
plet, un ouvraçie incnviplel. — Au figuré, on
pourrait dire: Cette incomplète satisfaction ne
éer ait point agréée. \'oyez Adjectif.
Incomplexe. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son suhst. : Une grandeur incom
ptexc.
Incompréhensible. Adj. des deux genres. On
peut le mettre avant son subst., lorsque l'analogie
LNC
et l'harmonie le permettent : Un homme incom-
préhensible. Les incompréhensibles voies de
Dieu.
Inconcevable. Adj. des deux genres. Il se dit
d'une manière absolue ou d'une manière relative.
Dans le premier sens, il est synonyme <\'incom-
préhensible. Dans le second on a égard au cours
ordinaire des choses, et c'est sous ce point de
vue qu'on dit d'une chose (ju'elle est inconceva-
ble. Par exemple, si un honmie fait une action
qui le déshonore, qui renverse sa fortune, qui
soit contraire à ses penchants, en un m.ol, dans
laquelle on n'aperçoive rien (jui ait pu l'annon-
cer ou la faire prévoir, on dit qu'elle est inconce-
vable.— /?jcoHccraiZe est encore une expression
d'exagération, comme nous en avons une inlinilé
d'autres qui ont perdu toute leur énergie par l'ap-
plication qu'on en fait dans des circonstances
puériles et communes. Ainsi nous disons d'un
poêle, qu'il a une peine ou une facilité inconce-
vable à faire des vers. — Cet adj. peut se mettre
avant son subst., en consultant l'harmonie et l'a-
nalogie : Oest une étourderie inconcevable^ c^est
une incnjicevable étourderie.
Il régit quelquefois la préposition à : Cela est
inconcevable à des esprits bornés.
Inconciliable. Adj. des deux genres. Au sin-
gulier, il exige la préposition avec: Il est incon-
ciliable avec son frère. Ce fait est inconciliable
avec les principes, L'Académie ne le met point
avec celle construction. Au pluriel, les deux ter-
mes de la relation étant exprimés, la préposition
avec devient inutile : Des maximes inconcilia-
bles, des faits inconciliables; on sous-enlend
entre elles, entre eux. — On pourrait quelquefois,
dans ce sens, le mettre avant les substantifs (ju'il
modifie: Ces inconciliables înaxime- nepeitvei.t
être adoptées. Voyez Incompatible.
Incongru, Incongrue. Adj. Il ne se met qu'a-
prés son subst. : Une façon de parler incongrue
Une réponse incongrue.
Incongrdment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il a parlé incongrûment.
Inconno, Inconnue. Adj. Il ne se dit point des
choses qu'on ne connaît point; car on ne dit rien
de ce qu'on ne connaît pas, mais des choses qu'on
connaît et des qualités qu'on y soupçonne. Ainsi
nous voyons dos effets dans la nature; nous ne
doutons point qu'ils ne soient liés, mais la liaison
nous en est inconnue. Nous voyons agir un de
nos semblables, nous lui supposons un motif bon
ou mauvais, mais il nous est inconnu. L'épilhète
inconnu se joint toujours à quelque chose qu'on
connaît.- — Cet adj. ne se met qu'après son subst. :
Un homme inconnu, des terres inconnues. Il ré-
git quelquefois la préposition à : L'ennui, qui dé-
vore les autres hommes, est inconnu à ceux qui
savent s'occuper par quelque lecture (Fénclon,
Télémaque, liv. VII, 670.)
Inconséquence. Subst. f. Y o^ez Incoîiséquent.
Inconséquent, Inconséqdente. Adj. Il y a in-
conséquence dans les idées, dans les discours et
dans les actions. Si un homme conclut de ce qu'il
pense ou de ce qu'il énonce le contraire de ce
qu'il devrait faire, il est inconséquent dans son
discours et dans ses idées. S'il tient une conduite
contraire à celle qu'il a déjà tenue, ou contraire
à ses inlérêis, il est inconséquent dans ses actions.
11 y a encore une troisième inconséquence, c'est
celle des pensées et des actions, et c'est la plus
commune. Il y a mille fois plus d'inconséquences
dans la vie ipie dans lec jugements. Il ne faut ce-
pendant pas dire d'un homme qui tremble dans
INC
les ténèbres, et qui ne croit point aux revenants,
qu'il est inconséquent. Sa frayeur n'esl pas libre;
c'est un mouveiuenl habituel dans ses organes
qu'il ne peut empêcher, et contre lequel la raison
réclame iuulileuient. On peut niellre cet adjectif
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un raisonnement inconséquent, une con-
duite inconséquente; cette inconséquente con-
duite, cet inconséquent procédé.
Inconsidéré, Inconsidérée. Adj. Il se dit ou des
actions ou des discours, lorsqu'on n'en a pas
pesé les conséquencas : On se perd par un pro-
pos inconsidéré, on s^embarrassc par une pro-
messe inconsidérée, on se ruine pa, xine largesse
inconsidérée. Il ne se met qu'après son subst. :
Hcmrne inconsidéré, action inconsidérée, dis-
tours inconsidéré.
Inconsidéeément. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe ; // a agi inconsidérément.
* Inconsistance. Subst. f. Mot nouveau peu
usité. L'inconsistance des idées, du caractère,
dit La Harpe, V inconsistance d'un ministre,
d'un gouvernement, sont des expressions très-
claires : elles présentent avec précision ce qu'il
faudrait appeler autrement le défaut de consis-
tance. Il y a tout a gagner pour l'élégaDce du
style.
Inconsol.\ble. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un homme inconso-
lable, une femme inconsolable. Il est inconsola-
ble de cette mort. Vimage de mon inconsolable
ami était toujours présente à ma pensée. Voyez
Adjectif
* Inconsolé, Inconsolée. Adj. Mot nouveau
qui est peu usité. Nous avons inconsolable, dit
La Harpe; inconsolé peut être utile, surtout en
poésie, parce qu'il est sonore Ne dirait-on pas
bien, même ei: prose : Cette femme, abandonnée
de tout le monde, géinit inconsolée dans la re-
traite obscure où, ses malheurs l'ont forcée de se
cacher ?
I.^coNSTANT , Inconstante. Adj. On le met
souvent avant son subst. : Unhomme inconstant,
une femme inconstante ; la fortune inconstante,
l'inconstante fortune; lu renommée inconstante ,
ïinconstunte renommée ; un amour inconstant,
un inconstant amour. \ oyez Adjectif.
Incontestable. Adj. des deux genres. H ne se
dit que des choses, cl peut se mettre avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Une vérité incontestable, un principe
incontestable, un fait incontestable , cette incon-
testable vérité. Voyez Adjectif.
Incontestablement. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Il vous a in-
contestablement trompé.
iKCONxnENT, Incontinente. Adj. qui ne se met
qu'après san subst. : Un homme incontinent.
Incontinent. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe ; Je lui ai parlé in-
continent, je lui ai incontinent parlé de son af-
faire.
Incobporel, Incorporelle. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le pcrinellent : Substance incorpo-
relle. Cette incurporeUe stihstance. Voyez Ad-
jectif.
Incorrect, Incorrecte. Adj. Si le style s'écarte
souvent des lois de la grammaire, on dit qu'il est
incorrect, qu'il est plein d'incorrections. Si une
figure dessinée pèche contre les proportions re-
çues, on dit qu'elle est incorrecte. Le reproche
INC
387
d'incorrection suppose un modèle connu auquel
on compare l'imitation. On peut mellre cet adj.
avant son subst., lorsque l'analogie cl l'hannonie
le permettent : Style incorrect, ouvrage incor-
rect, auteur incorrect. Oscrez-vous faire impri-
mer cette incorrecte rapsodie?
Incorrigible. Adj. des deux genres. On peut
le meltreavanl son subst., en consuUant l'analogie
et l'harmonie : Un défaut incorrigible, un incor-
rigible défaut.
Incorruptible. Adj. des deux genres. On peut
le nicilrc avant son subst., lorsque l'analogie cl
l'harmonie le pcrmollent : Juge incorruptible,
■magistrat incorruptible , vertu incorruptible ,
probité incorruptible . Cet incorruptible magis-
trat,cette incorruptible probité. \ oyez Adjectif.
Incrédule. Adj. des deux genres. On peut le
1: Jttie avant son subst., lorsque l'analogie et
riianuonie le porinettent : Un ho?nme incrédule,
un esprit incrédule ; ces incrédules esprits refu-
sent de se soumettre aux décisions de l'Église.
Voyez Adjectif. On l'emploie aussi substantive-
ment : Un incrédule.
Incroyable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Une chose incroyable, une merveille
incroyable. Il nous raconte d'incroyables mer-
veilles.
Inculte. Adj. des deux genres. On ne le mci.
qu'après son subst. : Une terre inculte, — Un es-
prit inculte, des mœurs incultes.
L'Académie ne dit ce mot que de l'esprit, des
mœurs, du naturel, et Féraud pense qu'il ne se
dit point des personnes. Cependant Bourdaloue a
dit : Car il n'était pas, si j'ose me servir de ce
terme, de ces héros incultes qui de labravoure se
font un droit d'ig norancc pour tout le reste. [Orai-
son fun. de Louis de Bourbon, prince de Conde.)
On lit aussi dans Trévoux, jeune homjne inculte.
Malgré Bourdaloue el le Dictionnaire de Tré-
voux, qui n'est plus une autorité, on ne dit pas
un homme inculte, une femme inculte.
Inculte ne peut se joindre qu'à des mots qui
ont une analogie étroite avec la culture, c'est-à-
dire avec la préparation nécessaire pour pro-
duire, ou pour bien iiroduire: Une terre inculte,
une vigne inculte, qui n'esl pas disposée, prépa-
rée pour produire. Riais quoiqu'on dise cultiver
une fleur, Cl lu culture des fleurs, on ne dit pas
une fleur inculte, parce qu'on ne dispose pas,
qu'on ne prépare pas une fleur pour produire
une fleur. De uièiue, on ne dit pas un homme
inculte, parce qu'on ne cultive pas un homme
dans le sens de préparation à produire, parce
que l'idée d'homme est trop éloignée de l'idée
du mot culture pris en ce sens. Mais on dit un
esprit inculte, un talent inculte, etc., parce qu'on
prépare l'esprit, le talent à produire, et qu'il y a
une analogie étroite entre ces mots et celui de
culture, pris dans le scuf de préparation.
Inculture. Subsl. f. Inculture des terres^ est
un mot nécessaire, dit La Harpe. Incultivé est
inutile au propre comme au figuré, puisque nous
disons également des terrains incultes, des es-
prits incultes.
Incurable. Adj. des deux genres. On peul le
inetU'c avant son suiisl., en consuluml roreille
et l'analogie : Un mal incurable, une maladie
incurable. — Un caractère incurable, une pas-
sion incurable, un défaut incurable. — Cette in-
curable maladie, cette incurable passion, cet
incurable défaut. Un incurable amour. Voyez
Adjectif
588
IND
Le mot incvralle, dil Yoliaire, n'a élé encore
çnchâssé dnns un vers que [wir l'industrieux
llacine [Phèd., aci. I, se. m, 13j :
D'un incurable amour, rcmcdes impuissants.
* Tncuriedx, Incdrieuse. Adj. Mot inusité pro-
posé par Mercier. Il signifie qui n'est pas cu-
rieux : Coinhien, et aux lois de la religion, et
aux lois politiques, se trouvent plus drci/es et
aisés à mener, les esprits sii/iples et iiicurieux,
que ces esprits survciUanls et pédagogues des
choses divines et humaines. (Mont.) — Ce mot
peut éire uiile.
Indédholillable. Adj. des deux genres. On
peut le nielire avant son subst., lorsque l'analo-
gie et riiannunic le permellcnl : Un point d'his-
toire indébrouillahlc, vne affaire indéhrouilla-
ble. Je ne sais quel parti prendre dans cette
indi'brouillable aff'aire. On mouille les l.
Indécemment. Adv. [Owyvownwcindéçament.)
On peut le uiellrc entre 1 auxiliaire et le parti-
cipe : Agir indécemmejit. Il s'est indécemment
comporté dans celte affaire.
Indécence. Sulisl. f. Ce mot n'a point de plu-
riel lorst]u'il siL'nilie le vice; il en a un lorsqu'il
signifie des actions indécentes : Il a commis plu-
sieurs indécences.
Indécent, Indécente. Adj. Qui est contre le de-
voir, la bienséance et rhonnéleté. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant l'oreillo et
l'analogie : Action indécente, discours indécents,
conduite indécente. Cette indécente conduite lui
attira le hlâine de tous les hnnnêtes gens.
Indéchiffrable. Adj. des deux genres. 11 ne se
met qu'après son subst. : Écriture indéchiff[ra-
ble . — Cou duiie indéchiff'rahle .
Indécis, Indécise. On ne le met qu'après son
subst. : Un point indécis. — Un homme indécis.
Indéclinable. Ad,, des deux genres. Tenue de
grammaire. Il se dil des mots qui gardent dans
le discours une forme immuable, parce que l'i-
dée principale de leur signification y est touj')urs
^nvisagce sous le même aspect Dans toutes les
langues, les prépositions, les adi -ibes, les con-
jonctions et les interjections sont indéclinables.
Dans la langue française, les noms sont indé-
clinables : on se sert de prépositions pour expri-
mer les rapports qui, dans d'autres langues,
s'exiirimeni par différentes terminaisons que l'on
donne aux noms. Cet adj. ne peut se mettre qu'a-
prcs son subst.
Indéfini, Indéfinie. Adj. Terme de grammaire.
Il signifie la même chose qu'indéterminé, et ne
se met qu'après son subst. On dit sens indéfini.
Chaque mot, dit Dumarsais, a une certaine
signification dans le discours : autrement il ne si-
gnifierait rien ; mais ce sens, quoique déterminé,
c'est-à-dire quoique fixé à cire tel, ne marque
pas toujours précisément un tel individu, un tel
objet particulier. On appelle sens indéterminé ou
indéfini celui qui marque une idée vague, une
pensée générale qu'on ne fait point tomber sur
un objet particulier.
Les adjectifs et les verbes, considérés en eux-
inémcs, n'ont qu'un sens indéfini par rapport à
l'objet auquel leur signification est applicable.
Gra7id, durable, expriment à la vérité (juclquc
tre grand, quelque objet durable; mais cet élie,
et objet, est-ce un esprit ou un corps? est-ce un
orps animé ou inanimé? est-ce un homme ou
ne brute? etc. La nature de l'être est indcfi-
e, et ce n'est que par des applications pariicu-
IND
liéres que ces mots sortiront de leur indétermina-
tion pour jirendrc un sens défini, du moins a
quelques égards : Un grand homme, vne grande
entreprise, un ouvrage durable, une estime du-
rable. Il en est de même des verbes considérés
hors de toute application.
Toute application (]ui n'est pas absolument in-
dividuelle ou spécifique , c'est-à-dire qui ne
tombe pas précisément sur un individu ou sur
toute une espèce, laisse toujours quelque chose
d'indéfini dans le sens. Ainsi, quand on dit un
grand homme, le mot^raniest défini par son ap-
plication à l'espèce humaine; mais ce n'est pas à .
toute l'espèce, ni à tel individu de rc<i)éce; ainsi
le sens demeure encore indéfini à quelques-
égards, quoicju'a d'autres il soit déterminé.
Les nomsappeliatifs sont pareillement indéfinis
en eux-mêmes. Himnnc, cheval, agrément, dési-
gnent, à la vérité, telle ou telle nature; mais si
l'on veut qu'ils désignent tel individu, ou la to-
talité des individus auxquels cette nature i)eut
convenir, il faut y ajouter d'autres mots qui en
fassent disparaître le sens indéfini : par exemple,
cet homme est savant, l'homme est sujet à Ver-
reiir, etc.
Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Indéfiniment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : // m'a promis indéfiniment.
Indéfinissable. Adj. des deux genres. On ne le
met qu'après son subst. : Un homuie indéfinis-
sable, un caractère indéfinissable.
Indélébile. Adj. des deux genres. Qui ne se
peut effacer. On peut le mettre avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Caractère indélébile. Cet indélébile caractère que
confère le sacrement, etc.
Indélibéré, Indélibéhée. Adj. Qui se fait sans
intention, sans examen, sans délibération, pres-
que machinalement. Il ne se met qu'après son
subst. ; Mouvement indélibéré, acte indélibéré.
Indemne. Adj. des deux genres. Em se pro-
nonce comme dans Jérusalem. 11 ne se met point
avant son subst.
Indemnises, Indemnité. Dans ces deux mots,
on prononce c?e?« comme dam.
Indépendamment. Adv. Cet adv. est toujours
suivi d'un régime; de sorte qu'on ne peut le met-
tre entre l'auxiliaire et le participe : Je vous ser-
virai indépendamment de tout événement. Quel-
quefois un le met au commencement de la phrase:
Indépendauunent de tout ce qui pourrait arri-
ver, vous pouvez compter sur moi.
Indépendant, Indépendante. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. . Un homme indépen-
dant, un esprit indépendant.— \\ régit quelque-
fois la préposition de : Cela est iîidépendant des
événements.
Indestrcctible. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Germe indestructible, opinion in-
destructible.— Cet indestructible germe, cette in-
destructible opinion. A' oyez Adjectif.
Indéterminé, Indéterminée. Adj. On ne peut
le mettre qu'après son subst. : Un espace indé-
terminé, un temps indéterminé, un nombre in-
déterminé. — Un homme ifidéterminé.
Indéterminément. Adv. 11 ne se met qu'après
le verbe : Promettre indélerminément, il a pro-
mis indéterminémcnt.
Indévot, Indévote. Adj. On ne le met qu'après
son subst. : Un homme indévot, une femme in-
dévoie.
Ikdévotement. Adv. Il ne se met qu'après la
wrbc : n a assisté à la me.ise indvvctemcnt.
Index. Sulisl. m. Le x se prononce fortement.
("e mot ne clianço point au pluriel : Des index.
i'.\r"CATEiR. Siil)Sl. m. (pic Ton eini)loic aussi
a(i)ti':>-:;>_-i:t. L'.Vcadéinio ne dit point citm-
mcnt il taui ^iro vj. itL-mn, mais il nous semble
(\\\' indicatrice n'a rien lie conliairc à l'analogie
de la langue, et qu'on peut fort bien l'eniployci'.
Indicatif. Adj. (jui se prend aussi substanli-
vement. Terme de granunaire : Le mode indi-
catif, ou Vindicatif.
fsous avons dit à l'article F'erbe, que l'indica-
tif est un modo dont tous les temps aillnncnt la
Coexistence du sujet avec l'attribut d'une ma-
nière positive, co\umc je fais. Je faisais, je fis,
Ole; et à l'article Temps, nous avons fait coty-
naitre tous les temps de ce mode.
Nous ajouterons ici quelques remarques. Il y
a des expressions qui veulent le verbe qui les suit
à l'indicatif, comme bien entendu que, a la
charge que, à condition que, de même que, ainsi
que, aussi bien que, autant que , non plus que,
outre que, parce que, à cause q7te, attendu que, vu
que, puisque, c'est pour cela que, dans le temps
que, pendant que, tandis que, durant que, tant
que, depuis que, dès que, aussitôt que, à ce que,
à mesure que, peut-être que, comme si, quand,
pourquoi, tant que.
11 existe deux différences principales entre
l'indicatif et le subjonctif. La iiremiére, c'est
que le subjonctif n'exprime l'aflirmation que
d'une manière indirecte et suliordonnce à quel-
ques mots qui précèdent; au lieu que l'indi-
catif l'exprime absolument et indépendamment
de tout autre mot qui pourrait précéder. La se-
conde, c'est que le subjonctif n'a pas de sens dé-
terminé lorsiju'ilcst sépare de ce qui le précède;
au lieu que l'indicatif, s'il se trouve précédé
de quelques 'lots, n'en forme pas moins, sansces
mots, un sens clairet déterminé, et par consé-
quent une affirmation directe.
C'est une règle certaine que dans deux phra-
ses dont l'une est principale et l'autre subordon-
née, le verbe de la proposition subordonnée doit
se mettre a l'indica;if (juand le verbe de la pro-
position principale exprime l'affirmation d'une
manière directe , positive et indépendante ; et
qu'il doit se mettre au subjonctif (juand le verbe
de la proposition principale n'exprime pas l'af-
firmation de cette manière. — On dira donc, en
faisant usage de l'indicatif, je crois qu'il ne \)c\\\.
y avoir d'amitiébien sincère entre les personnes
qui ne sont pas vertueuses. Je cherche quel-
qu'un qui m'ai rendu service, et à qui je veux
témoir;/ter ma reconnaissance. Je savais bien
que Vdus avez étudié les mathématiques, parce
que, dans chacune de ces phrases, le verbe de
la proposition principale exprime l'affirmation
d'une manière directe et positive. — Mais on
dira atec le subjonctif, je suis surpris ou éton-
né que les chrétiens ne soient pas plur respec-
tueux dans les églises. Je cherche quelq-^un
qui N'euille bien m'obliger. Montrez-moi quel-
qu'un qui se dise parfaitement heureux. Je
veux épouser une femme qui ait plus de vertu
que de beauté, parce qu'ici le verbe de la propo-
sition principale n'exprime pas l'affirmation d'une
manière directe et positive.
C'est d'après cette règle que Voltaire a criti-
qué ce vers de Corneille {Menteur, act. I,
se. IV, 12) :
La phij belle des deux, je crois que ca toit l'autre.
IM»
389
. > -;foi> qvp. ce sni, dit-il, e?t ime fai-ia -iî ;n<m'
•J)fr.T-r Ji trots -itciU ww-. oiic-s-.; ii-jsiiiv.:. ',;.ii=:!j
rmdica;/!". iMai.'i p.urquui dit-or., jo crois quelle
est aimable, qu'illc a de l'espril^ et croyez-vous
qu'elle SOi\. aimable, qu'elle ait de l'esprit J 1,'est
que croyez-vous n'est point positif. Cmyez-
vous exprime le doute de celui (pii^ interroge. Je
suis sûr qu'il vous satisfera. J£lcs-vous sur
qu'il vous satisfasse? ( Remarques sur Cor-
neille.)
Il en est de même de je no crois pas qu'elle
soit aimable. Je ne crois pa.^ marque un doute.
— On peut dire également bien je veux éjiKise.
une femme qui a plus de vertu que de becifé,
ou je veux épouser une femme qui ait plu. ■J,''
vertu que de beauté. Mais dans le premier -.'i-Si,
l'affirmation est positive; c'est une certaine ferji'.W;
déterminée que j'ai vue; dans le second, i.'esl
telle ou telle femme tiui aura les qualités ;;"u_c JG
désire.
L^niciELç.. Adj. des deux genres. Il "i». se me'
qu'apr'^ijSJ^ siibst. : Joie indicible, <'uieurin
dicibl • Z'iaisir indicible.
IW '/ÉRKMMENT. Adv. On '].''.■ --UCC ùtiè^é'
ravin ..> t. Tl ne se met (ju'apro.^ [t. verbe : OfA'h
reçu ir- fféremment.
T^niFr. "ÎENT, ^■^■nMFF.EES"J. Adj. Il UC Se m»-.
qu'après 3.:..'. •■'•:"ci>:.. ; Sncix indifférent, action:,
indifférentes , humeur indifférente, air indiffé-
rent, œil indi0.rent. Voyez hidolence.
Indigent, Indigente. Adj. (jui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme indigent, une femme
indigente. Vollaii-e a employé ce mot dans un
sens (]ui ne se trouve point dans le Dictionnaire
de V Académie : F'oilù pourquoi toute traduction
d'un poëte grec est toujours faible, sèche et in-
digente.
Indigeste. Adj. des deux genres. Il se dit d'un
aliment incapable d'être digéré, et qui serait par
conséquent plus proprement appelé indigestible
ou indigérahle. Un pareil aliment est encore ap-
pelé, dans le langage ordinaire, lourd , pesant.
— Ce mot ne se plcnd [loint à la rigueur et dans
un sens absolu, parce que les matières absolu-
ment incapables d'être digérées sont rejelées de
la classe des aliments, lors même (^l'elles con-
tiennent une substance nutritive. Ainsi, comme
on ne s'avise point de manger les os durs , les
cornes, les poils, les racines ligneuses, on ne
peut pas dire que les choses de cet ordre soient
indigestes. On entend donc par un aliment indi-
geste, un aliment de difficile digestion. — Il n'y
a point d'aliment généralement et absolument in-
digeste, c'est-à-dire dont la digestion soit diffi-
cile pour tous les sujets. Un aliment indigeste
est donc celui qui est difficilement diLérc parle
plus grand nombre de sujets sains, ou par un
ordre entier de sujets sains. — Cet adjectif ne
se met qu'après son subst.
Indigestion. Subst. f. 7Y conserve sa pronon-
ciation naturelle. C'est une incommodité ou une
maladie quehiuefois très-grave, dont la cause
évidente est la présence des aliments non digérés
dans l'estomac.
Indignation. Subst. f. Lc^îj est mouillé. Sen-
timent mêlé de mépris et de colère (lue ccrtainer
injustices inattendues excitent en nous. L'indi-
gnation approuve la vengeance, mais n'y conduit
pas. La colère pas?e; ïindignation,\)\n'i réfléchie,
dure; elle nous éloigne de l'indigne. L'indigna-
tion est muette; c'est moins par le propos que
par les mouvements qu'efie se montre. Elle ne
transporte pas, elle gcnfle; il est rare qu'elle soit
590
IND
injuste : nous sommes souvent indignes d'un
mauvais procédé dont nous no sommes* pas l'ob-
jet. Une âme délicate s'indigne quciqucfuis des
obstacles (ju'on lui oppose, des motifs (ju'on lui
croit, des rivaux qu'on lui doiuie, îles récom-
penses qu'on lui promet, des élnges (]ii'on lui
adresse, des prélVreiices mêmes (pi'on lui ac-
corde ; en un mot, de tout ce qui iiiar(]ue «{u'on
n'a pas d'elle reslimc qu'elle croit mériter.
Immgne. Adj. des deux genres. Le gn est
mouillé. Il ne se prend qu'en mauvaise part. On
est indigne du bien cl non pas du mal. On dit
il est indigne de ros hontes ; mais on ne dirait
pas il est indigne de punition. A oyez Digne.
Cet adjectif peut se mettre avant son subst. ,
dans le sens de méchant, odieux : Une action
indigne, vu traitement indigne; cet indigne
traitement; une conduite indigne, cette indigne
conduite. Voyez jddjectif.
Indigné, Indignée. Part, passé du v. indigner.
On mouille le^re.
Vous me donnez des noms qui doivent me surprendre.
Madame; on ne m'a point instruite à les entendre ;
Elles dieux, contre moi des longtemps indignés,
A mon oreille encor les avaient épargnés.
(Uac, Iphig., act. II, se. V, 4o.)
Indignés est ici pour irrités. C'est une sorte de
tournure empruntée des Italiens, qui se servent
souvent du mot sdcgno pour ressentiment. (Lu-
neau de Boisjermain.)
Indigne)iem. Adv. Le gn se mouille. On peut
le mettre entre l'auxiliaire et le participe: On Va
maltraité indignement, on l'a indignejnent
maltraité. En vers, on le met quelquefois avant
le verbe ;
0 combien de héros incîi'jnemenj périrent !
(Volt., Henr., II, 273.)
IsDicNER. Y. a. de la 1" conj. On mouille le
gn. S'indigner peut se construire avec un nom
précédé de la préposition de :
Ils luttent en grondant, ils s'indignent du frein.
(Delil., Énéid., I, 9i.)
Indignité. Subsl. f. Ou mouille le gn. Dans
le sens d'affront, on lui donne un pluriel : On
lui a fait mille indignités. Dans les autres sens
il ne se met (ju'au singulier.
Indirect, Indirf.cte. Adj. On dit en physique,
v,n mouveinent indirect. — Au figuré, moyen
indirect, voies indirectes , vues indirectes . Il ne
faut pas confondre indirect avec oblique. Obli-
que se prend toujours en mauvaise part. Indi-
rect ne se prend ni en bonne ni en mauvaise
part. Parvenir à un emploi par de? voies indi-
rectes, n'est pas y parvenir par des voies obli-
ques et illicites. Il ne se met ordinairement qu'a-
près son subst.
Indirectemekt. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'étaii ùidirec-
tement adressé à moi.
Indisciplinable. Adj. des deux genres. On peut
le meure avant son subst., lorsque l'analogie et
rharmonic le permettent : Un enfant indisci-
plinable, une armée indisciplinable ; son indis-
ciplinable armée. Voyez Adjectif.
Indiscipliné, Indisciplinée. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Soldats indisciplinés.
Troupes indisciplinées.
Indiscret, Indiscrète. Adj. Il se dit de celui
qui révèle une chose confiée. L'homme qui sait
IND
penser, parler, et prévoir les suites de ses paroles,
n'est [las indiscret. Par un excès de conlianse
on ouvre son cœur à des indifférents, on répand
son àme devant eux ; c'est une faiblesse à la-
quelle ou est entraîné par l'inexpérience et par la
peine. La iieine cherche à se soulager, l'inexpé-
rience nous dérube le danger de notre franchise.
Les malheureux et les "enfants sont presque
tous indiscrets. Un geste, un regard, un mot,
le silence même est indiscret. La vanité rend
indiscret. — Vindiscrélion w'QSi pas seulement
relative à la confiance, elle s'élcnd.a d'autres
objets. On dit d'un zèle (ju'il est indiscret;
d'une action, qu'elle est indiscrète, etc. — En
parlant des choses, on [)eut le mettre avant son
subst, si l'harmonie et l'ar.alogie le permettent:
Un homme indiscret, une femme indiscrète. —
Un geste indiscret , hjj regard indiscret, un
mot indiscret, un zèle indiscret, une demande
indiscrète, une curiosité indiscrète, un trouble
indiscret. Une indiscrète demxinde, une indis-
crète curiosité.
Indiscrètement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire cl le participe : R a agi indiscrète-
ment, yous avez indiscrètement agi dans cette
occasion.
Indiscrétion. Subst. L Quand il signifie le
vice de l'indiscret, il n'a ])oint de pluriel : Leur
indiscrétion leur fera du tort. Quand il se prend
pour les effets du vice, il prend un pluriel :
Cornmettre une indiscrétion. Il a commis plu-
sieurs indiscrétions. Voyez Indiscret.
Indispensable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un devoir indispen-
sable, un engagement indispensable, une affaire
indispensable. — C'est pour tous un indispen-
sable devoir. L'indispensable loi du trépas.
Voyez Jdjectif.
Indisfensablement. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Il y est engagé
indispensablement, OU U y est indispensablemcnt
engagé.
Indisposé, Indisposée. Adj. Qui ne jouit pas
de toute sa santé, dont le corps a souffert quel-
(jue dérangement léger. — Ce mot a encore une
autre acception. Il se dit, au moral, d'un élat de
l'àme dans lequel les hommes répugnent à faire
ce que nous désironr d'eux. Nous les plaçons
nous-mêmes dans cet étal par maladresse, ou les
autres le2 y placent par méchanceté.
Indispctable. Adj. des deux genres. On peu.
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Des droits indiscutables ; tels sont
les indisputables droits que je réclame. Voyez
Adjectif.
Indissoldble. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Des nœuds indissohibl/s, cCin-
dissolubles nœuds ; une union indissoluble, une
indissoluble union; un attachement indisso-
luble, un indissoluble attachement. Voyez Adr-
jectif.
Indissolublement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire cl le participe : Ils sont unis indisso'
lublement, ils sont indissolublement unis.
Indistinct, Indistincte. Adj. Dont toutes les
pallies no se séparent pas bien les unes des autres,
et ne font pas une sensation claire cl neite. On
dit que la mémoire ne nous laisse quelquefois des
choses éloignées que des notions indistinctes ;
mais qu'est-ce que cela signifie? Que nous nous
rappelons seulement quelques circonstances d'ua
IND
fait qui restent isolées, faute d':iulirs circonstances j
dont le souvenir est i'ff;iCf. Il en est de même des
images indistinctes que le sommeil nous pré-
sente, et des objets nue nous n'iiperccvons ([ue
dans un trop grand cloignement. Les figures se
séparent; l'ensemble qu'elles formaient disparait,
et nous n'en pouvons plus juger; c'est une ma-
chine dosassembléc et ;i liqueUe il mamiuecnctirc
des pièces. — Cet adjectif ne se met guc-re qu'a-
près son subst. : Des notions indistinctes, des
images indistiiictes.
Indistii^ctement. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le parlicipe : On a reçu indistinc-
tement tous ceux qui se sont présentés. On a ,
indistinctement reçu tout ce qui s'est présente.
Individdel, Individuelle. Adj. Il ne peut se
mettre qu'après son subst. : Qualité individuelle,
différence indiriduelle.
ISDIVIPLELLESIENT. Adv. Il SC mCt OprcS Ic
verbe.
Indivisible. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorscpie l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un point indivisible,
un atome indivisible. Cet indivisible atome.
Indivisiblement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parlicipe : Ils sont u?iis indi-
vistblement, ils sont in divisible ment unis.
Indocile. Adj. des deux genres. Indocilité.
Subst. f. Ils se disent Tun et l'autre de
l'animal qui se refuse à l'instruction, ou qui
plus généralement suit la liberté que^ la na-
ture lui a donnée, et répugne à s'en dé-
partir. Les peuples sauvages sont dun naturel
indocile. Si nous ne brisions de très-bonne
heure la volonté des enfants, nous les trou-
verions tous indociles lorsqu'il s'agirait de les
apidiqucr à quelque occupation. Vindi<cilité
naît ou de l'opiniâtreté, ou de l'orgueil, ou de la
sottise ; c'est ou un vice de l'esprit qui n'aperçoit
pas l'avantage de l'instruction, ou une férocité de
cœur qui la rejette. — Eu prose, l'adjectif iwc^i^ctVe
se met ordinairement après son subst. : Un en-
fant indocile, un caractère indocile, un esprit
indocile. — On dit indocile au joug, aux règles,
av-x leçons.
Boss'uet a employé ce mot dans un sens que
l'on ne trouve point dans les dictionnaires: «La
reine régente témoigne au prince de Condé,
qui venait de vaincre à Rocroi, que le roi était
content de ses services. C'est dans la bouche du
scurerain la digne récompense de ses travaux.
Si les autres osaient le louer, il repoussait leurs
louanges comme des offenses, et indocile à la
flatterie, il en craignait jusqu'à l'apparence. »
{jOraison funèbre du prince de Conde, p. 21)4.)
On se rappelle le vers d'Horace (lib. I, od. i,
18):
Indoeilis paupericm pati.
Mais l'orateur français est ici supérieur au
poëte latin dont il a emprunté l'expression.
(Mercier.)
La langue française pourrait être enrichie de
cette acception du mot indocile
On ne dit pas indocile d une personne.
Indolence. Subst. f. C'est une privation de
sensibilité morale. L'homme indolent n'csl touché
ni de la gloire, ni de la réputation, ni de la for-
tune, ni des nœuds du sang, ni de l'amitié, ni de
l'amour, ni des arts, ni de la nature; il jouit de
son repos qu'il aime, et c'est ce qui le dislingue
de Vindi/fërent, qui peut avoir de l'inquiétude,
de l'ennui.
IND
591
Indolent, Indolente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent: Un hinniuo indnlcnt, une femme
indolente, un caractère indolent, une humeur
indolente. — Cet indolent caractère, cette inda-
lente humeur. \'oyez Adjectif, Indolence.
Indomptable. Adj. dos deux genres. L'Acadé-
mie dit qu'on ne prononce pomt le p. Féraud
veut absolument qu'on le fasse sentir dans la
prononciation soutenue; mais je crois que cela
n'a lieu que dans les provinces méridionales. On
peut le ])lncer avant son subst., yjn consultant
l'oreille et l'analogie : Courage indomptable, ani-
mal indomptable, caractère indomptable. Son
indomptable courage.
Indomptable taureau, dragon impétueni:.
(Rac, Phéd., act. V, se. vi, 3î.)
Indompté, Indomptée. Adj. On ne prononce
point le p. Voyez Indo?nptable . Cet adj. ne peut
se mettre (ju'après sou subst. ; Un cheval in-
dompté, un courage indompté.
De Turenne déjà la valeur indomptée
Reponssait de Nemours la troupe épouvantée.
(YOLT., Ilenr. ,\m,^Oi.)
iNDn, Indue. Adj. Heure indue. Il no se met
guère qu'après son subst. L'Académie dit indue
vexation.
Ikdcbitable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Cest une chose indubitable ; tel est
V indubitable effet de cette cause. Voyez Adjectif.
Induction. Subst. f. C'est une manière <ie rai-
sonner par laquelle on tire une conclusion géné-
rale et conforme à ce qu'on a prouvé dans tous
les cas particuliers. Elle est fondée sur ce prin-
cipe reçu en logique : ce <iai se p^ut affirmer ou
nier de chaque individu d'une espèce, ou de
chaque espèce d'un genre, peut être affirmé ou
nié de toute l'espèce et de tout le genre. Souvent,
dans le langage ordinaire, la conclusion seule
s'appelle induction. — On confond souvent Yin-
duction et V analogie; mais l'on pourrait et l'on
doit les distinguer, en ce que V induction est sup-
posée complète. Elle étudie tous les individus
sans exception; dh "robrasse tous les cas possi-
bles sans en omettre un seul, et aïoi^ seulement
elle peut conclure et elle conclut avec une con-
naissance sure et certaine. Mais Vana.or]i3 n'est
qu'une induction incomplète qui étend sa con-
clusion au delà des p^incip^^C* -£«« «run nombre
d'exemples observés conclut généralement pour
toute l'espèce.
Indoire. V. a. de la 4' conj. On dit induire
en erreur, et induire à erreur; le premier signi-
fie, tromper à dessein; le second signifie, être
cause que les autres se trompent, ce qui peut se
faire sans malice. (Koubaud.)
Indulgence. Subst. f. Dans le sens de facilité
à excuser et à pardonner les défauts, il n'a point
de pluriel.— Il n'en a un qu'en parlant des indul-
gences de l'Église catholique : Des indulgences
plénières, la vente des indulgences.
Indulgent, Indulgente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'orcdle et l'analo-
cie : Un père indulgent, une mère indulgente,
un prince indulgent ; cette indulqente amie. On
ne dit pas un indulgent homme. Voyez Adjectif.
On donne à cet adjectif les régimes à ci pour:
Il est indulgent à ses eiifants , pour ses enfants.
392
IND
Kl chacun ponr soi-même est toujours indulgtnt.
(BoiL., Sat. IV, 59.)
Home lui sora-l-^lle indulgente ou scTcre ?
_-c., Bcren., acl. H, se. ii, 30.)
Henri If^ était indulgent à ses amix, à ses
serriteurs, à ses maîtresses. (Volt., Ilist. du
parlement, c\\. xvxvii ) On dit aussi envers.
Indult. Subsl. 11). On fnit sentir le t.
Indimest. Adv. On le met entre l'auxilinirc et
le participe : Procéder indûment, on a indi'tment
procédé..
Industrie. Subst. f. L'Académie le définit,
adresse à faire quclciuc chose. Celte liélinilion
trop vague ne nous parait pas comprendre la si-
gnilîcation (jue Macinc donne à ce mot dans Iphi-
qénie (acl. ], se. i, 71 J :
Ulysse, en apparence, approuvant mes discours,
De ce premier torrent laissa passer le cours;
Mais bientôt, rii|ipelant sa cruelle industrie,
11 me représenta l'honneur etlaflalri*
Tout ce peuple, etc
Cette industrie d'L'lysse est difrérenle de celle
qu'emploie un artisan pour faire subsister sa fa-
mille.
{.'industrie dans un sens mclapliysique est
une faculté de l'àine dont l'objet roule sur les
productions et les oi)érations mécaniques qui
sont le fruit de l'invenlion, et non |)as simple-
ment de l'iinilalion, de l'adresse et de la routine,
comme dans les ouvrages ordinaires des artisans.
Quoique ^industrie soit fille de l'invenlion, elle
diffère du gmU ou du çjénie. Le sentiment exquis
des beautés et des défauts dans les arls constitue
\^goût; la vivacité des sentiments, la grandeur et
la force de l'imagination, l'acliviié de la concep-
tion, font le génie. L'imagination Iramiuille et
étendue , la pénétration aisée , la coiicei)tion
prompte, donnent Vindustrie. Ceux qui sont fort
industrieux n'ont pas toujours un goût sur, ni un
génie élevé. Je dis plus, àc?, génies ordinaires,
des génies peu propres à rechercher, à décou-
vrir, à saisir des idées abstraites, peuvent avoir
beaucoup d'industrie. Ces trois facultés ne por-
tent pas sur le même objet. Le gotît discerne les
choses qui doivent exciier des sensations agréa-
bles. Le génie, |iar ses itroductions admirables,
fournit des sensations ])iquanlcs et imprévues;
mais ces sortes de sensations, que font naître le
génie ci iGgoût, ne sont point l'objet de Vindus-
trie. Elle ne tend (|u'à découvrir, à expliquer, à
représenter les opérations mécaniques de la na-
ture; à trouver des machines utiles, ou à en in-
venter de curieuses et d'intéressantes par le mer-
veilleux qu'elles présenteront à re,s|)rit. — Les
îacullés du goût, du génie et de Vindustrie, exi-
gent aussi divers genres de sciences pour on pcr-
foclionncr l'exercice. Ldgoût se forlilie par l'ha-
bilude, par les réflexions, par l'esprit philosoplii-
q\'e, par le commerce des gens de goi'it. (^)uoique
le génie soit un pur don de la nature, il s'élend
pa;- la connaissance des sujets qu'il peut peindre,
des beautés dont il peut les embellir, des carac-
tcrcs, des passions qu'il veut exprimer; tout ce
qui ;xcile le mouveiTient des esjjiits, favorise,
pro>'oque et échauffe le génie. IJindustrie doit
être dirigée par la science des propriétés de la
rr.aiicre, des lois des mouvements simples et
composés, des facilités et des difficullés que les
corps qui agissent les uns sur les autres peuvent
apporter dans la communication de ces mouve-
INE
menls. L'industrie ost l'ouvracre d'i:r. goût parti-
culier pour la mécanique, v,. .i.ioiquefois de l'c-
lud - >^.- • ^, temps. [Encyclopédie.)
l.Ni)usrRiEisEME>T. Adv. On peut le mettre en-
tre l'auxiliaire et le participe : Travailler in-
dustrieusemctit. Cela p.<:t industrieusement exé-
cuté, industrieuseinent travaillé.
Industhieux, iNDusTr.iEcsi'.. Adj. On peut quel-
quefois le mettre avant son sulist., en consultant
l'oreille et l'analogie : Un homme industrieux,
vue ouvrière industrieuse , un esprit indus-
trieux. Cet industrieux ouvrier.
Le ciel, industrieux dans sa triste Tengeance,
Avait à le former épuisé sa puissance.
(Volt., OEd., act. I, se. i, 43.)
A'oyez Adjectif.
1NÉBRAM.ABLE. Adj. dcs dcux gGnrcs. Qui ne
peut être cbranlé. Il s'emploie au physique et au
moral. On dil, ce mur est inébranlable ; les va-
gues frappent en vain les rochers, ils demeurent
inébranlables. On |)eut le inelire avant son subsl.,
lors(iue l'analogie et l'harmonie le permetlcnt :
Un rocher inébranlable. — Un courage inébran-
lable , irne fermeté inébranlable. — Cette in-
ébranlable fermeté. On le met sans régime : C'est
vn hnjume inébrayilable ; ou avec la préposition
à : Ce rocher est iiiébranlahle à l'impétuosité des
vents. (Acad.) On dit aussi cire inébranlable
dans ses résolutioiis. "\'oyc/. Adjectif.
lNÉBr.A>LABi.EMENT. Adv. On pcut Ic mettre en-
tre l'auxiliaire et le verbe : Il est inébranlable-
ment attaché et son devoir.
Ineffable. Adj. des deux genres. Qu'on n'en-
tend point, dont on n'a nulle idée, dont on ne
peut j)arler. Il se dit parliculicrement des attri-
buts de Dieu, des mystères de la religion, des
douceurs de la vie fiuuie, et de la vision béatifi-
([ue.— On peut le inellre avant son subsl., lorsque
l'analogie et l'harmoiu'c le permettent : Un mys-
tère ineffable, cet ineffable mystère. Les ineffa-
ble s bontés de Dieu. \oy 07. Adjectif.
Ineffaçable. Adj. des deux gemcs. Qu'on ne
peut effacer. 11 se dit au pliysi(]ue et au moral :
Une tache ineffaçable, vn caractère ineffaçable.
— On peut le mcUie avant son subst., en consul-
tant l'analogie et rharmonie : Souvenir ineffaça-
ble, des traits ineffaçables. — Cet ineffaçable sou-
venir me poursuivait san": cesse. L'inef/açable
caractère imprimé par le sacrement. A'oyez Ad-
jectif.
Inefficace. Adj. des deux genres, 11 ne se met
qu'après son subst. : liemèdc inefficace.
Im^gal, Inégale. Adj. Qui est plus grand ou
I)lus petit qu'un autre. 11 se dit au physique et
au moral, des choses et des personnes. — Les
grandeurs sont inégales ; les pieds de cette table
sont inégaux. (Acad.) Ce chemin est inégal, c'esl-
à-dire «ju'il n'est pas plain et uni. Ils se sont
battus à forces inégales. Un homme d'vn carac-
tère inégal. — On peut, en vers, le incttrc avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie:
Mouvejnent inégal. Deu.T choses d'une grandeur
inégale. Style inégal, homme inégal, esprit in-
égal.
Comment de nos soleils l'inégale clarté.
(Dblil., Gcorg., II, 577.1
Voyez Adjectif.
INÉGALEMENT. Adv. II nc sc met qu'après le
verbe : Se conduire inégalement, écrire inéga^
levient
INE
*lNKi.tGAMMF.xT. A(lv. On peiit le moKre entre
l'auxiliaire el le parliciiic : Cet ouvrage est in-
tU-gamiiicnt écrit. C'csl un mot que l'Afadémie
a recueilli dans rcdilion de K9S, et qu'elle n'a
point admis dans celle de 1835.
1>ÉLÉGA>( i: Subsl. f. Ce substantif, dont Bos-
suet a fait usage, el plusieurs autres après lui. ne
se trouve point dans les éditions du Dictionnaire
de l'Académie qui ont précédé celle de 1798 :
L'inélégance d'une construction.
Inélégant, Inélégante. Adj. Mot cmpl.iyé de-
puis longtemps, mais que l'Acadoniie n'a recueilli
que dans son Dictionnaire de dTliS. la llaipc,
dans son Cours de littérature, rcpr<..'lie quelque-
fois à Voltaire des expi'essùms inèléf;untes. On
peut mettre cet adj. avant son suhst., lorsiiuc l'a-
nalogie et l'harmonie le permettent : Ces inélé-
gantes expressions déparent son style. A'oycz
Adjectif.
iNÉLiGinLE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Il est inéligible.
INÉNARRA.BLE. Adj. dcs dcux geurcs. Expression
particulière au style mystique. Cet adj. peut se
mettre avant soii suhst., lorscjuc l'analogie et
l'harmonie le permettent : Saint Paul vit des
choses inénarrables. Ces inénarrables gémisse-
ments. Voyez .Idjectif.
Inepte. Adj. des deux genres. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant l'oreille et l'a-
nalogie : Un hovime inepte. — Un raisonneme nt
inepte. Cet inepte raisonnement. Voyez Adjec-
tif.
Ineptie. Subst. f. C'est l'état d'une âme qui n'a
d'aptitude à rien. Elle est l'effet d'une stupidité
que ne remue a\icune passion. Elle est aussi l'ef-
fet des circonstances (]ui placent un homme de
mérite dans des postes au-dessous de lui, ou seu-
lement opposés à son génie.
Inépuisable. Adj. des deux genres. Qui ne se
peut épuiser. Il se dit au physique et au moral.
On peut le mettre avant son subst., lorsque l'ana-
logie et l'harmonie le perineltent : Source inépui-
sable, sujet inépuisable, inépuisable rnatière. —
Les modernes puisent sans cesse dans cette in-
épuisable source. Voyez Adjectif.
Inerti:. Adj. f. Matière inerte, viasse inerte.
On pourrait dire, dans certains cas, cette inerte
matière. \'oycz Adjectif.
Inespéré , Inespérée. Adj. Fcraud prétend
qu'on ne peut le mettre qu'après son subst. 11
nous semble qu'il y a des cas où l'on pourrait dire
cet inespéré bonheur. \'oyez Adjectif.
I.NESPÉRÉMENT. Adv. Il nc se dit que des évé-
nements favorables, el ne se met qu'après le verbe :
// lui est survenu inespérément une succession.
Jl est peu iisité.
Lnestuiable. Adj. des deux genres. On dit in-
estimable, mais ce n'est pas pour signifier le con-
traire de son simple, dans le sens où estimable
signifie digne d'être estimé , comme dans un
homme est estimable par sa probité ; vne action
est estimable. Inestimable signifie ijui est d'une
si grande valeur, (ju'on n'en saurait iixer le prix:
Ce diamant est d'un prix inestimable. Il ne se
dit point des personnes, mais seulement des cho-
ses. On ne dit pas, ccst un homme inestimable,
pour dire, c'est un homme qui ne mérite point
d'être estimé. Il y a des cas où on pourrait le met-
tre avant son subst. : Cet inestimable prix. Voyez
Adjectif.
Inévitable. Adj. des deux genres. Qu'on ne
peut éviter. Il se dit do la mort, du destin, et de
toutes les lois générales el communes de la na-
^NE
393
Uire, auxqtielles \f\ force et l'industrie ne peu-
vent nous soustraire. On le transporte par exagé-
ration à d'autres choses <\uv ne sont |ias également
nécessaires. — On peut le mettre avant son snbst.,
lorsque l'analoi,'ie ot l'harmonie le permettent :
Malheur inévitable, destinée inévitable ; inévi-
table destinée. A'oyoz Adjectif.
Inexact, Inexacte. Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : Un copiste inexact, une co-
pie inexacte.
Inexcusable. Adj. des deux genres. On peut le
Micllre avant son subst., en consultant l'oreille et
y^yAosic '.Faute inexcuscdile. Un homme inex-
cusable. Cette inexcusable faute. Voyez Adjec-
tif
Inexécutable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Une mv.nque inexécu-
table, un projet inexécutable. Comment avez-
vouspu concevoir cet inexécutable projet? Voyez
Adjectif.
Inexorable. Adj. des deux genres. L'Académie
ne le dit «[uc des personnes : Il est inexorable.
Le public est vn censeur inexorable. — 11 se dit
aussi des choses : Les lois sont inexorables.
Ma gloir» inexorable à toute heure me suit.
(Rac, Bérén., acl. V, se. VI, 32.)
On pewt ïC mettre avant son subst., lorsque l'ana-
logie et l'harmonie le permettent ; Cet inexorable
censeur ne vous passera aucune 7iégligence. ("et
adj. régit la préposition à : Saint Louis se rendit
inexorable aux larmes et au repentir du bla.^phé-
7naleur. (Fléchier.) Un homme inexorable à soi-
7néme n'est indulgent aux autres que par un
e.Tcès de raison. (La Bruyère, chap. iv. Du cœur,
p. 260.) Aurez-vous le cœur assez dur pour être
inexorable à votreroi et à vosplus tendres a7nis?
(Fénel., Télém., liv. xiv, t. II, p. 109.)
Inexorablement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le iiarlicipe : Il a inexorable ment
repoussé ma prièi'e.
Inexpérdienté, Inexpérimentée. Adj. qui ne
so met qu'ai>rcs son subst. : Un ho7nme inexpé-
rimenté. Mercier propose d'adoiiler ce mot dans
le sens de, qui n'a pas été senti, éprouve, que lui
donne Montaigne; mais nous avons inexpéri-
ynenté, dfKis le sens de, qui n'a point d'expérience.
Tourquoi détourner un mot d'une signification
reçue, pour lui en donner une nouvelle et extra-
ordinaire? Inexpérimenté en ce sens n'est pas ad-
missible.
Inexpiable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie: Cette inexpiable faute, cette faute
i7icxpiable. ^'oycz Adjectif.
Inexplicable. Adj. des deux genres. Il nc se
dit que des choses, et peut précéder son subst.,
lorsijue l'analogie et l'harmonie le permettent :
Difficulté inexplicable , conduite inexplicable.
Cette inexplicable difficulté, celte inexplicable
conduite. Aoyez Adjectif II régit quelquefois la
préposition d. Massillon a dit : Ils sont une énig-
me inexplicable à eux-mêmes. — L'Académie re-
marque que ce mot signifie quelquefois incom-
préhensible, bizarre, étrange, el qu'alors il se dit
des personnes et des choses : Un homme, un ca-
ractère bizarre.
Inexprimable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., quand l'analogie et
l'harmonie le permettent: Douleur inexprimable,
joie inexprimable, reconnaissance inexprimable.
394
INF
sentiments inexprimables. — Cette inexprimable
douleur. Vuyez Adjectif.
Inexpcoable. A(Jj. des deux genres. I.e ^ se
prononce forleinent. On peut le mettre ;ivant son
subsl., en consultant r>neillc et l'analogie : Une
forteresse inexpugnable , cette inexpugnable for-
teresse. Voyez Adjectif.
IrreXTiNGfiBLr:. Adj. des deux genres. Gj/ifait
diphlhongue. On peut le mettre avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Une suif inextinguible, une inextinguible soif.
Voyez Adjectif.
l^EXTRlcâBLE. Adj. dcs deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Ce chaos inextricable, cet inextri-
cable chaos. \ oyez Adjectif.
Infaillible. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'o-
reille et l'analogie : Jiègle infaillible, succès ■in-
faillible, perte infaillible, vérité' infaillible. Je
vous promets un infaillible succès. On ne dirait
pas un infaillible homme, une infaillible femme.
A'oyez Adjectif.
IxTAiLLiBLEMENT. Adv. On peut le mettre au
commencement de la phrase, et quelquefois après
le verbe, mais jamais entre l'auxiliaire et le parti-
cipe : Infailliblement cela arrivera, cela arrivera
infailliblement.
Infaisable. Adj. des deux genres. On prononce
infesahle. Cet adj. ne se met jamais avant son
jUbst. : Une chose infaisable.
I.NFAMANT, INFAMANTE. Adj. Ou pcut le mettre
ayant son subst., en consultant l'oreille et l'analo-
gie : Des paroles infamantes, u ne sentence infa-
mante ; cette infamante condamnation. Voyez
Adjectif.
Infâme. Adj. des deux genres : Un homme in-
fàvie, une action infâme. On peut le mettre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Un projet infâme, cet in fâme projet .
Infatigable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie ; Un homme infatigable, un cheval in-
fatigable, un esprit infatigable; cette infatigable
activité. Voyez Adjectif. Il régit la préposition à
avant les noms et avant les verbes : Infatigable à
■^ course; infatigable à disputer, à écrire. —
Dans les exemples donnes par l'Académie, cet ad-
jectif n'est suivi d'aucun régime.
Infatigablement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il est infatigablement
attaché au travail.
Infécond, Inféconde. Adj. Il s'emploie plus
ordinairement en vers qu'en prose : Terre infé-
conde, esprit infécond, génie infécond.
La fille de Cûrès, Proserpine, a son tour.
Stérile déilé d'un slérite séjour,
En hommage reçoit une \ache inféconde,
(Delil., Enéide, VI, 325.)
Il ne se met guère qu'après son subst.
Infect, Infecte. Adj. Il ne se dit qu'au physi-
que. On peut le mettre avant son subst., en con-
sullanl l'oreille et l'analogie : Une haleine infecte,
un lieu infect, air infect; d'infectes vapeurs.
Infecter. V. a. de la l"^' conj. 11 se dit au phy-
sique et au moral; au lieu qu'infect ne se dit que
dans le premier sens : Cette puanteur a infecté
l'air. Lapeste a infecté toutela contrée.
Jusqu'à quand souCfrc-t-on que ce peuple respire,
Et d'un culte profane infecte voire empire 1
(lUc, Eith., ad. m, se. I, t25.)
INF
De qocl front cet ennemi de Dion
Tient-il infecter l'air qu'on respire en ce lieu?
(Rjic., Àth., act. m, se. V, 7.)
Voilà comme infectant cette simple jeunesie.
Vous employez tuiu deux le calme où Je tous laisse.
[Idem, acl. II, se. Tii, 83.)
Il forma dans Paris celle Ligue funeste,
Quibienlot de la France infecta tout le reste.
(Volt., Henr., III, 91.)
Il ne faut pas confondre ce mot avec infester,
qui sign'IJe piller, ravager, et au figure, incom-
Tnoder, tourmenter.
* Infélicité. Subst. f. Mercier aurait voulu
faire revivre cette expression. Elle a été admise
par Gattcl et par Boiste, qui se contentent de re-
marquer qu'elle est peu usitée. Les Latins disent
in félicitas ; les Italiens in félicita; les Espagnols,
infelicidad; les Portugais, infelicidade. Pour-
quoi, dit-il. ne dirions-nous ^^is, jusqu'à présent
il n'a éprouvé que de lin félicite dans plusieurs
de ses projets? — Pourquoi? C'est que i?i félicité
signifierait le contraire de félicité : or, dans notre
langue, félicité ne signifie pas, comme en latin
félicitas, bonheur, prospérité, mais l'état perma-
nent d'une âme contente; or, qu'est-ce que le
contraire de cet état? C'est l'absence de cet état;
ce n'est pas un être positif, ce n'est rien. On ne
peut donc pas éprouver de Vinfélicité. On
éprouve du malheur, i)arce que le mot malheur
n'indique pas seulement le contraire de bonheur,
mais quelque chose de positif qui trouble, qui
chagrine, qui fait souffrir. Mais on ne peut pas
plus dire infélicité, (\uinbonheur, qu'inmala-
die, etc. Voyez In.
Inférieur , Inférieiire. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Partie inférieure, ordre
inférieur. Il est inférieur à l'autre. Il régit aussi
en : Il lui est inférieur en science, en talents.
Infériedrement. Adv. li prend le inèuie ré-
gime que l'adjectif : Z.'w?i a écrit bien inférieu-
rement à l'autre.
Infernal, Infernale. Adj. Monstre infernal,
furie infermde, dieux infernaux. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Cet infernal stratagème, infernal*
méchanceté. \ oyez Adjectif.
Infertile. Adj. des deux genres. Son plus
grand usage est en poésie, où l'on peut , sebn
les cas, le mettre avant son subst. Voyez Adjectif.
Infester. V. a. de la 1"^' conj. Incomiu.Jer,
tourmenter, ravager. Les ennemis infestèrent
la frontière. Les mers sont infestées de pirates.
— Il ne faut pas le confondre avec infecter. Voy.
ce mot
Infidèle. Adj. des deux genres. On le met avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Un ami infidèle, un infidèle ami; une
épouse infidèle, une infidèle épouse. On ne dirait
pas un infidèle homme. Cet adj. régit quelque-
fois la préposition à : Une femme infidèle à son
mari. Une ville infidèle aux traités. Voyez Ad-
jectif.
Infidèlement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Agir infidèlement.
Infime. Adj. des deux genres. Mercier pro-
pose de rajeunir ce mot : C'est une action i»-
fime. Dans toutes ses actions , il ne montre
qu'un caractère infime. — Peu de personnes s'en
sont servies. — Il s'emploie assez souvent aujour-
d'hui. L'Académie,quirarecueilli dans la dernière
INF
édilion de son Dictionnaire, remarqiic qu'il ne se
dit qu'au ligure.
Infim, l>riNiE. Adj. L'Etre in fini, puissance
infinie. Il ne se met guère qu'après son subst.
I.\FiMMKNT. Adv. Il se wict après le verbe :
Iheu est infiniment bon. Il est infiniment heu-
reux. Il sovffre infiniment. Il a infiniment d'es-
pi-it. — Infiniment ne parait pas susceptible de
degi'ès de comparaison. Malcbranchc a dit : Il
y a sans doute infiniment bien plus de plaisir et
plus d'honneur à se conduire pur se^- propres
yeux que par ceux des autres. On sent qu'iw/î-
niment est déplacé dans celle piu-ase.
Infinité. Subst. f. Quand ce mol réirit un nom
au pluriel, le verbe doit se meltrc au pluriel :
Une infinité de gens croient, et non pas ci'oit. Il
en est de même quand ce mol est précédé du
pronom en, parce i]ue ce pronom exprime un
pluriel : Il y en avne infinité qui pensent que...
Infinité n'a pas ordinairement de pluriel, et
l'Académie ne lui en donne point. Cependant il
est des cas où le pluriel rend plus exactement l'i-
dée que l'on attache à ce mot. J.-J. Rousseau a
dit : // faut avoir combiné des infinités de rap-
ports pour acquérir des idées de convenance, de
proportion, d'harmonie et d'ordre. Ici le pluriel
rend beaucoup mieux l'idée de l'auteur que ne
ferait le singulier.
Infinitif. A l'article f^erbe, nous avons fait
connaître la nature du mode que l'on nomme in-
finitif. Isous ajouterons ici quelques observa-
tions sur son emploi.
L'infinitif est employé comme les autres noms
abstraits, et sert de la môme manière et aux mê-
mes fins. 1° On l'emploie comme sujet gramma-
tical ou logique. Nous disons, mentir est un
crime, de même que, le mensonge est un crime,
sujet logique ; fermer les yeux aux preuves écla-
tantes du christianisme est une extravagance
inconcevable, de même que, l'aveuglement volon-
taire sur les preuves, etc. Ici fermer n'est qu'un
sujet grammatical; fermer les yeux aux preuves
éclatantes du christianisme est le sujet lugiiiue.
2° L'iiifinilif est (luelqucfois complément adjectif
d'un verbe relatif. On dit, l'honnête homme ne
sait pas mentir, comme, l'honnête homme ne
connaît pas le vicnsi nge. 3° 11 est souvent le com-
plément logique ou grammatical d'une préposi-
tion. On dif, la honte de mentir, comme, la tur-
pitude du, mensonge ; sujet à débiter des phra-
ses, comme, sujet à la fièvre; sans déguiser la
vérité, comme sans déguisement, etc.
Dans les phrases où il y a plusieurs verbes de
suite, ceux qui sont iuunédiatemcnt après le pre-
mier se mcllent toujours à l'infinitif: C'est aux
mœurs et non au destin, qu'il faut imputer les
crimes. Il se faut enlr'aidcr, c'est la loi de na-
ture. S'il est quelque remède aux maux qui nous
arrivent, le courage et la patience ''■ous les fe-
ront surmonter. — Toutefois cette . »î ne s'ap-
plique pas aux verbes auxiliaires, donv la fonction
est déterminée par des principes suffisamment
établis: c'est-à-dire, qu'on met au participe, et
non à l'infinitif, le verbe qui suit l'auxiliaire :
f^oilà ce que j'ai fait. C'est ce qu'ils m'ont pro-
mis.
Il est dans le génie de la langue franç;iise de
préférer, quand on le peut, le mode infinitif à
l'indicatif ou au subjonctif. En effet, l'infinitif dé-
barrasse le discours de particules ou de petits
mots dont l'emploi fréquent rend les construc-
tions louches et le discours traînant. Ainsi on dit
il vaut mieux être malheureux que d'être cri-
INF
395
minel, l)lutôt que, il vaut Tnieux être malheu-
reux que vous soyez criminel. — Mais il est des
cas où l'emiiloi de l'infinitif serait une faute :
c'est lorsque le rapport en est incertain et équi-
voque, comme dans celle phrase : C'est pour être
heureux, mon fils, que je t'ai donné une bonne
éducation. — On ne voit pas si le sens est pour
que je sois heureux, ou pour que -mon fils soit
heureux.
On préférera encore l'indicatif ou le subjonctif
à l'infinitif, pour éviter plusieurs de qui auraient
différents sens. Ainsi, au lieu de, le philosophe
Aristippe chargea ses compagnons de dire de sa
part ù ses concitoyens , de songer de bonne
heure à se procurer des biens qu'ils pussent sau-
ver avec eux du naufrage, il faudrait dire, qu'ils
soiigeasse7it de bonne heure, etc.
Infirme. Adj. des deux genres: Un homme
infirme, un corps infirme. Il ne se met qu'après
son subst.
Irfl.^mmable. Adj. des deux genres : Corps in-
flammable, matière inflammable. Il ne se met
qu'après son subst.
Inflammatoire. Adj. des deux genres : Mala-
die inflammatoire, fièvre inflammatoire. Il ne
se met qu'après son subst.
Inflexible. Adj. des deux genres. Qu'on ne
peut fléchir. Il se dit au physique et au moral :
Il y a des bois inflexibles. La plupart des corps
fossiles sont inflexibles ,o\i ne peuvent être plies
sans être rompus. Au moral, il signifie qui ne se
laisse point fléchir, émouvoir à compassion, qui
ne se laisse ébranler par aucune considération, et
se dit des personnes et des choses qui ont rap-
port aux personnes : Un homme inflexible, un
caractère inflexible, une vertu inflexible, une
constance inflexible. En ce sens on peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Cet inflexible tyran, cette inflexible sé-
vérité.
Inflexiblement. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il est in-
flexiblement attaché à son opinion.
Inflexion. Subst. f. Terme de grammaire. On
confond assez communément les mots inflexion
et termijiaison, qui expriment pourtant des cho-
ses très-différentes, quoiqu'il y ail quelque chose
de commun dans leur signification. Ces deux
mots expriment également ce qui est ajouté a la
partie radicale d'un mol ; mais la terminaison
n'est que le dernier son du mot modifié. Par exem-
ple, aim est la partie radicale de tous les mots
qui con.sliluenl la conjugaison du verbe aimer.
Dans j'aimerai, tu aimeras, il aimera, il y a à
remarquer inflexion cl terminaison. Dans cha-
cun de ces mots, la terminaison est différente,
pour caractériser les différentes personnes ai, as,
a; mais l'inflexion est la même pour marquer
que ces mots appartiennent au même temps, c'est
partout er. IHnflexion est donc ce qui peut se
trouver entre la partie radicale et la terminair
S071 .
Influent, Influente. Adj. qui se met ordinai-
rement après son subst. Mot nouveau. Ministre
influent, écrivain influent, parti influent. Ja-
mais mot, dit Mercier, ne fut plus nécessaire.
Nous sommes de son avis. — L Académie l'a ad-
opté.
Informe. Adj. des deux genres: Une masse
informe, un animal informe. Il ne se met guère
qu'après son subst.
Informer. V. a. delà 1'' conj. Ou dit informer
OOv>
LNG
guelqv'tni de quelque chose. Racine a dit dans
bajazct (acl. II, se. v, 39) :
Ne »ouî inforasx point c« qu« je deTiendrai.
D'Olivcl et La Havj^ic ont ifimarauo avec raison
qu'il y a un solécisme (îa:is ce vers On ne dit pas
s'informer quelque chose, mais s'informer de
quelque chose. Il fallait absolument ne vous in-
forviez pas de ce que je deviendrai.
Infoutlne. Subst. f. Suite «Je malheurs aux-
quels rbouniie n'a point donné occasion, et au
milieu desquels il n'a point de reproche à se faire.
L'i/ifntiinc tombe sur nous; nous attirons quel-
quefois le vmlhcur.
Infortlmî, I^F0RTC!vÉE. Adj. On le met ordi-
nairement apics son subst. Cependant il est des
cas où l'on pourrait le mettre avant, en consultant
l'harmonie et l'anuloiric : Ces guerriers infortu-
nés, ces infortunés guerriers. Voyez Adjectif.
IsFr.vcTELR. Su!)Si. m. Kn parlant d'une femme,
on ne dit point infractrice. Mais pourquoi ne le
dirait-on pas? H y a des cas où ce mot est né-
cessaire.
* I^FRÉQUENTÉ, Infréqientée. Adj. Nous nc
donnons pas cet adj. pour un mot usité, mais pour
montrer que Delille l'a employé assez heureuse-
ment dans le vers suivant {Éneid., VIII, 119) :
Surpris de voir troubler leurs bords délicieuï.
Le flsuve infréquenté, le bois silencieux, etc.
lNFECCTcri?EMr,M. Adv. On peut le mettre en-
tre l'auxiliaire et le participe: Il a traraillé in-
fructueusement. J'aurai donc infructueusemi nt
travaillé.
Infructueux, Infructueuse. Adj. Au figuré, on
pourrait, dans certains cas, le mettre avant son
subst. : Champ infructueux, terre infructueuse,
année infructueuse. — Travail infructueux ,
d'infructueux travaux; veilles infructueuses ,
d'infructueuses veilles. Voyez Adjectif.
Infus, Infuse. Adj. Il ne se met qu'après son
KUbst. On dit science infuse, grâce infuse, sa-
gesse infuse, c'est-à-dire (ju'on n'a point accjuise
par ses soins, maiscju'il a plu à Dieu de verser
dans quelques âmes privilégiées.
Ingambe. Adj. des deux genres. Léger, alerte:
Un jeune homme ingambe. On ne peut guère le
mettre qu'après son subst.
Inoi-kieur. Subst. m. Nous avons trois sortes
d'ingénieurs ; les uns pour la guerre, ils doivent
savoir tout ce «lui concerne la construction, l'at-
taque et la défense des places; les seconds pour
la marine, qui sont versés dans ce qui a rapport
à la guerre et au service de mer; et les troisièmes
pour les ponts et chaussées, qui s'occupent de la
perfection <les gramles routes, de la construction
des ponts, de rcnd)ellissemciit des rues, de la con-
duite et de la réparation des canaux, etc.
Inoémeusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le p.irlicipe : // a répondu ingé-
nieuseiiicnt, il a ingénieusement répondu.
Ingémeux, Ingénieuse. Adj. Qui montre de
l'esprit, de la sagacité. 11 se dit des personnes et
des choses : Un poëte ingénieux, un machiniste
ingénieux. Une pensée ingénieuse, une machine
ingénieuse. Lcs choses ingénieuses déparent les
grandes choses. Si elles sont accumulées dans un
ouvrage, elles fatiguent. Elles sont plus faites pour
être dites que pour être écrites. Elles consistent
dans des rapports fins, délicats et petits, qui
échappent aux hoimnesde sens, dont l'atlcnlion se
porte sur les masses. Homère,Virgile, Miîtcn, îe
ïasso, Sophocle, Euripide, Corneille, Racine, )!e
sont point des poêles ingénieux. On le place avant
son subst., soit en jiarlant des personnes, soit ea
parlant des choses, lors(iue l'analogie et l'harmo-
nie le permettent. On ne ilira pas un ingénieux
homme, une ingénieuse femme, parce qu'il n'y a
pas une analogie étroite entre les mots homme,
femme, et ie mot ingénieux. Mais on dira vn in-
génieux artiste, vn ingénieux ouvrier, u7ie in-
génieuse ouvrière, pane tjue l'analogie est plus
mai(]Uée. On ne dira pas tm ingénieu.v pvëte,
parce (juc l'harmonie s'y oppose; mais, par la rai-
son contraire, on dira un ingénieux opticien. En
parlant des choses, on dit également bien, une
machine ingénieuse , ou celte ingénieuse ma-
chine ; une invention iîigénieusc, ou cette ingé-
nieuse invention, etc.
Il régit quelcjucfois la préposition à : Il est in-
génieux à se tourmenter.
Ingénu, Ingénue. Ailj. Il ne se met qu'après son
subst. : Un homme ingénu, vn esprit ingéiiu,
un air ingémi, une réponse ingénue.
Ingénuité. Subst. f. L'ingénuité n'est ni la
naïveté, ni la simplicité, ni la franchise, comme
le dit l'Académie. L'ingénuité fait avouer ce
([u'on sait et <c qu'on sent; elle ne sait rien ca-
cher, fait souvent pécher contre la ])rudencc, et
se trahit elle-même. La naïveté fait dire li-
brement ce qu'on iiense; elle fait souvent
manquer à la politesse, et offense quelque-
fois. La franchise fait parler comme on pense;
c'est un effet du naturel. Elle ne saurait dis-
simuler. La simplicité ne connaît ni le déguise-
ment, ni le raffinement, ni la malice; elle montre
le caractère à découvert ; elle tient à une inno-
cence pure.
Ingénument. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Jiépondre ingénu-
luent. Il a ingénument répondu que... Il a avoué
ingénument, il a ingéruimcnt avoue.
Ingrat, Ingrate. Adj. On le met quelquefois
avant son subst., en consultant l'oreille cl l'ana-
logie : Un homme ingrat, vn ami ingrat, une
épouse ingrate, une ingrate épouse. — En par-
lant des personnes, il régit la jtréposition envers.
On dit être ingrat cnvcvs quelqu'un, cl non pas
être ingrat à quelqu'un. En parlant des choses,
il régit à : Une terre ingrate à la culture, une
pierre ingrate au ciseau.
Ces mêmes dignités
Onlrendu Bérénice ingrate à vos bontés.
(Rlc, Bérén. acl. I, se. III, 39.)
Ingrat à tes bontés, ingrat à Ion amour.
(Volt., Mort de Céiar, acl. I, se. IV, 8.)
Mallieur .- 'loyen, ingrat h sa pairie.
Qui vend ' étranger son avare industrie.
(Delille.)
Aujourd'hui que la langue semble commencer
a se corrompre, dit Voltaire, et qu'on s'étudie à
parler un jargon ridicule, on se sert du mot im-
propre vis-éi-vis après ingrat: Plusieurs gens
de lettres ont été ingrats vis-à-vis de moi, au lieu
é'envcrs moi.
Ingratitude. Subst. f. L'Académie ne lui donne
point de pluriel. Il n'en a point en effet (juand il
signifie le vice de l'ingratitude : Je suis surpris
de l'ingratitude de vos enfants. Mais on lui eri
donne un quand on l'emploie pour signifier des
INI
actes qui proviennent du vice : On éprouve bien
des ingratitudes dans ce monde.
Me fait un long récit de m«> ingratitudes.
(Rac, Britan., acl. 11, se. Il, 116.)
Inguérissable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : U/i homme inguîris-
sable. Ce mol n'est ijue du discours familier.
Lnguinal, Inguinale. Adj. On f;ut sentir Vu.
Il ne se met iiu'aprésson subst.
Inhabileté. Subsl. f. Motnouvcau que l'usage a
adopté. Ce mol, dit La Harpe, peut nous fournir une
nuance de!)lâmcau-des>usdc l'impérilic ; comme
un style inélégant est un peu au-dessus du style
plat; comme Vinurhanité est un peu au-dessus
delà grossièreté.
Inhabile. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst.
I^HABIT.ABLE. Adj. (Ics dcux gcnrcs. On yieut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Maison inliahilable, pays inhabi-
table. Cet inhabitable pays, celte inhabitable
contrée. \ oyez Adjectif.
Inhabité, Inhabitée Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Lieux inhabités, contrée inha-
bitée.
* INH.ABITDDE. Subst. f. J.-J. Rousscau 3 dit :
Uinhabitude de penser da?is l'enfance, en ôte la
faculté durant le reste de la vie. \_' inhabitude
n'est pas seulement ici l'absence, le défaut d'ha-
bitude, mais un élal positif qui influe sur le reste
de la vie. Voyez In.
Inhérent, I;sHÉr.ENTE. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Qualité inhérente.
Inhumain, Inhumaine. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Maître inhumain, tyran
inhumain. — Action inhumaine, traitement in-
humain, loi inhumaine, coutume inhumaine .
Inhumainement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : On Ca traité inhumainement.
Inimaginable. Adj. des deux genres qui ne
s'emploie que dans la conversation : Un contre-
temps inimaginable.
Inimitable. Adj. des deux genres. Qui ne peut
être imité, et non pas qu'on ne doit pas imiter :
Une action inimitable, -un ouvrage inimitable .
On ne peut guère le mettre avant son subst.
L'Académie a d'abord paru condamner cette
phrase : La nature a des beautés inimitables à
Vart. Ces expressions négatives, inimitable, in-
comparable, indicible, et une infinité d'autres,
ne régissent rien ordinairement, parce que ce
qu'on peut y ajouter est inutile et redondant ; car
dire qu'wM homme est incomparable, c'est dire
qu'on ne peut le comparer à personne; une joie
indicible est celle qu'on ne peut exprimer par
aucune parole; inimitable est ce qu'une personne
ne peut imiter; ainsi il semble qu'il y ait quel-
que faute ou manière de |)léonasme à dire que la
nature a des beautés inimitable 'i l'art. Cepen-
dant, après un mûr examen, a/""^ i.'roir discuté
plusieurs exemples (pii ont part» \rés-bons, il a
été décidé qw'' inimitable va ordinairement sans
régime, mais que dans le style soutenu, ou lors-
qu'il y a quelque comparaison, il peut en souffrir
\n\. {Décisions de l'Académie.)
Inintelligible. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son suiist., en consultant l'analo-
gie et rhannonie : Un discours inintelligible,
cet inintelligible discours. \ oyez Adjectif.
Inique. Adj. des deux genres. Il a une signi-
fication inoms étendue qu'injuste. Il a rai)port à
INJ
397
une injustice excessive, criante, et se dit parti-
culièrement des juges et des jugements. On dit
un juge inique, et un homme injuste. On jjcut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un juge inique, un
jugement inique, cet inique jugement. Voyez
Adjectif.
Iniquement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : Juger iniquement. On l'a jugé iniquement.
Initial, Initiale. Adj. On a[)pclle lettre ini-
tiale la première lettre de chaque mot, comme
on appelle finale la dernière. Il ne se met (ju'a-
près son subst. : Lettre initiale, un ^initial, unà
initial, etc. Voyez Majuscule.
Injure. Subst. f. Ce mot, dans une significa-
tion étendue, se prend pour tout ce qui est fait
pour nuire à un tiers contre le droit et rcipiité.
l)ans une sieiùficalion plus élroilo, il signifie tout
ce qui se fait nu mépris de (juohiu'un, dans le
dessein de l'offenser, soit en sa personne, ou en
celle de sa femme, de ses enlants ou domestiques,
ou de ceux qui lui appartiennent soit à titre de
parenté ou autrement. Ce n'est pas la même chose
que^)7/; ce dernier trouble dans la possession
des biens, de la réputation ; il attaque la pro-
priété. L'injure impute des défauts, des crimes,
des vices, des fautes; elle nie les bonnes qualités,
elle attaque la personne. Racine a dit [Iphigénie,
act. II, se. VIII, 2) :
Orgueilleuse rivale, on t'aime et lu murmures I
SouITrirai-je à la fois ta gloire et tes injures ?
Racine, dit Luneau de Boisjermain, a trouvé
moyen d'employer trés-heureusemcnl le mot in-
jures dans le sens à'invectives, quoique, dans
cette acception, injure ne soit pas noble. Cette
expression , qui s emploie très-bien lorsqu'elle
signifie injure faite ou reçue, devient basse et
triviale lorsqu'elle signifie parole injurieuse; et
il faut beaucoup d'art pour l'employer en ce
sens dans le style noble. On en trouve encore un
exemple dans Andromaque (act. IV, se. v. 32j :
Je crains votre silence, et non pas vos injuTcs.
Cet exemple n'est pas, à beaucoup i)rès, si heu-
reux que le premier, où la bassesse du mot in-
jure est relevée par la noblesse du mot gloire.
Injurieusement. Adv. 11 ne se mel qu'après le
verbe : On l'a traité injurieusement.
Injurieux, Injurieuse. Adj. 11 se construit
tantôt avec la préposition à, tantôt avec la
préposition powr ; Ce mémoire est injurieux aux
magistrats. Injurieux pour ses amis. (.\cad.)
On peut le mettre avant son subst., en consul-
tant l'oreille cl l'analogie : Mémoire injurieux,
discours injurieux , paroles injurieuses ; cet
injurieux discours, cette injurieuse apostrophe.
"Soyez Adjectif.
Injuste. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subsl., en" consultant lorcille
et l'analogie : Un homme injuste, et non pas un
injuste Iwmme. Un arrêt injuste, un injuste
arrêt ; une sentence injuste, une injuste sen-
tence; une demande injuste, une injuste de-
mande; une guerre injuste, ujie injuste guerre;
des moyens injustes, d'injustes moyens; etc.
^■oyez Adjectif. r • i
Injustement. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe ; Il a été
condamné injustement, il a été injustement
condamné. , . •
Injustice. Subst. f. Il n'a point de pluriel
398
L\0
lorsqu'il se prend pour l'habitude contraire a la
juslicc : L'injustice régnait en ce siècle. Il en
a un lorsqu'il se prend pour les effels de l'in-
justice, el alors il a un sens passif : J'ai entendu
de sa part de grandes injustices. Corneille a dit
rendre injustice. Aoltairc dit à ce sujet, on ne
rend point injustice comme oti rend justice. I.a
••aison en est qu'on rend ce qu'on doit On doit
justice, on ne doit pas injustice, [fteinarqnes
sur CorneUlf.) — On dit faire une injustice,
faire d^- injustices d quelqu'un; mais on ne
dit pas 9oiis article, faire injustice.
ILLISIBLE. Adj. des deux genres. Voyez illi-
sible.
Innavigabi-e. Adj. On fait sentir les deux n.
Il ne se met qu'après son subsi. Cet adjectif est
peu usité.
Inné, IrvNÉE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. On |)rononce les deux n.
Il se dit de ce qui nail avec nous, par opposi-
tion à ce que nous acquérons.
Innocemiif.nt. Adv. On prononce inoçament. Il
ne se met qu'après le verbe : Parler innocem-
ment, n a vécu innocemment. Delille l'a em-
ployé dans une acception que n'indique point
l'Académie [Enéide, II, 917) :
Sur la tèle d'Ascagne une flamme rayonne,
Tourne autour de son front en brillante couronne.
Et, d'un léger éclair l'effleurant mollement,
Autour de ses clieveui se joue innocemment.
Ihnocence. Subst. f. On prononce inoçance.
Ce mot n'a point de pluriel. On a reconnu son
innocence.
Innocent, Innocente. Adj. On prononce ino-
çant. On peut le mettre avant son subst., lorsque
l'analogie et l'harmonie le permettent : Un
homme innocent. — Ame innocente, esprit in-
nncent, vie innocente, mœurs innocentes. — Les
innocentes bergères, d'innocents plaisirs. Voyez
Adjectif.
Innombrable, Adj. des deux genres. On ne
prononce qu'un n. L'acception de ce mot varie
dans l'esprit des hommes selon les circonstances.
Pour un sauvage qui ne peut pas compter au
delà de cinquante, ce qui est innombrable com-
mence au delà de ce nombre. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Une multitude innombrable, une innom-
brable multitude; des esprits innombrables ,
d'innombrables esprits ; ses innombrables vais-
seaux. Voyez Adjectif.
Innovation. Subst. f. On fait sentir les deux n.
Inoccupé, I>occupée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme inoccupé, une
vie inoccupée .
Inodore. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. Qui n'a point d'odeur : Fleurs
inodores.
Inoffensif, Inoffensive. Adj. Mot nouveau
qui est utile, et que l'usiise a adopté. Une ré-
ponse inoffensive, qui n'offense point, dont on
ne peut point s'offenser. C'est une qualité réelle
dans une réponse d'être inoffcnsivc.
Inopiné, Inopinée. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. Qui vient sans être attendu : Un acci-
dent inopiné, un bonheur iniipiné. H se dit des
événements heureux et malheureux : Accident
inopiné, affaire inopinée.
Inopinément. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe: // arriva inopinément; cela est arrivé
inopinément.
INS
Inopï, Inouïe. Adj. Dont on n'a pas encore en-
tendu pnrier. On dit le cas est inouï, cette action
est inouïe. Il se prend encore dans un autre
sens, comme dans ces vers :
Cerbère en est ému; ses oreilles avides
Savourent des acceoU aux enfers tnou'ti.
Il ne se met qu'après son subst. : Une action
inouïe, une cruauté inouïe.^
INQUIET, Inquiète. Adj. Etre inquiet de quel-
que chose, marque la cause de l'inquiétude : Je
suis inquiet de 7ie point recevoir de ses 7iou-
velles. Être inquiet sur quelque chose, en ex-
prime l'objet : Je suis inquiet sur son sort. Je
suis inquiet sur cette affaire.
Liquiet se dit des choses qui ont rapport aux
personnes; Joie inquiète, esprit inquiet, carac-
tère inquiet. On le met quelquefois avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent.
Des conrtisans sur nous les inquiet» regards
Arec avidité tombent de toutes parts.
(Volt., OEd., act. III, se. I, 25.)
Voyez Adjectif.
Inquiétant , Inquiétante Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille el
l'analogie : Une situation inquiétante, cette in-
quiétante situation; une affaire inquiétante,
cette inqtiiétante affaire. "N'oyez Adjectif.
Inquiétude. Subst. f. Agitation de l'àme qui a
plusieurs causes. Vinquietude, quand elle est
devenue habituelle, se trouve ordinairement dans
les hommes dont les devoirs, l'état, la fortune,
contrarient l'instinct, les goijts, les talents. Ils
sentent fréquemment le besoin de faire autre
chose que ce qu'ils font. Dans l'amour, dans
l'ambition, dans l'amitié, Vinquietude est pres-
que touj(jurs Teffet du uiccontcntement de soi-
même, du doute de soi-même, et du prix ex-
trême qu'on attache à la possession de sa mai-
tresse, d'une place, de son ami. 11 y a une autre
sorte d'inquiétude qu' 'l'est qu'un effet de
l'eninii, du besoin, des liassions, du dégoiit.
Il y a aussi \'i?iquiétude des remords.
Insalubre. Adj. des deux genres. Un logement
insalubre, une exposition itisalubre. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Cette insalubre expo-
sition .
Insatuble. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un homme insatiable,
une femme insatiable. Une avarice insatiable,
une insatiable avarice. — Le pér(! Bouhours
prétend i\\i'insatiable doit se dire absolument ,
et condamne insatiable de biens, insatiable de
voir. L'Académie admet de avec un substantif :
Insatiable d*^ -loire, i?isatiable d'honneurs, in-
satiable de i*" \'!ses. Insatiable de louanges.
Ce rogiine est woité aujourd'hui. Nous ne croyons
pas qu'on puisse l'employer avec un verbe , et
l'Académie n'en donne point d'exemple. Voyez
Adjectif.
Insatiablement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Il est insatiablement avide de gloire.
Inscription. Subst. f. L'inscription, en litté-
rature, se dit de l'épigraphe, de l'épitaphe, et
de tout ce qui s'écrit en style lapidaire sur le
cuivre, le marbre, etc.
iNscr.iRE. V. a. el irrég. de la 4* conj. Il se
conjuçue comme «crire. Voyez ce mot.
INS
Imscbdtable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'iipiès sou subsl.
Iksçu. Subst. m. \ oyez Insu.
rNSE>sÉ, IrtsENSÉE, Adj. Oii donnc celte épi-
thète injurieuse à ceux ([ui ont réellement perdu
le sens et la raison, et à ceux qui se conduisenl
comme s'ils en étaient privés. Il se dit aussi des
choses, et ne se met qu'après son subst. : Un
hotinne insensé, nu discours insensé, une action
insensée, une entreprise insensée, une passion
insensée. — On l'emploie aussi substantivement :
Un insensé.
1nse>sible. Adj. des deux genres, qui se prend
i|uoli]uefois subslaiitivemenl. En consultant l'a-
nalogie et l'harmonie, on peut le mettre avant
son subst., dans les deux sens que lui donnent les
dictionnaires: Un homme insensible, v ne femme
insensible, son insensible cœvr. — Une transpi-
ration insensible, vîie insensible transpiration ;
vn viouvement insensible, cet insensible mou-
vement. \'o)'ei Adjectif.
Inséparable. Adj. des deux genres. Employé
sans régime, il se dit des personnes et des choses :
Deux amis inséparables, la chaleur et le feu
sont inséparables. Appliqué aux personnes, il a
un sens actif, et signifie qui ne se sépare point ;
appliqué aux choses, il a un sens passif, et si-
gnifie qui ne peut être séparé. Dans les deux
sens, on peut le mettre avant son subst., en con-
sultant l'analogie et l'harmonie : Deux amis in-
séparables, deux inséparables amis; des qua-
lités inséparables, ces inséparables qualités. En
parlant des choses, il régit la préposition de :
Le remords est inséparable du crime. (.\cad.)
L'orgueil est presque inséparable de la fureur.
(Fléchier.) Voyez Adjectif.
IîisÉPARABLEME>T. Adv. Il pcut sc mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ils sont unis insépa-
rablement, ils snnt inséparablement unis.
Insidieuseiie^t. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : On l'a
amené insidieusement à faire cette promesse ,
OU on Va insidieusement amené à faire cette
promesse.
Insidiedx, Insidieuse. Adj. Il se dit de ce qui
est suggéré par le dessein secret de tromper et
de nuire. On tient des discours insidieux, on
envoie des présents insidieux, on fait des ca-
resses insidieuses. On peut le meltre avant son
subst., en consultant l'oreille et l'analogie : Des
caresses insidieuses , d'insidieuses caresses.
Voyez Adjectif
Insig.ne. Adj. des deux genres. On mouille le
gn. Qui se fait distinguer par quelque qualité
I)eu commune. Il se dit des personnes et des
choses, et se prend en bonne et en mauvaise
I)arl. Un service insigne, une calomnie insigne.
On peut le mettre avant son subst., lorsque l'ana-
logie et l'harmonie le permettent. Cest un insigne
bonheur, c'est un bonheur insigne; U)ie faveur
insigne, une insigne faveur ; un fripon insigne,
un insigne fripon. \o)'GZ Adjectif.
InsiGNiFiAHT, 1^SIG^1FIA^TE. Adj. On mouille
le gn. Un homme insignifiant, une promesse
insignifiante. On peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie : Je ne fus
point satisfait pur ces insignifiantes promesses.
Insinuant, Insinuante. Adj. Il ne se dit qu'au
figuré. En parlant des personnes, il ne se met
qu'après son subst.; en parlant des choses, on
peut le meltrç avant, si l'analogie et l'harmonie i
le permettent. Un homme insinuant, une femme '
INS
399
insinuante. — Des manières insinuantes, ces
insinuantes 7nanières. \ oyez Adjectif.
Insipide. Adj. des deux genres. Il se dit de
tout ce qui ne lait pas sur le goût une impression
marquée. On l'emploie au physique et au moral.
On peut le mettre avant son subst., en consultant
l'oreille et l'analogie. Une liqueur insipide, une
insipide liqueur. — U?ie plaisanterie insipide,
une insipide plaisanterie ; des louanges insi-
pides, d'insipides louanges. Voyez Adjectif.
Insistance. Subsl. f. Action d'insister; persé-
vérance à demander quelque chose, à soutenir
quelque avis, quelqueopinion. Mot nouveau pro-
posé par Mercier. Nous n'avons point de mot dans
la langue qui exprime exactement l'idée (jue pré-
sente celui-ci; nous pensons donc qu'on pourrait
l'admettre; et quelques écrivains l'ont déjà em-
ployé : L'insistance du mendiant valide ajoute
encore « l'abjection du métier. Il est de fait
que les hommes en place accordent plus à l'in-
sistance qu'au malheur réel, f^oules-vous réus-
sir, ne négliges pas l'insistarice. Tous ces
exemples sont de Mercier. — En 1833, l'Académie
admet ce mot.
Insister. V. n. de lal"conj. On dil insister
à, cl insister sur.
Insister à exprime la continuité de l'action,
et est toujours suivi d'un verbe : Insister à de-
mander une chose. Insister sur a rapport à la
chose même, et est toujours suivi d'un nom : Il
insiste sur cette prétention-
Insociable. Adj. des deux genres: Uji homme
insociable, une femme insociable. En parlant
des choses, on peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie : Une humeur
insociable, cette insociable humeur; un caractère
insociable, cet insociable caractère.
* Insocial, Insociale. Adj. Mot nouveau, que
Voltaire a employé : Ce contrat social ou insocial
n'est remarquable que par quelques injures dites
grossièrement aux rois parle citoyen du bourg de
Genève, et par quatre pages insipides contre la
religion chrétienne. L'opposition entre social et
insocial peut faire passer la dernière expres-
sion.
Insolemment. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il a parlé insolemment, il a insolemment
répondu.
Insolence. Subst. f. L'insolence consiste à
exagérer les avantages de son état, et à les faire
valoir d'une manière outrageante pour les au-
tres. Quand ce mot signifie Te défaut, il n'a point
di; pluriel : L'insolence de cet homme est grande.
(Juaiid il se dit des paroles et des actions, on lui
en donne un : Il a dit des insolences.
Insolent, Insolente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un homme insolent, tine femme insolente ;
un valet insolent, un insolent valet; des dis-
cours insolents, ces insolents discours. lis avaient
passé rapideynent de la consternation la plus
profonde à la plus insolente présomption. (Bar-
thélem.) Cet adjectif peut être suivi d'une des
prépositions dans, en et avec. — Les âmes
basses sont insolentes dans la bonne fortune. Il
est insolent en paroles, insolent a^vGcles femmes.
(Acad.)
Insoluble. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., si l'analogie et l'har-
monie le permeltent : Un problème insoluble,
cette insoluble difficulté.
Insouciant, iNSOcciANri:. Adj. On peut le
mcllre avant son subst., en consultant l'oreille et
4U0
INS
l'analogie : Un homme insouciant. Béreillez
donc l'activité de votre insouciant ami. A'oycz
Adjectif.
Insoumis, Insodmise. Adj. qui neso mel qu'a-
près son subsi. : Les peu pic -i insoumis.
Insoutenable. Adj. des deux genres. On peut
le meure avant son subst., lorscjuc l'analogie et
riiarmonie le pcrmeltenl : Un liomme insoute-
nable, une femme insoutenable ; une opinion
insoutenable, cette insoutenable opinion ; une
vanité insoutenable , utie insoutenable vanité.
Voyez Adjectif
Inspecteli;. Subst. m. L'Académie nedit point
comment il faut dire en parlant d'une femme.
Mais il y a des inspectrices dans certains éta-
biissemo'nis, et rien n'empêche, ce me semble,
de recueillir ce mot dans les dictionnaires.
Inspireh. X. a. de la 1" conj. On d'ilinspircr
quelque chose à quelqu'un, llacine fait régir à ce
verbe la préposition dans. {Alexandre, act. III,
se. VI, 25) :
. . . Vos bontés, à leur tour,
Dana les cœurs les plus durs inspireront l'amour.
L'abbé d'Oliveta condamné ce régime. Racine
lils l'a défendu, mais sans appuyer sa défense sur
des raisons. Nous croyons d'auiant mieux que ce
régime est bon, que, comme l'a dit Racine lils,
il était aisé à son père de l'éviter en mettant :
Même aux cœurs les plus durs inspireront l'amour.
Nous nous rangeons de l'avis de Racine fils, et
voici nos raisons :
1' L'Académie ne dit ce mot que des per-
sonnes; et elle ne donne aucun exemple qui puisse
faire croire qu'on peut dire : Inspirer quelque
chose au cœur, à l'esprit de quelqu'im.
2" Inspirer (jueUiu'un, c'est lui communiquer
un mouvement intérieur qui le détermine à faire
quelque chisc. L'idée de volonté cnt'-e donc
dans celle d'inspiration; on ne peut donc in-
spirer que des êtres capables de volonté; on ne
peut donc inspirer que des personnes.
Mais dans les vers dont il est question. Racine
n'a pas pris ce veibe en ce sens, mais dans le
sens figuré de souffler. On dit au propre, inspirer
de l'air dans les poumons (Acad.), et au ligure,
inspirer de l'amour dans le cœur. Dans le pre-
mier sens, inspirer suppose une action qui doit
être faite par celui qui a reçu l'inspiration;
dans le second, il suppose une modification, un
senlimcnt qu'il doit éprouver. Inspirer de l'a-
mour à quelqu'un , c'est lui communi(]ucr un
mouvement intérieur qui le porte à aimer. In-
spirer l'amour dans le cœur de quelqu'un, c'est
faire sur son cœur une impression qui lui fait
éprouver, bon gré mal gi'é, le sentiment de l'a-
mour. D'après cela, on pourrait fort bien dire,
il m'était indiffèrent ; viais enfin, ses soins, sa
complaisance, la bonté du son caractère , les
agréments de sa conversation, m'ont inspiré de
l'amour pour lui; et la beauté de cette femme
est si séduisante, qu'à la previicre rue elle in-
S[)ii'e de l'amour dans tous les cœurs. — .le ne
prétends pas dire que celte façon de parler soit
usitée; mais je pense qu'elle devrait l'être, puis-
qu'elle exprime une nuance différente de l'ex-
pression ordinaire ; et ce qui conlrihue beaucoup
à in'affermir dans celle opinion, c'est l'exemple
de Racine.
* I^STABLE. Adj. dcs deux genres. Ce mol doit
être admis, dit La Ilarpc, puisque nous avons
INS
instabilité, et que tous deux nous viennent du
lalin. On dirait Irès-bicn un caractère instable,
pour dire un carariére qui n'a point de solidité.
Cet adjectif cx[)rime une qualité réelle et po-
sitive. Voyez In.
Instamment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire elle jiarticipe : Il m'en a prié in-
stamment, il m'en a instamment prié.
Instance. Subst. L L'usage ne permet point
d'employer ce substantif au singulier. On dit
faire des instances, faire de grandes instances,
cl non pas faire une instance, fiire une grande
instance. Instance signifie prières, demandes
réitérées, ce qui emporte l'idée du pluriel. Il ne
faut donc pas imiter rAcadémic qui dit, avec in-
stance, faire instance. — Ce mot n'a de singulier
qu'en termes de palais : L'instance était grande
à tel tribunal. Tribunal de première instance.
Instant. Subst. m. On dit en un instant, et
cela s'appli(|ue au présent et au passé : // le fait
en un instant, il l'a fait en un instant. Dajis
un instant marque un futur : Je reviendrai
dans un instant.
Instant, Instante. Adj. Fcraud prétend que
cet adj. ne peut s'employer iju'au féminin avec
les substantifs prière, sollicifalii.n, poursuite,
demande, el le plus souvent au pluriel. Cepen-
dant l'Académie dit : Le péril est instant, le be-
soin est instant. L'emploi de ce mot, en ce sens,
est d'autant moins Imiucnt, qu'il dit moins que
pressant el urgent, (jui [leuvent toujours le sup-
l)Iéer. On peut le mettre avant .son subsl., en
consultant l'oreille et l'analogie: Des prières in-
slanles, ces instantes prières. A oyez Adjectif.
Instant (a l'). Expression adverbi.ilc. Elle se
met quelquefois au commencement de la phrase :
A l'instant on chanta le combat des Centaures
avec les Lapithes. (Fénél., Télém., liv. I, t. I,
p. 74.) On le met aussi après le verbe : Il partit
à l'instant. On ne dit pas il est à l'instant parti.
Instantané, Instantanée. Adj. Qui ne dure
qu'un instant. Il n'y a pas longtemps encore que
l'on écrivait instantu?iée au masculin comme au
féminin : Ce mouvement, dit Voltaire, n'a été
qu'instantanée. Giàce à l'Académie, on a rejeté
celte exception inutile, el contraire à l'analogie
de la langue. On dit aujourd'hui un mouvcmetit
instantané. Cet adj. ne peut se mettre qu'après
son subst.
Instigateck. Subst. m. Celui qui excite un
autre à faire quehjue chose. En parlant d'une
femme, on dit instigatrice.
Instigier. V. a de la 1'" conj. En vain, dit un
critique, le barbarisme instigucr esl-il placé de-
puis plus de cent ans dans nos dictionnaires; le
bon goût le re[)Ousse et le repoussera toujours. —
Celte critique ne nous semble pas juste. Insti-
guer n'est ni plus barbare, ni plus contraire au
bon goût, qu'instigation el instigateur, queVix-
sage admet. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'il esl
peu usité.
Instill.ation. Subst. f. On fait sentir les deux
l sans les mouiller.
Instiller. V. a. de la 1'" conj. On fait sentir
les deux l sans les mouiller.
Instituer. V. a. de la 1'' conj. 7w<?r forme
deux syllabes.
Instituteur. Subst. m. En parlant d'une fem-
me, on dit Institutrice.
Instructeur. Subst m. Peu d'auteurs, dit
A'ollaire, se sont servis de ce mol qui manque à
notre langue. 11 s'en est servi lui-même dans les
vers suivants {Le Busse a Paris, 102) :
INS
N«mm(i-moi donc ces saints que le ciel favorise.
Maître Abraham Cliaumeix, Haytr le récollet,
El Berlliier le jésuite, et le diacre Trulilot.
Et le doux Laveirac, et Nonotte et tant d'autres,
Ils sont tous parmi nous ce qu'étaient les apôtres,
Avant qu'un feu divin filt descendu sur eux,
De leur siècle profane inêtructeurt généreux, etc.
Ikstrdctif, Instructive. Adj. 11 lie se dit que
des choses, cl ne se met point avant son subst.
Rousseau a dit en vers, Vinsiructive morale ;
mais l'inversion parait dure.
Instruction. Suhsl. f. L'Académie met avoir
de V instruction, pour dire être instruit. Ce néo-
logisme n'est pas tiès-régulier, car instruction
s'est toujours dit activement de l'aciioii d'in-
stFuire. Cependant ilest adopté aujourd'hui assez
généralement, et on dit qu' un jeune homme a
de Vinstruction, pour dire qu'il a des connais-
sances dans plusieurs sortes de sciences.
Instruire. Y. a. de la 4' conj. Ce verbe se con-
jugue comme nvire. Il régit à devant un infini-
tif: Je m'instruis à lui répondre. La nature in-
struit les animaux à chercher ce qui leur est
propre.
Je l'instruirai moi-même à venger les Troyens.
(RlC, Androm., acl. I, se. IV, 69.)
Vous me donnez des noms qui doivent me surprendre,
Madame ; on ne m'a pas instruite aies entendre.
(lUc, Iphig., act. II, se. V, 45.)
"Voltaire a dit:
Ne pourra-t-on m'instruirt
Qui commande en ces lieux, quel est le sort d'AIzire,
Si Montèze est esclave et vuitencor le jour.
S'il traîne ses malheurs en cette horrible cour?
{Alt., act. II, se. I, 33.)
C'était pour nous instruire
Qae (onvent la raison sufGtà nous conduire.
[Hcnr., IX, 257.)
Son exemple initruioait bien mieux que ses diseonrs,
[Idem, IX, 263.)
Devant les noms, il régit ordinairement par : Il
7n instruit par son exemple. Mais quelques poè-
tes, au lieu de par, ont employé de:
Instraisei-Ie d'exemple
(CoBK., Cid, act. I, se. Tl, 33.)
Il m'instruisait d'exemple an grand art des héros.
(Volt., i/enr., II, 1Î5.)
Instrumental, Instrumentale. Adj. qui ne se
met qu'après son subsl. . Cause instrumentale,
musique instrumentale. Il n'a point de pluriel
au masculin.
Insu. Subst. m. Féraud observe judicieusement
que, puisqu'on écrit aujourd'hui savoir, j'ai su,
on doit écrire insu et non pas insçu. C'est ce
qu'a fait l'Académie dans la dernière édition de
son Dictionnaire.
Insuffisant, Insuffisante. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorstjue l'analogie et
l'harmonie le permeltenl : Moyens insuffisants,
quantité insuffisante. Celle insuffisante doc-
trine .
Insultant, Insultante. Adj. Il ne se dit que
des choses, et peut se mettre avant son subsl.
lorsque l'analogie et l'harmonie le pennettent :
Discours insultant, paroles insultantes, manié-
INT
40{
rf j insultantes. Ces insultantes maiiières, cet
insultant procrdé. Voyez Adjectif.
Insulte. Subsl. f. Ce mol, qui ne peut être
employé aujourd'hui qu'au féminin, était autre-
fois masculin. Buuhours, Fléciiier, lui ont donné
ce genre ; et Boileau a dit dans son Lutrin :
Evrard seul, en un coin prudemment retiré.
Se croyait à couvert de l'insuiCs taeré.
(V, 235.)
Deux puissants ennemis
A mes sacrés autels font un profane imulte.
(VI, 135.)
L'Académie ne donne point d'exemple du plu-
riel, ce qui ferait croire que ce mot ne peut être
employé à ce nombre. Cependant on dit faire
des insultes, il a reçu de luiplusieurs insultes.
Insulter. V. a. de la 1'^ conj. On dit insulter
quelqu'un, et insulter à quelqu'un. Le |)reinier
signifie simplement faire insulte à quelqu'un; h.
second ajoute à celle idée celle de la lâcheté qui
fait qu'on prend avantage de la faiblesse, de la
misère, du malheur de (luclqu'un pour l'insulter :
Insulter aux malheureux.
Ce même Agaraemnon à qui vous insultez
(RiC, Jphig., act. II, .se. V, 60.).
Dans ce sens, il se dit des choses : Les imita-
teurs des passions des grands insultent à leurs
vices en les imitant. (Massillon. Petit Carême.
Des exemples des grands, V part., t. I, p. 557.)
Comhienvoit-on de femmes, parce qu'elles ne tom-
bent pas dans des péchés grossiers, insuller à la
fragilité et à la faiblesse! (Fléchier.)
Voudrait-il insulter à la crainte publique?
(Rac, Iphig., act. I, se. II, 30.)
Que des yeux étrangers pleurent au moins son sort,
Tandis que dans ces lieux on insulte à sa mort.
(Volt., Oresfc.act. II, se. Il, 35).
Il part, et des rameurs
L'insolente allégresse insulte à mes douleurs.
(Delil., Énéid., IV, 621.)
Insupportable. Adj. des deu.^ genres. Qu'on
ne peut supporter. Il se dit des choses et des per-
sonnes : Un homme insupportable. Un joug in-
supportable. On peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie : Une dou-
leur insupportable , une insupportable douleur.
Une humeur insupportable, une insupportable
humeur. Voyez Adjectif.
Insupportablement. Adv. Il se met après le
verbe ; Il écrit insupportablement.
Insurmontable. Adj. des deux genres. Qui ne
peut être surmonté. Le hasard, la misère ci d'au-
tres circonstances nous exposent à des lentalions
presque insurmontables. Ce projet présente des
difficultés insurmontables. Lorsque nous ju-
geons qu'une chose est insurmontable, c'est par
le rapport des moyens aux obstacles. Ainsi ce ju-
gement suppose deux choses bien connues, la
force des moyens et la grandeur des obslades. On
peut le mettre avant son subst., en consultant
l'oreille et l'analogie : Des difficultés insurmon-
tables, d'insurmontables difficultés. Voyez Ad-
jectif. , , ,
Intact, Intacte. Adj. On prononce le c et le ^
On ne peut le mettie qu'après son subst. : Un
dépôt intact, une vertu intacte, un ho/nme intact.
Intarissable. Adj. des deux genres. Qu'on ne
peut tarir Ce mol est pris de l'amas des eaux, li
26
/i02
INT
sedit au propre cl au figuré, et on peut le mettre
avant ^oii subsl., lorsque l'analogie et Iharmonie
le permettent. : Une source intarissable, vue
carrière intarissable, des larmes intarissables.
— Cette intarissable source de larmes... Cet
intarissable babil. \ osez Adjectif.
Intègre. Adj. des îleux genres. 11 ne se inet
qu'après son subst. : Juge intègre, U7ie vertu
intègre.
Intellect. Subst. m. Féraud prétend qu'on
prononce intellek. On prononce intcllecte. C'est
l'àme en tant qu'elle conçoit.
Intellectuel, Intellectuelle. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Les facultés intellcc-
txtelles, objet intellectuel, véritvs intellectuelles.
Intelligence. Subsl. f. L'Académie dit ; lissant
d'intelligence pour vous surprendre, pour vous
<roOTpe/-. Ilacineadit {Bajaz.,ncl.Ul, se. vu, 2):
Tous deui à me tromper sonl-ils d'intelligence î
Lequel de ces deux régimes est le meilleur? Il
semble que le premier a rapport aux mesures
concerlées pour tromper, et le second au concert
de l'action.
Intelligent, Intelligente. Adj. Être intelli-
gent, substance intelligente, homme intelligent.
il ne se met (ju'après son subst.
Intelligible. Adj. des deux genres. Paroles
intelligibles, passage intelligible, auteur intel-
ligible. 11 ne peut guère se mettre avant son subst.
Intelligiblement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire cl le participe. Il a prononcé intelli-
gUlement, ou il a intelligiblement prononcé.
INTE.MI>É^,A^T,1^■TEMPÉRA^TE. Adj. Un homme
intempérant. 11 suit toujours son subst.
IisTEjipÉr.iE. Subst. f. Il se dit de la mer, de
l'air, du climat, des saisons et des humeurs.
Intention. Subst. f. C'est la lin que se propose
un homme en agissant. L'Académie dit : Il a
intention, et il a l'intention de faire quelque
chose. 11 doit y avoir quelque différence entre
ces deux expressions. Je [lense qu'elle peut se
tirer de la nature même des termes. Dans il a
intention, intention est pris dans un sens indé-
fini. Ainsi on dira d'un homme qui, en général,
a intention de nuire à quelqu'un lorsqu'il en
trouvera l'occasion, il a intention de vous nuire.
Dans avoir l'intention, le mot intention est déter-
miné pas l'article; il signifie donc une intention
parliculicre. Ainsi on dira il a l'mtention de
vous nuire, en parlant d'un homme qui cherche
à exécuter un dessein particulier qu'il a formé
pour nuire à quelqu'un.
Interdire. V. a. cl irrégulicr de la 4' conj. Il
se conjugue comme dire, excepté à la seconde
personne du présent de l'indicatif, où l'on dit
vous interdisez, au lieu de vous interdites.
On dit aussi interdisez à l'impératif.
Intéressant, Intéressante. Adj. On peut quel-
quefois le mettre avant son subst. : Un ouvrage
intéressant, une nouvelle intéressante, celle
intéressante nouvelle, un homme intéressant.
Intéresser (s'). Être intéressé, ont des sens
très-différents. L'un signifie, prendre intérêt, et
l'autre, avoir intérêt a une chose. Dans celle
phrase: Fuyez les procè* sur toutes choses : sou-
vent la conscience s'y intéresse, la santé s'y
altère, les biens s'y dissipent (Wailly), il fallait
y est intéressée. L'affe/^tation de la symétrie a
peui-éire |)roduit ce contre-sens. {Dictionnaire
critique de Féraud.)
Imébêt. Subst. m. Ce mot a beaucoup d'ac-
INT
ceptions. Pris dans un sens absolu, sans lui «donner
aucun rapport immédiat avec un individu , un
corps, un peuple, il signifie ce vice qui nous fait
chercher nos avantages au mépris de la justice et
de la venu, et c'est une vile ambition; c'est l'ava-
rice, la passion de l'argent. — Quand un dit
l'intérêt d'un individu, d'un corps, d'une nation;
mon intérêt, l'intérêt de l'État, son intérêt, leur
intérêt, alors ce mot signifie ce (jui importe ou
ce qui convient à rËlat,"'à la [)ersonnc,à moi,eic.
— Intérêt, se dit en litlératurc, d'un récit, d'une
peinture, d'une scène, d'un ouvrage d'es(irit en
général. C'est l'attrait de l'émotion (ju'il nous
cause, ou le yilaisir (,'je nous éprouvons à être
émus, à son occasion, de curijsiié, d inquiétude,
de crainte, de pitié, d'admiration, etc.
Intérieur, Intérieure. Adj. Partie intérieure,
nioiirei/icnt intérieur, paix intérieure. Il ne se
met qu'après son subst.
Intérieurement. Adv. Il se met après le verbe :
La grâce de Dieu agit intérieurement. C'est un
fruit qui est gâté intérieurement.
Intérim. Subst. m. On prononce le 7re.
Interjection. Subsl. f. Terme de grammaire.
C'est un mot qui [leint d'un seul trait les affections
subites de I àme, et qui quelquefois équivaut à
une phrase entière. 11 y a autant d'interjections
qu'il y a de passions différentes, et l'on emploie
quelquefois comme interjections des mots qui
expriment des idées. Ainsi, quand lioileau a dit
(Sat. VI, 1) :
Qui frappe l'air, bon Dieu, de ces lugubres cris?
L'expression bon Dieu, est là une interjection.
Voici les mois qui sont particulièrement destinés
à former des interjections, et les passions auxquel-
les ils ont rapport :
Ah I aïe ! ouf! ahi! hé! hélas ! expriment la
douleur.
Ah ! bon! la joie.
Ail! hé! la crainte.
Fi! fi donc! l'aversion, le mépris, le dégoût.
Oh ! hé ! sest ! la dérision.
f^olontiers, soit, le consentement.
Oh! l'admiration.
Ha! Ho! bon Dieu! miséricorde ! la surprise.
Çà ! alljns! courage! oh çà! tenez ferme!
l'encouragement.
Gare! "holà! hem! tout beau.' oA .'l'avertis-
sement.
Hola! hé ! l'appel.
Chut, paix, si, le silence.
Voyez Ha, Hé.
Les interjections n'ont pas de place fixe dans le
discours, mais elles y figurent selon ijue le sen-
timent qui les produit les manifeste à l'extérieur.
La seule attention iju'il faille avoir, c'est de ne
jamais les placer entre deux mots que l'usage a
rendus inséparables, comme entre le sujet et le
verbe, entre l'adjectif et le substantif (ju'il modi-
fie. Cependant, lorsque les interjections tiennent
à une phrase, elles se placent ordinairement à la
tête, et y font l'emploi d'un adjoint : Aïe! vous me
faites mal; fi ! cela est vilain.
Interligne. Subst. m. ii^Tze étant féminin, dit
Féraud, il semble qu'i'w/e/Vi^we doit l'être aussi;
Trévoux et Richelct lui donnent ce genre. L'Aca-
démie dit qu'il est masculin lorsqu'il signifie
l'espace qui est entre deux lignes écrites ou im-
primées, cl qu'il est féminin lors(iu'il s'api)lique
aux lames de métal qui servent dans les impri-
meries à séparer les lignes et les maintenir. —
INT
Il n'en est pas i'inierUyue comme à'antichambro.
Celle dernière expression signilie une pièce ou
chambre qui osl avanl la ciiambrc propremenl
dite; et interligne ne signifie pas ligne, mais
espace ipii esl entre deux lignes. Le genre doit
donc tomber sur espace, et non pas sur ligne.
Imeulocuteuk. Subsl. m. l.inguct a dit iw/ec-
locutrice, etrAradcniiecn 1S35 admet ce féminin.
iNiEr.MÉDiAiRE. Adj. dcs dcux gciucs. On no le
met qu'après son subst. : lemps intermédiaire,
espace iittennédiuire, corps intermédiaire.
Imekminable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avanl sou subst., lorsipie l'analogie et
l'harmonie lepcrmeUcnt : Question interminaUe ,
difficultés interminables, procès interiiiinahle,
disputes interminables. — Cette interviinuble
question, ces interminables difficultés, etc.
^'oyez Adjectif.
I.NTERMITTENÏ. iNTEr.MITTENTE. Ou prOUOnce IcS
deux t du milieu. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Pouls intermittent, fièvre intermit-
tente.
Interne. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Qualité interne, vertu in-
terne, cause interne, principe interne.
* Imermssable. Adj. des deux genres. Mot
nouveau proposé par Mercier. On dit invariable,
pour, qui ne varie point, qui ne jieut varier; in-
tarissable, pour, qui ne peut tarir ou être tari;
indéchiffrable, pour, qui ne jx-ul être dèchilTré;
impérissable, puur, qui ne peut i)érir. Pourquoi
ne dirait-on pas intemissahle, pour signifier qui
ne peut èire terni? A'oltaire a dit [Pucelle, XXl,
43):
Pour achever de mettre en tout son jour.
De Jeanne d'Arc le lustre interniseable, etc.
Inteuprétvtif, Interprétative. Adj. On ne le
met qu'après son subst. : Déclaration interpré-
tative, clause interprétative.
Interprète. Subst. m. L'Académie n'applique
qu'aux yeux celle expression, dans le sens figuré :
Les yeux sont les interprètes de l'âme. Racine a
dit {Britan.., acl. II, se. m, 114) :
. . . Toujours de mon cœur la boiiclie est Yintcrprcte.
et Voltaire [Oreste, acl. IV, se. viii, 36) :
Ta bouche esl de mon sort Vinterprète funeste.
Interrègne. Subst. m. On prononce les deux r.
Interrogant. Adj. qui n'est d'usage que dans
cette expression, ^ot/U i/jierro^a/i/. On iirononce
intérogant. Le point interrogant, que l'on ap-
pelle aussi point interrogatif, est un point dont
on se sert dans l'écriture pour figurer l'interro-
gation. 11 se figine de celte sorte ('?); il se meta
4a fin de toute proposition qui interroge, soit
qu'elle suit pleine ou elliptique; soit qu'elle fasse
partie du discours où elle se trouve, ou qu'elle y
soit seulement rapportée comme prononcée di-
rectement par une autre personne : Peut-on voir,
sans compassion, souffrir son seinbluble'l
Interrogatif, Interrogative. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. On prononce î«ie'/o^a-
tif. Terme de grammaire. Qui sert à interroger.
Une phrase est interrogative, lorsqu'elle exprime
de la part de celui qui parle une question plutôt
qu'une assertion. On met ordinairement à la fin
de cette phrase un point que l'on nomme inter-
rogant ou interrogatif: Quavez-vous^ Oùsuis-
je ? Voyez Interrogant.
INT
403
Quoi qu'en disent p'iusieurs grammairiens, il
n'y a dans la langue aucun Icrme qui soit pr-j-
prcment interrogatif, c'est -à-dire, qui désigne es-
sentiellement l'iiUerrogation. La i)reuve en esl
(pie les mêmes mots que l'on allègue comme
tels, sont mis sans aucun changement dans les
assertions les plus posilives. Ainsi l'on dil bien,
combien coûte ce livre'? Comment vont nos af-
fuiresl Où, tendent ces discours? Pourquoi
sommes-7iotts nés? Quand reviendra la paix?
Que veut cet homme? Qui a parlé de la sorte?
Sur quoi est fondée notre espérance? Quel bien
est préférable? Mais nous disons aussi sans inter-
rogation,/e 501* combien coûte ce livre ; j'ignore
COnmiiluK vont nos affaires ; vous comprenez où
iendc?it ces discours ; la religion nous enseigne
pourquoi nous sommes nés; ceci nous apprend
quand reviendra lu paix ; chacun devine ce que
veut cet homme; personne ne sait qui a parlé de
la sorte; vous co7inuissez sur (pioi est fondée
notre espérance ; cherchons quel Lien esl préfé-
rable. Qu'est-ce i\\x'\ dénote donc si le sens d'une
phrase est inierrugalif ou non?
Dans toutes celles où l'on trouve quelqu'un de
ces mois réjjutés iulerrogalifs en eu.x-mémes,
on reconnaît ce sens, eu ce que ces mots mêmes
étant conjonctifs, et se trouvant néanmoins à la
tête de la phrase construite selon l'ordre ana-
lytique, c'est un signe assuré qu'il y a ellipse de
l'anlécédent, et que cet antécédent est le com-
plément granunalical d'un verbe aussi sous-en-
tendu, qui exprimerait directement l'interroga-
tion s'il était énoncé.
Reprenons les exemples que nous venons de
donner, et nous allons nous en convaincre. Com-
bien coûte ce livre? c'est-à-dire, apprenez-moi le
prix que colite ce livre. Comment vont vos af-
faires? dites-moi la manière selon laquelle vont
vos affaires, etc.
Dans les phrases où il n'y a aucun de ces mots
conjonctifs, on marque souvent le sens interro-
gatif par un tour particulier. On met le i)ronoin
personnel qui indique le sujet du verbe innné-
dialement après le verbe, s'il est à un temps sim-
l)le; et après l'auxiliaire, s'il esl a un temps com-
posé; et cela s'observe lors même (jue le sujet est
exprimé d'ailleurs par un nom, soit simple, soit
accompagné de modificalifs . Fiendrez-vous?
Avuis-je compris? La raison que vous alléguez
aurait-elle été suffisante? Il faut cependant ob-
server que si le verbe était au subjonctif, cette
inversion du pronom personnel ne marquerait
point l'interrogalion, mais une simple hy[iotlièse,
ou un désir dont l'énoncialion explicite est sup-
primée par ellipse: /tinssiez -vous à bout de votre
dessein, i)our, je supi)ose même que vous vins-
siez à bout de votre dessein. Puissiez-vous être
content, pour, je souhaite que vous puissiez être
content. Quelquefois même le verbe étant à l'in-
dicatif ou au conditionnel, cette inversion n'est
pas interrogative; ce n'est qu'un tour plus élé-
gant ou plus affirmalif : Aussi conservons -nous
nos droits ; en vain formerions-nous les plus
vastes projets ; il le fera, dit-il.
Ce n'est souvent que le ton et les circonstances
du discours quidèlerminent une phrase au sens
interrogatif; et comme l'écriture ne peut figurer
le ton, c'est alors le point inlcrrogalif ((ui y dé-
cide le sens de la phrase. (Beauzée.) Voyez In-
terrogation.
Interrogation. Subst. f. Interrogation, en ht-
lérature, se dit d'une figure de rhétorique par
laquelle celui qui parle avance une chose par
404
INT
forme de question. L'apostrophe qu'il se fait alors
à iiii-niéino, ou qu'il l'ail aux autres, ne donne
pas peu de jpoids et de véliéinence à ce qu'il dit.
I, 'orateur peut, en plusieurs occasions, employer
celte ligure avec avantage : d° (juand il parle
d'une chose d'un ton affirmatif, cl comme ne
pouvant souffrir aucun doute; 2° quand il veut
montrer les absurdités où l'on tomberait en en-
treprenant de combattre ses senlimcnts; 3" lors-
qu'il veut dcmôlcr les réponses captieuses ou les
sophismes de son adversaire; 4" quand souvent,
pressé lui-même, il veut à son tour presser vive-
ment son aniagonislc. Celle ligure est très-propre
à peindre les fiassions vives, mais surtout l'in-
dignation, ouand rintcrrogation exprime le doute,
l'incerliiude, le verbe de la proposition subordon-
née doit èlre mis au subjonctif : Croyez-vous
qnil ait dit cela ? Mais quand elle n'est em-
ployée ([ue j)our affirmer ou nier avec plus d'é-
nergie, le verbe de celte proposition se met à l'in-
dicatif.
Croirai-je qu'un mortel, avant sa dernière lieure,
Peut pénétrer des morts la profonde demeure?
(Rac, Phéd., act. II, «c. I, 23.)
Madame, oublier-vous,
Qu« Thésée ut mon père, et qu'il est votre époux?
(Rlc, Phed., act. II, se. v,83.)
Voyez Interrogatif.
Interroger. V. a. de la1"conj. On prononce
inièroger. Dans ce verbe, ^ doit toujours se pro-
noncer comme j ; et pour lui conserver celle
prononciation lorsqu'il est suivi d'un a ou d'un
0, on met un e muet avant cet a ou cet o : J'in-
terrogeais, interrogeons, et non \)diSj'interrogais,
interrogons. ]Nous ajouterons les exemples sui-
vants à ceux que donne l'Académie :
Des victimes vous-mêmes interrogez U flanc.
(Rac, Iphig., act. I, se. il, 40.)
Je reviens sur mes pas, et, d'un œil curieui.
Mes avides regards interrogent ces lieux,
(Delil., Éniid., II, 1003.)
Il faut franchir l'Averne, et, dans ses sombres bois,
De l'antique sibylle interroger la voix.
(Idem, III, 585.)
U est temps, il est temps d'interroger le tort.
{Idem, VI, 62.)
Le héros cependant d'un roc gagne la cime,
Et de la mer au loin witerroje l'abtme.
[Idem, I, 257.)
Racine a dit dans Iphigénie (act I, se. iv, 9) :
Et qui de son destin qu'elle ne connaît pas.
Vient, dit-elle, enÂulide interroger Calchas.
On dit interroger quelqu'un sur quelque chose.
Racine dit ici, interroger de. C'est un tour latin
(|ui doit ôlrc permis eu poésie.
1>tekrompi;k. V. a. de laA'conj. Il se conju-
gue comme rovtpre.
Mais un trouble importun vient depuis quelques jours
De mes prospérités interrompre le cours.
(Rac, Ath., act. II, se. V, 26.)
Voyez Rompre.
Interbdption. Subst. f. Interruption OU ré-
ticence, en termes de littérature, se dil d'une
figure de rhétorique dans laquelle l'orateur.
INT
ou distrait par un sentiment plus violent qui
s'élève subitement au fond de son àmc, ou hon-
teux de ce qui lui reste à dire, s'interrompl
lui-même, et se livre à d'autres idées. Dans
VAthalic de Racine, celle princesse parle
ainsi à Joad lorsqu'il l'a attirée dans le temple,
sous prétexte de lui livrer Eliacin cl ses trésors
(act. V, se. V, 4) :
En l'appui de ton Dieu tu t'étais reposé;
I.'e ton espoir frivole es-lu désabusé?
Il laisse en mon pouvoir et son temple et ta vie.
Je devrais sur l'autel où ta main sacrilic
Te... Mais du prix qu'on m'offre il faut me contenter.
Ce que lu m'as promis, songe à Texécuter.
Hermione s'exprime ainsi dans Andromaque
(act. II, se. I, 49) :
Tu veux que je le fuie ; hé bien, rien ne m'arrite.
Allons, n'envions plus son indigne conquête:
Que sur lui sa captive étende son pouvoir;
Fuyons : mais si l'ingrat rentrait dans son devoir;
Si la foi dans son cœur retrouvait quelque place ;
S'il venait à mes pieds me demander sa grâce;
Si sons mes lois, Amour, tu pouvais l'engager,
S'il voulait... Mais l'ingrat ne veut que ra'outrager.
Ces interruptions ont beaucoup de vérité et de
force; il est impossible a la passion, lorsqu'elle
est extrême, de sui\re un long enchaînement d'i-
dées; le trouble de l'àine passe dans le discours,
et il se brise et se découd ; mais il faut savoir
les employer à propos.
On lit dans Thomas Corneille {Comte d'Essex,
act. III, se. u, 67) :
Que, sijrque mes bontés passent ses attentats...
Ce vers, dit Voltaire, ne signifie rien. Seule-
ment le sens en est interrompu par des points
qu'on appelle poursuivants; mais il serait difficile
de les remplir. C'est une grande négligence de ne
point finir sa phrase, sa période, et de se laisser
ainsi interronjpre, surtout quand la personne qui
interrompt est un subalierne (|ui manque aux
bienséances en coupant la parole à sou supé-
rieur.— On lit encore dans Thomas Corneille
[Comte d'Esses, act. IV, se. w, 44) :
Pour la seule duchesse, il m'aurait été doux
De passer... Mais, liélas ! un autre est son époux.
Cette réticence au luot i\e passer, dit Voltaire,
est une figure mal à propos prodiguée; la réti-
cence ne convient que quand on craint ou qu'on
rougit d'achever. ^ oyez Réticence.
Intestin, Intestine. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Mouteme nt intestin, chaleur intes-
tine ; guerre intestine ; discorde intestine.
Intlme. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent ; Ami intime, cette union intime,
cette intime union; liaison intime, cotte intime
liaison ; persuasion intime, cette intime persua-
sion. \'iiyoz Adjectif.
lNToi.Er.ABLE. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et l'har-
monie le permettent : Une chose intolérable, une
injure intolérable ; cette intolrruble injure.
Intolérant, Intolérante. Adj. Un hoviviein-
tolérant, des prêtres intolérants. On ne le met
qu'après son subst.
Intonation. Subst. f. C'est l'action d'entonner.
Faire l'intonation d'un chant, c'est le commen-
cer, et donner le ton sur lequel il doit être pour-
LNT
suivi. — Intonniinn se prend encore dans un autre
sens. On dit d'un musicien <\\îil a l'into /talion
juste, li>rs(iii"il exécute avec précision les inter-
valles de niusi(pic. l.a justesse de l'intonation dé-
pend de la voix, de l'oreille et de l'exercice. On
entend par ce moi, en lillérature, le ton plus ou
moins fort, plus ou moins élevé, dont on pro-
nonce une i)lirase, ou une partie de période. On
ne dit pasilu nième lun, je nuis aime, et smtcz
d'ici, vnst'ralle. Les intonations dépendent du
caractère de l'idée, ou de la nature du sentiment
que l'on veut exprimer, et surtout de la situation
de l'àme de celui qui jiarle, ou de l'effet (ju'il a
dessein de produii e sur l'auditeur. Le ton est plus
élevé, selon que le sentiment est plus ou moins
vif. Il est moins élevé dans la plainte, dans la
prière ; il l'est davantage dans le reproche, dans
la colère, dans l'indignation.
L'intonation se régie surtout par les figures que
l'on emploie. Dans la gradation, elle doit tou-
jours aller en croissant comme les idées dont se
compose cette ligure. Ainsi l'on prononcera avec
une intonation plus forte chaque mot des gra-
dations suivantes : // a commis des fautes, des
crimes, des forfaits.
Je le vis, je rougis, je palis à sa vue.
(Rac, Phéd., act. I, se. m, 121.)
Dans l'antiihèse, l'intonation des deux mem-
bres de la phrase, ou des deux luots opposés, ne
doit pas éire la même; elle doit être plus forte
sur l'un que sur l'autre, aOn de faire mieux sen-
tir l'opposition.
La répétition étant destinée à donner plus de
force et d'énerj.'ie à une expres^ion, l'intonation
doit être plus forte sur le mot répété, afin de
mieux maniuer sa destination : Feriez , venez
dans mes bras. Le second venez doit être plus
sensible que le premier : Je l'ai vu, je l'ai vu de
mes propres yeux.
Dans l'interrogation, l'intonation sera plus forte
en proportion du sentiment cpii l'inspire : Arez-
vous rempli mes intentions^ se dira avec une in-
tonation moins forte que n'avez-vous pas violé
tous vos serments?
L'apostrophe étant produite par un mouve-
ment vif de I àme, l'intonation sera d'une force
j)lus ou moins grande, suivant les degrés de vi-
vacité de ce mouvement. \oyezJccent, Quantité.
Intraduisible. Adj. des deux genres : Unpas-
soffe intraduisible, vu ouvrage intraduisible, un
auteur intraduisible. On peut le incllre avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie:
Ces intraduisibles beautés. Voyez Adjectif.
Intraitable. Adj. des deux genres. Un homme
est intraitable lorsque la dureté de son caractère,
la férocité de son esprit, l'inflexibilité de son hu-
meur, la fierté rude de ses mœurs, repoussent
tous ceux qui ont a traiter, à agir ou à converser
avec lui. On peut le mettre avant son subst., en
consultant l'oredle et l'analogie : U?i homme in-
traitable, une fi'mme intraitable ; une humeur
tnt'''aitablc , cette intraitable humeur. Voyez
Adjectif.
Întp.ansitif. Adj. m. qui ne se met qu'après son
subst. En termes de grammaire, on appelle reries
intransitifs les \ erbes neutres qui expriment des
actions i|ui ne passent point hors du sujet qui agit.
DÎ7icr, Souper, parler, cic, sont des verbes in-
iransitil's.
Intrépidr. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
INT
405
l'analogie : Homme intrépide, courage intrépide.
— Cet intrépide courage. Par cette intrépide
attaque... Voyez Adjectif
Sou vent, enlrc l'houune intrépide et le furieux,
il n'est de différence visible que la cause qui les
anime. Celui-ci, pour des biens frivoles, pour des
honneurs chimcriciucs (ju'on acnèierail encore
trop cher par un simple désir, sacrifiera ses amu-
semenls, sa tran<]uillilc, sa vie même. L'autre, au
contraire, connaît le prix de son existence, les
charmes du i)laisir, et la dourcur du repos. Il y
renoncera cependant pour affronter les hasards,
les souffrances et la mort même, si la justice et
son devoir l'ordonnent ; mais il n'y renoncera qu'à
ce prix. Sa vertu lui est plus chère que sa vie,
que ses plaisirs et son repos; mais c'est le seul
avantage qu'il iiréfére à tous ceux-là.
INT^.ÉPID[:M^:^T. Adv. On lient le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // soutint intrépide-
ment Vattaque de l'ennemi; il a intrépidement
Soutenu l'attaque de Vennemi.
I.^TRIGANT, 1:ntriga\te. Adj. des deux genres
qui se prend aussi substantivement. Quoique
cet adjectif vienne du verbe intriguer, qui prend
un M après le 9, on l'écrit sans u, pour le distin-
guer du particijie, qui prend cet u.
Cet adj. ne peut guère se mettre qu'après son
subst. : (Jn homme intrigant, une femme intri-
gante. Peut-être pourrait-on dire dans certains
cas, cette intrigante créature. Voyez Adjectif.
IivTr.iNsÈQUE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. Dans le langage des philo-
sophes, il signifie qui est au dedans de quelque
chose, et qui lui est propre et essentiel : Fertu in-
trinsèque,qualité intrinsèque. — Il a un sens |)lus
déterminé dans le cas où il est appliqué à la valeur
desobjets : La valeur intrinsèque d'un bijou d'or,
c'est la matière même, sansaucun égard a la façon.
La valeur i/itrinsèque d'une pièce de monnaie,
c'est le inétal considéré relativement au grain de
fin, et non au travail.
Lntrinsèquement. Adv. Il ne se met pas entre
l'auxiliaire et le participe.
LNTnoDL'CTEUR. Subst. m. L'Académie nous
avertit qu'on dit au féminin introductrice. En ef-
fet, plusieurs auteurs ont emidoyé ce mot.
INTROUVABLE. Adj. dcs dcux gcurcs. Fous êtes
un homme introuvable. Il ne se met qu'après son
subst.
*I^TROuvÉ, Introuvée. Mot nouveau. Nous
avons, dit La Harpe, inviolable et introuvable,
pourquoi n'aurions-nous pas Miuio/i; et introuvé,
(pii sont dans l'analogie, et qu'on entendrait tout
aussi bien ? Ce fut une loi toujours inviolée, etc.,
et si l'on parle tous les jours d'objets invendus,
pourquoi pas d'objets introuvés'^ — Oui, pourvu
([ue vous conserviez toujours à ces expressions
le sens négatif qu'elles ont essentiellement. Dites,
voilà des objets invendus, pour dire des objets
(|ui n'ont pas été vendus; mais ne dites pas, ces
iibjets sont invendus , car alors vous employez
une expression positive pour exprimer une pur«
négation; vous sqmblez, par i«rc/K/Kv, supposer
dans l'objet une (lualité positive qu'il n'a point.
L'analyse de cette phrase, ces objets sont inven-
dus, est, ces objets sont 71071 vendus, c'est-à-dire,
so7it et ne sont pas. Or, cela est aussi ridicule
que si l'on disait , ces doux hommes sont non
amis, au lieu de dire tout simplement, ces deux
hommes ne sont pas amis. Voyez In.
I.MuniF, Intuitive. Adj. £/(: forme deux syl-
labes. Il n'est dnsîigc qu'en cette phrase: La
vision intuitive de Dieu.
406
INV
ÏNTLiTivF.MENT. Ailv. Ui faïl (Jciix syllabcs.
Cet adverbe ne se inel point eiilrc l'auxiliaire et
leparlicipc.
Inusité. Inlsitée. Adj. Chose inusitée, mot
inusité, façon de parler inusitée. Il ne se met
qu'après son subsl.
Inutile. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son snbst., lorstjuc l'analogie et
riiarmonie le |>ermellenl : Homme inutile, tra-
vail inutile, peine inutile, précinilions inutiles.
— Cet inutile travail, ces inutiles précautions.
Avec le verbe être, inutile, régit de, (juand ce
verbe «st pris iiiipersonnclli^mciil : // est inutile
de dire, de faire ; ([uand le verbe être est jjris
dans un aulre sens, i?iutile régit à : Cela est
inutile à dire. "N'oyez Adjectif.
Inutilement. Adv. Quelquefois il se met au
commencement de la phrase, et alors le pronom,
sujet du verbe, est mis après le verbe : Inutile-
ment se flatterait-on de l'apaiser. D'autres fois
on le met après le verbe : f^ous vous tourmentez
inutilement. Enfin on peut aussi le mettre enlrc
l'auxiliaire et le participe:/? s'est inutilement
tourmenté .
Invaincu, Invaincue. Adj. Corneille a dit dans
le Cid (act. II, se. ii, 22):
ToB bras est invaincu, mais non pas invincible.
Et dans les Horaces (act. III, se. vi, 22) :
Ce bonheur a suivi leur courage invaincu.
Le mot invaincu, dit Voltaire, n'a point été em-
ployé par les autres écrivains ; je n'en vois au-
cune raison. Il signifie autre chose qu'indoînp-
té ; un pays est indompté, un guerrier est in-
vaincu. [Remarques sur Corneille.) Yoltîiire a
dit lui-même dans Olympie (act. I, se. ii,86) :
Que mes braves guerriers et vos Grecs invaincus,
Une seconde fois fassent trembler l'Euplirate.
^'oyez In.
Invalide. Adj. des deux genres. 11 ne se met
'ju'aprés son subst. : Un soldat invalide. — Un
acte invalide.
Invalidement. Adv. On peut le niellre entre
l'auxiliaire et leparlici{)e : Il a contracté invali-
dement, il a invalidement contracté.
Invariable. Adj. des deux genres: Règle inva-
riable, ordre invariable. On peut le mettre avant
son subsl., en consultant l'oreille et ranaiogic :
Cette invariable règle. Voyez Adjectif.
On ab\ise souvent de celte expression. On dit
sa santé est invariable, le cours des astres est
invariable ; c(i\a n'est pas exact, il n'y a rien d'in-
viiriable dans la nature. L'application do ce
lerme à l'homme l'est bien moins encore. Il n'y
a personne (jui soit invariable dans ses opinions,
(ims ses jugements, dans ses sentiments. Dieu
seul est iiiriiriable.
Invariable est aussi un terme de grammaire
fiançai'^e, qui se dit des mol^ qui ne prennent
point les signes du féminin ou du pluriel. On
lie peut pas dire qu'ils sont indéclinables ; car un
mot n'est déclinable (pie lorsqu'il prend diverses
terminaisons pour indiquer ses rajjports avec les
autres parties de la phrase ; et en français, il n'y
a point de mots qui soient dans ce cas.
Invariablement. Adv. On le met souvent entre
l'auxiliaire et le participe : Il est ailaché inva-
riitblement à son devoir; il est invariablemetit
Qitaché à son devoir.
INV
Invendable. Adj. des deux genres qui ne se
met (juaprés son subst. : 7"erre invendable,
marcha ndise invendable .
Invendu, Invendue. Adj. 11 se dit des marchan-
dises destinées à être vendues, qui ne l'ont pas
encore été : Marchandises invendues. Voyez.
In trouvé.
Inventeur. Subsl. m. L'Académie dit inven-
trice en parlant d'une femme.
Inventif, Inventive. Adj. qui ne se met qu'a-
pris son subst. ; Homme inventif, esprit in-
ventif, génie inventif.
Invention. Subst. f. L'invention, en termes de
littérature, est l'action d'imaginer ou de choisir
des sujets convenables, d'y découvrir, d'y saisir,
d'y développer ce que n'y voit pas le commun
des hommes. Celui (pii compose un tout idéal,
intércssanl cl nouveau, d'un assemblage de choses
connues, ou qui donne à un tout existant une
grâce, une beauté nouvelle, a ce (]u'on appelle
de l'invention, ou le génie de l'invention.
Inversion. Subst. f. Terme de grammaire qui
signifie renverseincnt d'ordre. Ainsi toulc in-
version suppose un ordre primitif et fondamen-
tal, et nul ariangcincnt ne peut être appelé iji-
version que par rapport à cet ordre primitif.
Examinons donc en quoi consiste cet ordre.
En général, ordre veut dire arrangement, soit
des choses, soit des mots ()uand le mut d'ordre
est pris absolument sans aucune qualification,
et qu'on parle d'êtres physi(iues, on entend que
les objets nous sont présentés de manière que
nous nous faisons aisément l'image de l'ensemble
et des raj^ports scion lesquels ces objets sont
disposés entre eux. Si nous ne pouvons pas nous
représenter aisément cet ensemble, et que nous
apercevions que les objets ne sont pas disposés
suivant la convenance et les rapports qu'ils ont
entre eux, nous disons qu'il y a confusion, dé-
rangement, désordre.
S'il s'agit de syntaxe ou construction gramma-
ticale, ordre ne se dit pas de tout arrangement
des mots; il semble (lue ces termes, arrange-
ment, structure, aient en grammaire un sens
plus étendu que le mol û'ordre ; on dit la struc-
ture d'un discours, l'arrangement des mots d'une
phrase. A l'égard à'ordre, il ne se dit, à la ri-
gueur, que de la construction grammaticale ré-
gulière.
Ainsi ordre ne signifie jias un arrangement
quelconque; il ne marque que l'arrangement
particulier des mots, selon la suite des signes
des rapports ([u'ils ont entre eux pour faire un
sens. Les mots ne peuvent exciter de sens dans
l'esprit de celui qui lit et qui écoute, tjue par la
connaissance qu'il a des signes de ces rapports,
connaissance (lui s'ac<iuierl ou simplement ou
par usage, c'est-à-dire par le commerce (pie l'on
a avec les personnes (jui parlent une langue, ou
bien par la voie de l'étude, de l'instruction et de
la lecture.
Le sens total qui résulte de l'assemblage et de
la construction des mots, ne peut être entendu
qu'après (pie toute la proposition est énoncée.
Alors l'esprit, par un simple regard, aperçoit
toute la suite et l'cnchainemcnt des rapports.
C'est cette suite de rajiporls qu'on appelle sim-
plement ordre, et souvent aussi ordre gramma-
tical, ordre naturel.
Quand tous les mots d'une phrase sont ex-
I)rimés, et qu'ils sont rangés sehm la suite et
l'enchaînement de leurs rapports, on dit qu'il n'y
a pas inversion. Si ces mots ne sont pas rangés
INV
selon la suile de louis rapports, il y a immersion,
c'csl-à-dire que rciu'li;iinemcnl des rapports est
ou renversé, ou intcrioinpu.
Si tous les mots nécessaires pour rendre la
construction pleine et entière ne sont pas expri-
més, on ne dit pas pour cela qu'il y ait inver-
sion, on dit qu'il a ellipse, c'est-à-dire suppres-
sion, omission de quelque mot , dont l'esprit
supplée aisément la valeur. Ellipse est opposée
construction pleine, et inversion à construction
selon l'ordre analogue et successif des rapports
des mots. Quand je iWij'ai toutes les fureurs de
/'awzoK?-, ces mots sont dans l'ordre grammatical;
ils sont tous placés selon la suite immédiate de
leurs rapports. J'ai quoi? toutes les fureurs ; de
quoi? de V amour. Mais si je dis:
De l'amonr j'ai toutes les fureurs,
(Rac, Phèd., act. I, se. m, 107.)
l'ordre grammatical est renversé. Il y a inver-
sion, parce que les mots ne sont pas ranges selon
la dépendance et la suite immédiate de leurs
rapports.
iMais quand je dis j\n toutes les fureurs de
l'amour, ma phrase est bien moins élégante, bien
moins vive et bien moins harmonieuse que si je
disais de l'a?nour j'ai toutes les fureurs. Les in-
versions bien ménagées donnent donc de la grâce
au discours; mais il faut que le dérangement soit
tel (ju'il ne puisse causer aucune méprise, ni
aucune confusion, et qu'une simple vue de l'es-
prit puisse aisément considérer les mots dans
l'ordre de l'analogie générale de la langue. Quand
on me dit : Là coule un clair ruisseau, j'entends
le sens aussi aisément que si l'on me disait, là
■un clair ruisseau coule.
L'inversion ne doit jamais ôter à l'esprit le
plaisir de se savoir gré d'apercevoir le sens mal-
gré la transposition, et de placer en lui-même,
par un simple regard, tous les mots dans l'ordre
selon lequel seul ils lui présentent un sens, après
que la phrase est finie.
L'inversion est très-fréquente dans la langue
latine, parce que les différents rapports des mots
étant exprimés par des terminaisons différentes,
ou reconnaît ces rapports à ces terminaisons, in-
déi)endanunent de la place que les mots occupent
dans la phrase. Dans la langue française, au con-
traire, où les rapports des mots sont marqués par
leur place, les inversions sont bien plus rares.
Madame Deshoulières a dit (ode à M. de la
Rochefoucauld, 72) :
Que les fougueux aquilon»
Sous la nef ouvreat de l'onde
Les gouffres les plus profonds.
La construction simple est, que les Aquilons fou-
gueux ouvrent sous la nèfles gouffres les plus
profonds de l'onde. Fléchier a dit [Oraison fun.
du duc de Mnntausier, p. 301.) ; Sacrifice oii
coula le sang de mille vicliines. La construction
est, sacrifice oii le sang de mille victimes coula.
L'inversion aiipartienl aussi bien au discours
familier qu'au style noble et élevé ; et, lorsque les
transpositions servent à la clarté, il faut partout
les préférer à la construction simple.
Madame Deshoulières a dit [ode à M. de la
Jiochefuucauld, 31) :
...dans les transports qu'inspire
CeUe agréable saison
INV
Où le coeur i son empire
Atsajellit la raison.
407
L'esprit saisit jilus aisément la pensée que si cette
dame avait dit : Dans les transports que cette
agréable saison, où. le cœur assujettit lu raison
à son empire, inspire. (',c|)endaiit, d;uis ces oc-
casions même, rcs])rit aperçoit les raiipurts des
mots selon l'ordre de la construction simple.
L'inversion contribue beaucoup à l;i beauté
des images, "dit Condiliac. Si je disais, cet aigle
dont h: vol hardi avait d'abord effrayé nos pro-
vinces, prenait déjà l'essor pour se sauver dans
les montagnes, je ne ferais que vous raconter un
fait; mais je ferais un tableau en disant avec
Fléchier ; Déjà prenait l'essor pmir se sauver
dans les montagnes, cet air/le dont le vol hardi
avait d'abord effrayé nos provinces. [Oraison
fun. de Turenne, p. ^35.) Prenait l'essor est la
principale action; c'est celle qu'il faut peindre
sur le devant du tableau. Déjà est une circon-
stance nécessaire, qui viendrait trop tard si elle
ne commençait la phrase. L'action se peint avec
toute sa promptitude dans déj'à prenait l'essor;
elle se ralentirait si l'on disait, // prenait déjà
l'essor. Pour se sauver da.is les 7iumtag nés , est
une action subordonnée; et ce n'est pas sur elle
(]ue le plus grand jour doit tomber. Si Fléchier
eût dit : Pmir se sauver dans les montagnes,
déjàprenait l'essor, le coup de pinceau eût été
manqué. Enfin, dont le vol hardi avait d'abord
effrayé nos provinces, est une action encore plus
éloignée; aussi l'orateur la rejettc-t-il à la fia
comme la partie fuyante; elle n'est là que pour
contraster, pour faire ressortir davantage l'actioji
principale. — Je pourrais dire : Les ennemis dutit
nous fûmes la proie rencontrent leur tombeau
dans les flots irrités; mais, pour faire une image,
il faudrait que dans les flots irrités commençât
la phrase. Cela ne suffirait ]ias encore, car cette
peinture serait faible : Dans les flots irrilés, les
ennemis dont nous fûmes la proie rencontreiii
leur tombeau. Le tal)leau demande que ces ex-
pressions, dans les flnts irrités rencontrent leur
tombeau, ne soient [tas séparées, et que les enne-
mis dont nous fûmes la proie, soit présenté dans
l'éloignement Cependant celte inversion serait
contre le génie de notre langue : Dans les flots
irrilés rencontrent leur tombeau les ennemis dont
nous fûmes la pi-oie. 11 faut donc cher(;her un
autre tour. — Je dis d'abord : Les flots irrités de-
viennent le tombeaudes ennemis dont nous fûmes
la proie. Mais, en faisant des flots irrités le sujet
de la proposition, je ne maniuc pas si sensible-
ment le lieu du tombeau que lorsque je prends
un tour où les mots sont précédés de la préposi-
tion dans. Je dis donc, dans les flots irrités
s'ouvre un tombeau aux ennemis dont nous fû-
mes la proie. Vous voyez ([ue ce mol s'ouvre
remplit toutes les conditions que je cherche, qu'il
ajoute même un trait au tableau, et vous com-
prenez comment il faut se conduire pour trouver
le terme propre et la place de chaque mot.
Il est très-utile, en pareil cas, de consulter le
langage d'action, qui est tout à la fois l'objet de
l'écrivain et du peintre.
La nature se trouve saisie à la vue do tant
d'objets funèbres: tous les visages prennent tin
air triste et lugubre; tous les cœurs sont émus
par horreur, par compassion ou par faiblesse.
Pour rendre cette pensée par le langage d'ac-
tion, il faudrait montrer, 1° les objets funèbres;
2" l'affaissement dans la nature; 3" la tristesse
408
INV
sur tous le visngcs; /j° l'horreur, la comitassion,
la faiblesse, il'uu ii;iilr;iil l'éinolion dans tons les
cœurs. Fléihier se conforme à cet ordre, autant
que la langue le permet.
A la vue, dit-il, de tant d'objets funèbres, la
nature se trouve saisie ; un air triste et lugubre
se répand sur tous les visages; soit horreur, soit
compassion, soit faiblesse, tous les cœurs se sen-
tent émus. {Oraison fun. de la duchesse d'Ai-
guillon, p. 57.)
Il est certain ([u'une langue où l'on pourrait
dire, saisie se trouve la nature, émus sont tous
les cœurs, aurait de l'avanlage; la nôtre ne souffre
pas de pareilles inversions.
L'inversion est très-propre à augmenter la force
des conlraslcs, et par là elle donni', pouv ainsi
dire, |)lus de relief à une idée, et la fait sortir
davantage. Bossuet pouvait dire :
Douze pêcheurs envoyés par Jésus-Christ, et
témoins de sa résurrection, ont accompli alors,
ni plus tôt, ni plus tard, ce que les philosophes
n'ont osé tenter ; ce que les prophètes, ni le peuple
juif, lorsqu'il a été le plus protégé et le plus fi-
dèle, n'ont pu faire. Mais Bossuet se sert d'une
inversion par la(]uelle il fixe d'abord l'esprit sur
les philosophes, sur les prophètes, sur le peuple
juif protège et fidèle; il nous fait sentir toute la
grandeur de l'entreprise avant de parler de ceux
qui l'ont accomplie; et le tour qu'il prend doit
toute sa beauté à l'adresse qu'il a de renvoyer les
douze pêcheurs et raccomi)lissement à la fin de
la phrase. 11 s'exprime ainsi :
Alors seulement, et ni plus tôt, ni plus tard,
ce que les philosophes n'ont osé tenter, ce que les
prophètes, ni le peuple juif, lorsqu'il a été le
plus protégé et le plus fidèle, n'ont pu fuire ,
douze pêcheurs envoyés par Jésus-Christ, et té-
moins de sa résurrection, Vont accompli. [Disc.
surVhist. univers., IP part., cli. xxv, p. 532.)
En général, l'art de faire valoir une idée con-
siste à la mettre à la place où elle doit frapper da-
vantage.
Celui qui n'a égard en écrivant qu'au goût de \
soîi siècle, soîige plus à su personne qu'à ses
écrits. — Il faut toujours tendre à la perfectio7t,
et alors cette justice qui nous est qui'lqvefjis re-
fusée par nos contemporains, la postérité suit
nous la rendre. (La Bruyère, Des ouvrages de
l'esprit, eh. i, p 230.)
Par cette inversion, La Bruyère fait mieux sen-
tir le motif (ju'un écrivain doit se proposer, que
s'il eut dit : Et alors la postérité sait nous rendre
cette justice, etc.
Je n'en ai reçu que trois de ces lettres aima-
bles qui me pénètrent le cœur, dit madame de
Sévignc à sa fille. Qu'on relranche le jironom en,
la pensée sera la même, mais l'expression du sen-
timent sera affaiblie. Le pronom ajouté avant le
nom auquel il se rapporte, fait sentir combien
madame de Sévigné avait l'esprit préoccupé de
ces lettres.
Si l'on ne le voyait de ses yeux, dit La Bruyère,
pourrait-on jamais s'imaginer l'étrange dispro-
portion que le plus ou le moins de pièces de mon-
naie met entre les homines? [Des biens de for-
tune, ch. VI, p. 277.) — L'ordre direct n'exprime-
rait pas l'èlonnement avec la même force.
Voltaire a dit dans VOrphelin de la Chine
(act. III, se. III, 47) :
Je n'ai pu de mon ù\s consentir à la mort.
La Harpe prend occasion de ce vers pour nous
INV
donner (|uelques règles sur l'inversion. « Inver-
sion dure et forcée, dit- il, étrangère au génie de
notre langue. Ob^erve7. comme primipe général,
•lue Vinversion, dont le but est do varier notre
versification sans dénaturer les procédés du lan-
gage, est naturelle au notre dans le régime direct,
et (ju'elle y ié[)ugne dans le régime indirect,
(juand il y a concours des deux particules de ei
d. Ainsi, l'on dira très-bien :
Je n'ai pu de mon ûls envisager la mort.
mais on aura tort de dire :
Je n'ai pu de mon fils contentir à la mort.
Pourquoi? c'est que l'inversion est en quelque
sorte double. Non-seulement vous mettez la par-
ticule de avant les mots la mort, qui doivent la
régir, mais vous la mettez avant une autre parti-
cule qui doit naturellement la précéder, avant d;
l'oreille alors est trop déroutée. En voulez-vous
la preuve? c'est que vous diriez sans aucun em-
barras :
A la mort de mon fils je n'ai pu consentir.
Vous n'avez fait ici que metire le régime avant
le verbe, ce que notre iwésie permet, mais dans
aucun cas vous ne diriez:
De mon fils à la mort, etc.
jiarce que le déplacement des deux particules
forme inévitablement une équivoque, ce qui
devient sensible, par exemple , dans ce vers de
Voltaire :
A peine de la cnurj'entrai dans la carrière.
Il veut dire, à peine j'entrai datis la carrière
de la cour. Mais qu'arrive-t-il? c'est (ju'il n'eût
])as construit sa phrase autrement, s'il eût voulu
dire que, sortant de la cour, il était entré dans
la carrière; et par le dérangement des deux par-
ticules, son vers présente en effet ce dernier sens,
suivant les principes de notre construction. »
[Cours de littérature ?j
L'inversion se nomme aussi hyperbate; le
premier mot vient du latin, le second du grec.
Investigateur. Subst. m. Il fait au féminin
Investigatrice.
iNVESTiciTioN. Subst. L J.-J. Rousscau a dit
dans son discours qui a remporté le prix à
fucadéiiiie de Dijon (t. Vil, p. 20.) : Que de
dangers, que de fausses routes, dans l'investi-
gation (fesse j'e/ice*.' Investigation, dit Domergue,
mot nouveau, que la néologie approuve, parce
(ju'il est noble, sonore, dérivé d'une langue
polie, et (ju'il exprime une nuance que l'écrivain
avait l)csoin de peindre, et iju'il ne pouvait obtenir
de recherche. La recherche est l'action de cher-
cher avec curiosité ; {'investigation est l'action
de chercher en suivant à la piste, comme l'in-
diijue le mot latin vestigium d'où investigation
est tiré. Or, c'est en suivant à la piste la marche
desscienceset celle des savants, à travers les épi-
nes et les détours, qu'on est investi de dangers,
qu'on rencontre de fausses routes. Les deux idées
s'appellent ; l'expression mamiue à l'une d'elles,
Rousseau la crée, et la langue oratoire a un mot
de plus.
INV
I.NV1NCI31.E. Adj. des lieux genres. On peut le
meltre avant son subst. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Uii. monarque invin-
cible, cet invincible monarque ; une armée invin-
cible, cette invincible armée; un courage in-
vincible , son invincible courage; un obstacle
invincible, cet invincible ùhslacle ; unn opiniâtreté
invincible, cette invincible opiniâtreté. — Argu-
ment invincible, ignorance invincible. On ne
dirait pas m« invincible homme. Voyez Adjectif.
— Rollin fait régir a cet adjectif la préposition à :
Peuples invincibles au fer et aux armes; et
Féraud jiense ([ue ce régime, quoique peu
usité, doit être autorisé. Nous sommes d'autant
plus de cet avis que Boiieau et Racine, deux des
meilleurs modèles dans l'art d'écrire, s'en sont
servis :
Mais qui peut t' assurer c^m' invincible au plaisir.
(BoiL., Sat. X, 128.)
Bajazet, à tos soins tôt ou tard plus sensible.
Madame, à tant d'attraits n'était pas invincible.
(Rac, Baj., act. V, se. vi, 21.)
[Grammaire des grammaires, p. 2'j8.)
I^vl^cIBLEME^T. Adv. Il ne se met bien qu'après
le verbe : // a prouvé invinciblement que...
Inviolable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Une loi inviolable, un serment invio-
lable, un voeu inviolable. Cet inviolable serment,
cet inviolable vœu. Voyez Adjectif.
Inviolablf.ment. Adv. 11 peut se meltre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a tenu inviolabte-
ment sa promesse. Il a inviolable ment tenu sa
promesse. Cette règle est ininolablement suivie.
*Imviolé, Inviolée. Adj. Voyez Intrnuvé.
Invisible. Adj. des deux genres. Il signifie, qui
échappe à la vue, ou par sa nature, ou par la
petitesse de ses parties, ou par sa distance. Les
substances spirituelles sont invisibles. Les par-
ticules de l'air sont invisibles. Les corps
deviennent invisibles pour nous, à force de
s'éloigner. On peut le mettre avant son subst. :
Une main invisible, une invisible main ; un
ressort invisible, un invisible ressort.
I.nvisiblement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe.
Inviter. V. a. de la l" conj. Il se dit des per-
sonnes et des choses : Inviter quelqu'u7i a faire
quelque chose. Le temps invite a la promenade,
Mr. exemple si beau vous invite à le suivre.
(Rac, Frères ennemis, act. III, se. IV, 19.)
Où le sommeil Yinvite au Tond d'un antre sombre.
(Delil., Géorg., III, 173.)
Invocation. Subst. f. En poésie, c'est une prière
que le poêle adresse, en commençant son ouvrage,
à quelque divinité, surtout à sa muse, pour en
être inspiré.
Involontaire. Adj. des deux genres..Ce à quoi
la volonté n'a point eu de part; ce qui n'a point
élé ou n'est pas voulu, consenti. Il parait à celui
qui examine les actions humaines de prés, que
toute la différence des volontaires et des ini^o-
Zo«/a jVm consiste à avoir été ou n'avoir pas été
réfléchies. Je marche, et sous mes pieds il se
rencontre des insectes que j'écrase involontaire-
ment. Je marche, et je vois un seri)ent endormi ;
je lui appuie mon talon sur la tète, et je l'écrase
volontairement. Ma réfle.xiou est la seule chose
IRl
409
qui distingue ces deux mouvements. On ne le
met point avant son subst. : Mouvement involon-
taire, acte involontaire.
Involontairement. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le partici|)e : Il a agi involon-
tairement. Il a involontairement remué le bras.
\ oyez Involontaire.
Invraisemblable. Adj. des deux genres. S se
lirononco fortement comme au commenccmont
d'un mot. On ne le met point avant son subst.
Un fait invraisemblable, une circonstance in-
vraisemblable.
Invraisemblance. Subst. f. S se prononce for-
tement comme au commencement d'un mot.
Invulnérable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. Au figuré, il régit la pré-
position à : Il est invulnérable AU'X. traits de la
médisance. (Acad.)
loNiQLE, Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après SOI) subst.: f^ers ionique, ordre ionique,
secte ioniqtie.
*Irascibilité. Subst. f. Mol nouveau proposé
par Mercier. Qualité de ce qui est irascible.
Mirabeau a dit : Les hommes qui substituent
^irascibilité de V amour-propre au culte de la
patrie. — Il nous semble que ce mot pourrait
être adopté sans inconvénient.
Iris. Subst. On prononce le * final. Autrefois
l'Académie regardait ce mot comme féminin ;
mais dans la dernière édition de son dictionnaire
elle dit tpi'il est masculin. Cette nouvelle décision
est conforme à l'avis de M. de Mairan, qui nous
a donné dans /'£'ncycZopetfie quelques recherches
sur le genre de ce substantif.
Le mot d'iVw, dit-il, est certainement toujours
féminin en latin, dans toutes ses significations
quelconques. Les auteurs qui ont écrit en fran-
çais il y a qualre-vinglsou cent ans, l'ont fait aussi
de ce genre dans la signification d'arc-cn-ciel, à
en juger du moins par M. de la Chamlire, qui
donna un traité de Viris pris en ce sens, en 1662.
Mais je crois que les physiciens modernes l'ont
fait toujours ou presiiue toujours masculin.
Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'avec une
bibliothèque remplie de livres sur ces matières,
je n'ai pu retrouver les endroits où j'avais lu le
mot à'iris masculin ou féminin, (luoique j'aie
parcouru des chapitres entiers qui traitent de ce
météore; par la circonstance de l'élision avec
l'article le ou la, c'est toujours Viris. Il faut
donc en venir au détail des raisons, et à d'autres
autorités qui seront peut-être en même temps
jilus concluantes.
l'iris, synonymcd'arc-en-ciel, météore, cercle
lumineux et coloré, tous sulislantifs masculins, a
sans doute invité d'abord les [ihysiciens modernes
à le faire masculin dans la même acception, sans
compter qu'on évite parla l'équivoque d'une
belle, d'une grande iris, avec une belle Philis ou
une grande Célimène. El en effet, il n'est pas plus
question alors de la messagère deJunon ou d'une
belle femme, qu'il n'est question de Junon en
parlantde l'air. Maiscommeunc pareille induction
ne suffirait pas pour constater un usage, j'.ii cru
plus à propos de consulter là-dessus l'Académie
des sciences; et je me suis adressé a ceux de ses
membres qui sont le plus au fait de la matière, et
que je connais aussi pour les plus attentifs à se
bien exprimer. Les uns m'ont fait l'honneur de
me dire qu'ils me demandaient la chose a moi-
même; les autres m'ont répondu sur-le-champ
et sans hésiter, masculin, trouvant même ridicule
qu'on put ^n user autrement.
410
mo
Le iliciionnaire de Trévoux dit niissi fort bien
que les philosophes font ce mot masculin; mais
ensuite, dans les explications et dans les exemples,
il le fait tantôt masculin, tantôt fcniinin, tenant
sans doute un peu en cela de l'usage ancien et
du moderne.
Cette espèce de zone ou d'anneau circulaire et
diversement coloré qui entoure la prunelle de
l'œil, et qu'on appelle aussi Viris, est certainement
masculin sous ce nom, selon nos plus célèbres
anatomistes, MM. AVinslow, ^lorand, Ferrein,
etc. Le premier, qui, tout Danois qu'il est, ne
laisse pas de bien parler français quand il s'agit
des termes de l'art, m'a fait remarquer à celte
occasion (ju'on disait le tibia quoiqu'il n'y ait j)as
de mot plus pleinement lalin et féminin en celle
langue. Quant aux ouvrages imprimés, je trouve
dans le volume de l'Acndélnie des sciences de 4704
un grand mémoire de M. Méry, qui roule en-
tièrement sur Viris, et d'où je n'ai pu tirer, non
plus que de l'extrait de M. de Fonienelle, qui
est de cinq à six pages, de que! genre ils font
l'ùvsde l'oeil; car c'est toujours Viris, les fibres
de Viris, les mouvements de l'iris. Mais j'ai été
plus heureux dans le mémoire de M. l'etil, mé-
decin, sur les yeux de Vhomme et de plusieurs
animaux, lu à la même Académie en 1720. On
y trouve, sans équivoque, un iris fort brun, tel
qu'on le voit dans des bœufs et des chevaux.
Enfin la fleur, la jilante, la racine ou la poudre
d'iris, quand elle est désignée par le seul mot
à!iris, devient un substantif masculin dans le
langage des botanistes et des naturalistes. Les
fleuristes, remarque encore fort bieu Trévoux,
font iris masculin, et l'on dit en ce sens, de Viris
commun, les iris bulbeux. Cependant Savary,
dans le Dictionnaire du commerce, que l'Aca-
démie française veul bien quelquefois consulter,
a fait ce mot féminin; mais je crois qu'il sera plus
sûr de nous en tenir au sciuimcni des Jussicu et
dos Duhamel, qui le font sans difficulté masculin,
et qui sont les gens du monde qui enleniloni le
mieux cette langue.
Ip.omb. Subst. I". C'est, dit Dnmarsais, une
figure i)ar laquelle on veut faire entendre le con-
traire lie ce qu'on dit. Boilcau, qui n'a pas rendu
à Quinault toute la justice que le public lui a
rendue depuis, en narle ainsi par ironie [Sai. IX,
2.S4.) :
Toulefois, s'il le faut, je veux bien m'en dédire.
Et, pour calmer enfin tous ces flots d'ennemis.
Réparer en mes Ters les maux qu'ils ont commis.
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.
Je le déclare donc, Quinault est un Virgile.
Les idées accessoires sont d'un grand usage
dans Vironie. Le ton de voix, et plus encore la
connaissance du mérite ou du démérite personnel
de quelqu'un et de la façon de penser de celui
qui parle, servent plus à faire connaître Vironie
que les paroles dont on se sert. Un honmic s'écrie :
O le bel esprit! Parle-t-il de Cicéron, d'Horace?
il n'y a point là û'ironie, 1rs mots sont pris dans
le sens propre. Farlc-t-il de Zoïlc? c'est une
ironie. Ainsi , Vironie fait une satire avec les
mêmes paroles dont le discours ordinaire fait un
é'oge.
Ironique. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Discours ironique, ton ironique,
réponse ironique. Cette ironique réponse 7ne
viqva au vif. Voyez Adjectif.
iROMQUEMENT.Adv. Il nc sc met qu'après le
IRR
verbe : Parler ironiquement. Il a parlé ironique-
ment.
lBRAisoN?(AnLE. Adj. dcs deux genres. On pro-
nonce les deux r. Il ne se met qu'après son subst.:
Animal irraisonnable.
Il ne faut pas confondre irraisotinable avec
déraison nabh. Le premier est un terme didac-
tique qui se dit des animaux, parce (ju'ils ne sont
pas doués de raison ; le second est un terme du
langage ordinaire (jui signifie, qui est contraire
à la droite raisun, qui n'agit pas suivant les
lumières de la raison. L'homme n'est i)as un
animal mm*o««aWe; mais il y a bien des hom-
mes qui sont déraisonnables.
Irriîconc'liablk. Adj. des deux genres. On
prononce les deux r. Qui ne se peut réconcilier.
Terme relatif à la haine, à l'envie, à la jalousie,
et à d'autres pa-^sions odieuses qui divisent les
hommes et les animent souvent les uns contre les
autres. On peut le mettre avant son subst., en
consultant l'oreille et l'analogie: Haine irrécon-
ciliable, f^oilà deux ennemis irréconciliables,
deux irréconciliables ennemis.
lR^.Éco^cILIABLEMI;NT. Adv. Les deux r se pro-
noncent. On peut quelquefois le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ils sont brouillés
irrcconciliablement, ils sont irréconciliahlement
brouillés.
*Irrécoxciliés, Ir.RÉco.NCiLiÉEs. Adj. On doit
admettre ce mot, dit La Harpe, puisque nous
avons Irréconciliable. ]Ne dirait-on pas très-bien
ne mettez jamais ensemble deux: ennemis irré-
conciliés^ — Nous pensons qu'il ne faut pas dire
ces ennemis sont irréconciliés, mais ces ennemis
ne sont pas réconciliés , parce que sont marque
une affirmation, et que l'idée est entièrement
négative. Voyez /«.
iRr.ÉcDSABLE. Adj. dcs deux genres. On fait
sentir les deux r. On peut le mettre avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent: Témoin irrécusable, cet irrécusaile
témoiîi.
Ir.RÉFLÉcHi, IwtÉFLÉcHiE. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un propos irréfléchi, une
action irréfléchie, une démarche irréfléchie.
Irréfragable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie: Docteur irréfragable, autorité irré-
fragable, doctrine irréfragable, cette irréfra-
gable d^ctrir.a:. \uytz Aàjiitif
Irrégulier, lRBÉGULii;i'.E. Adj. Il ne se met
(ju'après son subst. : Poëme irrégulier, procédé
irrégiilier, vers inréguliers.
On appelle en grammaire verbes irréguliers,
les verbes dont les variations ne sont pas con-
formes à celles du verbequi doitservirde modèle.
Par exemple, aller esl un verbe irrégulier, parce
que son infinitif finissant en er, comme tous ceux
des verbes delà première conjugaison, ses varia-
tions ne sont pas conformes à celles du verbe
chanter, qui sert de modèle pour cette conju-
gaison.
Les venfaes irréguliers de la première conju-
gaison sontaMe?-, qui est un verbe netiirc, envoyer
et renvoyer, i|ui snut des verbesactifs. Voyez ces
verbes à leurs articles.
11 y a dans la seconde conjugaison en ir, un
grand nombre de verbes irréguliers. Condillac
fait (piatre classes de cette conjugaison, dont il
donne pour modèles, finir, sentir, ouvrir, tenir.
La première est la même que celle dont nous
avons donné emplir pour modèle. (Voyez Con-
jugaison.) EWc comprend tous les verbes qui se
IRR
terminent on jç à l;i seconde personne du i)rcsent
de l'indiiMlif. Ses verbes irrégidiers sont bénir,
fleurir au tiçurtï, haïr. Voyez ces mots.
La seconde i-onjugaison en ir, dont le modèle
est sentir, comprend les verbes consentir, res-
sentir, pre'ssciUir, montir, dormir, endormir,
se repentir, servir, dessercir, sortir, partir,
ressortir, sortir de nouveau, et repartir, répli-
<iuer. Mais ressortir, être du ressort, répartir,
partager, et sortir, obtenir, se conjuguent comme
finir.
Seconde conjugaison en Ir.
Modèle, Sentir.
Infinitif. — Sentir.
Indicatif. — Présent. Je sens, tu sens, il sent;
nous sentons, vous sentez, ils sentent. — Im-
parfait. Je sentais, tu sentais, il sentait , etc.
— Passé simple. Je sentis, tu sentis, il sentit;
nous sentîmes, vous sontitcs, ils sentirent. —
Futur simple. Je sentirai, tu sentiras, il sentira;
nous sentirons, vous sentirez, ils sentiront.
Le reste conune dans la première conjugaison
en ir.
Conditionnel. — Présent. Je sentirais, etc.
Impératif. — Pré.tent. Sens, qu'il sente ou
qu'elle sente; sentons, sentez, qu'ils sentent.
Subjonctif. — Présent. Que je sente, que tu
sentes, qu'il sente ; que nous sentions, que vous
sentiez, qu'ils sentent. — Imparfait. Que je sen-
tisse, que tu sentisses, qu'il sentit; que nous sen-
tissions, que vous sentissiez, qu'ils sentissent.
Panicipe. — Présent. Sentant. — Passé.
Senti, sentie.
Les verbes irréguliers de cette conjugaison
sont bouillir, courir, fxiir, 7nourir, vêtir, revê-
tir, acquérir, conquérir, recimquérir, requé-
rir ; accourir, concourir, discourir, parcourir,
qui se conjuguent comme courir, ^'oyez ces
verbes.
Troisième conjugaison en In.
Modèle, Ouvrir.
Infinitif. — Ouvrir.
Indicatif. — Présent. J'ouvre, tu ouvres, il
ouvre ; nous ouvrons, vous ouvrez, ils ouvrent.
— Imparfait. J'ouvrais, etc. — Passé simple.
J'ouvris, tu ouvris, il ouvrit; nous ouvrîmes,
vous ouvrîtes, ils ouvrirent. — Futur simple.
J'ouvrirai, etc.
Conditionnel. — Présent. J'ouvrirais, etc.
Impératif. — Présent. Ouvre, qu'il ouvre;
ouvrons, ouvrez, (ju'ils ouvrent.
Subjonctif. — Présent. Que j'ouvre, que lu
ouvres, qu'il ouvre; que nous ouvrions, que t
vous ouvriez, qu'ils ouvrent. — Imparfait. (.)ue
j'ouvrisse, que tu ouvrisses, qu'il ouvrit; que î
nous ouvrissions, que vous ouvrissiez,*qu'ils ou-
vrissent. !
Participe. — Présent. Ouvrant. — Passé.
Ouvert, ouverte.
On conjugue comme ouvrir les verbes couvrir,
découvrir, cntr ouvrir, rouvrir, recouvrir, offrir,
mésoffrir, souffrir.
Les verbes irrésuliers sont cueillir, affaiblir,
assaillir, tressaillir. Accueillir et recueillir .SP
conju'^i'ent comme cueillir. Voyez ces ver
FRR 41 1
Quatrième conjugaison en Ir.
Modèle, Tenir.
Infinitif. — Tenir.
Indicatif. — Présent. Je tiens, tu tiens, i
tient; nous tenons, vous tenez, ils tiennent. —
Imparfait. Je tenais, etc. — Passé simple. Je
lins, tu tins, il tint ; nous tînmes, vous tintes, ils
tinrent. — Futur simple. Je tiendrai, etc.
Condilioiuiel. — Présent. Je tiendrais, etc.
Impératif. — Présent. Tiens, qu'il tienne; te-
nez, qu'ils tiennent.
Subjonctif. — Présent. Que je tienne, que tu
tiennes," qu'il tienne; que nous tenions, que
vous teniez, (ju'ils tiennent. — Imparfait. Que
je tinsse, que tu tinsses, qu'il tint; que nous
tinssions, que vous tinssiez, qu'ils tinssent.
Participe. — Présent. Tenant. —Passé. Tenu,
tenue.
On conjuguecomme<e«iV les verbes o;?;5a?'<e«zr,
s'abstenir, entretenir, détenir, maintenir, ob-
tenir, retenir, soutenir, venir, subvenir, conve-
nir, en un mol tous ceu.K (\\i\ dérivent de tenir
et de venir.
Les verbes irréguliers de la conjugaison en oir,
sont avoir (Voyez Auxiliaire)', s'asseoir, sur
lequel on conjugue rasseoir et se rasseoir; voir,
sur lequel on conjugue entrevoir et revoir; dé-
choir, échoir, falloir, prévoir, pourvoir, surseoir,
mouvoir, pouvoir, savoir, valoir, prévaloir, vou-
loir. Voyez ces verbes.
Dans la conjugaison des verbes en re, on dis-
lingue cinq conjugaisons, dont les modèles sont
rendre, paraître, peindre, plaire et réduire.
Nous avons fait connaître la conjugaison du verbe
rendre à l'article Conjugaison.
On conjugue comme rendre tousles verbes qui
se terminent en dre , pre, tre, vre. Les irrégu-
liers sont :
Prendre et ses composés , apprendve, com-
prendre, etc.; coudre et ses composés, recoudre,
découdre; mettre et ses composés, per mettre,
commettre, etc.; moudre, émoudre, remoudre ;
absoudre, dissoudre, verbes défectueux ; suivre,
s'ensuivre , poursuivre ; vivre, revivre, sur-
vivre. Voyez ces verbes.
Seconde conjugaison en Re.
Modèle, Paraître.
Infinitif. — Paraître.
Indicatif. — Présent. Je parais, lu parais, il
parait ; nous paraissons, vous paraissez, ils pa-
raissent. — Imparfait. Je paraissais, tu parais-
sais, il paraissait; nous paraissions, vous parais-
siez, ils paraissaient. — Passé simple. Je parus,
tu parus, il parut; nous parûmes, vous parûtes,
ils parurent. — Futur simple. Je paraîtrai, lu
paraîtras, il paraîtra ; nous paraîtrons, vous pa-
raîtrez, ils paraîtront.
Conditionnel. — Présent. Je paraîtrais, etc. ;
nous paraîtrions, etc.
Impératif. — Présent. Parais, qu'il paraisse
paraissons, paraissez, (ju'ils paraissent. ;
Subjonctif. — Présent. Que je paraisse, etc.
que'nous paraissions, etc. — Imparfait. Que je
parusse, etc.; que nous parussions, etc.
Participe. — Pre«en^ —Paraissant. —Passé.
Paru. ^
Tous les verbes en oître et en attre se conju-
cuent comme paraître. Il ne faut excepter que
naître. Paître est défectueux. Voyez ces verbes.
Ui IRR
Troisième conjugaison en Re.
Modèle, Peindre.
Infinitif. — Peindre.
Indicatif. — Présent. Je peins, tu peins, il
peint; nous peignons, vovis |iei^'iie/, ils fieisnent.
— Imparfait. Je |)(Mgiiais, etc.; nous peignions,
etc. — Passé simple. .le i)eignis, etc.; nous pei-
gnîmes, etc. — Futur simple. Je peindrai, etc.;
nous peindrons, etc.
Conditiomiel. — Présent. Je peindrais, etc.;
nous peindrions, etc.
Impératif. — Prése7it. Peins, <]u'il peigne;
peignons, qu'ils peignent.
Subjonctif. — Présent Que je peigne, etc.;
que nous i)oigniuns, etc. — Imparfait. Que je
peignisse, cpic tu peignisses, qu'il |)oignit; que
nous peignissions, que vous peignissiez, qu'ils
peignissent.
Participe. — Présent. Peignant. — Passé.
Peint, peinte.
Tous les verbes en aindre, eindre, oindre, se
conjuguent comme peindre.
Quatrième conjugaison en Re.
Modèle, Plaire.
Infinitif. — Plaire.
Indicatif. — Présent. Je plais, tu plais, il plait;
nous plaisons, vous plaisez, ils plaisent. — Im-
parfait. Je plaisais, etc.; nous plaisions, etc. —
Passé simple. Je plus, tu plus, il plut; nous
plûmes, vous pliites, ils plurent. — Futur. Je
plairai.
Conditionnel. — Présent. Je plairais, etc.;
BOUS plairions, etc-
Impératif. — Présent. Plais, qu'il plaise; plai-
sons, qu'ils plaisent.
Subjonctif. — Présent. Que je plaise, que tu
plaises, qu'il plaise; que nous plaisions, que vous
plaisiez, qu'ils plaisent. — Imparfait. Que je
plusse, que tu plusses, qu'il plijt ; que nous
plussions, que vous jjlussiez, qu'ils plussent.
Participe. — Présent. Plaisant. — Passé. Plu.
Les verbes en aire seconjuguentcommejo^rtiVe.
Mais faire, qui a des formes différentes, est la
règle d'après laquelle on conjugue ses composés,
contrefaire., défaire, redéfaire, refaire, satis-
faire, surfaire. Forfaire, malfaire, niéfaire ,
parfaire, sont défectueux. Braire ÇX traire iOïii
irréguliers et défectueux. 'N'oyez ces verbes.
Cinquième conjugaison en Re.
Modèle, Réduire.
Infinitif. — Réduire.
Indicatif. — Présent. Je réduis, tu réduis, il
réduit; nous réduisons, vous réduisez, ils ré-
duisent. — Imparfait. Je réduisais, tu rédui-
sais, il réduisait; nous réduisions, vous ré-
duisiez, ils réduisaient. — Passé simple. Je ré-
duisis, lu réduisis, il réduisit; nous réduisîmes,
vous réduisîtes, ils réduisirent. — Futur simple.
Je réduirai, lu réduiras, il réduira; nous rédui-
rons, etc.
Conditionnel. — Présent. Je réduirais, etc.;
nous réduirions, etc.
Inipératif. — Présent. Réduis, qu'il réduise;
réduis'iris, réduisez, qu'ils réduisent.
Subjonctif. — Présent. Que je réduise, que
IRR
tu réduises, (|u'il réduise; que nous réduisions,
que vous réduisiez, (ju'ils réduisent. — Impar-
fait. Que je réduisisse, ijuc tu réduisisses, qu'il
réduisit; (]ue nous réduisissions, que vous ré-
duisissiez, (pi'ils réduisissent.
Particijie — Présent. Réduisant. — Passé. Ré-
duit, réduite.
On conjugue comme réduire tous les verbes en
ire. Les irréguliers sont, circoncire, dire et re-
dire, dédire, contredire, interdire, médire, pré-
dire, maudire, confire, suffire ; lire, relire, élire;
rire, sourire ; écrire, circonscrire, décrire, frire.
Tous les verbes en vire se conjuguent comme
réduire, excepté bruire, qui est luul à la fois ir-
régulier et défectueux; luire, reluire, nuire.
On rapporte à cette conjugaison boire, clore,
conclure, et leurs composés. Les verbes qui ne se
rapportent ])as à un dcsmodélesquc nous venonsde
donner sont conjugués dans tous Imirs temps diffi-
ciles, a leur rang alphabétique. Voyez ZV/i?e/i/«?(/ar.
iRRÉGULiÈr.EME.vT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : f^ivre irrégulicre-
?/ie/it. Celte maison est irrégulièrement bâtie.
Irréligieusement. Adv. Il se met après le
verbe : f^ivre irréligieusemciU.
Irremédiadle. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le [jcrmettent : Un mal irrémédiable,
une faute irrémédiable, cette irrémédiable faute.
^ oyez Adjectif.
1rre.mediabli.ment. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le ])articipe : Les débauches
Vont ruiné irrémédiablement, OU Vont irrémé-
diablement ruiné.
Irrémissible. Adj. des deux genres : Fautes
irrémissibles . cas irrémissible. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie ; Celte irrémissible faute, \oyez Adjectif.
Irrémissibleme^t. Adv. 11 se met ajircs le
verbe : Il sera puni irrémissiblement.
Irréparable. .\dj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , loivqne l'analogie et
l'harmonie le iicrmetlent : Perte irréparable,
cette irréparable perte ; affront irréparable, un
irréparable a/front; injure irréparable, cette ir-
réparable injure.
]rréparablemi:nt. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : // l'a offensé irréparablement.
* Irréparé, Irréparée. Adj. Pourquoi ne pas
employer ce mot, dit La Harpe, quand nous
avons déjà irréparable'? Ne pourrait-on pas dire
on ne pardonne point une faute irréparée^ Je
pense qu'on peut employer te mot loi-squ'il y a
opposition avec des fautes qui ont été réparées :
On a fait bien des fautes; plusieurs sont répa-
rées, df autres sont encore irréparées. Mais s'il
n'y avait point d'op|X)sition, je crois qu'il faudrait
dire ne sont pas réparées: f^ous avez commis
bien des fautes qui ne sont pas encore réparées,
et non pas qui sont irréparées. — Si l'on admet les
deux expressions, qui sont irréparées, et qui ne
sont pus réparées, il faut qu'il y ait une diffé-
rence entre l'une et l'autre; sans quoi il serait in-
utile d'admellre la prcmiéic. "Soyez In.
Irrépréhensibie. Adj. des deux genres. On
peut le mettre avant son subst., en consultant l'o-
reille et l'analogie : Homme irrépréhensible, vie
irrépréhensible, action irrépréhensible, conduite
irrépréhensible ; cette irrépréhensible conduite.
Voyez Adjectif.
InRÉPRÉHENSiBLEMF.NT. Adv. 11 nc sc mct qu'a-
prés le verbe : Il a vécu irrépréhe ns iblement.
Ireéprochable. Adj. des deux genres. On peut
IRR
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
etraiialoçic : Homme irréprochable, vie irrépro-
chable, mœurs irréprochables, coiuitiiie irrépro-
chable; celle irréprochable ci>?iduite.
Irrkprochablki«e>t. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Il a vécu irréprochubleme/it.
Irrésistible. Aiij. dos deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consullant l'oreille et
l'analogie . Ce charme irrésistible , cet irrésis-
tible charme Voyez ^Jdjcctif.
Irrésistiblement. Adv. Ou [)eut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // est
entraÎ7ié irrésistiblement, il est irrésistiblement
entraîné.
Irrésolu, Irrésolde. Adj 11 ne se met qu'après
son subst. : Un hotnme irrésolu, un caractère ir-
résolu, un esprit irrésolu.
Irrésolument. Adv. On ne peut le mettre qu'a-
près le vcrlie : // a parlé irrésolument.
iKRÉvÉr.KMMENT. Adv. 11 nc sc met qu'après le
verbe : Jl s'est comporté irrévéremment. Il est
peu usité.
Ireévérence. Subst. f. Manque de vénération.
Il ne se dit guère tjue des choses saintes et sa-
crées.
Irrévérent, Irrévérente. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et l'iiar-
monie le permetleiit : Posture irrévérente , cette
irrévérente posture ; discours irrévérents. Voyez
.idjectif.
Irrévocable. Adj. des deux genres. L'Acadé-
mie ne lui donne qu'une acception; il en a deux.
Il signifie ijui nc pinit être révoqué, loi irrévo-
cable; qui ne peut élre rappelé, le passé est ir-
révocable. On [)eut le meUre avant son subst.,
lorsque l'analogie cl l'harmonie le permettent :
Cette loi irrévocable , cette irrévocable loi; un
arrêt irrévocable, cet irrévocable arrêt. Voyez
Adjectif.
IRliÉvocABLEME^T. Adv. Il uc se met qu'après
le verbe : On a prononcé irrévocablement.
Irrévoqcé , Irrévoquée. Adj. Puisque nous
avons admis irrévocable, dit La Harpe, pourquoi
ne pas admettre irreroçMe? Pounjuoi ne pas dire
toute loi irrévoquée exige l'obéissance'^ — Je
pense que l'on ne peut se servir de ce mot que
lorsque l'on indique une opposition entre des
chijses révoquées et des choses irrévoquées : La
plupart de ces lois avaient été révoquées, les au-
tres étaient irrévoquées. Mais lorsqu'on parle
absolument, sans rapport à cette opjiosition , je
pense qu'on doit employer la négation, et que
l'on ne peut pas dire toute loi irrévoquée exiffe
obéissance, mais qu'il faut {i\re toute loi qui 71' a
pas été révoquée exige obéissance. Sans cela,
quelle différence y aurait-il entre une loi irrévo-
quée el une loi qui n'a pas été révoquée? et s'il
n'y avait i)as de différence, pourquoi admettre
irrévoquée? Voyez In.
Irritable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst.
Irritation. Subst. f. Mot nouveau proposé par
Mercier. Êlat d'une personne irritée. Je crois
qu'on peut adopter ce mot en ce sens : Dans son
irntatinn, il a tâché de 7ne nuire. — Dans la der-
nière édition de son dictionnaire, l'Académie
donne pour exemple du sens figuré de ce mot :
Calmer /'irritation des esprits.
Irriter. V. a. de la 1'° conj. Il se dit des per-
sonnes et des choses. En parlant des jjersonnes, il
signifie mettre en colère: Irriter quelqu'un. On
vous a irrité contre moi. En parlant des choses,
il veut dire augmenter, aigrir ; Irriter la colère,
IV R
413
irriter le courroux, irriter des alarvies, irnter
la douleur.
El respecte un courroux que la présence irritt,
(Volt., OEd., ad. III, sc. iv, 86.)
Je crains d'irriter vos ilarmes.
(Volt., Zdire, ad. III, sc. vu, 21.)
Toujours irritant vos douleurs,
Croireï-ïous ne plus voir que des sujets de pleurs î
(Rac, Iphig., ad. II, sc. I, 5.)
Isolément. Adv. D'une manière îsoiee. Féraud
regarde cet adverbe comme un néologisme qui
n'a pas l'air de faire fortune. Féraud s'est trompé;
cet adverbe est admis généralement. On fait une
demande, une pétition isolément ou collective-
ment.
Isoler. V. a. de la 1" conj. L'Académie le dé-
finit, faire qu'un corps ne tienne à aucun autre.
Une maison n'est pas isolée parce qu'elle ne tient
pas à d'autres maisons, mais parce qu'elle en est
éloignée.
Issin. V. n. de la 2' conj. Vieux mot qui signi-
fiait sortir. Il n'est plus usité qu'au participe
passé issu, issue, et il signifie venu, descendu
d'une personne, d'une race.
Itératif, Itérative. Adj. qui peut se mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Mandements itératifs, comman-
dements itératifs ; itérative défense, itératives
remojitrances.
Itérativement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On l'a averti itérati-
vement, on l'a itérativement averti.
Ivoire. On a été longtemps partagé sur le genre
de ce mol. Vaugelas et Thomas Corneille le fai-
saient féminin: Boileau l'a fait masculin, et ce
genre lui est resté :
Tuivoire trop hâta deux fois rompt sur sa lêle
(BoiL., Lutr., V, 18.)
Ivre. Adj. des deux genres qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme ivre, une^ femme
ivre. 11 régit souvent la préposition de : Etre ivre
de vin, d'eau-de-vie, d'amour, d'espérance, de
volupté, d'orgueil, etc.
Ivresse. Subsl. f. L'Académie dit : L'ivresse
des passions, des grandeurs, des succès. On dit
aussi l'ivresse du pouvoir :
De l'absolu pouvoir vous ignorez Vivresse.
(Rac, Ath., ad. IV, sc. m, 83.)
Les grammairiens disent que ce mot n'a point
de pluriel; cependant J.-B. Rousseau a dit
(liv. I, ode XV, 22) :
Le réveil suit de près vos trompeuses ivresse»,
Et toutes vos richesses
S'écoulent de vos mains.
Je pense que ce mol n'a point de pluriel lors-
qu'il est employé dans un sens général et absolu;
mais qu'on peut le mettre au i)luriol lorsqu'il si-
gnifie des états particuliers et distingués lesuns
des autres. On peut dire, je crois, il est sujet à
de grandes colères; pourquoi ne dirait-on pas,
dans ses fréquentes ivresses, il ne connaît plus
personne ?
4(4
JAM
JE
J. Subst. m. La dixième Icllrc do l'alphabel.
On proiiuiicej'e. Le son propre de celleletlre est
connue dans jamais, jcsuite, joli, jeune, jeter.
Il conserve au coannenceraenl des mots le son
qu^ lut esl ppipre
Cette lettre ne se double point, et ne se trouve
jamais ni avant une consonne, ni à la fin d'un
mot, ni avant la voyelle i, si ce n'est par clision,
comme dans j'ignore, j'irai; et alors j' esl pour
je. — J a toujours le son que l'on donne au g
avant e, i : Je jugerai, le jmig, la jalnusie. —
C'est le j et non le g que l'on emploie dans pres-
que tous les mots où l'on enlcnd le son de ja,
jo, ju : Jarretière, jalousie, jolie, joindre, ju-
jubier. Mais c'est le g et non le j »iue Ion em-
ploie dans geôle, geôlier, et dans les verbes en
ger et leurs dérivés : il ^nange, nous mangeons;
il gagea, nous gageons, la gageure, etc., qui se
prononcent, le jolier, il manja, la gnjure. Si
l'on a conservé l'e dans ces mot!^ c'est alin qu'on
ne donnât pas au g le son dur (ju'il a dans gar-
der, guttural.
J.-C. est l'expression abrégée du nomàc Jésus-
Christ.
Jaillir. V. n. de la 2'conj. On mouille les /.
Il se conjugue comme finir. Selon l'Académie, il
ne se dit proprement que de l'eau ou de quelque
autre chose de fluide. Nous croyons cependant
qu'on ne saurait reprocher à Delille d'avoir dit
(Enéide, AI, 7j :
Du roc qui le recèle.
L'un d'un feu pélillant fait jaillir l'étincelle.
Jaillissant, Jaillissante. Adj. verbal tiré du
"verhQ jaillir. On mouille les l. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Des eaua; jaillissantes.
Jalousie. Subst. f. Inquiétude de l'âme qui la
porte à envier la gloire, le bonheur, les talents
d'aulrui. Celte passion ressemble beaucoup à
l'envie, et on confond souvent ces deux mots. Il
semble pourtant ipie par Venrie nous ne considé-
rons le bien qu'en ce qu'un autre en jouit, et
que nous le désirons pour nous; au lieu que
dans la jalousie, il s'agit de notre bien propre
que nous appréhendons de perdre, ou auquel
nous craignons ([u'un autre ne participe. On en-
vie l'autorité d'autrui , on est jaloux de celle
qu'on possède. Corneille a dit dans Nicomède
(act. I, se. V, 29) :
Par lui j'ai jeté Rome en haute jalousie.
Voltaire a dit à l'occasion de ce vers : On in-
spire de la jalousie, on la fait 7ia'itre. La jalou-
sie ne peut éirc haute; elle est grande, elle est
violente, soupçonneuse, etc. {Remarques sur
Corneille.)
Jalolx, Jalolse. Adj. On peut le mettre avant
son subst. , lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent: Un homme jaloux, V7ie femme ja-
louse. Une liumeur jalouse, cette jalouse hu-
meur ; des transports jaloux, de jaloux trans-
ports. — Qucl(|uefois il régit rfc devant les noms
et les verbes : Jesuis jaloux de viu gloire; je suis
jaloux de mériter votre estime. A oyez Jalousie.
Jamais. Adv. On le place lantôl au comniemc-
ment de la phrase, jamais je ne l'ai vu ; tantôt
après le verbe, je ne le verrai jamais ; tantôt
entre l'auxiliaire et le participe,ye ne l'ai jamais ,
eu. — Jamais est ordinairement accompagné de la
négative ne. Il régit la préposition de : Cet hom-
me ne boit jamais d'eau. Quelquefois il est suivi
d'un nom appellalif sans article : Jamais homme
n'a eu tant de génie. Alors ce nom appcllatif doit
s'employer ai/ singulier, iiarcc que jamais avec
h iiéi^atior» esl une exi)ression exclusive qui n'a
pas besoin de pluriel.
L'Académie dit que jamaM se dit quelquefr.is
sans être négatif : C'est ce qu'on peut jamais dire
de mieux. Alors il ne prend point le ne. Féraud
observe avec raison que, dans cette phrase, quoi-
que la négation ne soit pas exprimée, le sens
n'en est pas moins négatif. C'est comme si 1 on
disait on ne pourra jamais rien dire de mieux.
On dit à jamais el pour jamais. Le premier
est plus énergique que le second. Un homme est
perdu à jamais, quand il est impossible qu'il se
relève de sa disgrâce; il est perdu pour jamais,
quand il est à croire qu'il ne s'en relèvera pas.
Japper. V. n. de la 1" conj. Voyez Aboyer.
Jargon. Subst. m. Ce mot a plusieurs accep-
tions. Il se dit: 1° d'un langage corrompu, tel
qu'il se parle dans nos provinces; 2° d'une langue
factice , dont quelques personnes conviennent
pour se parler en compagnie el n'être pas enten-
dues des autres; 3° d'un certain ramage de société
qui a quelquefois son agrément et s'a finesse, el
qui supplée à l'esprit véritable, au bon sens, au
jugement, à la raison, aux connaissances, dans les
personnes qui ont un grand usage du monde.
Celui-ci consiste dans des tours de phrase parti-
culiers, dans un usage singulier des mots, dans
l'art de relever de peûtes idées froides, puériles,
communes, par une expression recherchée. Le
précieux, ou celle affectation de langage si oppo-
sée a la naïveté, à la vérité, au bon goiit et a la
franchise, dont la nation était infectée, et que
Molière décria dans ses Précieuses ridicules, fut
une espèce Ag jargon. On a beau corriger ce mot
de jargon par les épithèles de joli, d'obligeant,
de délicat, d'ingénieux, il emporte toujours avec
lui l'idée de la frivolité.
* J ARRETER. V. a. delà 1^' conj. Mol nouveau
proposé par Mercier. Nous avons mettre ses
jarretières, qui parait suffisant. Madame sejar-
rèle-t-elle au-dessus ou au-dessous du genou ?
est bien plus dur à prononcer que madame inet-
elle ses jarretières, etc. ?
Jauger. V. a. de la l"^' conj. Dans ce verbe, le
g doit toujours se prononcer cominey, el, pour
lui conserver celle prononciation lorsqu'il esl
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o : Je jaugeais, jaugeons, et non pas,
je ja uga is, ja ugoîis .
Jaunâtre. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son snlist. : U/ie robe jaunâtre.
Jaune. Adj. des deux genres. Il suit toujours
son subst. : Du drap jaune, une fleur jaune,
avoir le teint jauîie.
Jaumssant, Jaunissante. Adj. verbal tiré du
verbe jaunir. Cet adj. paraît propre au genre
poétique : Les épis jaunissants, la moisson jau-
nissante. Los poêles le mettent avant son substan-
tif, suivant le besoin de la mesure ou de la rime.
Je. Pronom de la 1'' personne du singulier des
deux genres, dont nous esl le pluriel. Voyez
Nous. Il est toujours le sujet de la proposition:
Je marche. Il se met toujours devant le verbe,
si ce n'est dans les phrases inlerrogaiives, que
deviendrai-je? que ferai-je? dans celles où l'on
JET
sxprimo un souhait ou un doute on forme d'ex-
clanintion, puissé-jc! en croirai-je mes yeux!
lorsiiu'il est |irécé(ré de l;i conjonction aussi; ou
cnlin lorsque le verbe se trouve dans une paren-
thèse [lui répondis-je), aussi le ferai-je.
Dans tons ces cas, le veii)e ne chaiii;e pas île
terminaison; il se joint seulement au pronom par
un tiret. Si le verbe est terminé par un e muet,
cet e se change en ê fermé, aimé-j'e? sonffré-jc'l
Quchpiefois je, mis après un verbe, produit
un son dur cl flésaïreabic qu'il faut toujours
éviter. Ainsi, au lieu de dire dors-j'o? mens-jef
sens-je? on dit alors est-ce que je dors? est-ce
que je mens? es/-ci^ que je sens? mais on ne dit
pas donné-jr? 7ne/ttc-je9
Le pronom^e, et en général les pronoms de la
première et de la seconde personne qui sont su-
jets de la proposition, se réjiètent devant les
verbes (jui sont à des temps différents, et lors-
qu'il y a dans la phrase une sorte d'opposition :
Je dis et je dirai toujovi's que vous avez tort;
je vous désapprinive, mais je vous aime ; je vous
corrige parce que je vous aime. Les poètes ne
s'astreignent i)as toujours à ces règles. Racine a
fort bien dit {Athalie, act. II, se. ii, 41) :
J'ignore tout le reste.
Et venaia vous conter ce désordre funeste ;
et Voltaire {Mahomet, acl. V, se. iv, 64):
J'ai trompé les mortels, et ne puis me tromper.
Quand les verbes sont au même temps, et
qu'il n'y a point d'opposition, on est libre de
répéter on de ne pas répéter le pronom. On dit
égaleiuenl bien je dis et soutiens que vous avez
tort, et je dis et je soutiens que vous avez tort.
Mais on ne dirait pas, je vous corrige, mais
vous aime. Voyez Moi, Nous.
Jiisns. Subsl. m. On ne prononce le s final que
lorsiiue le mol suivant commence par une voyelle
ou par un h non aspiré, et seulement dans le dis-
cours soutenu. Voyez Christ.
Jeter. V. a. de la 1" conj. On double le t aux
personnes qui finissent par un e muet : Je jette
tu jettes.
Sur un nouveau venu le courtisan perfide,
Avec malignité, jette un regard avide.
(Volt., Indiscret, se. i, 9.)
Aux autres on ne met qu'un seul t: Jeter, jetons,
nous jetâmes.
Bai'ine a dit dans Mithridate (act. II, se. vi,
35):
Sous quel appui tantôt mon coeur s'est-il jeté?
et dans Athalie (act. II, se. v, 130) :
De ce refus bizarre où seraient les raisons?
L pourrait me jeter en d'étranges soupçons.
On ne trouve point dans le Dictionnaire de
V Académie, d'exemples analogues à ces expres-
sions.
Corneille a dit dans Cinna (act. III, se. iv, 35) :
Jeter un roi du trône, et donner ses États.
Et ce vers a été remplacé dans la suite par ce-
lui-ci :
Mettre un roi tiers du trône et donner fasËUts.
JOI
/iî.s
Voltaire dit à ce sujet : Mettre hors est bien
moins énergique que jeter, et n'est pa^ même
une expression noble. BoihurseAi dur à l'oreille.
Pourquoi ne dirait-on pus jeter du irùne? o\\ dit
bien jeter du haut du Irànn. En tout cas, chasser
eùl été mieux (lUC mettre hors. {Remarques sur
Corneille.)
Tant qu'on ne s'est choqué qu'en de légers combats,
Trop faibles pour jeter un des partis à bua.
(Corn., Hor., acl. I, se. i,69.)
Jeter à bas, dit A''oltairc, est une expression fa-
milière, cpii ne serait pas même admise dans la
prose. {Remarques sur Corneille.)
Un même instant conclut notre hymen et la guerre.
Fit naître notre espoir et te jota par terre.
(ConN., Hor., act. I, se. m, 4t.)
Un espoir jeté par terre, dit encore Voltaire,
est une expression vicieuse.
Jeu. Subst. m. En littérature, on appelle j'cm
de mots une espèce d'é(iuivoque dont la finesse
l'ail le prix, et dont l'usage doit être fort mo-
déré. On peut la définir, une pointe d'esprit fon-
dée sur l'emploi de deux mois qui s'accordent
pour le son, mais qui diffèrent à l'égard du sens.
Les jeux de mois, quand ils sont spirituels,
se placent à merveille dans les cris de guerre,
dans les devises et les symboles. Ils peuvent en-
core avoir lieu, lorsqu'ils sont délicats, dans la
conversation, dans les lettres, dans les épigram-
mes, les madrigaux, les impromi)lu, et autres
petites pièces de ce genre. Voltaire pouvait dire
a Deslouches {lettre 96* du recueil des lettres
en vers et en prose) :
Auteur solide, ingénieux,
Qui du Ihcàtre êtes le maître.
Voua qui fîtes le Glorieux,
Il no tiendrait qu'à vous de l'èlre.
Ces sortes de jeux mots ne sont point interdits,
lorsqu'on les donne pour un badinage qui ex-
prime un sentiment, ou pour une idée passagère;
car si coite idée paraissait le fruit d'une ré-
flexion sérieuse, si on la débitait d'un ton dog-
matique, on la regarderait avec raison comme une
petitesse frivole. {Encyclopédie.)
Jeune. Adj. des deux genres. Quand jeMne est
précédé de l'article, il a des sens différents, sui-
vant qu'il est placi" avant ou après son subst. Le
jeune Scipion signifierait que Scipion n'était pas
âgé; Scipion le jeune sc dit pour le distinguer
de l'ancien. — Quand cet adjectif est sans modi-
ficatif, il se met toujours avant son subsl. ; Un
jeune médecin, un jeune garçon, une jeune file.
Quand il est modifié par quelque adverbe de
comparaison, comme très, fort, lien, etc., il peut
se mettre avant ou après : C'est un garçon très-
jeune, c'est un très-jeune garçon. Un médecin
flirt jeune, un fort jeune médecin.
Joie. Subsl. f. Barthélémy a dit : Ne pouvant
assouvir sa joie, {f^oyage duj'etnie Anâcharsis.)
Vollaire a d'il: Ivre de joie {Épitre XXXV,
96) :
J'ai vu son peuple aux nouveautés en proie,
Ivre de vin, de folie et de joie, etc.
On dit j'ai de la joie à vous voir, elje n'ai
pas eu la joie de le voir. Pourquoi la préposition
à dans le premier exemple, el la préposiliontfe
dans le second? C'est que, dans j'ai de lajoia
416
JOI
a vous voir, h joic existe réellement, cl vnir est
rommi' un but ;iu(]uel la joie est ;ilt;Kliée; au
lieu que, dans jV n'ai pas eu la joie de le voir,
il n'cxisie aucun hut, aucun terme (jui puisse
amener la préposition d.
Le ciel s'est fait sans doute une joie inhumaine
A rassembler sur moi tous les (rails de sa haine.
(Rac, Iphig., ad. II, se. I, 9t.)
On dit très-bien, dit l'abbé d'Olivet, au sujet de
ces vers, j'ai de la jiie à vous voir, et je me
suis fait vue j'oie de vous voir. — Il serait en
effet plus réçiilier aujourd'hui de mettre de que
à, après se faire tme Joie ; mais du temps de
Racine cela était indifférent.
Féraud critique ce vers de Racine {Bérénice,
act. V, se. V, 13):
Ne l'entendez-Tous pas, cette cruelle joie?
On entend, dit-il, les cris de Joie; mais entendre
la Joie est une métaphore forcée, ou une ellipse
un peu forte, même en vers. — 11 nous semble
qu'il y a un peu de pédanterie dans cette criti-
que, et que la figure est très-bonne dans le cas
où elle est employée.
L'.Acadéniie dit qu'on appelle fille de Joie une
fille prostituée. — On ne dit plus aujourd'hui
c'est vne fille de Joie, mais c'est une fille.
On confond quelquefois le mot de Joie avec
celui de gaieté. L'un et l'autre de ces luots
marque également une situation agréable de
l'âme, causée par le plaisir ou |)ar la possession
d'un bien qu'elle éprouve; mais la Joie est plus
dans le cœur, et la gaieté dans les manières.
La joie consiste dans un scniiment de l'àine plus
fort, dans une satisfaction plus pleine; la gaieté
dépend davantai.e du caractère, de l'humeur, du
tempérament. L'une, sans paraître toujours au
dehors, fait une vive impression au dedans;
l'autre éclate dans les yeux et sur le visage. On
agit par gaieté, on est affecté par la joie. Les
degrés de la gaieté ne sont ni bien vifs, ni bien
étendus ; mais ceux de h Joie peuvent être portés
au plus haut période; ce sont alors des trans-
ports, des ravissements, une véritable ivresse.
Joignant, Joignante. Adj. verbal tiré du v.
Joindre. On mouille le^«. Une se met qu'après
son subst. : Une maison Joignante à la mienne,
les maisons joignantes .
Joindre. \ . a. et n. de la 4* conj. Je joins, je
joignais. Je Joignis, j'ai jnint, je Joindrai, Je
Jdindruis. Que Je Joignisse, Jainnant. Le gn
se mouille dans les temps où il se trouve. Joindre,
dans lésons d'unir, d'allier, a pour régime quel-
quefois la préposition «, quelciuofuis la préposi-
tion arec. On emploie à, lors(pic les choses qu'il
s'agit de Joindre sont de même nature, du uicme
ordre de choses : On jnint vtie planche à une
autre ■planche, vn morceau de terre à un mor-
ceaxL de terre ; Je vous prie de joindre vos prières
aux miennes.
Joignant d'un sacré nœud ma maison à la vôtre.
(Cork., Cid, act. I, se. Ti, 16.)
Mais quand il s'agit de choses d'une nature dif-
férente, ou d'un ordre différent, on emploie avec :
Joindre de l'or avec du cuivre ; Zénohie se
rendit célèbre par toxite lu terre, pour avoir joint
la chasteté avec la beauté, et le savoir avec la
valeur. (Bossuel, Discours sur l'hist. univ.,
i'" Part., X' Epoque, p. 104.) Voyez Jonction.
JOU
Ci-joint, Ci-jointe. Façons de parler adver-
biales. L'usage veut (]u'on écrive : f-''ous trou-
verez ci-Joint Copie de ce que vous demandez;
et vous trouverez ci-jointe la copie que vous me
demandez. — Joint, jdacè devant un nom dont
le sens est vague, comme copie, etc., parait
s'accorder avec ceci, sous-enlendu. Mais quand
renonciation est précise, comme la copie, mu
prowjeiie, etc., l'esprit, plus allentif, voit mieux
le rapport qui est gw^tq Joint et le nom, et l'ac-
cord a lieu. Le vague de l'énoncialion n'empê-
che pas d'écrire, " copie de ma lettre est ci-
Jointe. Joint, placé après un nom, quel qu'il
soit, se rapporte nécessairement à ce nom, et
doit en adopter le genre et les inflexions. "Voyez
Compris, Excepté, Inclus.
Joli, Jolie. Adj. Il précède ordinairement son
subst. : Un joli enfant, une jolie fille, un joli
cheval, une Jolie maison. Ouand il est modifié
par quelque adverbe de quantité, on peut le
mettre avant ou après : C'est une très-Jolie per-
sonne, c'est une personne très-jnlie.
Joliment. Adv. On peut le ineitre entre l'auxi-
liaire et le parlici|)e : // a répondu joliment, ou
il u joliment répondu.
JoLivETÊ. Subsi. f. Vieux mot conservé par
l'Académie, mais qui ne se dit plus en aucun
sens.
Joncher. V. a. de la 1" conj. L'abbé d'Oli-
vet a critiqué avec raison ce vers de Racine
[Alexandre, act. H, se. ii, 10) :
Et de sang et de morts vos campagnes jonchée».
On dit bien, avec l'Académie , uiie campagne
Jonchée de morts; mais on ne dit pas des cam-
pagnes jonchées de sang. Le mot joncher ne
convient point aux choses liquides.
Jonction. Subst. f. Il signifie, comme union,
la liaison de deux choses ensemble. Mais Injonc-
tion regarde proprement deux choses éloignées
qu'on rapproche ou qui se rapprochent l'une
de l'autre; et V union regarde i)arliculière-
ment deux différonlcs choses qui sont bien
ensemble. Le mot de Jonction semble supposer
une marche ou queUiue mouvement; celui d'u-
■nion renferme une idée d'accord ou de conve-
nance : on dit la jonction des armées, et Vunion
des couleurs ; la jonction de deux rivières , et
Vunii'n de deux voisins. Ce qui n'est [tas Joint
est sépare, ce qui n'est pas uni est divisé. —
Union s'emploie souvent au figuré, et toujours
avec grtàce ; mais on ne se sert de jonction que
dans le sens littéral. La Jonction des ruisseaux
forme les rivières ; Vunion soutient les familles
et la puissance des États.
JouAiLLER. V. a. de la l'« conj. Jouer à petit
jeu et seulement pour s'amuser. Il est fami-
lier.
Jouer. V. n. et a. delà 1" conj. On écrit au
futur simple, Je jouerai, et au conditionnel. Je
Jouerais; mais en poésie on écrit quehpiefois,
Je joûrai. Je Joûrais. A la première et à la se-
conde personne du pluriel de l'imparfait de l'in-
dicatif, et du présent du subjonctif, on met un
tréma sur Vi: twus Jouions, vous Jouiez ; que
nous Jouions, que vous Joutez. Ce qui s'observe
dans tous les verbes dont le participe présent se
termine en uant.
Ces observations peuvent s'aiipliquer aux ver-
bes avouer, clouer, déclouer, nouer, dénoue}
contribuer, distribuer, échouer, secouer, trouer.
JOU
puer, etc. — Se jouer, dit I.n Ilarpc, peut entrer
dans le style le plus oratoire et le plus [lOélique :
La Fortune se joue des grandeurs, le Zéphyr
se joue ddiis le feuillage, etc. Tout cela est bon ;
mais yoi/er peut cire dinicilcment au-dessus du
familier, parce qu'il rappelle trop l'idée des amu-
sements i)ucrils.
Jouet. Subst. m. Ce mot s'emploie frétpiem-
ment dans le style noble : Un homme est le jouet
de la fortune. Il est le jouet de ses passions.
El nous, tristes _;'ouef« d'iino si longue attente.
(Delil., É,xéid., III, 656.)
Misérables jouetê de notre vanité.
{BoiL., ÉptlrelU, 3t.)
Triste jouet d'un sort impitoyable...
(Raciwb, Phéd., acl. Il, se. i, 25.)
JoDFFLu, JooFFLDp. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme Joufflu, vne femme
joufflue.
Joug. Subst. m. Le g final se fait sentir légè-
rement comme gue. 1,'emploi de ce mot, au
figure, est fréquent dans le style noble :
Tu voudras t'aiïranchir du joug de mes bienfaits.
(Rac, Britann., act. Y, se. vl, 31.)
Heureux qui, satisfait de son humble fortune.
Libre du joug superbe où je suis attaché.
Vit dans l'éLit obscur où les dieux l'ont caché.
(RiC, Iphig., act. I, SJ. I, 10.)
Jouir. V. n. de la 2' conj. L'Académie ne le
dit que des choses avantageuses et agréables.
Massillon l'a employé avec succès dans un sens
contraire; IL ne croit rien avoir sHl n'a tout;
son âme est toujours avide et altérée, et il ne
jouit de rien que de ses malheurs ei cie sun in-
quiétude.
11 ne faut pas conclure de là qu'on puisse dire
jouir d'une mauvaise santé, jouir d'une mau-
vaise répuiiition. Dans cette i)lirase de Massillon,
jouir est pris dans un sens détourné. Cela veut
dire, il est avide et altéré de jouissances, et ces
jouissances, au moment où il croit les saisir, ne
sont que dos luallieurs et des iniiuiétudes.
JotissAM, JouissA.ME. Adj. Verbal tiré du v.
jouir. 11 ne se dit qu'au palais, et se met toujours
après son subst. : Majeur usant et jouissant de
ses droits. Fille usante et jouissante de ses
droits.
Jour. Subst. m. Dans le sens de lumière, on
l'emploie dans le style noble : Vastre du jour.
Peut-être votre époux voit encore le jour ?
(Rac, Phéd., act. II, se. v, 39.)
Lasse enfin d'elle-même et du jour qui l'écIaire.
[Idem, act. I, se. I, 46.)
On a critiqué le vers suivant de Racine {Britan.,
act. I, se. 1, 15) :
Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire!
On respire l'air, a-l-on dit, mais 07i ne respire
pas le jour. Nous ne croyons pas que cette cri-
tique soit juste. Voyez Respirer.
Dans le sens de vie, le mot jour paraît parti-
JOY
i*\
culiérement consacré au style noble : Ceux à
qui je dois le jour.
Avez-vous oublié qu'il m'ont sauvé le jour?
(Volt., Ah., act. I, se. i, 91.)
Jours, au pluriel, signifie la vie, l'âge, le temps
auquel on vit; et c'est encore une expression que
l'on emploie fré(]ucminpnt dans le style noble:
Le fil, la trame de ses jours.
En ce malheur je tremblai pour ses jour».
(Rac, Mithrid., acl. I, se. i, 85.)
Mes jour» moins agités coulaient dans l'innocence.
(Rac, Phcd., act. I, se. m, 146.)
Uit-on quelle aventure a terminé ses joitrê ?
{Idem, act. II, se. i, 13.)
Voulez-vous, sans pitié, laisser finir vos jours ?
(Idem, act. I, se. m, 36.)
Le chagrin vint flétrir la fleur de ses beaux jour*.
(Volt., Henr., III, 17.)
Corneille a dit dans les Horaces (act. I, se. i,
107):
Mais hier quand elle sût qu'on avait pris journée.
On prend jour, dit Voltaire au sujet de ces vers,
et on ne prend point journée, parce que jour
signifie temps, et (\\xq journée signifie bataille:
Lu journée d'Ivry, la journée de Fonlenoy.
[Remarques sur Corneille.) 11 faut remarquer
ici (juc journée ne signifie pas toujours ba-
taille.
L'Académie dit vivre au jour la journée, au
jour le jour. Au propre, c'est dépenser chaque
jour ce qu'on a gagné; au figuré, c'est jouir du
présent, sans se mettre en peine de l'avenir.
Voyez Journée.
Journalier, Journalière. Adj. Travail jour-
nalier, occupation journalière. — Esprit jour-
nalier, humeur journalière. On ne peut guère le
mettre qu'après son subst.
Journée. Subst. f. C'est la durée du jour, con-
sidérée par rapport à la manière agréable ou pé-
nible dont on la remplit. On dit, un beau jour, et
une belle journée ; mais un jour est beau en lui-
même, et une journée belle par la jouissance
qu'on en a : Cette journée fut sa?iglante. La
journée sera longue. H s'agit alors du chemin
que l'on a à faire : f^oyager à petites journées.
Voyez Jour.
Journellement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a travaillé jour-
nellement à cet ouvrage; il y a journellement
travaillé.
Jovial, Joviale. Adj. On peut le mettre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Homme jovial, esprit jovial, humeur
Joviale, cette Joviale humeur. — Cet adjectif n'a
pas de pluriel au masculin.
Joyeusement. Adj. On peut le mettre entre
l'auxiliaireet le participe : J'ai passé joyeusement
la jnurné, j'ai joyeusement passé la journée.
Joyeux, Joyeuse. Adj. On peut le mettre avant
son subst., lorsque l'analogie cU'harmonie le per-
mettent: Unhomme joyeux, une femme Joyeuse ;
humeur joyeuse, joyeuse humeur. Mener une
vie joyeuse, mener joyeuse vie; une joyeuse
4i8
JUS
nouvelle. On ne dit pas un joyeux homme. Voyez
Adjectif.
Jl'daïqde. Ailj. des deux genres. 11 ne se met
«lu'aprcs son subst.: Loi judaïque, les antiquités
judaïques, superstitions judaïques.
JoDiciAiuE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Acte judiciaire, hail judi-
ciaire, ordre judiciaire, astr>lûgic judiciaire.
JuDiciAiREMExT. Aiij. Il uc Se met qu'après le
verbe : Cet acte a ctc fait judiciairement.
JuDiciEisEMF.NT. Adv. On jieut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : lia pensé judicieuse-
ment que... Il a judicieusement pensé que...
Jddiciecx, Jldicif.dsf:. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le liermcttent : Un homme judicieux. — Une
réflexion judicieuse, cette judicieuse ré flexion;
unecrili'juc judicieuse, celle judicieuse critique;
une remarque judicieuse, celte judicieuse re-
marque. On ne dirait pas u/i judicieux homme.
Voyez Adjectif.
Juger. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un j ; et
pour lui conserver cette pnMionciation lors(ju'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muel avant
cet a ou cet o : je jugeais, jugeons, et non pas,
je jugais,jugo)is. Dans le sens de, élreiropinion,
de sentiment que, il régit l'indicatif quand la
phrase est aifinnalive, et le subjonctif (juand elle
est négative ou inlerrogalivc : Je juge que vous
(kiez partir, je ne juge pas que vous deviez
partir, jugiez-vous que je dusse partira
Dans le sens de croire, il régit l'infinitif quand
le verbe régi se rapporte au sujet de la phrase :
Il jugea devoir se comporter aifisi. Quand le
verbe régi ne se rapporte pas au sujet de la
phi'ase, il faut se sei-vir de que avec le subjonctif:
flaire père a jugé que vous deviez vous compor-
ter CM si.
On dit juger par, et juger à. Juger d'une
chose par une autre, suppose une cijmpsraison
de choses que l'on croit semblables. On juge de
la pièce par V échantillon, j'ai jugé de votre
cœur par le mien. Juger une chose à, c'est s'at-
tacher à un accessoire, à une apparence, pour
porter un jugement sur le fond, sur la réalité :
Je jugeai à son air quil était malade. Je jugeai
du mérite des philosophes à la gravité de leur
extérieur, à la pâleur de leur visage, et à la
longueur de leur barbe.
Corneille a dit dans Rodogune (Act. I, se. v^
81) :
Que de sources de haine ! hélas, jugct le reste.
Voltaire dit à l'occasion de ce vers : Jugez du
reste était l'expression propre, mais elle n'en est
pas plus digne de la tragédie. Juger quelque
chose, c'est porter un arrêt; juger de quelque
chose, c'est dire son sentiment. [Remarques sur
Corneille.)
Juridique. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst.: Sentence juridique, acte ju-
ridique, procédure juridique.
Juridiquement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : On a procédé juridiquement.
Jusque. Préposition qui marque certains termes
de lieu ou de temps au delà (lesquels on ne passe
point; il exige toujours à sa suite une autre pré-
positionavec son complément : Jusque dans les
enfers, jusqu'il Rome, jusqu'il l'aimée prochaine.
JUT
— Devant une voyelle , on écrit (luclquefois
jus'^ue ave(^ un s a la fin, et les poêles ajoutent
ce 5 quand ils le jugent convenable à la mesure
du vers :
J'ai poussé la vertu jusques à la rudess
^RlC, Phèà., ici. IV, se. Ii, 76.)
Jusqu'à, ju-iqu'aux, scrl aussi à marquer quel-
(|iie chose (|ui va au delà de l'ordinaire, soit en
bien, soit en mal : Notre religion 7ious ordonne
d'aimer jusqu'à nos ennemis. Ils ont tué tout,
jusqu'aux enfants.
Jusque, devant là adverbe, prend toujours un
tiret : Jusque-là.
\.'e final de jusque s'clide devant à, au, aux,
ici. Jusqu'à Rome, jusqu'dMcielfjusqt^SiUX nues,
jusqu'ici.
Jusque ne prend point la préposition à quand
il doit être suivi des mots ici, là, ou d'une ex-
pression adverbiale qui commence par la prépo-
sition à : Jusqu'ici, jusque-là, jusqu'à présent.
D'après cette règle, que fournil l'usage, on doit
dire, jusqu'aujourd'hui, et non pas jusqu'à
aujourd'hui. — En 1835 l'Académie admet les
deux expressions. Voyez Avjourd'hui.
Jusqu'à ce que, régit le subjonctif: Jusqu'à ce
qu'il soit arrivé. Quelques auteurs y joignent la
négative, et disent, /i/syw'd ce qu'il ne sait arrivé.
Mais ni l'usage ni l'analogie ne demandent cette
négative. Jusqu'à ce que, dit Voltaire dans ses
Remarques sur le Cid (AcL III, se. iv, h^), est
rude, et ne doit jamais entrer dans un vers.
Juste. Adj. des deux genres. Cet adjectif se
met lanlôt avant, tantôt après le subst. : Un homme
juste. — Une sentence juste, une juste puni-
tior, une juste récompense, une juste propor-
tion, une juste mesure, un juste poids, un habit
juste, un calcul juste, une (bservation juste,
une roix juste, une balance juste, ^'oyez Ad-
jectif
Juste. Adv. Avec justesse. Il ne se met qu'a-
près le verbe : Parler juste, chanter juste. Il
prit ses mesures si juste.
Justemdst. Adv. Avec justice. On peut quel-
quefois le mettre entre l'auxiliaire et le participe :
// a été justement puni. Il signifie aussi précisé-
ment. Foilà justement ce qu'il 7wus faut. Il a
dit justement la vérité. On peut queliiuefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // est
justemeni arrivé comme je sortais.
JusT-JSSE. Subst. f. 11 n'a point de pluriel. Ce
mot, qu'on emploie également au propre et au
figuré, désigne en général l'exactitude, la régu-
hu'ilc, la précision. Il se dit au figuré en matière
de langage, de pensées, d'esprit, de goût et de
sentiment".
Justice. Subst. f. Il n'a de pluriel que lors-
qu'on parle de certaines juridictions, comme,
par exemple, les anciennes justices des sei-
gneurs.
Justiciable. Adj. des deux genres : U est jus-
ticiable de tel tribunal. Il ne se met point avant
son subst.
Justifiable. Adj. des deux genres. Il ne se
met pas avant son subst : Conduite justifiable,
procédé justifiable.
Juteux, Juteuse. Adj. qui suit toujours son
subst. : Un melon juteux, une pêche juteuse.
K.
•tjy
K. Subst. m., la onzième lettre de l'iilpliabet.
le son projire de cette consonne est que très-
dur: Kyrielle. On ne s'en sert plus aujourd'hui
«jue dans ce mot et dans (lucliiues autres tirés des
langues élrançères, comme kan, Stockholm,
kirsch-wasser, kiosque, kyste, etc.
K est la marque de la monnaie de Bordeaux.
L.
L. Subst. m. On prononce le. Douzième lettre
de l'alphabet. Elle est du nombre des consonnes.
Le son propre de cette lettre est le, comme
dans laurier, leç^m, livre, loge, lune. Au com-
mencement des mots, elle conserve toujours le
son qui lui est propre, comme dans lapin, lar-
ron ; au milieu d'un mol elle le conserve égale-
ment lorsqu'elle est entre deux voyelles, couime
dans filer, voler, modèle, fidèle, appeler. A la lin
des mots, elle se fait ordinairement entendre,
commb dans profil, puéril, subtil, fil, etc., etc.
Il faut en excepter baril, chenil, coutil, four-
idl, fusil, outil, gril, nombril, persil, sourcil,
soûl.
— Nota. La prononciation des mots pluriels en
ils varie conformément à celle du singulier ; par
exemple, on dit des fusi-senlevés, des outi-zexci l-
hnts, parce que ces mots se prononcent au sin-
-'ulier sans l articulation du Z; maison dit de.<t
profil-zexacis, de subtU-zarguments, "p'àVCQ^wc
dans ces cas on fait sonner la consonne/ au sin-
gulier; enliii des péril-za/freux, en mouillant,
parce que péril se mouille au singulier.
On fait ei.iendre le l linal do ^e/)/t7 dans la
signification d'idolâtre ; dans gentil signifiant joli,
agréable, le l ne se fait entendre (juc devant une
voyelle, et alors il prend le son mouille -.gentil
enfant, gentilhomme; dans ce mot celte lettre
est muette au pluriel : De gentils enfants, gen-
tilshommes.
Le l final se change en w dans les mois col, fol.
Mais quoiqu'on ail accoutumé de les prononcer
cou, fou, il est néanmoins d'usage qu'en certaines
phrases ils conservent, tant dans la prononciation
que dans l'écriture, le l de leur première ortho-
graphe. Ainsi on dit et on écrit le col de la vessie,
un fol appel, un f'I amour, un fol espoir
Autrefois on écrivait vnhommemulet efféminé;
aujourd'hui on écrit un homme mou et rj/i/niné.
La voyelle i placée avant la consonne / donne
à celte lettre un son mouillé qui est trés-i^om-
mun dans noire langue. Ce son devrait avoir un
caractère particulier; mais comme il nous man-
que, il n'y a pas d'uniformité tlans la manière de
le désigner.
1» Nous indiquons ce son mouillé par la seule
lettre l, quand clic e>t à la fin d'un mol et pré-
cédée d'un i, soit prononcé, soit muet, comme
dans fenil, babil, cil, mil, péril, bail, vermeil,
écueil, fenouil, etc. 11 faut en excepter fil, cl les
adjectifs en il, connue vil, civil, subtil, etc.,
où la lettre l garde sa prononciation naturelle. Il
I faut excepter aussi les mots fusil, sourcil, outil,
' gril, etc., et le mot fils, où la lettre l est entiè-
! rement muette.
! 2° Nous représentons le ^on mouillé par // dans
j le nom Sully, et dans les mots où il y a avant II
un i prononcé, comme dans fille, anguille., pil-
I loge, cotillon, etc. Il faut excepter Gilles, raille,
' ville, el tous les mots commençant par ill, comme
I illégitime, illuminé, illusion, etc.
i 3" Nous représentons le même son par ill, de
i manière que Vi est réputé muetlorsipie la voyelle
prononcée avant le son est autre que i ou u,
comme ûnns puillasfe, treille, feuille, elc
4" Enfin nous enqiloyons cpiehiuefois !h pour
la même fin. comme dans Milhau, ville.
Au surplus, c'est mal rendre le son mouillé
que de prononcer meilleur, tailleur, comme s'il
y avait mélieur, tdlieur, ou comme s'il y avait
meyeur, taîeur.
LISTE ALPHABÉTIQUE DES MOTS OU L'ON MOUILLE UN L OU DEUX L.
(Les mots de cette liste qui ne sont pas dans le Dictionnaire de l'Académie, se trouvent dans notre
Nouveau Dictionnaire de la langue française.)
Abeille.
Accordai lies.
Accueil.
.accueillir.
*Agaillardir (s*).
Agenouiller.
.•Vgenouilloir.
*Aguillot.
'Aigail.
Aiguillade.
^Aiguillât.
Aiguille.
Aiguillée.
Aicuill»r,
Aiguilletage.
Aiguilleter.
*Aiguilletier.
Aiguillette.
Aignillier.
'*Aiguillière.
Aiguillon.
Aisuillonner.
Aiïlade.
Ailleurs.
Andouille.
Andouiller.
Andouillelte.
Anguillade.
*Angu illard.
Anguille.
*Anguillers.
*Aniruillière.
♦Andle.
*Anillé.
Appareil.
Appareillage.
Appareillement.
Appareiller.
Appareilieur.
Appareilleuse.
Ardillon.
*Arille.
♦Arillée.
Armadille.
*Arpailleur.
Artillé.
Artillerie.
Artilleur.
Attirail.
♦Aumaillade.
Auniailles
•Aureilletos.
♦Aureillon.
Avitaillemcni
Avilailler.
*Avitailleurr
Babil.
BiÉbillage.
Babillard.
Babillarde.
Babiller.
♦Badail.
Bail.
*Baillard,
Baill.?.
♦Baille-blé.
Bâillomeul.
Bâiller.
*Baillère.
Bailleresse
Baillet.
Bailleul.
Bailleur.
Bailli.
Bailliage.
Baillive.
Bâillon.
Bâillonner.
*Bailloques.
*Baillolte.
*Baraquille.
Barbillon.
*Barbillonner.
Barbouillage.
Barbouiller.
Barbouilleur.
*Barbouillon.
*Barillage.
•Barillard.
*BarilIc.
Barillet.
•Barillon.
*Barillat.
Bassc-laille.
Bataille.
Batailler.
Bataillon.
Béalillcs.
*Becquillon.
Béqiiillard.
Béquille.
Béquiller.
*BéquilloD.
Bercail.
Bétail.
♦Bétillcs.
Bienveillance.
Bienveillant.
*Bifeuille.
*Bigaille.
Bill.
Billard.
Billarder.
*fiillardiëre.
Bille.
Billebarrer
Billebaudc
♦Biller.
Billet
Billeter.
♦Billeteur.
Billelte.
Billon.
Billonnage.
Biltunnemeot.
BiUonner.
Billuimeui.
Billot.
»BllV.)lije
♦Bisailh".
Bisbille.
BlaïK-liaillc.
*Bord:nlle.
*Bouillaison.
Bouillant.
*Buuillard.
Bouille.
*Bouilleau.
Boiiiller.
♦Bouilleur.
Bouilli.
Bouillie.
Bouillir.
♦Bouillitoire.
Bouilloire.
Bouillon.
Bouillonnant.
Bouillonnement.
Bouillunncr.
Bouillotte.
Bourbillon.
Bourdillon.
Boursiller.
Bousillagc,
Bousiller.
Bousillcur.
Bousilleuse.
*Bouteillage.
Bouteille.
Bouvillon.
Bouvreuil.
Braillard.
♦Braille.
*Brailleniciil.
Brailler.
Braillcur.
Brandillement.
Brandiller.
Brandilloire.
Brasiller.
Bredouille.
Bredouillement.
Bredouiller.
Bredou illeur,
BredouiUeuse.
Brésiller.
Brésillet.
♦Brésillot.
Brétailler.
Brélailleur.
Breuil.
*Bre ailler.
Brillamment.
Brillant.
Brillante.
Brillanter-
Briller.
•Brillolcr.
Brindille.
♦Briquaillons.
•Bruuailles.
Brouillamini.
Brouillard.
Brouille.
Brouillement.
Brouiller.
Brouillerie.
Brouillon.
Brousailles.
Broutilles.
•Burail.
Cabillaud.
♦CabiUc.
♦Cabillcls.
♦Cabillols.
♦Cabrillet.
Cacouille.
Caille.
Caillé.
♦Caillebolis.
Caillebolte.
♦Cailleboltc.
Caillcment.
Cailler.
Cailletagc.
Cailleteau.
♦Caillcter.
♦Caillctot.
Caillclle.
♦CaiHi.
Caillot.
♦Caillotis.
Caillou.
Cailloutage.
Caillouteux.
Camail.
Camomille.
Campanille.
Canaille.
♦Cancelille.
CannetiUe.
Cantalille.
♦Carcaillcr.
Carillon.
Carillonner.
Carillonneur.
Carpillon.
♦Catillac.
♦Cendrille.
Cercueil.
Cliamailler.
Chamaillis.
♦Chambrillon
♦Chanterille.
Cbarbouiller.
Charmille.
♦Chatouille.
Chatouillement.
Chatouiller.
Chatouilleux.
Chenille.
Chenilletie.
♦Chevillage.
Cheville.
Cheviller.
♦Clievillelte.
♦Chevillon.
♦Chcvillures.
Chèvrefeuille.
Chevreuil.
Chevrillard.
Cil. royez ce mot.
Cillemenl.
Ciller.
♦Cisaille.
Cisailler.
Cisailles.
Citrouille.
•Goaille.
♦Coailler.
Cochenillage.
Cochenille.
CochenJller.
Godille.
*CoIonaille8
♦Condrille.
Conseil.
Conseiller.
♦Conseilleur.
♦Conlailles.
♦Conire-mailler.
♦Contre-mailles.
♦Coulre-laille.
♦Contre-tailler.
♦CoquiUade.
Coiiuillagc.
Coquillart.
Coquille.
♦Coquillcux
Coquillier.
Coquillicre.
♦Coquillon.
Corail.
♦Corailler.
♦Coraillère.
Corailleur.
♦Coraillolidc.
Corbeille.
♦Corbeillée.
Corbillard.
Corbillat.
Corbillon.
♦Cordille.
♦Corna Hier.
♦CorneiUard.
Corneille.
♦Cornilles.
Cornouille.
Cornouillei'
Coronille.
*Coronopifeuille.
Cotillon.
♦Cou illard.
♦Courantille.
Courcaillet.
♦Courtailles.
Court-bouillon.
*Cramailler.
Crémaillère
Crémaillon .
♦Crcvaille.
Criailler.
Criaillerie.
Criaillcur.
♦Croisille.
Croisillon.
Croustille.
Croustiller.
Croustilleusemenl
Croustilleux.
♦Cueillage. "
*Cucille.
♦Cueillée.
*Cueillerel.
CueilU'lle.
♦Cueillcur.
♦Cueillie.
Cueillir.
Cueilloir.
Cuiller ou Cuillère.
Cuillerée
Cuilleron.
♦Dardille.
♦Dardiller.
♦Dardillon-
DébarbouiHtor.
421
DébouiJli
Débouillir.
Bt'ljrailler.
Dpbrcdouiller.
Debrouilloment.
Débrouiller.
Déconseiller.
*Décraiii[)illcr.
Défaillance.
Défaillant.
Défaillir.
Défeuillaison.
Dcfeuiller.
Dégobiller.
Dcgobillis.
Déguenillé
"Démailler.
Uémailloller.
*Demi-dcuil.
Dépareiller.
Dépenaillé.
Dépenailleinenl.
Dépouille.
Dépouillement.
Dépouiller.
*Dérouillemcnt.
Dérouiller.
Désappareillcr.
*Désentortiller.
Détail.
Détailler.
Détailleur.
Déturtillcr.
*DétoupiIlonner.
*Déverrouiller.
*Disputaillcr.
*Disi)Ulaillour.
"^Duradille.
*Douillage.
Douille.
Douillet.
Douillette.
Douillettement.
*Duuilleux.
*Douillon.
Drille.
*Driller.
*Drouillet.
Ebouillir.
*£bril!ade.
*£caillage.
Écaille.
Écailler.
Écailleux.
*Écaillure.
Écarbouiller.
Ecaniuillement.
Écarquiller.
Échaiilillon.
Échantillonner.
Êchenillage.
ÉcheniUer.
*Échenfllcur.
Échenilloir.
*Êchillon.
*£couailles.
Écoutille.
Êcouiillon.
Êcouvillon.
Écuuvillonne;.
Écrille.
♦Ècrivaillerie.
Êcrivailleur.
Êcueil.
Écureuil.
Effeuillaison.
Effeuiller.
Égosiller.
*Êguille.
Émail.
Émailler.
Éinailleur.
Êmaillure.
*Eiiibâillonner.
*Euibarrillé.
EnibrouiUement.
Einbrouiller.
*Embrouilleur.
Émerillon.
Émerillonné.
Émerveiller.
Emmaillotler.
Émousiiller.
Empaillage.
Empailler.
Empailleur.
Encanailler (s').
*Encastillage.
*Encaslillemenl,
*Encastillcr.
*Encornail.
Enfantillage
*Enfutailler.
*Enguenillé.
Enorgueillir.
Eiirouiller.
*Enseuillement.
*Ensouaille.
Entaille
Entailler.
*Euiailloir.
Entaillure.
Entortillement.
Entortiller.
Entrailles
Entre-bâiller.
*Entre-inodillon.
*Entre-pointillé.
Entretaille.
Entretailler.
EnlrelaïUure.
*Entripaillé.
Envieillir.
*É[>ailler.
ÉparpiUement.
Éparpiller.
E pou i lier.
Epousailles.
Épouvantait.
*Equille.
*É(îuillette.
*É(iuilleur.
Éraillemcnt.
Erailler.
Éraillures.
*Escarbilles.
*Eschillun.
Esciuille.
Essorillcr.
*Essorilles.
Estampille.
Estampiller.
*Estavillon.
Étoupille.
*Étoupiller.
Étoupillon.
Etranguillon.
Élrésillon.
Elrésillonncr.
Étrille.
Étriller.
*Etuailles.
Éveil.
Éveiller.
*Eveillure.
Éventail.
*Éventailler.
Éventailliste.
*Éventillcr.
*Extraxillaire.
*Fagotaille.
♦Faille.
*Failles.
Faillibilité.
Faillible.
Faillir.
Faillite.
*Failloise.
Famille.
*Familleux.
*Faraillon.
Farfouiller.
*Farillon.
Faucille.
*Faucillelie.
Faucillon.
Fauteuil.
Fendiller.
Fenil.
Fenouil.
Fenouillet.
Fenouillette.
*Ferraillage.
Ferraille.
Ferrailler.
Ferrailleur.
*Feuillade.
Feuillage.
Feuillaison.
Feuillant.
Feuillantine.
Fcuillard.
Feuille.
Feuille.
Feuillée.
Feuille-morte.
Feuiller.
*Feuillère.
*Feuillerel.
Feuillet.
Feuilletage.
Feuilleter.
*Feuilletis,
Feuilleton.
Feuillette.
Feuillu.
Feuillure.
Fille.
Fillette.
Filleul.
Flottille.
*Fondrilles.
Fouaille.
Fouailler.
Fouille.
Fouiller.
Fourmillement.
Fourmiller.
•Fourmilion.
*Franc-iillac.
Frétillant.
*Frétillarde.
*Frétillar(lement.
Frétillement.
Frétiller.
*Friller.
Funérailles.
Fusillade.
Fusiller.
*Fusillelte.
Futaille.
Gaillard.
Gaillarde.
Gaillardement,
*Gaillardet.
Gaillardise.
Gaillet.
Gambiller.
Gargouillade.
Gargouille.
*GargouilIée.
Gargouillement.
Gargouiller.
Gargouillis.
Gaspillage.
Gaspiller.
Gaspilleur.
*Gazouillard.
Gazouillement.
Gazouiller.
Gazouillis.
*Gcnouillé.
Genouillère.
*Genouilleux.
Gentille.
Gentilhomme.
Gentilhommeric.
Gentilhommière.
Gentillàtre.
Gentillesse.
*Gerbille.
*Gerillc.
*Girouille.
*Goailler.
*GoailIeur.
*Gobillard.
*Gobille.
♦Godaille.
Godailler.
Gogaillc.
*Gorge-lbuille.
*Gosiller.
Goupille.
♦Goupiller.
Goupillon.
*Goupillonner.
Gouvernail.
♦GradiUe.
Graillemenl.
Grailler.
Graillon.
*Graillonner.
♦Graillonneur
•Grappillage.
Grappiller.
Grappilleur.
Grappillon.
Grassouillcw
♦Gremillet.
422
Grénadille.
Grenaille.
Grcnailler.
^Grenailleur.
*GrenouiUard.
Grenouille.
Grenouiller.
Grenouillère.
Grenooillcl.
Grenouillclle.
Grésillement.
Grésiller.
*Grésillon.
*Grevilloe.
Gribouillage.
Gribouiller.
Gribouillette.
Grillade.
Grillage.
*Grillagine.
Grille.
Griller.
*Grillelier.
*Grilloir.
Grillon.
*Grillones.
♦Grillol.
*Grilloler.
Grisaille.
Grisailler.
Groseille.
Groseiller.
Grouillant
Grouillement.
Grouiller.
Guenille.
GueniUon.
Gueusaille.
Gueusaillcr.
*Guillage.
*Guillaule.
*Guillcdiu.
Guilledou.
Guillemet.
Guillemeler.
*Guillemot.
*Guil!er.
Guilleret.
Guilleri.
Guillochcr.
Guillochis.
*Guilloire.
Guillotine.
Guillotiner.
Habillage.
Habillement.
Habiller.
*Habillcur.
*Habillot.
Haillon.
Harpailler.
Haute-taill:.
*Hérillard.
*Herpailles.
*Hersillières.
*Hcrsillon.
Hollandille.
Houille.
Houillcr.
Houillère.
Houilleur,
*Houillite.
Houraillor.
HouraiUis.
Hous[)iller.
*Hurlc|)iller.
*Hydrille.
Indébrouillable.
Infaillibilité.
Infaillible.
Infailliblement.
*Iniaillc.
*Jacacail.
Jaillir.
Jaillissant.
Jaillissement.
♦Janlille.
Janliller.
Joaillerie.
Joaillier.
Jonquille.
Jouailler.
Juillet.
*Lentillac.
*Lenlillade.
Lentille.
*Lentilleux.
Limaille.
Mail.
Maille.
*Mailleau.
Maillet.
*Maillier.
*Mailleiage.
*Mailleter.
*Mailleur.
Mailloche.
*Mailloir.
*Maillon.
Maillot.
*Maill)lin.
Maillure.
Malveillance.
Malveillant.
Manccnillicr.
Mandillc.
Mangeaille.
Manille.
Mantille.
*Maraudaille
*March:indailler.
Marguillerie.
Marguillier.
Marmaille.
Médaille.
Médaillier.
Médaillisle.
ÎVIédaillon.
Meilleur.
*Ménillc.
Menuaille.
*Menul'euillé.
*Merdaille.
Merveille.
Merveilleusement.
Merveilleux.
Méteil.
Mil.
*Millerel.
*Millerie.
Millet.
*Miraillet.
Mitrillade.
Mitraille.
Mitrailler.
ModiUon.
Moinaille.
Moinillon.
Moraillcs.
Moraillon.
Mordiller.
Morille.
Morillon.
Morillons.
Mortaillable.
♦Mosille.
Mouillage.
Mouiller.
*Mouillet.
Mouillette.
Mouilloir.
Mouillure.
*Moureiller.
Moustillier.
*Moutonnaille.
Muraille.
Nasillard.
*Nasillardisc.
Nasiller.
Nasillonner.
*Nille.
OEil.
OEillade.
*OEillé.
OEillère.
OEillet.
*OEilleterie.
OEilleton.
*OEillclonner.
OEillelle.
Oille.
Oisillons.
*Oorail.
*Orceillc.
Oreillard.
Oreille.
Oreiller.
Oreillette.
*Oreillon.
Oreillons.
Orgueil.
Orgueilleusement.
Orgueilleux
Orillon.
*Orillonné.
Ormille.
Orpailleur.
Orseillc.
Orteil.
Oseille.
Ouaille.
*Ouiller.
Outiller.
Paillard.
Paillarder.
Paillardise.
Paillasse.
Paillasson.
Paille.
*Pailléoles.
Pailler.
Paillet.
Paillette.
Pailleiir.
Pailleux.
Paillon
*Paillonner.
*Pailloteur.
Papillon.
*Papillonacé.
*Papillonides.
Papillonner.
PajjiUolage.
Papillote.
Papilloter.
*Papillots.
Pareil.
Pareillement.
Passacaille.
Pastille.
*Pa touille.
*Palouillet.
*Patouilleuse
Patrouillage.
Patrouille.
Palrouillcr.
PalrouilUs.
*Paumille.
*Paumillou.
Pavillon.
Peccadille.
*Peille.
*Peiller.
*Peilles.
Penaillon.
Pendiller.
*Pendillon.
Péril.
*Périllc.
Périlleusement.
Périlleux.
Persillade.
Pclillant.
riHillement.
Pétiller.
*Pharillon.
Piailler.
Piaillerie.
Piailleur.
Pierraille.
*Pif:ouil.
Pillard.
Piller.
Pillerie.
Pilleur.
*Pillu.
*Plalille.
Pointillage.
Pointiller.
Pointillerie.
PoiniiUeux.
Poitrail.
*Ponliller.
Porte-aiguilles.
Poriefcuille.
*Porle-lentille.
Postillon.
*Polilles.
Touille.
Pouiller.
*Pouillerie.
Pouilles.
Pouilleux.
*Pouillier-
'Fouillis.
*rouiliol.
Poulailler.
*rûursille.
Prolintaiilo.
Prcliiilailler.
Prctraille.
Quadrille.
Vualrtiuilh.
Quenouille
Quenouille".
*Quenouillelle
Quillage.
*Quillai.
Quille.
Quiller.
QuillcUe.
*Quillon.
*Quillot.
Quiiicaille.
Quincaillerie.
Quincaillier.
Quoailler.
Rabouillère.
Racaille.
Ragaillardir.
*i» aille.
Railler.
Raillerie.
Railleur.
*Rainaillage.
*Rainailler.
Ramilles.
Rappareiller.
Raréfaction.
*Rarifeuille.
*Rasjiaillon.
*i'calillon.
r.;:vitaillement.
Ravitailler.
*Ravonailles.
Rebouillir.
*Rebrouiller.
Recoquilleuient.
Recoquiller.
Recroqueviller (se).
Recueil.
Recueillement.
Recueillir.
*Recucilloir.
*Refeuillcr.
*Rcfeulllure.
*RefouiUer.
Rejaillir.
Rejaillissement.
llelevailles.
*Remmaillottcr.
*Reaiouiiler.
*Renille.
*Rentorliller.
Répélailler.
Reprcsaillc.
Retaille.
Retailler.
Iletravaillcr.
*Retriller
Réveil.
*Réveillée.
Réveiller.
*Réreilleur.
Réveillon.
Rhabillage.
Rhabiller.
*Riiiiaille.
Rimailler.
Rimailleur.
Ripaille.
Rocaille.
Rocailleur.
Rocailleux.
Roquille.
*Ro(iuilles.
Rouille.
Rouiller.
*Roui lieux.
Rouillure.
Roupiller.
Roupilleur.
*Roussailie.
Routaiiler.
Saillant.
*Sailler.
Saillie.
Saillir.
*Sappadille.
Sauiillement.
Sautiller.
Semaille.
Sémillant.
Sérail.
*Serpiller.
Serpillière.
Seuil.
*Seuillet.
Sillage.
Siller.
Sillet.
*Sillomèlre.
Sillon.
Sillonner.
Soleil.
Sommeil.
Sommeiller.
Sonnaille.
Sonnai'ilcr.
Soudrille.
*Souillard.
*Souillardière.
Souille.
Souiller.
Souilhn.
Souillure.
Soupirail.
Sourciller.
Sourcilleux.
Spadille.
*Sparaillon.
*Surfeuille.
L. est l'expression abrégée du mot leurs dans
celte abréviation, LL. AA. ou LL. MM. {leurs
altesses ou leurs majestés). — Dans le commerce,
L. veut dire livre; L. ST., I ivre stcrlinj. —La
monnaie fabriquée à Rayonne porte la lettre L.
La. Voyez Article, Adjectifs prépositifs.
LA 4i)3
Taillable.
Taillade.
Taillader
Taillanderie.
Taillandier.
*Taillandin.
Taillant.
Taille.
Tailler.
Taillercsse.
*Taillcrolle.
*raillct.
*Taillclte.
Tailleur.
Taillis.
Tailloir.
Taillon.
*Taillure.
*Tamisailfc.
Tatillon.
Tatillonuage.
Tatilloruier.
Tenaille.
*Tenaillée.
Tenailler.
Tenadion.
*Terraille.
Tillac.
Tille.
TiUée.
Tiller.
*IiUeite.
Tilleul.
*Tilleur.
*Tiilotte.
Tiraillement.
Tirailler.
Tiraillerie.
Tirailleur.
*Tire-veille.
Torpille.
Tortillage.
Tortille.
Tortillement.
Torlillère.
i *Torlillis.
Tortillon.
I Touaille.
' Toupillon.
*Touraille.
; *Touraillon.
' Tourbillon.
I Tourbillonner.
I Tournailler.
! Traille.
! *Traillcr.
I *Traillet.
Tramai I.
*TraiTiillon.
Travail.
Travailler.
Travailleur.
*Travouil.
Treillage.
Treille.
La. Adv. On met un accent grave sur l'a de
ce mut, pour le distinguer de la article ou pro-
nom, et cet à ne s'élide jamais.
On le met souvent au commencement de la
phrase : Là Télémaqv.e aperçut des visages pâles^
hideux et centristes {^Qtiû., Télém., \\V. xviii
Treillis.
Trcillisscr.
*rr,-saille.
*rresdlun.
*J'résillonner.
Tressaillement.
Tressaillir.
Treuil.
Trij)aille.
*Tiouillotte.
Trouvaille.
Vaillamment.
Vaillance.
■\'aillant.
Aaillantise.
Valetaille.
"\"anille.
A'annillicr.
*\'atrouille
Veille.
Veillée.
Veiller.
Veilleur.
"Veilleuse.
*Vcilloir.
*Veillote.
A'eiitail.
*Ventiller.
*\erdillon.
*Vérétille.
Vermeil.
* Vermeil le.
*\'cnneillonner
\eruiiller.
A'ermillon.
Veraiillonuer.
*Verrillon.
"Verrouiller.
Vctillard.
Vétille.
Vétiller.
Vétilleur.
Vétilleu.K.
"V'ictuaille.
*Vietuailleur.
Vieil.
"\ ieillard.
*"\ ieille.
Vieillerie.
"\ icillesse.
"\icillir.
A'ieillot.
Volaille.
Arille.
Vriller.
"'■Vrillerie.
*Vrillelle.
*Arillon.
*Zorille.
424
LAn
t. II, p. 222). Dans celle conslruclion, le verbe
pcui (lueliiuefois précéiler sou sujel : Là sié-
geaient des magislruts intègres. 11 se inel aussi
après le veibc, mais jamais ciiirc l'auxiliaire cl le
|)arlicipe : Il est venu là, et non pas il est là
venu.
Là sert à désigner que la chose donl un parle
est éloignée, comuie ci serl à désigner <iu'ellc est
proche : En ce temps-ci, en ce temps-là. Quelque-
fois il se mel avec l'adverbe çà, pour signifier
de CÔlé et d'aulre : Les troupes étaient disper-
sées çà et là. I.urstpie là est joint à un autre
mol de manière (|u'un ne puisse l'on séparer en
parlant, dans récriture, on le joint à ce mot par
un tiret : Cet homme-là, là-haut, là-lias, quelles
gens sont-ce là? quel discours est-ce là ?
Queliiuefois W n'est emjiloyo (jue par une es-
pèce de redondance , et pour donner plus de
force el d'énergie au discours: C'est là une belle
action ; que dites-vous Zà? Alors ià ne prend point
le lirel.
Autrefois on disait là où, pour dire, au lieu
que. 11 n'est plus usité (lu'abusivement, et forme
un hiatus désagréable.
On disait aussi là où, pour, dans cet endroit.
C'est une expression fautive. On dit c'est là que
je demeure, et non pas c'est là où je demeure.
C'est là que je veux aller, et non pas, c^est là
OÙ je veux aller. — S'il y avait deux verbes
pour le rapport, la locution serait régulière : Là
où il n'y a rien le roi perd ses droits. (A. Lc-
maire, Grammaire des Grammaires , p. H8fi).
— On a dit là où dans le sens de lorsque : En fait
de mots, l'analogie n'a lieu que là où l'usage
l'autorise. (Beauzce.) Les gens de bien meurent
dans une douce espérance, là OÙ les méchants
sont tourmentes de remords. On ne le dit plus.
Labial, Labiale. Aiij. (jui ne se mel <iu'aprcs
son subsl. : Lettres labiales, offres luhiules.
Ce mot vien! du lalin luhia, les lèvres. Il si-
gnilie qui a[>puilii'nl aux lèvres. 11 n'a point de
pluriel au masculin.
On appelle en grammaire , articulations la-
biales, celles qui sont produites par les divers
mouvements des lèvres; et consonnes labiales,
les consonnes qui représentent ces articulations.
Nous avons cinq lettres labiales, v, f, b, p, m.
Les deux premières, v et /", exigent que la lèvre
inférieure s'approche des dents supérieures et s'y
appuie, comme pour retenir le son. Quand elle
s'en éloigne ensuite, le son en reçoit un degré
d'explosion plus ou moins fort, selon que la lè-
vre inférieure appuie plus ou moins fort contre
les dents supérieures; et c'est ce qui fait la dif-
férence des deux articulations v et /", dont l'une
est faible et l'autre forte.
Les trois dernières, b,p et m, exigent (jue les
deu.x lèvres se rapprochent l'une de l'aulre. S'il
ne se fait point d'autre mouvement lors-
qu'elles se séparent, le son part avec une explo-
sion plus ou moins forte, selon le de^'ré de force
que les lèvres réunies ont opposé à" son émis-
sion; el c'esl en cela ijue consiste la différence
des deux articulations b G\.p, dont l'une csl faible
et l'autre forte. Mais si pendant la réunion des
lèvres on fait passer par le nez une partie de
l'air qui esl la matière du son, l'explosion de-
vient alors m, et c'est pour cela que celle cin-
quième labiale csl justement regardée comme
nasale.
L'affinité de ces cinq lettres labiales fait que,
dans la composition et la dérivation des mots,
elles se prennent les unes pour les autres, avec
LAC
d'autant plus de (ncilité que le degré d'affinité
est plus considérable.
LABoiiitosEMEM. Adv. 11 nc se met qu'après
le verbe ; Il a passé laborieusement sa vie.
Laborieux, Laborielse. Adj. Il se dit des
personnes et des choses : Humme labi i-ieux,
vie labarieiise, entreprise laborieuse. On peut
le mettre av;mt son subsl. , lorsque l'analogie cl
l'harmonie le pofUicllenl Cette laborieuse en-
treprise fut préculeo dans Pespace de deux an-
nées.
Labodra&le. Adj. qui Kc so met qu'après son
subsl. : Terres labourables.
Lâche. Adj. des deux genres. C'esl l'opposé
attendu : une corde esl lâche si elle parait fléchir
en ijuelque endroit de sa longueur; tendue si
elle ne paraît fléchir en aucun endroit de sa lon-
gueur. C'esl l'opposé de ferme, et le synonyme
de mol : une étoffe est lâche, si elle esl mal frap-
pée; ferme, si elle csl bien fouriiio de trame.
C'est rojiposé d'actif: un animal est lâche, lors-
qu'il se meut nonchalamment cl faiblement. C'esl
l'opposé de serré : coudre lâche, c'est éloigner
ses points et les faire longs cl mctus. C'est l'op-
posé de resserré : on a le l'entre lâche. C'est, au
ligure, l'opposé de brave : c'est un lâche. Il est
synonyme de vil el hmiteux : il a fait une action
lâche. Un style esl lâche lorsqu'il csl chargé de
mots inutiles, el que ceux qu'on a employés ne
peignent point l'idée fortement. Au ligure, on
peut le mettre avant son subsl. , en consultant
l'oreille et l'analogie. On dit un lâche soldat, un
lâche coquin, une lâche trahison.
Il devint Idche roi d'intrépide guerrier.
(Volt., Benr., I, 32.)
Voyez Adjectif.
Lâchement. Adv. Il ne se dit qu'au figuré, el
peul se melire entre l'auxiliaire et le [Ktrlicipe:
Travailler lâchement, s'enfuir lâchement. Il
s'est lâchement enfui.
Lâcher. "V. a. de la 1" conj. C'esl abandonner
à elle-même une chose retenue par un obstacle.
On lâche en écarlant l'obstacle. On lâche une
pierre, et elle tombe. On lâche la corde d'une
grue, el le poids descend. On lâche un lobinel,
et l'eau coule. On lâche un coup de pistolet, ce
qui suppose que le pistolet était armé. On lâcJie
tout sous soi, ce qui suppose une faiblesse dans
les intestins. On lâche un chien après un lièvre.
On lâche le mot ([ui nous démasque On lâche
prise. On lâche le pied. On lâche sa proie. On
lâche la bride. On lâche la mesure. On lâche la
balle. On lâche l'autour. On lâche la main, lors-
qu'on vend une chose au-dessous de son prix.
Laconique. Adj. des deux genres. Style laco-
nique, auteur laconique, réponse laconique. On
peul le nicllre avant son subsl., lorsque l'analogie
et riiarmonic le permettent : Ce laconique (tu-
teur, celte laconique réponse. Voyez Adjectif.
Laconique Cl concis ne signifient pas cxacle-
menl la môme chose. Laconique se dit des choses
el des personnes; concis ne se dit guère (jue des
choses, cl prin(ii)alemenl des ouvrages et du
style; au lieu que laconique se dit principale-
ment de la conversation ou de ce qui y a rapport.
On dit un homme laconique, une réponse la-
conique, une \i:\.\.\-Q laconique ; un ouvrage concis,
un slyle concis.
Laconique suppose nécessairement peu de
paroles; concis ne suppose que les paroles né-
cessaires. Un ouvrage peut être long el concis,
LAT
lorsqu'il embrasse un srand sujet. Une réponse,
une lelire, ne peuvent être à la fois longues et
laconiques.
Laconique suppose une sorte d'iiffectalion ot
une espèce liedcraut ; concis emporte pour l'or-
dimire une idce de pcrfeclion : f^oilà xtn com-
pliment bien laconique; voilà un discours bien
concis ci bien i ncrgique.
Lacomsme. Suhst. m. C'est-à-dire langage bref,
anime et senlenlieux. Mais ce mot désigne pro-
prement l'expression énergique des anciens La-
cédémoniens, qui avaient une manière de s'é-
noncer succincte, serrée, animée et louchante.
Lachymal, Lacrymale. Adj. C'est un terme
d'anatomic. 11 fait lacrymaux au pluriel mascu-
lin. On dit conduits lacrymaux, points lacry-
maux.
Lacs. Subst. m. plur. On ne fait presque point
sentir le c.
Lactée. Adj. f. qui ne se met (ju'après son
SUbsl. : La voie lactée, les veines lactées.
Ladre. Adj. des deux genres. Il ne se mot
qu'après son subst.. : Une truie ladre. — Un
homme ladre.
L'Académie prétend qu'en prenant substanti-
vement cet adjectif, on dit ladrcsse en parlant
d'une femme. Si ce mot est usité, ce n'est que
parmi la populace.
Laid, Laide. Adj. Il se dit des hommes, des
femmes, des animaux, qui manquent des pro-
portions ou des couleurs dont nous formons l'idée
de beauté. 11 se dit aussi des dilTérenlcs par-
ties d'un corps animé. Mais quoi qu'en disent
les auteurs du Dictionnaire de Trévoux, et
même ceux du Dictionnaire de rAcadémie, on
ne doit pas dire et on ne dit pas, quand on
parle avec noblesse et avec précision, une laide
mode, une laide maison, une étoffe laide. Quoi-
qu'on dise de beaux vers, on ne dit pas des
vers laids. On fait usage d'autres épithètes ou
de périphrases pour exiirinicr la privation des
qualités qui nous rendraient agréal)les les êtres
inanimés. Il en est de même des êtres moraux,
et ce n'est plus que dans quelques proverbes
qu'on emploie le mot de laid dans le sens mo-
ral.
L'Académie donne pour exemples familiers de
l'emploi de cette expression, c'est un laid magot,
en parlant d'un homme extrêmement laid; et une
laidegvenon, en parlant d'une femme qui est dans
Je même cas. Ces exemples sont empruntés du iau-
jage des halles. On peut le mettre avant son
subst., en consultant l'oreille et l'analogie: Un
homme laid, une femme laide ; une laide bote,
un laid animal. On dit proverbialement il n'y a
point de laides amours. — C'est une laide chose
que de mentir. Voyez Adjectif.
Laideron. Subst. f. Jeune fdle ou jeune
femme laide : C'est une laide femme.
Lainedx, Laineuse. Adj. qui ne peut se mettre
qu'après son subsl. : Un drap laineux, une
étoffe laineuse.
Laisser. V. a. de la 1" conj. On dit sans la
négation, je voîis laisse à penser s'il profita de
r occasion; et avec la négation, il ne faut pas
laisser d'aller son chemin. On dit ne pas laisser
de faire, pour dire continuer de faire, ne pas
cesser de faire, malgré quelque opposition. Plu-
sieurs auteurs emproienl que dans ces sortes de
phrases: I^os pliilosophes savent que cette petite
supercherie ne laisse pas que d'en imposer aux
sots. (Marmontcl.) Thomas Corneille pensait que '
LAN
425
I ce que est inutile, et tout le monde est aujour-
' d'hui de cet avi-,cxceplé l'Académie, (|ui, laissant
' à chacun la liberté de s'exprimer de l'une ou de
' l'autre manière, donne pour exemples, dans les
deux dernières éditions de son dictionnaire, cette
I chose ne laisse pas ((ue d'être vraie, ne laisse
I pas d'être vraie. L'Acadéude de 17(12 n'emploie
jamais ce que. — ^Montesquieu a dit dans la
XAX' lettre persane : Tant d'honneurs nf.
lais.tent pas d'être à charge, et Buffon : Ces
grands affaissements ne laissent pas de tenir
une des premières places entre les principaux
faits de l'histoire de la terre. {Théorie de la
terre, l. I, p. 427.)
Racine a dit dans Mithridate (act. III, se. v,
58):
Je veux iai'sscr de vous jusqu'à »olre mémoire.
On ne peut pas dire, laisser la viémoire de
quelqu'un, pour, en perdre le souvenir. Voyez
Participe.
Laiteux, Laiteuse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Plantes laiteuses.
Lambeau. Subsl. m. 11 se dit figurément en par-
lant des ouvrages d'esprit ; mais il se prend tou-
jours en mauvaise part. On ne dit pas des lam-
beaux précieux, des lambeaux éloquents, comme
on dit des ?norceaux précieux, des morceaux
éloquents. Cepciidaiil l'Académie dit on n'a re-
tenu que quelques lambeaux de ce discours ; elle
aurait mieux fait de dire quelques morceaux.
LAMBl^F,R. V. a. de la 1" conj. Mercier nous
apprend l'origine de ce mot. Lambin, dit-il, cé-
lèbre commentateur de Lucrèce, de Cicéron, de
Piaule, elc. , ennuya même des savants par le
soin minutieux qu'il a conslamment de raii[)orler
avec la plus scrupuleuse exactitude les diverses
leçons des auteurs qu'il commente. Il lit uailrele
mot lambiner dont on se sert encore queiiiucfois.
quoique le règne des commentateurs soit passé.
Lamentable. Adj. des deux genres. On le met
assez souvent avant son subst. : Une mort la-
mentable, un accident lamentable. — Une voix
lamentable, des cris lamentables. Voyez .ad-
jectif.
Ce vieillard vénérable
A jeté dans mes bias un cri ixlamentabU.
(Volt., Uahom., act IV, se. IV, 57.)
— Cette lamentable mort, ce lamentable évént"
ment, ces lamentables cris.
Des troupeaux expirants les lamentabht voix.
(Delil., Georg., m, C31.)
Lamentablement. Adv. On le met quelquefois
entre l'auxiliaire et le participe : Après avoir la-
mentablement raconté ses malheurs.
Lamentation. Subsl. f. C'est une plainte forte
et continue. Lsl plainte s' c\\\Y\mc par le discours,
les gémissements accompagnent la lamentation.
L.AMENTER. V. a. dc la V conj. Déplorer, re-
gretter avec plaintes et gémissements. Il est vieux
en ce sens; on ne dit filus lamenter la mort de
ses parents, la ruine de .■sa patrie. Les poêles
seuls ont la liberté de l'employer. — Il ne s'em-
ploie en prose que neutralement, ou avec le i)ro-
nom personnel : // ne fait que lamenter. Des
femmes qui se lamentent. F'ous vous lamentez
en vain.
Lancer. V. a. de la 1" conj. Selon l'Académie
426
LAN
on dil se lancer, pour dire, se jeter avec iinpé-
tuosiU', avec clïort : Il se lança au travers des
ennemis, il se lança dans le bois. — Nous peil-
soiii, avec Fcraud, qu'on le disait autrefois, mais
qu'aujourd'iini on dit en ce sens s'élancer : S'é-
lancer à travers les ennemis. Il s'élwnça dans
le bois.
Langage. Subst. m. Le langage n'est ni l'i-
diome, ni la langue d'une nation. Si, dit Beau-
zée, dans la totalité des usaiies de la Noix |)ropres
à une nation, on ne considère ([uc l'expression
et la communication des pensées, d'après les
vues de l'esprit les pins universelles et les plus
communes a tous les hommes, le nom de langue
exprime parfaitement cette idée générale. Mais si
l'on prétend encore envisager les vues particuliè-
res à celle nation, et les tours singuliers qu'elles
occasionnent nécessairement dans son élocutiun,
le terme d'/(/t<;/«e est alors celui (jui convient le
mieux à re.\[)ression de cette idée moins générale
et plus resircintc. La différence est encore bien
plus considérable enlrc langue et langage. C'est
le matériel des mots et leur ensemble qui déler-
mine une lam/uf; elle n'a rapport qu'aux idées,
aux conceptions, à l'intelligence de ceux qui la
parlent. Le langage paraît avoit plus de rapport
au caractère de eelui qui parle, à ses vues, à ses
intérêts; c'est l'objet du discours qui détermine
le langage : chacun a le sien, selon ses passions,
dit CondiUac. Ainsi la môme nation avec la même
langue peut, dans des temps différents, tenir des
langages différents, si elle a changé de mœurs,
de vues, d'iutcrcis. Deux nations, au contraire,
avec différentes langues, peuvent tenir le même
langage si elles ont les mêmes vues, les mêmes
intérêts, les mêmes mœurs. C'est que les mœurs
nationales tiennent aux passions nationales, et
que les unes demeurent stables ou changent
comme les autres. 11 en est à cet égard des hom-
mes Comme des nations. On dil le langage des
yeux, du geste, parce que les yeux et le geste sont
destinés i)ar la nature à suivre les mouvements
que les passions leur inq)rimcnl, et conséquem-
menl à les exprimer avec d'autant plus d'énergie,
que la corrcsiiomlance est jilus grande entre le
signe et la chose signiliée qui le produit. Tous les
articles de ce Dictionnaire sont consacrés à la
pureté du langage.
On dit lu langue maternelle, la langue fran-
çaise, anglaise, etc., et non pas, le langage via~
ternet, le langage français, etc. On dit, bien
parler sa langue, et non pas bien parler son lan-
gage.
Le mot langage s'emploie très-bien dans le
style noble :
Et depuis quand, seigneur, tenez-vous ce langag': ?
(Ui.c., /phtj., ad. I, se. I, 13.)
Juste ciel '.Puis-je entendre et soullrir ce langage.
(Idem, acl. lY, se. vi, 47.)
You», mourir 1 ali '. cessez de tenir ce langage.
[Idem, acl. Y, se. ii, 17.)
Langage. Le moyen le plus sûr et presque le
seul d'ac(]uérir une connaissance parfaite des li-
ncsses de notre langue, et surtout de ci'S exce|)-
tions qui paraissent si contraii'csaux règles, c'est
de converser souvent avec un homme instruit.
Vous a|)prendrez plus dans quclijues entretiens
avec lui, que dans une lecture, (jui laisse presque
LAN
toujours des doutes. Nous avons beau lire au
jourd'hui les auteurs latins, l'étude la .olus assi-
due ne nous api)rendra jamais quelles fautes les
copistes ont glissées dans les manuscrits, ((uels
mots impropres Salluslc, Tite-Live, ont employés.
Nous ne i)ouvons presque jamais discerner ce
qui est hardiesse heureuse d'avec ce qui est li-
cence condamnable.
Les étrangers sont, à l'égard de nos auteurs, ce
que nous sommes tous à l'égard des anciens. La
meilleure méthode est d'examiner scrupuleuse-
ment les excellents ouvrages.
La lecture assidue des bons auteurs est encore
plus nécessaire à celui qui veut se former un
style pur et correct, que l'étude de la plupart de
nos grammaires. Ce (pi'on apprend sans peine et
parle secours du plaisir, se fixe bien plus forte-
ment dans la mémoire, que ce qu'on étudie avec
des dégotits dans des préceptes secs, souvent très-
mal digérés, cl dans lesquels on ne trouve que
trop de contradictions. (Extrait des œuvres de
Voltaire.)
Langoubeusement. Adv. On peut quelquefois
le placer entre l'auxiliaire et le participe : Jl a
répondu langoureu.icment, il a la ngoureusament
répondu que...
Langolt.ecx, Langocrecse. Ailj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie: Un homme langoureux, un ton lan-
goureux, vn air langoureux, des regards lan-
goureux ; de langoureux regards, de langoureux
accents. Voyez Adjectif.
Langde. Su!)St. I. ^'oycz Langage, Analogue.
Langue française. 11 ne nous reste aucun mo-
nument de la langue des anciens Vclchcs, ([ui
faisaient, dii-on, une partie des peuples celtes ou
keltcs, espèces de sauvages dont on ne connaît
que le nom, et qu'on a voulu en vain illustrer par
des fables. Tout ce que l'on sait, c'est (pie les
peuples que les Romains appelaient Galli, dont
nous avons pris le nom de Gaulois, s'appelaient
Velches; c'est le nom qu'on donne encore aux
Français dans la Basse-Allemagne, comme on ap-
pelait cette Allemagne Tcuich. La province de
Galles, (lonl les peuples sont une colonie de Gau-
lois, n'a d'autre nom (]ue celui de Velch. L'n
reste de l'ancien patois s'est encore conservé chez
quelques rustres dans cette province de Galles,
dans la Basse-Bretagne, dans quel<iucs provinces
de France.
Quoique notre langue soit une corruption de
la latine, inélée de queli]iios expressions grec-
ques , ilalieiincs, espagnoles, cependant nous
avons retenu iilusicurs mots dont l'origine parait
être celtique. Mais il importe peu de connaître
quelques restes de ces ruines barbares, quelques
mots d'un jargon cpii ressemblait, dit l'empereur
Julien, au hurlement des bétes. Songeons à con-
server dans sa pureté la belle langue qu'on parlait
dans le siècle de Louis XIV.
Ne commence-t-on pas à la corrompre? N'est-
ce pas corrompre une langue que de donner aux
termes employés par les bons auteurs une signifi-
cation nouvelle? t.}u'ariiverait-il si vous changiez
ainsi le sens de tous les mots? On ne vous en-
tendrait, ni vous, ni les bons écrivains du grand
siècle.
11 est sans doute très-indifférent en soi qu'une
syllabe signifie une chose ou une autre. J'avoue-
rai même que si on assemblait une société d'hom-
mes (lUi eussent l'esprit et l'oreille justes, et s'il
s'agissait de réformer la langue qui fut si bar-
barie dans son origine, on adoucirait i?. rudesse «*
LAN
plusieurs expressions; on donnerait de l'embon-
jwinl à la sécheresse de i]uel(iiics autres, et de
l'harmonie à des sons rel)Ulanls. Oncle, ongle,
radoub, perdre, borgne, auraient |tu élrc adoucis.
Epieu, lieu, Dieu, moycti, feu, bleu, peuple, nu-
que, plaqvc, porche, anraienl pu être plus harmo-
nieux. Quelle diilercnce du mol théos, au mot
Dieu, ûcp'ipulus à peuple, tic locus à lieu.'
Quand nous couuneiivàmos à parler la langue
des Romains nos vainquwirs, nous la corronipi-
mes; \ï Augusius , nous i'inics aoust, août; de
puvn paon, de Cudumnm (!aen, de Junius juin,
à'unctus oint, de purpura jjourpre, de prelium
prix. C'est une propricté di'S bai'l)ares d'abréger
tous les mois, .\insi les Allemands et les Anglais
tirent d'ccclesia kirk, cliurcii, de foras furlii,
de condemnure danin. Tous les nombres romains
devinrent dos monosyllabes dans |)resquc tons les
patois de l'1'.iu-ope. Et noire mot vingt pourvi-
ffinti n'allesle-l-il pas encore la vieille rusticité de
nos pères? l.a plupart des lettres que nous avons
retranchées, et que nous prononcions durement,
sont nos anciens habits de sauvage; chaque peu-
ple en a des magasins.
Le plus iiisuj)portable reste de la barbarie
velche et gauloise, est dans nos terminaisons eu
oin : coin, foin, oint, gronin, soin, marsouin, tin-
touin, pourpoint. 11 faut (ju'un langage ait ^d'ail-
leurs de grands charmes pour faire pardonner ces
sons, qui tiennent moins de l'homme que de la
plus dégoûlante espèce des animaux.
Maisenfin, chaque langue a des mots désagréa-
bles , que les hommes éloquents savent placer
heureusement , et dont ils ornent la rusticité.
C'est un très-grand arl; c'est celui de nos bous
auteurs. 11 faut donc s'en tenir à l'usage qu'ils
ont fait de la langue reçue.
Il n'est rien de choquant dans la prononciation
d'ot'//, quand ces terminaisons sont accompagnées
de syllabes soiiores. Au contraire, il y a beaucoup
d'hai'monie dans ces deux phrases : Les tendres
soins que j'ai pris de votre enfance. Je suis loin
d'être insensible à tant de vertus et de charmes.
Mais il faut se garder de dire comme dans la
tragédie de Nicomède (acl. II, se. m, 47) :
Non; mais il m'a iîurloat laissé ferme en ce point.
D'estimer beaucoup Rome, et ne la crainxlre point.
Le sens est beau ; il fallait l'exprimer en vers plus
mélodieux. Les deux rimes de point choquent
l'oreille. Personne n'est rcvoUé de ces vers dans
Y Andromaque (act. V, se. m, 67) :
Nous le verrions encor nous partager ses soins;
Il m'aimerait peul-ètrc ; il le feindrait du moins.
Âdicu, lu pcui partir; je demeure en Epire.
Je renonce à la Grèce, à Sparte, à son empire,
A toute ma famille, etc.
"\oyez comme les derniers vers soutiennent les
premiers, comme ils répandent sur eux la beauté
de leur harmonie!
On peut reprocher à la langue française un
trop grand nombre de mots simples auxquels
manque le composé, et de termes composés qui
n'ont point le simple primitif. Nous avons des ar-
chitraves et point de trares; un homme est im-
placable et nesl point placable ; il y a des gens
inaimahles, cependant inaimable ne s'est point
encore dit.
C'est parla même bizarrerie que le moi garçon
est très-usité, et que celui de garce est devenu
LAN
427
une injure grossière, f'émis est un mot charmant ;
vénih-ien donne une idée affreuse.
11 me semble que lorsqu'on a eu dans un siècle
un nombre suffisant de bons écrivains devenus
classi(jues, il n'est plus guère permis d'employer
d'autres expressions que les leurs, et (pi'il faut
leur donner le même sens, ou bien dans peu de
temps le siècle présent n'entendrait plus le siècle
passé.
Vous ne trouverez dans aucun auteur du
siècle de Louis XIV que Rigault ait peint les por-
traits «m yx/r/inV; que Bensorade ait pcrsifflé la
cour, que le surintendant Fouijuet ait eu un goût
décide pour les beaux-arts, etc.
I.e ministère prenait alors des e?)^a(7e»îe«<s, et
non \)?^iAcs errements. On tenait, on remplissait,
on accomi)lissait ses promesses; on ne les réuli-
suil |)as. On citait les anciens, on ne faisait pas
des citations. Les choses avaient du rapport les
unes aux autres, des ressemblances, des analogies,
des conformités; on les rapprochait, on en tirait
des inductions, des conséciuences : aujourd'hui,
on imprime (ju'un article d'une déclaration du
roi a trait a un arrêt de la cour des aides. Si
l'on avait demandé à Patru, à Pcllisson , à Boileau,
à llacinc, ce ([ue c'est qu'avoir irait, ils n'auraient
su que répondre. On était e.xact, sévère, rigou-
leux, minutieux même ; à présent on s'avise d'être
strict. Lin avis était semblable à un autre; il n'en
était pas différent, il lui était conforme; il était
fondé sur les mêmes raisons; deux personnes
étaient du même sentiment, avaient la même opi-
nion, etc., cela s'entendait. Je lis dans vingt mé-
moires nouveaux , que les états ont eu un avis
parallèle à relui du parlement ; que le parlement
de Rwuen n'a pas une opinion parallèle a celui de
Paris, comme si parallèle pouvait signifier con-
forme; comme si deux choses parallèles ne pou-
vaient pas avoir mille différences.
Aucun auteur du bon siècle n'usa du mot fixer,
que pour signifier, arrêter, rendre stable, inva-
riable :
Et fixant de ses tocux l'inconstance fatale,
Phèdre depuis longtemps ne craint plus de rivale.
(Rac, Phéd., act 1, se. i, 25.)
C'est à ce jour heureux qu'il fixa son retour.
Egayer la chagrine, et fixer la volage.
Quelques Gascons hasardèrent de dire j'ai
fixé celte dame, pou"* j<? l'ai regardée fixement,
j'ai fixé mes yeux sur elle. De là est venue la
mode de dire fixer une personne. Alors vous ne
savez point si on entend i)ar ce mot j'ai rendu
cette personne moins incertaine, moins volage;
ou si on entendre l'ai observée, j'ai fixé mes re-
gards sur elle. V^oilà un nouveau sens attaché a
un mot reçu, et une nouvelle source d'équivoques.
Presque jamais les Pellisson, les Bussuet, les
Fléchier, les 31assillon, les Fcnelon, les llacine,
les Quinault, les Boileau, Molière même et
La Fontaine, qui tous deux ont commis beau-
coup de fautes contre la langue, ne se sont servis
du terme vw-«-t;w, que pour exprimer une jjosi-
tion de lieu. On disait l'aile drHte de l'année
do Scipion, vis-à-vis l'aile gauche d'Annibal.
Quand Plolomée fut vis-à-vis de César, il
trembla.
ris-â-vis est l'abrégé de visage-à-visage, et
c'est une expression qui ne s'emploie jamais ni
dans la jwésie noble, ni dans le discours oratoire.
428
LAN
Aujourd'hui l'on commence à dire coupable
vis-à-vis de vous, bienfaisant vis-à-vis de n'uis,
difficile vis-u-vis de nous, mêconteiil vis-à-vis
de nous; au lieu de Coupable, liieiifaisanl envers
nous, diflicile enrers nous, mccoulcnl de nous.
J'ai lu dans un ccril puldic: le roi mal satisfait
vis-à-vis de son parlement. C'e^l un amas de
barbarismes. On ne pcul p;is èlie mal satisfuit.
Mut e^[ le conliaire de satis, qui siçnllie assez.
On est peu content, mécontent, on se croit mal
servi, mal obéi. On n'est ni satisfait, ni mal
satisfait, ni content, ni mécontent, ni bien, ni
mal obéi, vis-à-vis de quelqu'un, mais de quel-
qu'un. Mut satisfait est de l'ancien style des
burcau.v. Des écrivains peu corrects se sont
permis cette faute.
Presiiue t(jus les écrits nouveaux sont infectés
de l'euqiloi vicieux de ce mot vis-à-vis. On a
négligé ces expressions si faciles, si heureuses, si
bien mises à leur place par les bons écrivains:
envers, pour, avec, à l'égard, en faveur de.
Vous me dites qu'i/n homme est bien disposé
vis-à-vis Je moi; qu'il a un rcssenliment vis-à-
vis de moi; que le roi veut se conduire en père
vis-à-vis de la nation. Dites que cet homme est
bien disposé pour moi, à mon égard, en ma
faveur; qu'il a du ressentiment contre moi; que
le roi veut so cunduirc en père du peuple, <iu'il
veut agir en [lère avec la nation, envers la nation ;
ou bien vous parlerez fyrt mal.
Quelques auteurs qui ont parlé allobroge en
français, on dit élogier, au lieu de louer, on faire
un éloge; par contre, au lieu de au contraire;
éduquer, pour élever , ou donner de l'éduca-
tion.
C'est un défaut trop commun d'employer des
termes étrangers pour exprimer ce qu'ils ne
signifient pas. Ainsi de celata, qui signifie un
casque en italien, on fit le mol salade dans les
guerres d'Italie ; de bowlingreen, g;izon où l'on
joue à la boule, on n kni boulingrin ; rosi beef,
bœuf rôti, a [iroduit chez nos maitres-d'hôlel du
bel air, des bœufs rôlis d'agneau, des bœufs rôtis
de perdreaux; de l'iiaiiii de cheval riding coat,
on a fait redingote. Si l'on continue, la langue
française, si polie , redeviendra barbare. Notre
théâtre l'est déjà par des imitations abominables ;
notre langue le sera de même. Les solécismes, les
barbarismes, le style boursoufflé, guindé, inin-
telligible, ont inondé la scène depuis Racine, (]ui
semblait les avoir bannis pour jamais par la pureté
de sa diction toujours élégante.
La prose n'est pas moins tombée. On voit dans
des livres sérieux et faits pour instruire, une
affectation qui indigne tout lecteur sensé.
// faut mettre sur le compte de Vamour-propre
ce qu'on met sur le compte des vertus.
L'esprit se joue à pure perte dansées questions
où l'on a fait les frais de penser.
Les éclipses étaient en droit d'effrayer les
hommes.
Épicure avait un extérieur à l'unisson de son
âme.
L'empereur Clavdius renvia sur Auguste.
Lareligion était en collusion avec la nature.
Cléopâtre était u ne beauté priviléyiée.
L'air de gaieté brillait sur les enseignes de
l'armée.
Le triumvir Lépide se rendit nul.
Un consul se fit chef d'émeute dans la ré-
publique.
Mécénas était d'autant plus éveillé qu'il affi-
chait le sommeil.
LAN
Julie, affectée de piété, élève à son amant set
tendres supplications.
Elle cultiva l'espérance.
Son âme ipuisre se fond comme l'eau.
Sa philosophie n'est point parlière.
Son amant ne veut pas mesurer ses maximes
à sa toise, et prendre une unie aux livrées de la
7naisiin.
Tds sont les excès d'extravagance où sont tom-
bés les demi-bcaux-csprits qui ont eu la manie de
se singulariser.
On ne trouve pas dans Rollin une seule phrase
qui tienne de ce jargon ridicule, et c'est en quoi
il est très-estimable, puisqu'il a résisté au torrent
du mauvais goût.
Le défaut contraire à l'affectation est le style
négligé, lâche et rampant, l'emploi fréquent des
expressions populaires et proverbiales.
Le général poursuivit sa pointe.
Les ennemis furent battus à plate couture.
Ils s'enfuirent à vauderotite.
Il se prêta à des propositions de paix, après
avoir chanté victoire.
Lesléginns vinrent au-devant de Drusus par
manière d'acquit.
Un soldat romain se donnait à dix as par
jour, corps et âme.
La différence qu'il y avait entre eux était, au
lieu de dire dans un style plus concis, la difjfé-
rence entre eux était. Le plaisir qu'il y a à cacher
ses démarches à son rival, au lieu de dire, le
plaisir de cacher ses démarches à son rirai.
Lors de la bataille de Fontenoy, au lieu de
dire, dans le temps de la bataille, à l'époque de
la bataille, tandis, lorsque l'on donnait la ba-
taille.
Par une négligence encore plus impar>lonnable,
et faute de chercher le mot propre, (juelques
écrivains ont imprimé il l'envoya faire la revue
des troupes. 11 était si aisé de dire, il l'envoya
passer les troupes en revue ; U lui ordonna d'aller
faire la 7-e vue!
Il s'est glissé dans la langue un autre vice:
c'est d'employer des expressions poétiques dans
ce qui doit être écrit du style le plus simple.
Des auteurs de journaux, et même de quelques
gazettes, parlent des forfaits d'un coupeur de
bourses condanoné à être fouetté dans ces lieux.
Des janissaires ont mordu la poussière. Les trou-
pes n'ont 1)11 résilier à l'inclémence des airs. On
annonce une histoire d'une petite ville de province,
avec les preuves et une table des matières, en
faisant l'éloge de la magie du style de l'auteur.
Un apothicaire donne avis au public qu'il débile
une drogue nouvelle à trois livres la bouteille; il
dit qu'il a interrogé la nature, et qu'Ul'a forcée
d'obéir à ses lois-
Vu avocat, à propos d'un mur mitoyen, dit
que le droit de sa partie est éclairé du flambeau
des présomptions.
Un historien, en parlant d'une sédition, vous
dit qu'il alluma le flambeau de la discorde; s'il
décrit un petit combat, il dit que ces vaillants
chevaliers descendaient dans le tombeau en y
précipitant leurs ennemis victorieux.
Ces puérilités ampoulées ne devaient pas repa-
raître après le plaidoyer de maître Petit-Jean
dans les Plaideurs. Mais enfin, il y aura tou-
jours un nombre d'esprits bien faits (jui conser-
vera les bienséances du style et le bon goût, ainsi
que la pureté du langage. Le Hcste sera oublié.
(Volt., Dict. philos., au mot Français.)
LAR
La:(cuir. V. n. de la 2' conj. Voltaire a dit
{Henr., 11, 17'J) :
Cotign/ languitsait dans les Iras du repos.
LA^GUIssAMMENT. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Parler lanjuissainment, regarder lan-
guissamment. On ne dirait pas il m'a langnis-
sammeiit regardé.
Langiissant, Languissante, Adj. On le mot
avant son subsl., lorsque l'analogie et riiarnionie
le perniellciit : Un h-mme languùsant, un ani-
mal languissant. — Un style huigiiissant, un dis-
cours languissant. — Ce languissant discours,
cette languissante démarche. Voyez Adjectif.
Lapis. Subsl. m. I.e s se prononce fortement.
Laps. Subsl. m. On prononce le p et le s.
Laqde. Subsl. f. Sorte de guninie résine d'un
rouge jaunâtre. On dit quelijuefois adjectivement
gomme larjue. — 11 se dit aussi d'une terre alumi-
neuse teinte d'un suc colorant (]u'on emploie
dans la peinture: Laque de f^enise, de Florence.
Laque se dit encore du beau vernis de la
Chine, ou noir ou rouge, et des meubles (]ui eu
sont revêtus. Ea ce sens il est masculin. (Acad.
J83o.)
Large. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subsl., en consultant l'oreille cl l'ana-
logie : Un habit large, une étoffe largr, un ru-
hunlarge ;un large ruban, une large épée. Voyez
yidjectif.
Au large, au long et au large, en long et en
large, du long et du large, phrases adverbiales
qui ne se mettent qu'après le verbe : // est logé
au large ; il s'est étendu au long et au large ; il
s'est promené en long et en large; on lui en a
donné du long et du large.
Largement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire ol le participe, lorsque l'harmonie et
l'analogie le permettent. On ne dit pas, on l'a lar-
gement récompensé , à cause de la cacophonie
produite par l'a lar; mais on dit il a été large-
vient récompensé, on l'avait largement récom-
pensé.
Largesse. Subsl. f. L'Académie ne nous aver-
tit point que ce mol ne s'emploie guère qu'au
pluriel.
Aux maltieureux chrétiens prodiguei mes largesses.
iVoLT., Zaïre, ad. V, se. i, 59.)
On dit, pour se moquer de quelque présent
de peu de valeur, voilà une belle largesse!
A'oycz Aumône.
Larme. Subst. f. On verse des larmes dans la
douleur, mais on en verse aussi très -souvent
dans la joie, dans l'admiration, dans le plaisir.
L'amitié, l'amour, la reconnaissance, ont leurs
larmes.
Leurs yeux étaient remplis de ces heureuses larmes,
De ces larmes qui font les plaisirs des amants,
(Volt., Henr., IX, 294.)
Certainement les larmes que versent dans les spec-
tacles un grand nombre de femmes, d'enfants, et
même d'hommes, ne sont ni des larmes de dou-
leur, ni des larmes d'affliction. Il arrive assez sou-
vent qu'o/t rit a us larmes.
De là on peut tirer la principale différence qu'il
y a entre les larmes et les pleurs. Les larmes
sont une lymphe renfermée dans le sac lacrymal,
et qui en sort soil pour humecter !a cornée, et
l'entretenir nette et transparente, soit lorsque ce
L.\Il
429
sac est comprimé par l'effet de quelpie passion.
Ainsi larmes se dit de cette lymphe, quelle que
soil la cause qui la rende visible. On verse des
larmes de Joie, do tristesse, d'admiration, de
douleur, eic. On a les yeux baignés de larmes,
on a les larmes aux ijeu.c. Tous les pleurs sont
des larmes, mais toutes les larmes ne sont pas
des pleurs. Les larmes ne prennent le nom de
pleurs que lorsqu'elles sonl excitées par ijuclque
passion violente, par (luelquo blessure profonde
du cœur, par un outrage sanglant, ])ar un vif res-
sentiment, par un désir ardent de vengeance, par
un malheur certain et direct. Il n'y a point de
pleurs dans le sac lacrymal, il n'y a que des
larmes.
Za'ïre, avant de reconnaître son père et son
frère, répaiid des larmes : elle en répand lorsque
son âme est déchirée par deux sentimcnls oppo-
sés, et que son sort est incertain :
Mais, quoique ma fortune ait d'éclat et de charmes.
Je ne puis vous quitter sans répandre des larmes.
(Volt., Zaïre, act. II, se. ii, 23.)
Mes larmes mal[jrc moi me dérobent sa vue.
{Idem, 40.)
Lusignan répand des larmes lorsque, ignorant
si ses enfants vivent encore, il cherche des lumiè-
res qui puissent l'éclairer sur leur sort .
lil«darae, ayez pitié du plus malheureux père
Qui jamais ait du ciel éprouvé la colère,
Qui répand devant vous des larmes que le temps
Ne peut encor tarir dans mes yeux expirants.
{Idem, act. II, se. ni, 52.)
Ne m'abandonne! pas. Dieu qui voyez mes (armes.
{Idem, 100.)
Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants.
[Idem, 134.)
S'il eût appris la mort de ses enfants, on aurait vu
couler ses pleurs.
Zaïre, voulant s'éloigner d'Orosmane, veut al-
ler cacher ses larmes loin de lui. Ses malheurs
sont un secret ; elle ne doit parler que de larmes.
... Ah! souffrez que loin de votre vue,
Seigneur, j'aille cacher mes Jormes, mes ennuis.
[Idem, ad. III, se. Yl, 55.)
Mais, aux yeux d'Orosmane, ces larmes sonl des
pleurs, parce qu'il croit Za'irc en proie à une
grande douleur :
Mais pourquoi donc ces pleurs, ces regrets, cette fuite.
Celle douleur si sombre en ses regards écrite?
[Idem, act. lU.sc. vu, 9.)
L'esclave qui a remis à Zaïre le billet de Néres-
tan, n'a vu dans Zaïre que des larmes; il ignore
la cause qui les fait couler :
Elle a pâli, tremblé, ses yeux versaient des larmes.
[Idem, act. V, se. vi, 4.)
Mais lorsque Orosmane croit son malheur cer-
tain, lorsqu'il se croit trahi parcelle qu'il adore,
lorsque son cœur est en proie aux passions les
plus tumultueuses, ce n'est plus de larmes qu'il
s'agit :
Voili les premiers pleurs qui coulent de mes yani.
[Idem, act. V, se. VIII, 25.)
150
LAR
Mais ces pUuri sont cruels et la mort va les suivre,
(/d-m, 27.|
Ces plturs
Da sang qui va cou.ir sont les avaiit-coureurf.
(Idtm, 28.)
Ou peut remarquer les mêmes différences dans
Ifts exemples suivants :
..• Vos yeux do larmei moins trempés,
A pleurer vos malheurs étaient accoutumés.
(lUc, Iphig., acl. II, se. I, 13.)
Vos généreuses mains s'emprcssont d'eflacer
Les larmet que le ciel me condamne à verser.
(YOLT., llahom. acl., I, se. il. 11.)
... 0 jourr remplir d'alarmei)
0 com'bien les Pran;ai. vum repimdn, <lv larme$.
Quand sous la même tombe ils verront réunis
Et l'époux et la femme, et la mère et le Cls 1
(Volt., Henr., VII, 415.)
L'un, saisi d'épouvante, abandonne ses armes,
L'autre embrasse ses pieds qu'il trempe de ses larmes.
{Idem, II, 217.)
lia larmes par avance avaient su le toucher.
(Kac, -Iphig., act. II, se. V, 63.)
De mas larmes au ciel j'offrais le sacriQce.
(lUc, Esth., act. I, se. i, 6i.}
Triste, levant au ciel ses yeui mouillés de larmes.
(Rac, Dritan., act. II, se. Il, Ib.)
Il dit, et de ses yeux laisse tomber dsc larmes.
(Delil., Énéid., VI, 956.
yl ces mots, il se mit à répandre un torrent de
Virmes. (Monlesciuieu, xiv^ lettre persane.) Il
.•^arrêta un moment, et ses larmes coulèrent plus
que jamais. [Idem.)
Exemples de pleurs :
... Quels malheurs, dans ce billet tracés.
Vous arrachent, seigneur, les pleurs que vous verseï ?
(lUc, Iphig., acl. I, se. i, 35.)
... Celte image cruelle
Sera pour moi de plewrs une source étemelle.
(Ric, Phid.., act. V, se. vi, S8.)
On ne voit point le peuple à mon nom s'alarmer,
Lecieldans tous leurs p/(ura ne m'entend point nommer.
(Ràc, Dritan., act. IV, se. m, 57.)
Je verse assex de pleur» pour la mort de mon père.
(Cou»., Cin., acl. I, se. iv, 23.)
J'en verse encor des pleurs de douleur et de rage.
(Volt., ilahom., acl. IV, se. m, 47.)
Le repentir les suit, délestant leurs fureurs,
Et baisse en soupirant ses yeux mouilles de pUurs.
(Volt., Hcnr., IX, 51.) i
La différence entre joueurs et larmes me semble ,
tien marquée dans ce vers de Voltaire où Tan- \
erède dit à Argire (act. 111, se. iv, 6) :
... Pardonnez, dans l'étal où tous éles.
Si je mêle à vos pleitrs mes larmes indiscrètes. ]
LAR
Nous convenons qu'il y n dans de bons auteurs,
et parliculicreiiiciil diiis les poêles, des exemples
contraires à la dislinclion que nous avons taché
d'établir; mais il sullit que cette distinction se
trouve juslilioe par le plus grand iiombie d'exem-
ples, pour ipie nous soyons autorisés à la regarder
comme bien fondée. Souvent la gcnc de la mesure
ou le besoin de la rime a fait cunfondrc ces
deux expressions.
L'Académie ne dit jwint des pleurs de joie, et
nous ne croyons pas <iue l'cxeiiqile de A ollaire
puisse autoriser à le dire :
Le peuple impatient verse des pUuri de joie.
(Volt., Mér., act. V, se. viu, 5.)
Le héros, à ces mots, verso des pleur» de joie.
[Idem, Henr., VI, .348.)
Le mot pleurs nous semble consacré aux dou-
leurs profondes, au désespoir, à la fureur, à la
rage. Bossuel a employé cette expression dans
toute l'énergie et l'étendue de sa signification,
lorsqu'il a dit, en parlant de l'enier, c'es-l là que
règne un pleur éteinel. Pleur n'a point de singu-
lier; mais qui pourrait, sous ce petit prétexte
grammatical, condamner celte énergique expres-
sion?— « L Académie, en 4835, adinct le mot au
singulier dans le siyle élevé , et donne pour
exemple la phrase de Bossuct. Nous ferons obser-
ver (jue dans ce cas le mol change d'acception;
pleur alors signifie l'action de pleurer ou l'état
de ceux qui pleurent; il répond au phratus des
Latins. » (A. Lemaire, Grammaire des Gram-
maires, p. 122->.)
Doincrgue explique autrement la différence
entre larmes ci pleurs. « (l'est, dit-il, que larmes
offre à l'esprit une idée dislribulive, et pleurs
une idée collective. On dit une larme, deus lor-
gnes; on ne peut pas dire u/t pleur, deux pleurs;
on ne compte pas les pleurs comme les larmes.
Il Les larmes peuvent être dans l'œil ou hors de
l'œil; les pleurs, c'esl-à-dirc les larmes réunies,
sont nécessairement hors de l'œil. On dit, il. l'en
conjure les larmes aux yeu.v, des birmes roulent
dans ses yeux; on ne dirait pas, il l'en conjure
les pleurs aux yeux ; des pleurs roulent dans ses
yeux; la réunion n'a pas encore pu s'opérer; ce
sont de simples gouttes, ce sont des larmes. Il est
si vrai que c'est de l'idée unique de goutte qu'il
faut tirer la signification de larmes, qu'on dit une
larme de vin, pour une goutte de vin. »
Nous accordons à Uomergue sa goutte pour e.x-
pli(iuer \cslurmes; mais nous ne saurions conve-
nir avec lui que pleins signifie une réunion, une
collection de larmes. En elTcI, les pleurs coulent ;
ils se succèdent, ils ne se réunissent nulle part,
et si l'assertion de Domergue était vraie, on ne
pourrait guère se servir du mol pleurs (lu'après
avoir réuni les larmes dans (luelque petit vase.
On ne dirait pas, il Ven conjure les pleurs aux
yeux, parce que le \Xio\. pleurs étant consacré a
l'idée d'une blessure profonde de l'àme, ou d'une
passion violente, ne peut point convenir aux priè-
res, qui n'eniporlent pas cette idée, cl c'est parla
même raison (pi'on ne dit point, avoir les pleurs
aux yeux, ni un pleur de vin.
D'aiirés son principe, Domergue condamne ce
vers d'Orosmane {Zaïre, act. V, se. viii, 25) :
Voilà les premiers pleurs qui coulent de mes yeux.
Voltaire, dit-il, lorsqu'il peint Orosmane, non pas
LAV
pleurant, mais versant quelques larmes qu'arra-
chent la jalousie el la fureur, a-l-il eu raison de
préforor la manière collective?— Ainsi, selon Do-
Tnergue.Orosinancdcvraitdire, rnj/o /e^pj-ewiè/T^
larmes qui coulent de vies yvux. Celle phrase
seule, comparée au vers de Voltaire, réfute Do-
mergue. C'est une expression faible, au lieu d'une
expression énergique. D'ailleurs, Orosnuine ne
pouvait pas dire ipi'il n'avait jamais versé de
larmes ; car, au moins dans leur enfance, les cni-
Eereurset les rois en versent comme les autres
ommes.
La critique que fait Domergue d'un vers de
Legouvé, dans sa tragédie iV Épùharis et Néron,
est aussi déplacée (Act. V, se. ii, 22) :
Que d'échafauds dressés me pairoiil mes douleurs !
Il faut une Tictime à chacun de mes pI:u>-«.
Douleurs exige ici pleurs , non pas seulement
pour la rime, mais pour l'analogie des idées : Il
faut une rictime à chacune de mes larmes, serait
par trop ridicule.
Larmoyant, LAnMOYANTE. Adj. verbal tiré du
verbe larmoyer. Ce mot est vieux, il ne s'emploie
plus que dans le langage familier, et le plus sou-
vent en mauvaise part. Si l'on dit encore 7e co-
inique larmoyant, la comédie larmoyante, c'est
pour jeter quelque ridicule sur ce genre, dont le
véritable nom est drame, ou tragédie bourgeoise.
Larmoyi-r. V. n. de la i." conj. Ce verbe se
conjugue comme emplcyer. 11 est vieux et peu
usité, quoique l'Académie ne le dise pas.
Larron. Subst. m. Celui qui dérobe et prend
furtivement linéique chose. En parlant d'une
l^mme, on dit larronesse.
Las, Lasse. Adj. 11 ne se met point avant son
subst. Las régit de devant les noms et les verbes :
Je suis las de tout cela; il est las de toujours
demander sans j'a i/iais ohtenir.
Lascif, Lascive. Adj. 11 ne se met guère qu'a-
prés son subst. : Un homme lascif. — Une pos-
ture lascive, une danse lascive, des regards las-
cifs.
Lascivement. Adv. On ne le met point entre
l'auxiliaire et le participe: // a dansé lascive-
ment, et non pas, il a lascivement dansé.
Lassant, Lassante. Adj. verbal tiré du verbe
lasser. Il ne se met ordinairement qu'après son
subst. : Un travail lassant, unebesngne lassante.
Latéral, Latérale. Adj. On ne le met point
avant son subst. : Chapelle latérale, porte laté-
rale. Il h\\.latcraux au pluriel masculin.
Latin, Latine. Adj. (jui ne se met jamais avant
son subst. : La langue latine, les muses latines,
expression latine, V Eglise lutine.
Lattis. Subst. m. Le s ne se prononce pas,
mais il sert à faire allonger la dernière syllabe.
Lavement. Subst. m. Un journaliste nous a
donné depuis peu l'histoire de ce mot, de la ma-
nière suivante:
n Dans le temps où la pudeur était pl'is dans
les choses que dans les mots, on désignait l'injec-
tion pour laquelle la seringue est faite par le mot
grec clystère. Des gens délicats y substituèrent
longtemps après le mol lavement. On l'adopta
quoique vague ; mais les ecclésiastiques s'en
scandalisèrent, parce «lue ce substantif est em-
ployé dans les cérémonies de l'Eglise. Grande ru-
meur à la cour et chez madame de Maintenon.
Les jésuites gagnèrent l'abbé de Saint-Cyran, et
employèrent leur crédit auprès de Louis XIV,
pour obtenir que le mot lavement fiit mis au nom-
LE
431
bre des expressions doshonnétes; en sorte (juc
l'abbé de Saint-Cyran l)l;'mia publicpiemcnt le père
Garasse qui s'en était servi. Mais, disait le i)èrc
Garasse, je n'entends par lavement ([u'un bain
local, une ablution; ce sont les apoliiicaires qui
l'ont profané on l'appliquaiil à un usage incsséant.
Il fut décidé qu'on substituerait le mot remède à
celui de lavement; n-mcdc comme équivoque,
parut plus honnête. Louis XIV accord i celle
grâce au père Le ïcilier. Ce prince ne demanda
plus de lavement,\\ demanda son remède, el donna
ordre a l'Académie française d'insérer ce mot
dans son Dictionnaire avec l'acception nouvelle. »
Ainsi on substitua pendant quelque temps remède
à lavement.»
-Malgrécette décision et cet usage, malgré Saint-
Cyran, les jésuites, Le Tellicr et les daines de la
cour, le mol lacement est resté dans la langue, et
il a reparu dans le Dictionnaire de V Académie.
Les médecins el les apothicaires s'en servent ex-
clusivement, et les dames qui, sans être malades,
prennent ciia(iue matin un lavement pour conser-
ver la fraîcheur de leur teint, ne donnent plus le
nom de remède à cette injection qui ne remédie à
rien. Je ne [)ailc pas ici des dames qui ont con-
servé religieusement la tradition des us et cou-
tumes de l'ancienne cour.
Laver. V. a. de la l"" conj. On dit proverbia-
lement, laver la tête à quelqu'un, pour dire lui
faire une sévère réprimande. Maisciuaiid on em-
ploie cette expression ligurée, il faut conserver la
convenance dos idées, el ne pas dire comme A'ol-
taire, dans \' Enfant prodigue (act. I, se. ii, 49) :
Lavons la Icte à ce large visage.
On ne lave point la tête à un visage.
Lavis. Subst. m. Le * ne se prononce pas, mais
il sert à faire allonger la dernière syllabe.
Laxatif, Laxative. Adj. (pii ne se met qu'après
son subst. : Remède laxatif, tisane laxative.
Lazzi. Subst. m. On j)rononce lazi. Ce nom,
comme tous ceux i]ui sont empruntes des langues^
étrangères, ne prend point de s au pluriel : Des
lazzi.
Le, La, Les. Adjectifs prépositifs, que les
gTammairiens appellent aussi articles. Voyez Jd-
jeclifs prépositifs.
Le, La, Les. Pronoms de la troisième personne.
Ces pronoms sont réellement l'article le, la, les,
amiuel on donne ce nom lorsqu'il n'est pas suivi
d'un substantif qu'il modifie. Ainsi, \\ est aisé de
distinguer si ces mots sont articles ou pronoms.
Ils sont articles quand ils sont joints à des noms;
ils sont pronoms quaml ils sont joints à des ver-
bes. Dans fui acheté les sermons de Massillon,
les est article, parce qu'il est suivi d'un nom, ser-
mons ; ci ûans je le défendrai Jusqu'à lu mort,
le est pronom, parce qu'il est suivi d'un verbe,
défc7idrai.
Les pronoms Ze, la, les, se disent des personnes
et des choses, et font toujours l'oflice de régime
direct. Ze est pour le masculin, /« pour le fémi-
nin, et les pour le pluriel des deux genres : Je le
verrai, je la renverrai, je les ai perdu s.
Les p-ronoms le, la, les, doivent se répéter de-
vant tous les verbes dont ils sont régimes : Je
veux les voir, les embrasser, les consoler; je
vous le dis it vous le dirai toujours. Je veux
vivre pour l'estimer et la chérir.
M. Lévizac prétend qu'on ne doit pas répéter
les pronoms devant les verbes qui, composés du
premier, expriment la répétition de la même ac-
432
LE
tion. En conséquence, il veut (ju'on diso.jV iy<i/*
le dis et redis. Nous ne sommes point du loul de
l'avis do M. Lévizac. Quand, après un verbe (jui
exprime une action, on en met un autre composé
du premier, qui ex|)rimc la répélitiun de la même
action , c'est ordinairement pour aiipuyer sur
celte répétliion, el alors rien de ce qui i)cul l'aire
mieux ressortir cette répétition ne duit être omis.
Je pense donc (juc le caractère d'une phrase de
celle nature exige la répétition du pronom, cl
qu'il faut dire : Je vous le dis et rous le redis ; il
le fait et le refuit; et en eflc!, c'est ainsi qu'on
s'exprime, reut-élre, quand on ne veut pas ap-
puyer sur la répétition, dit-on qucliiuefois, il le
fait el refait; mais c'est le cas le plus rare.
Les pronoms te, la, les, ne peuvent pas se rap-
porter à des mots pris indéterminéuicnl. On ne
peut pas dire, vous avez droit de chasse, et je le
trouve lien fondé; il m'a fait grâce, et je Yai
-■içue avec reconnaissance, parce que droit et
grâce sont *ies substantifs pris indétcrminément,
auxquels le pronom ne peut pas se rapiiorler. 11
faut, dans ce cas, ou réf-n-ler le substantif en le
déterminant, ou le déterminer par un article ou
quelque chose d'équivalent, ou chercher un au-
tre tour ; f^uus avez droit de chasse, et je trouve
ce droit bien fondé. Il ma accordé ma grâce, etie
l'ai reçue avec reconnaissance, liacine a dit
(3ii/À/-.,act. 111, se. V, 18):
Quand je me fais justice, il faut qu'on se la fasse.
Mais cette phrase est irrégulière; et faire justice
ne pRUt pas plus cire suivi du i)ronoin que faire
grâce.
Dans les phrases expositives, les pronoms le,
la, les, comme tous les autres pronoms qui sont
régimes des verbes, doivent être placés avant les
verbes i/e le verrai, je la consolerai, je les ap-
plaudirai. Mais quand plusieurs pronoms sont
régimes du môme verbe, et qu'a ce titre ils doi-
vent le précéder, les pronoms me, te, nous, vous,
prennent la première place; ensuite viennent le,
la, les, puis lui, leur ; y cl en sont toujours les
derniers : Je me le promets, je te Vussure, il se
les assujettit, il nous la rendra, nous vous les
rendrons, je la lui promets, nous la leur ahan-
donnoiis.
Dans les phrases impératives, le, la, les, se
mettent après le verbe, mais seulement (juand ce
verbe n'est pas pris dans un sens négatif: Trai-
tezAn bien, grondez-Vd, ('pargnez-la; no Vj per-
dez pas, île la chagrinez pias, ne les effarouchez
pas.
Souvent les pronoms le, la, les, rappellent , n
nom exprimé auparavant, avec toutes les modifi-
cations qui ont été données à ce nom : Avez-cous
vu la belle maison de campagne qui vient d'être
vendue"^ Je l'ai vue; la, c'est-à-dire lu belle
viaison qui vient d'être vendue. Cette phrase,
qui est déterminée par l'article la, n'est ipi'unc
seule idée, comme elle n'en serait qu'une si elle
était exprimée par un seul mot.
Nous avons dit que le, la, les, ne peuvent se
rapporter qu'a un nom déterminé; cc|)eudant il
arrive souvent que le pronom le rappelle plutôt
les idées qu'on a dans l'esprit que les molsiju'on
a prononcés : f^otdez-vous r/uc j'aille vovs voir?
Je le veux ; le, c'cst-à-dirc que vous veniez »;/<?
voir. Dans ce cas, le n'est ni masculin, ni fémi-
nin, puisqu'il se rapporte à une phrase entière, et
qu'une phrase entière n'a point de genre. C'est
pour celte raison que l'on dira ; Si le public a eu
LE
quelque indulgence pour moi, je le dois à votre
protection ; et non pas, je lu dois, car le pronom
ne se rapporte pas à indulgence, mais à la phrase
le public a eu quelque indulgence pour moi. Oo
dirait au contraire: L'indulgence que le public a
eue pour moi, je la dois à votre protection ; parce
qu'alors le pronom se rapporte au substantif in-
dulgence, dont il doit i)ar coiiscqueiit prendre le
genre et le nombre. H arrive aussi que le a rajH
portà un adjectif ou à un suiistantif |)ris adjecti-
vement, et alors, comme dans le .as précédent,
ce pronom reste dans sa tignilication primitive,
sans prendre ni noinJ)re ni genre. I.'ne femme à
qui l'on demande : Etes-rcus mulude? ou, étcs-
vous la malade dont on m'a parlé, rc|)orid à la
Jircinjèrc question je le suis, parce ([uc malade,
étant un aJjoclif, n'est i)as plus du masculin que
du féminin, du singulier (pie du iiluriel, et le
pronom (|ui s'y rai)porte ne peut prendre aucune
(le ces variations. A la seconde question, la femme
répondra ^e la suis, i)arce qu'ici le pronom se
ra[)porle a un substantif déterminé qui est du
féminin, et doit par conséquent s'accorder avec
ce substantif. Si l'on demande à une femme, étes-
vous mère'} elle répondra, je le suis, et non je
la «Mîs; parce q\ic le substantif mère étant indé-
terminé, est pris adjectivement, et que par consé-
quent il ne doit pas s'accorder autrement avec ce
nom qu'avec un adjectif. Mais si l'on demandail,
êtes-vous la mère de cet enfant? ii faudrait ré-
l)ondre, je la suis, parce qu'ici le substantif wèz-e
étant détermine par l'article, exige le pronom au
même genre cl au même nombre. C'est conformé-
ment à cette règle (jue La Bruyère a dit : La
même justesse d'esprit qui ?ious fait écrire de
bonnes choses, nous fait appréhender qu'elles ne
le soient pas assez pour mériter d'être lues.
(Ch. I. Des ouvrages de l'esprit, p. 2'')3.) El Mo-
lière {Amants magnifiques, ail. L SC. ii) : Je veux
être mère, parce que je le suis; et ce serait en
vain que je ne le voudrais pas être. Et Voltaire :
Une pauvre fille demande à être chrétienne, c/ on
7ie veut pus qu'elle le soit. [Correspondance.)
C'esl par une raison semblable que le ne prend
ni genre ni nombre, lorsque, joint avec plus,
moins, ou mieux, il forme avec eux un superlatif
adverbe. C'est ht chose que j'aime \e plus, cl non
pas, la plus. Ce sont les biens que je désire le
moins, et non pas les moins. Nous devons parler
le plus sagement, et nous énoncer le Jilus claire-
ment qu'il est possible. Il en est de même lors(iuc
CCS adverbes sont suivis d'un adjectif, el qu'il n'y
a pas dans la phrase une idée de comparais'jn :
Nous ne pleurons pus toujours lorsque nous
sommes \e plus affligés. Dans cet exemple, on
ne veut point comparer son affliction à celle de
queliiucs autres personnes. Mais si une compa-
raison était indiciuéc dans la phrase, le pronom
reprendrait sa fonction ordinaire, cl s'accorderait
avec le substantif. Ainsi l'on dirait : La personne
qui pleure moins que les autres n'est pas la
moins affligée. Voyez Superlatif, Pronom, Am-
pliibologie. Construction.
Quebiues grammairiens modernes ont élevé des
difliculti'S sur la prononciation du pronom le
après un impératif. Les unsprèlendent qu'on doit
prononcer gardez-le, luissez-lc, etc., comme s'il
n'y avait point d'c; gnrdez-V, laissez-l', etc.
D'autres soutiennent (jue le mot le représentant la
personne ou la chose, tient en quehiue sorte la
place d'un substantif, et (|u'ainsi on doit le pro-
noncer et dire en toutes lettres; ^ardea-ie, lais~
sez-le.Qic.
LE
M. Dubroca a parfaitement bien éciairci ?a
question dans le Manuel des amateurs de la
langue française, \o\c\ ce qu'il dit :
a Le monosyllabe le a deux sons bien distincts
dans ce cas, ei l'allemativc ne peut jamais être
indifférente. Le premier est celui de IV muet , tel
qu'on le fait entendre à la fin du mot idole ; et le
second, celui de l'f guttural, dont la modification
est à peu |irès eu. Mais dans quelles circonstances
le pronom le se prononcc-t-il avec l'un ou r:iutrc
de ces deux sons? La question est d'autant idus
difficile à résoudre iju'aucun grammairien, qne je
saclie, ne s'est encore occupé de la traiter. Ce-
pendant elle me parait infiniment utile; l'usage
fréquent que nou^ faisons des locutions dans les-
quelles nous plaçons le pronom h après un verbe
a l'impératif, semblait devoir exiger qu'on s'en
occupât. J'ai vu des hommes très-instruits mani-
fester de l'hésitation dans ce cas, et avouer IVan-
chement leur embarras. C'est ce qui m'a engagé à
faire la recherche du principe qui pourrait diri-
ger la prononciation dans cette occurrence. Nous
en avons un connu cpii m'a servi de base, et qui
est dans le génie de la prononciation française.
« Rarement nous prononçons deux syllabes
muettes de suite ; et quand cela arrive, nous don-
nons a l'une d'elles une insistance qui dispense
en quelque sorte d'une pulsation sur l'autre. C'est
de ce principe que j'ai tiré la conséquence ou
plutôt la règle que voici :
« lorsque la finale de l'impératif qui précède
le monosyllabe le est muette, comme dans cette
phrase, faites-le savoir à vosa?nis, alors, parla
raison que deux syllabes muettes de suite ne se
prononcent pas sans qu'il y en ait une qui reçoive
une insistance sen^^ible, je prononcerai le avec l'c
guttural. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si la
dernière syllabe du verbe est masculine, connue
dans ces phrases, promettez-Ic-moi, instruisez-le
de ce (jui s'est passé, je prononcerai le pronom le
ai"cc l'e muet, et je dirai, promettez-r moi, iîi-
struiscz-l' de ce qui s'est passé. Ce principe me
parait juste et universellement applicable aux lo-
cutions dont il s'agit. Il me semble d'ailleurs que
la prononciation de ceux qui parlent biea y est
entièrement conforme. D'après cette règle, je pro-
noncerai ainsi ces vers de Racine :
Avoiiez-i', madame,
L'amour .l'esl pas un feu qu'on nir.ferme en une îme.
{Androm., acl. II, se. Il, 98.)
Du Troyen pu de moi failes-le décider.
(Idem, 112.)
« J'ai été d'autant plus déterminé à poser ainsi
les régies de cette prononciation, que je les ai
vues s'accorder parfaitement avec celle de la
prononciation de ces mêmes locutions dans le
cas oit le pronom le est suivi d'un mot commen-
çant par une voyelle.
« En effet, si la finale du verbe est féminine,
.ilors le monosyllabe le ne s'élidc pas avec la
voyelle suivante, et il se prononce avec l'e gut-
tural. Ainsi on dit Dites-le à vos amis, faites-
le entrer, et non pas dites-V à vos amis, faites-l'
entrer. Mais lorsque la finale du verbe est mas-
culine, l'e du pronom s'élidc. Ainsi, l'on dit très-
bien : Instruisez-V en mon nom, promettez-V
avec sincérité, donnez-V aux piurrcs. La raison
de cette différence vient du principe que j'ai
posé. Dans le premier cas, il n'y a pas élision,
parce que la prononciation de deux svliabes fé-
LÉG
453
minimes de suite ne pourrait pas avoir lieu sans
blessera la fois et la clarté et l'euphonie; et dans
le second, il y a élision, parce cpie la voix tom-
bant sur une syllabe masculine ijui demande de
\' insistance, la liaison de l'<? muet dans le pro-
nom le qui suit, peut s'exécuter sans inconvé-
nient. »
Lecteur. Subsl. m. Voyez Liseur.
Légal, Légalk. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Des formes légales, des voies légales,
des 7noyens légaux.
LÉGALEMENT. Adv. Ou pcut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Nous avons procède
légalement, nous avons légalement procédé.
Léger, Légère. Adj. Ftiraud prétend que
le r final se fait sentir dans le premier. Il
se trompe. Cet adjectif se met ordinairement
après son subst. : Un homme léger, vne femme
légère, un habit léger, une étoffe légère. — Un
style léger. — Dans le sens de peu considérable,
on peut le mettre avant, en consultant l'oreille et
l'analogie : C'est une faute légère, c'est une légère
faute; une légère idée, un lé(/er sommeil, zin
léger repas. Voyez Adjectif, Légèreté.
Légiùrejient. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // est blessé légère-
vient, il est légèrement blessé.
Légî^f.eté. Subst. f. Au figuré, ce mot a deux
sens. 11 se prend pour le contraire de grave,
(^important; et c'est dans ce sens qu'on dit de
légers services, des fautes légères. Dans l'autre
sens, légèreté est le caractère des hommes (jui ne
tiennent fortement nia leurs principes, ni à leurs
habitudes, et que l'intérêt du moment décide.
Dans ces deux sens, il ne se met point au plu-
riel. Mais on nomme des légèretés, les actions
qui sont l'clTet du caractère léger. — Légèreté
dans res[)ril, est (jueltpiel'ois pris en bonne part;
d'ordinaire elle exclut la suite, la profondeur,
l'application, mais elle n'exclut pas la sagacité,
la vivacité; et quand elle est accouq)agnée de
quelque imagination, elle a delà grâce.
Législateuk. Subsl. m. En parlant d'une
femme, on dit législatrice.
Législatif, Législative. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Pouvoir législatif, puis-
sance législative.
LÉGIT1.ME. .\dj. des deux genres. Dan; le sens
de, <iui a les qualités requises jiar la loi; il ne
se met qu'après son subst. : Mariage lé-
gitime, enfants légitimes. — Dans le sens de
juste, é(piitable, fondé en raison, on peut le
mettre avant son subst., en consultr.nt l'oreille
et l'analogie : Une demande légitime, cette légi-
time demande; des prétentioni légitimes, ces
légitimes prétentions. Voyez Adjectif.
LÉGITIMEMENT. Adv. Ou pcut le uicttre ent
l'auxiliaire et le participe : Il a réclamé légitime-
ment, il a légitimement réclamé.
Legs. Subst. m. Le g ne se fait point sentir.
L'Académie ne dit point comment il faut pronon-
cer l'e. Féraud i)rétend qu'on prononce lé:
nous croyons qu'on prononce généralement le.
LÉGUER. V. a. de lai" conj. Delille, employant
cette expression au ligure, a dit {Enéid., IV,
906) :
Didon au lil de mort te lègue sa fureur.
LÉGUME. Subst. m. On entend par ce mot, non
particulièrement les graines (jui viennent dans
des gousses, mais en généra! toutes les plantes
potagci"es. Les choux, les épinards, les laitues
28
43.i
LÉT
le persil, les raves, ne sont pas moins des légu-
mes que les pois el les fèves. On distingue scu-
lemeni les légumes en légumes veris et légu-
mes secs; elle dernier se dit des pois, des fèves,
des Icnlillcs, etc., que l'on conserve pour les
manger en hiver,
I,ÉGUM!\F.LX, I.ÉGCMirfEUSE. Adj. Il UC SC dit
guère ([u'au féminin, et ne se met qu'après son
subsl. : Fleurs légumineuses , plantes légumi-
neuses.
I.ÉMTiF, LÉNiTivE. Adj. quï ne se met qu'après
son subst. : Remède lénitif, potion lénitire.
Lent, Lemk. Adj. ijui ne se met guère qu'a-
près son suljst. : Un homine lent, un esprit lent,
une imagination lente, un pouls lent, un poison
lent, un feu lent. — On pourrait dire, dans cer-
tains cas, cette lente démurche.
Cet adjectif régit dans avant les noms, (>t à
avant les verbes : // faut être lent dans le choix
de ses amis; l'homme juste est lent à punir,
prompt à récovipenser.
Lentement. Adv. On ne le met point entre
l'auxiliaire et le participe : Il a marché lente-
ment, et non pas Uu lentement marché.
Léonin, Léonine. Adj. qui ne se met qu'après
son sulist. : Socie'té léonine, principe léonin, po-
litique léonine.
Lépreux, Lépredse. Adj. (jui ne se met qu'a-
près Sun subst. : Un hoviine lépreux, une femme
lépreuse.
Lequel, Laquelle, Lesquels, Lesquelles. Ad-
jectifs conjonclifs, qui s'emploient au lieu de qui
et que. Lorsque le conjonctif est le sujet de la
proposition incidente, ou l'objet du verbe de
cette [iroposition , on n'emploie pas lequel, la-
quelle, mais qui dans le premier cas, que dans
le second : Le musicien qui chante, et non le-
quel citante; le livre que/e lis, et non pas lequel
je lis.
Cependant ces adjectifs, susceptibles de genre
et de nombre, sont très-propres à piévenir les
équivoques, el il y a des écrivains qui les em-
ploient souvent dans ce dessein ; ruais il faut,
autant qu'il est possible, préférer tout autre
moyen. Si je à'is c'est un effet de la divine pro-
vidence qui attire l'admiration de tout le monde,
le conjonctif qui est équivoque. D'après la règle,
il doit se rapporter ii j'rovidence, qui le précède,
et d'après le sens, à effet. C'est pour éviter ces
sortes d'équivoques que quelques écrivains em-
ploient le conjonctif lequel, et disent, par exem-
ple, c'est un effet de la divine providence, le-
(juel attii-e , etc. Alors l'équivoque disparaît ,
parce que lequel, qui est du genre masculin,
marque évidemment le rapport à e//èi, qui est du
même genre, cl non pas à pnridejice, (jui est du
féminin. Mais ces sortes de phrases ont toujours
quelque chose île contraint que le bon goût ne
saurait approuver, ^■oyez Adjectifs conj'onctifs.
Dont.
I.EST. Subst. m. On prononce le t final.
Leste. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subsl. ; Un jeune homme leste. —
Un habillement leste, des troupes lestes. — Un
propos leste, une réponse leste.
LusTi^uENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a sauté lestement
sur son cheval, il a lestement sauté sur *"?»
cheval. — // était vêtu lestement; il était leste-
ment vêtu ; il s'est tiré lestement de ce rnauvais
pas ; il s'est lestement tiré de ce mauvais pas.
l.ÉTHAr.GiQCE. Adj. dcs deux genres. On peut
quelquefois le mettre avant son subst. . Sommeil
LEU
léthargique, indolence létliargique, cette léthar-
gique indolence.
Lettre. Subst. f. On appelle lettres les carac-
tères représentai ifs des éléments de la voix. Les
mois considérés comme des sons sont composés
de lettres, qui seules ou réunies entre elles for-
ment des syllabes.
Par le mol lettre on entend quelquefois le son,
ou le caractère (|ui sert à exprimer le son. C'est
dans le premier sens qu'on dit une lettre sifflante,
une lettre liquide, une lettre rude à prononcer.
C'est dans le second sens qu'on dit une grande
lettre, une petite lettre, une lettre majuscule OU
capitale, une lettre française , une lettre bâ-
tarde.
On appelle voyelles les lettres dont la pronon-
ciation est formée par une seule émission de
voix, sans articulation; cicoîisonîies, celles dont
la prononciation se forme par le son de voix mo-
difié, ou par les lèvres, ou par la langue, ou par
le palais, ou par le gosier, ou par le nez. On les
appelle consonnes, parce (jue, pour former un
son, elles uni besoin d'être réunies à des voyelles.
Les lettres se composent donc de voyelles et
de consonnes. Le recueil des lellrcs qui repré-
sentent les sons particuliers qui entrent dans la
composition des mois dune langue, s'appelle
alphabet.
L'alphabet français n'a proprement que dix-
neuf lettres ; a, h, c, d, e, f, g, h, i, l, m, n, o,
p, r, s, t, u, z, car lexet \eetv. ne sont que des
abréviations. Le x est pour gz, exemple, pro-
noncez egzemple. X est aussi pour es, axiomCf
prononcez ucsiume. On fait encore servir le jr
pour ss, Auxerre, prononcez Aussère.
Le k est une lettre grecque, qui ne se trouve
en latin que dans certains mois dérivés du grec.
C'est notre c dur, ca, co, eu.
Le q n'est aussi que le c dur. Ainsi ces
lettres, c, k, q, ne doivent être comptées (jue pour
une mémo lettre; c'est le même son représenté
par trois caractères différents.
Le v représente l'arliculalion semi-labiale
faible, dont la foite est f, el de là vient qu'elles
se prennent aisément l'une pour l'autre. Neuf
devant un nom qui commence par une voyelle,
se prononce neuv, on dit neuv hommes.
Enfin l'y est une lettre grecque qui s'emploie
pi)ur un i ou jwur deux i; pour un i dans les
mots tirés du grec, et pour deux i dans les mots
purement français.
On peut donc dire que l'alphabet français ren-
ferme présenlemenl vingt-cinq lettres ; savoir, six
voyelles, qui sont a, e, i, o, u, y ; et dix-neuf con-
sonnes, qui sont b, c, d, f, g, h,j, k, l, m n, p,
q, r, s, t, V, X, z. Voyez Alphabet, Consonne,
f^oyelle, Diphthongue.
Lettré, Lettrée. Adj. Tl ne se met qu'après
son subst. : Un homme lettré, une femme let-
trée.
Leur. Adj. possessif qui a rapport a la troi-
sième personne. Il est comme pluriel de son, sa,
ses, avec celle différence <iue ses se dit de plu-
sieurs choses qui apparlienuent à une seule \>er-
sonnc, leur d'une chose (|ui apparlienl à plu-
sieurs personnes, et leurs de plusieurs choses
fjui appartiennent à plusieurs persuimes. Use dit
des personnes el des choses : Leur père, leur
maison, leur jardin.
Leur se met avec un substantif sans article,
leur père ; ou avec un article sans substantif, le
leur.
Leur ne se met pas avant un nom qui est suiri
LEV
d'un adjectif relatif, et d'un pronom de la troi-
sième porsoiiue. On iic dit pas j'ai vendu leurs
chevaux qu'ils m'avaient envoyés ; niaisyat ven-
du les cheraus qu'ils m'ont envoijés.
L'adjectif possessif leur doit se i-épéter avant
chaque subst. qu'il modifie : J'ai vu leur courage
fl leur intrépidité. Leurs femmes, leurs enfants,
leu7-s amis, les suppliaient de ne pas résister à
la for-ce.
11 se répète aussi devant des adjectifs qui ont
un sens opposé ou différent : Ils nnus ont mon
tré leurs bonnes et leurs inauvaises marchan-
dises. Mais il ne se répète pas devant les adjectifs
<jui ont à peu près la même signification : Ils
nous ont montré leurs beaux et brillants équi-
pages. Quand on dit Us nous ont montré leurs
beaux et brillants équipages, il est clair (]ue les
adjectifs beaux et brillants sont appliqués au
même substantif; et si l'on disait leurs beaux et
leurs brillants équipages, on indiquerait par lu
que l'on veut parler de deux espèces d'équi-
pages, dont les uns sont beaux et les autres bril-
lants.
Il me semble que c'est une question assez inu-
tile de demander s'il faut dire, tous les maris
étaient au bal avec leurs femmes, ou avec leur
femine. Puisqu'il s'agit de plusieurs femmes, il
est clair qu'il faut mettre le pluriel leurs; si l'on
disait avec leur femme, cela voudrait dire qu'il
n'y avait (ju'une femme qui appartenait à tous
les maris. Leurs femmes signifie les femmes
d'eux, c'est le sens collectif; leur femme, c'est
la femme d'eux. Cependant on dirait bien, tous
les maris étaient au bal, chacun avec sa feuime,
parce que, dans cette phrase, le sens n'est plus
collectif, et que le mot cliacun le rend distribu-
tif. \o^ci Adjectif possessif, Chacun.
Leur. Pronom pluriel de la troisième per-
sonne. Il signi'ie à eux ou à elles, et est par con-
séquent des'deux genres. Ce pronom, étant pluriel
de sa nature, ne prend point de 5 à la fia. Il se
dit des personnes, des animaux, et quelquefois
des choses inanimées : Il est resté une heure avec
ses amis, sans leur dire un seul mot ; vos poules
ont faim, il faut \q\\1 donner éi manger ; j'ai pris
heaucovp de bains pendant ma maladie, je leur
dois via ijuérison.
Leur est toujours régime indirect d'un verbe.
Il se met avant ce verbe quand la proposition est
simplement énonciative : Je leur donnerai à
manger. Quand la proposition est impérative et
affirmative, il se met après le verbe; si elle est
impérative et négative, il se met avant : iVe leur
donnez pas ce quils demandent.
Quel(iuefois, pour plus d'énergie, on meta eux-
mêmes ou Cl elle-i-mcmes après le verbe, précédé
de leur : C'est ce que je leur ai offert d eux-
mêmes ; c'est ce que je leur ai offert à elles-
mêmes. Voyez Pronom, Amphibologie.
Levant. Subst. m. Il signifie la même chose
qu'orient en géographie. .Mais ces deux mots ne
s'emploient pas toujours indifféreuimcnt , lors-
qu'il s'agit de commerce et de navigation. On
appelle le Levant toutes les côtes d'Asie, le long
de la Méditerranée, et même toute la Turquie
asiatique; c'est pourquoi toutes les Échelles, de-
puis Alexandrie en Éb'ypte jusqu'à la mer Zs'oir*,
et même la plupart des iles de l'Archipel, sont
comprises dans ce qu'on appelle le Levant. iNous
disons ;dors voyage du Levant, marchandises du
Levant, etc., et non pas voyage d'Orient, mar-
chandises d'Orient, à l'égard de ces lieux-là.
Cela est si bien établi, que par Orient ou entend
LIA
435
' la Perse, les Indes, Siam, le Tonquin, la Chine,
i le Japon, etc. Ainsi le Levant est la partie oc-
cidentale de l'Asie, et l Orient est tuut ce qui est
au delà de l'Muphrate. Enfin, (juand il n'est pas
question de comiucrcc et de navigation, et qu'il
s'agit îl'empirc et d histoire ancit'nne, on_ doit
toujours dire, l'Orient, l'empire d'Orient, l'Église
d'Orient.
Lever. Subst. m. Ce mot ne prend de pluriel
que lorsqu'on l'applique aux astres. On lit dans
V Encyclopédie. -Il y a pour les astronomes trois
espèces de levers des étoiles : le lever cosmique,
le lever achrunique, et le lever héliaquc.
Levkaudé, Levraudék. Adj. Mot inusité que
Voltaire a employé pour signifier poursuivi, per-
sécuté, pourchassé comme un lièvre. Je crois,
dit-il, qu'il vaut mieux bâtir un beau château,
comme j'ai fait, y jouer la comédie et y faire
bonne chère, que d'être levraudé à Paris, comme
Helvélius, par les gens tenant la cour de parle-
ment, et pur les gens tenant l'écurie de Soi--
b'iuîie.
L1.AISON. Subst. m. Terme de liltéralure. Nous
avons vu, à l'article Construction, que le principe
de la plus grande liaison des idées doit diriger
tout homme qui veut énoncer clairement ses
pensées ; nous avons fait l'application de ce prin-
cipe à chaque partie de la proposition, et aux
différentes espèces de phrases qui concourent à
! expression d'une [lensce. JNous allons faire ici
la même application aux phrases considérées sous
le rapport du tissu du discours. C'est Condillac
qui nous servira de guide ici, comme il nous en
a servi pour les règles de la construction gram-
maticale.
Les pluases, dit cet écrivain célèbre, doivent
être construites les unes pour les autres. Deux
pensées ne peuvent se lier l'une à l'autre que
par les accessoires et par les idées principales.
Commençons [)ar un exemple.
Quand l'histoire serait inutile aux autres
hommes, il faudrait la faire lire aux princes.
Il n'y a pas de meilleur moyen de leur découvrir
ce que peuvent les passions et les intérêts, les
temps et les conjonctures, les bons et les mau-
vais conseils. Les histoires ne sont composée-t
que des actions qui les occupent, et tout semble
y être fait pour leur usage. Si l'expérience leur
est nécessaire pour acquérir cette prudence qui
fait bien régner, il n'est rien de plus utile à leur
instruction que de joindre les exemples des siè-
cles passés aux expériences qu'ils font tous les
jours, u lieu qu'ordinaireme nt ils n'appren-
nent qu'aux dépens de leurs sujets et de leur
propre gloire âjugerdes affaires dangereuses qui
leur arrivent; par le secours de l'histoire, ils
forment leur jugement, Sins rien hasarder, sur les
événements passés. Lorsqu'ils voient jusqu'aux
vices les plus cachés des princes , malgré les
fausses louanges qu'on leur donne pendant leur
vie, exposés aux yeux de tous les hommes, ils ont
honte de la vaine joie que leur cause la flat-
terie, et ils connaissent que la vraie gloire ne
peut s'accorder qu'avec le mérite. (Boss., Avant-
propos du Discours sur l'hist. univ.)
Il n'y a ici que deux légères négligences .-l'une
à ces mots, sur les événements passés, qui font
un sens louche avec sans rien hasarder. Bos-
suet aurait pu d\rc forment, sers rien hasarder,
leur jugement. L'milre est dans louanges qu'on
leur donne, car leur est équivoque. D'ailleurs
tout est parfaitement lié.
Pour mieux faire sentir celle liaison, substi-
J3C
LIA
uons d'aulres con>ilruclions à celles de Bossuel,
rt disons :
Jl faudrait faire lire l'histoire aux princes,
quand même elle serait inutile aux autres
U«7nines. Il n'y a pas d'autre vioyen do leur dé-
couvrir ce que peuvent les passions et les inté-
rêts, les temps et les conjonctures, lis bons et les
mauvais conseils. Les histoires ne sanl compo-
stes que des actions qui les occupent, et tout
semble y être fait pour leur usage- Il n'est rien
de plus utile à leur instruclimi, que de joindre
les exemples des siècles passés aux expériences
qu'ils font tuus les jaurs, s'il est vrai que l'ex-
périence suit ni cessaire pour acquérir celte pru-
dence qui fuit bien régner. Par le secours de
l'histiire, ils forment, sans rien hasarder, leur
(ugement sur les événements passés, au lieu
qu'ordinairement ils n'apprennent qu'aux dé-
pens de leurs sujets et de leur propre gloire à
juger des affaires dangereuses qui leur arri-
vent. Exposés aux yeux de tuus les hommes, ils
ont honte de la vaine joie que leur cause la flat-
itrie ; et ils connais.fetit que la vraie gloire ne
peut s'accorder qu'avec le m.érite, lorsqu'ils voien t
jusqu'aux vices les plus cachés des princes ,
malgré les fausses louanges qu'on leur donne
pendant leur vie.
Par les cliangemenis que je viens de faire
aux passages de Bossuel, les phrases ne tien-
uenl plus les unes aux autres. Il semble qu'à
cbacune je reprenne mon discours, sans m'oc-
cuper de ce que j'ai dit, ni de ce que je vais
dire. Je suis comme un homme fatigué qui
s'arrête à chaque pas, et qui n'avance qu'en fai-
sant des efforts. Cependant, si l'on considère en
elles-mêmes chacune des constructions que j'ai
faites, on ne les trouvera pas défectueuses ; elles
B€ pèchent que parce qu'elles se suivent sans faire
un tissu.
On fieul déjà sentir pourquoi on n'a pas le
choix entre plusieurs constructions, lorsque l'on
écrit une suite de pensées, quoiqu'on l'ait, lors-
qu'on considère chaque pensée sé[)arcMi(Mit. Une
nous reste [)lus qu'a examiner comment la liaison
des idées est altérée par les transpositions que
j'ai faites.
Il faudrait faire lire l'histoire auxprinces,
est naturellement lié avec il n'y a pas de îneilleur
moyen de leur découvrir ce que peuvent les pas-
sions; j'ai donc mal fait de séparer ces deux idées
et dediie : // faudrait faire lire l'histoire aux
princes, quand même elle serait inutile aux
autres hommes ; il n'y a pas de meilleur moyen,
etc.
Après avoir remarqué combien l'étude de
l'histoire est utile aux princes, l'esprit, en suivant
la liaison des idées, se porte naturellement sur
l'expérience, (]ui est une autre source d'instruc-
tion ; et il considère combien il est nécessaire de
joindre l'étude de l'histoire à l'expérience jour-
nalière. J'ai changé tout cet ordre, et, par consé-
quent, j'ai affaibli la liaison des idées.
Bossuet, voulant démontrer l'utilité que les
jirinces peuvent retirer des exemples des siècles
liasses, commence par faire voir l'insuffisance de
l'expi-rience.et finit par observer les secours que
donne l'histoire.
Enfin, dans la vue de montrer quels sont ces
secours, il expose d'abord ce (jue les iirinces
voient dans l'histoire, et il considère ensuite quelle
impression elle peut faire sur eux. Tel est sensi-
blemeul l'ordre des idées, je l'ai cnlièremeut
LIA
changé. J'ajouterai encore un exemple que ^e
prends dans Bossuel.
La reine partit des ports d'Angleterre à la
vue des vaisseaux des rebelles, qui la prrursui-
vaientde si près, qu'elle entendait presque leurs
cris et leurs menaces insolentes. O voyage bien
différent de celui qu'elle avait fuit sur la même
mer, lorsque, venant prendre p^-^session du scep-
tre de la Grande-Bretagne , elle viyuit pour ainsi
dire les ondes se courber sous elle, et soumettre
toutes leurs vagues à la dominatrice des mers!
Maintenant chassée, poui-suivie par ses ennemis
implacables, qui avaient eu C audace de lui faire
son procès, tantôt sauvée, tantôt presque prise,
chaîi^eant de fortune à chaque quart d'heure,
n'ayant pour elle que Dieu et son courage iné-
branlable, elle n'avait ni assez de vent, ni assez
de voiles pour favoriser sa fuite précipitée.
{Oraison /un. de la reine d'Angleterre, p. 39.,
Il y a ici une petite faute: maintenant elle n'a-
vait, il fallait, elle 7i'a. Il me paraît encore qu'm-
ébranlable csl une épithète inutile. N'ayant que
Dieu et son courage, dit assez que le courage de
la reine est aus-^i grand qu'il peut l'être.
On voit d'ailleurs que Bussuet a raïqiroché les
idées qui conlrasteni, et c'est cela morne qui en
fait toute la liaison. Elle voyait, dit-il, les ondes
se courber sous elle, et soumettre leurs vagues à
la dominatrice des iners ; maintenant chassée,
poursuivie, etc. La construction n'aurait pas eu
la même grâce s'il eut dit, elle voyait les ondes se
courber sous elle, et soumettre leurs vagues à la
dominatrice des mers : maintenant elle n'a ni
assez de vent, ni assez de voiles pour favoriser
sa fuite précipitée : chassée, poursuivie par ses
ennemis, tantôt sauvée, tantôt presque prise,
n'ayant que Dieu et soti courage.
Les idées accessoires doivenl toujours lier les
idées principales : elles sont comme la trame qui,
passant dans la chaîne, forme le tissu.
Par conséquent, tout accessoire qui ne sert
point à la liaison des idées est déplacé ou super-
flu. Bien des écrivains, estimés d'ailleurs à juste
titre, paraissent n'avoir pas assez senti cette vé-
rité.
La Bruyère, voulant montrer d'un côté la né-
cessité des livres sur les mœurs, et de l'autre, le
but que doivent se projmser ceux qui les écri-
vent, s'embarrasse dans des idées qu'il démêle
tout à fait mal. On entrevoit cependant une suite
d'idées princij)ales i\\i\ tendent au développement
de la pensée, el je vais les exjioscr, afin qu'on
puisse mieux juger des défauts où il tombe.
Je rends au public ce qu'il m'a pi-cté.
Il peut regarder le portrait que j'ai fait de
lui et se corriger.
L'unique fin que Von doive se proposer en écri-
vant sur les mœurs, c'est de corriger les hom-
mes : 7nais c'est aussi le succès qu'on doit le
moins se promettre.
Cependant il ne faut pas se lasser de leur re-
procher leurs vices, sans cela ils seraient peut-
être pires.
L'approbatioîi la moins équivoque qu'on en fût
recevoir, serait le changement des mœurs.
Pour l'obtenir, il ne faut pas négliger de leur
plaire, mais 071 doit prosciire tout ce qui ne tend
pas à leur instruction.
Toutes ces pensées sont claires, et on en saisit
la suite. Mais celle lumière va disparaître; li-
sons:
Je rends au public ce qu'il 771 a prêté : j'ai em-
prunté de lui la matière de cet ouvrage, ii est
LIA
juste c/ve Vayant acltevé avec toute raltention
pour ta vérilii dojitje suis capable, et qu'il mc-
rite de moi, Je lui en fusse la restitution. Il peut
regarder avec loisir ce portrait que j'ai fait de
lui d'après nature; et, s'il se connaît quelques-
vns des défauts que Je touche, s'en corriger.
C'est l'uniqui^ fin que l'un doit se proposer en
écriront, et le succès aussi que l'on doit moins
se promettre. Mais comme les hommes ne se dé-
goûtent pas du vice, il ne faut pas aussi -le lasser
de le leur reprocher ; ils seraient peut-être pires
s'ils venaient à manquer de censeurs et de cri-
tiques. C'est ce qui fait que l'on prêche et que
l'on écrit. L'orateur et l'écrivain ne sauraient
vaincre la joie qu' ils ont d'être applaudis; mais
ils devraient rougir d'eux-mêmes, s'ils n'avaient
cherché par leurs discours et par leurs écrits que
des éloges • outre que l'approbation la plus sure
et la inoins équivoque est le changement des
mœu7s et la réformation do ceux qui les Usent
ou qui les écoutent. On 71e doit parler, on ne doit
écrire que pour finstruction; et s'il arrive que
l'on plaise, il ne faut pas néanmoins s'en repen-
tir, si cela sert à insinuer et ci faire recevoir les
vérités qu i doivent instruire. Quand donc il s'est
glissé dans un livre quelques pensées ou quelques
réflexions qui n'ont ni le feu, ni le tour, ni la
vivacité des autres, lien qu'elles semblent y être
admises pour la variété, pour délasser Vesprit,
pour le rendre plus présent et plus attentif ci ce
qui va suivre, à moins que d'ailleurs elles ne
soient .sensibles, familières, instructives, accom-
modées au simple peuple, qu'il n'est pas permis
de négliger, le lecteur peut les condamner, et
l'auteur doit les proscrire : voilc'i la règle. (Pré-
face, p. 240.)
Piemièrernent, il y a dans ce morceau des pen-
sées fausses ou du moins rendues avec peu
d'exactitude. Telles sont on ne doit écrire que
pour corriger les hommes, on n'écrit qu'afin que
le public ne manque pas de censeurs... Parce (juc
La Bruyère écrit sur les mœurs, il oublie qu'on
puisse écrire sur autre chose. 11 dit ensuite iju'on
ne doit écrire que pour Tinstruction; mais si
cette instruction n'est relative qu'aux mœurs, il n'a
fait que se répéter; si elle se rajiporteà toutes les
choses que nous pouvons connaître, elle fait voir
la fausseté de celle proposition : l'unique fin
d'un écrivain doit être de corriger les hommes.
D'ailleurs il n'est pas vrai qu'on ne doive écrire
que pour instruire.
On ne doit pas croire que La Bruyère adoptât
des pensées aussi fausses. Elles ne lui ont échappé
que parce qu'il ne savait pas s'expliquer avec
plus de précision. Quand on embarrasse son dis-
cours, il est bien difficile de ne dire que ce qu'on
veut dire.
En second lieu, lorsque La Bruyère dit : Le
public peut regarder le portrait que j'ai fait de
lui d'après nature; et, s'il se connuit quelques-
■uns des défauts que je touche, s'en corriger.
C'est l'unique fin que l'on doit se proposer en
écrivan t ;
La seconde phrase n'est pas lice à la première;
et il semble que la liaison des idées demandait au
contraire : C'est l'unique fin qu'il doit se propo-
aer en me lisant.
En troisième lieu, après avoir dit, c'est ce qui
fuit qu'on prêche et qu'on écrit, La Bruyère s'em-
barrasse i}Our vouloir continuer de distinguer
l'orateur et l'écrivain, celui qui parle et celui qui
écrit, le discours et les écrits, ceux qui lisent et
ceux qui écoutent. Il ne fait par là que répéter les
LIA
437
mêmes idées, allonger ses phrases, et gêner scî
constructions.
En quatrième lieu, la phrase qui commence
par ces mots, l'orateur et l'écrivain ne sau-
raient, etc., n'est pas absolument lice à ce qui la
précède. Tout ce qui est renlcrmé depuis l'uni-
que fin, jusqu'à quand donc il s'est q lisse, serait
plus dcgago si La Bruyère avait dit : L'unique fin
que l'on doit se proposer, en écrivant sur la mo-
rale, est la réforme des mo'urs. Je veux qu'on
ne puisse pas vaincre la joie qu'on a d'être ap-
plaudi; on devrait rougir au moins de n'avoir
cherché que des éloges. Il est vrai que le succès
que l'on doit le moins se promettre, est de voir
les hommes se corriger; mais c'est aus.'ii le
moins équivoque. Dans cette vue, il ne faut pas
négliger de plaire : car ce moyen est le plus pro-
pre à faire recevoir des vérités utiles.
Enfin la dernière phrase, qui commence à ces
mois, quand donc, esl un amas de mots jetés sans
ordre; et il semble que La Bruyère n'arrive qu'a-
vec bien de la peine jusqu'à la fin.
Fénelon veut peindre Pyginalion tourmente par
la soi! des richesses, tous les jours plus misé-
rable, et plus odieux à ses sujets. 11 veut peimlre
sa cruauté, sa défiance, fes soupçons, ses inquié
tudes, son agitation, ses yeux errants de tous cô-
tés, son oreille ouverte au moindre bruit, son pa
lais, où ses amis mêmes n'osent l'aborder, ta
garde qui y voille, les trente chambres où il
couche successivement, les remords ([Ui l'y sui-
vent, son silence, ses gémissements, sa solitude,
sa tristesse, son abattement; voilà, je pense, l'or-
dre des idées : elles ne sauraient être trop rappro-
chées; c'est surtout dans ces descriptions que \-^
style doit être rapide.
Pygmalion, tourmenté par une soif insatiable
des richesses, se rend de plus en plus misérable
et odieux ci ses sujets. C'est un crime à T'ijr qitc
d'avoir de grands biens. L'avarice le rend dé-
fiant, soupçonneux, cruel; il persécute les riches
et il craint les pauvres. Tout l'agite, l'inquiète,
le ronge ; il a peur de son ombre. Il ne dort ni
nuit ni jour. Les dieu.T,pour le confondre, l'ac-
cablent de trésors dont il n'ose jouir. Ce qu'il
cherche pour être heureux est précisément ce qui
l'empêche de l'être. Il regrette tout ce qu'il
donne, et craint toujours de perdre; il se tour-
mente pour gagner. On ne le voit presque ja-
mais : il est seul au fond de son palais ; ses amis
mcuies n'osent l'aborder, de peur de lui devenir
suspects. Une garde terrible tient toujours des
épées nues et des piques levées autour de sa mai-
soji. Trente chambres qui communiquent les
unes aux autres, et dont chacune a une porte de
fer, avec six gros verrous;, sont le lieu ou il se
renferme. On ne sait jamais dans laquelle d: ces
chambres il couche, et on assure qu'il ne couche
jamais deux nuits de suite dans la même, de
peur d'y être égorgé. Il ne connaît ni les doux
plaisirs, ni l'amitié encore plus douce. Si on lui
parle de chercher la joie, il sent qu'elle fuit loin
de lui, et qu'elle refuse d'entrer dans son cœur.
Ses yeux creux sont pleins d'un feu âprs et fa-
rouche; ils sont sans cesse errants de tous côtes
Il prête l'oreille au moindre bruit, et se sent tout
ému : il est pâle, défait ; et les noirs soucis sont
peints sur son visage toujours i~idé. Il se tait,
il soupire ; il tire de son cœur de profonds gémis-
sements; il no peut cacher les remords qui dé-
chirent ses entrailles. {Télém., liv. III, t. 1,
p. 125.)
Le désordre de ce morceau est sensible L'ati-
-i38
LIA
teur quitte une pensée pour la reprendre; il dit
que Py^'iniilion csl dofiimt , soupçonneux, que
tout l'agite, l'inquicte; et il revient sur ces mémos
idées après s'être arrêta' sur d'autres détails. Les
derniers coups de pimeaux surtout sont les plus
faibles. Ouolle force y a-t-il à rcmanpier que
Pygmalion ne connaît ni l'amitié, ni les plaisirs,
ni la joie, quand on a peint sa solitude et sa
tristesse? Les tours sont làclies. Si on lui parle
de chercher la j'aie, il sent qu'elle fuit loin de
lui, et qu'elle refuse d'entrer dans son cœur.
Pourquoi si on lui parle? D'ailleurs, la grada-
tion des pensées était, la Joie refuse d'entrer
dans SI n cœur, et fuit loin de lui.
Têlémaquc fait ensuite des réllcxions très-sa-
ges; mais les accessoires rendent sou discours
Irainaiit, et y répandent du désordre.
f^oilà, dit-il, ttn homme qui na- cherché qu'à
se rendre heureux ; il a cru y paivenir pur les
richesses et par une autorité absolue. Il possède
tout ce qu'il peut désirer, et cependant ilesi misé-
rable par ses richesses et par son autorité mêmes.
S'il était berger, comme jeVétais naguère, il se-
rait aussi heureux que je l'ai été; il jouirait des
plaisirs innocents delà campagne, et en jouirait
sans remords. Il ne craindrait ni le for, ni le poi-
son, n aimerait les hommes, il en serait aimé : il
n'aurait point ces grandes richesses qui lui sont
aussi inutiles que du sable , puisqu'il n'ose y
toucher; mais il joxiiruit librement des fruits de
la terre, et ne souffrirait aucun réritublc besoin .
Cet homme paraît faire tout ce qu'il veut; mais
il s'en faut bien qu'il ne le fasse. Il fuit tout ce
que veulent ses pussions féroces. Il est toujours
entraîné par son avarice, par sa crainte, et par
ses soupçons; il paraît maître de tous les autres
hommes, mais il n'est pas maître de lui-même,
car il a autant de maUrcs et de bourreaux qu'il
a de désirs violents. {Télém,., liv. III, t. I,
p. 128.)
Il y a ici deux idées principales : l'une, que
Pygmalion est malheureux jiar ses richesses et
p;u- son autorité même; et l'autre, qu'il serait
plus heureux s'il n'était que berger. Aucun des
accessoires propres à les développer n'échappe à
Fénelon, il sent tout ce (juil faut dire, il le dit,
cl il attache. Il serait dlificile de le trouver en
faute à cet égard. Mais pourquoi ne pas rappro-
cher de chacjuc idée principale les accessoires
qui lui conviennent'? Pourquoi, après avoir re-
marqué (juc rygmalion e>t misérable par ses ri-
chesses et par son autorité mêmes, passer tout à
coup à la seconde idée, .l'il était berger, la dé\ e-
lopper, cl renvoyer à la fin les accessoires de la
première? 11 me semble ipie si, avant cette se-
conde idée, il eût transporté tout ce (ju'il fait dire
• Télémacjue, depuis, cet homme paraît faire
tout ce qu'il veut, il aurait mis plus d'ordre dans
le discours, et qu'il aurait senti la nécessité de
l'élaguer.
Un beau morceau est celui où les faiblesses de
rélcmatiue dans l'ilc de Chypre sont peintes par
lui-même, avec une candeur cpii inspire l'aniuur
delà vertu. C'est à de pareds traits (ju'on recon-
naît surtout et l'esprit et le cœur de Fénelon.
Pour être sur de plaire, cet homme respectable
n'a eu qu'à peindre son âme. Je criticiuerai ce-
pendant encore; mais, en pareil cas, on voit avec
plaisir que l'on n'a à reprendre que des fautes de
style.
Le discours de Télémaque roule sur trois
choses principales. L'une est l'impression que
font sur lui les plaisirs de l'ile de ChvjM-e; l'autre
LIA
son abattement, l'oubli de sa raison et des vertus
de son père; la dernière, ses remords tpii ne sont
pas tout a fait étouffés. Il est dommage que ces
objets ne soient i)as dévelopiiés avec assez d'ordre.
D'abord j'eus horreur de tout ce que je voyais;
mais in-'-en.'siblcment Je commençais a m'y ac-
coutumer; le vice ne m'effrayait plus, toutes
les compagnies rn'inspiraienl Je ne sais quelle
inclination pour le désordre. On se moquait
de mon innocence; mu retenue et ma pudeur
servaient de jouet à ces peuples effrontés. On
n'oubliait rien pour exciter toutes mes pas-
sions, pour me tendre des pièges, et pour réveil-
ler en moi le goût des plaisirs. Je me sentais af-
faiblir tous les jours; la bonne éducation que
j'avais reçue ne me soutenait presque plus;
toutes mes bonnes résolutions s'évanouissaient.
Je ne me sentais plus la force de résister au
mal qui me pressait de tous côtés ; j'avais même
une viauvuise honte de la vertu. J'étais comme
un homme qui nage dans une rivière profonde et
rapide : d'abcrd il fend les eùux, et remonte
contre le torrent : mais si les bor-ls sont escar-
pés, et s'il ne. peut se l'eposer sur le rivage, il se
lasse enfin peu d peu, et ses forces L'abandon-
nent; ses membres épuisés s'engourdissent, et le
cours du fleuve l'entraîne. Ainsi mes yeux cum-
viençaicnt à s'obscurcir, mon cœur tombait en
défaillance. Je ne pouvais plus rappeler ni ma
raison, ni le souvenir des vertus de mon père.
Le songe où, je croyais avoir vu le sage Mentor
descendit, aux Champs-Elysées , achevait de me
décourager ; une secrète et douce langueur s'em-
parait de moi; j'aimais déjà le poison flatteur
qui se glissait de veine en veine, et qui pénétrait
jusqu'à la tnoelle de mes os. Je poussais néan-
moins encore de profonds soupirs, je versais des
larrnes amères ; Je rugissais comme un lion, dans
ma fureur. O malheureuse jeunesse ! disais-Je.
O dieux, qui vous Jouez cruellement des hom-
mes, pourquoi les faites-vous passer par cet âge
qui est un temps de folie et de fièvre ardente?
Oh! que ne suis-je couvert de cheveux blancs,
courbé et proche du tombeau, comme Laërte mon
aïeul? La mort me serait plus douce que la fai-
blesse honteuse où. Je me vois. {Télém., liv, l'y,
t. I, p. 163 )
11 y a des longueurs dans ce morceau, parce
que Télémaque appuie trop longtemps sur les
mêmes accessoires; et il me semble que tout se-
rait beaucoup mieux lié si, avant ^e ne me sen-
tais plus la force, on transportait une secrète et
douce langueur s'emparait de moi ; j'aimais déjà
le poison qui se glissait de veine en veine, et qui
pénétrait jusqu'à la moelle de mes os. Cette
image ainsi transposée préparerait ce que Télé-
ma(jue dit de sa faiblesse, de son impuissance à
résister au torrent, de l'oubli de sa raison, et des
vertus de son père. Il [)cint parfaitenicnt ses ef-
forts et sa faiblesse, lorsqu'il se compare à un
homme qui nage contre le cours d'une rivière;
mais cette comparaison porte sur une supposition
fausse, qu'on peut remonter un torrent rapide
Qu'on ajoute, ainsi mes yeux commençaient u
s'obscurcir, la ligure ne parait pas assez soute-
nue. D'ailleurs il y a quelque chose de louche
dans ce tour ; car il semble d'abord (pi' il compare
ses yeux u l'honune qui nage; et dans le vrai, il
ne les compare (ju'a l'épuisement où il se le re-
présente.
Mais, malgré ces crili(iucs, ce morceau, je le
répète, est fort beau. Il est aisé d'être plus cor-
rect que Fénelon, mais il est difficile de penser
LIA
mieux quo lui : il y a des principes pour l'un, il
n'yei) a puim juiur l'autre.
Voici une suiic d'idées principales :
La chute des empires vous fait sentir qu'il
n'est rien de solide parmi les hommes.
Mais il riiits sera surtout utile et agréable de
réfléchir sur la cause des progrès et de la déca-
dence des empires.
Car tout ce qui est arrivé était préparé dans
les siècles précédents.
Et la vraie science de l'histoire est de remar-
quer les dispositions qui ont préparé les grands
changements.
En effet, il ne suffit pas de considérer ces
grands ecénements; il faut porter son attention
sur les wœurs, le caractère des peuples, des
princes et de tous les hommes extraordinaires
qui y Ont quelque part.
Toutes CCS idées sont liées. Si un esi)ril ordi-
naire ne trouvait rien à y ajouter, il ferait mieux
de s'y borner <]uc d'allonger ses phrases sans don-
ner plus de jour ni plus de force à ses pensées.
Mais à un homme de ténie, elles se présentent
avec tous les accessoires qui leur conviennent,
et il en forme des tableaux où tout est parfaite-
ment lié. Il n'appartient qu'à lui d'être plus long,
sans être moins précis. Écoutons Bossuet.
Quand vous voyez passer comme en un instant
devant vos yeux, je ne dis pas les rois et les em-
pereurs, mais CCS grands empires qui ont fait
trembler tout l'univers; quand vous voyez les
Assyriens anciens et nouveaux, les Mèdes, les
Perses, les Grecs, les Romains, se présenter
devant vous successivement , et tomber, pour
ainsi dire, les uns sur les autres, ce fracas ef-
froyable vous fait sentir quil n'y a rien de so-
lide parmi les hommes, et que l'inconstance et
l'agitation est le propre partage des choses hu-
maines.
Mais ce i/ui rendra ce spectacle plus utile et
plus agréable, ce sera la réflexion que vous fe-
rez , ?ion- seulement sur Vélévation et sur la
chute des empires, mais encore sur les causes
de leurs progrès, et sur celles de leur décadence.
Car ce incnie. Dieu qui a fait Venclunncinent
de Vunivers, et qui, tout-puissant par Ivi-mêrne,
a voulu, pour établir l'ordre, que les parties d'un
si grand tout dépendissent les unes des autres;
ce Tnème Dieu a voulu atissi que le cours des
choses humaines eût sa suite et ses propoi-iions :
je veux dire que les hommes et les nations ont
eu des qualités proportionnées à l'élévation à
laquelle ils étaient destinés, et qu'à la réserve
de certains coups extraordinaires, où, Dieu rou-
lait qtie sa main parût toute seule, il n'est point
arrivé de grand changemejit qui n'ait eu ses
causes dans les siècles précédents.
Et comme dans toutes les affaires il y a ce
qui les prépare, ce qui détermine à les entre-
prendre , et ce qui les fait réussir, la vraie
science de l'histoire est de remarquer dans cha-
que temps ces secrète» dispositions qui ont pré-
paré les grands changements, et les conjonciares
importantes qui les ont fait arriver.
En iffet, il ne suffit pas de regarder seule-
ment devant ses yeux, c'est-à-dire de considérer
ces grands événements qui décident tout à coup
de la fortune des empires. Qui veut entendre i
fond les choses humaines, doit les reprendre de
plus haut ; et il lui faut observer les inclinations
et les mœurs, ou, pour dire tout en xin mot, le
caractère, tant des peuples dominants en géné-
ral, que des princes en particulier, et enfin de
LIB
450
tous les hommes extraordinaires qui, pur Pim-
portunce du persunnugc qu'ils ont eu à faire dans
le monde, ont contribué en bien ouen\iual aux
changements des États et à la fortune publique.
(Disc, sur l'hist. univ.,Hl'. part.,cliap. i et ii,
p. 411.)
Il n'y a rien à désirer dans ce passage : tout y
est conforme à la plus grande liaison des idées ; je
n'y vois pas même un mot qu'on puisse relran-
clier ou changer de place. (Condillac.) Voyez
Construction.
Liant, Liante. Adj. verbal tiré du t. lier. On
ne le met qu'après son subst. : Caractère liant,
homme liant.
LiBÉBAi,, Libérale. Adj. qui fait libéraux an
pluriel masculin, et qui ne se met ([u'aprés son
subst. 11 se dit de celui ou de celle qui fait pari
aux autres de ses propres biens: Un homme li-
bellai, une femme libérale. On dit aussi une
main libérale. On appelle ar^s libéraux, j)ar op-
position au< arts mécaniques, ceux qui appar-
tiennent uniquement à l'esprit, et ceux où l'esprit
a plus de part que le travail de la main.
Ce mot se dit depuis (juelque temps, dans un
sens plus étendu, de celui qui tend à se dépouil-
ler de tout intéicl personnel fondé sur l'injustice,
les préjugés ou l'abus des passions, en faveur du
bien général, pour le plus grand avantage des
sociétés humaines et le bonheur des individus
(lui les composent. .Vu commencement on a éiran-
fement abusé de cette expression pour colorer
les entreprises du despotisme et les extravagances
dn l'amb tien; aujourd'hui on semble vouloir la
rappeler a sa signification pure et naturelle. Des
idées libérales , des institutions libérales. On
dit aussi substantivement les libéraux, pour dé-
signer ceux qui font proi'cssion d'idées libérales.
— Ce mot, pris en ce sens, n'a point de rapport
à ce que l'on entend ordinairement par libéralité,
il en a plutôt à ce que les anciens entendaient par
churitas humani generis, et les premiers chré-
tiens \)V^V charité, OU amour du prochain.
Libéralement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Donner libéralement; il en a usé libéra-
lement envers moi.
LiBÉRALiTK. Subst. f. Cc mot, appliqué à la
vertu à laquelle on donne ce nom, n'a point de
pluriel. 11 en prend un lorsqu'il se dit des actes
dont cette vertu est le principe : César faisait
beaucoup de libéralités au peuple.
LiBÉBATEOR. Subst. m. On dit libératrice en
parlant d'une femme.
Liberté, Subst. f. Ce mot ne prend de
pluriel qu'en parlant des libertés de l'église gal-
licane, des immunités et franchises que les sou-
verains laissent ou accordent à certaines villes,
à certaines provinces, et de certaines manières
d'agir trop libres et trop familières. D'après cela,
on peut reprocher à Corneille d'avoir dit dans
Cintia (act. I, se. m, 75) :
f.a perte de no3 biens et de nos liberteê.
Il est évident qu'il est question dans ce vers de
la liberté du peuple romain, et non de franchises
ou d'immunités. Voyez Franchise.
Libertin, Libertine. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Un jeune homme libertin, une
vie libertine, une humeur libertine. Voyez Li-
bertinage.
Libertinage. Subst. m. Ce mot ne s'emploie
plus guère qu'en parlant du dérèglement dans les
440
Lie
mœurs, dans la coiuliiilc; autrefois, il signifiait
lieeiue des opinions en matière de religion, on,
comme le dit M. Cousin, indépendance d'esprit
poussée juMju'a la Icmcrité. Il y a peu de vrais
chrttie/is,je dis même pour la fui. Il y en a bien
qui croient, niciis par superstition ; il y en a
bien qui lie croient pas, mais par libertinage.
Peu sont entre deux. (Pascal, Pensées, p. 227.)
Sagement cloigiié même eu suit |Mus joimc .Vjt;
Da ca;;olismc et du libertinage,
(J.-B. Rocss., lir. II, épitre IT.)
Libertin .s'employait aussi dans le même sens :
Je le soupçonne encor d'iîire un peu libertin,
Je ne remarque point qu'il hante les églises.
(Mol., Tartufe, act. II, se. ii. St.)
Libidineux, Libidineuse. Adj. Si ce mot, que
l'Académie a recueilli, a été en usage autrefois,
il ne l'est plus aujourd'hui, à moins que ce ne
soit en plnisanlant, et pour affecter de se servir
d'une expression extraordinaire. Ces! ainsi, je
crois, et seulement ainsi qu'on pourrait employer
l'exemple qu'en donne l'Académie : Appétits libi-
dineux.
Libre. Adj. des deux genres. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme libre, vne femme
libre. — Une ville libre, vn peuple libre. — Une
profession libre. — Un air libre, une contenance
libre.
Libre de, suivj d'un subslanlif,signifieexc«;/)/,
affranchi de : Être libre de soins, être libre de
soucis. J'ai été jusqu'à présent libre de tout en-
gagement. Racine a dit en ce sens {Iphig., act. I,
se. I, 10) :
Heureux qui, satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je luis attaché.
Libre de, devant un verbe, veut dire qui a la
liberté de : J^ous êtes libre d'accepter ou de re-
fuser.
Librement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : Agir librement, il a parlé librement.
Licence. Siibst. f. En termes de beilos-lellres,
on appelle licence poétique une ineorreelion, une
irrégularité de langage permise en faveur du
nombre, de l'harmonie, de la rime, ou de l'élé-
gance des vers. C'est une ellipse qui sort des
règles de la syntaxe, comme dans ces exemples :
Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle?
(Rac, jlndrom., act. IV, se. r, 91.)
Peuple roi que je sers,
Commandei à César, César à l'univers.
C'est une voyelle supprimée, parce qu'elle altère
la mesure si on ne la compte pas, ou qu'elle af-
faiblit le nombre et le sentiment de la cadence si
on la com[»tc pour une syllabe. Tel est Ve muet
d'assiduemoil , d'ingénuement , d'enjouement,
d'eff'raicra, d'avouera, d'encore, do gaieté, parrc
qirilne ferait piis à l'oreille un temps assez marqué.
C'est de même une consonne supi)rimée en faveur
de l'élisionou de la rime. Ainsi, dans les noms de
villes, Naples, Londres, Athènes, etc. , il est permis
au poëte d'écrire iVa/)/e, Londre, Athène, sans .y;
ainsi, à la première personne de certains verbes,
comme je dnis, je vois, je produis, je frémis, je
lis, j'avertis, les poêles se sont permis de ra-
Iranchcr le «, et d'écrire, je doi,je voi, je pro-
LIE
dui,je frémi, etc. Ce sont aussi dos abverbcs ab-
solus mis à la place des adverbes relatifs, comme
alor.i que, cependant que, au lieu de lorsque, pen-
dant que. C'est quclipiefois le ne supprimé de
l'interrogation négative, comme lorsqu'on dit,
sarez-rous pas, royez-vorts pas, dois-je pasf
au lieu de ne savez-rous pas, ne voyez-vous pas,
ne dois-je pas? Enfin, ce sont ([uchiues inver-
sions peu forcées, mais qui, n'ayant pas pour
raison dans la prose la nécessité du nombre, de
la rime et de la mesure, y [laraitridcnt çratuile-
ment employées, quoiqu'elles fussent quelque-
fois très-favorables a l'harmonie, et que par con-
séquent il fût à désirer (jue l'usage les y reçût.
On les trouvera presque toutes rassemblées dans
ces vers de la Henriade, où la Discorde dit à
l'Amour (IX, 7J) :
Ah ! si de la Discorde allumant le ti$nn.
Jamais à tes fureurs tu milas mon poiton,
Si tant de fois pour loi j'ai troublé la nature.
Viens, vole sur mes pas, viens venger mon injure.
Un roi victorieux écrase mes serpents;
Ses mains joignent l'olive aux lauritrs triomphants;
La Clémence, avec lui marchant d'un pas tranquille.
Au sein tumultueux de la guerre civile,
Va, $ous ses étendards flottants de tou$ côtés,
Réunir tous les cœurs, par moi seule écartés;
Encore une victoire, et mon trône est en poudre.
Aux remparts de Paris Henri porte la foudre.
Ce héros va combattre, et vaincre et pardonner.
De cent chatnes d'airain son bras va m'enchaincr.
C'est à loi d'arrêter ce torrent dans sa course.
"Va de tant de hauts faits empoisonner la source.
Que sous ton joug. Amour, tl gémisse abattu;
Va dompter son courage au sein de la vertu.
(Marmontel.)
LicENciEDSEMr.KT. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Il a parlé licencieusement , vivre li-
ceticieusement.
Licencieux, Licencieuse. Adj. Il ne se met
qu'après son subst, : Une vie licencieuse, pa-
roles licencieuses, discours licencieux.
Licite. Adj. des deux genres. Il ne se met
«ju'aprèsson subst. : Une chose licite, vue action
licite.
Licitement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : Cela se peut licitement.
Licol ou Licou. Subst. m. Le premier ne se
dit qu'en vers, licvant une voyelle, pour éviter
l'hiatus. Hors de là on dit toujours /tcoK.
Lien. Siibst. m. On prononce lien. Féraud
prétend qu'il ne se dit au pluriel que dans le
sens figuré. Les liens dont lu pudeur enchaînait
mon sexe. 11 se trompe; on dit au propre des
liens. L'Académie dit en ce sens, faire des
liens.
L'Académie ne dit point les liens de la vie.
Voltaire l'a dit dans la Mort de César (act. Il,
se. IV, 4S) :
J'ai traîné Ici liens de mon indigne vie
Tant qu'un peu d'espérance a flatté ma patrie.
Lieu. Subst. m. 11 ne faut pas le confondre
:w ce endroit. Lieu marque un total d'espace ;
endroit n'indique proprement que la partie d'un
espace plus étendu. Bien des gens de province
disent mal à propos, notre endroit, pour dire
notre ville ou notre village.
Corneille a dit dans Polyeucte (act. l'y
se. m, 67):
Et sans me laies'r lii".i de tourner en arriére.
LIN
Voltaire dit au sujet de ce vers : Sans me laisser
lieu est une expression de prose rampante. [Be-
marques sur Corneille.)
Au lieu, prciiosilion qui régit de : Av lieu de
lui, au lieu de faire. Il se met au commence-
ment de la phrase : Ju lieu de venir, il s'est en-
fui ; ou au second membre: Il s'est enfui au
lieu de venir.
Ligneux, I.igm.use. Adj. Du h['\nlignum, buis,
de la nature du bois. On mouille ^/i •• Plantes li-
gneuses.
* Liminaire. Adj. des deux genres. On disait
autrefois une épître liminaire , au lieu d'une
épttre préliminaire. On ne le dit plus aujour-
d'hui.
LiMiTROPnK. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Pays limitrophe, pro-
vince limitrophe.
LiMONEDX, LiMONEOSE. Adj. qui ne se mot qu'a-
près son subsl. : Terre limoneuse, terrain li-
moneux.
LiJiPiDE. Adj. des deux genres. On peul li;
mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Une eau limpide, les limpide.';
eaux de ce ruisseau.
Lingual, Linguai,e. Adj. L'!< se prononce ou.
iSerf lingual. — Consonne linguale. Il ne se met
qu'après son subst., et n'a point de pluriel liias-
culin.
Ce mot vient du latin lingua, langue, et signi-
fie qui a rapport à l;i langue, qui en dépend. On
appelle en grammaire, articulations linguales,
celles qui dépendent principalement du mouve-
ment do la langue; et consonnes linguales, les
lettres ([ui représentent ces articulations. Dans
notre langue, comme dans toiMcs les autres, les
articulations linguales sont les i)lns nombreuses,
parce que la langue est la principale des parties
organiques nécessaires à la production de la pa-
role. Nousenûvons en français jusqu'à treize,
que les uns classifient d'une manière et les au-
tres d'une autre. Beauzée divise les consonnes
linguales en quatre classes, qui sont les dentales,
les sifflantes, les liquides el les mouillées.
11 appelle d!e7j/a/e.y, celles qui paraissent exiger,
-l'une iinanière plus marquée, que la langue s'ap-
puie contre les dents pour les produire. Nous en
avnnscinq, n^d, t, g, q. Les trois premières, ?;, d,
t, exigent que la pointe de la langue se porte vers
les dents supérieures, comme pour retenir le son.
L'articulation n, puisqu'elle en repousse une
partie par le nez, est une articulation nasale.
Les deux autres, d et t, sont purement orales,
et ne diffèrent entre elles que par le degré d'ex-
l)losion plus ou moins fort que reçoit le son quand
la langue se sépare des dents supérieures, vers
lesquelles elle est d'abord portée; ce qui fait
que l'une de ces articulations est faible et l'autre
forte.
Les deux autres articulations,^ et 7, ont entre
idles la même différence, la première étant faibli^,
et la seconde forte; et elles diffèrent des trois
premières, en ce qu'elles exigent que la pointe
de la langue s'appuie contre les dents inférieu-
res, quoique le mouvement explosif s'opère vers
la racine de la langue. Ce lieu du mouvement or-
ganique a fait regarder ces articulations comme
gutturales par plusieurs auteurs. Mais elles ont
de commun avec les trois autres articulations
dentales, de procurer l'explosion au son, en aug-
mentant la vitesse par la résistance, et d'appuyer
la langue contrôles dents, ce qui semble leur as-
signer plus d'analogie avec celles-là qu'avec l'ar-
LIR
441
liculation gutturale Ji, qui ne se sert point des
dents, et ipii procure l'explosion au son par une
augmentation réelle de la force.
Les articulalions linguales sifflantes diffèrent
en ce qu'elles peuvent se coniinuer (piclquc
temps, et devenir alors une espèce de sifUemont.
Nous en avons quatre, z, s, j, ch. I.cs doux pre-
mières exigent une disposition org;mi(pio toute
différente d'os deux autres, el elles diflércnt sou-
vent du fort au faible, ainsi que les deux dernières.
Les articulations linguales liquides sont ainsi
nommées i)arco qu elles s'allient si bien avec
plusieurs autres arliculitions, (ju'elles n'en pa-
raissent plus faire ensemble qu'une seule. Nous
en avons deux, / et r. La première s'opère d'un
seul coup do langue vers le palais; la seconde
est l'effet d'un trémoussement réili'ré delà langue.
Pour ce qui est des articulations mouillées,
continue Beauzée, je n'entreprendrai pas d'assi-
gner l'origine de celte ilénomination : je n'y en-
tends rien, à moins que le mol mnuillé lui-mcmc,
donné d'abord en exemple du l mouillé, n'en soit
devenu te nom, et ensuite de gn par compagnie.
Ce sont les deux seules articulations mouillées
que nous ayons Voyez L.
LiQUATioN. Subst. f. Qua se prononce coua;
et ti, ci.
LiQDÉFACTioN. Subst. f. On fait sentir Vu, el
ti se prononce comme ci.
Liquéfier. V. a. de lai" conj. Que se pro-
nonce ké.
Liquidation. Subsl. f. Qui se prononce hi.
Liquide. Adj. des deux genres. Qui se pro-
nonce ki: Corps liquides. — Confitures liquides.
— Consonnes liquides. — Argent liquide. En
prose, il ne s(î met qu'après son subst. Les
poêles ont ilil le liquide clément, les liquides
plaines, pour dire la mer. — En grammaire, on
appelle consonnes liquides, les deux linguales l
et r. Voyez Linguales.
LiQuor.EUx, LiQuosKusE. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : f^in liquoreux, boisson li-
quoreuse.
Lire. V. a. et irrég. de la 4" conj. Voici com-
ment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je lis, tu lis, il lit; nous
lisons, vous lisez, ils \\%cw\..— Imparfait, .le lisais,
tu lisais, misait; nous lisions, vouslisiez, ils li-
saient. — Passé simple. Je lus, lu lus, il lut ;
nous liimcs, vous lûtes, ils lurent. — Futur. Je
lirai, lu liras, il lira; nous lirons, vous lirez, ils
liront. , X . ■ 1- •
Conditionnel. — Présent. Je brais, lu lirais,
il lirait ; nous lirions, vous liriez, ils liraient.
Impératif. — Présent. Lis, qu'il lise; lisons,
lisez, qu'ils lisent.
Subjonctif. —Présent. Que je lise, que lu
lises, qu'il lise; que nouslisions, (jucvous lisiez,
qu'ils lisent. — Imparfait. t,)ue je lusse, (pie tu
lusses, qu'il lût ; iiue nous lussions, que vou?
' lussiez, qu'ils lussent.
' Participe.— /'rc«e/i<. Lisant. — Passi:. Lu, lue.
I Les temps composés se forment avec l'auxiliaire
' avilir. • , ■ o
i On demande s'il faut dire, lis-jc bien f on
' lisé-jebien? Je pense qu'on ne doit dire ni I un
ni l'autre; ces phrases sont trop dures a 1 oreille.
On dit est-ce que je lis bien? ,
' On dit figurémcnt lire dans la pensée de quel-
qu'un, dans les yeux de quelqu'un; lire dans
l'avenir. On dit aussi lire quelque chose sur le
visage de quelqu'un Je lis voire pensée sur votre
i visage.
442
LIT
Il se dognise en lain, je li< sur son vitage
Des fiers Domitius l'humeur Irisle et sauva;;e.
(Rac, Bri<a7.., act. I, se. 1, 35.)
Mais on ne dit pas lire sur un journal, lire sur
un registre. 11 faut dire lire dans un j'iurnul,
dtms un registre : J'ai lu cette nouvelle dans
un journal.
Lis. Subst. m. L'Académie dit qu'on prononce
le s (iiiaiid il s'agit de la fleur ou de la plante qui
la poile, et (|uand on dit un teint de lis; mais
qu'on ne le prononce jtoint en termes d'armoiries,
c'cst-à-iîiie en parlant de cette ligure de trois
fleurs de lis liées ensemble, desquelles celle du
milieu e^l droite, et les deux autres ont les som-
mités penchantes et courliées en dehors. — Mais
l'Académie nous dit aussi que dans l'expression
poétique Vempire des lis, on prononce le s.
S'il en est ainsi, ceux qui disent la décoration
du lis, en jM'ononçant le s, prononcent mal ; car
il s'agit de la fleur de lis dont parle l'Académie,
et qui fait partie des armoiries de la France.
Du resie, je jiense qu'il en est du mot lis
comme de celui de fîls, dont ]ilusieurs personnes
font sentir le 5 dans la conversation, parce qu'ils
entendent prononcer ainsi au théâtre. Il me
semble <iuo, dans le discours ordinaire, on dit
des lis, et non pas des lisses, soit en pariant de
la fleur ou de la piaule, soit en parlant d'armoi-
ries, toutes les fois que ce mot ne se lie point
avec le mot suivant, commençant par une
voyelle. On dit des lis blancs, des lis jauties , et
non pas des lisses blancs, des lisses jaunes ;
mais les poètes permettent d'indiquer ce mot avec
la prononciation du s final, lorsque cette pronon-
ciation leur donne une rime; et ils suppriment
aussi ce « lorsque cela leur parait plus commode :
Là sur un trône d'or Charlemagne et Clovis
Veillent du haut des cieux sur l'empire des lis.
(YoLT., Henr., vu, 247.)
Ici le S final doit être prononcé. Voici un autre
vers où il ne doit pas l'être :
Henri dans ce moment voit sur des fleurt de lis
Deux mortels orgueilleux auprès du trùne assis.
(YoLT., Henr., vu, 327.)
— Ces deux exemples ne peuvent servir, selon
nous, qu'à confirmer les réaies données par l'Aca-
démie.
LiSELT., Lecteur. Substantifs masculins. Li-
seuse, lectrice. Substantifs féminins. On appelle
lecteurs, lectrices, ceux ou celles dont l'emploi
est de lire à des persuiuies qui les écoutent ou
qui devraient les écouter. On doit appcXav liseuis
ou liseuses, ceux ou celles qui ne lisent que
pour leur instruction ou pour leur plaisir.
Lisible. Adj. des deux genres. Écriture li-
sible, caractère lisible. 11 ne se met qu'aiircs son
subst.
Lisiblement Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le i)articipe : Cela est écrit lisible-
ment, cela est lisHAcme nt écrit.
Lisse. Adj. des deux genres. Une étoffe lisse ,
un corps lisse. 11 ne se met qu'après son subst.
Lit. Subst. m. L'Académie dit être au lit de
la mort, au lit de mort.
Ma mère au lit de mort a reçu nos promesses.
(YoLT., a=t. V, se. III, 41.)
JVacine a employé ce mot dans un sens que l'A-
cadémie n'indique' point .
LIV
Ai-je dû mettre au jour l'opprobre de (on (i(?
(llAC, /'Md., aol. Y, se. i, U.)
LiTEACx, Linteau. La ressemblance du son
fait quelquefois confondre ces deux mots dans le
langage familier. Liteaux se dit des raies cok/-
récs qui traversent certaines toiles d'une lisière à
l'autre. 11 n'y a que les pièces de toiles jdeinca
destinées à faire des nappes et dos serviettes i\[.i
aient des liteaux. — Linteau se dit d'une pièce
de bois qui se met au travers d'une i>oric ou
d'une fenêtre, poursoutenir la mai;onncrie.
Litigieux, Litigieuse. Adj. Droits litigieux,
affaires litigieuses. Il nc se met (ju'aprcs son
subst.
Litote. Subst. f. Terme de lilléraluro. La li-
tote, dit Duinarsais, est un trope par lequel on
se sert de mots qui, à la lettre, paraissent affaiblir
une pensée dont 011 sait bien que les idées ac-
cessoires feront sentir toute la force. On dit le
moins par modestie ou par égard, mais on sait
bien que le moins réveillera l'idée du plus. Dans
le Ci(i, quand Chimène dit à Rodrigue (act. m,
se, IV, 115) :
Ya, je ne te hais point,
elle lui fait entenonre bien plus que ces mots-là
ne signifient dans leur sens propre.
Il en est de même de ces façons de parler, je
ne puis vous louer, c'est-à-diie, je blâme votre
conduite; je ne vièprise pus vos présents, signi-
fie que j'en fais beaucoup de cas ; il n'est pas
sot, veut dire, il a plus d'esprit que vous ne
croyez; il n'est pas poltron, fait entendre qu'il a
du courage; Pythagore n'est pus un auteur vié-
prisable, c'est-a-dire que Pythagore est un au-
teur qui inérile d'être estimé ; je ne suis pas
difforme, veut dire modestemenl iju'on est bien
fait, ou du moins (pi'on le croit ainsi. — On ap-
pelle aussi cette figure exténuation ; elle est op-
posée à l'hyperbole.
Littéraire. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Société littéraire, journal
littéraire, noureIl.es littéraires, mémoires litté-
raires, anecdote littéraire, dispute littéraire. Il
ne se dit que des choses.
Littéral, Littérale. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Sens littéral, explication litté-
rale. L'Académie nc dit point s'il a un pluriel au
masculin. Le P. Berruycr a dit des commentaires
littéraux, et quehiucs autres littérateurs ont fait
usage de ce pluriel.
Littéralement. Adv. Il ne se met point entre
l'auxiliaire et le participe : li a expliqué licté-
raleiiicnt ce passage.
Littérateur. Subst. m. L'Académie ne ilil point
comment il faut appeler une femme qui est versée
dans la littérature. Nous pensons qu'il n'y a
point d'inconvénient à dire littératrice.
Livide. Adj. des deux genres. Teint livide,
lèvres livides. On peut le mettre avant Sun subst.,
lorsque l'analogie et l'harinoiiie le peiincltcnt :
Cette livide fiqurc s'offrait sans cesse à mon
imagination. Voyez Adjectif.
Livrer. V. a. de la 1" conj. L'Académie ne dit
pas livrer à la mort, au trépas, au supplice.
Ktfais livrer sans crainte aux supplices tout prêts
L'assassin de ton Gis et l'ami d'.'Uvarez.
(YoLT., Àl:., acl. Y, se. V, 4.)
Delillc a dit aussi, dans un sens que n'indiçiua
point l'Académie :
LOI
combien de son bonheur l'homme aisément s'eniTrc!
Sans prétoir l'avenir, an présent il se livre.
(Delil., Éneid., X, 643.]
Local, Locale. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Mouvement local, coutume locale ; usages
locaux.
LocATis. Subst. m. Cheval do louage. On pro-
nonce le 5 Unal. Ce mot est familier eï peu usité.
Logeable. Adj. Il ne se met qu'après sou
subst. : Une maison logeable.
Loger. V. a. et n. de la i"conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme j; et
pour lui conserver cette prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
devant cet a ou cet o : Je logeais, logeons, et non
pas je Ingiiis, lagons.
Logis. Subst. m. Selon Bouhours, les honnêtes
gens disent il est venu au logis; il a dîné au
logis ; il n'y a que le peuple qui dise il est venu
à la maison. — .aujourd'hui c'est tout le con-
traire, les gens du monde ne disent jamais le
logis, mais la maison. La petite bourgeoisie et
le peuple ilisent le logis.
LoGOGRipnn. Subst. m. Terme do littérature.
Espèce de symbole ou d'énigme consistant prin-
cipalement "dans un mot qui en contient plu-
sieurs autres, et qu'on propose à deviner, comme
par exemple dans le mot Rome on trouve les
mots or, re note de musique, mer.
Logomachie. Subst. f. Ce mot vient du grec, et
signifie dispute de mois. Il se prend toujours
dans un sens défavorable. On lui donne trois
sens divers. Il signifie : 1" une dispute en paroles
ou injures ; 2° une dispute de mots, et dans la-
quelle les disputants ne s'entendent pas; 3° une
dispute sur des choses de nulle importance.
* Logo-diarrhée. Subst. f. Mot inusité, em-
ployé en plaisantant par Voltaire : Je me suis
abandonne au flux de 7na jihinie ; j'ai la logo-
diarrhée, et je barbouille inutilement du papier
pour vous dire des choses que vous savez mieux
que moi.
Lon. Adv. Il est quelquefois précédé, quel-
quefois suivi de la préposition de : Loin d'eux
s'enfuyait le doux sommeil. (Fénel. , Télém.,
liv. XXI, t- ii> 290.) Cela est beau de loin. Loin
de se met queWjuefuis au commencement de la
phrase, par manière d'interjection : Loin d'ici
les profanes! Loin de nous ces héros sans hu-
7nanité.' (Boss., Orais. fun. du prince de Condé,
p. 305.) Quelques poêles, et particulièrement
Delille, disent loin tout seul [Jardins, iv, 165) :
Loin ces rains monuments d'un chien on d'an oiseau.
— De loin se met ordinairement après le verbe,
même dans les temps composés : Il a prévu de
loin ce qui arriverait, et non pas il a de loin
prévu. Quelciuefois, cependant, il est mieux de le
placer avant, afin qu'il ne sépare pas le verbe de
Sun régime : Ce prince qui de loin avait pn'-vu
lesprcjds de l'ennemi.
L' -académie dit loin à loin, de loin à loin, et
donne pour exemples de ces phrases adverbiales,
planter des arbres loin à loin. Les hameaux, les
maisons y sont semés loin à loin. Il ne me vient
plus voir que de loin à loin. — On est surpris de
trouver dans le Dictionnaire de l'Académie cette
ancienne locution, que l'on n'emploie plus au-
jourd'hui. Nos bons auteurs disent généralement
de loin en loin.
Non loin de, expression adverbiale. C'est la
raême chose qneprèsde; sinon que le premier
LON
443
est plus élégant, et tient davantage au style
noble: Dans les montagnes de la .^aric, non
loin de la route de Brùinçon. (Marinonlel.)
iVon {oïnde ce rivage, un bois somhro cl Iranquille
Sous les ombrages fraij présente un doux asile.
(Volt., Hcnr., i, 193.)
Bien loin, conjonction, est suivi ou de la prépo-
sition de avec l'infinitif, ou de que avec le sub-
jonctif: Bien loin à'obéir, bien loin qu'i7 le fusse.
On dit souvent loin de, au lieu de bien loin de;
m;iis ce dernier est plus expressif.
Les dieux ont prononcé ; loin de leur contredire,
C'est à vous de passer du coté de l'empire.
(Rac, Britan., act. II, se. m, 61.)
Loin que le chef ait un intérêt naturel au
bonheur des particuliers... (J.-J. Rousseau.)
Bien loin équivaut à une iiégutin ; ainsi il
doit e'cigcr le suljjonctif dans les cas où la néga-
tion l'exige. Il faut donc dire, bien bun de con-
venir qu'il y ait du sublime dans les paroles que
Moïse fait prononcer à Dieu au commencement
de la Genèse ; et non pas comme Boileau, bien
loin de convenir qu'il y a, etc. (X' Réflexion sur
Longin); car on dirait avec la négative, vous ne
convenez pas qu'il y ait du sublime dans ces
paroles.
Lointain, Lointaine. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et Iharmonie
le permettent : Pays lointains, régions lointaines,
climats lointains, lointains climats.
El le berger connaît, par d'assuré:" présages.
Quand il doit éviter les lointains pSlnrages.
(Delil., Géorg., i, 425.)
Loisible. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Cela est loisible, n'est pas
loisible. Il vous est loisible de penser ainsi.
Loisir. Subst. m. I! régit quelquefois la pré-
position de avec l'infinitif: Avoir le loisir de
faire une chose. Quand il ne régit pas l'infinitif,
on dit avoir du loisir, ou être de loisir: J'ai
du loisir, ètes-rous de loisir? Mais dans le cas
contraire, il faut employer le verbe avoir: Area-
vousle loisir d'écrire cette lettre? et non pas,
ètes-vous de loisir d'écrire cette lettre ?
Long, Longue. Adj. On le met souvent avant
son subst. : Une robe longue, une longue robe ;
une allée longue, une longue allée; avoir la barbe
longue, une lon'juc barbe. Delille a dit [Énéid.,
IV, 1015) :
Levant un lonrj regard Tcrs- le céleste empire.
Voyez Adjectif.
Longtemps .\dv. On peut le mettre au com-
mencement de la phrase, ou après le verbe, ou
entre l'auxiliaire et le participe : Longtemps il
refusa de nous suivre ; il a résisté longtemps,
il a longtemps résisté.
.\vec après, longtemps cesse d'être adverbe,
et alors on en fait deux mots distincts : Après un
si long temps.
LoNcnEMENT. Adv. L'm ne se prononce point ;
il n'est la que pour donner au g un son fort, qu'il
n'a pas devant l'e. On peut (luclquefois mettre
cet adverbe entre l'auxiliaire et le participe : Il
a parlé longuement. Il a longuement discuté sur
cette matière.
LoNGCEtR, Longoecbs. Subslantlfs féminins.
444
LON
Termes ilc lilliTalurc. La longueur d'un discours,
c'est son otciuliic. Mais \):\v longueurs, on eiileiid
les di'faiils tlu slylc tjiii coiisislcnt à 'lire dos
choses inulilos an' dcvcluppiMiienl <1ps iiltos, et
qui n'y sont pas natiirollonienl liées. D'aiiréscola,
un discours |>eul être long sans avoir des lon-
gueurs, cl il peut a\oir des longueurs sans être
long.
Dans loul discours, dit Condillac, il y a une
idée par où l'on doit coinnicnccr, une par où
l'on doit linir, cl d'aulrcs ywv où l'on doit jjasser;
la ligne est Iraccc. tout ce qui s'en écarte est su-
perflu. Or, on s'en écarle en insérant des choses
élrangcres, enrcpéianl cequia déjà été dit, en s'ar-
rêlant sur des détails inutiles. Ces défauts, s'ils
sont IVéqucnls, refroidissent le discours, l'énor-
vcnt. tiu Miémo rnhscurcisseiit. Le lecteur fatigué
perd le (il des idées (pi'on n'a jjassu lui rendre sen-
sible; il n'entend plus, il ne sent plus, et les jilus
grandes beautés auraient peine a le tirer de sa
léthargie.
On serait court et précis, si l'on concevait bipn,
et dans leur ordre, toutes les pensées qui doivent
développer le sujet qu'on traite. C'est donc de la
manière de concevoir cpie naissent \Q^lnngvc%irs
de style, vice contre leiiviel on ne saurait trop se
précautionner, et qu'on n'évitera pas, si on s'é-
carte des règles tirées du principe de la liaison
des idées, ^oyez Liaison, Ci nstniction.
L'abbé Dubos veut dire que l'imitation ne
nous remue (pie i)arce que les objets imités nous
auraient remués; mais que l'impression en est
moins durable, parce qu'elle est moins forte.
Voici comment il expose celte pensée:
Les peintres et les poètes excitent en ?ious des
passions artificielles, en présentant des imita-
tions des objets capables d'exciter en nous des
passions véritables. Comvie l'impression que
ces imitations font sur nous est du iné nie genre
que l'impression que l'objet imité par le peintre
ou par le poète ferait sur nous ; comme V impres-
sion que l'imitation fait n'est différente de l'im-
pression que l'objet imité ferait, qu'en ce qu'elle
est moins forte, elle doit exciter dajis notre âme
une passion qui ressemble à celle que l'objet imité
aurait pu exciter. La copie de l'objet doit, pour
ainsi dire, exciter en nous une copie de la pas-
sio?i que l'objet y aurait excitée. Mais comme
l'impression que V iinitation fait n'est pas aussi
profonde que l'impression que l'objet même au-
rait faite... cette imprcssvm superficielle, faite
par une imitation, disparaît sans avoir des sui-
tes duralles, comme en aurait une impres.<;in7i
faite par l'objet que le peintre ou le poète a
imité. [ lié flexions crit. sur la poésie et sur la
peinture, i." parl.,sect. S'.)
L'embarras des conslructions de l'abbé Dubos
et SOS répélilions prouvent les efforts qu'il fait
pour rendre une i)ensée qu'il v\<. conçoil jias net-
Icment. 11 est long dans le dessein d'être plus
clair; il en est jilus obscur.
Lorsqu'on veut émouvoir, on peut cl l'on doit
même nniiliplicr les images. Ou peut aussi, dans
les ouvrages dcslinOsa éclairer, joindre à un lour
simple un tour ligure, propre a répandre la lu-
mière. ;Mais il y a des écrivains <iui ont de la
peine à quitter une pensée, et qui font un volume
de ce dont un autre ferait a peine quelques
feuillels. C'esl le style de Taiibé Duguct.
T'out le monde, dit-il, est capable de compren-
dre quelle serait la ftlicitc d'une nation oii
toute la force et toute l'autorité seraient accor-
dée' à la vertu; oit toutes les menaces et tous
LOU
les châtiments ne seraietit que coïitre le vice;
dont le prince ne serait terrible qu'à quiconque
ferait le mal, et jamais à ceux qui aiuient et
font le bien ; oii Vépér que Dieu, lui a confiée se-
rait la protection des justes, et ne frait trembler
que leurs ennemis; où la rérité et la clémeîice
s'uniraient ; oii la justice et la paix se donne-
raient un mutuel baiser, et oii l'on verrait ac-
complir ce qu'a dit l'apôtre : la vertu respectée
et comblée d'honneurs , et le vice humilié et
couvert d'ignominie.
Voilà bien îles mots povu- répéter une même
chose, l es derniers tours n'ajoutent aux pre-
miers ni lumière, ni image. On voit seulcmenl qvic
l'écrivain s'applaudit d'une fécondité qui ne pro-
duit que des sons. (Extrait de V Art d'écrire de
Condillac.)
loocvcîTi';. Subst. f. On prononce loîcnuacilé.
Habilude de parler beaucoup. Il se prend tou-
jours en mauvaise part.
Lons. Ce mot joint avec que est une conjonc-
tion. Dans lorsque, on fait sentir le s de lors.
Mais dans dès hirs et pour lors, lors csi adverbe,
et on no fait point enlcudi'o le s.
Lorsque régit ordinairement l'indicatif, lorsqu'il
veut, lorsqu'il voulait, lorsqu'il apprit, etc. Dès
lors que ne se dit point. Des qu'il fut arrivé, et
non pas dès lors qu'il fut arrivé. On peut dire,
il est vrai, je vis bien dès lors (\uc j'étais perdu ;
mais là, que se rapporte à je vis, et non i)as à dès
/o?-5 ; et danscot exemiile, dès Inrs est adverbe,
et non conjonction. (Vaugelas.)
Louable, .^dj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Une action louable,
une conduite louable, une louable conduite.
LooASGF.R. V. a. de !a1"conj. Dans ce verbe,
g doit toujours se prononcer comme^ ; et pour
lui conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi d'uu a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o : je louangeais, louangeons ; cl non
pas /e louangnfs, louangons.
Louche. Adj. <lcs deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme louche , une
femme louche, du vin louche, une expression
hniche.
Une phrase c^i louche lorsque les mots qui la
composent semblent, au premier coup d'œil, avoir
un certain rajiport, quoique véritablement ils en
aient un autre; de telle façon que les idées ne
sont ni claires, ni intelligibles.
La Bruyère a dit : Les femmes ne se sont-elles
pas au contraire établies elles-mêmes dans cet
usage de ?ie rien savoir, ou par la faiblesse de
leur comple.vii:n, ou pur la paresse de leur es-
prit, ou par le talent et le génie qu'elles ont seu-
lement pour les ouvrages de lu tnain^ (ch. HT,
Des femmes, p. 200.) — Par le talent et le (jénic
qu'elles ont, fait d'abord avec ce qui précède un
sons absurde, et ces tours sont à éviter.
Voici des exemples que Rouhours tire de Vau-
gelas, et où il trouve de l'èlèg;mcc : Ces gens
faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour lui per
suader de rebrousser chemin, ou du moins (pi'it
séparât cette multitude. Les ambassadeurs de-
mandaient la paix, et qu'W lui plùt... — Il fallait
lïwp pcr.suader de rebrou s.';er chemin, ou du moins
de séparer. C'est pécher contre la plus grande
liaison des idée? que de marquer dans une phrase
le morne rapport par deux prépositions diffé-
rentes. Demandaient la paix et <\\\' il lui plût
n'est pas non plus assez correct. On remarquera
la même faute dans l'exemple suivant : Il croyait
LUG
le ramener par la douceur, et que ses remon-
trances...
Si c'est une faute d'expriuicr les mônies rap-
ports par des uioyeiis (lilïéreuts, c'en serait une
plus i;ranile d'exprimer des rapports différents
par la même préposition. Ne dites donc pas l'on-
tragc que v>ous m'avez fait de ine croire capable
d'approuver et de me réjouir d'une action sidt-
iestable. On approuve une action, et non pas
d'une action. — Il serait mal encore dédire, ils
n'ont plus ni affection ni créance pour elles;
car on n'a pas de la créance pour qucUprun, mais
en quelqu'un. 11 faut toujours consulter la syn-
taxe, et ne lier les idées que par les moyens
iju'elle fournit.
l'ne phrase peut être louche lors(iue, par sa
construction, on semble sujjposer connue réel ce
qu'on a pourtant intention de nier, ou comme
faux ce qu'au contraire on prétend allirmer : Si je
ne vais pas vous vuir, ce n^ est pas parce que
j'ai du refroidissement pour vous ; le VGvhc: j'ai
a l'indicaiif, à cause de parce que, est un aveu
réel du refroidissement dont ou veut pourtant se
défendre. Mais en disant, ce n'est point que j'aie
du refroidissement pour vous ; j'aie au subjonc-
tif, à cause du que après la négation, est un dés-
aveu formel et sans ambiguïté du refroidissement
dont on se défend. Voyez Sens.
Lour.D, Lourde. Adj. On le met souvent avant
son subsl., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent : Un fardeau bien lourd, un lourd
fardeau. — Un esprit lourd. — Une lourde chute,
une lourde fauti', une lourde besogne, une lourde
tâche. On ne dit pas un lourd esprit, ^'oyez Jd-
jectif.
LounDE.iiENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il est tombé lourde-
ment, il est lourdement tombé. — Il s'est trompé
lourdement, il s'est lourdement trompé.
Loyal, Loyale. Adj. Il se dit des personnes et
des choses, et peut se mettre avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Un homme loyal, un procédé loyal. — Une mar-
chandise bonne et loyale. — Cette loyale conduite,
ce loyal procédé. — Des procédés loyaux.
LoYALi;.MENT. Adv. On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire et le participe : Il s'est con-
duit loyalement, il s'est loyalement conduit.
LiBr.iQUE. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie; Homme lubrique, femme lubrique. —
Des regards lubriques, ces lubriques regards.
A' oyez AJjectif.
LusniQUE-MENT. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe.
Ldcide. Adj. des deux genres. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant l'analogie cl
l'harmonie : Avoir des intervalles lucides, une
expression lucide, un raisonnement lucide, ce
lucide raisonnement. Yoyez Adjectif.
Lucratif, Ll'ckative. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'analo-
gie : Un métier lucratif, un emploi lucratif. —
Ce lucratif métier, ce lucratif emploi. On ne di-
rait pas cette lucrative charge. Voyez Adjectif.
Ldgubke. Adj. des deu.x genres. Il semblerait,
par les exemples que donne l'Académie, que ce
mol ne peut se dire que des choses; cependant
on dit un homme lugubre, pour dire un homme
dont l'air, la contenance, la démarche, les vête-
ments, les discours, marquent une tristesse pro-
fonde. On le met souvent avant son subst. :
F'oix lugubre, une lugubre voix se fit entendre;
LUI
445
cris lugubres, de lugubres cris; plainte lugu-
bre, une lugubre plainte, ton lugubre. \o)CZ Ad-
jectif.
J.CGUBREMENT. Adv. On pcut (pielquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il est
vêtu lugubrement, il est higtArement vêtu
Lui. Pronom de l.i troisième |)ersonne du sin-
gulier. Sa fonction principale est de servir de
complément à une préposition exprimée ou sous-
entendue; J allai à lui, je tombai sur lui, vous
irez avec lui, il h\i donna un coup d'épée. Dans
ce dernier exemple, la préposition est sous-en-
tendue; c'est Comme si l'on disait, il donna à lui
un coup d'épée. 11 ne se dit ordinairement (jue
des personnes. Quoi(|u'un homme dise fort bien
d'un antre qu'ii se repose sur lui,qn'il s'appuie
sur lui, on ne dira jias pour cela d'un lit ou d'un
bâton, reposez-vous sur lui, appuyez-vous sur
lui; mais ou se servira de la préposition ellipti-
que dessus : Reposez-vous dessus, appuyez-vous
desstis.
En parlant des choses, on emploie le pronom
en au lieu de de lui, et le pronom y au lieu de à
lui. On ne dit pas d'un mur, n'approchez pas de
lui; on dit m'cu approchez pas ; ni d'un village,
allez II lui; il faut dire allez-y.
Une l'enune dit d'un chien (ju'ellc aime : Il fait
tout mon amiisement, je n'aime que lui, je suis
attachée à lui,ye ne sors pas sans lui. Cependant
on ne dira pas d'un cheval qn'on ti a jamais
monté sur lui, qu'on ne s'est pus encore servi de
lui, mais ([u'on ne s'en est pas encore servi.
11 semble donc qu'avec les prépositions de et à,
le pronom lui ne se dit pas indifféremment des
choses et des personnes. Cependant, lorsqu'il est
précédé des prépositions avec ou après, il peut
se dire des choses même inanimées : Ce torrent
enti'aîne avec lui tout ce qu'il rencontre; il ne
laisse après lui que du sable et des cailloux.
Voyez Elle.
Lui peut être le sujet d'une proposition, mais
seulement par répétition, et pour donner plus d'é-
nergie à l'expression : Il l'a dit lui-viéme; ou
pour représenter le pronom le, régime direct, et
le lier avec une proposition incidenlc : f^ous l'ou-
tragez, lui qui vous aime si tendrement.
Lui, étant particulièrement destiné à servir de
complément à une iiréposition, est souvent ré-
gime indirect: Je lui ai dit, c'est-à-dire j'ai dit
à lui. Alors il est commun aux deux genres, mais
en deux cas seulement : le premier, lorsqu'il pré-
cède le verbe, /'ai vu votre sœur, et je lui ai
parlé; le second, quand le verbe est à l'impéra-
tif : si vous rencojitrez via sœur, parlez-lui.
Hors de là, il est toujours du genre masculin.
J'ai dit que /»£, régime indirect, est commun
aux deux genres lors(iu'il précède le verbe. En
effet, ilsemetquelquefoisaprès. A vec le verbe par-
ler,on(\iravoulez-vous parler à lui, OUvoulez-vous
lui parler? Dans le premier exemple, lui ne peut
convenir qu'au masculin; dans le secon<l, il peut
convenir au masculin ou au féminin.
J'ai dit aussi, d'après le Dictionnaire de V .4-
cadémie, que lui est dos deux genres, quand le
verbe est à l'impératif; mais celle régie n'esl pas
sans exception, car, si l'on dit donnez-loi, on dit
aussi donyiez d lui; et dans ce dernier exemple,
lui ne peut rappeler qu'un masculin. J'observe
qu'il y a de la différence entre donnez-lui et
donnez à lui. Le premier exprime seulement
l'action de donner à quelqu'un; le second indique
une préférence, une exclusion de quelques au-
tres : f^ous ne savez pas à qui donner ce livre.
U6
LUM
donnez-le à lui; c'esl-à-dirc à lui préferahlement
aux autres. Une différence à peu près semblable
se remarque entre je vevx lui parler, ci Je veux
parler à lui. Le premier signifie je veux lui
dire quelque chose, lui faire connallre quelque
chose par le moyen de la parole; le second veut
dire, je veux lui adresser la parole, à lui et non
à un autre.
A tout aulrc mode que l'impéralif, lui doit pro-
céder le verbe, loules les fois qu'il est le terme
d'un rapport qui pourrait être exprimé par la
prél)Osilion à : Je lui ai lu mon ouvrage. Au con-
traire, il doit suivre le verbe, s'il est le terme
d'un rajjport exprimé par la préposition de: Nous
dépejidons de lui.
Lors(iue le pronom le est régime direct d'un
verbe, et qu'il partage celte fonction avec un ou
plusieurs noms placés ajjrès le verbe, il faut,
après ce verbe, rappeler l'idée de ce pronom par
lui, qui lie alors ce nom ou ces noms aveo le
pronom le : Je Yaivu, lui et ses amis ; je Vaivu,
lui, sa femme et ses enfants.
Lui, rc|;'ime indirect, se répèle, par la même
raison, après un verbe, mais avec la préposition
à : Je lui ai parlé à lui et à sa sœur.
On ne doit pas se servir indifféremment de lui
et de soi. (Juand on parle en général, et sans in-
diquer une personne qui est le sujet de la phrase,
ilfaul se servir de soi: Il faut que chacun prenne
garde à soi. ^lais lorsqu'une personne en parti-
culier est désignée dans lu phrase, il faut mettre
lui: Cet homme ne prend pas garde à lui. A''oyez
Elle, Eux, Se, Soi, Pronom, Ainphibologie ,
Explétif.
LoiiiE. V. n., défectueux et irrégulier de la
4' conj. Il se conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Présent. Je luis, lu luis, il luit ;
nous luisons, vous luisez, ils luisent. — Impar-
fait. Je luisais, lu luisais, il luisait; nous lui-
sions, vous luisiez, ils luis;iient. — Point de passé
simple. — Futur. Je luirai, lu luiras, il luira;
nous luirons, vous luirez, ils luiront.
Conditionnel. — Présent. Je luirais, tu luirais,
il luirait; nousluiiions, vous luiriez, ils luiraient.
Impératif. — Présent. Luis, (pi'il luise; lui-
sons, luisez, qu'ils luisent.
Subjonctif. — Présent. Que je luise, que lu
luises, qu'il luise; que nous luisions, que vous
luisiez, (lu'ils luisent. — L imparfait manque.
Participe. — Présent. Luisanl — Passé. Lui.
point de féminin.
Les tenqis composés se forment avec l'auxi-
liaire Avoir.
Luisant , Luisante. Adj. verbal tiré du v.
Luire. Il se met ai)rès son subst. : Une étoile
luisante, des couleurs luisantes, une étoffe lui-
sante. Voyez Adjectif verbal.
LoMiÉr.E. Subsi. f. On dit figurément, dit l'A-
cadémie, mettre un livre, mettre un ouvrage en
lumière, pour dire l'imprimer, le rendre public,
le mcllre en vente. L'Académie ajoute qu'il est
peu usité. — L'Académie aurait dû dire que cette
expression, fort commune autrefois, et ([u'on met-
tait même au titre des ouvrages, ne s'emploie plus
aujourd'hui. Cn dit bien (Ju'h/i ouvrage n'a pas
encore vu la lumière; mais on ne dit pas qu'on
va bientôt le mettre en lumière, ou qu'o?i l'a mis
en lumière.
Hacine a employé, dans un autre sens, rnettre
en lumière; mais celte expression ne passerait
pas aujourd'hui •
LUX
Mais plus ce rang «ur moi répandrait de splendeur.
Plus il me ferail lionlc cl mettrait en lumière
Le crime d'en avoir dépouillé l'Iiériliére.
(Bnlan , act. II, se. III, 104,)
Les poètes disent souvent. Za lumière pour la
vie, voir la lumière jiour vivre :
Bientôt de Jéiibcl la fille mearlrière.
Instruite qu« Joas voit encor la lumière.
(lUc, Ath.,aci. IV, se. 111,23.)
... La tunvidrc éclaire encor ses yeux.
(Volt., Tancr., act. V, se. t, 7.)
Il le faut de ma main traîner sur la poussière.
De trois coups dans le £eia lui ravir la lumière.
(Volt., Mahom., act. IV, se. iii, 79.)
Et mes yeux sans regret quitteront la lumière.
(Volt., Alz., act. I, se. i, 22.)
La lumière sans moi vous eût été ravie.
(Volt., OEd., act. V, se. ii, 61.)
Lumignon. Subst. m. On mouille le^n.
Lumineux, Lumineuse. Adj. Au propre, il uc se
met qu'après son subsl. : Un corps lumineux,
une trace lumineuse; au figuré, on peut le mcllre
avant, en consultant l'oreille et l'analogie : Un
principe lumineux, ce lumineux principe ; une
dissertation lumineuse, cette lumineuse disser-
tation. Voyez Adjectif.
Lunaire' Adj. des deux genres qui ne se met
(ju'après son subst. : Unmois lunaire, une année
lunaire.
Lunatique. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Un cheval lunatique. — Un
homme lunatique, une femme lunatique.
Llstral, Lusthale. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Eau lustrale.
Luth. Subst. m. Le h ne se prononce pas; mais
on prononce le t.
* [.cxubiek. V. n. de la i" ccnj. Mol nou-
veau proposé par ISIcrcicr. Il donne pour exem-
ples : cet arbre luxurie de fleurs et de fruits ; cet
ouvrage luxurie d'images li-illantes et dépensées
fortes. Il luxurie de santé. Luxurier d'esprit.
Ce mot est mauvais en ce qu'il présente une
é(iuivoque. Vient-il de luxe ou de luxure? Par la
composition, il semblerail venir de luxure, et,
par la signilicalion qu'on lui donne, on le fait
venir de luxe. D'ailleurs, qu'est-ce que luxurier?
Est-ce étaler avec luxe? Mais peut-on dire qu'un
arbre étale avec l-ixe ses fleurs et ses fruits?
quun ouvrage étale avec luxe des pensées bril-
lantes? Luxe eir.porte une idée de dépense qui
ne convient point ici. — Pascal s'esl servi du mot
luxuriant. [Pensées, p. 220.)
Luxe. Subsl. m. C'esll' usage qu'on fait des ri-
chesses et de l'industrie pour se procurer une
existence agréable. Voyez Faste.
Luxure. Subsl. f. Ce terme comprend dans son
acception toutes les actions qui sont suggé-
rées par la passion immodérée des hommes pour
les femmes, ou des femmes pour les hommes. Il
ne s'emploie guère qu'en morale religieuse. La
luxure est un des sept péchés capitaux.
Luxurieux, Luxurieuse. Adj. On peut le met-
tre avant son subst., lorsque l'analogie cl l'har-
monie le permettent ; Un homme luxurieux, une
femme luxurieuse. — Des pensées luxurieuses,
de ltcj;urieuses pensées ;*des regards luxurieux ,
MAC
de luxurieux reçards. Ce terui ne s'emploie
guère (]ue lians la inonile ^cli^ieuse.
Lyrique. Adj. des deux genres. II ne se inel
qu'après son subst. : Poésie lynque, genre lyri-
que.
Lynqvc se dit iiarliculièrement des anciennes
odes 'ou slances qui répondent à nos airs ou chan-
sons. On a appelé les odes poésies lyriques ,
parce que quand on les chantait, la lyre acc«'m-
paguait h voix.
MÂG
447
Lt caractère de !a iioi-pie lyrique est la no-
blesse et la douceur; la noblesse pour les sujets
héroïques, la douceur pour les sujets badins ou
calants; car elle embrasse ces deux cenrcs. 'N'oyez
Ode.
Les modernes ont une autre espèce de poème
lyrique que les anciens n'avaient pas, et qui mé-
rite mieux ce nom, parce (juil est réellement
chanté ; c'est le drame appelé Opéra. Voyez
Style.
M.
M. Subst. m. On prononce vie. Cesl la trei-
zième lettre de l'alphabet, et la neuvième des
consonnes.
T,c son propre de cette lettre est me, comme
dans mal, médisant, midi, mnde, muse.
Au commencement des mots, le m conserve
toujours le son qui lui est propre; mais à la fin
d'une syllabe, il est un signe denasalité, (juand il
est suivi de l'une des trois lettres m, h,p ; comme
dans eimnener,comhler, comparer, emmaillotter,
que l'on prononce comme s'il y avait enmener,
conhler, conparer, cnmaillotter. — Il faut en ex-
cepter les mots qui commencent par imm, comme
immodeste, immédiatement, immense, que Ion
prononce, im-viodeste , im- médiate ment, im-
mense, etc. — On prononce aussi le m dans les
mots où celte lettre est suivie de n, comme in-
demniser, amnistie, A gamemnon ; &\ce^\.è dam-
ner et ses dérivés, condamner et ses dérivés, et
automne.
Le m a aussi l'articulation nasale dans comte,
compte, dompter, domptable, prompt.
A la fin des mots, m est le signe de la nasalité
de la voyelle précédente, comme dans nom, pro-
nom, faim, parfum, etc. Il faut excepter Tinter-
jection hem, (juclques mots latins, comme item,
et la plupart des noms propres étrangers, où la
lettre m conserve sa prononciation naturelle,
comme dans Sem, Cham, Amsterdam. Adam se
prononce cependant avec le signe de la nasalité.
Lorsipie m est redoublé, on n'en prononce or-
ilinairement qu'un, comme dans commode, com-
mis, commissaire, etc. Il faut excepter yi7«mo7j,
Emmanuel, etc., et les mots où le double m est
précédé de i, comme dans immanquable, im-
mense, etc.
Dans grammaire, grammairien, on ne pro-
nonce qu'un m; mais dans grammatical et gram-
matiste, on fait sentir les deux 7«.
M est l'expression abrégée du mot majesté ou
du mot monsieur, qui s'abrège plus ordinairement
ainsi : >P. — Mgr signifie monseigneur, Md mar-
chand, Mde marchande, Mme madame, — Ms. ou
Msc. manuscrit, Mss manuscrits. — M est la
marque de la monnaie de Toulouse.
M.*.. Voyez Mon.
MACAr.oNiQrE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son Eubst.
Machinal, Machinale. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Mouvement machinal, action
machinale. BulTon a dit mouvements iriachi-
«aux.— L'Académie remarque que ce pluriel est
peu usité.
MACBi\ALEME?iT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Agir machinalement.
Il s'est machinalement avancé.
Maohinateur. Subst. m. L'Académie n'indiaue
point comment il faut dire en parlant d'une femme.
Il y a bien des femmes qui se mêlent de machina-
tions; il serait dommage qu'on ne pût pas dire
machinatrice.
Machine. Subst. f. L'Académie dit que les
poètes appellent l'univers lu machine ronde. Fé-
raud observe avec raison que l'Académie n'en-
tend sûrement parler que de la poésie familière.
Madame. Subst. f. Nous ne nous servons point,
dit Voltaire , des mots monsieur et madame ,
dans les comédies tirées du grec. L'usage a per-
mis que nous appelions les Romains et les Grecs
seigneur, et les Romaines madame; usage vi-
cieux en soi, mais qui a cessé de l'élre, parce que
le temps l'a autorisé. (Remarques sur Bérénice
de Racine.) Voyez Monseigneur, Monsieur.
Mademoiselle. Subst. L Voyez Monsieur.
Madré, Madrée. Adj. Il ne se met avant son
subst. ni dans le sens propre, ni dans le sens fi-
guré : Porcelaine madrée, bois viadré. — Un
homme madré, une femme madrée.
Madrigal. Subst. m. Terme de littérature. On
apj)elle ainsi une petite pièce ingénieuse et ga-
lante, écrite en vers libres, et qui n'est assujettie
ni à la scrupuleuse régularité du sonnet, ni à la
subtilité de l'épigramme. mais qui consiste seu-
lement en quelques pensées tendres, exprimées
avec délicatesse et précision. L'épigramme peut
être polie, douce, mordante, maligne ,clc.; pourvu
qu'elle soit vive, c'est assez. Le madrigal, au con-
traire, a une pointe toujours douce, gracieuse,
et qui n'a de piquant que ce qu'il lui en faut pour
n'être pas fade.
On regarde le madrigal comme le plus court de
tous les petits poèmes. Il peut avoir moii;s de
vers que le sonnet et le rondeau ; le m('laiige des
rimes et des mesures dépend absolument du
goût du poète. Cependant la brièveté extrême du
madrigal interdit absolument toute licence, soit
pour la rime, soit pour Ir, mesure, soit pour la
pureté de l'expression. Boileau en a fait connaître
le caractère dans les deux vers suivants (A. P.,
II, '144) :
Le madrigal, plus simple et plus noble -.u son tbur,
Respire la douceur, la tendresse et l'amour.
(Extrait de VEncyotopcdie.)
Mapflé, Mafflée. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Un visagr mafflé. La Fontaine a dit
mufflue (liv. IIÎ, fable xvii, 8) :
La voilà pour condition,
Grasse, ma/Jlue et rebondie.
Magie. Subst. f. On appelle magie du style,
. l'illusion que produit le style par son accord par-
•i48
MÂG
fait avec les pensées qu'il exprime. Celle expres-
sion ne con\ icnl guère aux sujets de i)ur r:iison-
nciiieiil, nuiis clic s';ippliiiue pjirliculiért'iuciil aux
dcsiriplioiis cl à la peinture des niouvciiieiUs de
1 âuie. C'e.-t surtout dans les beaux morceaux de
Racine qu'on est séduit par la magie du siyle, et
que le cliarnic qui résulte de l'accord parfait de
l'expression avec la vérité des objets fait qu'on
s'oublie soi-uiéme, pour s'identilier avec les per-
sonnages, el partager tous les mouvements de leur
àme.
Magique. Adj. des deux genres. On le met
qucl(|Ucfois avant son subst. : Jrt magique, ca-
ractcre magique, paroles magiques. — Grcssct a
dit l'url des magiques accords.
Magisi EU. Subst. ni. L'c est Ircs-ouvert, et on
fait sentir le r.
M.iGisTiiAt, Magistrale. Adj. Il ne se met
gucrc (ju'aprcs son subst. : Air magistral, tun
magistral , voix magislralc. — Il n'a point de
masculin au pluriel.
ÎMagistraleiient. Adv. On ne le met pas entre
l'auxiliaire et le participe : Jl a parlé magistra-
lement.
Magisthat. Subst. m. On ne fait pas sentir le /.
Magnamhi;. Adj. des deux genres. 11 se dit de
celui qu'élèvent au-dessus des objets et des pas-
sions (]ui conduisent les hommes, une passion
plus noble, un objet plus grand ; qui sacrilie le
moment au temps, son bien-être à l'avantage des
autres, la considération, l'estime même, à la gloire
ou à la patrie. On mouille le gn. On peut (lucl-
queiois le mettre avant son subst., en consultant
roreillc et l'analogie : Un prince inagnanime, un
cœur magnanime , une résolution magnanime,
ces mannaninics résolutions. Voyez Adjectif,
^Iag.n\mmi;jie^t. Adv. On mouille le gri. On
peut quelquefois le mettre entre l'auxiliaire et le
particijje : // s'est comporté magnanimeînent, il
s'est magnaiiiniemcnt comporté dans cette occa-
sion.
Magnam-mité. Subst. f. On mouille le gii.
Voyez Magnanime.
MAG^AT. Subsl. m. On prononce magvenat, en
passant légèrement sur gue.
]MAG^ÉslE. Subst. f. On prononçait autrefois
7naguenêsie; aujourd'hui on mouille Ic/?/;.
Magnétique. Adj. des deux genres. 611 a i)ro-
noncé d'abord magucnclique. Aujourd'hui on
mouille assez généralement le^«.
Magnétisme. Subst. m. On a prononcé mague-
nétisme; aujourd'hui on prononce assez généra-
lement ce mot en mouillant le gn.
Magmficlnce. Subst. f. On mouille le gn.
Voyez Magnifique.
Magnifique. Adj. des deux genres. On mouille
le^«. Il se dit au jjropre et au ligure des jicrson-
nes et des choses , et il désigne tout ce qui donne
une idée de grandeur et d'o[)ulciice. Un homme
est magnifique, lorscju'il nous offre en lui-même,
et dans tout ce (jui rinlércsse, un speclarlo de
dépense, de libéralité et de richesse, qui; sa ligure
el ses actions ne déparent point. Tne entrée est
magnifique, lorstju'on a pourvu à tout ce qui
peut lui donner un grand éclat par le choix des
chevaux, des voilures, des vélemenls et de tout
ce (jui tient au corlégc. Un éloge est magnifique,
lorsciu'il nous donne do la ]iersonnc (jui l'a lait,
cl de celle a qui il est adressé, une iiùs-haule
idée. Le luxe va quelquefois sans la magiii licence,
mais la magnilicencc est inséparable du luxe; c'est
par celle raison qu'elle éblouit souvent el qu'elle
ne louche jamais. Ou dcuI le mettre avant son
MAI ^
subst., en consultant l'analogie et l'harmonie;
Prince magnifique, temple magnifique, meubles
magnifiques, festin magnifique, magnifique fes-
tin ; magnifique repas; éjuipage magnifique ,
magnifique équipage ; promesses magnifiques ,
magnifiques promesses.
Magnifiquement. Adv. On mouille le .971. On
peut le mettre entre l'auxiliaire et le participe :
// niius a traités magnifiquement, il nous a ma-
gnifiquement traités.
Magot. Subst. m. On ne i)rononce point le t.
Maigre. Adj. des deux genres : Un homme
maigre, un poulet maigre, un bœuf maigre, un
terrain maigre. On le met avant son subst., lors-
que l'analogie et l'harmonie le pennclloni : Un
maigre sujet, un sujet léger et qui fournit peu;
un maigre divertissement , un divertissement
jjcu agréable; une maigre récompense, une faible
récompense; une -maigre chère, une mauvaise
chère; une viaigre réception , une réception
froide.
Maillot. Subst. m. On ne fait point sentir le
t final.
Main. Subst. f. L'Académie dit ligiirément,
ma rie, ma fortune est dans vos mains, est entre
vos mains. — Cette expression dans les mains,
entre les mains, a une signification beaucoup
plus étendue :
Sa confidence auguste a mis entre mes maint
Des secrets d'où dépend le destin des liuinains.
(Rac, Britan., act. V, se. III, 25.)
Dieu lient le cœur des rois entte ses mains pui.«$anle».
(IlAC., Esth., act. I, SCI, 67.)
Du monde entre mes tnuins j'ai vu les destinées.
(Volt., Uort de César, act. I, se. i, 38.)
... Notre gloire est dans nos propres mains.
(Rac, Iphtg., ait. I, se. II, 100.;
On dit aussi figurément dans ma main, dans
sa main, pour dire en son pouvoir, en mon pou-
voir.
Elle met dans ma main sa fortune et ses jours.
(Rac, Baj., act. III, se. iv, 48.)
On dit aussi figurément, dit l'Académie, donner
la 7nain , prêter la main à quelqu'un, pour dire
l'aider en quelque affaire, le favoriser. — On dit
aussi en ce sens, tendre la main, présenter la
mavi .
Et me tend une main prompte à me soulager.
(Rac, Iphig., ad. Il, se. l, 110.)
Je n'accepte la main qu'elle m'a présentée.
Que pour m'arraer contre elle
\Idsm, m.)
Maint, Mainte. Adj. qui ne se met qu'avaDt
son subst. : Maint homme, maintes fois.
Où maint Grec aCTamé, maint avide Ar^ien,
Au travers des cliarbons va piller le Troycn.
(BoiL., Satire, VI, 109.)
Maint , dit La Bruyère (chap. XIV, De
quelques usages), est un mot qu'on ne devait
jamais abandonner, et à cause de la facilité
qu'il y avait à le couler dans le style, et à
cause de son origine, qui est française. Vaugelas
remarquait qu'à moins d'être employé dans un
MAI.
poëme hérorque, il ne sérail pas bien reçu si ce
n'est en r.iill.int. Thomas Corneille disa'il i|iril
pouvait cnrorc liaurcr avec grâce, non-seulonient
dans une c|ngramnic ou dans un conte, mais en-
core dans un pocmc héroïque, surtout quand on
le répète comme dans ce vers :
Dans maint» el maints combats sa valeur éprouvée.
On ne le souffre que dans le style marotique,
et dans renjouçniem de la conversation.
jf/u«/i/si^'nilie |iiusiours; mn'i-, plusieurs indi-
que injrcmcni et siini)lciiipiil le nombre, tandis
que 7itai,it réduit la pluralité a une sorte d'unité,
comme si les objets formaient une exception, un
tout séparé du reste, un corjisà pnrt. La locution
maint auteur, semiile annoncer un nombre d'au-
teurs (]ui forment une sorte de classe, el comme
s ils faisaient cause i:omimmc; plusieurs n'an-
nonce (pic le nomlire sans désigner aucun rap-
1)01 1 particulier entre eux, si ce n'est qu'ils ont
la Miome opinion. la même marche, le même ti-
tre, queKiuc chose île semblable. Ces mots disent
plus tH[cqueli]ues-u/is et moins (]uoief/f/c up. —
—Miiiiit a le i)riviléçe rare de se répéter et d ex-
primer iKir sa répétition un assez grand nombre.
On dit maint et tnaint, conune tant et tant. Ces
sortes de licences contribuent beaucoup à donner
aux langues des formes distinctives qui les ren-
dent intraduisibles quant à la grâce et au génie;
et par la, elles ont (iuel.]ue chose de précieux. \ji
locution maint et maint est si conunode, qu'on
ne peut, en (luelque manière, s'empêcher de s'en
servir de temjis en temps, et de dire inainte et
mainte fuis.
Maintenir. V. a. et irrég. de la 2"^ conj. Il se
conjugue comme Unir. A'oyez Irréguliir.
Ce mot signifie, à la lettre, tenir la main à une
chose, la tenu- dans le même état. On maintient
ce qui était déjà tenu, et qu'il faut tenir encore
pour qu'il subsiste dans le même état.
M.tiNTiETi. Subst. m. Ce moi se jirend dans
deux sens tout a fait différents. Dans le premier,
il a rapport au verbe juaintenir, et se dit des
moyens que l'on emploie afin de conserver une
chose dans son intégrité, dans l'état où elle est.
G est ainsi que l'on dit le maintien des lois, le
maijUien de la religion, le viaintien des insti-
tutions.
Dans l'autre sens, maintien se dit de l'habi-
tude extérieure de tout le corps. Il diffère de
contenance en ce qu'il sert à manpier des égards
aux autres hommes, et que la contenance est
destuii'c a leur imposer. 11 y a une infinité de
contenances, parce qu'il y a des états différents
et que les positions varient; il n'v a qu'un bon
maintien, parce que l'honnêteté civile est une et
invariable.
Mais. Conionction adversative. Elle sert à
marinier ou une opposition entre deux membres
de jilirascs: Elte est belle, mais elle est mé-
chante; ou à lier deux membres de phrases dont '
le dernier ex|>osc la raison de ce (jui est exprimé
par le pn-mier Je l'ai puni, viais il l'avait me-
nte. — Joint aux mots encore, de plus, bien
plus, i\ sert à lier deux membres d'une phrase
dont le second désigne une addition à la chose î
exprunen par le premier, ou une augmentation de
cette chose : Non-seulemetU il est bon, mais '
encore il est brave ; il l'a insulté, mais de plus
H l a battu — Mais, employé seul, sert à lier i
deux membres d'une phrase dont le second ex-
prime la diminution d'une qualité exprimée dans
MAJ.
4i9
le premier : Elle est bien faite, mais elle n'est
pas rjrandc.
Dans la conversation, mais se met quelquefois
au commencement d'une phrase, et alors d sert
a appuyer fortement sur ce ipii suit : Mais pour-
quoi n'arcz-vous pas répondu? — Ouelquefois
Il ne marque qu'une transition d'iin sujet dé
conversation ou d'entietien à un autre : Mais
parlons maintenant de ivs afuùes; mais re-
venons à ce que nous disions.
lorsque de deux membres de phrases réunis
par la conjonction mais, l'un est affinnalif et
l'autre néi;atif, il n'est pas nécessaire de répéter
le verbe dans le second ineinlue, parce que la
conjonction mais servant à marquer opposition
ou icstriction, annonce assez par elle-même si le
membre qui la suit doit éirc pris dans un sens
alfinn itif ou négatif : Z,'/mn/i(;/a'e w? frappe pas
simplement l'rellle, mais l'esprit. (Boii., Traité
du sublime, chap. XXXII.) Ce ne sont pas les
places qui honorent les hounnes, 7nais les hommes
qui honorent les places. — C'est vu homme qui
a de fesprit. i/iais peu d'inslrur/ion. Voyez
Ellipse. — Mais sejircnd quelquefois substan-
tivement : ridlà bien des si, des mais.
Ondit familiéremeiil je n'en puis mais, en
puis-je Tnais? pour dire ce n est pas ma faute
est-ce ma faute? '
Maison. Subst. f. Ce mot désiirne au propre
un bâtiment destiné au loixeinont'des hommes.
11 se dit pariiciiliércment de' celles qui sont des-
tinées à des particuliers. Les bourgeois, les iié-
go(-i;ints, les artisans, les cultivateurs ont des
mai.ions; les grands à la ville occupent des
liàtels; les rois et les princes ont des palais;
les seigneurs ont des châteaux dans leurs
terres.
Féraud dit que maison de campagne et mai-
son des champs c'est la même chose. Bouhours
le dit aussi , fondé sur ce qu'une maison de
campagne convient aux gens de qualité, vu que
leur état suppose de l'aisance; et iiu'une maison
des champs convient à la liour-'co'sie, dont
l'état semble exiger plus d'économie' dans la dé-
pense. Cette distinction n'est pas juste. L'idée
des champs réveille celle de culluie, et l'idée
de campagne réveille celle d'agrément. Une mai-
son des champs est une habitation avec les ac-
cessoires nécessaires aux vues éionomiques fiui
l'ont lait construire ou acheter, loinine un verger,
un potager, une basse-cour, des éruries jiour
toute sorte de bétail, etc. Une maison de cam-
pagne est une habitation avec les arcessoircs né-
cessaires aux vues de liherié, d'indcpendance et
de plaisir (jui en ont sugircre l'acipiisition, comme
avenues, remises, jardins, bosquets, parterre,
etc.
Dans les sociétés civiles où il y a une grande
inégalité de condiiimi, uuiisnu se dit au'fiu'uré
des familles illustres ou ircs-nobles : Une mai-
son souveraine, une muùon illustre. En parlant
des personnes d'une condition infrneure, maison
se prend iioiir fortune : Cei lioiiiiiie. à force de
travail et d'économie, a fait uj,e bonne inalton.
MaItresse. Subst. f. Dans le sens d'amante,
il est banni du style noble. Voltaire dit dans ses
Remarques sur Corneille, ipie jamais ce mot
n'a été employé par Racine dans ses bonnes
pièces
Majesté. Subst. f. Quand ce mot est joint à
un adjcclifou à un participe, on met au féminin
cet adjectif ou ce particijie; il n'y a point de dif-
ficulté sur ce cas Ou dit votre majesté est vie-
29
4"0
MAJ
torieuse, votre majesté est satisfaite. Mais il en
est aiiirciiiciit quand ce mol csl juiiil à des sub-
slaniifs cmploycs adjcclivemenl. l-"aul-il dire,
par cxemiile , depuis que mire majesté est
maîtresse ou est m;iilrc de cette province. Sclun
le |)ère Bouhours, il faul dire sa vitijeslé est le
père et le protecteur de ses sujets, ei non pas la
mère el la pruleclricc; el il i'aiit dire de inèine
sa majesté est maître, et non pas maîtresse de
cclto province.
Il est hors de doute, dit Th. Corneille, que
quand il s'agit de doinicr aux rois un titre qui
les distinçuc iiarliculicrcmont, on doit toujours
se servir de mus, cl qu'il faul dire vous êtes,
sire, le plus grand des rois.Ow dira bien, wtre
majesté est très-cclairée; mais on ne peut pas
dire votre majesté est le plus éclairé, ou la plus
éclairée de tous les rois.
Majkstui.lx, Majestceuse. Adj. On pont le
mettre avant son subst., en consultant roreille et
l'analoçic : Un port majestueux, un air 7na~
jestueux, une taille majestueuse, un temple
majestueux ; cette majestueuse démarche était
accompagnée, etc.
Majeur, Majkuhe. Adj. Une fille majeure. —
Utie force majeure, un intérêt majeur. — On
dit la majeure partie. Parloul ailleurs cet ad-
jectif suit son s\ibst. —On dit au piquet tierce
majeure, quinte majeure; on disait autrefois
tierce major, quinte major :
Sur mes cinq cœars portés ta dame arrire encor,
Qui me fait justtment une quinte major.
(3l0L., Fdchi'ux, acl. II, se. il, 13.)
L'Académie prétend qu'on emploie encore (jucl-
quefois cette expression. Nous pensons que cela
arrive bien rarcuient.
M.uuscuLR. Adj. qui se prend quelquefois
substantivenicnl. On appelle lettres majuscules
ou grandes lettres, certaines lettres qui ont une
figure différente de celles des lettres qu'on a\)-
peWc minuscules ou petites lettres. On met une
lettre majuscule au coinmcnccnient d'un dis-
cours, et a\i cominenccnient d'une phrase dont
la précédente est terminée par un point. Tous
les noms profircs doivent commencer par une
majuscule : Tibère, César, Socrate , Pierre,
Paul, la Seine.
On <loil regarder comme de vrais noms pn.»-
pres Champs Élysées, Mer Rouge, Mer Médi-
terranée ; car c'est sous ces noms qu'en a -zj^wé-
ralemenl coutume de désigner ces lieux. 11 fnul
donc les commeneor par une majuscule, <>i il f lul
commencer de même lu second mot, autr'>incnt
on croirait que Champs et Mer forment sci;ls le
nom propre. Par la même raison, il nesuflinit
pas non plus de mettre une majuscule au so^-ond
mol. — t'.epcndant cpiand ces mo<s sont unis par
un tiret, et ijue !e second n'est pas un nom proi>re,
ce second mot ne [)rend [wint de majuscule:
Pori-ri>ijal,les Paijs-bas. — «L'Académie écrit
sans majuscule au premier mot, vier Rmige, mer
Méditerranée, et avec majuscule au second,
Pays-Bas, Port-Boyal, ce qui nous parait préfé-
rable, parce (pie, dans le premier cas, l'adjectif
seul est caractcristi(iue, et que dans le second,
malgré le tiret, il ne sert pas moins à former le
nom propre. « (A. l.emajre, Grammaire des
Grammaires, p. 'Jlj';.) — Les champs thessalicns,
les monts idaliens, ne sonlpas de vrais noms pro-
pres: ce sont des tournures poétiques pour dire
la Thcssalie, l'Idalie.
Le nom de Dieu, quand il désigne individuel-
lement l'Èlic suprême, doit coinmcncei' par une
majuscule, parce qualurs il est considéré comme
un nom i)ropre : ('roire en Dieu, la crainte de
Dieu. .Mais le moi dieu ne l'uinmcnce |)oinl par
une majuscule, s'il est a|)pliqué aux divinités du
paganisme, s'il est [nis dans un sens figuré, «u
s'il est regardé comme le sujet de <iuelque qua-
lilic.iiion de l'P.lrc suprême : Les dieux de In
Grèce et de Home; on appelle quelquefnis Ici
mis, lis dieux de la terre. Le dieu des miséri-
cordes, Zedieii des ven eances, le i\\c\xd\lhruham.
Les noms des sciences, des arts, des métiers,
s'ils sont pris dans un sens individuel qui disii"\-
guc la science, l'art, le métier, de toute autre
science, de tout autre art, de tout autre inéiier,
doivent prendre une initiale majuscule : La
Grammaire est une science indispensable, la
Musique est un art enchanteur', il est honteux
d'ignorer les principes de V Orthographe; la Me-
nuiserie emprunte le secours de la Géométrie et
du Dessin, pour fournir des embellissements à
l'.4rchitccture. — .Mais ces noms rentrent dans
l'ordre commun quand ils sont présentés cousme
sujets d'une qualification déterminativc, et on
les écrit sans majuscule : La grammaire latine,
la grammaire française , la viusique ita-
lienne, etc.
Les noms des êtres abstraits personnifiés pren-
nent une majuscule. Ainsi, on écrit la f^ertn,
la Fortune, les Grâces, (piand on regarde «."es
êtres comme des i^ersonncs.
On commence par des lettres majuscules les
noms appellatifs des tribunaux, des compagnies,
des corps, et ceux qui déterminent par l'idée
d'une profession ou d'une ilignité, soit ci\ilc,
soit ccdésiasticiue, lorsque ces mots sont em-
ployés sans com()lement délerminatif, pour dési-
gner individuellement leur -olijet : On comptait
autrefois douze Parlements en France. L'Aca-
démie n'a pas donné de drcision sur cet article.
Le Roi des rois.
Mais CCS mêmes mots s'écrivent sans majus-
cule s'ils sont présentés dans le discours sans
application individuelle, oi: si l'application est
dé^ignée par un complément déterminatif : La
fermeté des 7nemhres du parlement, l'union des
églises, le roi des animaux.
Les adjectifs saint, grand, et semblables,
doivent prendre une initiale majuscule, lorsqu'ils
entrent dans la composition d'un nom propre et
en font partie : Saint Pierre, Henri le Grand.
Quand on adresse la parole a une personne, ou
à un être quelconque, le nom tpii déï,igne cette
personne ou cet être, fùi-il appellatif, iloit avoir
une initiale majuscule: O Ciel! (' Terre! —
C'est par la même raison (pi'on écrit avec une
initiale majuscule Motiseigneur, Monsieur, Ma-
dame, Mademoiselle, en adressant la parole aux
personnes. Hors ce cas, on n'emploie point la
majuscule, et on écrit j'ai remis votre lettre à
monsieur, à madame, a sa majesté.
Quand un mol a p!u>ieurs signiQcalions dif-
férentes, il est assez convenable d'employer une
initiale majuscule jiour ilésigncr la signification
la plus considérable. Cette attention est propre
à prévenir liicn îles équivo<|ues et à faciliter
au îecleur l'inielligencc de ce qu'il lit , ea
lui faisant apercevoir sur-lc-cliamp clans
quelle acception il doit prendre les mots doat
l'auteur fait usage. Ainsi Ion écrira avec une
initiale majusfule, la Jeunesse, pour désigner les
jeunes gens; et avec une minuscule la jeunesse,
MAJ
pour signifier le plus bel âge de la vie. On écrira
aussi avec une in;ijuscule les Grands, i)Oiir de-
signer les personnes les plus c'onsidéral)les d'un
État, el les granis himimcs, pour signifier les
hommes distingués jiar leurs talents. Le nml
justice s"ccrira"par un grand J lorsqu'il expri-
mera celle vertu morale qui fait qu'on accorde
à chacun ce qui lui appartient : La Justice csl
la première vertu d' un prince ; ou bien encore
lorsipi'il s'agira des ol'liciers on magistrats qui
rendent la justice. Mais le mot deyr/s/ice s'écrira
par un petit j, lors(]u'il signifiera bon droit, rai-
son : Il ne /nui pus se faire justice sni-mcme.
Cette (listinciion doit même avoir lieu entre
deux sens individuels d'un nom appellatif. Il se
rendit an sénat, en ])arlant du lieu; il fut blâmé
par le Si'nat, en parlant du corps.
On écrira avec une initiale majuscule tout
nom comnuin dérivé d'un nom propre, pourvu
qu'il soil pris pour désigner la (jualité principale
qui caractérise le nom propre : Les Césars, les
Alexandrcs, les Pradons, les Corneilles.
Il convient également de distinguer le litre
d'un livre ou d'une pièce (juclcouquo par une
initiale majuscule. Il en est de même lorsipi'on le
cite : L'Histoire de France. On lit dans un conte
de Voltaire {Gerlrude, 16, :
Toujours sur sa loileUc est la Sainte Écriture,
£t le Petit Carême est surtout sa lecture.
Enfin, dans la poésie, il est reçu de mettre
une majuscule au commencement de chaciue
vers, grand ou petit, soil qu'il commence un
sens, soit (pi'il lasse i>artie d'un sens commencé.
Toutes les règles que nous venons d'cîjjoscr
se trouvent dans les grammaires, mais il s'en faut
bien que l'usage soit uniforme à l'égard de «jucl-
ques-uncs. Plusieurs personnes, par exemple, ne
mettent une majuscule aux no.ms des sciences,
arts, métiers, etc., que lorsque ces noms expri-
ment le sujet, la matière dont il est particulière-
ment (luestion dans un discours, dans un' traité,
dans un mémoiie. Ainsi, dans un l'ailé d'archi-
tecture, dans un mémoire sur l'architecture, le
mot archi.ecture sera toujours écrit avec une
majuscule; mais dans tout autre cas, ils écri-
vent ces noms sans uiaju.scule. — D'autres n'in-
diquent point par l'orthographe les différents sens
à.QS mois justice, etc., (pic nous avons indiqué
plus haut. Il n'y a rien de bien tiv;e sur ce point.
Nous ne partageons pas l'indignation de
Beauzée contre ceux (]ui s'affrancrussont des
vieilles règles de la giammaire, en supprimant
plusieurs majuscules initiales: «C'est, du-il,
une entreprise qui doit récolter la raison, autant
qu'elle clioipie les yeux. C'est une pratiipje con-
traire à un usage trcs-rédechi de la nation. Elle
tend à bannir de noire écriture la netteté de
l'expression, (]ui dépend toujours de la distinc-
tion précise des objets. Ajoutons que l'œil mémo
a intérêt à la conseivalion des lettres majuscules;
il s'égarerait et so lasserait de l'uniformité d'une
page où tomes les lettres seraient constannnent
égales. Les grandes lettres, répandues avec in-
telligence pimni les peiiles, sont des points de
repos pour I'omI, autpiel elles offrent en même
temps le plaisir do la variété. » [Grammaire des
Grammaires, p. •.i62.)
Nous conv(>noi!s (jue, quand les majuscules
sont nécessaires pour prévenir une équivoque,
on fait fort bien de les employer; mais nous
pensons qu excepté ces cas, qui n'ont lieu que
MAL
451
dans un très-petit nombre de mots, et ceux où
ces lettres sont prescrites jiar un usage uniforme
et constant, on fait foit bien de les sup|)rimer,
el qu'il n'y a rien dans celte snjjpression ipii
puisse révolter la ruisun Si les majuscules soiu
nécessaires à l'teil pour l'empêcher d& "garer
el de se lasser de runiformiié des pages; si les
majuscules ont l'avantage d'offrir en même temps
a l'icil et des points de repos et les plaisirs de
la variété, il nous semble «pi'on évitera ces
inconvénients, et qu'on procurera ces plaisirs,
en mellant des majuscules au commencement de
chaiiue phrase, cl dans tous les cas oii elles sont
prescrites par un usage constant. Si, d'un côté,
l'œil se lasse d'ime trop grande uniformité de
caractères, de l'autre , il est choqué à la vue
d'une page hérissée de majuscules; et l'on sait
combien sont choquantes à la vue ces cojjies
où des inaitres d'écriture ignorants s'efforcent
de nuilliplier les majuscules, pour faire briller
l'adresse de leur main et la hardiesse des
traits de i)luinc.
Mal. Subst. m. Quebiues ijcrsonnes disent
J'ai cherché lonr/teiiips ce lirr(',j'ai eu ii'e/i du
mal o le trouver; on a lien du mal à gagner
su vie ; j'ai eu bien du mal à vie procurer votre
adresse. (!cs manières de parler ne sont auto-
risées que dans le discours familier. Partout
ailleurs il faut dire, j'ai eu bien de la peine.
Mai,. Adv. Dans les temps simples, il se met
ordinairement après le v(;!be : Celte affaire va
mal. Dans les temps composés, on le inel entre
l'auxiliaire el le parliciiie : // a viol agi. il en a
vialnsé. On le met quelqucluis avant linliniiif, et
queli]uefois après : Je ne croyais pas vial faire,
je ne croyais pas faire mal. — Se mal trouver
de (jtielqne chose ne se dit qu'au figuré, et seu-
lement à l'inlinilif el aux tenqts composés; il
signilie éprouver un mauvais effel d'une action,
d'une démarche que l'on a faite. Se trouver mal
se dit au propre, dans un sens absolu, et signifie
ressentir subitement delà faiblesse : 5« senhr
défaillir. Voyex Langue française.
Malade. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subsi. ; Un homme malade, une
femme malade, un enfant malade. On dit être
malade à mourir, et être malade d'un mal in-
curable.
Maladii:. Subst. f. L'Académie dit les maladies
de Vâme. On dit aussi les maladies du cœur.
Hélas ! combien le cœur a-l-il de matadies ?
(Volt., 2e dise.tur l'homme, 106.)
Maladif, Maladive. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme inaladif, une femme
maladive.
L'Académie le définit valétudinaire, qui est
bujet à être malade, f^alétudinaire n'exprime
pas la même chose que maladif. L'ne personne
valétudinaire csl une personne dont la santé est
ou chancelante, ou délicate, ou souvent altérée
par differenies maladies qui lui arrivent [lar in-
tervalles; elle est d'une sanlé ciuincclanie. Lue
personne maladive est sujette à être souvent
malade, non par la délicatesse de sa couslitnlion,
mais par «luelipie alTeclion particulière, par un|
principe morbiliqne donl elle est affectée.
Maladroit, .Mai.api;oite. .idj. qui ne se me
qu'après son subst. : Un homme viuladroit, un
ouvrier maladroit.
11 V a la même différence entre ce mot et
malhabile, (ju onue i.iuladresse Ct mulhabilett,
in2
MAL
Maladresse se dit, dnnslc sens propre, du peu
d';i|ililiiilc aux rxcivit'cs du (•or[)s. Malluilileté
iicscdil (jucdu manque d'.ijjliludo aux foiuliuns
do l'cspril. Un joueur de l)dlard est vtaladioit ;
un nciiocialcur est mulliubilc. Ou nouiine (jnel-
(jucfuis au figure maladresse, le m.iiii]uc dinlel-
Ii^eufC cl de ca|)acilc pour des o|iéialions (jui
de|)endeiit des vues de l'esprit; mais il n'y a pas
rociprocilc; el l'on ne nommera jamais mulha-
hileté le dcf.iul d'aplilude aux exercices corpo-
rels. On pcui donc dire (|u'un néi^ociateur est
mahidioit, mais on ne dira pas ([u'un joueur de
billard soit malliahile.
Maisiiuelle dilTcrcncey a-l-il entre un nogo-
cialcur maludruit et un néçociaicur malhabile?
La voici ; on peut distinguer dans les négocia-
tions <icux choses : les moyens <|ne l'esprit in-
vente dans le dessein de réussir, et l'emploi de ces
moyens, l'exécution du plan projeté par l'esprit.
Si un néjrocialcur invente de mauvais moyens,
propres à éloigner du but, au lieu d'en rappro-
chci', il est malhabile ; si, lors de l'exécutiou, il
propose, dans une circonstance défavorable, ce
qu'il a dessein de faire agréer, ou s'il le propose
mai, s'il irrite les ppr^on^es qui |)()urraieni le
servir, et met sa conliancc en celles qui ont in-
térêt à le trahir, il est maladroit.
MALADEtoiTEME>T. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : // s'est excusé
maladruiletnent, il s'est maladroitement excusé.
Malaise. Subst. m. Manque de choses néces-
saires aux besoins de la vie. On dit en ce sens :
Cet homme est dans le malaise. On dit aussi
cet homme est pauvre et malaisé. Mais l'adjectif
malaisé a une acception (pie n'a iioint le sub-
stantif/«aZatsc. 11 est synonyme de diflicile: Cette
affaire est malaisée. De l'adjectif ///«/(( tW, pris
en ce sens, on a fait l'adverbe malaisément.
Malaisé, Malaisée. Adj. qui ne se met qu'a-
près sou subst. : Une chose malaisée. — Un riche
malaisé. Voyez Malaise.
Malaisément. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : yous réussirez inalaisément. Voyez
Malaise.
Malavisé, INIalavisée. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme malavisé, une femme
■malavisée .
Malbati, Malbatie. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme mulhâli, une femme
malhûtie.
Malcontfnt, Malcontente. Adj. qui ne se
rael qu'après son subst. : Un homme malcnntent,
une femme malcnntenle. Voyez Mécontent.
Mai.e. Adj. des deux genres: Enfant mâle,
perdrix mâle. — En ce sens, il se met toujours
.■;)ros son subst. — Dans le sens figuré, on peut
ieukittre avant, lorsque l analogie et l'iiarmniiie
l'i pertoel'.enl : Couraye mâle, résolution mule,
vertu mdle. — Son mâle courage, cette mâle ré-
su(u tien.
C'est li ce qn'allendiienl ma liaine et ma colère
De la mMe vertu qui fait ton caractère.
(Volt., Mort de Cétar, acl. II, se. IT, 76.)
Voyez Adjectif.
Malédiction. Subst. f. Imprécation qu'on pro-
nonce Contre tpielque objet malfaisant. Un |ière
irrite maudit son enfant ; un homme violent
maudit la pierre qui le blesse; le peuple
maudit le souverain qui le vexe; le philosophe
qui admet la nécessité dans les événements, s'y
MAL
1 soumet et ne maudit personne. — On croit que
la malédiction assise sur un cire est une espèce
de caractère; un ouvrier croit que la matière
! qui ne se prête pas a ses vues est maudite; un
! joueur, que l'argent iiui ne lui proiile pas est
j maudit.
Malencontreux, MALF.NCONTr.ErsE. Adj. Il se
dit des iiersonnes et descllo^es. Un homme mal-
encontreux, sujet à rciicoiiirer des choses fâ-
cheuses. Un événement matencuntrevx , qui
[loito malheur. En parlant des jM-rsonnes, il ne
j se mel(iu'a|irèssoii siibsi. ; en pail.uit des choses,
on peut (inelqucfcis le mettre avant : Ce malen-
I conireux événement.
I Malfaihe. V. n. et dcfeclueux de la 4* conj.
! Il n'est usité qu'à l'infiiiitir, mal faire, et au par-
ticipe passé, iiialfiit. 11 jireiid l'auxiliaire avoir.
— L'Académie n'admet ijuc l'iiifiiiitif.
j Malfaisant, Malfaisante. Adj. H ne se mel
j guère (ju'uprès son f iibst. : Un homme malfai-
sant, un esprit malfaisant. — U ne humeur Tnal
I faisante. — Une nourriture malfaisante.
\ Malcracieux , Malgracielse. Adj. Disgra-
! deux a une teinte plus forte.
Malgré. Préposition. Elle régit les noms sans
le secours d'une autre préjtosition : Malgré son
père, malgré ses supérieurs. — Malgré la pluie,
mulgié lu grêle. Ou ne peut dire malgré que, que
dans ces sortes de jibrases : Malgré que vous
en ayez, malgré qu'il en ait, c'esl-a-dire »/ja?^re
Vos efforts, malgré ses elforis. En effet, malgré
que veut {ï\ïc mauvais gré que, quelque mauvais
gré que ; on ne doit donc pas dire, malgré i\\ï'\\
ait fait cela, malgré ipie je fusse, malgré quej'c
sois; il faut dire, (pioiipiil ait fait cela, quoi-
que je fasse, t\uou\ncj'e sois.
Malhabile. Adj. des deux genres. On dit un
homme malhahile, et un vialhabde homme. Voy.
Maladroit.
Maliiabilehent. Adv. On peut le mettre entre
l'aiixiliairc et le parlici|)e : // .t'y est pris mal-
habilement, il s'y est malhubileuient pris.
Malheureusement. Ailv. 11 se met quelque-
fois au commencement de la phrase : Malheu-
reusement il tomba de cheval. On le met aussi
après le verbe : Il a vécu maiheureusejnent;
ou entre l'auxiliaire et le participe : Il a mal-
heureusement vécu.
Malheureux, MALnEOREDSE. Adj. Il peut pré-
céder son subst., lorsque l'analoirie et l'harino-
nie le permettent : Un Itomme malheureux, un
malheureux enfant, un ami malheureux, mon
malheureux ami; un choix malheureux , un
malheureux choix; un jour malheureux, un
malheureux Jour; une rencontre malheureuse,
une malheureuse rencontre ; une circonstance
midheureuse, une malheureuse circonstance. —
En parlant des personnes, lorscpi'il signifie mau-
vais en son genre, il doit toujours précéder son
subst. : Un malheureux auteur, un malheureux
écrivain. \'oycz AJjectif.
On dit indilTéreminenl une rie malheureuse,
une vie misérable ; c'est un malheureux , c'est un
j homme tnisérable. Mais il y a des cas où l'un de
ces deux mots convient, et ou l'autre neconvicnl
' pas. On est malheureux au jeu, on n'y est pas
J misérable, mais on deviciu misérable en per-
dant beaucoup au jeu. Misérable semble mar-
I qiier un état fâcheux, soittpi'.jn y soit né, soi?
j que l'on y soit loinliè. Malheureux semble mar-
1 quer un accident qui arrive tout à coup, et qui
MAL
mine iino forliinc naissante ou ptaWic. On pininf
pi'0|irein(MU los luallieureux, on assiste les mt-
séraiies. AOici deux vers de Uac-ino qui expri-
ment fort bien la différence de ces deux mots
[Esth., ad. 11F, se. i, 41) :
Haï, craînt, enTié, souvent plu? miscrabU
Uue lousles mjlheiireux que mon pouvoir accable.
De plus, viiséralle a d'autres sens que malheu-
reux n'a pas; car on dit d'un mrcliant auteur
et d'un niéciiant ouvrage : Cest v» auteur 7ni-
sérable, cela est luisèrable. On dit encore a peu
près dans le uièinesens : f"^«us me traitez comme
un misérable , c'esl-;i-dirc vous n'avez nulle
considération, nul c^'ard pour moi. On dit encore
c'est vil vtisérable, en pariant d un iiomme mé-
prisable par sa bassesse et par ses vices. — On
emploie (puhpiofois malheureux dans le même
sens : C'est vu iinilheureuT que les honiicles
gens ne peuvent plus vnir. (Acad.) — Enfin, misé-
rable s"appli(iue aux choses inanimées, au tctnps,
aux saisons, etc. \ oyez Gueux.
Malhonnête. Adj. des deux genres. En parlant
des clioses, il ne se met qu'après son subst. :
Une action luulhonnètc, une conduite malhon-
nête, un procédé mtilhniincle. — Ou dit vn mal-
honnête luimme, pour diie un homme ipii man-
que d'honneur et de probité. Un liouime mal-
honnête se dit d'un liomme qui manque à la ci-
vilité, à la iioliiessc, aux égards que les hommes
se doivent les uns aux autres dans la société.
Voyez Adjectif.
Il ne faut pas confondre ce mot avec déshon-
nête. Déshonnète est contre la pureié, contre la
pudeur, contre la bienséance. Malhonncie est
contre la civilité, et quelquefois contre la bonne
foi, contre '. i droiture. Le premier ne se dit que
des choses; le second se dit également des cho-
ses et des personnes.
jNIauce , Malignité , Méchanceté. Substan-
tifs féminins. La malice est une inclination
à nuire adroitement et finement; la malignité,
une malice sccrélc et profonde; la méchanceté,
un penchant a faire du mal. En effet, le propre
de la wiaZt'cc est l'aiiresse et la finesse; le |)ropre
de la malignité, la dissimulation et la profondeur :
le propre delà méchanceté, l'audace et lairocité.
— Le substantif malignité a une tout autre
force que son adjectif malin. On permet aux en-
fants d'ôire malins, on ne leur passe la malignité
en quoi que ce soit, parce (pie c'est l'état d'une
âme qui a perdu l'instinct de la bienveillance,
qui désire le maliieur de ses semblables, e! sou-
vent en jouit On leur passe des malices, on va
même (juciquefois jusqu'à les y encourager,
parce que, sans tenir à rien de révoltant, la mu-
lice suppose une sorte d'esprit dont on peut tirer
parti par la suite. Celte sorte d'indulgence est
pourtant dangereuse; car la ruse que suppose
la malice dispose insensiblement à la malignité,
parce que rien ne coiiie a l'amour-propre pour
réussir; et de la ■malignité à la méchanceté, il
y a si peu de distance, (ju'il n'est pas difficile
âe prendre lune pour l'autre.
Il y a dans la malignité plus de suite, plus de
profondeur, ])lus de dissiuuilation, plus d'acti-
vité »iue dans la malice. La malignité n'est pas
aussi dure, ni aussi atroce que la méchanceté.
Elle fait verser des larmes, mais elle s'attendri-
rait peut-être si elle les voyait couler.
L'Académie ne dit malice que des personnes et
MAL
455
du péché. Racine a dit la malice du sort [Esth.,
act. IV, se. I, 73) :
Aux malices du tort enfa c^crctei-vous.
On dit être exposé à la malice de quelqu'un,
se garantir de la wvaWcc ào. quel qu'u n Je reslaist
toujours exposé à la malice <le mes cnunmis, et
je m'étais presque àté les in'ujcus de m'en garan-
tir. (Montesquieu, WIV lettre persane.)
Maliciel'skment. Adv. On peut 'e mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a dit ce/a mali-
cieusement. Il a malicieusement interprété celte
réponse.
Malicieux, Malicieuse. Adj. Un homme ma-
licieux, une femme malicieuse, un enfant ma-
licieux. — Un dessein malicieux. On |ieut le
mettre avant son sulist. : Un mtdicieux dessein,
une malicieuse intrigue
Malignkment. Adv. On iicut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a dit cela maligne-
ment il a malignement interprété ce passage.
Malin, Maligne. Adj. Un homme malin, un
esprit malin. — Disrrurs malin. On peut le met-
tre avant son subst., lorsijue l'analogie et riKirm>>-
nie le |)crmettent : Une inaligne bêle, une ma-
lii/ne interprétation, une maligne joie, un malin
Vouloir; l'esprit malin, le malin esprit. Voyez
Adjectif.
Klle avait évilé la perfide machine.
Lorsque se rencontrant sous la main de l'oiseau,
Elle sent son onaU maline.
(La l'oNT., liv. VI, fable XYl, 10.)
Remarquez qu'on ne dit pas la main de rot-
seau, qWongle est masculin, et qu'il n'est pas
permis de prononcer maline, ce qui est toiUefois
très-commun dans nos provinces. (Cb. Nodier,
Examen crit. des Dict.)
Malingre. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme viulingi-e, une
femme malingre, un enfant vialingre.
Malintentionné, Malintentionnée. A<lj. Cet
adj. ne se met qu'après son subst. : Un homme
malintentionné, une personne malintentionnée.
11 y a des mécontents dans les temps de trou-
bles; il y a en tout temps des rialintenlionnés.
Le mécontcnteiuenl cl la mauvaise intention peu-
vent être bien ou mal fondes. Le mécontentement
ne se prend pas toujours en mauvaise part ; il est
rare que la mauvaise intention soit excusable;
elle n'est presque jamais sans la dissimulation et
l'hypocrisie.
Malpuopre. Adj. des deux genres. Sale. Il ne
se met qu'après son subst. : Un homme malpropre,
une femme malpropre. — Des meubles malpro-
pres, un habit malpropre, une chambre mal-
propre.
Autrefois on disait malpropre, pour signifier
qui n'a pas les dispositions nécessaires pour
réussir à une chose. Corneille a dit [Rodogune,
act. I, se. VI, 85) :
Vous me trouvei malpropre à celle confidence.
Malpropre, dit Voltaire à l'occasion de ce vers,
ne doit i>as entrer dans le style noble. Il ne doit
entrer dans aucun style, à cause de l'équivoque.
On (lit aujourd'hui peu propre; mais Corneille et
Molière ont toujours dit malpropre en ce sens.
MALPnopRE.MENT. Adv. Ou pcul quclqucfols Ic
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il tra-
454
MAN
raille inalprrprement, il a malproprement tra-
ruillc.
Malsain, Malsaine. Adj. qui se met toujours
nprèsson sul)Sl. : Un homme malsain, une fem-
me malsaine. Un air malsain, une nourrilure
malsaine.
Malséant, Malséante, Adj. qui ne se met qu'a-
près son subsl. : Un air mulsiiunt, une conduite
malséante.
Maltraitkr. V. a. de la 1" conj. Selon Ccau-
lée, maltraiter iisniùc fuire outrui^'e ù queli|u'iiii,
soit de paroles, soit de coups de main; traiter
mal, signilie faire mauvaise clière à quelqu'un,
ou n'en pas user à son gré. Il observe que, dans
les temps cuinposes du verbe traiter mal, le gi;-
nie de noire lani^ue exige (jue l'ailverhc 7nal |)asse
avant le pariicipe traité, il m'a mal traité, ce
qui semble le rajjprocher du verbe maltraiter;
mais alors la dilTcrcnce des sens que l'on vient
d'indiquer doit toujours avoir lieu, et elle se re-
marque jusque dans l'orlhograplie. Maltraite,
en un scnl mot, vient d(i?naltraiter; mal traité,
en deux mots, vient de traiter mal. Psous ajou-
terons que cette différence n'éiant pas sensible
dans la prononeialion, il est bon, pour jjrévonir
Téquivo pie, d'ajouter lien ou fort a înal; car
alors on pourra le mettre aijfès le participe : Il
m'a mal traité, il m'a traité fort mal.
Malveillant, Malveillante. Adj. On mouille
les /. On l'emploie plus ordinairement comme
subslanlif : Les malveillants. Prisadjecliveiiionl,
on pe'.ii 1(; mettre avant son subsl., lorsque l'ana-
logie et riiarmonie le permettent : Un caractère
ma Ive /liant, avoir de malveillantes intentions.
Mami-.ld, Mamelue. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subsl. : Un homme mamelv, une femme
inamelue.
M'asiie, M'amodr. Substantifs féminins. Termes
de mignardise et de tendresse qui ne s'emploient
que familièrement. On dit aussi i|uelquefois m'a-
mie, en parlant à une femme dune basse classe.
On le dit aussi dans un sens de dénigrement cl
de mépris, en i)arlaiil a une femme que l'on re-
garde cummo fort au-dessous de soi: Apprenez
wi'aniie que je ne suis point disposée à souffrir
vos impertinences. — I/Àcadémie, au mot amour,
dit que m'amour est une expression (|ui s'em-
ployait anciennement pour won «wioM?-; mais elle
écrit 7/m mie, et non pas /«'a/Hze.
MA>f;H0T , Manchotte. Adj. qui ne se met
qu'après son subsl. : Un homme manchot, une
femme manchotte.
Mamdille. Subst. f. On mouille les l.
Manes. Subst. m. plur.
Et Thésée a rejoint les m )ne« de tos frères.
(Hac, Pbcd., acl. U, se. I, VZ.)
Il se met toujours au pluriel, même en parlant
d'une seule personne : Les viûncs d'Jchille.
Mangeable. Adj. des deux genres. L'<?(iui suit
le 5 est entièrement muet. 11 n'est là que pour
donner au g un son doux, cpi'il n'a pas devant
Va. Il se dit le plus souvent avec la négative: Cela
n'fst pas mangeable, et nc sc met qu'après son
subst.
Ma.ngeant, Mangeante. Adj. verbal tiré du v.
meîiger. Ve n'est là que pour donner au g un
son doux, qu'il n'a pas devant l'a. Il ne se met
(lu'api'ès son subsl. : Un homme qui est bien bu-
vant et bien manr/eani.
Manger. V. a. de la 1" conj. Dansée verbe, le
g a la i)rononciaiion du j, de sorte qu'il faut mel-
MAN
tre à la suite de cette leilre un e muet, lorsqu'elle
est suivie d'un « ou d'un o, ce qui lui donne la
prononciation u\i j : Je mangeai, mangeons, et
non |)as, je mangai, mangons.
1\Iani\uli;. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Du cuir maniable, du fer
maniable, un marteau qui n'est pas maniable. —
Un e.iprit maniable.
Maniaque. Aiij. des deux genres q\ii ne se met
qu'après son subst.
-Manie. Subst. f. L'Académie ne l'indique point
dans le sens que lui donne Kacine dans les vers
suivants (/jd/jj>., act. IV, sc. i, 1) :
Quelle étrange manie
Vous peut faire envier le sort d'Ipliigénieî
Ce mot entre dans la composition de i>lusieurj
autres mots, |)our signitier une passion déréglée,
un goùl dérègle pour (pielque chose : L'angloma-
nie est un goùl déiéglé pour les mœurs et les
usages des Anglais. La b ihlioma nie c^l une pas-
sion déréglée pour les livres, etc. De là on a fait
anglomaiie, hibliomane, etc.
Maniement. Subst. m. On prononce maniment.
L'e ne sert ([u'à rendre longue la syllabe ni.
Manière. Subst. f. Moyen particulier de faire
une chose. —En termes de peinlure, lai dit avoir
une manière, ou avoir de la manière , deux ex-
pressions qui ne signifient pas la même chose.
<,>iioique la nature n'ait point de manii-re, on ap-
pelle belle manière, luie grande manière, le faire
de ceux «jui l'imitent dans un si y le sjvant. C'est
un éloge que la manière prise en ce sens; elle
n'est (ju'une élégante exagèralinn de la vérité.
Mais lorsqu'on dit iju'uii dessinateur met de la
manière dans tout ce (]n'il fait, (pi'il '^ a de la
munière dans son trail, dans sa manœuvre, dans
ses effets, c'est un reproi he. Ou fait eniendrepar
là qu'il sort en tout du ton de la nature, ([ue ses
contours ne sont point justes, que son clair-obscur
est altéré, etc.
Le style et la manière nc sont que la même
chose Sous des noms dilïérents. L'usage a assigné
le terme de manière à la peinture, et celui de
stylo à l'art d'écrire. Ainsi l'on dit, ce tableau est
dans lu manière de liiiphac!, comme on dit ce
plaidoyer est dans le style de Cicémn. — Depuis
<]uelque temps, cependant, on parle de style en
peinture, et de /«az/tc/'e dans les belles-lettres.
De manière est suivi, ou de que, ou de la pré-
position à : lùiiics les choses de manière que
tout le monde soit content, OU de munière à con-
tenter tout le monde.
Maméi'.é, Maniérée. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Un homme maniéré, un auteur ma-
niéré, un style maniéré. — En peinture, ,^^M/'e5
maniérées , composition maniérée, couleur ma-
niérée, draperies maniérées.
Manieur. Subst. m. La Bruyère a employé ce
mol fort à [jropos dans la phrase suivante : Le
manieur d'argent, V homme d'affaires, est un ours
qu'on ne saurait apprivoiser. (Cliap. VI, Des
biens de fortune, p. 2/8.)
Manifeste. Adj. des deux genres. Il ncse met
(piaprès son subst. : Une erreur manifeste, un
crime manifeste.
Manifestkjient. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe ; On lui a fait voir manifestement, et non
pas, on lui a manifestement fait voir.
Manigance, .Manigancer. Ces deux mots ne
peuvent être employés dans le style noble.
Manme. Subst. "f. Drogue. L'Académie dit
MAN
qu'on prononce mîine. Férarnl observe, avec rai-
son, qu'il faudrait l'écrire de niêuic, et qu'on ne
de\rail pas craindre do le confondre avec les mâ-
nes, parce que ce dernier se dit toujours au plu-
riel, et la manne toujours au singulier. — Celle
oribograi>lie aurait encore ravania;:e de distinguer
ce mot du mot manne, panier, dont la première
syllabe est brève, (pioiqu'oM l'écrive comme l'A-
cadémie veut qu'on écrive manne, drogue.
]Ma>oeuvre. Suhst. m. II signide littéralement
celui fjui travaille de ses mains; mais on ne s'en
sert (]ue pour signifier un homme qui sert au
compagnon niac^'im, pour lui gàclier le plaire, pour
nettoyer les régies, pour apporter sur son ccba-
faud les moellons et autres choses n<'cessaires.
On appelle ^ussi figurément et j)ar mépris,
manœiirie, un homme (\'.i\ exécute un ouvrage
d'art grossièrement et par routine.
Il y a cette diffén-nce entre manœuvre et man-
œtivricr, que ce dernier ne se dit que de l'art de
la manœuvre dans la navigation. — L'Académie
remarque (pi'il se dit aussi en parlant de la man-
œuvre des iroupes de ti'rre.
Manque. Subsi. m. Ce qui manque à une chose
pour qu'elle soii complète, entière, jiour qu'elle
soit telle qu elle doit être, telle qu'elle est ordinai-
rement. 11 ne faut pas confondre ce mot avec
manquement. Manque a rapport à la chose à la-
quelle il manipic (]ueU]\\e i-hose\ manquement ;i
rappori à la personne qui fait (luc la chose n'a pas
ce qu'clU doit avoir. Manque de parole est ce
qui nîan(|uc à la parole pour être tenue, pour
être elïci'luèe; manqiiernent de purole est l'ac-
tion de celui qui cause le manque de parole, en
ne tenant |)as parole: Ce inanque de parole me
mil dans l'embarras. Son manquement de parole
•m'irrita contre lui.
Manquement est synonyme de faute. Le man-
quement e»i une faute d'omission, tandis ipje la
faute e^l lanlôl de conuiieilrc ce qui n'est pas
permis, tantôt d'omettre ce qui était prescrit. Par
la faute on fait mal, par le manquement on n'ob-
serve pas la règle. Dans la fuite, il y a toujours
une omission qui forme le manquement propre-
ment dit. Le manquement est fait â la règle; ainsi
on dit vn manquement de fà, de respect, de pa-
role ; on ne dit pas une faute de parole, de res-
pect, de fui. Ce terme marque l'ojiposilion au
bien, le mal.
Manquement. Subst. m. Voyez Manque.
Manquep,. V. n.dc la l""con . Ce verbe a divers
sens, suivant ([u'il c>t neutre ou aclif. On dit ab-
aoluraenl manquer, dans le sens de faillir, tomber
en faute : "Fous les hommes sont sujets à man-
quer. On dit qu'une arme à feu a manqué, lors-
qu'elle n'a pas pris feu, qu'elle n'a pas fait explo-
sion, quoiqu'on ait fait tout ce (ju'il fallait pour
lui faire produire cel effet. Manquer dans le sens
de faute de, régit la prèp'osition de: Man-
quer i argent, de mvnilinns, de cœur, de résolu-
tion, d'occasion. — On dit aussi inanquer de foi,
di- parole, [lour dire, n'avoir ])oint de Itonne foi,
no pas tenir sa parole. — Manquer à, c'est ne pas
faire ce qu'on doit : Manquer à la règle, man-
quer à son devoir, à ses amis, à ce qu'on a pro-
mis, à son honneur, à sa parole. Une maison
manque par les fondements, un cheval manque
par les jambes. — On dii les vignes ont manqué,
les fruits ont manque, ces terres ont manqué.
Cette année la sécheresse, fut très-grande, de
vianière que les terres qui étaient dans les lieua;
élevés manquèrent absolument, tandis que relies
qui purent être arrosées furent très- fertiles.
MAR
4Î5Î5
(Montesquieu, XI" lettre persane.) — Active-
ment. Manquer son coup, ne pas réussu" dans
son dessein; majiqucr l'occasion, la laisser
échapper; manquer quelqu'un, ne jtas le trou-
ver, venir trop tard dans l'endroit où il était;
manquer un lièvre, une perdrix, ne pas les tuer,
pour n'avoir pas tiré juslc. Ce verbe s'emploie
avec le pronom personnel. On dit se manquer à
soi-même, pour dire, manquera ce qu'on se doit,
se faire ti;rt.
IMansdétdde. Subst. L Corneille n'a-t-il pas
grande raison de traduire par déb nnaire le mot
grec d'Aristote , si mal traduit par fainéante
En effet, le caractèie de la mansuétude est op-
posé à colère; fainéant est Oppose à laborieux
(\'oltaire, Remarques sur le 1 '" discours de Cor-
neille.)
Manuel, Manuelle. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Ouvrage manuel, travail ma-
nuel, distribution manuelle.
Manuellement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Donner, recevoir quelque chose manuel-
lement.
Manuschit, Manuschite. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Pièce manuscrite, copie
manuscrite.
MAi'.AicHEK. Subst m. On appelle maraîchers,
a Paris, des jardiniers ([Ui culiivcnt, dans l'inté-
rieur (le colle ville ou dans les on\irons, des
terres tpii n'étaient autrefois que des marais.
Marasme. Subst. m. Mirabeau a dit le ma-
rasme politique: Le ministère anglais pourrait
espérer, en favorisant la discorde, en laissant
de l'esp: ir aux mécontents, de nous voir peu à
peu tDiiber dans un dégoût égal du despoiisuie et
de la liberté, désespérer de nnus-mèmes, nous
consumer lentement dans un marasme /"'/i/î'yj/e.
Je iiensc que cette expression mérite d'être ac-
cueillie.
iMahatre. Subst. f. Ce mot s'emploie bien dans
le siyle noble.
Dangereuse marâtre, à peine elle vous vit
(Rac, Phéd.., acl. I, se. I, 39.)
Périsse la marâtre.
Périsse le cœur dur, de soi-même idolâtie.
Qui peutgoûleren paix dans le suprême rang
Le barbare plaisir d'Iiëriler de son sang!
(Volt., ife'r., act. I, se. i, 53.)
11 s'emploie au figure, comme nom, et même
comme adjectif :
La noture marâtre en ces alTreux climats
No produit, au lieu d'or, que du fer, des soldats.
(CbebillON, Rhadumiste et Zenotie, acl. II, SC. II, 49.)
Marchander. V. a de la 1"^' conj.
Je sais que les Romains, qui l'avaient en otage,
L'ont enlin renvoyé pour un plus digne ouvrage;
Que ce don à sj more elail ie prix f.il.il
Dont leur Fliminius marchandtit Annibal.
{Cou., Aicom., acl. I, se. i, 19.)
Voltaire dit au sujet de ces vers : Cette expres-
sion populaire, marchandait, devient ici très-
éner::iiiueet (rés-noble, par l'oiiposiiion du grand
nom'd'Annibal, qui inspire du respect. On dirait
très-bien, même en prose, cet empereur, après
avoir marchandé la couronne, trafiqua du sang
des nations. [liemurqiies sur Corneille.)
MiRCHEB. V. n. de la 1" conj. Ce verbe, em-
4S6
MAR
ijyé au liguré, régit la préposition à : Marcher
j la vit luire.
J/orduroiU à grands pas au pousoir despotique.
(Volt., Ihnr., Vil, 35S.)
Bacine u dit {Jik., uct. 111, se. m, yii) :
je ceignis la lure et marchai son égal.
Celte belle expression, dunt llacine s'est sot vi !e
premier, et ((u'oii a sou\ cni employoc aprf'S lu>,
est imitée «le Vir^'ile {Enéide, l, 5U):
Ast ego qute dhùm incedo Itegina.
Ce que Dclillc a traduit par (1, 79) :
El moi qui morc/ie égale au souverain des dieui
VoUair-' •\dit aussi [Zaïre, act. 111, se. vi, 8):
Vos superbes rivales
Qui «L^ulaient mon cœur el marchaient ros égales.
Il a dit encore , les citoyens de Paris...
voyaient dans le parlement un corps auguste...
qui viarchuit d'un pas égal entre le roi et le peu-
ple. [Sièc/e de Louis XIV, ch. iv.)
j;Acadcniic n'indique puiifl celle acception.
llacine a fait un emploi iiardi de celle expres-
sion dans les vers suivauls d'Athalie (ad. iV,
se. I, i) :
Dans ces voiles, mes sœurs, que porlent-ils tous deux?
Quel est ce glaive enGn qui marche devant eux?
Un glaive qui marche est une imaçc qui ne peut
élre li.isardce ([n'en poésie.
Maiîécagi.ux, Marécageijse Adj. qui ne se mcl
qu'a|)rès smi suIjsI. : Près marécageux, terre
marécageuse, pays marécageux.
MAnÉE. SuiiSl. r. Voyez Mars.
Marginal, Marginale. Adj. qui ne se met
qu'après sun subsl. : Notes marginales.
Mari. Suhsl. m. Ce mol ne s'emploie point
dans le style nublc, où époux convient mieux.
Mari se dil coininniicinenl dans le ^lylc familier.
Marier. V. a. de la i" conj. Madame de Scvi-
çnc a dit : Marier le luth à la voix; el Gresset
{Éyl. V, 177) :
Les bergers unis aux bergères.
Formeront des danses légères,
El mariront leurs voix au so-- des rhalumeaui.
Nous pensons que la différence (ju'il y a, au li-
guré, cnire marier à et marier arec, c'est (jue
marier à se dil de deux choses (jui se confon-
dent ensemble, el dont l'union forme un tout,
marier le lulh à la voix ; el marier avec se dil
des choses (jui ne sont que jointes ensemble, el
restent dislincles après leur jonction, marier la
vigne avec l'ormeau. — L'Académie n'admet point
celle distinction. Elle dit marier la vigne avec
l'ormeau, à l'ormeau ; sa voix se marie bien avec
son instrument, à cet instruvient, au son de cet
instrument.
Marin, Marine. Adj. Il ne se met qu'après le
subsl. : Un veau marin, un monstre marin, une
oonque marine.
Marital, Maritale. Adj. Il ne se met qu'a|)rés
son subsl. : Pouvoir marital. Il n'a point de mas-
culin au pluriel.
MAS
MARiTALr.MENT. Il Mc Se inct jioint entre l'auxi-
liaire cl le participe: Ils ont vécu maritalement,
el non pas, t/v ont maritalement vécu.
MAïainiE. A.l) des deux genres. En prose, il
ne se met qu'après .v.n ciib^l. : Puissance mari-
time. Des poêles poufi.ilcnl dire le maritime
empire, pour dire la mrt
Marhiteux. Siil)Sl. m. (.l'est, dil l'Académie,
une expression familière qui signifie iiileux, qui
est mal sous \o lanH^-l de la "fortune ou de la
sanlé, et qui i.'en |ilaml hal)ituclleinent. — C'est
un vieu.\ ma qui n'est plus usité, i.e bas peuple
dil aujourd'hui minable.
Makotique. Adj. des dfMx genres. V.n prose, il
ne se mcl <iu'a|)res son subsl. : Style marotique,
vers mai-< tir/ues, clc.
Ce mot se dil, dans la poésie franç.aise, d'une
manière d'écrire parliculieie, gaie, agréable, et
tout à la fois simple et naturelle. Clément Marot
en a donné le modèle, el c'est de lui <]ue ce style
a lire son nom. Ce poêle a eu plusieurs iinita-
icurs dont les [ilus fameux sont La Fontaine el
J.-B. Rousseau.
Marquant, Marquante. Adj. verbal tiré du v.
marquer. 11 ne se met <|u'après son subsl. : Une
personne marquante, une idée marquante,
jNIarri, Marrie. Adj. Ce mot est surtout affecté
au style religieux : Un pécheur est marri d'avoir
offensé Dieu. Autrefois un le disait communé-
ment. Je suis extrêmement marri que vous ne
tue puissiez donner de ineilleurs signes de paix.
^Voilure.) Rousseau a dil de Catulle en style ma-
rotique (liv. I, épilreiii, 242) :
Et suis marri que le poivre assaisonne
Un peu Irnp fort ses petits madrigaux.
— Vauvenargues a employé ce mot dans le pas-
sage suiviinl : On serait bien marri de passer un
seul jour à la merci du temps et des fâcheux
[Maxime cxlvii, p. 521.)
Mars. Subsl. m. Dans loules les acceptions de
ce mol, on fait sentir le s linal. — Cela rient
comme mars en carême, se dil proverbialeim^nl
d'une chose qui ne manque jamais d'arriver a
une certaine éjjoque; maison parlant d'une chose
qui arrive à propos, on doit dire arriver comme
marée en carême. (Acad.)
Martial, ÎMartiali.. Adj On peut quelquefois
le ineltre av;inl son suhsl : Courage martial, hu-
meur martiale, air martial, ardeur martiale,
celte martiale ardeur.
Ce mol n'a p iint de masculin au pluriel, si ce
n'est en lermes de pharmacie, où l'on dit des re
mèdes martiaux.
î»Iai;tyr. Subst. m. Mattyre. Subsl. f. Se ilit
de celui ou de celle (pii a souffert la mort ou des
tourments pour la religion : Un saint martyr;
une sainte vierge et martyre. Chaque religion a
ses martyrs.
Au figuré, il se dit d'un homme ou d'une
femme qui a beaucoup souffert pour tine _cau<e
profane, ou qui s'cxjjose, par sa conduite, à
beaucoup de dangers, à beaucoup de disgrâces. //
y a des m.urtyrs de vanité aussi bien que de
piété. (Nicole.)
Martyre. Subsl. m. Ce mot, dans le sens de
morl, de tourmenls endurés pour la foi, ne prend
poinl de pluriel : Le martyre de ces saints per-
sonnages.
Masculin, Masculine. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subsl. : Le sexe masculin, la ligne mas-
culine.
.MAT
En termes (le çrnmiuaire, on nppellc terminai-
son mascvliiii' l;i icriniiKiison d'un mot qtii ii';i
S oint à'e fcmiuin (i;ii:s la ilcrnicre syll.iho, ou
ans la deniiorc syll.ibc (lui)uol IV fciiniiin ne sn
fait puinl sciiiir. Main et inaison ont la terminai-
son masculine, (luoiciu'ils soient du genre fémi-
nin. Homme ;\ la lei'minaison féminine, (]uoi<iu'il
soit du genre masculin. Pleurait, tombeau, ont
la terminaison masculine. C'est ce que dans les
vers on aiipclle aussi rime masculine.
En grannuMiie, on dit le genre masculin, ou
substantivemenl le masculin, pour désigner la
classe des noms à laquelle on a donné ce nom.
Voyez Genre.
Massaciunt, Massacrante. Adj. Ce mot, q\ii ne
se trouve dans aucun dictionnaire, est cei)end;nii
usité dans la conversation. On dit II est d'une
humeur massacrante , elle est d'une humeur
massacrante. La Grammaire des Grammaires
remarque avec raison (lu'il vaut mieux dire //
est de bien mauvaise humeur, ou il est d'une
humeur bien bourrue. — L'expression massacrant
ne peut avoir une analogie naturelle avec l'idée
qu'on veut exprimer. — L'.\c.idcmie, en dS35, ad-
met ce mot, m;iis uniiiucincnt comme adjectif fé-
minin, et elle le dit usité seulement dans la locu-
tion familière, humeur massacrante, c'est-à-dire
bourrue, grondeuse, menaçante. Le sens de ce
mot est donc, [)ar hyperbole, prête à tout inassa-
crer. (A. Lemaire, Grammaire des Grammaires,
p. 181.)
Massacre. Siibst. m. Un massacre signifie un
nombre d'hommes tués : Il y a eu hier un grand
massacre près de f^arsovie,près de Cracovie. On
ne dit point, il s'est fait le massacre d'un hom-
me; et cependant on dit un homme a été mas-
sacré; en ce cas, on entend (ju'il a été tué de plu-
sieurs coups avec barbarie.
La poésie «e sert du mol massacré pour tué,
assassiné :
Que par sa propre main mon père mauacré.
(CoB., Cih., act. I, se. i, 11.)
(Volt., Dict. philos.)
Massif, .Massive. Adj. On peut le mettre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Un bi'ilimenl massif, une tour massive,
de l'or massif. Cette massive architecture. Voyez
Adjectif.
Massivement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela est bâti bien mas-
sivement, cela est massivemeut bâti.
Mat, Matte. Adj. On prononce le / au mascu-
lin comme au féminin. On le met oïdiiiairemenl
après son suhsl. : De l'or mat, de l'argent mut,
de la vaisselle matte.
Matéiuhi., Matérielle. Adj. Il ne se met qu'a-
près son siibst : Les substances matérielles, les
choses malérielles. — Un ouvrage matériel.
Matehnel, Maternelle. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant rorellle et l'analo-
gie : Amour maternel, affection maternelle; ce
maternel amour. — Langue materne/le.
Matin. Subst. m. Thomas Curneillc prétendait
quedemain au matin est plus correct que dviain
matin, et que si on peut se servir de cette der-
nière expression, ce n'est que dans le discours fa-
milier et non en écrivant. — 11 est certain (pie l'on
dit généralement demain matin, hier matin, et
dernain au soir, hier au soir ; c'est sans doute
une bizarrerie de l'usaire; mais il faut s'y sou-
mettre. \ oyez Demain^ Soir.
Matin s'emploie aussi adverbialement, et est
MAX
457
susceptible de degrés de comparaison : Plus ma-
tin, très-matin; le plus uialin que vous pourrez.
11 sejointanssi à «piciqucsadverJies, comme trop,
aussi, fort, ctc.:7'n/p mutin, aussi uiutin qu'hier,
fiTt matin, ctc Mutin, aitverlie, se place tou-
jours après le vorl)e, et jamais entre le participe
et l'auxiliaire : // est venu fort uiatin, et non |)as,
■il est fort matin venu. — Le matin et le .wir sont
aussi des espèces d'adverbes : Je travaille le ma-
tin et je sors le soir. Ainsi le vers suivant de
Boilcau n'est pas correct [Sat. vni, 50):
It condainni: au mutin ses sentiments du soir.
On dit bien, le jour étant venu, la nuit étant
re«i/e; mais on ne dit pas, /<; matin étant venu,
le soir étant venu, parce <pie, dit Bouliours, on
regarde cette piemicre clarté qui Tait le jour, et
cette première obscurité (|ui fait la nuit, comme
«inelque chose d'indivisible, et qu'il n'en est pas
ainsi du m.itin cl du .soir. — Les poètes appellent
la Jeune>se le matin de la vie.
Mati.nal, M.atimer, Matineux. Il y a des dif-
férences entre les signilications de ces adjectifs.
Le premier signilio, qui se lève, qui s'est levé
malin : f^ous êtes bien matinal aujourd'hui; Icse-
cond, qui a[)partient au matin, (pii a rappurl au
matin. L'étoile matinière ; le troisième, ijui a l'ha-
bitude de se lever malin : Un homme matineus,
une feuime malinouse.
Matois, Matoise. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : // est matois, elle est malaise. 11
s'emploie aussi siibst.iiUivcment.
Matrimonial, Mairijiomale. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Causes matrimoniales,
questions matriuuutiules, droits matrimoniaux.
Maudire. V. a. de la 4' conj H se conjugue
comme dire, excepté qu'il redouble le s au mi-
lieu du mot, dans les temps où dire n'a <iu'un
seul s : Je maudissais, nous maudissions.
Maudit, Maudite. Adj. 11 ne s'ein|)loieadjccli-
veincnt (lu'en parlant des choses, et se met ordi-
nairement avant son subst. : Maudit chemin,
maudit livre, maudit jeu, maudite maison,
maudite race, maudite engeance. — Il sc dit
quelqiiefoisdes personnes ou des choses pour s'en
plaindre avec impatience ou colère. (Acad. 4835.)
Maussade. Adj. des deux genres. Ou |)eut le
mettre avant son subst., lorsipie ranalogic et
1 hannonie le permettent : Un homme maussade,
une femme maxissude, une réponse maussade,
cette maussade réponse. — Un habit maussade,
un bâtiment maussade. Voyez Adjectif.
Maussadement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a répondu maussa-
deme/it, il a maussadement répandu.
Mauvais, Mauvaise. Adj. 11 se met ordinaire-
ment avant son subst. : Mauvais pain, mauvais
vin, mauvais repus, mauvaise habitude, mau-
vais goût, etc. — Mauvais augure, mauvais pré-
sage. On dit cependant avoir l'air mauvais,
pour dire, avoir un extérieur redoutable. Voyez
Adjectif cl Méchant.
Mauvais s'emploie aussi adverbialement .
Trouver bon, trouver mauvais. (Miand trouver
mauvais régit la conjonction que et le subjonc-
tif, mauvais e^t adverbe, et par conséipicnt inva-
riable Quand il régit des noms, il c<t adjc-tif, et
prend les formes du féminin et du pluriel : // fau-
drait être injuste pour trouver mauvaise une
action si généreuse. A'oyez Comparatif.
Maxillaire. Adj. des deux genres (jui ne se
met qu'a|)rès son subst. On prononce lesd.eux l,
sans les mouiller : Glandes vtaxilluires.
4M8
MEC
Me. Pronom de la promièrc personne, qui
sVinploic au singulier pour le masculin ot le fé-
ininin; il ne s'cniploic (|uc comme régime des
verbes, et sert également pour le régime direct
«1 le régime indirect : // me reucimtic, régime
'lirect; il. me plaît, Tv'Swwc indirert, il plait a
moi. Il se place toujours avant le verbe, dont il
est le régime, et IV qui le termine s'elidc lorsque
ce verbe connnence (i.'ir une voyelle : // m'aime,
il vi'einbrasse. Cet e s'élide aussi avant y cl en :
Il veut m'y entraîner. Ne m'en parlez pax
Quand vie, régime d'un verbe, est aceoiniiagné
d'un autre pionom cpii est régime du même
verbe, i/ie doit cire placé avant co pronom :
f^ovs me le direz, nnis ne me le refuserez pas.
Dans les |llIra^:cs où il y a deux verbes, on
place ordinairemenl le i)rononi me avant celui
dont il est le régime : On 7ie peut me reprucher
ce défunt, et non pas on ne ma peut reprocher ce
défaut. Plusieurs auteurs ne suivent pas celle
règle; mais il est toujours mieux de s'y confur-
mer, à moins qu'on ne puisse le faire sans bles-
ser l'oreille par des sons désagréables. Cependant
on ne peut jamais mcllre me avanl le premier
verbe, (piand ce verbe est à un temps comp(>sé.
On ne peut dire, ians aucun cas, je m'aurais
voulu procurer ce plaisir. 11 faut dire, en suivant
la règlc,y'a!/?-a(5 voulu me procurer ce plaisir.
Quand le pronom me est, dans la même phrase,
régime dirccl d'un verbe, et régime indirect d'un
autre verbe, il doit se réi)éler avant chacun de
ces verbes: Il m'estime et me donne chaque
jour des preuves de sa hienveUlaiice. Dans le
premier exemple, me csl régime direct; dans le
second, il est régime indirect.
Quand y est uni au pronom me, il se mcl avanl
le verbe. On dit bien vous m'y attendez, je iwus
prie de m'y mener ; maison ne dit pas, uttcndcz-
Vt'y, menez-m'y ; il faul dire^ attendez-y-moi,
menez-y-moi. \ oyez Aloi.
xMéoh Mes. C'est la même particule prépositive,
donl l'euphonie sujjprime snuvpnl la liuale 5.
Elle se met au commencement de certains mots,
et est privative, mais dans un sens moral, et
marque (pielque chose de mauvais, le mal n'é-
tant que l'alLScnce ou la privation du bien.
L'abbé Régnier a donné la liste de tous les mots
composés de celte parlicule, el usités de son
temps, el il écrit mes partout, soit qu'on pro-
nonce ou qu'on ne prononce pas le s. En voici
une autre un peu difrérenle, où l'on n'a écrit s
que dans les mots où celle lelire se prononce,
cl c'est lorsque le mol sinq^^e commence par une
voyelle, dont on a relraiiché qucltpics mots qui
ne sont plus usités, et où l'on en a ajouté ([uel-
ques-uns qui sont d'usage : Mécompte, mécomp-
ter , méioniiaissuhtc , uiéconiiaissance, mécon-
naître ;m,écontent, inécoiitentemcnt, mécontenter;
mécréant; médire , médisance , médisant; méfaire,
méfait; mégarde ; méprendre, viéprise, mépris,
méprisable, méprisant, mépriser ; mtsaisc, més-
alliance, mésallier, mésestimer, mésintelliyence,
mésiiffrir; mésséance, niésséant; mèsuser ; mé-
vendre, mévente. ï.es Italiens em()loienl mis dans
le sens de notre mes ; les Allemands ont miss, qui
parait être la racine de iii-lre particule.
MÉcMsiQUE. Adj. des deux genres. Il ne se
met (pi'après son subsl. : Les arts 7nécaniques.
— Un métier mécanique.
Mécamquf.me.nt. Adv. Il ne se met qu'ajjrès
le verbe : // a tracé cette figure mécanique-
ment.
Méchamment. Adv. On peut le moUre entre
ilEC
l'auxiliaire cl le verbe : H a fait cela mécham-
ment ; tous ces faits ont été méchampient in-
ventés.
Méchanceté. Subsl. f. Il n'a pas toute l'éten-
due de la significaliuii de l'adjectif méchant. Il
signilic ini(iuilé, malignité, malice: La méchan-
ceté d'une action ; une aclinn pleine de méchan-
ceté. On ne dit point In méchanceté d'uiipnëte,
ou d'un poème, d'un discours, ou d'un orateur.
— Quand méchanceté désigne le vjcc, il n'a
point de pluriel : Lu méchanceté de ces detue
hommes, el non pas les méchancetés. Mais quand
on parle des actions produites i)ar le vice, on
peut le rnetlre au pluriel : Il m'a fuit mille mé-
chancetés.
Méchant, MÉcuANTE. Adj. Il se met le plus sou-
vent avant son subsl. : Méchante terre, méchant
pays, méchant cheval, méchant livre, méchant
vers, méchant oi'ateur. — Méchant homme, mé-
chante femme, méchant esprit, méchante action.
— Méchante physionomie, mécltante viinc.
Yoyez Adjectif
Quoicjue méchant Cl mauvais soient presque
synonymes pour le sens, ils ne le sont pas pour
l'emploi, el ne se mènent pas iniliffcremmenl.
Méchant dil quelque chose de plus fort que
ynauvais. — On dil trouver viauvais, sentir
mauvais, on ne dil point trouver méchant, etc.;
on dit prendre en mauvaise part, el non pas en
méchante part. — Méchant s'emploie quelque-
fois sulislantivemenl : Les méchants, c'est im
méchant. Mauvais est toujours adjectif. — En
parlant des ouvrages d'e^itril, m<iuvais et mé-
chant ont des sens différents; l'un a rapport au
défaut de talent, l'autre a la malignité. L'ne
épigramme peut élre tout à la fois mauvaise el
méchante. Cependant méchant a (juclquefois le
sens de mauvais, quand il |)rccéde le subslantif.
Une méchante épigramme est une épigramme
sans sel et sans esprit, une épigramme méchante
csl une éjiigrainuie jilcine de traits malins et
|)lquanls. Dans d'autres occasions aus.si, mé-
chant a divers sens, suivant qu'il suit ou
qu'il i)récèdc S(jn substantif; méchant homme
a rapport aux actions; homme mécltant, aux
pensées et aux discours. L'un fait des méchan-
cciés, l'autre en pense el 2n dit. — Mécliant,
dans le premier sens, se met avant son subslantif
quand i! est seul ; mais quand il est joint aux
adverbes de quantité, on peut le mettre avant
ou après : C'est le plus mécliant homme, ou
l'homme le plus méchant que je connaisse ; c'est
vu fort méchant hum me , ou un homme fort
méchant. Avee le moins, extrèmeiiient, infini-
ment, et autres adverbes semblables, il se met
toujours après; C'est bien l'homme le moins
méchant, cl non pas le vioins méchant homme.
C'est un homme extrêmement méchant.
Mécompte. Subsl. m. Yauvcnargues a employé
ce mot dans un sens juste qui ne se trouve pas
dans les dictionnaires : Ce qui fait souvent le
mécomj)lc d'un écrivain, c'est qu'il croit retidre
les choses telles qu'il les aperçoit ou qu'il les
sent. [Maxime Vil, p. 515.)
MÉl;o^^AlssABLE. Adj. des deux genres. 11 ne
se met qu'après son subst. : Un humme mécon-
naissable. — Cet adjectif ne signifie pas simple-
ment, comme le dit l'Académie, (ju'on ne peut
reconnaître qu'aveo peine, mais il emporte avec
lui l'idée d'un changement dans la personne
même, soil en bien, soit en mal. On ne dil pas
d'un homme déguiàé en femme, (ju'ii est mé-
connaissable, mais qu'ii ncst pas reconnaissa-
IWEC
ôfe; on le dit d'une personne dont la maladie,
les chagrins, la croissance, la vieillesse, les grands
travaux, ont cliango les traits, la ligure, la taille,
etc. : Lu petite rérule l'a rendu incconiuiissnble.
Il il tellement grandi en deux ans, qu'il est
■mécdinnissahle pour ceux qui ne l'ont pas vu
depuis ce temps-là.
NitcoNNAissANCii. Subsl. 1". C'cst, dit l'Acadé-
niic, un manque de reconnaissance, de grati-
luilo; et elle dclinit l'ingratitude, un mani|ue
de reconnaissance pour un bienfait reçu. Sui-
vant l'Acadéuiic , Méconnaissance et ingrati-
tude signifieraient donc la mémo chose. Si
cela était, pounjuoi deux mots'.' Il est vrai
que le mot niéconnaissu7icc ii vieilli; maison le
regrette, et plusieurs i>crsonnes s'en servent en-
core. Il inditjue une nuance de moins que l'in-
gratitude. La méconnaissance peut être un effet
de r indifférence, de l'oubli ; l'ingratitude est
toujours la maniue d'un mauvais cœur.
Mécon.naissant, Méconnaissante. Adj. qui ne
se met qu'après son subt. : Il est méconnaissant.
Méconnaître. Y. a. de la 4° conj. Ce verbe
s'emploie très-bien dans le style noble :
Fier de son noiivean rang, ra'ose-t-il méconnattre ?
(Rac, Iphig., acl. m, se. il, 2.)
Mécontf.nt, Mécontente. Adj. (jui ne se met
qu'après son subst. : Un homme mécontent.
Elle est mécontente. — H y a de la différence
entre mécontent et malcnntent.
Ces deux mots ont rapport au déplaisir que
nous C[)rouvons lorsque quelque chose ne réus-
sit pas au gré de nos espérances ou de nos
désirs; mais mécontent ajoute au premier un
accessoire d'humeur, de dépif, de ressentiment
contre la caus" de ce déplaisir. — On est con-
tent de quelqu'un lorsiiu'il fait ou qu'il a fait
tout ce qu'on désirait qu'il fit. On est malcon-
tent lorsqu'il le fait d'une manière peu conforme
à nos vues, à nos désirs, par maladresse, par
incapacité, sans aucune mauvaise inlenlion. Un
maître est malcontent d'un domestique qui le
sert maladmitement; un m''ître est mécontent
d'un domestique qui le trompe, qui le vole, qui
lui manque de respect, (|ui fait \\y?.\ son service
par né-'ligc:ice ou par paresse. Nous sommes
maîcontents lorsque après avoir conçu un des-
sein, formé un plan, le succès ne répond par a
nos espérances, sans qu'il j ait de la faute cie
personne. Nous sommes mécontents des autres
ou de nous-mêmes , si c'est par la faute des
autres ou i>ar la nôtre. — On est malcontent
lorsqu'on n'a pas tout ce qu'on désire; on est
mécontent lorsqu'on n'éprouve pas , qu'on ne
reçoit pas ce qu'on croit dû, ce à quoi l'on croi'.
avoir quelque droit. T'n domestique est mal-
content d'un maître qui ne lui donne pas les gra-
tifications qu'il avait espérées; il en es', mécon-
tent s'il ne lui paie pas ses gages. —Mécontent
s'emploie subslaniivcmenl, mais seulement au
pluriel : Les mécontents. Ce mot s'emploie en
parlant de ceux (]ui croient qu'on n'a pas tenu
à leur égard la conduite qu'on était obligé de
tenir. [Dict. synonymique de Laveaux.)
Mécontentkmf.nt. Subst. m. L'Académie le
définit, déplaisir, manque de satisfaction. Ainsi,
d'après cette définition, on jtourrait dire qu'î/zic
personne a éprouvé vn grand mécontentement
de la maladie de son père, de la perte de son pro-
cès. Méconienteinent aloupurs rapport à quelque
personne qui en est ou qu'on croit en être la
MEF
4S8
cause. C'est un sentiment pénible produit parla
conduite que les autres ont tenue a noire égard,
ou par l'idée que nous nous sommes faite de
celle conduite Un enfant donne du inéconteti'
tement à ses parents ; j'ai bien du mécontente-
ment de rotre conduite, ^'oyez Mécontent.
Médaille, Médailler, INIédailliste, Médail-
lon. Dans ces quatre mots, on mouille les
deux /.
MÉDixiK. Subst. m. En parlant d'une femme
qui exerce la médecine, oi; ne dit ni une méde-
cine, ni une femme médecine, mais une femme
médecin, de même qu'on dit une femme au-
teur.
MÉDECINE. Subst. f. L'art de conserver la
santé et de guérir les maladies. En ce ^ens, il ne
se dit qu'au singulier. Dans le sens de potion,
breuvage, ou aiure remède qu'on prend par la
bouche" pour se purger, ce mot a un [iluricl :
l'rcndn; plusieurs médecines. L'Académie, ne
donnant pas plus d'exemples du pluriel dans celle
signifieatittn que dans la première, semble indi-
quer que ce mol ne se dit jamais qu'au sin-
gulier.
Médiat, Médiate. Adj. qui se met toujours
après son subst. Ou ne prononce jias le t au
masculin: Cause médiate , autorité médiate,
pouvoir médiat.
Média tement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Cette cause a agi viédiatement, et non
pas a médiatement agi.
Médiateur. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit médiatrice.
Médical, Médicale. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. — L'Académie n'indique point
le pluriel masculin de cet adjectif; mais M.
N. landais et .M. Lemaire sont d'avis que, puis-
([u'elle dit un ouvrage viédical, on peut dire
aussi des ouvrages médicaux.
Médicamenteux, Médica.mentecse. Adj. qui
se met toujours après son subsl. : Aliment médi-
camentcux.
Médicinal , Médicinale. Il ne se met jamais
qu'après son subst. : Herbe médicinale, plante
médicinale, potion médicinale. Dans les anciens
dictionnaires, on trouve médécinal. Médicinal
est généralement adopté aujourd'hui. Il n'a point
de masculin au pluriel.
Médiocre. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst.. et il y fait (juclquelois
très-bien, (]Uoi (ju'en dise Féraud : Une fortune
médiocre, une médiocre fortune ; un esprit mé-
diocre , une heovlé médiocre; une médiocre
beauté. Voyez .adjectif.
Médiocrement. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il a tra-
vaillé médiocrement , il n médiocrement tra-
vaillé. Quelquefois il se construit avec la pré-
position de : Il a médiocrement d'esprit.
Médire. V. n. et irrég. de la 4' conj. Il se
conjugue comme dire , si ce n'est à la seconde
personne du présent de l'indicatif, où l'on dit
vous médises, au lieu de vou.': médites. On dit
aussi inédisez à l' impératif.
Médisant, Médis.ante. Adj. Il ne se met qu a-
près son sui)St. : Un homme médisant, une
femme médisante.
Méditatif, Méditative. Adj. On ne le met
qu'après son subst. : Esprit méditatif
Médullaire. Adj. des deux genres. On pro-
nonce les deux l sans les mouiller. On ne le met
qu'après son subsl.
INlÉFAiRE. \. n. et défectueux de la 4* cow-
160
MÊL
Il n'esl usité «]u'à l'infinilif wéfuire, et au par-
ticipe passe iiiêfuit, cl proiul l'auxiliaire avoir.
Ce nicil ii'ol plus aiimis clans le style iiublo, il l'est
seulement ilans le style comique on f.iniilicr.
Mkfait. Siibst. ui. Ce mol n'esl plus aJmis
dans le siylc noble ; il ne l'est que dans le style
comique ou familier :
De ses méfaitt\e Tenx savoir le Til.
(Volt., Enf.prod,, ad. Y, se. Ill, 6.)
Méfiant, Méfiante. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un homme méfiant, un esprit
méfiant.
Mkfikr (se). V. pronom, de la l" conj. On
confond (lucliiucfois se imfier cl <c défier, (pioi-
que ces deux verbes oflrcnl des sens assez dif-
férents.
On se méfie de quelqu'un par suite d'un ca-
racti-rc nu'fuint, et (pioiqu'on n'ait aucune raison
particulière qui puisse juslilicr la méfiance. On
se défie de (pn'lqu'uii parce (pi'on a des raisons
parliculièrcs de douierdcla probité, delà sin-
cérité de (juclqu'un. — Se méfier de ([uelqu'un
n'attaque jias aussi direclcmenl la perscnne <]ue
se défier de quelqu'un. Le premier ne suppose
que le caiacièrc méfiant de celui qui se méfie ;
le second indique (iiicli]ue soupçon, quelque opi-
Dion désavaniagcusc à lelui dont on se défie.
(Lavcaux, Dict. synonymiquc.)
Mf.illedr, Meh.lf.cre. Adj. C'est le compa-
ratif de bon : Ce vin-hi est hou, mais celui-ci est
encore meilleur. Celle étoffe est meilleure que
l'autre. — Le siipei latif de meilleur est le meil-
leur. 11 se met toujours avant son subst. : C'est
le nieilleur fruit, ei nnii pas le fruit le meilleur.
Suivi d'un verbe, il demande le subjonctif: C'est
le 7rtcilleur homme qui soit au iiivnde.
Mélancolique. Adj. des deux genres : Un
homme mélancolique, une femme mélancolique ;
humeur mélancolique, affection mélancolique,
tempérament viélancolique. — Entretien mé-
lancolique. On peut le meure avant son subst.,
en consultant l'oreille cl l'analogie : Cette mé-
lancolique humeur, ce inéluncolique entretien.
Voyez Adjectif.
Mélancoliquement. Adv. 11 ne se met guère
qu'après le verbe : Nous avons passé quelques
jours lieu mélancoliquement.
Mélange. Subst. m. L'Académie le définit, ce
qui résulte de plusieurs choses mêlées ensemble.
-^ On ne sait trop comment appli(juer cette dé-
finition à ce terme, dans les vers suivants :
Tandis que vous vivrez, le sort, qui toujours cliange,
Ne vous a point promis un bonheur sans mélange.
Kac, Iphig., acl. I, se. i, 53.)
Selon l'Académie, cela voudrait dire, le sort ne
vous a point promis un bonheur, sans ce qui
résulte de plusieurs choses mêlées ensemble;
mais cela n a aucun sens. — L'Académie aurait
dû dire que mélange se dit aussi d'une chose
accidentelle qui est ou peut cire iiiélec à une
chose principale; et l'on aurait pu appliquer
celte définition aux vers de Racine.
MÉLANGEn. V. a. de la V conj. Dans ce verbe,
g doit toujours se prononcer coinmey,- et pour
lui Conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi dun a ou d'un o, on met un c muet avant
cet a ou cet o: Je mélangeais, mélangeons, et
Cion \):\s je mélungais, mélangons.
Mêleb. V. a. de la l" conj. Dans le sens pro-
MÊL
pre , il signifie, brouiller ensenoblc plusieurs
choses, cl dans ce cas, il se construit avee la
préj)OSition arec : Mêler de l'eau avec du tin,
et non pas mêler de l'eau à du rin. — Dans le
sens ligure, il sigiiilie joindre, unir une chose a
une autre, et alors il régit la préposition à :
Mêler la douceur à la sévérité, mêler l'agréable
à l'utile.
Et mêle, en se vantant soi-mime à tout propos.
Les louanges d'un fat d celles d'un héros.
(BuiL., D:te. au roi, 23.)
MÉLODIE. Subst. f. L'Académie dit que mé-
lodie est opposé à harmonie, en cc (jue mélo-
die ne signifie que l'heureux arrangement des
sons qu'on entend successivomenldans un même
air chanté par une même personne, ou joué sur
un même instnimeiil ; au lieu tiw' harmonie si-
gnifie l'accord de plusieurs iiarties que l'on en-
tend en même teuips. — D'après celte distinc-
tion, F^iraud iiréleiid (lu'oii doit dire la mélodie,
et non pas l'harmonie du langage, du dis-
cours.
Nous avons déjà remarqué au mol Harmonie
que cc <iue nous ai)pcl(ins harmonie dans le dis-
cours, devrait s'appeler plus ])ropreiiient mé-
lodie ; mais qu'ayant emprunté ce mot des an-
ciens, qui entendaient par harmonie ce (juc nous
entendons aujourd'hui par mélodie, nous avons
conservé l'idée (pi'ils y attachaient en parlant
du discours et du langage; et nous n'avons em-
ployé le nom de mélodie qu'en parlant de mu-
sique. Ce serait donc contre l'usage et la raison
qu'on voudrait établir aujourd'hui qu'il faut
toujours dire la mélodie du style, la mélodie du
discours, au lieu de l'harmonie. Nous ne pré-
tendons pas cependant qu'on ne puisse jias dire
lu mélodie du style, (piaiid on veut signifier
seulement par ce mol la partie de l'harmonie qui
consiste uniquement dans l'accord successif des
tons, et respcce de mélodie musicale qui en
résulle, abstraction faite de l'harmonie du style
avec le sujet, et avec l'objet de la pensée. On
pourra dire en ce sens la mélodie d'une phrase ,
la mélodie du discours; mais on ne dira pas la
mélodie imitative ; lu mélodie du style arec le
sujet, etc. Voyez Harmonie.
C'est d'après celle distinction fondée sur l'é-
tymologic, l'usage et l,i raison, (pie le mot iné-
lodie oratitii' est expli(iué dans le Dictionnaire
cncyclopédiq ue .
«La mélodie, y est-il dit, est l'accord successif
des sons dont il n'existe a la lois ([u'une partie,
mais une partie lice par ses rajjports avec les
sons qui précèdent et qui suivent, comme dans
le chant musical, où les sons sont placés à des
intervalles aisés à saisir.
n La mélodie du discours consiste dans la ma-
nière dont les sons simples ou composés sont
assortis et liés entre eux iiour former des syl-
labes, dans la manière dont les syllabes sont
liées entre elles pour former un mot, les motj
entre eux pour former un membre de période
ainsi de suite.
« Toutes les langues sont formées de voyelles,
de consonnes et de diphthnngues, qui sont des
combinaisons de voyelles seuleiiicnt. On a fait
ensuite les syllabes, qui sont des combinaisons
de voyelles avec les consonnes. De ces combi-
naisons primordiales du langage, les i)euplesont
formé leurs mots, qu'ils ont figure au gré de
certaines lois que l'usage, l'habitude, l'exemple.
MEM
le besoin, Tari, l'inrinçinnlion, les occasions, le
hasarJ, ont jntn/duilcs chez eux. C'est ainsi que
<lo sepi niilos. les musiciens ont coini)osé non-
souleuienl dilTcreiiis airs. m;iisdi(Tcrcnlcs espèces,
diffcrcnis genres de nuisique.
« Ceux qui ont tiailé de la niclodie nous di-
sent que les lelircs doivent se joindre entre clle^
d'une manière ai>éo , qu'il l'aut éviter le con-
I ours imp frciiuent des voyelles, [larce qu'elles
;endent le discours mou et llollant; celui des
consonnes, parce (lu'cllcs le rendent dur et sca-
breux ; Ii; grand nomlire des inonosylldbcs, i)arce
qu'ils lui oient la consistance; celui des mots
longs, parce (ju'ils le rendent lâche et trainant. 11
faut varier les chutes, éviter les rimes, niellro
d'abord les plus peliles phrases, ensuite les
ijrandes. Enlin, il faut, dit-on, que les consonnes
et les voyclle> soient tellement mêlées et assor-
ties, qu'elles se donnent par retour les unes aux
autres la consistance ri la douceur; que les con-
sonnes appuient, soutiennent les voyelles; et
ijue les voyelles, à leur tour, lient et polissent
les consomies. Mais tous ces i>réceples deman-
dent une oreille l'aile à l'harmonie. Us ne doivent
pas être toujours observés avec bien du scrupule;
c'est au goût a en décider. 11 suffit presque (lue
le goùl soit averti (ju'il y a lànlessus des lois gé-
nérales , alin ([u'il soit' plus attentif sur lui-
même. «
.MÉLODiEcsEMENT. Ailv. 11 sc mct aprcs le
verbe: Le rossigiml chante iimhidieuscment.
Mélodieux , INIélodielse. Adj. On peut le
mettre avanl son sul)St., en consultant l'analogie
et l'harmonie : Chant mélodieux , voix mélo-
dieuse; des accents mélodieux, de viélodieux
accents. ^ oyez Adjectif.
Mesibiie. Subsl. ni. \oycz Phiase cl Périnde.
MÊME. Ce mot peut être considéré ou comme
pronom, ou cnmiuo adjectif. Quand même est
pronom, il est ucs deux genres, et prend un s au
pluriel; il signilie identité , c'est-à-dire que la
personne ou la chose dont on parle n'est autre
que celle dont il a déjà été question, comme
quand ou dit en parlant des personnes le même
m'est venu voir, les mêmes m'ont parlé ; et en
jtarlani d'une affaire, je travaille toujours à la
même.
Considéré comme adjectif, 7nême exprime iden-
tité ou parité. On le recomiait lorsqu'on peut le
l'aire précéder de l'un des [ironoms personnels
lui, elle, eux, elles, nous, vous. Il s'accorde tou-
jours en genre et en nombre avec le nom ou le
pronom auquel il se iai>porle, et il a trois usages
din'érenis:
l" Même se met souveul immédiatement après
lessubstanlifselapresla i)lu|iart des pronoms, pour
leur doimcr jilus de force et d'énergie, comme
dans les exemples su i van Is : Les bienfaits mêmes
veulent être ussuisannés par des manières obli-
geantes. Les rochers mêmes sont sensibles à de
touchants accords (Grcssel, Z)wc. sur Churmonie,
\'^ pari.) Les criminels condamnés aux peines
du l'artare n'ont pus besoin d'autres châtiments
de leurs fuutesquelcurs fautes mêmes, (l'éncloii.)
Les grands ne seoibleiit nés que pour ev.r-Uli''-
mcs. (Massillon. Petit Carême. Sur les obstacles
que la vérité trouve dans le cœur des grands,
2' pan , t. I, p. 6J4.) Ceux qui se plaignent de
la fortune n'ont souvent à se plaindre qvcd'eux-
mcmes. (Volt., Siècle de Louis XIV, au mol
Cassa ndre.)
2° Même a quelquefois la signification d'i-
dentité, comme dans ces exemples : C'est le
MÊM
461
même soleil qui éclaire touter les nattons de la
terre. (Reslaut.) Les mémos manières qui siéent
bien quand elles sont naturelles, rendent ridi-
cule quand elles sont affectées. (De Wailly.)
Dans ce sens, il se place avant le subslanlif.
3" Même signilie encore parité, c'est-à-dire
que la iiersonne ou la chose dont on parle est
égale ou semblable à une autre. Dans ce cas,
même peut se tourner par l'adjectif <^f(/ ou sem-
blable, comme dans la phrase sui\anle: Chose
digne d'udmiratinn, dans l'immense quantité
d hommes qui peuplent lu terre, on n'en trouve
pas deux ayant même visitqe, mêmes traits.
(Reslaut.)
On a pu remarq\ier dans les exemples précé-
dents que même, dans chacune de ces significa-
tions, prend le genre et le nombre; mais quand
même est précédé du pronom vous, et (pie ce
pronom se rapporte à un seul individu, même ne
prend point de pluriel, comme dans :
Vous-mrfmo où seriei-vous, vous qui la combattez,
Si toujours Antiope, à ses lois o|iposée.
D'une pudique ardeur n'eût lirûlc pour Tliésco?
(lUc, Phed., ad. 1, se. I, 124.)
Vou.'! seul pouvez parler di'^nemenl de Tous-m^m»
(Volt., iienr., l, 374.)
Même est adverbe quand il est employé dans
la signification à'aussi, plus, encore, et qu'il
peul, sans que le sens de la phrase soit alléré, se
transposer, c'est-à-dire être mis indilïércmment
avant ou après le substantif ou le pronom, en y
joignant la conjonction et. On dira donc :
J'enlèverais ma femme à ce temple, \ vos bras;
Aux dieux même, à nos dieux, s'ils ne m'exauçaient pas.
(Volt., Olympie, ad. lit, se. ui, 9G.)
Les animaux, les plantes même étaient au nom-
bre dei) diri^ntés egupiLûunes. fDe Waillv.^ Sans
altérer le sens de la phrase, ou [wurrau di-'e f en-
lèverais ma femme à ce temple, à vos bras, et
même aux dieux. Les animaux et même les
plantes, etc. Dans, les libertins, les impies
même tremblent à lu vue de la mort, il faut écrire
inêute sans s, parce (ju'on peut dire, sans altérer
le sens de la phrase, les libertins et même les
impies tremblent à lu vue de la mort. Mais dans,
les impies mêmes tremblent à lu vue de lu mort,
il faut écrire mêmes avec un s, parce (pion peut
dire les impies e«.r-mèmes tremblent à la vue de
la mort. Racine a dit:
Ces murs mémca, seit'neur, peuvent avoir des yeux...
[Urilann., ad. II, se. VI, 21.
Lsi Grecs mêmes sont las de servir sa colère.
C'est Hippocrate qui voulut que .tes erreurs
mêmes fussent des leçons. (Bailliéloiny.) Les
dieux eux-méme^ devinrent jalnu.v des bergers.
(l'énel., Télém., liv. Il, t. i, ]>. dU7.)
Quant au mot même mis à la suite d'un verbe,
il n'y a aucun doute qu'on ne doive le regarder
comme adverbe, et par consécpieni l'écrire sans
s, puisqu'on peut sans difliculie le transposer et
le faire précéder de la conjonction et. On écrira
donc, nous ne devons pas fréquenter les impies,
nous devons les éviter même comme des pestes
publiques. (De Wailly.)
71/(?'//c s'emploie souvent à la suite, non-seule-
ment des pronoms personnels, mais aussi des ad-
jectifs démonstralils: Cela, cela même; celui-ci,
celui-là même. les [>^r.'n^vf?s [HT'-.v^/jels qui pren-
nent îiiême à leur suite sont, toi, moi, lui, elle,
462
MEN
vous, niius, eux, elles. Moi-même, loi même, elc
11 suil ;ilors le nombre aui|iic! ces i)roii(ims sont
Cini'liiyi'S : cous- même liU singulioi', x-ous-mèmes
au plnriol, eua-mêmes, olc. les poiites prenaient
autrefois la lii-ence, laiilôl de mcllre un s au sin-
gulier, pour çat'ner une syllabe; laniol de le re-
trancher au |iluriol, parce iju'il y avail une syl-
labe (le trop. Celle licence ne se pardonnerait i)as
auj-iurvlliiii.
Soi-même, lui-même, ont des sens diffcrcnls :
Se sauver, se perdre soi-même, c'est sauver ou
perdre in propre personne. Il s'est sauvé lui-
même, c'esl-à (lire sans le secours d'aulrui. Il
s'est perdu lui- même, c'est-à-dirc par sa faute.
// se loue lui-même, c'est-à-dire lui se loue, et
les autres peul-éirc ne le louent jjas. // se loue
iok mht,(s^ c'ctiv .\ dirt. i. loui m i'rotir» personne
et non i)as celle d'un autre. On vuii ijuc lui-même
est sujet de la phrase, et que soi-même est em-
ployé comme réirimc.
De -même que fait l'office d'une conjonction.
Lors(]u'il y a dans une phrase deux membres de
comparais(jn, et (ju'on met de même que au com-
mencement du premier, on met aussi ordinaire-
ment de rnême au commencement du second : De
même que la cire molle reçoit uisément toutes
sortes d'cmprei/ites et de figures, de même un
jeune homme reçoit facilement toutes les impres-
sions qu'on veut lui donner. (Acad.)
A MÊME. Adv. On l'a dit autrefois pour en
môme temps : A même que la prière fut faite,
l'orage fut apaisé. Oucl'iuefois, dit Thomas Cor-
neille, on l'emploie a un autre usiige (jui n'est pas
reçu par ceux <iui parient correclement; c'est
quand on dit, boire à même la bouteille. Celte
expression est souvent cmidoyce dans le langage
famdier. Avant de condamner celte cxi)ressioa
familière, que l'un peut regarder conmie une es-
père de gallicisme, je demanderais a Thomas
Corneille par ipielle autre expression il pourrait
la reinjilaier.
L'Académie dit mettre à même, être à même,
laisser à même, pour mettre, être, laisser à por-
tée, en toute lilicrlé. Ces cxiircssions sonl l'aini-
licres, el peuvent eue regardées aussi comme
des gallicismes. 11 serait difficile de les rcin[tlaccr
exactenicni par d'autres exi)ressions.
* Mkiieté. Subsl f. Le mot scientifique ù/r//-
tilé ne signifie <iue même chose. 11 pourrait élre
rendu en français par mêmeté. (Volt.) Ce mot
n'est pas adiipté.
MKMoir.E. i)ui)Sl. f. L'Académie ne leditpoinl
dans le sous où Voltaire l'emploie dans les vers
suivants :
Muii esprit, peu jaloux de Tivre en la mémoire.
Ne considère poiiil le reproche ou U gloirs.
(Unrt de Céêar, act. Itl, «c. Il, 110.)
Qae ne puis-je plutôt ravir .\ la mémoire
Les crudlâ monumenti de cm afTreiix succès !
(VotT., Iltnr., m, 220.)
Mémorable. Adj. des deux genres. Il se dit
des choses qui sont dignes île mémoire, el peut
se meure avant son subst., en cousullanl l'oreille
et l'analogie : Action mémnruble, cluise mémora-
ble, journée mémorable, fait mémorable. Cette
mémorable action, cette mémorable jcurnée, etc.
Menaçant, Mknaçante.- Adj. verbal tiré du v.
menacer. Vn prose, il ne se met (lu'aiirés son
subsl. : Un visage menaçant, un air menaçant,
des paroles menaçantes.
MEN
Menacer. "V. a. de la 1" ronj. Racine l'a em-
ployé dans des acceptions très-diverses qui n'ont
pas été toutes recueillies par l'Académie:
Nous menaçioni de loin Icj rivages de Troie.
(^Iphig., act. I, se. I, 46.)
Le bras déjà levé menaçait mes refus.
[Idem, act. I, se. 1, S8.;
Songez-yous aux roalbeurs qui nnus menacent tous?
\Idem, act. I, sc,!l, 23.)
MÉNAGER. V. a. de la \'* eonj. 'Dans ce verbe,
le^r doit toujours se prononcer comme \\n j ; et
[wur lui conserver cette prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un n, on met un e muet
avai< ce' a oi: cet o: Je ménageais, ménageons.
et non pasjV menaçais, menaçons.
Ménager, Ménagkre. Adj. qui s'emploie quel-
quefois substantivement. Il ne se met guère qu'a-
près son subst. : Un homme ménager, une femme
ménagère.
Au figuré, cet adjectif prend pour régime la
préposition de :
Le sage est ménager du temps et des paroles,
(La FoMTAiMB, liT. VIII, fable xivi, 36.
Mendier. Y. a. de la 1" conj. Ce verbe, au fi-
guré, s'emploie dans le style noble :
J'ai mendie la mort chez des peuples cruels.
(RaC, Àndrom., act. II, .«c. il, 15.)
Je pourrais, il est vrai, tncniiirr «on .5;-;iui,
Et son premier cscUve, élre lyran suus lui
(Volt., Brut., act. II, se. ii, 77. i
Mener. V. a. de la 1" conj. Corneille a dit
dans Pohjeucte (act. V, se. vi, 45) :
Us mènent une vie avec laiit d'innocence.
Voltaire a dit au sujet de ce vers, on mène une
vie innocente, el non pas avec innocence.
Mensonge. Subsl. m. Voyez Menterie.
Mensonger, Mensongiore. Adj. Cet adj, se dit
bien dans le siyle noble, cl peut être mis avant
son sub^t., lorsiiue l'analogie cl l'harmonie le
permetlcnt : Discours mensongers, plaisirs men-
songers. Ces mensongères protestations. Voyez
Adjectif — La Bruyère met mensonger au nombre
des mois qu'il regrette : c'est une preuve que de
son temps il était déjà vieux, 11 a repris faveur,
cl l'on s'en sert aujourd'hui non-seulement dans
la haute poésie, mais dans le discours soutenu.
Mental, Mentale. Adj. Qui s'exécute avec
renleiidemcnt. C'est l'opposé de veriial. Cet ad-
jectif n'a point de masculin au pliuicl. 11 ne se
met t|u'après son subst.
Menterie. Subsl. f. Il n'est que du discours fa-
milier. Menterie ne signifie pas la même chose
que mensonge. La menterie esi une simple faus-
seté avancée dansTinlenlion de trom|)er; le men-
simge est une fausseté combinée de manière à sé-
duiie, à abuser : Les enfants préludent aux
mensonges /jar des mcnteries. Le fourbe fait des
mensonges, le bavard dit des menteries.
Menti;lr, Menteuse. Adj. qui se prend aussi
subslanlivcmcnl. Il ne se met qu'après son subsl. :
Un liomme menteur, une femme menteuse.
Mentir, V. n. el irrégulier de la 2 conj. Il se
conjugue c(nnine sentir. Voyez Im'gulier, On
dit quelquefois foMs en avez menti; mais cette
MER
expression n'est admise que dans les temps com- I
I)Osés. On ne dit pas vous en mentez.
Mentir ne lient être cmiiloyc qu'avec précau- ^
lion dans le style noble. On a relevé avec raison i
les expressions' suivantes, comme prosaïques et '
trop familières: I
... Je ïiivis tremblante, à ne vous point mentir.
'^Rac, Phid., acl. IV, se. VI, 2.)
Il ne faut point mentir, ma juste impitienca
Voas accusait déjà Je quelque iiéijligence.
^UAC., Bérén., acl. I, se. IT, 5.)
Fcraud prétend (pic mentir se dit figui'émenl
des choses, et il donne pour exemple, j'iiv(ùs
Vœilvif, qui unn"iiçuit un peu d'esprit, et qui ne
mentait pas ti.tulemcnt. Cette plirase est très-
mauvaise. On dit bien avoir une mine menteuse,
une physionomie menteuse; mais on ne dit pas
sa pliysionoJHte ment, sa mine ment, son œil
ment.
Menu, ]Memje. Adj. des deux genres : Un hom-
me menu, une femme menue, vue corde menue.
— 11 y a des cas où on ne peut le mettre (pi'avant
son subst. : Menue monnaie, menues sommes,
menus frais, menus plaisirs, menus grains, me-
nus droits, menu plomb, menu rôt. Voyez Ad-
jectif.
MÉPHITIQUE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : f^apeur méphitique, air
viéphitique.
* Méi>i-acer. V. a. de la 1" conj. Ce mot, dit
La Harpe, doit être adopté, parce qu'il est clair,
qu'ilaiinoaccoiitioiiqninous manque, et que inul
placer ne ronilrait pas. Mrplticcr signilicrait ne
pas placer selon les conven;nces, et il y a un
grand avaniaiie a dire tout cela d'un seul mot. Je
suppose, par exomiile, qu'une femme laide s'in-
troduisit dans une cérémonie où il faudrait que
de jolies femmes représentassent , on pourrait
dire, vrilù une. feinnic méphirée ; ce que ne dirait
pas aussi bien mal placce ou déplacée, parce
que ces mots ont plusieurs sens. — Nous sommes
de l'avis de l.a Harpe.
MÉPRIS. Siiiist. m. Qnantl il se dit du senti-
ment, il n'a point de pluriel. On dit à plusieurs
comme à un scid, je ne mérite pas votre mépris,
et non pas rn.9 nupri.';. — (Juand il signilie té-
moignage lie inc[;ris, il prend un pluriel : Je ne
puis souffrir vos mépris.
Méprisable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant s^n suhst., en consiilianl l'oreille et
l'analogie : Un humme méprisable, vue femme
méprisable. — Cette méprisable action, cette
méprisable conduite. Voyez Conteuiplible.
MÉPRISANT, MÉpRisvNTE. Adj. vcrbal. 11 ne
peut guère se mettre qu'après son subst. Il ne se
dit point des personnes, mais des choses (pii ont
rapport aux [lersonnes. On ne dit pas un homme
méprisant , une femme méprisante, mais un
geste méprisant, un ton méprisant, des manières
méprisantes, un air méprisant. — Dans la der-
nière édition de son dictionnaire, l'Académie le
dit des personnes.
MÉPRistR. \. a. de la 1'" conj. Voyez Bé-
priser.
Mer. Subst. f. Fénelon a dit Je demandai à
Narbal comment les Tyri^ns tétaient rendus si
puissants sur la mer {Télém., liv. III, 1. 1, 138^.
On peut dire sur mer ou sur la mer; l'une et
l'autre expression est française, mais on emploie
la première lorsque le mot mer est pris dans un
.MES 403
sens vague et indéfini, et la seconde quand on
veut lui donner un sens défini.
Mer basse et ia.f.se mer ne signifient pas tout
à fait la mèine chose. La mer est basse en cet
<';i</ro«7, c'est-à-dire il n'y a pas beaucoup d'CaU.
La basse mer, c'est la mer vers la lin de son re-
flux. On appelle pleine mer ou haute mer, la
mer éloignée des rivages. Il semble que hatte
mer indique un eloignemcnt plus considérable.
AIehcantile. Atlj. des deux genres, qui ne se
met cpi'aprés son subst. : Contrat mercuntiic,
profession mercantile, esprit mercantile. Ce'. te
dernière locution ne se prend qu'en mauvaise pan.
Mercenaire. .\dj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst. : Travail mcrccnuin-,
un homme mercenaire , une âme mercenaire.
Des troupes mercenaires. Si ce mot est pris
comme une modification de l'âme, il signifie un
caractère inspiré par an intérêt sordide C'est
dans le même sens qu'on dit des actions, des
discours, des amitiés, des amours merce-
naires.
Mercenairement, Adv. On ne le met point
entre l'auxiliaire et le participe: Il a agi merce-
nairement.
Merci. Subst. f. (jui n'a point de pluriel.
Méridional, Méridionale. Adj. qui ne se met
qu'après son sub>t. : Pays méridional, peuples
méridionaux, cadran rnéridional.
Merveille. Subst. f. On mouille les l. Il ne
faut pas confondre faire inervcille, où ce mot est
employé indéfiniment et sans article, et faire
des merveilles, où il s'emploie avec l'article.
L'un signifie /"«ire très-bien, faire y est neutre,
et il ne se dit que des choses. L'autre signifie
faire des choses merveilleuses , le verbe faire
y est actif, et il ne se dit que des personnes :
Cette figure fait merveille dans ce discours;
cet orateur a fait aujourd'hui des merveilles. —
Dans le iliscours familier, on dit qucliuefois
faire merveilles, dans ce dernier sens, on par-
lant des personnes, et en supprimant l'article et
mettant merveilles au pluriel. L'Académie met
sans remarque: // fil des merveilles ce jour-là.
Mais faire des merveilles ne se dit jamais des
choses. — L'Académie, dans sa dernière édition,
écrit faire merveilles, et n'admet point faire
merveille en donn.int au verbe un sens neutre.
Aussi n'eniiiloie-t-elle cette locution qu'en parlant
des personnes.
Merveilleusement. Adv. On mouille les l. On
peut quchpiefois le mettre entre l'auxiliaire et le
participe : Il a travaillé merveilleusement, OU il
a mcrveilleu sèment travaillé. Cet ouvrage est
merveilleusement fait, ou est fait merveilleu-
sement.
Merveilleux, Merveilleuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un homme merveilleux,
c'est une chose merveilleuse, c'est U7ie mer-
veilleuse chose que... — Ironiquement, roî/,ç«?/t«
un merveilleux homme.
Merveilleux est un de ces mots que l'on em-
ploie souvent par exagérati(m. Pour certaines
gens, et surtout pour certaines femme*, tout est
merveilleux, ou tout est affreux. Celte exagéra-
tion est un riilicule pour les gens sensés.
Mes. 'V'oyez Mon.
MÉsANCE. Subst. f. Trévoux le marque mas-
culin et féminin. Ou ne le fait que féminin : Ujte
mésange.
MÉSESTIMER. V. a. de la l'^conj. Il dit moins
que mépriser. Mésestimer, en [larlant des choses,
46-i
MET
se prend toujours en mauvaise part, et signifie
app.vcicr les i hoscs au-ilcbsous de leur ju^le va-
lei:r. AJcil esiimir se dit, soit en bien, soil en
rn;il, ei c est csiiincr ou au-dessus ou au-dessous
de la jiîsic valeur.
* >iÉsiMrr.i'BÉTER. V. a. de la J" coiij. Ce
mot, ijue l'ou ne trouve point dims le Diction-
naire de l'^hadéiine, a clé employé p;ir J.-J.
Eousseau. H si^nilic inlcr|)réler delavoiablomcnt :
Je ne suis pus si prompt que rous à iiicsiiiter-
pri'ter les inulifs de mes amis. (J.-J. Roussea"!.)
•MÉsoFmiR. V. a. et irrcg. delà 2"" Lujnj. Il se
conjugue couime ouvrir. \ oyez IrréguUer.
Mesquin, .Mesqui>r. Adj. (fui ne se met qu'a-
près sou subsl. : Un homme mesquin, vue femme
mesquine. — Un air mesquin, une dépense mes-
quine.
Mesquinement. Adv. On pe.il quelquefois le
mcllieeiiire l'auxiliaire ei le parlicqic : Il nous
a traitis mestjuinemcnt, il ?i/us a mesquinement
traités.
Messé.vnt, Messéante. Adj. qui ne se met
qu'après son subsl. : Une chose messéante.
Messeomi. V. n. de la 3« conj. Ce verbe, qui
signilie ne pas convenir, ne pas éirc séanl, n'est
plus d'usaij'e à l'inlinitif, cl s'emploie aux mêmes
temps que seoir dans le sens d'élre conve-
nable.
Mesdue. Subsl. f. On dit rompre les viesures
de quelqu'un, il a rompu toutes mes mesures,
c'esl-à due il a rendu inuliliîs tous mes projets.
On joint aussi ii celle expression la prcposiliou
avec: Les /''^audois, quoiq uc condu mnés , n'acuient
pas encore rompu toutes mesures avec l'Eglise
romaine. [boS^i. , JJist. des variations des églises
protestantes, liv. Al, § 7S.) La Bruyère a dit
être jetés hors des mesures : L'on est né
quelquefois avec des mœurs faciles, de la
complaisance et tout le désir de plaire ;
mais par les traitements de ceux arec qui l'on
vil ou de qui l'on dépend, on est jelé hors de
ses mesures, et même de si>n natuntl.
A mesure que, expression conjonctive qui régit
l'indicalil' : A mesure que l'un avançait, l'autre
reculait. — L'Académie dit qu'on le mcl aussi
quelquefois absolument sans que, et qu'alors on
le met toujours à la fin de la plira-^e : Travaillez,
et l'on vous paiera à mesure. — Elle donne aussi
maintenant l'expression à mesure de, dont (jucl-
ques bons auteurs se sont servis: L'Allemagne
est la seule puissance qui se fortifie à mesure
de sesper/es. (Montes(]uieu.) Les Romains aug-
mentaient toujours leurs prétentions à mesure
de leurs défaites. (Munlcsiiuieu, Grandeur et
décad. des /{uni. ,ch. i.j J.-J. Rousseau A liii deve-
nant de jour en jour plus puissant, il devenait
plus odieux en même mesure.
Méslser. V. n. de la 1^' conj. Il dit moins
qu'abuser. On mésuse de la chose qu'on em-
ploie mal, on abuse de la chose qu'on emploie
à faire du vud.
* MÉTAiL. Subsl. m. Voyez Métal.
Métal. Subst. m. 11 fait au pluriel métaux.
Les noms des métaux et des aromates ne s'em-
ploienl point au jiluriel, i)arce qu'ils désignent
comme iniliviiluelle la masse de chacun de ces
métaux et de ces aromates. Leur nom est. à la
vériié, celui d une cs|>èce, mais d'une espèce con-
sidérée individuellement , et (pii ne renferme
point d'individus distincts. En eflet, quand on
les considère comme mis en œuvre, divises en
plusieurs parties, et qu'on y distingue do,> qua-
lités qui permettent de les ranger dansdifférenies
MET
classes, alors ils |)rcnnent un |iluricl, et le noir
devient un nom commun ou appcllat if: Des cuivres
de différentes couleurs, lesplombs d'un bâtiment.
Métal, Mitnil. Il ne fiut pas confondre ces
deux substantifs. 1 e premier se dit d'un corps
minéral qui se forme dans les entrailles tle la
terre, cl (pii csl fusible et iniiKéable. l.e second
est une conqujsiliun de métaux, ou un mélange
de métaux, avec ce qu'on appelle des demi-
inélaux. L'or est un métal, te sirnilor un mé-
tuil. L'Académie a omis ce mol, que l'on trouve
dans Buffon et dans d'autres lioii-> auteurs.
MÊiALKi'SE. Subst. f. C'est une ligure parla- .
quelle on explique ce qui suii |tuur f;iire enten-
dre ce qui précède, ou ce ijui piéccde pour faire
entendre ce qui suit; c'est-a-dire une espèce de
méionyinie où l'on prend l'aniéccdent pour l-
conséquent, ou le conséiiuent pour l'anlécé-
dciit.
On croit avant que de parler; ^'e crois, dH\c
prophète, et c'est pour cela que je parle. Il n'y
a point là de méialepse; mais il y a une méla-
lepse (juand on se sert de parler ou de dire pour
signifier croire : Direz-rous après cela que je ne
suis pus de vos amis? c'esl-a-dire croirez-vous^
aurcz-vous sujet de croire?
On rapporte de même à la mélalepsc ces façons
de parler : Il oublie les bienfuits, c'est-à-dire il
n'est jias reconnaissant. Som-enez-vous de notre
convention, c'csl-à-dire observez notre conven-
tion Seigneur, ne vous ressouvenez point de nos
fautes, cest-à-dire ne nous en punissez point,
accordez-nous-cn le panlon. Je ne vous connais
pas, c'esl-à-dire je ne lais aucun cas de vous, je
vous méprise, vous clés à jnon égard comme
n'étant point. — Il a été, il a vécu, veut dire
souvent, il est mort; c'est l'antécédent pour le
conséquent.
. . . C'eu est fait, madame, et j'ai vteu ;
(lUc, ^ithr., act. V, se. ▼, 52.)
c'est-à-dire, je me meurs.
La métalcpse se fait lorsqu'on passe, comme
par degrés, d'une signification à une autre. Par
exemple, les poètes prennent les hivers, les étés,
les moissons, les automnes, et tout ce qui n'arrive
qu'une fois en une année pour l'année même.
Nous disons dans le discours ordinaire, c'est un
vin de quatre feuilles, pour dire c'est un vin de
quatre ans; et, en termes d'eaux et forcis, on dit
bois de quatre feuilles, pour dire bois de quatre
années.
Ainsi le nom des différentes opérations de l'a-
griculiure se prend pour le temjis de ces opéra-
tions, c'est le consé(iuenl pour l'antécédent. La
moisson se prend pour le leiufts de la moisson ;
lu vendange |>our le temps de la vendange. // est
murt pendant la moisson, c'esl-a'dire dans le
temps de la moisson. La moisson se fait ordinai-
rement dans le mois d'août ; ainsi, par métonymie
ou méUilepse, on appelle la moisson [août, qu'on
prononce Voût; alors le temps dans lequel une
chose se fait se prend pour la chose même,
et toujours à cause de la liaison que les idées
accessoires ont entre elles. (Extrait de Dumar-
sais.)
Métallique. Adj. des deux genres, qui ne se
metiju'aprésson subst. : Corps métallique, partie
métallique, couleur métallique. — Science ?iié-
tullique, histoire métultique.
Métaphore. Subst. f. C'est, dit DumarsaiSj
une figure par laquelle on transporte, pour ainsi
AIET
dire, la sianificalion pri)prc d'un nom (ou |)liilôt
d'i/« mol) il une iiuiio t-ignilicalion qui ne lui
ronvicMl qu'en vcilu d'une couipaniison qui csl
dans l'espril. Un mot pris dans un sens niiHaplio-
rique pciti sa signiricalion propre, et en prend
une nuuvollc ipii ne se présente à l'esprit (|uc
par la roni|)araison cpie l'on fait entre le sens
propre de ce mot, et ce ([u'on lui compare. Par
exemple, i|uand on dit tpie le mensonge se pare
souvent des cmilcurs de la vérité, dans celle
phrase, couleurs n'a jilus de signilicatioii |)ro|>re
et primitive; ce mot ne uiar(iue plus celle iumit'i'e
inodiliée ipii nous l'ail voir les objets, ou iilancs,
ou rouges, ou jaunes, etc. ; il signiiie les dehors,
les ai)pareiices, et ("ela par comparaison cnlrc le
sens |)ropre ilc covleurs, el les dehors (juc jircnd
un hounnc (pii nous en impose sous le masque
de la sinccriié. Les couleurs font connaître les
objets sensiiiles; elles en l'ont voir les dehors el
les apparences. Un huinme qui ment imite (juel-
quefois si bien la contenance et le discours de
celui (jui ne ment jias, *iue, lui trouvant le même
dehors, et, pour ainsi dire, les mêmes couleurs,
nous croyons ipj'il nous dit la vérité. Ainsi,
comme nous jugeons qu'un objet qui nous parait
blanc est blanc, de même nous sommes souvent
la du|)e d'une sincérité apparente; el dans le
temps qu'un inqjosleur ne fait que prendre les
dehors d'homme sincère, nous croyons qu'il
nous parle sincèrement.
Quand on dit la lumière de l'esprit, ce mot
de lumière est pris métaphori(]uement. Car,
comme la lumière, dans le sens propre, nous
fait voir les objeis corporels, de même la faculté
de connaiire et d'apercevoir éclaire l'esprit et le
met en étal de porter des juKemenls sains.
La mélaphore est donc une espèce de tiope.
Le mot dont on se seri dans la métaphore est
pris dans un auire sens que dans le sens propre ;
il est, pour ainsi dire, dans une demeure em-
pruntée, dit un ancien; ce qui est commun el
essentiel à tous les iropes.
De |)lus, il y a une sorte de comi)araison, ou
(juelipie rapi)orl éipiivalenl, entre lemotampiel
on donne un sens méta|)liori(pie, et l'oljjct à (pioi
un \eut l'appliquer. Par exemple, (]uand on dit
d'un lionune en colère que c'est un lion, lion
est jiris alors dans un sens niélaphoriipic; on
compare l'homme en colère au lion, el voilà ce
qui distingue la métaphore des autres figures.
Il y a celle dil'ièrence entre la métaphore el la
comparaison, que, dans la comparaison , on se
sert de lermos ([ui font connaiire que l'on com-
pare une chose à une auire; par exemple, si
l'on dit d'un homme en colère qu'il est comme
unliun, (l'ai une comparaison ; mais quand ou
dit simiilement, c'est vnlwn, la comiiaraison
n'est alors (jne dans l'esiiril, et non dans les
termes : c'est une mêlapiiorc.
Mesurer, dans le sens propre, c'est juger dune
quantité incoimue par une quantité coimue,
soit par le secours du compas, de la règle, ou de
quelque autre instrument ([u'on appelle mesure.
Ceux «jui pretmenl bien toutes leurs [)récaulions
pour arriver à leurs lins, sont comparés a ceux
qui mesurent (piehiue quanlité : ainsi on dit par
métaphore, cpi'i/* 0/1/ lien pris leurs mesures.
Par la môme raison, on dit (lue les personnes
d une condition médiocre ne doivent pas se
mesurer avec les grands, c'est-à-dire vivre
comme les grands, se comparer à eux comme on
compare une mesure avec ce qu'on veut mesurer.
Oh doit mesurer sa dépense avec son revenu
MET
^.6»?
c'est-à-dire qu'il faut régler sa dépense sur son
revenu; la (pianlilè du re\enu doii être comme
la mesure de la (luanlité de la dé|)ense.
Comme une clef ouvre la porte d'un api)arle-
mcnl et nous en domie l'entrée, de même il y a
des connaissauies préliminaires (pii ouvrent,
pour ainsi dire, l'entrée aux sciences plus pro-
fondes, txs connaissances des principes sont
appelées clefs par métaphore. La grammaire
est la clef des sciences, la logii/ve est la clef de
la philosophie. On dit aussi d'une ville forliliée (pii
est sur la frontière, (iu'('//<; est lu clef du royaume,
e'est-à-dire que l'cimemi (jui se rendrait maitrc
de celle ville serait a portée d'entrer ensuite avec
moins de peine dans le royaume dont on pai'le.
f^tie ?,c (lit au propre de la faculté de voir, et
par extension , de la manière de regarder les
objets; ensuite on donne, par métaphore, le nom
de vue aux pensées, aux projets, aux desseins.
Avilir de grandes vues, perdre de vue une entre-
prise, n'y plus jienser.
G lût se dit au propre du sens par lequel nous
recevons les impressions des saveurs. La langue
est l'organe du goût. Avoir le goût dépravé,
c'est-à-dire trouver bon ce que communément
les autres trouvent mauvais, et trouver mauvais
ce (pie les autres trouvent bon. Ensuite on se
sert du terme de guûi par métaphore, pour mar-
(picr le sentiment intérieur dont l'esprit est
aflcclé à l'occasion de quelque ouvrage de la
nature ou de l'art. L'ouvrage plail ou dé[)lait, on
l'approuve ou on ledésapprouve; c'est lecerveau
qui est l'organe de ce goùl-là : le goût de Paris
s'est trouvé conforme au goût d'Athènes, dit
Racine dans sa |)rèrace d'//)/ii^(;/ife; c'est-à-dire,
comme il le dit lui-même, (pie les s|)eclaleurs ont
été émus à Paris des mêmes choses qui ont misau-
trefoisen larmes le jjIus savant peupledela Grèce.
La mélaphore esl de sa natuic une source
d'agrément, et rien ne flatte peut-être plus l'esprit
que la reprêsenlaiion d'un objet sous une image
étrangère. La métaphore, assujettie aux lois (|ue
la raison el l'usage de la langue lui prescrivent,
est non-seulement le plus beau et le plus usité
des Iropes, c'en est aussi le plus utile. Il reinl le
discours plus abondant, par la facilité desclian-
gemcnls el des emprunts, et il prévient la plus
grande de toutes les difficultés en désignant
chaiiue chose |)ar une dénomination caractéris-
tique. Ajoutez à cela que le piopre des méta-
phores csl d'agiter l'esprit, de le transporter tout
(l'un coup d'un objet à un autre; de le presser,
de comparer soudainement les deux idées qu'elles
présentenl, el de lui causer, par ces vives et
jjromiiles émotions, un plaisir inexprimable.
Mais, pour (pie les métaiihores produisent ces
effets, il faut qu'elles soient justes cl naturelles.
Les métaphores sont défectueuses:
•]" Quand elles sont tirées de sujets bas. Il
ne faut pas imiter cet auteur qui dit (lue le dé-
liioe universel fut la lessive de la nature, ni celui
(pii i\'\li]\\e le gourmand fait de son ventre unégout
incomuiode d'aliments et de breuvages; que l'es-
prit est unchampqui languit s'il n'est f u?né, elc.
2'! Quand elles sont forcées, prises de loin, et
que le rapport n'est point assez naturel, ni la
comparaison assez sensible, comme quand Théo-
phile a dit [La Solitude, ode v, 145) :
Je baignerai mes mains fol.Ures
Dans les ondes de tes cheveux;
et dans un autre endroit {Le Mutin, ode v. 33.V
La cliarrue nciirclie la plaine.
30
40G
MET
On peut rapporter à la incinc espèce les métn-
phores tirées de sujets peu connus.
S" Il faut aussi avoir é'z:m\ aux convenances
des différents styles. Il y à des métaphores (lui
conviennent au style |)Oéti<jue, qui seraient d»--
piacées dans le style oratoire. Boileau a dit {ode
sur la pnse de I\ami/v, 5) :
Aeconrei, Ironpc savante;
Des sons que ma lyre enfante
Ces arbres sont rejouis.
On ne dirait pas en prose (]u'une lyre enfante
des si'7t$.
4" On peut quelquefois adoucir une métaphore,
en la changeant en comparaison, ou bien en
ajoutant quel<iue correctif; par exemple, en
disant pour ainsi dire, si l'on pcvl parler ainsi,
etc. : L'art doit être pour ainsi dire enié sur la
nature. La nature soutient l'art, et lui sert
de base; et l'art embellit et perfectionne la
nature.
5" Lorsqu'il y a plusieurs métaphores de suite,
il n'est pas toujours nécessaire qu'elles soient
tirées exactement du même sujet, comme on '
v-icnl de le voir dans un des exemples précédents.
.£«/e est pris de la culture des arbres; soutien,
6a 5c, sont pris de l'archilecture. Mais il ne faut
pas qu'on les prenne de sujets opposés, ni (jue
les termes métaphoriques dont l'un est dit de
l'autre, excitent des idées qui ne puissent point
être liées, comme oi l'on disait d'un orateur,
c'est vn torrent qui s'allume, au lieu de dire
c'est un torrent qui entraîne. On a reproché à
Malherbe d'avoir dit (liv. II, ode pour le roi, 2);
Prends ta foodre, Louis, et Ta comme un lion.
îi fallait plutôt dire comme Jupiter. Dans les
premières éditionsduCid.Chimène disait (acl. III,
se. IV, 133) :
Malgré des feux si beaux qui rompent nia colère.
Feux Ci rompent ne vont point ensemble. C'est
une observation de l'Académie sur les vers du
Cid. Dans les éditions suivantes, on a mis trou-
blent au lieu de rompent, et celte correction ne
parait pas réparer la première faute.
Écorce, dans le sens propre, est la partie ex-
térieure des arbres et des fruits; c'est leur cou-
verture. Ce mol se dit fort bien dans un sens
métaphorique pour marquer les dehors, l'appa-
rence des choses. Ainsi l'on dit ^\\\g tes ignorants
^arrêtent à l'écorce ; qu'il* s'attachent, qu'/7*
s'amusent à l'écorce. Remarquez que tous ces
verbes, s'arrêtent, s'attachent, s'amusent, con-
viennent fort bien avec écorce pris au propre;
mais vous ne diriez pas au j)ropre, fondre l'écorce.
Fondre se dit de la glace ou du métal; vous ne
devez donc pas dire au figuré, fondre Vécorce.
Cette expression, que l'on trouve dans une ode
de Rousseau, doit donc [)asser pour trop hardie.
L'hiver, qui si longtemps a fait blanchir nos plaines,
ITcnchaine plus le cours des paisibles ruisseaux;
Bt les jeunes zéphyrs de leurs chaudes haleines
Ont fondu I Vcorce des eaux.
(Ode VIII, lir m, 1.)
©> Chaque langue a des métaphores particu-
lières qui ne sont point en usage dans les autres
langues. Par exemple, les Lapins disaient d'une
ixmdft: Dextrum et sinistrum cornu; et nous
disons ïaile droite et l'aile gauche.
Il est SI vrai (juc chaque langue a ses méta-
MET
phores propres et consacrées par l'usage, que,
si vous en changez les termes par les équivalents
mêmes «pii en approchent le plus, vous vous
rendez ridicule. Un étranger écrivant à son pro-
tecteur, lui disait : Monseigneur, vous avez
pour moi des boyaux de père; il voulait dire
des entrailles. On dit mettre la himière sous le
boisseau, pour dire, cacher ses talents, les rendre
inutdes; l'auieur du poiine de la Mudclaine
ne devait donc pas dire (liv. vu), mettre le flam-
beau sous le muid.
A ces six remarques de Dumarsais sur le mau-
vais usage des métaphores, Beauzce ajoute un
septième principe qu'il tire de Ouintilicn. C'est
que l'on donne a un mol un sens mélaplioritiue,
ou par nécessité, (juand on mantpie de terme
propre, ou par raison de préférence pour présenter
une idée avec plus d'énergie ou avec |)lus de
décence. Toute méiapiiore <|ui n'est pas fondée
sur une de ces conhidéralions est déplacée.
Voyez Comparaison.
MÉTAPnoRiQLE. Adj. des deux genres. Il ne se
met (|u'après son subst. : Sens métaphorique, ex-
pression métaphorique.
Métapuoriquejiem. .\dv. Il ne se met point
entre l'auxiliaire et le participe. : Cela est dit
métaphoriquement, et non pas cela est métapho-
riquement dit.
Métaphysique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Science métaphysique,
connaissances métaphysiques, principes méta-
physiques.
Météoroi.ociqde. Adj. des deux genres, qui ne
se met qu'après son subst. : Observations météoro-
logiques.
MÉxnoDE. Subst. f. C'est l'art de conciUcr la
plus arande clarté et la plus grande précision
avec toutes les beautés dont un sujet est suscep-
tible. — On méprise la méthode ou on l'e.xalte.
Bien des écrivains legardcnl les règles comme
U's entraves du génie. D autres les croient d'un
grand secours; mais ils les choisissent si mal, et
les mullipliont si fort, qu'ils les reiulcnl inutiles,
ou même nuisibles. Tous oui également tort,
ceux-là de blâmer la méthode, parce qu'ils n'en
connaissent pas de bonne; ceux-ci de la croire
nécessaire lorsqu'ils n'en connaissent que de fort
défectueuses. — Un ouvrage sans ordre peut
réussir par les détails, et placer son auieur parmi
les bons écrivains; mais plus d'ordre le rendrait
digne de plus de succès. Dans les matières de
ralstmnement, il est impossible ipie la lumière se
répande également sur toutes les parties, si la
méthode mancjue; dans les choses d'agrément,
il est au moins certain (juetoutcc qui n'est pas
à sa place perd de sa beauté.
Pour ne point s'égarer dans îe cours d'un
ouvrage, pour dire chaque chose à sa place, et
pour l'exprimer convenablement, il est absolu-
ment nécessaire d'embrasser son objet d'une vue
générale. L'obscurité, lorsqu'elle est rare, peut
naître d'une distraction ; mais lors(pi'elle est
frc(]uente, elle vient certainement de la manière
cimfusc dont on saisit la matière qu'on traite. On
ne juge bien des proportions de chaque partie,
([ue loisqu'on voit le tout <à la fois.
ouaiid on commença à faire des poëmes, on
sentit combien il était important d'mtcresscr. On
remarqua que l'intérêt augmenie a porportion
(|u'il est moins partagé, et on reconnut combien
l'unité d'action est nécessaire. D'autres obsci-
vations découvrirent d'autres règles, et les poètes
eurent, sur la méthode, des idées si exactes, que
MET
c'eût été à eux à en donner des leçons aux philo-
sophes. — I.a niclliodc csl pour les génies ce que
les lois sont jniur les hommes libres. les iwiëmos
ne plairont (iu';uilant qu'on s'écartera moins des
régies. Si l'on trouve de l'agicmcnt dans les
écarts, c'est que chacun d'euK est un, et que,
par cou séqu en l, séparé de l'ouvrage amiucl il ne
tient pas, il a sa l>caulé. Tous ensemble ils font
un poëine où il y a de belles choses, et lu; l'ont
pas un heau poëme. En cITci, si, descendant de
détails en détails, on ne voyait l'iinili; nulle part,
l'ouvrage entier ne serait i]u'un chaos. Toutes
les parties doivent donc former un seul tout.
La méthode, qui apprend à faire un tout, est
commune a tous les genres. Elle est surtout
nécessaire dans les ouvrages de raisonneineni;
car rallcnlion diminue à mesure qu'on la par-
tage, et l'esprit ne saisit plus rien lorsqu'il est
distrait par un trop grand nonibre d'objets. —
Or, l'unité d'action dans les ouvrages faits pour
intéresser, et l'unité d'objet dans les ouvrages
faits pour instruire, demandent également (juc
toutes les parties soient entre elles dans des pro-
portions exactes, et que, subordonnées les unes
aux autres, elles se rapportent toutes à une même
fin. Par là, l'unité nous ramène au principe de
la plus grande liaison des idées; elle en dépend.
En effet, cette liaison étant trouvée, le commence-
ment, la lin et les parties intermédiaires sont
déterminés : tout ce qui altère les proportions
est élagué; et on ne peut jdus rien retrancher
ni déplacer sans nuire à la lumière ou à l'agré-
ment.
Pour découvrir cette liaison, il faut fixer son
objet jusqu'à ce qu'on puisse en déterminer les
principales parties, et tout comprendre dans la
division générale. Il faut éviter les divisions
purement arbitraires, el même les divisions préli-
minaires où )'on décompose un objet dans toutes
ses parties; l'esprit du lecteur se fatiguerait dès
l'entrée de l'ouvrage; les choses (ju'il lui serait
le plus essentiel de retenir lui échapperaient, el
les précautions ([ue l'auteur aurait prises pour se
faire entendre le rendraient souvent inintelli-
gible. Commencer [Tir des divisions sans nombre,
pour afficher beaucoup de méthode, c'es'. s'éga-
rer dans un labyrinthe obscur pour arriver à la
lumière : la méthode ne s'unnoncc jamais moins
que lors(|u'il y en a davantage.
Le début d'un ouvrage ne saurait donc être
trop simple id trop dégagé de tout ce (pu peut
souffrir quelque dilliculié. La division générale
étant faite, on doit chercher l'ordre où les parties
contribuent devantagc à se prêter mutuellement
de la lumière et de l'agrément. Parla tout sera
dans la plus grande liaison. — Ensuite chaque
partie peut êir^ considérée en particulier, et
sous-divisée autant de fois qu'elle renferuH! d'ob-
jets qui peuvent faire chacun un tout. Rien ne
doit entrer dans ces sous-divisions (jui jiuisse en
altérer l'unité, el le's parties ne connaissent d'autre
ordre que celui ([ui est indique par la gradation
la plus sensible. Dans les ouvrages faits pour
intéresser, c'est la gradation de sentiment; dans
les autres, c'est la gradation de lumière.
Mais afin de se conduire sûrement, il faut
savoir choisir parmi les idées qui se présentent ;
le choix est nécessaire [lournerien adopter (pii
ne contribue à la plus grande liaison. Tout ce
qui n'est pas lié au sujet qu'on traite doit être
rejeté ; les choses mêmes qui ont avec lui quel-
que liaison ne méritent pas toujours qu'on en
fasse usage. Ce droit n'appartient qu'à ce qui peut
MET
46/
se lierplus sensiblement à la fin qu'on se propose.
Le sujet et la fin, voilà donc les deux points
de vue qui dnivenl nous régler. Ainsi, (|uand
une idée se présente, nous avons à considérer
si , étant liée à notre sujet , elle le développe
relativement à la fin pour lacpielle nous le trai-
tons, et si elle nous conduit par le chemin le plus
court.
En prenant notre sujet pour un seul point fixe,
nous pouvons nous étendre indifféremment de
tous côtés. .41ors plus nous nous écartons, moins
les détails où notre esprit s'égare ont de rapport
entre eux; nous ne savons plus où nous arrêter,
et nous paraissons entreprendi'c plusieurs ou-
vrages, sans en achever aucun. — Mais lorsqu'on
a pour second point fixe une lin bien déterminée,
la route est tracée; chaque pas contribue à un
plus grand dév(!loi)peinent , et l'on arrive à la
conclusion sans avoir fait d'écarts. — .Si l'ouvrage
entier a un sujet et une fin, chaque chapitre a
également l'un et l'autre, chaque article, chaque
phrase. Il faut donc tenir la même conduite dans
les détails. Par la l'ouvrage sera un dans son
tout, un dans chaque partie, et tout y sera dans
la plus grande liaison possible.
En se confiirmant au principe de la plus grande
liaison, un ouvrage scia donc réduit au plus
petit nombre de chapitres, ses chapitres au plus
petit nombre d'articles, les articles au plus i)elit
nombre de phrases, et les phrases au jibis [)etit
nombre de mots. — Dans la nature, tous les
objets sont liés pour ne former qu'un seul tout.
C'est pourquoi il nous est si naturel de passer
légèrement des uns aux autres. Nous souunes,
jusque dans nos plus grands écarts, conduits
par quelque sorte de liaison. Il faut donc con-
tinuellement veiller sur nous pour ne pas sortir
du sujet que nous a\ons choisi. Il y faut donner
d'autant plus d'attention, (]ue, toujours en com-
bat avec nous-mêmes pour nous prescrire des
limites ou y)0ur les franchir, nous nous croyons,
sur le moindre prétexte, autorisés dans nos plus
grands écarts. Il semble souvent (jue nous soyons
plus curieux de montrer «lue nous savons beau-
coup de choses, que de faire voir que nous sa-
vons bien celles que nous traitons.
Les digressions ne sont permises que lorsque
nous ne trouvons pas dans le sujet sur lequel
nous écrivons, de quoi le présenter avec tous
les avantages (pi'on y désire. Alurs nous cher-
chons ailleurs ce ipi'il ne fournit pas; mais c'est
dans la vue d'y revenir bientôt, et dans l'espé-
rance d'y répandre plus de lumière ou plus
d'agrément. Les digressions ne doivent donc
jamais faire oublier le sujet principal; il faut
•lu'elles aient en lui leur commencement, leur
fin, el (ju'elles y ramènent sans cesse. Un bon
écrivain est comme un voyageur qui a la pru-
dence de ne s'écarter de sa route que pour y
lentrer avec des commodités propres à la lu
faire continuer plus heureusement.
On peut travailler aux difléreiitcs parties d'u.
ouvrage suivant l'ordre dans leciuel on les t
distribuées; et on peut aussi, lorsque le plan
est bien arrêté, passer indiricreminent du com-
mencement à la fin, ou au milieu ; et, an heu de
s'assujettir à aucun ordre, ne consulter que
l'attrait (jui fait saisir le moment où l'on est plus
propre à traiter une iiartie qu'une autre. Il y a
dans cette conduite une manière libre qui res-
semble au désordre, &'ins en être un. Elle dé-
lasse l'esprit en lui présentant des objets toujours
différents, et elle lui laisse la liLerlc de se livret
468
]\1ET
à toute sa vivacité. Cependant la subordination
des j)arties lixc des points de vue ijui préviun-
uenl ou toni^eiil des écurts, et (]ui laménent
sans cesse à l'olijct prin(i|)al. On doii d inc
mettre son adresse à régler l'esprit ^ans lui oler
la liheric. Quelque ordre que les gens à talents
mettent dans leurs dinra^^es, il est raie tju'ils
s'y assujciiissenl lors(pi'irs travaillent. (Extrait
dcl'ylit u't'crire, de LondiUac.)
MtTiioDiQLi:. Adj. des deux genres. En par-
lant des personnes, il signilie (pji a de la régie,
de la mclliudc : Un humnie méthodique,'ti7i
esprit mct/ioJiqiie. En parlant des choses, il
signifie, (pii est fait avec mciliodc : Discours
méthodique , imité viélUodique. Dans l'un et
dans l'auiie sens, il ne se met qu'après son
subst.
Méthodiqlemkivt. Adv. : Il a parlé méthodi-
quement. On peut quelquefois le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a méthodiquement
truite cette affaire.
Métuodistk. Subst. m. C'est le nom que Buf-
fon donne aux auteurs qui ont suivi diver.'-es
méthodes en bolaniiiue. — On le dit aussi des
médechis i\\\\ suivent la méthode et les règles
l)rescrilcs en médecine, par o]iposition aux ëm-
l)iri(iues (lui ne suivent qu'une aveugle pratique.
L'Académie n'admet ce mot que pour désigner
une secte religieuse qui a pris naissance en An-
gleterre.
Métier. Subst. m. Ce mot, qui est bas au
propre, se dit ligurcinent des professions les i)lus
nobles. Selon Balzac, les peintres s'en offcnseni,
et les généraux d'armées s'en font honneur, et les
uns et les autres ont raison. Telle est la bizarre-
rie de l'usage. On dit le métier des armes, le
métier de la guerre. Cet officier aime son mé-
tier, il a le cœur au métier. Cet avocat, ce 7né-
decin suit son métier. Le métier de ceux qui
commandent est le pUis difficile de tous. On dit
aussi en paiiant des ouvrages : Il n'y a que les
aens du mctier qui en soient bans juges. fBou-
hours.) Quelquefois pourtant, métier au liuuré
se prend en mauvaise pan : Le devoir des juges,
dit i.a Bruyère, est de rendre la justice, et leur
métier est de la différer : quelques-uns savent
leur devoir, et fmt leur métier. (Ch. XI^^ De
quelques usages.)
Le mol métier, dit Voltaire, ne peut être ad-
mis dans le style noltle qu'avec une expression
qui le fortilio, coinme le métier des armes. Il est
beureusemenl employé par Racine dans le sens
le plus bas. Alhalie dit a Joas tact. IL se. vu.
78): V , ,
Laissez là cel Iiabit, quillez ce vil métier.
On ne peut exprimer plus fortement le mépris
de cette reine pour le sacerdoce des Juifs, (^e-
marques sur Aicomède, act. III, se. i, 23.)
Métis, Métisse. Ailj. On prononce le « final
de niétis : Un espagml mctis, une indienne
métisse. 11 ne se met qu'après son subst.
Métony.'mie. Subst. f. Figure de rhétori(pic.
Le mot de métoni/mie signilie Iranspcsilion, ou
changement de nom; un nom pour un autre.
En ce sens, cette ligure comiirend tous les au-
tres Iropes; car, dans tous les iropes, un mot
n'étant pas pris dans le sens qui lui est jn-opre,
réveille une idée qui pourrait être expriiiuepar
un autre mol. iNous remarquerons au mol Sy-
necdoque, ce qui dislingue proprement la mé-
tonymie des autres trojiés. Les maîtres de l'art
MET
restreignent la métonymie aux usages suivants :
i° La cause pour rel'fet. Par exemple, rirre
de son travail, c'est-à-dire vivre de ce qu'on
gagne en travaillant. C'est prendre la cause pour
l'effet, que de donner le nom de l'auteur à ses
ouvrages : lia lu Cicéron, Horace, f^irgilc, etc.,
e'csl-à-dire les ouvrages de Cicéron, d'Horace,
de Virgile, etc. On donne souvent le nom de
l'ouvrier à l'ouvrage. On dit d'un drap que c'est
un van-rahais, un rousseau, un pagnon, c'eil-
à-dire, un drap de la manufacture de 'N'an-Ro-
bais, ou de celle de Ilousscau, etc. C'est ainsi
(|u'on donne le nom du peintre au tableau; on
dit j'ai vu un beau reinbrandt, pour dire, j'ai
vu un beau tableau fait par Reinbrandt. On dil
d'un curieux en estampes, qu'ï^ a un grand
7iombre de culids, c'est-à-dire un grand nombre
d'estampes gravées par Callol.
Au lieu du nom de l'effet, on se sert souvent
du nom de la cause instrumentale (pii sert à le
reproduire. Ainsi pour dire que quebiu'un écrit
bien, c'est à-dire qu'il forme bien les caractères
de l'écriture, on dit (]u'i7 a une belle 7nain. La
plume est aussi une cause instrumentale de l'é-
criture, et par conséquent de la composition;
;\\n'~.\ plume se dil par métonymie de la manière
de former les car.'ictères de l'écriture, et de la
manière de composer. Plume se prend aussi
[jour l'auteur même : C'est une bonne plume,
c'est-à-dire c'est un auteur (jui écrit bien;
c'est une de nos meilleures plumes, c'est-à-dire
un de nos meilleurs auteurs. Pinceau se dit
aussi par métonymie comme p/î/"(e. On dil d'un
habile peintre, (|iic c'est un savant pinceau.
2" L'effet pour la cause. Ainsi les poètes di-
sent la pdle /II' ri, les pâles maladies. La mort,
la maladie, ne sont point pâles, mais elles pro-
duisent la pâleur. Ainsi on donne à la cause une
éj)itliète qui ne convient qu'à l'effet.
3" le conliMiant pour le contenu , comme
quand on dil il aime lu bouteille, c'est-à-dire
il aime le vin. Le ciel se prend souvent pour
Dieu même : Implorer le secours du ciel, grâce
au ciel, pécher contre le ciel. La terre se tut
devant Alcarandre, c'est-à-dire les peuples de la
terre se soumirent à lui. Rome désapprouva la
conduite d' Appius, c'est-à-dire les Romains dés-
approuvèrent.
i\° Le nom du lieu où une chose se fait,
pour la chose même. On dit un candebec, au
lieu de dire un chapeau fait à ("audebec, ville
de iNonnaiidie ; un damas, au lieu de dire un
sabre ou un couteau fait à Damas.
5» Le signe pour la chose signifiée :
Dans ma vieillesse languissante,
Le sceptre que je liens, pèse à ma main tremblante.
(QuiNAULT, Phaéton, acl. II, se. v.)
c'est-à-dire je ne suis plus dans un âge couve
nable pour me bien acciuittcr des soins que de-
mande la royauté. Ainsi, le sceptre se prend
pour l'autorité royale, le bâton de maréchal de
France, pour la dignité de maréchal de France.
L'épée se prend jjour la profession militaiie, /a
nbe pour la magistrature et pour l'élat de ceux
qui suivent le barreau.
A la fin j'ai quille la robe fOUT l'épée
(Conn., Menteur, acl. I, se. i, 1 )
La palme était autrefois le symbole de la vic-
loire. On dit d'un saint qu'ila remporté lapalnit
du martyre. Il y a dans cette expression une
MET
mélonymic. Palme se prend pour victoire, el
de plus , l'expression est mclaphorique; la
victoire dont on veut parler est une victoire
spirituelle.
60 Le nom abstrait pour le concret. Voyez
Sens. Blancheur est un terme abstrait; mais
(juand je dis Ce papier est blanc, blanc est
alors un terme concret.
7° Les parties du corps qui sont regardées
comme le siège des passions et des sentiments
intérieurs, se prennent pour les sentiments mêmes.
C'est ainsi qu'on dit il a du cœur, c'est-à-dire
du courage. La cervelle se prend aussi pour
l'esprit; on dit d'un étourdi que c'est vne tète
sans cervelle. Quand on dit c'est un homme de
tête, c'est vne benne tête, on veut dire que celui
dont on parle est un homme habile, un homme
de jugement. La tête lui a tovmé, c'est-à dire
il a perdu le bon sens , la présence d'esprit.
Avoir de la tclc se dit aussi figurémenl d'un
opiniâtre ; tête de fer se dit d'un homme appli-
qué sans re'.àche, et encore d'un eiiiclé. La
langue, qui est le principal organe de la parole,
se prend pour la parole ; c'est vne méchante
langue, c'est-à-dire c'est un médisant. Aroir la
langue bien pendue, c'est avoir le talent de la
parole, c'est iiarlcr facilenieiil.
8° On donne aux pièces de monnaie le nom
du souverain dont elles portent l'empreinte. Nous
disons un louis d'or.
Voilà les jirincipales espèces de métonymies.
Quelques-uns y ajoutent la mélonjTnie par la-
quelle on nonune ce qui jiréccde pour ce qui
suit, ou ce qui suit pour ce qui précède. C'est
ce qu'on appelle l'antécédent pour le conséquent,
ou le conséc]uent pour lantécédent. On en
trouvera des exemples dans la métalepse, qui
n'est ([u'unc espèce do mélonymic à laquelle on
a donné un nom particulier. Voyez Métalepse,
Au lieu qu'à l'égard des autres "espèces de mé-
tonymies, on se contente de dire métonymie de
la cause pour l'effet, métonymie du contenant
pour le contenu, métonymie du signe, etc.
Mettable. Adj. des deux genres (jui ne se
met qu'après son subst., et ordinairement avec
la négative ; Cet habit n'est pas mettable. — On
dit cet habit est encore mettable.
Metthe. V. a. et irrég. de la 4'" conj. Voici
comment on le conjugue :
Indicatif. — Présent. Je mets, tu mets, il met;
nous mettons, vous mettez, ils mettent. — Im-
parfait. Je mettais, lu mettais, il mettait; nous
mettions, vous mettiez, ils mettaient. — Passé
simple. Je mis, tu mis, il mit ; nous mimes, vous
mites, ils mirent. — Futur. Je mettrai, tu met-
tras, il mettra, nous mettrons, vous mettrez, ils
mettront.
Conditionnel. — Présent. Je mettrais, tu
mettrais, il mettrait; nous mettrions, vous met-
triez, ils mettraient.
Impératif. — Présent. Mets, qu'il mette;
mettons, mettez, qu'ils mettent.
Subjonctif. — Présent. Que je mette, que tu
mettes, qu'il mette; que nous mettions, que
vous mettiez, qu'ils mettent. — Imparfait. Que
je misse, que tu misses, qu'il mil; que nous
missions, que vous missiez, qu'ils missent.
Participe. —Présent. Mettant. — Passé. Mis,
mise.
11 forme ses temps composés avec l'auxiliaire
avoir. j
Dans ce verbe, le t se double toujours, suivi j
ou non suivi d'un e muet, excejite cependant
MKZ
4G9
aux trois personnes du singulier du présent ie
l'indicatif, et à la seconde personne du singulier
de l'in'pératif.
Ce verbe s'unit avec toutes sortes de prépo-
sitions, comme dans, sur, arec, auprès, de-
dans, dehors, etc. Avec certains noms, il régit d
et l'inllnitif : .^lettre sa gloire à obéir, snn plaisir
à faire du bien. — Se itieltrc a plusieurs signi-
fications. Au propre, c'est se placer ; mettez-
vous à côté de moi; il s'est mis à la première
place. Au figuré, il signifie tantôt commencer,
tantôt s'habiller : Se mettre à travailler, se
mettre à crier. — Il se met bien, il se met
mal.
Mettre s'emploie très-bien dans le style noble :
Sfcttons !e sceptre aux mains dignes de le porter.
(Rac, Phèd., acl. II, se. Tl, 23.)
Je puis dans tout son jour mettre la vérité.
(RiC, Ath., acl. II, se. VI, t.)
Après mettre sa confiance, on emploie ordi-
nairement la préposition eîi, lorsqu'il s'agit de
personnes, et en ou dans, lorsqu'il s'agit de
choses ; // met une grande confiance en ses
amis. On dit mettre sa confiance en ses riches-
ses, et mettre su confiance dans ses richesses.
La différence entre ces deux locutions, c'est que
la première exprime une opposition avec toute
autre chose en quoi on pouirait mettre sa con-
fiance; il met sa confiance en ses richesses, au
lieu de la mettre en ses amis, etc. ; et que la
seconde a plus de rapport au service, au se-
cours que l'on peut tirer dos choses dans les-
quelles on a mis sa confiance : Dans cette mal-
heureuse affaire, il viet sa confiance dans ses
richesses, il croit que ses richesses pourront le
sauver.
Mi^cBLE. Subst. m. Il ne faut pas confondre
meuble et ustensile. On les dislingue bien dans
une cuisine. Les tables, les chaises, etc., sont
\es meubles ; les casseroles, les poêlons, etc.,
sont les ustensiles.
Mr.ur.TniER, Meurtrière. Adj. L'Académie ne
le dit (pie des choses : Des armes meurtrières ,
guerre meurtrière. — Poétiiiucment : Le glaive
meurtrier, la dent meurtrière du sanglier.
Racine l'a dit des personnes :
Bicnlôl de Jézabel la fille meurtrière.
Instruite que Joas voit encor la lumière.
[Ath., act. IV, se. m, 23.)
Il ne se met guère qu'après son subst.
Meurtrir. V. a. de la 2" conj. On le disait
autrefois pour tuer, égorger :
.\Ilez, sacrés vengeurs de vos princes meurtris.
(Rac, Ath., acl. V, se. vi, 49.)
Il ne signifie plus aujourd'hui que faire une
contusion.
MÉVENDRE. V. a. de la 4' conj L'Académie le
définit, vendre une chose moins qu'elle ne vaut.
— Ce n'est pas là la signilication de ce mot. Il
veut dire vendre à perte, vendre une marchan-
dise à moindre prix qu'elle ne coi'iie. Celui
<pii vend une marchandise moins (pi'clle ne vaut,
peut y gagner, et alors il ne mévend pas, il vend
a bon marché.
Mkzzo-termine. Subst. m. C'est un mol em-
prunté de l'italien, qui signifie, parti moyen
qu'on prend pour terminer une affaire embar
.i70
MIE
rassanle, pour concilier des prélcnlions oppo-
sées.
Mi. r.'irliciile invariable, ijui entre dans la
composition de plusieui-s mots, cl qui signifie
demi : Mi-côte, mi-chemin. Il 3C joint ordinai-
rement par un tiret an mot qui suit Mi est fé-
miriin quand il est joint à un nom de mois : La
vit-mai, la mi-utûi. Hors de là, il est du même
genre que le mot auquel il est joint, excepté
vii-carâine, qui est féminin, (\\mj\<\\\c carême soit
masculin : La lui-carème. — 11 s'emploie aussi
adverbialement: A mi-côte, à ?in-cliemin, à
mi-jambes.
MiACLAKT, MiACi.ANTE. Adj. vcrbal, tire du
verbe miauler : Une chatte miaulante , des
chats miaulants. 11 ne se met qu'après son
subst.
Mlc^EL-A^GE. Nom d'un peintre italien. Il
faut prononcer Mikcl-An^e.
MicnoscopE. Subst. m. L'Académie ne le met
qu'au propre. On l'emploie aussi au figuré.
L'un d'eux était de ces conteur»
Qni n'ont jamais rien tu qu'avec un microscope;
Tout est géant chez eux, etc.
{La Font., liv. IX, fable i, 79.)
Midi. Subst. m. Il ne s'emploie point au plu-
riel : Je m'y rendrai sur le midi, et non pas
$tir les midi. On dit viidi est sunné, et non pas
a sonné, et encore mow'à ont srmné.
Mielleux, Miellelse. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Goût mielleux. — Tvn miel-
leux.
Mien, Mienne. Adj. possessif qui se rapporte
a la première personne du singulier. Voyez ^i-
jectifs possessifs.
Mien, dans le style familier, se joint quelque-
fois avec un, et se met devant le subst. : Un
mien frère, vu viien parent, un mien neveu,
une mienne cousine. (.\cad.)
Voltaire a dit dans \ Enfant prodigue (act. V,
se. VII, 49) :
Je gagne en cette affaire
Beaucoup sans doule, en trouvant un tnîVn frère.
■^'■oyez Adjectif.
Mieux. Adv. C'est le comparatif de 6zVy/, ad-
verbe; le mieux en est le superlatif. Il signifie
parfaitement, d'une manière i)lus accomplie,
d'une façon plus avantageuse.
Lors(iue mieux est suivi de deux infinitifs, on
met de avant le second, quoique le promior ne
soit pas précédé de celle préposition : Il y a
beaucoup d'occasions où. il vaut mieux se taire que
de parler (Acad. au mol valoir.) J'aime mieux
vous déplaire que de vous <row/5cr. (Marmontol.)
Quelques auteurs modernes ont supprimé 1(; de.
MarmonU'l est mémo d'avis qu'on ne fait pas une
faute en l'omettant. Cfpondant, il croit qu'il est
mieux de le conserver. Ce n'est pas inulil^ment,
dit-il, qu'il s'est glissé entre le que comparatif et
le verbe. Il indicjue une ellipse, cl suppose con-
fusément un mol sous-enlendu, qui, dans la
1/lirase analytique, le régirait, comme lors(pron
dit : // vaut mieux mourir libre que de rirre
esclare ; de, fait entendre le muîhcur et la Iwnte ;
3e ci'uins vwiits le malheur de mourir que la
honte de vivre esclave.
Plus et mieux ne sont pas synonymes, dit
M.Sicard; le iiremier ne s'emploie (|uê (piand il
s'agit d'extension, et le second quand il s'agit de
perfection : L'abbé Prévôt a plus écrit queFéne-
HIL
Ion, mais Fénelon a mieux tcrit que l'abbé Pré-
vôt /Vi/.y,dans la preiriiére piirase, tombe sur le
nombre des volumes; et mieux, dans la seconde,
a pour objet la perfection du style.
Lorsque mieux fait partie du premier membre
d'une iilirase, et que ce premier membre est
aflirinatif, le second membre doil être négatif et
I)rendre ne : f^ous écrives mieux que vous ne
parlez. Dans celte phrase, il faut supprimer po*
ou point.
Dans les temps simples, mieux se met après
le verbe : Il est mieux, il se porte mieux ; mais
dans les temps composés, il vaut mieux le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Il a mieux
chanté aujourd'huiqu hier, CX non pas,77a chanté
mieux. J'ai mieux aimé, et non pas, fui aimé
mieux.
* MiEcx-FAisANT. Adj. Il cst à conserver, dit
Mercier , car il dit plus que bienfaisant.
J.-J. Rousseau l'a employé : Je revis le chirur-
gien Parisid, le meilleur et le mieux-faisant des
hommes. [Confess., 2' part., liv. VII, t. xv, p. 8.)
MiGNARD, MiGNAi'.DE. Ailj. Il uc sc dit quc dcs
choses, ne se met (pi'après son subst., et n'est
point admis dans le style noble. Un sourire
mignard, un parler miynard, des manière.-i
migvardcs.
MiGNAr.DnjiEST. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe. Cet enfant a été élevé mignardcment.
jMignon, Mignonne. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : yisage mignon, bouche mignonne,
beauté mignonne, des souliers mignons. — Ar-
gent mignon, péché mignon.
MiGNONEMENT. Adv. Il pcut Se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela est fait migno-
nement, ou cela est mignonement fait.
Mil. Subst. m. Millet. On mouille Ici.
Mil. Adj. numéral. Voyez il/tV^e.
Militaire. Adj. des deux genres. Corneille a
dit dans liodogune (act. I, se. i, (13) :
Ayant régné sept ans, son ardeur jnt/i"tair«.
Voltaire dit au sujet de ce \ ers: Ce lûol milita ire
psi technique, c'est- à-dire un terme d'art : Zepa«
militaire, la dise ipli ne militaire , l'ordre militaire
de Saint- Louis. Il faut en poésie employer les
mots guerrière , belliqueuse. (Remarques sur
Corneille.) Ce mot ne se met qu'après son subst.
Mille. On prononce les deux / sans les mouil-
ler. Ce mol, employé comme adjectif numéral,
est des deux genres, et, de même que les autres
nombres cardinaux, il ne prend point la marque
du i)luriel : Les Mille et une Nuits. — Il en est
de même de mille employé pour signifier un
nombre considérable, maisinccrlain : Nous tenons
au monde par mille chaînes. (Nicole.)
Mille bras sont Ictcs pour punir l'assassin.
(Volt., Henr., V. 319.)
Dans la supi)utation ordinaire des années,
quand mille est suivi d'un ou de plusieurs autres
nombres, on retranche la dernière syllabe. Ainsi
on écrit, l'an mil huit cent vingt-deux, Cl non
pas riiille. — Donierirue prétend (ju'on n'écrit
ainsi mil que lorsqu'il s'agit du millésime où
l'on se trouve, cl t|ne partout ailleurs, il faut
écrire mille. Ainsi l'on écrira, l'an cinq mille
huit cent vingt de la création du monde; Pan
deux \n\\\c quatre cent quarante. Nous pensons
(pi(^ «Clic oi)servalion est juste.
Mille, employé subslantiveiuent pour signifier
un espace de chemin, prend un s au pluriel:
MIN
H y a deux milles de Londres à tel lieu. Des
milles d' Annleterie , d'Italie, d'Allemugiie.
MiLLÉNAiKE. Adj. des deux gonrcs. Ou prononce
les doux /, mois sans les mouiller. 11 ne se met
qu'après Sun subst. : Le nombre viillénuire.
MiLLÉsuiK, Subst. m. On l'ait sentir les deux /,
mais sans les mouiller.
Millet. Subst. m. On mouille les /.
MlLLlAIRE, MiLLIAUD, MiLLUSSE, MILLIÈME,
MiLLiEB, Million, MiLLiONiSAir.E, Millionnucme.
Dans CCS huit mots, on ne prononce qu'un l.
Million prend un s au pluriel, niéme lorsqu'il
est suivi d'un autre nom de nombre : Trois
millions quatre cent inille francs.
*Ml^ABL^;. Adj. dos deux L'ciires. Expression
basse et populaire (lue l'Acadcinic a bien fait de
ne pas mellre dans son Dictionnaire, mais qui
est moins Imssc que martniteux, qu'elle a re-
cueilli, et auquel elle a donné le même sens.
Voyez ce mol.
Mi.NCF,. Adj. des deux genres. On peut le mellre
avant son suhsl.. lorsque l'analogie cl l'iiarmoiiie
le permeltenl : Une èlofft' mince, vne donhlure
mince, vne lame mince. — Une raison mince,
un esprit mince; une mince considération. —
L'Académie ne ledit poinl dans lacception sui-
vante : Je les trouvai échauffes sur une dispute
la plus mince gui se puisse imaginer. (Mon-
tesquieu, XXXVl"' lettre persane.)
MiNÉHAL, MiNÉiiALE. Adj. qui DC SC mct
qu'après son subst. : Sel minéral, eaux miné-
rales.
Mineur, Mineure. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Enfurd mineur, fille mineure.
MiMATURE. Subst. f. On prononce migna-
ture.
Ministériel, Mimstérielle. Adj. Une se met
qu'après son subst.: Affaires ministérielles ,
décision ministérielle, lettre ministérielle, opé-
ration ministérielle.
MiMSTÉRiLLLK.Mi.NT. Adv. Il HC sc mcl qu'api'ès
le verbe : // « ripnnduministériellenient, et non
pas il a ministeriellement répondu.
MiNjsTRE. Suhsl. m. Ce mot esl toujours mas-
culin, même lonju'il modifie un nom du genre
féminin. Ou a donc eu raison de reprocher à
Racine ces vers des Frères ennemis (.\ct. II,
se. III, 11.)
Dois-je prendre pour juge une troupe insolente,
D'un lier usurpateur ministre violente ?
Il fallait dire ministre violent.
Ce mol s'emploie dans le style noble, surtout
au figure :
Des vengeances des rois ministre rigoureux.
(Rac, Âth., ad. II, sc. v, 114.)
Ifj'riistre impétueux des faiblesses du roi.
(Volt., Uenr., m, 146.)
Mincit. Subst. m. On ne prononce point le t.
Il n'a i)oint de pluriel. C'esl le milieu de la nuit,
l'heure a laquelle le soleil, descendu au-dessous
de noire horizon, sc retrouve dans le plan du
même méridien. On dit minuit est sonné, cl non
pas a sonné, et eniorc moins ont sonné.
MiNxîscDLE. Adj. des deux genres qui se prend
aussi substanlivement. 11 ne sc met qu'après son
subst.: Lettre vdnu seule. Yeiyez Majuscule.
Minutieux, Minutieuse. Adj. On peut le mellre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permetlent : Soins minutieux , recherches
MOB
471
minutieuses, attentions minutieuses. — De
minutieuses reclierches, de minutieuses atten-
tions. Voyez Adjectif.
Mi-parti, Mi-partie, Adj. qui iiese mol qu'a-
près son subsl. : Une robe mi-partie de blanc et
de noir. — Jjcs avis sont mi-partis, sont par-
tagés par moitié.
iMiRACCLEUsEMKNT. Adv. On peut le mettre
entre l'aijxiliaire cl le participe : // a viirucuku-
sement échappé, il a été miraculeusement dé-
livré.
Miraculeux, Miracdlexise. Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Chose miraculeuse , action miracu-
leuse. — Celte miraculeuse guérison. Voyez
Adjectif.
Miroir. Subst. m. Corneille a dit dans Po-
lyeucte (Act. 1, se. m, 31):
Il passe dans Rome, avec autorité,
Pour fidèle miroir de la fatalité.
A'ollaire a dit au sujet de ces vers : On dit
bien inimir de l'avenir, parce (ju'on est supposé
voir l'avenir comme dans un miroir. Mais on ne
peut dire miroir de la fatalité, parce que ce
n'est [)as celle fatalité (lu'on voit, mais les événe-
ments qu'elle amène. ( Remarques sur Cor-
neille).
Misérable. Adj. des deux genres. Il se met
souvent avant son subst. : Un homme misérable,
irnc famille misérable, une vtisérable famille;
un état misérable, un viisérable état; des rai-
sons misérables, de luisérublcs raisons; une
misérable ambition, un misérable repas. Voyez
Adjectif, Gueux, Malheureux.
Misère. Sutet. f. Dans le sens d'indigence, oc
terme n'est point admis dans le slyle noble. On
l'y emploie dans celui de calamité:
Je vais suivre vos pas, mais pour revoir mes frères,
Et savoir d'eux encor la tin de nos misèrei.
(Cor., Hot., act. I, sc. iv, 109.)
J'entends, vous gémissez. Mais telle est ma misère :
Je ne suis point à vous, je suis à votre père.
(Rac, JIftthr., act. II, se. vi, 65.)
Ce n'est qu'en ce sens que misère se dit aussi
bien au pluriel qu'au singulier.
Miséricordieux , Miséricordieuse. Adj. On
dit que Dieu est tout miséricordieux. On ne dit
pas absolument un homme miséricordieux, une
femme miséricordieuse ; il faut dire un homme
miséricordieux envers les pauvres, une femme
miséricordieuse envers les malheureux. Bossuet
^\i(\\XQ Jésus-Christ a été miséricordieux eîivers
les pécheurs.
Mitiger. V. a. delà l" conj. Dans ce verbe,
g doit toujours se prononcer commet; et pour
lui conserver celte prononeialiou lorsqu'il esl
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o : Je vtitigeuis, vdtigeons, et non
pas je iiiiligais, mitigons.
Mitoyen, Mitoyenne. Adj. Il ne se met qu'après
son subst.: Mur mitoyen. — Avis mitoyen,
parti mitoyen.
Mitraille. Subsl. f. On mouille les l.
Mixte. Adj. des deux genres. Il ne se mel
qu'après son subst. : Corps mixte.
Mixtion. Subsl. f. Dans ce mol, ti conserve sr>
prononcialion nalurelle.
Mixtionner. V. a. delà i^' conj. Dans ce mot,
ti, conserve sa prononciation naturelle.
Mobile. Adj. des deux genres. On peut, au
Â!i>
MOE
li?nr(S le mr'ltre avant son subst., en consultant
l'oreille et l'analogie : Corps mobile, roue vv'bile,
caractère mobile, ce mobile caractère ; une iiitu-
•jination mobile, cette mobile imagination. y Q'^GZ
Adjectif.
MoBii.'Tï .^ubst. f. L'Académie ne dit [)i)int
ta mobilité de la physinnomif, expression dont
on se sert souvent, surtout en parlant des
acteurs : Cet acteur a une grande mobilité dans
la physionomie.
Mode. Subs!. m. Terme de grammaire. Voyez
rerbc.
MoDÉnATF.cr.. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dit modératrice.
Modération. Subst. f. H n'a point de pluriel.
MoDKRÉ, MoDF.nKE. Ailj. 11 uc sc inct (|u'a[ircs
son subst. : Esprit modérée httmeur modérée. —
Feu modéré, chaleur modérée.
Modérément. Adv. Il ne sc met qu'aprôs le
verbe : // .•s'est comporté modérémetit, et non pas
il s'est modérément comporté.
Moderne. Adj. des deux genres. On le met
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Les auteurs modernes , ces modernes
auteurs ; une invention moderne, cette moderne
invention. \'oyo7. Adjectif.
Modeste. Âdj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Air modeste, visage modeste. Un
maintien modeste, son modeste maintien; sa
contenance modeste, sa modeste contenance ; ses
désirs modestes, ses moàestes désirs. Voyez .ad-
jectif. Humilité.
IMoDESTEMENT. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe. Il s'est
comporté modeste mc/il ; il s'est modestement
comporté dans cette occasion.
Modestie. Subst. f. Ce mot n'a point de pluriel
quand il signifie en générai la vertu à la(]uelle
on donne ce nom. Il en a un lorsqu'on veut
distinguer des nuances dans cette qualité appli-
quée à plusieurs individus. Bossuet a très-bien
dit, C'était là de ces modesties que la crainte
inspire. — Bossiict l'a dit aussi moins beuieu-
semenl pour discours modestes : Au milieu de
ces modestie». On ne peut l'employer en ce sens.
Voyez Humilité.
MoDiFicATiF , MoDiFicATiVE. Adj. qui ne se
met qu'après son subst., et qui se prend ijuelque-
fois substantivement -.Un terme modifcatif, une
expression modificative. Un modificulif.
Modification. Subst. f. V. Construction.
MoDiQDE. Adj. des deux genres. 11 se met
avant ou après le subst.: Une somme modique,
une modique somme; uti repas modique, un
modique repas ; un revenu inodique, un modique.
revenu Voyez Adjectif.
MoDiQCF.MF.NT. Adv. Il ne se met qu'après le
s erbe : // paie modiquement ses domestiques.
MoDULKr.. \ . a. et n. L'Académie dit moduler
un air. Dclillc dit moduler sa voix {Enéide ,
Vll,dl.)
Il vole; il voit doj.\ le trop f.imcux séjour
Où la belle Circi', fille du dieu du jour,
Uodtitant arec .^rl sa voix mélodieuse.
Charme de ses doux sons son ile insidieuse
Moelle. Subst. f. Substance grasse, oléagi-
neuse, qu'on trouve en masse dans le milieu des
longs os. On dit au propre, la moelle des os.
Féneliin l'a dit au figuré pour signifier le fond
de rame : Les hommes, à un certain âge, ne peu-
vent presque, plus se plier eux-mêmes contre
MOI
certaines hahitude.i qui ont vieilli avec eux, et
qui sont entrées jusque dans la moelle de leurs
os. [Ttlém., liv. X^'l, t. ii, p. 475.) Féraud
observe avec raison que celle expression n'est
pas fort noble, et (pi'elle seniblc peu diiine d'un
poëme, même en prose. Mais il prétend que l'on
dit lu moelle d'un livre, ])(iiir dire ce qu'il y a
de meilleur dans un livre ; et nous pensons que
cetic expression n'est bonne ni en vers ni eu
prose.
Moelleux, Moelleuse. Adj. Au propre, il sc
met toujours après son subst. : Un os moelleux.
An figuré, on peut le mettre avant, en consultant
l'oreille et l'anaiOgie: Des discours moelleux, ce
moelleux discours. — Des contours moelleux,
de moelleux contours, ^'oyez Adjectif.
Moedrs. Subst. m. plur. Le s final ne se
prononce qu'avant une voyelle ou un h non
aspiré. Ce mot, à l'égard 'de l'épopée, de la
tragédie ou delà comédie, désigne le caractère,
le génie, l'humeur des persoimages (ju'on fait
parler. Ainsi, le terme de inmirs ne s'emploie
point ici selon son usage coiniiiun. Par les mœurs
d'un personnage qu'i>n introduit sur la scène,
on enicnd le fond, (juel ([u'd soit, de son génie,
c'est-a-dire les inclinalions, bonnes ou mauvaises
de sa part, qui doivent le constituer de telle
sorte que son caractère soit fixe, permanent, et
(pi'on entrevoie lonl ce que la personne repré-
sentée est capable de faire, sans qu'elle puisse
se détacher des prcinicres inclinations par où
elle s'est montrée d'abord ; car l'égalité doit régner
d'un bout a l'auircde la pièce.
Il y a une autre espèce de mœurs qui doil
l'égnerdans tous les poèmes dramatiques, et qu'il
faut s'attacher à bien caractériser: ce sont les
mcpurs nationales. Corneille a conservé précieu-
sement les mœurs ou le caractère propre des
Romains; il a même osé lui donner plus (Téléva-
tion et de dignilé. H n'a pas essuyé pour cela les
reproches (]iie l'on fait à Racine, d'avoir francisé
ses héros, si ou peut parler ainsi.
le terme de mœurs veut donc être entendu
fort différemment, et même il n'a trait en aucune
manière à ce «lue nous ajjpelons morale, quoiqu'en
quelque sorte elle soit le véritable objet de la
tragédie, qui ne devrait avoir d'autre but que
d'attaquer les passions criminelles, et d'établir le
goût de la vertu, d'où déi)end le bonheur de la
société. (Extrait deVEnojclopédie.)
Mor. Pron. de la 1'' pers. du sing. et des deux
genres, dont la fonction [)i-ineipalc est de servir
de complément à des prépositions. Il ne se dit
(]uc des personnes ou des ehoses i)ersonnifiées.
Après une préposition, il n'y a que le pronom
tiioi qui puisse exiirinier la première personne du
singulier :/^0(/5 servircz-vous de moif Pense-t-un
à moi? Ils auront besoin de moi. Ils auront
affaire à moi. Selon moi, vous avez raison.
I'\iiles cela pour moi. F'ous ne serez pas arrivé
avant mm. H en est de même ai)rès une conjonc-
tion : Mon frère et moi, mon frère ou mai, nul
autre que moi.
7l/ot s'cnq)loie aussi soit comme régime direct,
soit comme régime indirect des verbes actifs;
mais c'oit seulement à l'impératif, cl alors vini
est toujours |)lacé après le verbe, avec lequel il
est joint par un trait d'union : Aimez-moi,
régime direct; donnez-moi, régime indirect;
c'est comme donnes à moi.
Cependant donnez-moi, sans préposition, ou
donnez à moi avec la préposiiien «,ne s'emploient
pas indiriércinmcnl l'un j'our l'autre On dit don'
MOI
•/(««-wiozMorsqu'onscbornpàdemnndcnincchosc;
el l'on dit donnez à moi, lorsqu'on I;i dciiuuiilo
à quelqu'un ([ui, paraissant ne savoir à qui lu
ilonncr, esl au moment de la donner à un autre.
A tout autre mode que riin|i(Tatif, vioi ne
peut se construire seul. Quehiuei'ois il se con-
.-Iruit avec je, et sert a donner plus d'cnerçie au
sujet : Moi, je mus dis; moi, je prétends. Moi,
jV souffrirais vne pareille insolence!
Moi, que j'ose opprimer el noircir l'innocence!
(Ràc, Phèd., act. III, se. m, 69.)
D'autres fois il se construit avec me, et sert à
donner plus d'énergie à ce (ironom, soit comme
régime direct, soit comme régime indirect, ou
bien il sert à tenir la place de ce pronom, pour
le lier à un |ironnm conjonctif. Fous me chassez,
i.'mi ! vous vie donnez si peu de chose, à moi!
il me méprise, mai! qui lui ai fuit tant de bien !
Quand il n'est mis que pour donner plus d'énergie
à me, on y ajoute quelquefois même, qui en
donne davantage encore, et qui se joint là moi
par un trait d'union. Vous me chassez, moi, ou
moi-même ; vous me soutenez cela, à moi, OU à
mtri-méme.
Dans ce vers de Corneille [Médée , act. I,
se. V, 48) :
Dans un si grand revers que tous resle-t-il ? — Moi.
Moi rappelle l'idée d'un phrase entière; il si-
gnifie/e me reste.
Quand moi est régime direct ou indirect d'un
verbe à l'impératif suivi du pronom y, il se
met après ce pronom : fous allez à l'Opéra,
menez-y-moi; vous avez là votre voiture, don-
nez-y-moi une place ; et alors y se met entre
deux tr<iits d'union. A la seconde personne du
singulier, le nronorn jnoi se met à la mémo place,
el si le verbe finit par un e muet, on met après
ce verbe un 5, que l'on place entre deux traits
d'union , afin d'éviter la dureté de la pronon-
ciation : Mc/ie-S-y-moi ,donne-S-y-nioiu}ie j:lace.
Lorsque moi est présente connue sujet d'une
proposition incidente, il doit régir le verbe à la
première personne, el l'on doit dire moi qui
t'aimai, et non pas moi qui t'aima; si c'était moi
5;//' eusse, el non pas si c'était muiquimK.
Suivant la règle, mni doit régir me, et il faut
dire c'est moi qui me nonum: Pierre, Cl lion pas
c'est moi qui se nomme Pierre.
Féraud, dans son Dictionnaire critique, en
approuvant cette règle, iirélend que l'usage y
esl contraire, el que l'oreille esl choquée d'en-
tendre dire, si c'était vioi qui l'eusse fait, si
c'était moi qui prêchasse. Je pense que Féraud
s'est trompé, et ipie tous les gens qui se piquenl
de bien parler et de bien écrire ne manquent
jamais à cette règli-. Voyez Qui.
Si le pronom moi esl joint à un autre pro-
nom personnel ou à un substantif pour former
le sujet d'un verbe, on nict ensuite le pronom
personnel nous, (jui devient le sujet de la pro-
position .Vous et moi nous lui rendrons visite.
Mon frère et moi nous irons à la campagne.
Sur quoi il faut remarquer que la politesse fran-
çaise demande que la personne qui jiarle se
nomme toujours la dernière. Vous el moi, et
non pas moi et vous ; cependant, dans le cas
d'une grande infériorité, celui qui parle pieui se
nommer le premier. L'n père dira moi et mon
Als ; un maître, moi et mon domestique. Voyez
jipostrophe.
M0[
475
De moi, pour moi. quant « moi, expression
adverbiales. De moi était très-usité autrefois.
.Malherbe s'en sert souvent; Ménage le croyait
propre à la poésie, el réservait pour moi pour li
prose. De moi ne se dit iilus, el l'on dit pour
moi en vers et en prose ;
Pour moi, soit que le ciel me soil dur ou propice.
(ConN., Cin., ad. 1, se. m, 116.)
Quant « 7noi a été proscrit par Vaugelas, et
déiciulu par Chapelain. Il s'est soutenu dans le
slyle familier. — A moi! est une sorte d'excla-
mation pour appeler quel(]u'un auprrs de soi :
A moi, soldats! — De vous à moi^ esl une fa-
çon de parler familière qui signifie, je vous le
dis en confiance, de mus à moi, je ne crois pas
que la chose réussisse.
Moindre. Adj. comparatif des deux genres.
C'est le comparatif de petit, et il signifie plus
petit: Cette somme est inoindre que l'attire. Il
s'einploie qucl(]uefois absolument sans la con-
jonction que : Votre douleur en sera moindre.
— Le moindre en est le superlatif : C'est la
moindre satisfictioii qu'on lut doive. Au
moindre bruit il s'éveille. — Avec la néga-
ti\ e, il signifie aucun : Je n'en aipus la moindre
appréhension.
Moins. Adv. On prononce le s devant un mot
qui commence par une voyelle ou un h non as-
piré. C'est le comparatif de peu, le superlatif
est lemoijis : Parlez moins, parlez moins haut.
C'est le moins que l'on puisse faire Mnins d'ur-
gent, moins de soldats, etc. Il a cinq ans de
moins que son frère. — Moins se place après les
temps simples des verbes; et quand il esl seul
et qu'il n'est jias suivi d(> que, il se met, dans les
temps composés, entn; l'auxiliaire el le participe.
Les poêles s'affranchissent cpielquefois de celle
règle, et Voltaire a dit dans OEdipe i^act. 111,
se. I, 54] :
Si je
! eusse aime moins.
Fn prose, il faudrait dire Si je l'eusse moins
aimé. — Si moins est suivi de que, on peut le
inetlre devant ou après le participe dans les temps
composés : Si je l'eusse moins aimé que vous, ou
si je l'eusse aimé moins que vous — Si moins est
suivi d'un autre adverbe, il doit être mis après le
participe : Ilsontcombattu mo'wscouroffeusement.
Ces mêmes règles doivent s'observer devant un in-
fini i if: Vous ne pouvezmo'ïn^ faire, ou fairemo'ms
pour l'un que pour l'autre. On l'a vu combattre
moins courageusement. — A muins, devant un
nom, régit la préposition de : A moins à,' un
prompt secours. A moins, devant un verbe,
régit que avec le subjonctif et la négative :
A moins que vous ne changiez de conduite. —
A moins que se construit aussi dans le même
sens, avec l'iiifiiiilif el la préposition de, et alors
on supi rime la négative : Je ne pouvais pas lui
parler plus fortement, à moins (jue de le que-
reller. On peut aussi supprimer le que • A
moins d'être fou, on ne peut parler ainsi.
Lorsque au moins, ou du inoins, commen-
cent une phrase, le pronom, sujet du verbe
suivant, peut être mis après ce verbe : S'il n'est
pas riche, du moins il a, ou du moins a-til de
quoi vivre.
Mois. Subsl. m. Avec les noms dénombre car-
dinaux, on dit sans préposition : Le trois jan-
vier, le six mai, etc. Mais avec les noms de
nombre ordinaux, il faut que le nom du mois
474
MOI
soit précédé tle la proposilion de : Le troisième
jour Je janvier, le sixième de mai, ou du mois
de mai-
iMoisiR (se). V. n. de la 2' coiij. Se couvrir
d'une certaine mousse blanche qui inaniuc un
couinienceuienl de curru|)lion. Beauzée dit que
moisir et chancir dilfércnl en ce que celui-ci
se dit des premiers signes de changement, celu>
là du cliansenicnl entier. l)e^ confitures sont
chaticies lorsqu'elles sont couvertes d'une pel-
licule blanchâtre; elles sont inoisies (juand il
s'clcvc de cette pellicule une erflorcsccnce en
mousse blancliùlre ou verdàlre. Un pâté , un
jambon qui se chancissc/it, doivent ciio niangés
proin|itciiicnt; ([uand ils sont moisis, ils ne sont
plus mangeables.— L'Académie n'inditiuo aucune
différence entre ces deux mots; elle remarque
seulement que chancir est vieux.
Moisson. Subsl. f. L'Académie dit au figuré:
Moisson de lauriers, et vioisson de. gloire. Pour
moisson de lauriers, il n'y a i)oinl de doute :
Ces moissons de lauriers, ces lionneurs, ces conquêtes.
(Rac, Iphig., acl. V, se. ii, 53. |
Mais peut-on dire également des moissons de
gloire^ Certainement on ne dirait pas des 7nois-
sons d'il: iiiieiir , des moissons de rtpuiation ;
gloire semble être dans le même ordre d'idées.
Ilest vrai que Racine a dit dans Iphigénie (acl. V,
se. 11, 25j :
Songez, seigneur, songez à ces moissons de gloire
Qu'à Tos vaillantes mains présente la victoire.
Mais c'est, ce me semble, une licence qui est
justifiée par le second vers. Ce second vers
donne, pour ainsi dire, a gloire, le sens de lau-
riers;
Qu'à vos vaillantes mains présente la victoire.
La victoire ne présente pas la gloire aux mains;
mais elle présente aux mains les lauriers qiii
procurent de la gloire. S;ins ce second vers, je
crois <1U'' lu licence serait trop forte. — On trouve
dans les poètes classiques d'autres exemples de
cette expression. Boileau a dit [A. P., IV,
22j):
Que dt moissons de gloire en courant amassées
Et La Fontaine (liv. VII, fab. xviii, 50} :
Mars nous fait recueillir d'amples moissons de gloire.
Quelques-uns disent proverbialement, porter
la faux dans la moisson d'autrui, pour dire,
entreprendre sur les droits, sur les fonctions.
C<' proverbe vient du latin. Riclielct et l'Acadé-
rnic disent, mettre la faucille dans l-a moisson
d'autrui, et cela est mieux ; car pour faire la
moisson , on se sert de faucilles et non pas
de faux.
Moissonner. V. a. de la 1" conj. Ce terme est
fréquemment cmi)loyé dans la poésie et dans le
style soutenu. L'Académie dit moissoîmer des
palmes, moissonner des laurier», la mort a mois-
sonné un grand /inmbre d'iwmrnes ; sa rie a été
moissonnée dans sa fleur. ' .Mais on dit aussi
qu'un homme, que des hommes ont été mois-
sonnés, pour dire (lu'ils ont été tués, ou qu'ils
sont morts.
MOM
J'ai perdu, dans la fleur de leur jeune sii<oa.
Six frcre
Le fer moissonna tout
(RjkC, Phéd., acl. H, se. l, 57.)
Il le faut avouer, parmi cts courtisans.
Que fnotsaonna le fer en la Heur de leurs ans.
(Volt., tlenr.,iu, 201.)
El le peuple, étonné de cette fin terrible.
Plaignit un roi si jeune, et sitôt moissonne.
{Idem, III, 28.)
Tel d'un bras foudrojant fondant sur les relellcj,
Il motesonne en courant leurs troupes criminelles
{Idem, VI, 303.)
Il reconnaît surtout ces généreux Troyens
Que moissonna le fer dans tes champs phrygiens.
(Dblil., Énéid., vi, 617.)
MoissoNKEUR. Subst. m. Moissonneuse. SubsL
f. Quoique moisson et nwissoimer s'cmploienl
au figuré, il n'en est pas de même de moisson-
nevr.
Moite. Adj. des deux genres : Draps moites,
mains vioites, inurailles moites. 11 nc se luel
qu'après son subst. Quelques poètes ont dit le
moite empire, le moite élément, pour dire la
iner. Rousseau a dit le moite élément, et Gresset
{Carême impromptu, 65) :
Quelijue autre curé plu? savant...
Bravant les fougues de la bise,
Se serait livré sans remise
Aux périls du motte élément.
Celte expression nc serait guère admise aujour-
d'hui que dans le style badin.
Moitié. Subst. 1'. L'Académie dit quil se
prend dans une signification particulière, et se
dit figurément et lamiliérement d'une fenune à
l'égard de son mari : Covi.vicnt se porte votre
moitié? Il a perdu sa chère moitié. Beaucoup
d'écrivains ont employé cette expression dans
le style noble :
Laissez à Méncla? racheter d'un tel prix
Sa coupable moitié dont il est trop épris.
(Rac, Iphig., act. IV, se. IT, 104.)
Tandis que plein d'amour, d'horreur et de pitié,
Je vole sur les pas de ma chère moitié.
(Délit., Énéid., II, 1027.)
Delille la dit d'une sœur à l'égard de sa sœur :
0 toi qui de mon âme es la chère moitié.
Ma sœur, lis avec moi dans mon cœur ellrayé.
(Bni^id., IV, 13.)
Moitié s'emploie souvent sans article : J'ai
moitié dans cette succession, cette ville perdit
moitié de ses habitants.
Mollasse. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'afirès son subst. : Chair mollasse, étoffe
mollasse.
Mollement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // s'est conduit
mollement dans cette affaire, il s^est molle-
ment conduit.
Mollesse. Subsl. f. Ce mot n'a point de
pluriel.
Mollet, Mollette. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un lit mollet, des coussins mol-
lets, du pain mollet.
AloMENTANÉ, MOMENTANÉE. Adj. Ou disait au-
trefois momentanée au masculin Comme au l'cmi-
MON
nin. On dit aujourd'hui momentané, et l'Acadé-
mie l'indique ainsi. Il ne se met qu'a])r6s son
subst. : Un efj'ort momentané, vu plaisir m.o-
mentané, une action momentanée.
Momentanément. Adv. 11 ne se met qu'après
le verbe : Ce météore n'a paru que momentané-
ment.
Mon. Adj. possessif qui répond à la prcmiàre
persoime. 11 fait ma au féminin, el mes au
pluriel dos deux genres. Il s'emploie toujours
avec des substantifs, et ne peut jamais être pré-
cédé de l'article.
Lorsqu'un nom féminin, s<Mt substantif, soit
adjectif, ciimmtMice par une vnycllc ou par un h
non aspire, et qu'il suit innnéiiialcmcnt ce pro-
nom, on met mon au lieu de ma, afin d'éviter
l'hiatus qui résulterait de la rencontre des deuK
voyelles : J\Io?i âme, mon ipce , mon aimable
amie, el non pas ma âme, ma épée, ma aimable
amie ; et devant un /; aspiré on dit mu au fémi-
nin: ma hache, ma haranque.
Quand le pronom personnel sujet du verbe
indique assez le sens de l'adjectif possessif, on
ne met point ce dernier. Ainsi l'on dit ^'ai mal
à la tête, et non pas j'ai mal à ma tète, parce
que le pronon jV indi(]ue assez qu'il s'au'it do la
,téte de celui qui p;irlc ; car on ne peut pas avoir
mal à la icte d'un autre. On dit de nicniey'oi
reçu vn coup au bras, à la jambe, et non pas à
mon Iras, à ma jambe. Mais quand le pronom
qui est sujet ne désigne pas clairement (jue la
chese dont il est question appartient à celui q\ii
parle, il faut mettre l'adjectif jiossessif. Par
exemple, si je disais/e mis que la jambe s'enfle,
je n'indi(]uerais pas assez qu'il est question de
ma jambe, car je puis voir de môme enfler la
jambe d'un autre. 11 faudrait donc dire, si je
voulais indiquer que je veux parler de ma
jambe, et non de celle d'un autre, je vois que
majajube s'enfle. C'est par la même raison qu'il
faut û\re j'ai perdu mon argent, je perds tout
mon sang, ijuand on parle de son propre argent,
et de son propre sang. Ces équivoipics ne peuvent
pas avoir lieu avec les verbes réfléchis; et quand
je dis je me suis blessé à la main, on entend
bien que je veux parler de ma main et non de
celle d'un autre. Cependant l'usage veut que
l'on dise, ye me suis tenu toute la journée sur
mes jambes, peut-être pour mieux exprimer la
fatigue de cette position : de même qu'on dit,
pour augmenter l'énergie de l'expression, je r«i
vu de mes propres yeux, je l'ai entendu de mes
propres oreilles.
L'adjectif jiossessif mo7i, ma, mes, se répète
devant chaque substantif et devant chaque ad-
jectif, à moins (pie ces adjectifs n'aient à peu
près le même sens. On dit donc, mon père et ma
mère sont venus, et non pas mes père et mère
sont venus. Mon père, ma mère, mes frères et
m.es sœurs sont morts; je lui ai montré mes
beaux el mes vilains habits; je lui ai îiiontré
mes beaux et brillants équipages.
Il est clair que dans la dernière phrase les
adjectifs beaux et brillants sont appliqués au
même substantif; et (]ue si l'on disait mes beaux
et 7nes brillants équipages, on indi(]uerait par
là que l'on veut parler de deux espèces d'é-
quipages , dont les uns sont beaux et les
aunes brillants. Voyez Adjectifs possessifs,
Accord.
Mo.N,vcAL, Monacale. Adj. 11 se dit par mépris
de tout ce qui a rapport à l'état de moine : f^ie
monacale, petitesses monacales, intrigues ma-
MON
475
nacafes. Il n'a point de pluriel au masculin.
Voyez Monastique.
MoNACALEMENT. .\dv. D'uuc façon monacale.
Il ne se met qu'après le verbe : // a toujours
vécu monacalement. C'est un terme de mé-
pris.
MoNAncHiQUE. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Gouvernement monar-
chique. Etat monarchique.
MoNARCHiQUEM^NT. Adv. Il uc sc met qu'après
le verbe : Il a gouverné monarchiquement, et
non p;is z7 a monarchiquement gouverné.
Monastique. Adj. des deux cernes. Il ne se
met qu'ai)rès son sulist. : V^ie monastique, dis-
cipline monastique, les ordres monastiques. 11
diffère de monacal, en ce qu'il se prend tou-
jours en bonne part, et que le dernier ne se dit
qu'en mauvaise part et par mépris.
.Mondain, Mondaine. Adj. îles deux genres.
On peut lo mettre avant son subst., lorsque l'a-
nalogie et l'harmonie le permettent : Femme
mondaine, parure mondaine; ces mondaines pO"
rurcs. Voyez .Idjcctif.
MoNDAiNEMENT. Adv. Il 116 se mct qu'après le
verbe : Il a toujours vécu mondainement.
Monologue. Subst. m. Terme de littérature.
Scène dramatique où un personnage parait el
parle seul. Le monologue est un raisonnement
et un discours (pic quelqu'un se fait à lui-même.
Les monologues doivent être rares, extrêmement
courts, el même ne doivent être employés (lue
dans la passion.
Monopole. Subst. m. Le monopole ne con-
siste pas à vendre seul , mais à s'être rendu
maitrc d'une denrée pour la vendre seul. Lu
homme qui aurait dans un pays la propriété
d'une mine unique qui y existerait , ne com-
mettrait pas un monopole en vendant seul les
produits de sa mine; ou du moins cette espèce
de monopole n'cmporlcrait pas le sens odieux (lue
l'on attache ordinairement à ce mot. — Mono-
pole se dit du trafic illicite et odieux que fait
celui (lui se rend seul le mailre d'une sorte de
marchandise, pour en être le seul vendeur, et
la mettre à si haut prix que bon lui semble, ou
bien en surprenant des lettres du prince pour
être autorisé à l'aire seul le commerce d'une cer-
taine sorte de marchandise, ou enfin lorsque tous
les marchands d'un même corps sont d'intelli-
gence pour enchérir les marchandises ou y faire
quelque all(;ration.
MoNosYLLAnE. .^dj- m (lue l'on prend sub-
stantivement. Ce mot est composé de deux mots
grecs, monns seul, et sullabê syllabe, qui se pn)-
noncent comme si ces deux éléments étaient sé-
parés et (ju'on écrivit mono-syllabe. La lettre s,
(lui, se trouvant entre deux voyelles, devrait être
prononcée comme a, se prononce s, parce (lu'au
moyen (le celle séparation mentale, elle est con-
sidérée comme initiale.
Il se dit des mots d'une syllabe. On lit dans
ï Encyclopédie, a l'article Monosyllabe, qu'une
langue qui abondera en monosyllabes sera
prompte, énergique, rapide; mais qu'il est dif-
ficile qu'elle soit harmonieuse.
Vaugelas, Ménage et .Marmontel n'étaient point
de cet avis, et ils citent pour exemple ces deux
vers (le Malherbe :
El moi ie ne îois rien quand je ne la vois pas...
tLiv. V, Stonce», T. 14.)
Et tout ce que je 'ois n'est qn'un poinl à mes yenx.
(Liv. V, chanson, V. 30.)
476
MON
Il n'est pns vrni, dit Marmontcl, comme on
l'a dit tant de fois, qu'un vers compose de mo-
nosyllabes soil i-oimnniicmcnl dur, cl «pie l'on
diiive l'éviler. On doit savoir le coiii|)oser de
sons pleins et ti'ariicuialions liantes qui se suc-
cèdent sans peine; et nlors une suite de mono-
syllabes fera un vers mélodieux. On cite comme
une exce|)tion rare ce vers de Racine [Phèdre,
act. IV, se. II, 78} :
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur.
On en trouvera cent dans nos bons poètes, tels
que ceux-ci:
Mon père Tcrlueui,
Fait le bien, suit les lois, et ne craint que les dieux...
(Volt., Jfe'r., .ict. II, se. ii, 75.)
L'art n'est pas fait pour toi, tu n'en as pas besoin;
(YoLT., Zaïre, act. lY, se. ii, 63.)
lesquels ne sont ni moins coulants, ni moins har-
monieux nue ceux de Racine.
On pourrait encore ajouter à ces exemples
Ce vers de Racine, dans Buiazet (act. I, se. m,
63): J V ^ ,
Quand je fais tout pour lui, s'il ne fait tout pour moi.
— On trouve aussi dans les œuvres deRcgnier
un assez grand noinbre de vers qui, bien que
composés de monosyllabes, n'ont rien de désa-
gréable pour l'oreille. Nous avons recueilli
ceux-ci :
Par Dieu, les plus grands clercs ne'sont pas les plus fins.
[Sat. 111,256.)
Et moi qui ne leur dis ni bonsoir ni bonjour.
[Sat. XI, 524.)
Tout le mal que tu sens, c'est toi qui le le fais.
[Épitre I, 130.)
Quant aux suivants, ils pourraient à bon droit être
cités par les criti(iiies qui accusent les vers com-
posés de monosyllabes d'être durs cl rocailleux :
Ha-: que ne suis-je roi pour cent ou six-vingts ans !
(Sot. VI, 60.)
Et sont ceux qu'on peut dire et saints et gens de bien.
(Sot. XII, 112.)
Monotone. Adj. des deux genres. Il ne se met
fuére (lu'ajyrès son subsl. : Chaiit monotone, pro-
nonciatiiin monnlfine, style mnnotone.
Mo^OTOM^:. Subsl. 1 Défaut de variation du
ton. 11 y a la monotonie de la voix, la monotonie
de la déclamation, la monotonie du style. Voyez
Style.
MoNS. Expression familière; abréviation mé-
prisante du nwKvionsieur :
Mais mont ton fils, le sieur de Fierenfat,
Me semble avoir un procédé bien plat,
(YoLT., Enf. prod., act. I, se. i, 5.)
Cest moi seul, mon» Damis, qui fais ce mariage.
[L'Indiscret, se. III, 7.)
MoKSEiCNEtjR. Subsl. m. II s'écrit en un seul
mot quand on jtarie aux houunes : Monseigneur
le prince de On l'écrit en deux mois quand on
parle i\ Dieu : Min Seiynenr et won Dieu. — Il
n'en faut pas mciire deux de suite dans la même
MO?C
phrase. — Quand le pronom mus termine un
membre de la période, il faut le faire suivre de
Monseigneur : J'ai reçu de mus, Monseigneur ;
il n'appartient qu'à vous, Monseigneur. On le
place ordinairement après car, mais, au reste,
du reste, après tmit, certes, certainement, c'est
pourquoi, et autres semblables : Car, M n sei-
gneur ; 7iiaij, Monseigneur, elc. — On évite de
le meure après un verbe actif, parce qu'il en
résulte ordinairement une sorte d'équivoque.
On ne dira lionc pas, je ne t^eux pas acheter.
Monseigneur ; il faut dire, je ne veux pas,
Monseigneur, acheter Il y a plusieui's autres
occasions où il faut éviter les é<juivo(iucs que
le peuple trouve entre ce mot et celui qui le
précède. Ainsi, il faut éviter de dire, c'est du
veau, Miinseignei/r ; c'est une bête. Monsei-
gneur. Ces équivoques ne sont pas fondées en
raison; mais il sufllt que le vulgaire les voie
pour ([u'il faille les éviier, — Il ne faut pas
mettre ce mot entre un substanlif et son adjectif,
si l'adjoclif est du même scnrc(\u(; Monseigneur,
comme, c'est un procédé. Monseigneur, très-
insolent. — On dit. Monseigneur, votre altesse;
et non pas votre altesse , Monseigneur. Ces
régies peuvent être appliquées aux mots mon-
.^ieur et madame.
MoNSiECR. Subsl, m. En prose on ne prononce
ni le n ni le r ; en poésie on prononce quelquefois
le r.
Yous oubliez, Monsieur,
Qu'Hortense est ma cousine et cbcrit son honneur.
(YoLT., l'Indiscret., se. vi, 55.)
Le pluriel est messieurs, où l'on ne prononce ni
le r, ni le s.
Le nom de monsieur ne doit se mettre que
devant le nom des auteurs qui sont encore
vivants, ou dont la mémoire est encore récente.
On dit, Corneille, Jiucine, f^oltaire, Gresset ;
et on dit quelquefois encore monsieur de La
Harpe. On ne doit pas ajouter aux noms de
juonsieur, madame, mademoiselle, \c nom propre
de la personne à laquelle ou adresse la parole,
à moins que, dans une compagnie, on ne puisse
désigner autrement la persoiuie à qui l'on veut
parler; mais on peut ajouter les noms de dignité
ù ceux de monsieur, madame : Munsieur le
comte, madame la comtesse, pourvu cependant
iju'on le fasse rarement cl sans arieclation.
Nous ne nous servons point, dit Voltaire, des
mots monsieur, madame, dan? les comédies tirées
du grec. L'usage a i)ermis que nous appelions
les Romains ei les Grecs seigneurs, et les Ro-
maines madame; usage vicieux en soi, mais qui
cesse de l'être, parce que le temps l'a autorisé.
[Remarques sur la Bérénice de Racine.) Voyez
Monseigneur.
Monstre. Subsl. m. Au propre et au figuré, il
régit quelquefois la préposition de: C'est un
monstre de laideur, vn monstre de nature. —
Un monstre iï ingratitude, dc cruauté. L'Aca-
démie le délinit, animal ijui a une conformation
contraire à l'ordre de la nature. On pourrait
croire d'a[irès cela (pie le mot monstre ne peut
se dire que des animaux. Il se dit de toutes les
productions dc la nature qui ne sont pas con-
formes aux lois ordinaires. On donne ce nom en
général à toute i>roduciion organisée dans la-
quelle la confurmalion , l'arrangemenl ou le
nombre dequclipies-uncs des parties ne si'ivent
pas les régies ordinaires. Il y a des monstres
dans les fleurs, dans les fruits, etc.
MON
Monstrueux, Monstruelse. Adj. On peut le
meure avaiil son subsl. , lorsque l'analosic cl
i'hariiionie le pcrmeUenl : Un enfant mon-
strueux, un animal inonslnteux,un uwnstrucux
animal. — Une ingratitude monstrueuse, une
monstrueuse ingratitude.
Mont, Montagni;. L'Académie explique ces
deux mots pai" la mciiie dùlinilion, sans indiquer
précisémenl la difforcnce de leurs sii-MiiTR'atiuiis.
Mont désigne une masse délaclu'C de loule
autre masse i)areillc, soit j)liysii|iienicnt , soit
idéalcmcni; viontugne ne forme qu'une appella-
tion vague, sans aucune distinction inilividnc'lle;
et on y joint la prcposilion de, pour l'iippliiiucr
à des olijels indi\iducls : Les montagnes des
Alpes, lus montagnes de Suisse. Le mont esl
Opposé au val ou vallon; on court par monts et
par vaux. La montagne est proprement opposée
à la plaine ; on mène paitre un troupeau de la
plaine sur la montagne. — (Juand on dit les
monts, on entend ordinairement les Alpes,
comme dans ces phrases, passer les monts,
repasser les monts, au delà des monts, deçà les
monts.
On dit le mo}it Caucase, le mont Etna, le
mont Liban, \e7110nt Apennin, le Juont Olympe
Il semble que le mol mont soit affcclé aux mon-
tagnes l'amcuscs par leur hauteur; cependant on
dit les montagnes de la Lune, et les montagnes
de lu Table, pour marquer celle monlagnc voi-
sine du cap de Bonne-Espérance à la pointe
méridionale de rArri(iiie, quoi(iue an rapport dos
voyageurs ce soit une des plus haules du monde.
Enfin, l'usMge a voulu tju'en parlant de certaines
montagnes on se servit de leur nom loul simple :
c'est ainsi qu'on dit les Alpes, les Andes, les
Pyrénées, les Cévennes, le f^ésuve, le Slromboli,
les Vosges, le Schwarzwanden, le Pic, l'Apen-
nin. Voyez Genre.
Montagnakd, Mo^iTAGNAr.DE. Adj. qui ne se
met qu'après son subsl. : Peuples montagnards,
animaux montagnards. Voyez Montagneux.
Montagne. Subsl. f. Voyez Mont ei Genre.
Mo.ntagneux, .Montag>euse. Adj. On jjcut le
mettre avnnt son subsl., en consultant l'uroiUo
et l'analogie: Pays montagneux , contrée mon-
tagneuse, cette montagneuse contrée. — Mon-
tagneux ne se dit que des pays où il y a beaucoup
de monlagnes; cl montagnard se dit des hommes
et des animaux qui habitent ces pays.
MoMÉE. Subsl. f. Il se dit, selon l'Académie,
d'un petit escalier, dans une maison de pauvres
gens. — Montée en ce sens est une expression
vulgaire par hniuelle le bas peuple désigne l'es-
calier d'une maison quelconque, petite ou
grande, riche ou pauvie.
Montre se dil [)roprenient de la iientc plus ou
moins douce d'un escalier. On le dit aussi delà
pente plus ou moins douce d'une montagne,
d'une éminencc, d'uncoleau. Les anciens archi-
tectes disaient une viontée, pour dire une marche
d'escalier.
Monter. V.n. et a. dela'l"conj. L'Académie
donne des exemples où ce verbe prend lanlôl
l'auxiliaire avoir, lanlôl l'auxiliaire p^re; mais
elle ne dil pas dans quels cas il faut employer
l'un ou l'autre. Noire-Seigneur est monté au
ciel; il a inonté quatre fois à sa chambre pen-
dant la journée; il eal monté dans sa chambre
et y esl resté. — Féraud dil qu'il prend l'auxi-
liaire avoir quand il est actif et qu'il a un
régime direct : J'ai monté les degrés; et qu'il
preud l'auxiliaire être quand il est neutre. Mais
MON
477
celte règle n'est pas sufllsante, car elle ne pcul
pas s'ap|)liqucr au sec(jnd exemple donné par
l'.Acadéniie , qui cmiiloie avoir dans un sens
neutre. — \'i>]v\ la ré^le (pi'il faut suivre pour
ce verbe el pour ions les autres semblables, b:
l'on veut exprimer l'action de monter, il faui
employer l'auxiliaire avoir : Il a monté quatre
fois à sa chambre pendant la journée; il n
monté pendant trois heures au haut de la
montagne ; il a monté les degrés; la rivière t.
monté de six pouces depuis hier. Si, au contraire,
on veut cxi)rimer l'étal tpii résulte de l'action d.-
monter, il faut employer l'auxiliaire être: Il esl
monté dans sa chambre il n'y a qu'une lieure.
f^otre père est-il monté dans sa chambre? —
Oui, il y est monté. A quelle heure y a-t-il
montéf C'est-à-dire, a-t-il l'ait l'action d'y mon-
ter? Il y a. monté à huit heures.
Le vers suivant de Voltaire offre un exemple
contraire à celle règle [OEd., act. V, se. 1, 6) :
J'ai sauve cet empire en arrivant au trône;
J'en descendrai du inoius comme j'y suis monté.
Mais je soutiens que, sans le mauvais son de j'y
ai, VolUiirc aurait dit j'y ai monté. C'est une
licence qu'un usage abusif autorise, mais qui ne
doit point tirer à conscipience. Voyez Aspirer.
Ce verbe a un grand nombre d'acceptions. On
dit monter à cheeal;la mer monte; monter une
pendule; cet instrument est monté trop haut;
ce mur monte au-dessus du voisin ; monter la
garde; monter un vaisseau ; monter en graine;
monter en couleur; monter une machine; la
somme de ces nombres monte haut; les astres
montent sur V horizon ; il est înonté sur le
théâtre; le luxe est monté à un haut excès;
la voix de Vtniwcence est montée au ciel; il esl
monté de celte classe à une autre; le blé monte,
etc. D'où l'on voit que d.ins presque toutes ses
accop'.ions, il ex[)rime ou siinplcinenl ou figiiré-
menl l'action de passer d'une situation a une
autre situalinn plus élevée.
Monter régit les prépositions à, sur, dans, en.
Monter à suppose un but que l'on veut
atteindre, en allant de bas en haut : Monter u
l'assaut ; monter à la brèche; monter au haut
d'un arbre; monter à une tour, au haut d'une
tour. .
Monter à un arbre inariiue le dessem d en
atteindre une partie élevée, en quittant la terre cl
s'allachant à l'arbre: Monter à un arbre pour
prendre un nid d'oi.ieaux. On dit dans le même
sens, monter à une échelle. Monter sur un arbre
suppose le dessein de se placer parmi les bran-
ches, soit pour er. cueillir le fruit, soit pour
éviter quehiue danger, soit pour mieux voir ce
qui se passe aux environs : Le sanglier le pour-
suivait, il monta sur un arbre, el non pas à un
arbre. Il faut monter sur cet arbre pour en
cueillir les fruits. Il monta sur un arbre pour
voir passer le cortège. On monte aussi sur un
arbre pour Ic tailler, pour l'élaguer, pour
l'émonder.
Monter à cheval suppose le dessem de partir,
et a toujours quehiue rapport à l'art de manier
un cheval, de surte <iue monter à ne se du pomt
avec les noms des animaux qui ne rappellent pas
directement l'idée de cet art. On ne dit pas
monter à jument, monter à cavale, monter a
mulet, montera âne, monter à chameau. Mon-
ter à cheval se dit même particulièrement de
l'art de manier un cheval, de se tenir bien a
478
MON
cheval. Ce jeune homme monte bien à cheval.
Il apprend à monter à cheval. Quand l'expression
n'a aucun rappoil a ccl an, on dil monter sur :
Il monta sur son cheral pour ne pas être pressé
dans lu foule. Il monta sur son cheral pour
viievx rnir la cérévumie.
On tlil monter sur, pour désigner simplcinenl
unesupériorilé de position : Monter sur un cite-
rai, sur un âne, sur une jument., sur un
chameau ; vionter sur une chaise, sur tin
escabeau, sur une table, sur un banc; monter
sur une échelle, pour êlre dans une position
commode pour atteindre ou pour faire quelque
chose.
On monte à sa chambre, el on monte dans sa
chambre. La première locution indi(|ue simple-
ment laction de monter : En montant à ma
chambre, je fis un faux pus. La seconde sup-
pose l'inteniion de rester dans sa chambre, de s y
renfermer. On monte à su chambre pour prendre
son chapeau, sa canne, un livre, etc.; i)our en
redescendre peu de temps après. On monte dans
sa chambre pour s'y occuper, pour y travailler,
pour s'y entretenir avec quelqu'un, pour y passer
la soirée, pour se coucher.
On monte en voiture pour partir, en chaire
pour prêcher; on monte dans une voilure par
ch"ix, par préférence : Je ne veux pus monter
dans cette mauvaise voiture. On monte dans
une voiture, pour y arranger quelque chose,
pour prendre ce qu'on y avait oublié, pour la
raccommoder; en un mot, dansions les cas où
il n'est pas directement question do dépurl. On
Tiiiiîite dans une chaire pour la décorer, pour
la réparer, pour y mettre ce dont le prédicateur
a besoin; eu un mot, dans tous les cas où il n'est
pas directement question de prêcher. On a fait
dans une église une chaire neuve, le curé va la
voir, y monte pour juger si elle est commode,
d:ins \in lem[)s où le public n'est pas assemblé
dans l'église; alors on dit qu'il morde dans la
cl/aire, et non pas qu'il monte en chaire. Voyez
Dans.
Monter au trône se dit d'un prince qui, par
les lois du pays, a droit d'y monter ; Il monta au
trône de son père, au trône de ses ancêtres.
v' Monter sur un trône su[)posc que l'un y monte
/ autrement que par droit de succession : Les
princes qui étaient autrefois élus pour régner
en Pologne, montaient sur le trône de Pologiie.
Darius, fils d'Hystaspe, né dans une condition
privée, milita sur le trône de Perso.
* Montrable. Adj. des deux genres. Mol
inusité que l'on peut employer dans queli]ues cir-
constances particulières. Voltaire écrit à madame
du Deffant, qui était aveugle : Si vous aviez des
yeux, vous ririez bien de ma figure de quatre-
ringl-un ans; elle n'est ni transportuble, ni
montrable.
MoMKER. V. a. de la 1" conj. Féraud dit que
ce mol n'est pas du style noble. C'est une erreur :
on le trouve dans nos meilleurs poètes:
Il faut montrer ici ton zèle cl la prudence.
(Rac, Iphig., »cl. I, se. 1, 12C.)
Qu'éloigné du mallieur qui m'opprime,
Votre cœur aisément se »no>i(rc magnanime.
[Idem, act. I, se. m, 45.)
Le reste pour son Dieu montre un oubli fatal.
(lUc, Ath., act. I, se. I, 17.)
MoNTOEux, MONTUEUSE. Adj. Il ïic sc mct
qu^après son substantif : Pays montueux
MOR
MoQCER. V. pronom, delà J"conj. Féraud
blâme les auteurs qui lont employé au passif.
Au lieu de dire la crainte d'être mvqué, il veut
qu'on dise la crainte qu'on ne .te moque de moi,
de nous, de vous, etc. ; et c'est en faveur de
l'opposiiioïKiu'il passe celle phrase de J.-J. Rous-
seau, Les esprits forts qui s'étaient moqurs de la
fée, furent moqués à leur tour. ( Heine fan-
tasque, t. XIII, 30y.) Il ne faut pas en croire
Féraud sur cet article. Tout le monde em-
ploie ce verbe au passif; et outre le pioverî»
qui dit les moqueurs sont souvent moqués^
l'Académie donne pour exemple // fut moqué de
tout le monde, el dil expres.^cmenl (jue ce verbe
s'emploie au participe avec le verbe ^/rt.
Moqueur, .Moqueuse. Adj. qui se prend sub-
stantivement. Il ne se met qu'après son subsl. :
Un homme moqueur, une femme moqueuse ; un
ris moqueur, un air moqueur.
Moral, Moiiale. Adj. Il ne se met qu'après son
subsl. : Discours moral, théologie viorale, pré-
ceptes moraux , réflexions morales ; vertus
morales, certitude morale.
MoRALi:. Subsl. f. Il n'a point de pluriel. C'est
abusivement (}uo quelijues personnes disent faire
des morales à quelqu'un.
Moralement. Adv. On peut le mettre entre
lauxiliaire el le participe ; Il vit moralement
bien; il a moralement bien vécu. — Cela est
prouvé 7niiralement, cela est moralement prouvé.
— On dit moralement parlant, et on le met
comme inci.se, au commencement ou a la lin d'une
proposition : Moralement parlant, cela est im-
possible ; cela est impossible, moralemejit par-
lant.
Moraliser. V. n. de la d"^* conj. Tout événe-
ment moralise, a dil La Molle. Expression neuve
et i)hilosophi(iue,dit Mercier.— En 1835, l'Aca-
démie l'acimei.
Moralité. Subsl. f. Depuis la révolution, on a
dit co mol pour désigner le caractère moral
dune fxjrsonne, ses manirs, ses principes. Plu-
sieui-s grammairiens se sont élevés contre celle
nouvelle acception; mais elle a été et elle est
encore em})loyée partout. On demande des ren-
seignements stir 1(1 moralité d'une personne à qui
l'on veut confier un emploi; on exisa des certi-
ficats de moralité. Il est présumable que 1 usage
maintiendra celle expression, malgré les gram-
mairiens.— On la trouve dans la dernière édi-
tion du Dictionnaire de l'Académie.
Moralité. Terme de littérature. Toute |)Oésie
un peu sérieuse «ioil avoir son objet d'utililé.
son bul moral; cl la vérité de senlimeni ou de
réflexion (]ui en résulte, l'imiiression salutaire
de crainte, de pitié, d'admiralion, de mépris, de
haine ou d'amour quelle fait sur l'ànie, est ce
qu'on nomme moralité. (Marinonlel.) Dans l'a-
])ologuo, on appelle moralité la vérité qui ré-
sulte du récit allégorique.
Mor.DAisT, Mordante. A<lj. On le met avant
son subsl., lorsque l'analogie et 1 harmonie le
permettent: Esprit mordant, style mordant,
traits mordants. Une épigramme mordante,
celte mordante épi'/ramme; une humeur mor-
dante, cette mordante humeur; une satire
mordante, cette mordante satire; des cen-
sures mordantes , de mordantes censures.
Voyez adjectif.
MoRDiCAKT, MoRnicANTF.. Adj. Au figuré, el
au féminin, on i»eut le meltre avant son subsl.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permetlenl : Une
humeur mordicante, cette mordicante humeur^
MOK
MOT
47»
MoRGCE, MonciER. L'ii n'esl dans ces mois
qAu- pour doiiuer au p un son fort, qu'il n'a pas
devant l'e. Sans cet m, on prononcerait ynorje,
mnrjer.
MOKT, Morte. Adj. Dans les expressions sui-
vantes, il a un sens oifférent, selon qu'il est i)lacc
»v;int ou après le subst. Du mort-bois est du
liois de |)eii de valeur qui n'esl propre à aucun
ouvrage; du Imis mort, est du bois séché sur
pied. — Morte-eau se dit des marées (juand
elles sont au point le plus bas; eau morte se dit
de l'eau qui ne coule pas, comme l'eau des
'langs, des mares, etc.
Mortel, Mortelle. Adj. On peut le mettre
avant son snb^t., en consultant l'oreille et l'ana-
logie. Dans le sens de, qui donne la mon, ou
qui parait devoir la causer, on dit une moludie
mortelle, un coup mortel, vne b/essvre mortelle,
vn poison m >r tel ; ai Von |)eut dire cette mor-
telle blessure. — Dans le sens de grand , ex-
trême, excessif, haine Tnortelle, inimitié mor^
telle, un déplaisir mortel, un vioriel déplaisir ;
c'est son ennemi mortel, c'est son viortel en-
nemi, n y a trois mortelles lieues d'ici là, cl
non pas trois lieues mortelles. On dit un effroi
viortel, et inortel effroi. Féraud [)rélend que,
quand il signifie (pii est sujet a la mort, il ne
peut se mettre qu'après son subst.; et en consé-
quence il blâme ce vers de Racine dans Esther
(aci. III, se. vu, 52) :
Le succès est certain
Si le snccès dépend A' Tine mortelle main.
Je ne pense pas que la critique soit juste. On
peut quelquefois mettre cet adjectif avant son
subst., dans le sens indiqué par férauil.
Mortellement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il nous a offensés
mortellement, ou il nous a mortellement offen-
sés.
Mort-gage. Subst. m. Ce mot étant composé
d'un substantif cl d'un adjectif, lun et l'autre
doit prendre la marque du pluriel; ainsi l'on doit
écrire au pluriel des iwirts-gages.
Morte-saiso:m. Subst. f. (^e mot étant composé
d'un substantif cl d'un adjectif, l'un cl l'autre
doit prendre la inar(]ue du pluriel. Il faut donc
écrire au pluriel de* mortc.'i-sai.^ons.
Mortifiant, Mortifiante. Adj. verbal lire du
V. mortifier. On peut (pielquefois le mettre avant
son subst., en consultant l'oreille et i analogie :
Une chose -mortifiante. Une injure mortifiante,
vue mrrtifiaiite injure ; des humiliatûms rnor-
tifutntes ; de mortifumtes humiliatiojis. Un refus
mortifiant, un mortifiant refus.
Mort-ivre. Adj L'.\cad(Mnie dit ivre-mort.
On dit l'un et l'autre. Nous pensons que mort-
ivre se dit d'un homme, et qu'en parlant d'une
femme, on doit dire ivre-mcrte. pour distinguer
par la ]trononciaiion le féminin du masculin;
car il n'y aunit aucune différence pour la pro-
nonciation entre mort-ivre et morte-ivre. —
On dira de même au pluriel, morts-irres au
masculin, et ivres-mortes au féminin. Ce fémi-
nin pluriel sera analogue au singulier; et l'on
évitera la prononciation dure de mortes-irres.
MoRT-NÉ. Adj. L'Académie écrit au pluriel deux
enfants mort-nés. Il nous semble (ju'on doit
écrire morts-nés. Un enfant mort-né est un
enfant né mort ; des enfants morts-nés sont
des enfants nés morts.
Mortuaire. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Un drap mortuaire.
un registre martuaire, un extrait mortuaire
Morvecx, Morvedse. Adj. qui ne se met
qu'a|)rés son subst. : Enfant mm-vevx , nez
morreux.
Mot. Subst. m. Le t final ne se prononce que
devant une voyelle. Mut, dit l'Acadéuiie, se dit
d'une ou plusieurs syllabes réunies (pii expri-
ment une idée. Les granuiiairiens divisent les
mots en substantif, article^ adjectif, pronom,
verbe, préposition, adi^erbe, conjonction et iti-
terjection. Voyez ces mots.
11 faut distinguer dans ces mots la significa-
tion objective et la signification formelle ; la
signification objective, c'est l'idée fondamentale
(pii est l'objet de la signification du mot, et qui
l)cul être désignée par des mois de différentes
espèces. La sigiiificalH>n formelle, c'est la ma-
nière particulière dont le mot présente à l'esprit
l'objet dont il est le signe , laquelle est com-
mune à tous les mots de la même espèce, et ne
peut convenir à ceux des autres espèces.
Le même objet pouvant donc être signifié
par des mots de différentes es|)éces, cm peut
dire que tous ces mots ont une mêiiis significa-
tion objective, [larce qu'ils représentent tous
la même idée fondameruale ; mais chaque es-
pèce ayanl sa manière propre de prê£3nter
l'objet dont il est le signe, la signification for-
melle est nécessairement diflérenie dans les
mots de diverses espèces, quoiqu'ils puissent
avoir une même signification objective. Commu-
nément ils ont, dans ce cas, une ra<"ine généra-
tive commune, ijui est le type matériel de l'idée
fondamentale qu'ils représentent tous; mais celle
racine est accompagnée d'inflexions et de termi-
naisons qui, en désignant la diversité des e.s-
péc(!s, caractérisent en même temps la signifi-
cation formelle. Ainsi la racine commune um
dans aimer, amitié, ami, amical, amicalement,
est le type de la signification objective com-
mune a tous ces mots, dont l'idée londaincntale
est celle de ce sentiment affectueux qui lie les
hommes par la bienveillance; mais les diverses
iiillexioiis ajoutées a cette racine désignent tout
à la fois la diversité des espèces, et les différentes
significations formelles (jui y sont attachées.
11 faut encore distinguer, dans la signification
objective des mots, l'idée ]irincipale et les idées
accessoires. Lorsque plusieurs mots de la même
espèce re|)résenlent une même idée objective,
variée seulement de l'une à l'autre par des nuan-
ces différentes qui naissent de la diversité des
idées ajoutées à la première, l'Clie qui est com-
mune a tous les mots est l'idée principale; et
celles qui y sont .ajoutées, et qui différencient
les signes, sont les idées accessoires. Par exem-
ple, amour el amitié sont des noms cpii [irésen-
lent également à l'esprit l'idée de ce sentiment de
Vàmf qui porte les hommes à se réunir; c'est
l'idée pniicii)ale de la signification objective de
ces deux mots. Mais le n)in amour ajoute à cette
idée principale l'idée accessoire de l'inclination
d'un sexe pour l'autre; et le nomawi'^tt; y ajoute
l'idée accessoire d'un juste fondement, sans dis-
tinction de sexe. On trouvera, dans les mêmes
accessoires, la différence des substantifs amam
et ami, des adjectifs amoureux et amical, des
adverbes avwvrev sèment cl amicalement.
Quand on ne considère dans les mois de la
même espèce qui désignent une même idée ob-
jective principale, (jue celte seule idée prin-
cipale, ils sont synonymes ; mais ils cessent de
l'èlrc quand on fait attention aux idées accès-
480
MOT
soires (lui les différeiicieiil. A'uycz Si/ituiujntcs.
Dans bien des eus, on peul les eiii|)loyor iiidis-
lincieincnt cl sans choix ; c'esl surinui luisijn'on
ne veut et qu'on ne doit préseiiler d;iMS le dis-
cours (juc l'idée pi iiicipidc, el qu'il n'y a dans
la lani;ue aucun mol (|ui lexpriniC seule, avec
abslraclion de toute idée acicssoirc. Alors les
circonstances font assez connaître (|uc l'on l'ait
abstraction des idées accessoires, que l'on dési-
gnerait par le nicmc mol en d'autres occurrences.
Mais, s'il y avait dans la langue un mol qui
signifiât ridée i)rincipale seule, el abslraile de
toute autre idée accessoire , ce serait, en ci-tle
occasion, une faute contre la jusiesse,de ne pas
s en servir plutôt t|ue d'un autre auquel l'usa^'c
aurait attaché la signilication de la même idée,
modiliée par d'autres idées accessoires.
Dans d'autres cas, la justesse de rcxprcs>ion
exige (pie l'on choisisse scrupuleusement entre
les synonymes, parce <iu'il n'est pas toujours
indifférent de présenter l'idée principale sous un
aspect ou sous un autre.
Aux mots synonymes, caractérisés par l'iden-
tité du sens principal, maigre les différences
maléric'llcs, on peut opposer les mois homony-
mes, caraclcriscs au contraire par la diversité
des sens princijjaux, malgré l'idealitc ou la res-
semblance dans le matériel.
Remaripiez qu'il ne faut pas s'en rapporter
uniquement au matériel d'un mol, pour juger de
quelle es[)cce il est. On trouve des homonymes
qui sont tantôt d'une espèce et tantôt d'une
autre, selon les différentes significations dont ils
se revêtent dans les diverses occurrences. Par
exemple , .si est conjonction quand on dit si
vous voulez ; il est adverbe quand on dit vous
parles si bien;i\ est nom lorsiiu'en termes de
musique on dit un si cadence. En est quelque-
fois préposition, jD<i?Ver en maître; d'autres fois
il est pronom, nous en arrivons. Tout est nom
dans celle phrase : Lo lout est plus grand que
sa partie; il est adjectif dans celle-ci : Tout
lioinme. est menteur; il est adverbe dans cette
troisième : Je suis Uml surpris.
C'esl donc surtout dans leur signification qu'il
faut examiner les mots pour en bien juger; et
l'on ne doit en fixer les espèces ipie par les dif-
férences spécifiipies qui en délerminent les ser-
vices réels. Si l'on doit, dans ce cas, quel»iue
attention au matériel des mots, c'est pour en
observer les diffcrenies métamorphoses, (]ui ne
sont toutes que sa nature sous diverses formes;
car plus un objet montre de faces différentes,
plus il est accessible a nos lumières.
L'nc chose essentielle pour penser juste et
pour exprimer neliement ses pensées, c'est d'at-
tacher toujours aux mots des idées claires et
précises. Il n'est que trop fréquent, et l'expé-
rience nous inontH! tous les jours, ipie l'on est
dans l'habitude d'employer des mots sans y
joindre des idées précises, ou même aucune
idée ; de les eini>loyer taniôl dans un sens, tantôt
dans un autre : ou de les lier à d'autres qui en
rendent la signification indéterminée, el de su[)-
poser toujours que les mots excitent chez les
autres les mêmes idées que nous y avons aita-
chécs. Le meilleur conseil <jue l'on puisse donner
contre cet abus, c'esl de s'apjiliiiuer à n'avoir
que des idées bien nettes et bien déterminées,
de n'employer jamais, ou du moins que le plus
raremciil possible, des mots qui ne nous donnent
pas une idée claire; de lâcher de fixer la signi-
fication de ces mots; de suivre en cela l'usage
MOT
commun, auianl qu'on le pourra ; et enfin d'éviler
de prendre le même mol en deux sens différents.
Si celle règle générale, il idée |)ar le bon sens,
élait suivie el observée dans tous les détails avec
quelque soin, les mots, bien loin d'être un
obstacle, deviendraient un aide cl un secours.
Tout mol peul avoir un sens propre el un sens
figure. Un mot est au propre cpiand il signifie
ce pounpioi il a clé premiércmeni établi, l.e mot
lion a été d'abord destine à signifier cel animal
qu'on a|ipelle lion : Je viens de lu ménagerie, j'y
ai vu lin beau lion; lion est pris là dans le sens
propre. Mais si, en i)arlant d un homme em-
I>orié, je dis c'est un lion, lion est alors ilans le
sens figuré. — tjuand, par comparaison ou par
analogie, un mot se prend ilans tiuelque autre
sens que celui de sa deslinalion, cet accident
peul êlre appelé l'acception du mot.
11 y a des mois primitifs el des mots dérivés.
Un mol est |irimilif lorsqu il n'est tiré d'aucun
autre mot de la langue dans laquelle il est en
usage. Ciel, roi, bon, sont des mois primitifs.
Un mol est dérivé lorsqu'il esl tiré de quehjue
autre mol comme .'■^ «a source. Ainsi céleste,
royal, royaume, royauté, rryalcment, bonté,
bonnement, soiil des iMOls dérivés.
Un mot peul êlre simple ou composé. Juste,
justice, sont des mots simples; injuste, injus-
tice, sont des mois composés.
On connaît en fran(;ais les rapports respectifs
des mois entre eux par l'ai rangeinenl dans lequel
on les place; voyez Construction ; \)'at les pré-
positions qui mettent les noms en rapport,
comme par, pour, sur, dans, en, à, (/<?, etc. Les
prénoms ou prépositifs , ainsi nommés parce
qu'on les place devant les subslanlifs, servent
aussi à faire connaître si l'on doit prendre les
noms dans un sens général, ou dans uu sens
singulier, ou dans un sens indéfini, ou dans un
sens individuel. Enfin , après que toute une
phrase a été lue ou énoncée, l'esprit, accoutume
à la langue, se prêle à considérer les mois dans
l'arrangement convenable au sens total, cl même
à suppléer, par analogie, des mots qui sont quel-
quefois Sous-entendus. Kien de plus commun
aujourd'hui que de créer des mois nouveaux sans
nécessité. J.-J. Kousseau a indi<]ué, dans le
passage suivant, les conditions au.xquelles on
peul se ])ermellre celle création. « Quand j'ai
hasardé, dit-il, le mol investigation, j'ai voulu
rendre un service à la langue, en y introduisant
un terme doux el harmonieux, dont le sens est
déjà connu, el qui n'a point de synonyme en
français. C'esl, je crois, toutes les conditions
qu'on exige pour autoriser celle lilK-rté salu-
taire, n ( JNote 3'^ de la lettre de J.-J. sur une
nouvelle réfutation de son discours par un aca-
démicien de Dijon.) \ oyez Ncolngie.
Nous avons dit, au mol Monosyllabe, ce <|u'il
faut penser des vers qui ne sont composés que
de ces sortes de mots. La Har|)e nous donne un
anire conseil sur les mois composés de cinq syl-
labes. Voltaire a dit dans V Orphelin de la Chine
(act. I, se. 1, 1) :
Se peut-il qu'en ce lemps de désolation f
En général, dit La Harpe, il faut êlre fort sobre
de ces sortes de mois de cimi syllabes, difficiles
à bien placer dans nos vers, el particulièrement
ceux qui finissent en ion. Ils sont très-rares dans
Racine; mais surtout ils ne sont pas faits pour
le commencement d'une pièce, qui doit loujourj
MOT
eire soigné, et prévenir favorablement l'oreille
du spectateur. (Cours de littérature.)
A ces ots. Expression adverbiale. Quand il
, eut dit cela. 11 se met à la tète delà phrase; .4
ces mots, Idoménée embrassa Téit'maque. (ïù-
nelon, Télém., liv. IX, t. i, |). 310.)
Mot à mot. Phrase adverbiale. Sans aucun
cbangemciil, ni dans les mots ni dans leur ordre :
.flpprendre un discours mot à mot.
Mot pour mot. Expression adverbiale. En ren-
dant le sens de chaiiue mot, traduire un discours
mot pour mot.
Mot signifie aussi sentence, apoplilhcgme, dit
notable, jiarole remarquable, ingénieuse, plai-
sante, agréable. — On appelle mot heureux, un
mot heureu.sement trouvé; beau mot, un mot
plein de sens ei de raison : Ce beau mot est d'un
philosophe grec. On dit le mot pour rire, en
parlant des plaisanteries que l'on dit pour égayer
une compagnie : Ce vieillard a toujour.i le luot
pour rire. En parhint d'une chose sérieuse et
importante qui ne saurait être tournée en i)Iai-
santerie, on dit il n'y a pas le mot pour rire.
— Mot profond sc dit d'un mot (|ui, sous l'ap-
parence d'un sens ordinaire, renferme un sens
plus unporlant. On appelle mot fin, une expres-
sion qui, sous une apparence de simplicité, offre
iine idée délicaie et spirituelle. On appelle fami-
lièrement le fin mot d'une affaire, l'intention
secrète de ceux qui la proposent ou qui la font
marcher.
Mot consacré. On appelle mots consacrés ,
certains mots particuliers (|ui ne sont bons qu'en
certaines occasions, et on leur a peut-être d ^nné
ce nom, parce que ces mots ont commencé
par la religion, dont les mystères n'ont pu
être exprimés que par des mots faits exprès.
Trinité, incarnation, nativité, transfigura-
tion , annonciation , Visitation , assomption
fils de perdition , portes de l'enfer, vase d'é-
lection, homme de péché, etc., sont des mois
consacrés aussi bien que cène, cénacle, fraction
de pain, acte des apôtres, etc.
De la religion, on a étendu ce mot de consa-
cré aux sciences et aux arts, de sorte que les
mots propres des sciences et des arts s'ap|)cllent
consacrés. Tels sont gravitation, raréfaction,
condensation, et un grand nombre d'autres ei!
matière de physique; allegro, adagio, ana,
arpeggio, en musique, etc.
Il faut se servir sans difficulté des mots con-
sacrés dans les matières de religion, de sciences
et d'ans. Celui qui voudrait dire, par exemple,
la fête de la naissance de Notre-Seigneur, lu
fête de la visite de lu F'ierge, parlerait très-mal.
L'usage veut qu'on dise, en parlant de ces deux
mystères, la nativité et la Visitation. Ce n'est
pas qu'on ne puisse dire la naissance de Noire-
Seigneur, cl la visite de laTiarge. Par exemple
la naissa?ice de Notre-Seigneur est bien diffé-
rente de celle des princes; la visite que rendit
la vierge à sa cousine, ne ressemblait point
aux visites profanes du mojide. L'usage veut
qu'on dise aussi la cène et le cénacle; et ceux
qui diraient une chambre haute pour le cé-
nacle, et le souper \mut la cène, s'exprimeraient
B,n mot. On appelle ainsi un sentiment vive-
ment et finement exprimé. Il faut que le bon mot
naisse naturellemeni ei sui-ie-champ; qu'il soit
ingénieux, plaisant, agréable, enfin qu'il ne ren-
lerme point de raillerie grossière, injurieuse et
piquante. La plupart des bons mots consistent
MOU
461
dans des tours d'expi-ession qui offrent à l'esprit
deux sens également vrais, m.iis dont le premier,
(lui saute d'abord aux yeux, n'a rien (jue d'in-
nocent ; au heu (pie l'autre, qui est le i)lus
caché, renferme souvent une malice ingénieuse.
Le bon mot est i)bUol ima^'iné (pic pensé- ii
prévient la inédil:iiion et le "raisonnement, 'et
c'est en partie pouniuoi tous les bons mots ne
sont pas capables de soutenir l'impression. La
plui)ait perdent hur grâce dés ([u'on les rapporte
détachés des circonstances qui les ont fait naitre,
circonstances (ju'il n'est jias aisé de faire sentir
à ceux qui n'en ont pas été les témoins. Voyez
Jeu de mots. (Extrait en grande partie de ÏÉn-
cyclopédie.) A'oyez Accident.
Mot, pris adverbialement, exclut pas on point:
Il n'a dit mot.
MoTEnn. Subst. m. L'Académie n'indique pas
de quel mot il faut se servir en parlant d'une
femme, mais elle dit qm l'adjectif moteur fait
au leininin motrice: f^ertu, faculté, puissance
motrice. Féraud {iréiend qu'en parlant d'une
femme qui aurait donné le brunie à une affaire,
on iiouirait et on devrait dire qu'elle a été le
moteur, et non pas la motrice de cette affaire. —
Comme Féraud n'appuie son opinion ni sur des
raisons ni sur des exemples, je pense (ju'on peut
se dispenser de l'adopter; puisque l'Académie
dit motrice dans la signification adjcctive, on
ne voit pas pourquoi on ne le dirait pas substan-
tivement; et, puisqu'on dit eZ/e a été V instigatrice
de cet événement, disons aussi elle a été la
motrice de cet événement.
Motus. Interjection. On prononce le s. Il est
fjimilier.
Mon, Molle. Adj. Il fait au pluriel rnous et
non pas 7noux. Le masculin se met toujours après
le subst.: Un lit mou, un clieval mou, un général
mou. Le féminin peut quelquefois se mettre avant
son subst. On dit une molle oisiveté, et l'on ne
peut pas dire une oisiveté molle.
J'aime mieux un ruisseau qui sur la molls arène
Dans an pré plein de fleurs lentement se promène.
(BoiL., A. P., I, 167.)
Mais on dit de la cire molle, des chairs molles,
des poires mol/es.
Mouchard. Subst. m. On ne fait point sentir
le d.
Moucher. V. a. delà !'« conj. : Moucher un
enfant, se moucher. Il y a des gens qui disent et
des auteurs qui ont écrit moucher dans un sens
neutre, comme tousser., cracher; c'est une faute
qu'il faut éviter. Moucher doil toujours avoir un
régime. Je me mouche souvent, et non pas je
mouche souvent. — I.'Académie, dans la der-
nière édition de son Dictionnaire, dit (jue le verbe
moucher s'emploie quelquefois absolument, dans
le même sens (jue s'il était accompagné du pro-
nom : Il ne mouche presque point, le tabac fait
moucher. Elle permet aussi de dire 7/ioucher du
sang
MoucHETTi:s. Subst. f. [)lur Ce mot n'a point
de singulier. On dit les mouchettes, et non pas
la mouchettiL
MouDUE. f . a. et irrég. de la 4' conj. Il se
conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Présent. Je mouds, tu mouds, il
moud; nous moulons, vous moulez, ils moulent.
— Imparfait. Je moulais, lu moulais, ii moulait;
nous moulions, vous mouliez, ils moulaient. —
Passé simple. Je moulus, tu moulus, il moulut;
3J
482
MOU
nous inoulùiiios, vous moulûles, ils moulurent.
— Futur. Je moudrai, lu moudras, il moudra;
nous moudrons, vous moudrez, ils moudront.
Conditionnel. — Présent. Je moudrais, tu
moudrais, il moudrait; nous moudrions, vous
moudriez, ils moudraient.
Impcratil" — fn'sent. Mouds, qu'il moule;
moulons, moulez, qu'ils moulent.
Subjonctif. — l'rcsent. Que je moule, que lu
moules, qu'il moule; «jue nou.s moulions, que
vous mouliez , (ju'ils moulent. — Imparfait.
Que je moulusse, que tu moulusses, qu'il luou-
lût; (jue nous moulussio/;s, (jue vous moulus-
siez, qu'ils moulussent.
Participe. — Présent. Moulant. — Passé.
Moulu, moulue.
Il prend l'auxiliaire avoir dans ses temps com-
posés.
Mouiller. V. a. de la l'" conj. En terme
de grammaire, on dit mouiller les l, pour
dire les prononcer, non loul à l'ait selon leur son
naturel, comme dans Achille, ville, mais avec
une sorte de mollesse, comme dans fille, grille.
Alors les deux l sont presijue toujours précédés
d'un i, et quand celle voyelle y est ^eule, elle
se fait sentir comme à l'ordinaire, fille, grille;
mais ([uand il s'y trouve d'autres voyelles ou
quelque diplitbongue,riest presque muet, n'étant
mis là que pour faire mouiller les deux l : Ba-
taille, bouteille, cueille. (Acad.) Voyez L. On
dil aussi qu'on mouille les deux lettrés ^n, pour
dire qu'on l"s pronc r.ce comme dans agneau, et
non pas a\\;c un se n dur comme dans agnat,
que l'on prononce aguenat.
MoDRANT, .Mourante. Adj. verbal tiré du verbe
mourir, hc masculinsuit toujours le subsl : Un
hcvime mourant, les yeux movrants. Le féminin
peut quelquefois le précéder : Sa voix mourante,
ou sa mouranie voix; cet adjectif est admis dans
le style noble :
Et la triste Italie eneor toule fumante
Uti feux qu'a rallumés ^a liberté mourante.
(Rac, mthrid., act. III, se. I, 61.)
Son père à ses côtés sous mille coups mourant.
(Volt., Henr., ii, 519.)
Je la yois cette lettre à jamais effrayante
Que, prête à se glace<r, traça sa main mourante.
(Volt., Sémir., act. I, se. m, 21 .)
Mourir. V. n. et irrégulicrde la 2* conj. On
le conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Présent. Je meurs, tu meurs, il
meurt; nous mourons, vous mourez, ils meurent.
— Imparfait. Je mourais, tu mourais, il mou-
rait ; nous mourions, vous mouriez, ils mouraient.
— Passé simple. Je mourus, lu mourus, il mou-
rut; nous mourûmes, vous mourûtes, ils mou-
rurent. — Futur. Je mourrai, tu mourras, il
mourra ; nous mourrons, vous mourrez, ils mour-
ront.
Conditionnel. — Présent. Je mourrais, lu mour-
rais, il mourrait; nous mourrions, vous mour-
riez, ils mourraient.
Impératif. — Présent. Meurs, qu'il meure;
mourons, mourez, qu'ils meurent.
Subjonctif. — Présent.. Que je meure, que tu
meures, qu'il meure; que nous mourions, que
vous mouriez, qu'ils meurent. — Imparfait.
Que je mourusse, que tu mourusses, qu'il mou-
rût ; que nous mourussions, que vous mourussiez,
qu'ils moarusscnt.
MOU
Participe. — Présent. .Mourant, — P^naé
Mort, morte.
Ce verbe prend l'auxiliaire être dans ses temps
comiwsés.
Faire iiuurir ne se dil pomt au passif. Quoi-
que Yaugelas ait condamné il y a longtemps les
expressions il a été fait mourir, il fut fait
mourir, le peuple ne laisse pas de s'en servir
encore, et surtout à Taris.
Racine a Ai\.{Frères ennemis, act. A', se. v, ^) :
Et du même poignard dont est morte la reine.
Celte Gère princesse a percé son beau sein.
On dit bien viourir de faim, de chagrin, de
douleur, mourir de ses blessicres, mais on ne
dit pas mourir d'un poignard, d'une épée, d'un
boulet de canon. Il faut dire ?nourir d'un coup
de poignard, d'un coup d'épée, etc.
On ne dit pas Je meurs d'aller, je meuts de
savoir; mais je meurs d'envie d'aller, de savcir,
et cela ne se dit (juc dans la conversation fami-
lière. (Voltaire, Remarques sur Corneille.)
MODSQCET. Subsl. m. On ne prononce pointle t.
MorssE. J.-J. Rousseau a employé ce mol
adjectivement, et lui a fait signifier le contraire
d'aiguisé ; Ma ; ' nctration est naturellement
très-mousse, mais elle s'est aiguisée à force de
s'exercer dans les ténèbres.
MoLssEux, Mousseuse. Adj. Qui mousse. I! ne
se met qu'après son subst. : Du vin mousseux.
— Bose mousseuse se dil abusivement, pour rose
moussue, d'une rose dont le calice et la tige sont
garnis d'une espèce de mousse. (Acad.)
MonssD, MousscE. Adj. Qui est couvert de
mousse. Il ne se met qu après son subsl. : Un
arbre moussu, une pierre moussue. Voyez Mous-
seux.
MonvA?iT, Mouvante. Adj. verbal tiré du v.
mouvoir. Il ne se met qu'après son subsl. : Force
mouvante, sable mouvant, terre mourante. —
Tableau mouvant.
Mouvoir. V. a. et irrégulier de la 3' conj.
Voici comme il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je meus, lu neus, il
meut; nous mouvons, vous mouvez, ils meuvent.
— Imparfait. Je mouvais, tu mouvais, il mou-
vait; nous mouvions, vous mouviez, ils mou-
vaient. — Passé simple. Je mus, lu mus, il mut;
nous mûmes, vous mûtes, ils murent. — Futur.
Je mouvrai, tu mouvras, il inouvra; nous mou-
vrons, vous mouvrez, ils uiouvronl.
Conditionnel. — Présent. Je mouvrais, tu
mouvrais, il mouvrait; nous mouvrions, vous
mouvriez, ils mouvraient.
Impératif. Présent. Meus, qu'il meuve ; mou-
vons, mouvez, qu'ils meuvent.
Subjonctif. — Présent. Que je meuve, que tu
meuves, qu'il meuve; que nous mouvions, que
vous mouviez, qu'ils meuvent. — Imparfait.
Que je musse, que lu musses, qu'il mût; qua
nous mussions, que vous mussiez, qu'ils mussent.
Participe. — Présent. Mouvant. — Passé.
Mu, Mue.
Les temps composés se forment avec l'auxiliaire
avoir.
Plusieurs de ces temps ne sont usités que dans
le style didactique. (>n ne peut concevoir com-
ment l'âme peut mouvoir le coi'ps. Dans le dis-
cours ordinaire, il y a plusieurs temps de ce
verbe qui rebutent l'oreille, et qui par consé-
quent ne sont point usités. On n'aime pas à lire
dans Bossuel : Les premières affaires qui S9
MUE
murent dunsl'É[ili.ie; mais on dit fort bien un
corps qui se meut.
Moyen, .Moyenne. Adj. Il se met souvent avant
son subst. : Une taille moyenne, une moyenne
taille: une grandeur moyenne, une moyenne
grandeur. — Temps moyi n. Voyez Mjeclif.
MuABLE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : f^entviuahJe, volonté muulle.
Mci:t, Muette. Adj. Il se dit, 1° de celui qui
ne peut parler à cause de (jucliiue empêchement
naturel ou par (juclque accident: Un homme
muet, une femme muette, un enfant muet; 2''des
personnes qui ne s'expliiiucnl point dans (juelque
circonstance, par ciaintc, par élonuement, etc. :
Il demeura nmet d'étnnncment. Croyes-vous
qu'il reste muet dans cette affaire?
Avei-vons prétendu que, muet el tranquille,
Co hnros, qu'armera l'amour et la raison,
Vous laisse pour ce meurtre abuser de son nom ?
(lUc, Iphig., act. I, se. l, 98.)
Muet se dit aussi des choses. On dit un jeu
muet, une scène muette.
J'entendrai des regards que vous croirez muets.
(lÎAC, Britan., act. II, se. m, 156.)
Cet adj., appliqué aux personnes, se met tou-
jours après son subst. Appliqué aux choses, il
peut le précéder, loi-sque l'analogie el l'harmonie
le permettent : Une muette horreur.
Voyez là-haut ces bois dont la muetta horreur
Aujourd'hui même encore inspire l'épouTante.
(DBLii,.,Bnrftd., TUI, 463.)
Et sur ces sombres lieux, muettet régions,
Oii le trépas conduit ses paies légion».
(Gresset, Éijl. VI, 71.)
Muet, Muette. Terme de grammaire. Cette
qualification a été donnée aux lettres, par les
grammairiens, en deux sens dilïérenls ; dans le
premier sens, elle n'est attribuée qu'à certaines
consonnes dont on a prétendu caractériser la
nature ; dans le second sens, elle désigne toute
lettre, voyelle ou consonne, qui est employée
dans l'orthographe, sans élre rendue en aucune
manière dans la prononciation.
Il est démoniré qu'aucune consonne n'a de
valeur qu avec la voyelle, ou, si l'on veut, que
toute articulaàon doit précéder un son. Ainsi,
on ce sens, toutes les consonnes sont muettes
par leur nature, puisqu'elles ne rendent aucun
son, mais qu'elles modifient seulement les sons.
Quant aux lettres muettes dans l'orthographe,
nous n'avons rien de mieux à '."aire qu2 de trans-
crire les observations de M. liarduin , que
Beauzée a fait insérer dans V Encyclopédie.
« Qu'on ait autrefois prononcé des lettres qui
ne se prononcent plus aujourd'hui, cela semble
prouvé par les usages qui se sont perpétués dans
plus d'une province, et par la comparaison de
quelques mots analogues entre eux, dans l'un
desquels on fait sonner une lettre qui demeure
oiseuse dans l'autre. C'est ainsi que a- et p ont
gardé leui' prononciation dans veste, espioîi, bas-
tonnade, hospitalier, septembre, septuagénaire,
quoiqu'ils l'aient perdue dansres<iV, expier, las-
ton, hospitiil, haptesme, sept, etc. (On supprime
même ces lettres dans l'orthographe moderne de
plusieurs de ces mots, et l'on écrit, vêtir, épier,
bâton, hàpital.)
<■■■ Mon intention n'est cependant pas de soute-
MUE
483
nir que toutes les consonnes mutiles qu'on em-
ploie ou (pi'on employait il n'y a jias longtemna
au milieu de nos mots, se prononçassent origi-
nairement. Il est au contraire fort vraisemblable
•lue les savants se sont plu à introduire des lettres
muettes dans un grand nombre de mots, afin
qu'on sentit mieux la relation de ces mots avec la
langue latine. » Beauzée ajoute , ou même par
un motif moins louable, mais plus naturel, parce
i|ue, comme le remarque l'abbé Girard, on met-
tait sa gloire à montrer dans l'écriture française
qu'on savait le latin. « Du moins est-il constant
que les manuscrits anciens, antérieurs à l'im-
primerie, offrent beaucoup de mots écrits avec
une simplicité (pii montre qu'on les prononçait
alors comme à présent, quoiqu'ils se trouvent
écrits moins simplement dans des livres bien plus
modernes. J'ai eu la curiosité de parcourir quel-
ques ouvrages du quatorzième siècle, oia j'ai vu
les mots suivants avec l'orthographe que je leur
donne ici : droit, saint, traité, dette, devoir,
doute, avenir, autre, moût, recevoir, votre ; ce
qui n'a pas empêché d'écrire longtemps après :
droict, sainct, traicté, dehte, dcbvoir, double,
advenir, auLtre, moult, recepvoir , vostre, pour
marquer le rapport de ces mots avec les noms
latins : dircctus, sanctus, tractatus, dehitum,
debere, dubitatio, advenire, aller, multum, reci-
pere, vester. On remarque même en plusieurs
endroits de s manuscrits dont je parle une ortho-
graphe encore plus simple, et plus conforme à
la prononciation acluelle que l'orthographe
dont nous nous servons aujourd'hui. Au lieu
d'écrire science, corps, temps, compte, mœurs,
on écrivait dans les siècles éloignés, sience, cors,
tems, conte, meurs. »
M. Beauzée observe ici qu'on a bien fait de
ramener science, à cause de l'étymologic; corps
et temps, tant à cause de l'étyinologie qu'à
cause de l'analogie qu'il est utile de conserver
sensiblement entre ces mots et leurs dérivés,
corporel, corporifier , corpulence , to-ntporel, tem-
poralité, temporiser, temporisation, et pour
les distinguer par rorthcgrai)hc des mois homo-
gènes, cors de cerf, ou cors des pieds; tant, ad-
verbe, pour le distinguerdeia/t pour les tanneurs,
et de tend, verbe, rareillcment, compte, en con-
servant les traces de son urigine, computum, se
trouve différencié par làdeco/w/e, seigneur d'un
comté, et de conte, narration fabuleuse.
« Outre la raison des etymolugies latines ou
grecques, nos aïeux insérèrent et conservèrent
des lettres muettes pour rendre plus sensible
l'analogie de certains mots avec d'autres mots
français. Ainsi, commcjnajiicment, étemuement,
dévouement, je lierai, je tuerai, j' avouerai, sont
lormés de manier, éternuer, dévouer, lier, tuer,
avouer, on crut devoir mettre ou laisser à la pé-
nultième syllabe de ces premiers mots un e qu'on
n'y prononçait pas. On en usa de même dans beau,
nouveau, oiseau, damoiseau, chasteau, et autres
mots semblables, [)arcc que la terminaison eau y
a succédé à el. JNous disons encore unbel huvime,
un nouvel ouvrage; et l'on disait jadis, oisel,
dumoisel, chaslel.
« Les écrivains modernes, plus entreprenants
que leurs devanciers, rapprochent de jour çsa
jour rorthogra|)he de la prononciation. On n'a
guère réussi" à la vèrilé, dans les tentatives qu'on
a laites jusqu'ici pour rendre les lettres qui se
pn lionceiit plus conformes aux sons et aux arti-
culations quelles représentent ; et ceux qui ont
voulu faire écrire ampereur, acsion, ati lieu
4«4
MUE
d'empereur, action, n'ont point trouvé il'imila-
teurs M;iis on a été plus heureux dans la sup-
Pression d'une quantité de lettres inuellcs, (juc
on a entièrement proscrites, sans considérer si
nos aïeux les prononçai» nt ou non, cl sans même
avoir trop d'égards pour celles que des raisons
d'étymologie ou d'analogie avaient maintenues
si longtemps. On est donc parvenu à écriie doute,
parfaite, honnête, arrêt, ajouter, omettre, au
lieu de dnubte, parfaicte, Jwnneste, arrest, ad-
j'outer, obmettre ; Cl la consonne oiseuse a été
remplacée dans plusieurs mots par un accent
circonflexo, maïqué sur la voyelle précédente,
lequel a souvent la double propriété irindi(]uer
le retranchement d'une lettre et la longueur de
la syllabe. On commence aussi a ôicr Ve muet de
gaiement, remerciement, ctcrnuement, dévoue-
ment, etc.
« INIais, malgré les changements considérables
que noire orthographe a reçus depuis un siècle,
il s'en faut encore de beaucoup qu'on ait aban-
donné tuus les caractères muets. 11 semble qu'en
ser déterminant à écrire sûr, mûr, au lieu de
sevr, vieur, on aurait dû prendre aussi le parti
d'écrire huu, chapau, et cuf, hevf, au lieu lïœvf,
bœuf, quoique ces derniers mots viennent d'ovum,
bovis; mais l'innovation ne s'est pas étendue
jusque-la ; et comme les hommes sont rarement
uniformes dans leur conduite , on a même
épargné dans certains mois lelle leltrequi n'avait
pas plus le droit de s'y maintenir ([u'en plusieurs
autres de la même classe d'où elle a été retran-
chée. Le ff, par exemple, esl resté dans poing,
après avoir été banni de soing, loing, témoing.
Que dirai-je des consonnes redoublées qui sont
demeurées dans une foule de mois où nous ne
prononçons qu'une consonne simple?
« Quelques progrés que fasse à l'avenir la
nouvelle orthographe, nous avons des lettres
mueltes qu'elle ne pourrait supprimer sans défi-
gurer la langue, et sans en détruire l'économie.
Telles sont celles qui servent à désigner la nature
elle sens des mots; comme n dans ils aiment,
ils aimèrent, ils aimassent; et en dans les temps
où les troisièmes personnes plurielles se terminent
en aient ou en oient, ils aimaient, ils aimeraient,
ils soient. Car à l'égard du t de ces mots, et de
beaucoup d'autres consonnes qui sont ordinai-
rement muettes, personne n'ignore qu'il faut les
prononcer quelquefois en conversation, et plus
souvent encore dans la lecture ou dans le dis-
cours soutenu , surtout lorsque le mot suivant
commence par une voyelle.
« Il y a des lettres mueltes d'une autre espèce,
qui probablement ne disparaîtront jamais de
l'écriture. De ce nombre est I'm servile (ju'on met
toujulirs après la con'^onne q, à moins qu'elle ne
soit tinale; pratique singulière (jui avait lieu
dansr la hnguc latine aussi constamment que
dans la française. Il est vrai que cet v se pro-
nonce en queiilUCS mots, quadrature, équestre,
quinquagt'simc; mais il est muet dans la t^\\\-
pixi, quant iite, querelle, quotidien, quinze.
u J'ai peine à croire que l'on bannisse jamais
P« et Ye qui sont presque toujours muets entre
un ^ et une voyelle. Cotte consonne g répond à
deux sortes d'ariiculations bien différentes. De-
vant a, o, u, elle doit se prononcer durement;
mais quand elle précède un e ou un i, la pro-
nonciation en est plus douce, et ressemble entiè-
rement à celle du j. Or, pour apporter des
exceptions à ces deux règles, et pour donner au
g. en ceriains cas, une valeur contraire à sa
JlLlE
position actuelle, il fallait des signes qui fissent
connaitre les cas exceptés. On aura donc pu
imaginer l'expédient de mettre un « après le g,
pour en rendre l'articulation dure devant un e
ou un i, connne dans guérir, collègue, orgueil,
guitare, guimpe ; et d'ajbuter un e à cette con-
sonne, pour la faire prononcer mollement devant
a, 0, V, comme dans geai, George, gageure.
L'm muet semble pareillement n'a\oir été inséré
dans cercueil, accueA,écueil, (pie pour y affermir
le c, qu'on prononcerait conmie s s'il était immé-
diatement suivi de Ve.
« Il n'est pas démontré néanmoins que ces
voyelles mueltes l'aient toujours été ; il est pos-
sible, absolument parlant, qu'on ait autrefois
prononcé Vu et l'e dans écueil, guider, George,
comme on les prononce dans écuelle. Guise,
ville, et dans géomètre. Mais une remarque
tirée de la conjugaison des verbes, jointe à l'usage
où l'on est depuis longtemps de rendre ces
lettres muettes, donne lieu de conjecturer en
effet qu'elles ont été placées après le g et le c,
non pour y être prononcées, mais seulement pour
prêter à des consonnes une valeur contraire à
celle que devrait leur donner leur situation devant
lelle ou lelle voyelle.
n U est de ijrincipe dans les verbes de la pre-
mière conjugaison, comme flatter. Je flatte,
blâmer, je blâme, que la première personne
plurielle du présent de l'indicatif se forme du
participe présent en changeant ant en ons, et que
l'imparfait de l'indicatif se forme par le change-
ment du même ant en ais ; flattant, nous flat-
tons, je flattais; blâmant, nous blâmons, je
blâmais. (Voyez Formatvi/i.)Suivsiïil ces exem-
ples, on devrait écrire, je mange, nousmangons,
je ma?igais, etc. ; mais comme le g doux de
mange serait devenu un g dur dans les autres
mots, par la rencontre de Vo cl de l'a, il est pres-
que évident que ce fut tout exprès pour conserver
le g doux dans nous mangeons, je mangeais,
que l'on y introduisit un e sans vouloir qu'il fût
prononcé. Par là on crut trouver le moyen de
marquer tout à la fois dans la prononciation et
dans l'orthographe l'analogie de ces deux mots
avec je mange, dont ils dérivent. La même
chose peut se dire de nouscommenceons,je cotn-
nie?iceais, qu'on n'écrivait sans doute ainsi avant
l'invention de la cédille, que pour laisser au c
la prononciation douce qu'il a dans je com-
mence.
« Cette cédille, inventée si à propos, aurait dû
faire imaginer d'autres marques pour distinguer
les cas où le c doit se prononcer comme un k
devant la voyelle e, et pour faire connaître ceux
où l'e doit être articulé d'une façon opposée aux
règles ordinaires. Ces signes particuliers vau-
draient beaucoup mieux que l'interposition d'une
ou d'un V, qui est d'autant moins satisfaisante
(ju'elle induit .à prononcer écuelle, comraGécxuil,
aiguille comme anguille, et même géographe et
aiguë comme George et figue.
« Quoi qu'il en soit de mon idée de réforme,
dont il n'y a point d'apparence qu'on voie jamais
l'exèculion, on doit envisager la voyelle e dans
beau tout autrement ijue dans il mangeait. Elle
ne fournit par elle-même aucun son dans le
premier de ces mots; mais elle est censée tenir
aux deux autres voyelles, et on la regarde en
(]uel(iue sorte comme faisant partie des caractères
employés à représenter lo son o; au lieu que
dans il mofigeait, Ve ne concourt en rien à la
représentation du son; il n'a nulle espèce de
à
MUS
liaison avec Ya suivant, c'est à la seule consonne
ff qu'il est uni, pour en changer l'articulation,
eu égard à la place qu'elle occupe. Ce que je dis
ici de Ve, pnr rapiiort au mot mangeait, doit
S'entendre cg;deinent de lu tel qu'il est dans
fuerre, recueil, quotité ;(i\ ce que j'observe sur
e, par rapport au mot beau, doit s'entendre
aussi de l'a et de Yo dans Saône et bœuf. »
Mugissant. Mcgiss.vnte. Adj. verbal tiré du
V. mvgir : Un taureau vivgissant, les ondes
mugissantes, sa voix vivgissante, la mer mu-
gissante, les flots viiigissanls.
Soudain avec un bruil terrible,
Sur ses gonds mugissants tourne la porte horrible.
(Delil., Énéid., VI, 747.)
Au féminin, on peut le mettre avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le pcrmoltcnl.
On pourrait dire en poésie, une mugissante voix,
les mvgissantt s ondes.
McGUETTin. V. a. de la 1" conj. Vieux mot
inusité que Voltaire a employé agréablement dans
les vers suivants:
Une lille d'ici
Me tracassait, me donnait du souci :
C'était Colette ; et j'ai vu la friponne
Pour mes écus rauguetler ma personne.
MciD. Subst. m. Le d ne se prononce point.
MuNICIP.iL, MCMCIPALE. Adj. 11 uc so luct
qu'après son sulist. : Conseil vmnicipal , droit
municipal, lois municipales. Il fait au pluriel
masculin municipaux : Officiers municipaux.
Munition. Subst. f. Provisions de guerre qui
concernent les armes et les vivres. En ce sens il
ne se met guère qu'au pluriel : Mtmitions de
guerre, munitions de louche. — On dit au sin-
gulier, pain de munition.
McQUEix, Mdquecse. Adj. qui ne se met
qu'après sou subst. : Glandes muqtteuses, plantes
muqueuses.
Mnn, Mure. Adj. On le met ordinairement
après son subst. Cependant on dit après une
mûre dclilération. Blé mûr, fruit inûr. — Age
mûr, homme mûr, jugement mur, esprit mur.
Muiîesient. Adv. Û ne se dit '.[u'au ligure, et
1)cut quelquefois se mettre entre l'auxiliaire et
e participe : Il a considéré mûrement cette af-
faire, ou il a mûrement coîi.iidéré cette af-
faire.
Murmure. Subst. m. Voltaire a dit le inur-
mure du sang [Oresie, act. I, se. v, 87) :
Écoutez-vous du sang le dangereux murmure.
Pour des enfants ingrats qui bravent la nature ?
MusARD, Musarde. Adj. qui se prend aussi
substantivement. Il ne se met qu'après son
subst.
Musclé, Misclée. Adj. Qui a des muscles
bien marqués. Il ne se met (ju'après son subst. :
Une figure bien musclée, une statue bien 7nus-
clêe.
Musculaire. Adj. des deux genres. Qui appar-
tient aux muscles. Il suit toujours son subst. :
Mouvement musculaire, force musculaire.
Musculecx, Mcscdlecse. Adj. Qui a beaucoup
de muscles. Il ne se met qu'après son subst. :
Partie musculeuse.
Musical, Musicale. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : ^îrt musical, phrase musicale,
caractères musicaux.
♦Musiqcer V. n. de la l'« conj. Mot inusité
MUT
485
employé par .T.-J. Rousseau (Confessions ,
Ile part., liv. viii) : Nous musicàmes tout le
jour.
Mutin, Mutine. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un enfant mutin , un esprit
mutin.
Mutiner (se). V. pronom, delà U' conj. Cor-
neille a dit dans Cinna (act. IV, se. i, 13) :
Cinna seul dans sa rage s'obstin»;,
Et contre vos bontés d'autant plus se mutine.
Voltaire a dit au sujet de ce vers. Se mutiner
contre des bontés est une expression bourgeoise.
On ne l'emploie qu'en parlant des cnfanls. Ce
n'est pas que le mot mutiné, cini>loyé avec art,
no puisse faire un très-bel effet. Racine a dit
[Phèdre, act. II, se. i, 85) :
Enchaîner un captif de ses fers étonné.
Contre un joug qui lui plaît vainement mutiW.
B'atitajit plus exige un que ; c'est une phrase
qui n'est pas achevée. [Rernarques sur Cor
neille.)
Mutinerie. Subst. f. Corneille a dit dans Hé-
raclius (act. V, se. vu, 11) :
Son ordre excitait seul cette mutinerie.
Ce mot, dit Voltaire, est trop familier. Révolte,
sédition, tumulte, sont les termes usilcs dans le
style noble. {Remarques sur Corneille.)
Mutuel, Mutuelle. Adj. Suivant Vaugelas,
on dit réciproque de deux, et mutuel d'un plus
grand nombre : Le ?nari et la femme dnjvent
s'' aimer d'un amour réciproque ; les chrf tiens
doivent s^aimer d'un amour inutuel. — L'usage
ne confirme pas celte décision , car on dit que
deux personnes se sont fait un don mutuel, et
non pas un don réciproque. Thomas Corneille
prétond qu'il n'y a que peu de difl'éreiice entre
ces termes, et même qu'on peut les prendre in-
différemment l'un pour l'autre. L'Académie
semble être de cet avis; elle définit mutuel ^at
réciproque, et réciproque par mutuel, et dit ce
dernier de deux personnes comme d'un plus
grand nombre.
Il est certain cependant que ces deux mots ne
peuvent pas s'employer indjifércmment l'un pour
l'an Ire, et nous pensons que Roubaud a bien
établi leur différence. Mutuel, dit-il, désigne
l'écliange ; réciproque , le retour. Le premier
exprime l'action de donner et de recevoir de
part et d'autre; ie second, l'if-îion de rendre
selon ([u'on reçoit. L'échange est libre et volon-
taire; on donne en échange, et cette action est
mutuelle. Le retour est dû ou exigé; on paie
de retour, et celte action est réciproque. On dit
que l'affection est mutuelle, pour signifier qu'on
s'aime l'un l'autre; on dû qu'elle est réciproque,
pour marquer qu'on se rend sentiment pour
sentiment. Le don qu'on se fait l'im à l'autre est
mutuel, le don qu'on se rend l'un pour l'autre
est réciproque. Mais le don est surtout mutuel
quand il est le même ou du même genre de part
et d'autre; il n'est que réciproque s'il s'agit
d'objets différents cédés en compensation. Un
mari et une femme s'engagent mutuellement leur
foi, et ils s'engagent réciproquement à des de-
voirs différents.
L'adjpctif mutuel peut se mettre avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Amour mutuel, leur mutuel amour,
486
N
Haine viutueUe. Des devoirs mutuels, de mu-
tuels decuirs. La Justice et la Puix se dtrnne-
raient un mutuel baiser. (l)u Gucl.)
Mutuellement. Adv, On peut le mellrc enlre
'auxiliaire el le [larlicipe : Ils se sont promis
nutuellemciit, ou ils se sotit mutuellement pro-
Viw de... Voyez Mutvel.
MïSTfcr.r. Subsl. m. Ce mot est admis, dans
i style noble, au propre et au figure :
Sur ces murs fcnébreux des linces sont rangées ;
Dans des vases de smi: leurs pointes sont plongées,
Appareil menaçaul de leur myttire affreux.
(Volt., Ihnr., V, 229.)
Qui sait si le roi votre père
Vent que de son absence on sache le tnys(er« ?
{Ràc, Phèd., act. I, se. i, 17.)
Mystérieusement. Adv. On peut quelquefois
le mettre entre l'auxiliaire el le participe : //
NÂI
s'est conduit mystérieusement, ou il s'est myê'
tcrieuscment conduit dans cette affaire.
Mystérieux, mystérieuse. Adj. : Caractèree
mystérieux, paroles mystérieuses, sens mysté-
rieux. — Un homme mysténeux, une fevirtw
mystérieuse. En parlant des ciinses, on peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le perinellenl : Ces mystérieux ca-
ractères, CCS 7nysléricuses paroles.
Mystique. Adj. des deux ucnrcs. 11 ne se dit
que par rapport aux choses de la religion: Le
sens mystique de l'Ecriture sainte. — Auteur
mystique, livre mystique. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Ce mystique auteur, cette mystique ex-
plication.
Mystiquement. Adv. Il se met après le verbe :
Il a explique viystiquement ce passage.
Mythologique. Adj. des deux genres. Il ne
se met qu'après son subst. : Discours viytholo-
gique, livre mythologique.
N.
N. Subst. m. On prononce ?ie. La quatorzième j
lettre de l'alphabet et la onzième des consonnes. !
Le son propre de celte lettre est comme dans
■nager, négoce, nippe, novice, nuage.
Celle Icilre, lorsqu'elle est suivie d'une voyelle, !
conserve toujours le son qui lui esl [)roprc au '
commencement et au milieu des mois, comme
dans nourrice, anodin, cabatie. On eu excepte
enivrer el ses dérivés, et enorgueillir, qui se pro-
noncent comme s'il y avait deux n; le premier wa-
sal, lesecond articulé: an-nivrer, annorgueillir.
N, suivi d'une aiilre consonne, perd le son
qui lui esl propre, el prend le son nasal, comme
dans aîicre, engraver, ingrédient.
NliiKil se fait sentir dans aiio7KC«,a.'«e?), Eden,
gramen, hymen, et dans tous les mots où il se
lie naturelleiiient avec le mot suivant, commen-
çant par une voyelle ou un h non aspiré.
Il faut remarquer à ce sujet qu'on ne doit
jamais faire sentir la terminaison nasale , à
moins que le mot où elle se trouve n'appelle,
par sa nature grammaticale, le mot (jui le suit,
et n'ait avec lui une liaison nécessaire. Voyez
f^oyelle, En.
Dans bien et rien, suivis immédialcmenl de
i'ndjeclif, de l'adverbe ou du verbe qu'ils mo-
ilificnl, on fait sentir le n, lorsque cet adjectif,
cet adverbe ou ce verbe commencer.l par une
voyelle ou un A non aspiré : Bien honorable, bien
utilement, bien écrire; prononcez bien-nlwno-
rable , bien-nutilement , bien-nécrire . Mais si
les mots bieniii rien sont suivis d'un tout autre
mol que d'un adjectif, d'un adverbe ou d'un
verbe, le n ne se fait pas sentir : Il parlait bien
et à propos; il ne voyait rien et n entendait
pas un mot. Il en est de même de bien el rien
employés substantivement : Ce bien est à moi,
c'est un bien à souhaiter; ce rien a des attraits
pour moi.
Quand n est redoublé, il ne donne jamais à la
vovelle prccédenle le son nasal, si ce n'est dans
ennobli, ennui, et leurs dérivés. Ainsi deux nn
ne servent qu'à rendre la syllabe précédenle
brève, et anneau, année, innocence , innom-
brable, se prononcent aneau, anée , inocencc,
inombrable. Dans annales, annexe, inné, in-
nové, innominé, on fait senlir les deux nn.
En termes de marine ou de googi'aphie, N. esl
l'expression abrégée du mot 7iord. — N. est sou-
vent employé pour signifier 7iotrc. — IS.-S. veut
A\rc Noire-Seignexir. — Dans le commerce, K.
C. signifie noire cmnpie, N" numéro. — Sur les
monnaies, N indique la ville de Montpellier.
Nacelle. Subsl. f. L'Académie prétend qu'on
(iil figurémenl la nacelle de saint Pierre, pour
dire T'Eglisc catholique romaine. Nous ne con-
seillons à personne de se servir de cette expres-
sion.
Nage. Subsl. f. On dit être tout en 7iage, pour
dire avoir irès-chaud. Le mot 7uige est ici une
corruption du vieux mot âge, qui signifiait eau.
On devrait donc dire être tout en âge ; mais
l'usage a prévalu. (Roquefort, Glossaire de la
langue romane.)
Nageu. V. u. de la i" conj. L'Académie ne
donne point d'exemple des acceptions suivantes :
Le bûcher, par mes mains détruit et renversé.
Dans la sang des bourreaux nagera dispersé.
(lUc, /phii?., act. V, se. ii, 91.)
Nagear.t dans le reflux des contrariétés.
(Volt,, JUahom., act. IV, se. m. 49.)
Naguère ou Naguèses. Adv. Oji dit l'un ou
l'autre indifféremmen:. On ne s'en sert guère
dans la conversation; mais on remploie souvent
dans la poésie el dans le slyle soutenu : Elle ne
laissait pas d'avoir la douleur diins Vâme en
voyant qu'on la chercherait vainement des yeux
dans ces fêtes où naguère elle s'était vue adorée.
(Marmontcl, Contes moraux. Le bon mari, t. II,
p. 9-7.)
N'avez-vous pas naguère entendu sans terreur
Des rochers de Scjlla la bruyante fureur?
(Dblil., Bneid., I. 283.)
On peut le mettre avant ou après le verbe, ou
entre l'au-xiliaire et le participe.
Nai'f, Naïve. Adj. Naturel, sans fard, sans
artifice. Dans tous les sens, on peut le mettre
avant son subst., en coiisuliant rorcillc et l'ana-
iogic : Une beauté naive, une 7mive beauté ; une
description naïve, U7ie 7iaïve description ; une
NAR
humeur tiaire, une naïve humeur. Voyez Ad-
jectif, Style.
En litléraiure, ce mot se prend souvent sul)-
stantivement :
La cour, dcsabnscc,
Oédaisma de ces vers l'eilraTagaiicc aiséo.
Distingua le ndif du plat et du boufTon.
(BoiL., À. P., I, 91.)
Une des chnses qui 7inus plaît le plu.';, c'est le
//ai/,- mais c'est aussi le style le plusdinicileàat-
tiaper. La raison en est qu'il est précisément entre
le noble ot le bas ; et il est si prés du bas, qu'il est
très-difficile de le côtoyer toujours sansy tomber.
Il ne faut pas confondre le natui-el et le naïf.
Le naturel est opposé au recherché et au forcé;
le na'if est opposé au réfléchi , et n'appartient
qu'au sentiment.
Nain, Nai>e. Adj. qui se prend aussi sub-
stantivement. 11 ne se met qu'après son subst. :
Arhre nain, huis nain, œuf nain. En par-
lant des personnes, on l'emploie substantivement:
C'est un nain, c'est une naiiie.
Naissant, Naissante. Adj. verbal tiré du v.
naître. Les poëtes le mettent souvent avant son
subst. : Des fleurs naissantes, de naissantes
fleurs. Corneille a dit, votre naissante gloire;
Delille, ce naissant usage; Gresset, le nais-
sant gazon, un amour naissant, une passion
naissante.
Naître. Y. n. et irrégul. de la 4' conj. 11 se
conjugue comme paraître, si ce n'est qu'il fait
je naquis, au passé simple, et né, née, au par-
ticipe passé. Il prend l'auxiliaire être dans ses
lemps composés.
Naïvement. Adv. On peut quelquefois le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : !l a avoué
naïvement sa faute, ou il a naïvement avoué sa
faute.
Naïveté. Subst. f. Il n'a point de pluriel quand
il signifie le caractère naïf: La naïveté de ces
deux enfants; il en a un quand il signifie dis-
cours naïf : Dire des naïvetés.
Il y a une grande différence entre la naïveté
et une naïveté. La naïveté est le langage du
beau génie et de la simplicité pleine de lumière;
elle fait les charmes du discours; elle csi le
chef-d'œuvre de l'art dans ceux à qui elle n'est
pas naturelle. Ce qu'on appelle une naïveté est
une pensée, un trait d'imagination, un sentiment
«lui nous éehappe mrilgré n'ous, et qui peut quel-
quefois nous faire tort à nous-mêmes : c'est l'ex-
pression de la vivacité , de l'imprudence , de
l'ignorance des usages du monde. Une naïveté
sied bien à un enfant, à un villageois, parce
qu'elle porte le caractère de la candeur et de
l'ingénuité ; mais la naïveté dans les peusées et
dans le style fait une impression qui nous en-
chante, à proportion qu'elle est la peinture la
plus simple d'une idée dont le fond est fin et
délicat. Voyez Style.
Narcotiqle. Adj. des deux genres. Qui as-
soupit : Remède narcotique. On dit au figuré dis-
cours narcotique, poésie narcotique, style nar-
cotique. On peut, en ce sens, le mettre avant
son subst. : Cette narcotique poésie. — L'Aca-
démie n'emploie ce mot au figuré que substanti-
vement ; elle dit : Ce livre est un Ion, un vrai
narcotique.
Nargder. V. a. de la l'"' conj. On ne fait pas
sentir Vu, qui n'est là que pour donner au g la
prononciation degue.
NAR
487
Narine. Subst. f. Delille a dit, en parlant de
cheval {Jardins, I, 251) :
Superbe, l'œil en feu, les îiannes fumantes
Un critique a trouvé cette expression ignoble,
un autre a prétendu qu'elle était plus noble qur
naseaux. Nous sommes de l'avis de ce der-
nier.
Narrateur. Subst. m. Comme ce mol a rap-
l)ort aux discours oratoires et d'apparat, et (juc
les femmes n'en font pas ordinairemcnl, on ne
le dit point au féminin. Si l'on était obligé de
l'employer à ce genre, il faudrait dire narra-
trice. On fait sentir les deux r.
Narratif, Narrative. Adj. : Style narratif,
poésie narrative , prncès-verhal narratif du
fait; mémoire narratif d'une cérémonie. Il ne
se met qu'après son subst. On fait sentir les
deux r.
Narration. Subst. f. On fait sentir les deux r.
Terme de littérature. Dans l'éloquence et dans
l'histoire, la narration est le récit ou la relation
d'un fait ou d'un événement comme il est arrivé,
ou comme on le suppose arrivé.
On demande quatre qualités essentielles dans
la narration : la clarté, la probabilité, la brièveté
cl l'agrément.
On rend la narration claire en y observant
l'ordre des lemps, en sorte qu'il ne résulte nulle
confusion dans l'enchaînement des faits , en
n'employant que des termes i)ropres cl usités, et
en racontant l'action sans interruption.
Elle devient probable par le degré de con-
fiance que mérite le narrateur; parla simplicité
et la sincérité de son récit; par le soin qu'on a
de n'y rien faire entrer do contraire au sens com-
mun , aux opinions reçues ; par le détail précis
des circonstances et par leur union , en sorte
qu'elles n'impliquent point contradiction, et ne
se détruisent p.-int mutuellement.
La brièveté consiste à ne point reprendre les
choses de plus haut qu'il est nécessaire, et à ne
les point charger de circonstances triviales, ou
de détails inutiles.
Enfin, en donne à la narration de l'agrômenl,
en employant des expressions nouii)reuses, d'ur
son agréable et doux, en évitant dans leur arran-
gement les hiatus et les dissonnances ; en choi-
sissant, ])our sujet de son récit , des choses
grandes, nouvelles, inaitendues; en euibellissani
sa diction de tropcs et de figures; en tenant
l'auditeur en suspens sur certaines circonstances
intéressantes, et en excitant des mouvements de
tristesse ou de joie, de terreur ou de pitié.
C'est principalement la narration oratoire qui
comporte ces ornements: car la narration his-
torique n'exige qu'une simplicité mâle et majes-
tueuse, qui coûte plus à un écrivain que tous
les agréments du style qu'on peut répandre sur
les sujets qui sont du ressort de l'éloquence.
Narration est un mot dont on fait usage par-
ticulièrement en poésie , pour signifier l'action
ou l'événement principal d'un poème. Les actions
dont le récit est sous une forme artificielle, ou
active, constituent les poèmes dramatiques.
Celles qui sont seulement racontées par le poëte,
comme historien , forment les poëmes épi-
(jues.
Narré. Subst. m. On fait sentir les deux r.
N.ARRER. V. a. de la 1" conj. On fait sentir
les deux r. L'Académie explique narrer par ra-
conter, et raconter par narrer. Il parait quô
488
NAT
narrer se dil plus parliculiorement de l'exitusi-
tion et du dévelopiicmcnt des faiis, dans les
ouvrages histori(|ues, ou dans les discours ora-
toires.
Nasal, Nasale. Adj. Terme de grammaire. Il
se dil d'un son modilio par le nez, ol ne se met
qu'après son subsl. : Sf/i nasal, prammciation
nasale, voyelle nasale, os nasaux. On dislingue
dans r.dphabet des voyelles et des consonnes na-
sales. I.es voyelles nasales sont celles qui reprc-
senieraienl des sons dont l'émission se ferait en
partie par l'ouvcrinre do la bouche, el en partie
par le canal du nez. Nous n'avons point de ca-
ractères destinés exclusivement à cet usage ; nous
nous servons de 7« ou de n après une voyelle
simple pour en marquer la nasalilé, an ou am,
ain ou aim, vn ou «m, on ou nm. On donne
quelquefois aux sons mômes le nom de voyelles;
el, dans ce sens, les voyelles nasales sont des
sons dont l'émission se fait en partie par le canal
du nez. Les consonnes nasales sont les deux m
et n ; la première labiale, et la seconde linguale
et dentale; toutes deux ainsi nommées, parce
que le mouvement organique qui produit les
articulations qu'elles représentent , fait passer
par le nez une partie de l'air sonore qu'elles mo-
difient. (Beauzée.) Voyez Lettre, Voyelle, M, N.
Natal, Natale. Adj. L'Académie dit qu'il n'a
point de masculin au pluriel. Cependant on ap-
pelle jriix natals, des jeux par lesquels les an-
ciens célébraient la naissance des hommes illus-
tres. Cet adjectif se dit du temps et du lieu de
la naissance. 11 ne se met qu'après son subst. :
Sa terre natale, sa ville natale. — Molière a
dit {École des Femmes, act. V, se. ix, 27) :
L'obli2;ea de sortir de sa natale terre.
Mais il ne doit pas être imité en cela. — On dit
respirer l'air natal, pour dire respirer l'air du
lieu où l'on est né.
Natif, Native. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Un homme natif de Paris. — De
l'or natif, de l'argent natif.
En parlant des personnes, on dit né à Paris, et
natif de Paris. iVa ^/su ppose le domicile fixe des
parents, au lieu (jue né suppose seulement nais-
sance. Celui qui nait dans un endroit paraccident,
est 7ie dans cet endroit; celui qui y naît parce que
son père et sa mère y ont leur séjour, en est natif.
Ce mot, dit Mercier, appliqué jusqu'à présent
aux per.sonnps, peut aussi l'être aux choses. Par
exemple : Tout ouvrage étranger perd infiniment
de sa couleur native daiis une traduction fran-
çaise, arec rjuelqve précision el quelque énergie
qu'on en puisse rendre les idées, les images et
les sentiments. — Plusieurs l'ont employé ainsi.
En ISS.*), l'Académie donne les exemples sui-
vants : // 7i'a pas encore perdu sa candeur native ;
il a toute sa simplicité, toute sa pudeur na-
tive.
Nation. Subst. L On dit indifféremment les
peuples de l'Asie OU d'Asie ; mais après le mot
nation, on met toujours l'article : Les nations
de l' Asie, les nations de l'Europe.
Une nation est bien, comme le dil l'Académie,
un terme collectif par lequel on désigne la totalité
des personnes nées ou naiuraliséesdans un pays et
vivant sous un même gouvernement ; mais comme,
dans le sens littéral el primitif, le mot natinn
marque un rapport commun de naissance, d'ori-
gine, il est naturel d'appeler nation la totalité des
races nées ou établies de père en flls dans le
NAT
même pays, et désignées par une dcnominaUon
commune, comme le nom à l'égard des familles.
Dans cette acception, natùm com])rcnd tous les
naturels du pays, clpuiple tous les hahilanls. Po-
litiquement parlant, la nation est une grande
famille politique à l'instar de la famille naturelle;
le peuple est une grande muliilude ras-emblée et
réunie par des liens communs. La nati'm est
allachée au pays par la culture, elle le possède;
\e peuple est dans le pays, il l'iiabitc. Dans plu-
sieurs États, le peuple esi distingué de la nation
comme un ordre particulier; la nation est le
tout, le peuple est la partie, el celte partie est
composée d'une grande multitude. La nation se
divise en plusieurs ordres, et \c peuple en esl le
dernier.
National, Nationale. Adj. Il ne se met qu'a-
près son subst. : Asscmhlic nationale, concile
national, les conciles nationaux, troupes nat-
tionales.
Ce mot s'emploie substantivement au plurel
masculin : Les étrangers et les nationaux.
Naturaliser. V. a. de la 1'= conj. L'Acadé-
mie ne dit pas se naturaliser. Raynal a dit,
engager les princes à envoyer leurs enfants a
Goa, pour s'y naturaliser en quelque manière
avec les mœurs et les pHncipes de la cour de
Lisbonne.
Naturaliste. Subst. m. L'Académie n'indi(|ue
par ce mol ([ue celui qui a étudié la nature. Il
a une autre acception qu'elle a omise.
On appelle aussi naturalistes ceux qui n'ad-
mettent point',de Dieu, mais quicroicnt qu'il n'y a
qu'une substance matérielle revêtue de diverses
qualités qui lui sont essentielles, et par le moyen
desquelles tout s'exécute nécessairement dans la
nature, comme nous le voyons. Naturaliste en
ce sens est synonyme de matérialiste.
Natcre. Subst. f. Autrefois on employait ce
mot sans article :
C'est un lEiiTrc où nature a fait lous ses eHorts.
(Malherde, liT. y, sonnet, r, 2.)
Aujourd'hui on ne le dit sans article que dans
quelques expressions, comme crime contre na-
ture,peindre d'après nature, représenter d'après
nature
Corneille a dit dans HéracUus (act. IV,
se. I, 9) :
Vous, pour qui son amour a forcé la naturt.
Voltaire dit, au sujet de ce vers : Il eût clé
mieux, je crois, de dire a dompté la nature; car
forcer la nature signifie pousser la nature trop
loin. [Remarques sur Corneille.)
N.ATCREL, Naturelle. Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : La loi naturelle, les lu-
mières naturelles, les forces naturelles, les sen-
timents naturels, l'histoire naturelle. — Fils
naturel, fille naturelle. — Du vin naturel, un
style naturel.
Une pensée naturelle est nécessairement vraie;
mais loule pensée vraie ne parait pas toujours
naturelle, parce que le rapport réel qui peut se
trouver entre des idées n'est pas toujours sen-
sible. Nous ne jugeons une pensée naturelle que
lorsqu'elle se présente d'abord à \'e^m\. ; si elle
lui échappe, ou (lu'elle ne se laisse qu'entrevoir,
nous ne manquons pas de nous en prendre à rai>-
leur. Notre anour-iiropre nous persuade aisé-
ment que ce rue nous ne concevons pas sans
À
NAT
effort n'a pu être produit sans beaucoup de
travail. [Encyclop.) Voyez le mot suivant.
Naturel, adjectif , est employé substantive-
ment dans cette phrase : Les nuturels du pays ;
mais cela n'a lieu qu'au pluriel; on ne dit pas
c'est vil naturel, c'est une naturelle du pays.
— Girault-Duvivicr reni;u-que (lue ce mot ne
s'emploie pas avec les noms des nations euro-
péennes, et qu'on s'exprimerait mal en disant
les naturels de France, les naturels d' Espaçjne.
[Grammaire des Grammaires, p. 1200.)
NatoIucl. Subst. m. Terme de belles- lettres.
Le naturel est un sentiment de la belle nalure
joint à une grande facilite pour la peindre.
L'art, dit CondiUac, entre plus un moins dans ce
que nous nommons naturel. Tantôt il ne craint
pas de paraître, tantôt il semble se cacher; il se
montre plus dans une ode que dans une épîlre,
dans un poëme cpiipie que dans une fable. Si
quelquefuis il disparait dans la prose, s'il faut
même qu'il disparaisse, ce n'est pas qu'on écrive
bien sans art ; c'est que l'art est devenu en nous
une seconde nature, (^uand le style n'a pas tout
l'art que le genre d'un ouvrage annonce, il est
au-dessous du sujet; et, au lieu de paraître na-
turel, il parait familier ou trop commun; quand
il en a plus, il est forcé ou affecté. Il n'est donc
naturel qu'aiilanl (pie l'art est d'accord avec le
genre dans lequel on écrit, et cet accord en fait
toute l'élégance. xMais ce sont la des choses dif-
ficiles à déterminer lorsqu'il s'agit du style poé-
tique, parce (pi'il y entre plus d'arbitraire (jue
dans celui de la prose.
Nous nous imaginons volontiers avoir des idées
absolues de luutes les choses dont nous parlons,
jusque-là qu'il faut quelque réflexion pour
remarquer que les xaols grand et petit ne signi-
fient que des idées relatives. Ainsi, lorsque nous
disons que i'-acine, Despréaux, Bossuet et ma-
dame de Sévigné écrivent naturellement, nous
sommes portés à prendre ce mot dans un sens
absolu, comme si le naturel était le même dans
tous les genres; et nous croyons toujours dire la
même chose, parce que nous nous servons tou-
jours du même mot. iN'ous ne tombons dans cette
erreur que parce que nous ne remarquons pas
tous les jugements que nous portons , et que
néanmoins nos jugements sont différents, suivant
les dispositions où nous sommes; dispositions
que nous ne remarquons pas davantage, et aux-
quelles nous obéissons à notre insu. En effet,
au seul titre d'un ouvrage, nous sommes disposés
à désirer dans le style plus ou moins d'art, parce
que nous voulons que tout soit d'accord avec
l'idée que nous nous faisons du genre ; nous ne
disons pas à la vérité ce que nous entendons par
cet accord, nous ne déterminons rien à cet effet ;
contents de sentir confusément ce que nous dé-
sirons, nous approuvons, nous condamnons, et
nous supposons que le naturel est toujours le
même, parce (jue la notion vague que nous atta-
chons à ce mot se retrouve dans toutes les accep-
tions dont il est susceptible. Mais si nous savions
observer le sentiment, qui, en pareil cas, nous
conduit mieux que la réflexion, nous verrions
que toutes les fois que les genres diffèrent, nous
sommes disposés différemment, et qu'en consé-
quence nous jugeons d'après des règles diffé-
rentes. — Lorsque je vais commencer la lecture
de^ Racine, mes dispositions ne sont pas les
mêmes que lorsque je vais commencer celle de
madame de Sévigné. Je puis ne pas le remarquer,
mais je le sens- et en conséquence je m'attends à
NAV
489
trouver plus d'art dans l'un, et moins dans 1 autre
D'après ccKc attente, dont je ne me rends pas
compte, je juge qu'ds ont écrit tous deux natu-
rellement; et, en me servant du même mot, je
porte deux jugements (jui diffèrent autant que le
style d'une lettre diffère de celui d'une tra-
gédie.
Pour achever de déterminer nos idées sur ce
que nous nommons naturel, il faut considérer
ijuc nous devons à l'art tout ce que nous avons
acquis, et que proprement il n'y a <le naturel
en nous que ce que nous tenons de la nature.
Or, la nature ne nous fait pas avec telle ou telle
habitude; elle nous y préparc seulement, et nous
sommes, au sortir de ses mains, comme une argile
qui, n'ayant par elle-même aucune forme "ar-
rêtée, reçoit toutes celles que l'art lui donne.
Mais parce qu'on ne sait pas démêler ce que
ces deux principes sont, chacun séparément,
on attribue au premier jibis qu'il ne fait, et on
croit naturel ce que le second produit. Cepen-
dant l'art nous prend au berceau, cl nos études
commencent avec le premier exercice de nos
organes. Nous en serions convaincus si nous
jugions des choses que nous avons apprises dans
notre enfance, par les choses que nous sommes
obligés d'apprendre aujourd'hui, ou par celles
que nous nous souvenons d'avoir étudiées. --
ouand nous admirons, par exemple, dans un
danseur le naturel des mouvements et des atti-
tudes, nous ne pensons pas sans doute qu'il se
soit formé sans art; nous jugeons seulement que
l'art est en lui une habitude, et qu'il n'a plus
besoin d'étude pour danser, comme nous n'en
avons plus besoin pour marcher.
Le naturel consiste donc dans la facilité de
faire une chose, lorsqu'aprcs s'être étudié [>our
y réussir, on y réussit enfin sans s'étudier davan-
tage; c'est l'art tourné en habitude. Le |)octc et
le danseur sont également naturels, lorsqu'ils sont
parvenus l'un et l'autre à ce degré de perfection
qui ne permet plus de remarquer en eux aucun
effort pour observer les règles qu'ils se sont
faites. (Extrait de ['Encyclopédie.)
,NATur,ELLEMENT. Adv. Il sc uict aprés le veroe :
Ecrire naturellement, cela se faitnaturcllevient,
il a parlé naturellement. — On dit quelque-
fois par forme d'incise, naturellement parlant.
N.vuFnACÉ, Naufragée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : f^aisscavx naufrages,
effets naufragés.
Nautique. Adj. des deux genres, qui ne se
met (ju'après son subst. : Cartes nautiques.
Astronomie nautique.
Naval, Navale. Adj. L'Académie dit qu'il n'a
pas de pluriel au masculin; mais je pense que,
puisqu'on dit un combat naval, on pourrait bien
dire aussi des combats navals. Cet adj. ne se met
qu'après son subst. : Bataille navale, armée
navale, forces navales.
Navigable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Mer navigable, rivière
navigable, canal navigable.
Navigateur. Subst. m. Qui a fait do grands
voyages sur mer. Comme jusqu'à présent il n'y a
aucune femme qui ait entrepris de grands voyagea
sur mer, par des vues particulières, on ne dit
point navigatrice.
Naviguer. V. n. de la 1" conj. L'm est là
pour donner au g le son de gue, ([u'il n'a pas
devant \'e. On disait autrefois naviger.
Navire. Subst. m. Ce mot était autrefois
fémiain, et dans la haute poésie, on disait plus
490
m.
Kouvent la navire que le navire. La Gra.-ivnaire
des Grammaires prétend que le féminin s'est
conservé en parlant du vaisseau des Aigon;iutcs,
et qu'on dit lu navire Argn. On ne fait plus celle
l'Xceplion aujourd'hui, cl l'on dit également le
navire Argn, suit en parlant de ce vaisseau, soit
on parlant de la constellation.
Navrant, Navrante. Adj. verbal tiré du v.
navrer. Il ne se met qu'après son subst. : Un
ypectacle narrant.
Ne. Le inol ne, que nous joignons au verbe
d'une proposition pour la rendre négative, est
appelé ncf/alion par quelques grammairiens, et
négative par d'autres. Il est ordinairement suivi
de joa* ou de point; quelquefois aussi il n'en est
pas suivi. \o)cz Pas cl Point.
Le verbe de la proposition se met entre ne et
pas, je ne sais pas. Dans les temps composés,
l'auxiliaire se uicl entre ne cl pas, je ?iui pas
su. Si le verbe est à l'infinitif, on place ordi-
nairement ne pas avant cet infinitif, 71e pas
savoir. On dit aussi ne savoir pas; mais le pre-
mier a un sen^lus négatif que le second.
Lorsque ne n'est suivi ni de pas, ni de point,
ni d'aucun autre mot équivalent, le sons de la
proposition est moins négatif. Je ne sais mar-
que une ignorance moins absolue que je ne sais
pas.
Les mois pas Gi point que l'on joint à la néga-
tion, peuvent donc en être regardés comme des
complémenls, puisqu'ils rendent le sens plus
négatif. Les mots goutte, brin, mot, mie, rien,
etc", servent aussi à compléter la négation; et
quand on les emploie à cet usage, on supprime
pa^et point. Mais alors il faut que ces mots ne
soient point précédés de l'article. On ne dit pas,
je n'en dirai le mot, mais, je n'en dirai mot.
Dans les phrases comparatives, quelquefois 0:1
met la njgative ne après qiœ, et quelquefois 0!i
la supprime : Elle n'est pas si belle que vous le
pensez; elle est moins belle, plus belle que vous
De croyez.
Pour comprendre les régies que nous allons
donner sur celle matière, il faut distinguer, avec
BeauzcQ, des comparatifs d'égalité, comme tout,
autant, aussi, si, et des comparatifs d'inéga-
lité , comme autre , autrement, plus, moins,
mieux, meilleur, pis, pire, et observer que les
comparaisons ont toujours deux membres, liés
ordinairement par la conjonction conductive que.
Voici maintenant les règles que donnent les gram-
mairiens pour l'emploi ou la suppression de ne
dans ces sortes de phrases.
1" Après les comparatifs d'égalité, le que qui
réunit les deux membres de la comparaison n'est
jamais suivi de ne : Je n'ai pas tant de crédit
que ro«j /'imaginez; il n'a pas tant d'ennemis
i.u'W le croit; il vit aussi bien qu'il le peut; il
n'est pas si sage qu'on le dit.
On supprime le ?ie, parce que le second membre
énonce alfirmalivement le terme auquel on com-
pare le premier, pour affirmer on nier l'égMliié du
inemier avec le second, en rendant simplement
le premier positif ou négatif : Je fis, ou je ne
fis pas, autant de réponses victorieuses qu'on
me Ut d'objections, c'est-à-dire, on me fit des
olijeciions, et c'est le terme auquel je compare
uies réponses victorieuses; j'en fis, ou je n'en fis
pas un nombre égal.
2" Après les comparatifs d'inégalité, marqués
par plus ou par moins, explicitement ou implici-
tement, énoncés, on bien par au/re, autrement, ou
quelque autre terme équivalent; si le premier
NE
membre est affirmatif, le second, qui vient apré?
que, doit être négatif, et prendre 71e: H est plus
riche qu'il n'était; vous écrirez mieux que vcus
ne parlez; il pense autrement aujourd'hui, qu'il
ne pensait hier; j.^ conçois vos raisons mieux
que vous ne pensez ; il est moins malheuretueque
je ne le suis.
On emploie la négative dans la seconde propo-
sition, pour faire sentir la différence qu'il y a
entre ce qui est exprimé dans la première pro-
position, et ce qui est exprimé dans la seconde.
Il est plus riche qu'il n'était, exprime que h
richesse qu'il possède présentement n'esl i)as égale
à celle qu'il possédait autrefois. Il jiossède pltis,
et il n'avait pas ce plus. La négaiivc est donc
nécessaire dans la seconde proposition, pour faire
sentir cette différence. Sans cette négative, cett?;
différence, qui est essentielle à l'idée, ne serait
pas exprimée; il est plus riche qu'il était. Matr
on ne complète pas la négation par les mots pas^
point, etc., parce (ju'on ne nie pas l'existence de
la richesse, mais seulement l'existence d'une
richesse plus grande. I.c sens négatif ne se porte
pas uniquement sur il est 7-iche, mais sur il est
plus riche.
3^ Après les mêmes comparatifs d'inégalité, si
le premier membre est négatif, le second, qui
vient après que, est affirmaûf, et ne prend point
7ie : Il n'est pas plus riche qu'il était, fous
n'écrivez pas mieux que vous parlez; vous ne
peiisespas autrement que vous dites.
Dans les comparaisons d'inégalité, il y a tou-
jours une proposition négative; de sorte que, si
la première proposition est positive, la seconde
doit être négative; et, si la première est négative,
la seconde doit être positive; car, au moyen d'une
simple conversion, on peut toujours ramener la
phrase, dont le iircmier membre est négatif, à la
forme simple; cl pour cela, il suffit de"mettre le
second membre à la place du premier : Personne
7ie peut être plus persuadé que je le suis, se
convertit en, je suis plus persuade que personne
7ie peut l'être.
Au reste, ces deux dernières règles ne sont
applicables que cpiand on veut réellement expri-
mer l'inégalité dans la comparaison ; car il est des
cas où l'on prend le môme tour pour marquer
régalité réelle, au moyen d'une proposition né-
gative, <]ui nie l'inégalité. Pierre n'est pas moins
riche que Paul, est un tour que 1 on prend
quelquefois pour faire entendre que l'un est aussi
riche ([ue l'autre. Cependant l'inégalilé pouvant
être en plus ou en moins, la négation simple de
l'une n'emporte pas la négation de l'autre, et con-
séquemment il peut rester du doute, parce qu'il
y a équivoque; mais on peut, en prenant le
même tour, et selon le sens qu'on voudra donner
à la phrase, éviter cette équivoque, au moyen
de îie mis ou supprime après le que. Ainsi, i)6ur
exprimer qu'on est persuadé, et que personne
ne peut l'être davanUige, on dira : On ne peut
pas être plus persuadé que je le suis; et pour dire
qu'on n'est point persuadé, et que personne ne
peut l'être davantage, on dira : On ne peut être
plus persuadé que je ne le suis. (Beauzée.)_
Lorsque les deux membres d'une comparaison
sont négatifs, comme dans le dernier exemple que
nous avons cilé, ce n'est pas une comparaison
d'inégalité qui est exprimée, mais réellement
une comparaison d'égalité sous la forme d'ime
comparaison d'inégalité. Dans on ne peut être
plus persuadé que je 71e le suis, il n'y a pofnt
comparaison d'mégahtè, mais comparaison d'cga-
NE
Hlé. Ma non persxtasioii est égale ù toute autre
non persuasion. D'Alembcrl a (lit, l'existence
de Scipion ne scm pas plus Jouteuse dans dix
siècles qu'elle ne l'est aujourd'hui. On voit dans
celte |)liraso que l'existence n'est pas douteuse
aujourd'hui, et qu'elle no le sera pas dans dix
siècles. 11 y a égalité de non doutcou de corlilude.
L'existence de" Scipion sera aussi certaine dans
dix siècles qu'elle l'est aujourd'hui. Ainsi la
négation, dans les deux membres d'une coini)a-
laison, est \me manière de former une compa-
raison d'égalité. Dans cette phrase de madame de
Séyiïnè, cependant vous m'aviez fait une ré-
ponse, ci on ne peut avoir été mieux perdue
qu'elle ne Va été., il l'aut supprimer le ne du
second membre, car madame de Sévigné lail
entendre (luc la réponse a été mieux perdue
qu'aucune autre ne l'a été. Ce n'est pas une com-
iiaraison d'égalité.
L'iniciTogation produit dans une phrase le
même effet'que la négation. On supprime donc
le îie dans le second nïembre de la comparaison,
ionsque le premier est interrogatif, à moins que
ce ne soit une comparaison d'égalité, sous la
forme d'une comparaison d'inégalité : Croyez-
vous qu un homme puisse être plus heureux que
vous X'ti^s depuis trois 7iiois? (J.-J. Rousseau.)
Si le premier membre est négatif et interro-
gatif en même temps, il faut mettre ne dans le
second : Ne vous ai-jc pas mieux servi que je
ne puis servir aucun maître^
Enfin, si le tour interrogatif se trouve dans une
comparaison d'égalité, sous la forme négative, il
faut mellre 7ic. dans le second membre. D'Alcm-
bert aurait pu dire, l'existence de Scipion sera-t-
elh plus douteuse dans dix siècles, qu'elle ne
l'est aujourd'hui'^
A moins nue précédant un verbe employé à
un mode personnel est toujours suivi de «e / A
moinsqu'il ve s'ahseriie ; je 7}e sors pas, à moins
qu'il ne fusse beau ; et moins que vous ne lui
parliez. Cependant Corneille a dit :
A moins que pour régner le destin les sépare ;
et Molière {Dépit amoureux, act. I, se. i, 72) :
A moins qne la suivante en /Visse autant pour moi.
Mais ce sont des licences qui ne prouvent rien
contre la règle. Voyez Moins.
Toute proposition, soit affimiativc, soit néga-
tive, qui suit les mots sans que, ne peut ren-
fermer la négative ne : Ce n'est pas à nous à
penser aux règles, c'est à elles à nous conduire
SuDS que nous y pensions. (Condillac.) Les puis-
sances établies par le coTnmerce s'élèvent peu à
peu, et sans que personne s'en aperçoive. (Mon-
tesquieu, Grand, et décad. des Rom., ch. IV.)
Je reçus et je vois le jour qne je respire,
Sans que mère ni père ait daigné me sourire
(IU&, Iphig., act. II, se. i, 31.)
.a proposition subordonnée à avajit que ne
prend point la négative ne, lorsque le verbe qui
suit avant que exprime une action sur l'existence
de laquelle il n'y a point de doute : N'avons-
nous pas vu les satellites de Pompée environner
Milan avant qu'il (ù\.ju(/é? Il n'y a aucun doute
surle jugement de Milon, puisque ce jugement
avait existé. Mais quand l'action exprimée [lar le
verbe qui suit avant que exprime une action
sur l'existence de laquelle il y a du doute, il
NÉG
491
faut mettre la négative ne, qui marque ce doute.
On dirait, tirez ce lièvre du gite arant qu'il ne
parte, et non pas avant qu'û parte. A'oyez Avant.
Nous finirons cet article par une icmarque de
Voltaire sur deux vers de Corneille.
Si j'ai besoin de vous, do peur qu'on me controiffne.
(A'iconi., act. I, se. I, 83.)
Il faudrait, pour que la phrase fut régulière,
le négation ne, qu'on ne me contraigne. En
général, voici la règle. Quand les Latins emploient
le ne, nous l'employons aussi : rereor ne cudat,
je crains qu'il ne tombe. Quand les Latins se ser-
vent d'M^, utrum, nous supprimons ce ne:
Diibito utrum eas , je doute que vous alliez;
opto ut vivas, je souhaite que vous viviez.
Quand je doute est accompagné d'une négation,
je ne doute pas, on la redouble pour exprimer
la chose: Je ne doute pas que vous ne l'aimiez.
La suppression du ne dans le cas où il est
d'usage, est une licence qui n'est permise que
quand la force de l'expression la fait pardonner.
Seigneur, je crains pour vous qu'un Romain vous écoule.
(.Yicom., act. I, se. Il, 58.)
C'est ici une expression de doute, et la néga-
tion ne est nécessaire : Je crains qu'un Romain
ne vous écoute. Mais en poésie on peut se dis-
penser de cette règle. {Remarques sur Corneille.)
Voyez Nier, Désespérer, Disconvenir, Douter.
Empêcher, Défendre, Craindre, Trembler,
appréhender. Falloir.
NF.ANMoirss. Adv. Le s se prononce devant une
voyelle ou un h non aspiré. On le met ou au com-
mencement de la phrase : Néanmoins je lui par-
lerai; ou après une conjonction : Et néanmoins,
si néanmoins ; ou au milieu d'une phrase : Je ne
laisserai pas néanmoins de l'aller voir.
Néant. Subst. m. Le t final ne se prononce
pas.
Nébuleux, Nébuleuse. Adj. Il ne se met qu a-
piès son subst. : Temps nébuleux, cielnébuleux.
Si l'on voulait l'employer au ligure, on pourrait
k mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie. Voyez Adjectif.
Nécessaire. Adj. des deux genres qut ne se
met qu'après son subst. : Chose nécessaire, mal
nécessaire. Cet adjectif s'emploie tantôt absolu-
ment, tantôt avecles prépositions à, de et pour.-
La respiration est nécessaire à la vie; la foi est
nécessaire pour le salut; il est nécessaire de
manger pour vivre.
Nécessairement. Adv. Il se met après le verbe:
Il faut nécessairement manger pour vivi-e.
NÉCESSITEUX, Nécessiteuse. Adj. qui ne se met
qu'après sonsubst. On l'emploie substantivement:
Les nécessiteux. L'Académie ne l'indique point.
— Marmonlel a dit une langue nécessiteuse,
et je pense qu'il a bien dit. La langue écHte ne
laisse pas d'être nécessiteuse, parce que ses
besoins s'étendent au dehors. L'élégance de la
langue française a trop pris sur sa vigueur;
ses polis.'seurs l'ont affaiblie.
Nef. Subst. f. On prononce le /'final.
■ Négatif, Négative. Adj. qui ne se metqua-
près son subst. : Proposition négative, par-
ticule négative, terme 7iégatif. Voyez Disoon-
V6 TlQ-Tt CG t
Los métaphysiciens distinguent entre négatior
et privation. Ils appellent «f^ya^ioyi l'absence d^i.
attribut qui ne saurait se trouver dans le sujet,
parce qu'il est incompatible avec la nature du
492
NE G
sujet. C'est ainsi que l'on nie que le monde soit
l'ouvrase du hasiird. Ils apitellent privulion
l'absence d'un allribul qui non-seulcmciit peut se
trouver, mais se trouve même oïdinairemenl
dans le sujet, parce qu'il est compatible avec la
nature du sujet, et qu'il en est un accompagne-
ment ordinaire. C'est ainsi qu'un aveugle est
privé de la vue.
Les grammairiens sont moins circonspects,
parce (|uc celte distinction est inutile aux vues
de la parole. L'absence de tout allribul est pour
eux négation. Mais ils donnent pariiculiércmcnt
cenom aux mois destinés a désigner celle absence,
comme non, ne. Sur quoi il est important d'ob-
server que la ncgation désigne l'absence d'un
attribut, non comme conçu par celui qui parle,
mais connue im mode propre à sa pensée actuelle.
En un mol, la négation ne présente point à l'esprit
l'idée de celte absence comme pouvant êlre sujet
dequclciues allribuls; c'est l'absence elle-même
qu'elle indique immédiatement comme l'un des
caractères propres au jugement actuellement
énoncé. Si je dis, par exemple, la négation est
contradictdire à l'affirmatioii, le nom négatwi
en désigne l'idce connue sujet de l'atlribui con-
tradictoire, mais ce nom n'est point la négation
elle-même; la voici dans cette phr.ise, Dieu ne
peut être injuste, parce que ne désigne l'absence
du pouvoir d'être injuste, qui ne saurait se trou-
ver dans le sujet qui est Dieu.
La dislinclion philosophique entre np^nfion et
privation n'est pourtant pas tout à fait perdue
pour la grammaire, et l'on y distingue des mots
négatifs et des mois privatifs.
Les mois négatifs sont ceux qui ajoutent à
l'idée caractéristique de leur espèce, et à l'idée
propre qui les individualise, l'idée particulière
de la négation grammaticale. Les mois personne ,
rien, aucun, ni, etc., sont des mots négatifs.
Les mots privatifs sont ceux qui expriment
directement l'absence de l'idée individuelle qui
en consiiiue la signification propre, ce qui se fait
communément par une particule composante
mise à la lèle du mot positif. Les Grecs se ser-
vaient pour cela de Valpha, que les grammai-
riens nomment par celte raison a privatif. La
particule in était souvent privative en latin.
Dignvs, mol positif; indignus, mol [Hivalif.
Quelquefois le n de in se change en / ou en r,
quand le mot positif commence [lar une de ces
liquides; et d'autres fois en m, si le mot com-
mence par les labiales b, p et m. Legitimns,
de là illegitimus ; regularis , de là irregula-
ris., elc.
Nous avons transporté dans notre langue les
mots privatifs grecs et latins, avec les particules
de ces langues; nous disons anomal, abîme,
indigne, indécent, insensé, inviolable, infortune,
illégitime, irrégulier, etc Mais si nous intro-
duisons (luelques mots privatifs nouveaux, nous
suivons la méthode latine, et nous nous servons
de in.
Ainsi la principale différence entre les mots
négatifs et les mots /);iro/i/s, c'est que la néga-
tion, renfermée dans la signification des premiers,
tombe sur la proposition entière dont ils font par-
tie et la rendent négative, au lieu que celle qui
constitue les mots privatifs lombe sur l'idée indi-
viduelle de leur signification, sans influer sur la
nature de la proposition.
Qu'il me soit i)ermis de faire quelques obser-
vations sur cet article, que j'ai emprunté de
M. Beauzée, l'un de nos plus habiles gram-
NEG
mairiens, et de développer ici l'idée nouvelle
que j'ai avancée sur celle matière a l'article in
Je ne comprends pas Imp celle distinction
entre la négation des mois négatifs, qui tombr
sur la phrase enlicre et la rend négative, et la
négation des mois privatifs, qui tombe sur l'idée
individuelle de leur signification , sans influer
sur la nature de la proposition.
M. Beauzée convient qu'il y a également né-
gation dans les mots négatifs et dans les mots
privatifs. S'il en est ainsi" l'expression doit être
négative pour les uns cl pour les autres, et la
négation des mots privatifs ne doit point avoir la
force de rendre la phrase affirmative; car il n'y a
rien de plus opposé que la négation et l'affn-
mitim, et il est impossible qu'une négation pro-
duise une affirmation.
M. Beauzée répondrait sans doute que dans
les mots privatifs, la négation ne tombant pas sur
la proposition eniiêre, mais seulement sur l'idée
individuelle de leur signification, celle négation
ne produit point l'affirmation. Mais puisqu'on
suppose une négation dans l'expression priva-
tive, et une neya<wM dans l'expression négative,
ils'ensuii que dans ces deux phrases, cet homme
n est pas constant, et cet homme est inconstant,
l'absence, la privation, la négation de constance
est également exprimée, quoiiiu'ellene le soit pas
d'une manière semblable. Or, si dans la première
phrase je dois employer une exprcssinn négative,
et dans la seconde une expression affirmaUve, il
est bien clair ([ue la négation que l'on appelle
privation influe sur la nature de la phrase, puis-
qu'elle la rend afllrmalive, de négative qu'elle
devait êlre naturellement. Cependant il doit y
avoir une différence entre ces deux manières de
s'exprimer, d'autant jilus qu'elles sont énoncées
dans des formes opposées et contradictoires.
Je crois pouvoir avancer qu'il n'y a point de
négation dans ces prétendues expressions pri-
vatives. En effet, s'il y en avait une, le mot in-
constant signifierait, pfl5 constant; et la phrase
cet homme est inconstant, voudrait dire, cet
homme est pas constant, ce qui revient à n'est
pas constant, et ramène à l'expression négative.
Il serait donc inutile de distinguer cet homme
7i'est pas constant, et cet homme est inconstant,
puisque ces deux phrases signifieraient exacte-
ment la même chose.
Il me seinble que la dénomination de privatifs,
que l'on a appliquée à ces mots, ne leur convient
nullement; et qu'ils désicnenl toujours quelque
chose de positif. La preuve que j'en donne, c'est
qu'ils sont toujours accompagnésd'une expression
positive qui annonce, non une privation, mais
l'existence d'une chose réelle ou idéale. Quand
07! est, on est quelque chose, et l'on n'est ni une
négation ni une privation.
L'absence, le défaut, la privation d'une qua-
lité, ne sont pas lellemenl absolus ([u'il n'en résuite
souvent une (jualité contraire, qui a une existence
réelle, (jui a ses modifications et ses effets. Par
exemj)le, quand je dis cet hovnue n'est pas cour-
ti'^an, il ne résulte pas de l'absence de la qualité
de courtisan une qualité contraire, appréciable,
qui ait ses modifications et seseffels. Voilà pour-
(]uoi je ne puis i)as dire, cet homme est incour-
tisan. Il en est de mènie des mots amusant, con-
trariant, blessé, aimable, aimé, etc. Mais quand
je dis cet homme est inconstant, on sent (jue je
veux désigner par celte expression une qualité
réelle et positive, qui a ses modifications et ses
effets, et qui résulte de l'absence de la constance.
NEG
On peut distinguer dans l'nbscnce de la con-
stance deux points de vue différents : d° l'absence
absolue de la constance, sans aucun rapport à la
mauvaise tiualiié qm résulte de cette absence;
et on dit en ce sens, cet linmnio n'est pus con-
stant; 2" on peut regarder l'absence de la con-
stance comme une mauvaise qualité positive, qui
a ses modilications et ses effets, et alors l'exjjrcs-
sion doit être affirmative, cet homme est incon-
stant. Cette explication rend sensible la différence
des deux expressions.
Or, je pense quel'on a imaginé ces mots, que
l'on nomme abusivement privatifs, pour désigner
ces (lualités réelles qui résultent de l'absence
d'une (jualité; et ce qui me confirme dans cette
oiiiiiioii, c'est ([ue l'absence sinqile des qualités,
qui ne produit pas une qu'alité contraire, n'est
pas susceptible (l'être désignée par ces sortes de
mots. On dit cet homme est incapable, est in-
juste, est insouciant, etc. ; mais on ne peut i)as
dire cet homme est inspiritucl, inaimable, in-
souffrant, etc. ; il faut se borner à dire n'est
pas spirituel, n'est pas aimable, n'est pas souf-
frant.
Concluons de là qu'il faudrait un autre mot
pour désigner les mots que l'on a appelés jusqu'à
présent /3r»cai//;s-. Je laisse le soin de le chercher
a des personnes plus habiles que moi, qui auront
trouvé quelque justesse dans mes observations.
Il me semble que si le principe que je propose
était adopté, il mettrait une iKirrière à cette
fureur néologique qui s'efl'orce d'introduire
dans la langue une foule d'ex])ressions de cette
espèce, qui clioiiucnt autant le bon sens que les
ureilles; et qu'on aurait une règle sure pour
connaître celles que l'on peut adopter, ou qu'il
faut rejeter. Voyez In.
Négation. Subst. f. Les grammairiens enten-
dent par ce mot l'absence de tout attribut; mais
ils donnent particulièrement ce nom aux mots
destinés à désigner cette absence, comme no)i,
ne.
La langue française a l'avantage de pouvoir
exprimer différents degrés de négation, soit en
employant simplement la négative ne, soit en
cooijjlétant le sens de cette négative par les mots
pas et point. Ne exprime le degré le plus faible
de négation, je ne puis, je ne sais; ne pas
exprime un degré plus élevé, je ne puis pas, je
ne sais pas; ne point exjjrime la négation avec
plus d'énergie encore, je ne puis point, je ne
sais point. Voy. Négatif, Ne, Non, Pas, Point.
Négativement. Adv. 11 se met après le verbe :
// a répondu négativement.
NÉCLiGEsiMKNT. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Elle
était négligemment vêtue.
Négligence. Subst. f. On appelle en général
néglir/ciice de style, toutcequi, dans le discours
écrit, choque l'oreille sans choquer les règles de
la grammaire.
11 y a des négligences aimables, qui donnent
de l'agrément aux pensées, et que par celle raison
l'on ne saurait blâmer. Elles ne sont guère admises
que dans les lettres familières, et dans les poésies
légères. Les lettres de madame de Sévigné et les
fables de La Foniarne offrent un grand nombre
d'exemples de ces sortes de négligences.
^■ÉGL1GE^T, NÉGLIGENTE. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme négligent, une
femme négligente. — Je ne vois nulle part qu'il
se dise des choses; mais je lis dans Voltaire,
mon amitié n'est point du tout négligente
NÉO
493
{Correspondance); et il me semble que cela est
bien dit.
NÉGLiGEn. V. a. de la l''''conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme j ; et pour
lui conserver cette ijrononciaiion lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o : Je négligeais, négligeons, et non
pas je négligais, négligons.
Négociateur. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dit négociatrice.
Neigeux, Neigeuse. Adj. qui ne se met guère
qu'après son subst. : Temps neigeux, saison
neigeuse. Volney a dit : Au. nord, pur delà une
mer irrégulière et lo7iguement étroite, sont les
campagnes de l'Europe, riches en prairies et
en champs cultivés; à sa droite, depuis la mer
Caspienne, s'étendent les plaines neigeuses
ot nues de la Turtarie [Les liuines, ch. IV);
et Delille a employé ce mot de la même manière
dans les vers suivants {Enéide, VU, ySS) :
Deux Centaures alticrs, tiers enfants des nuages.
De lears sommets neigeux descendent à grands pas.
Néographe. Adj. i)ris substantivement. On
appelle ainsi celui cpii affecte une manière d'é-
crire nouvelle et contraire à l'orthographe reçue.
L'orthographe ordinaire nous faisait écrire
françois, j'étais, ils aimeraient ; Voltaire a
écrit français, j'étais, ils aimeraient, en
mettant ai pour oi dans ces exemples, et par-
tout où Voi est le signe d'un e ouvert. Nous
emjjloyons des lettres majuscules à la tète de
chaque phrase qui commence après un point, à
la tète de chaiiue nom propre, etc. ; Voltaire
avait supprimé toutes ces ca|)italcs dans la pre-
mière édition de son Siècle de Louis XI f^. Du-
marsais a supprimé sans exception toutes les
lettres doubles qui ne se prononcent point et
qui ne sont point autorisées par l'étymologie; il
a écrit home, came, arèter, doner, anciène, con-
dâner. Duclos n'a pas même égard à celles que
l'étymologie ou l'analogie semblent autoriser; il
supprime toutes les lettres muettes, il écrit di-
férentes, l êtres, èle, téâtre, etc.; il change ph
en /', ortografe, filusofique, etc. Ainsi Voltaire,
Dumarsais, Duclos , sont des néographes mo-
dernes.
NÉoGRAPuisME. Subst. m. Manière d'écrire
nouvelle, et contraire à l'orthographe reçue. Le
fondement et le prétexte du néographisme, c'est
que les lettres étant instituées pour représenter
les éléments de la voix, l'écriture doit se confor-
mer à la prononciation. Mais il est aisé d'abuser
de ce principe. Les lettres, il est vrai, sont éta-
blies pour représenter les éléments de la voix ;
mais comme elles n'en sont pas les signes natu-
rels, elles ne peuvent les signifier qu'en vertu
de la convention la plus unanime, qui ne peut
jamais se reconnaître que par l'usage le plus
général de la plus grande partie des gens de
lettres. Il y aura, si vous voulez, plusieurs ar-
ticles de cette convention qui auraient pu être
plus généraux, plus conséquents, plus faciles à
saisir; mais enliii ils ne le sont pas, et il faut
s'en tenir aux termes de la convention. Toutes
les langues ont, dans leur orthographe, des irrégu-
larités semblables à celles que fou reproche a la
nôtre; et on bouleverserait tout si l'on voulait les
faire disparaître, et peut-être même ne pourrait-
on y parvenir enticrcincnl.
J'avoue que de siècle en siècle il s'établit de
nouvelles manières d'écrire certains mots, et que
■i94
NÉO
:iolre orlhograplie actuelle est bien iJifférenlc, à
i)|iisienrs csanis, de celle du seizième siècle.
iMais la plui)art de ces chançcmenls sont une
suite de ceux qui ont eu lieu dans la pronon-
'•ialion; ils ne peuvent se faire que peu à peu, et
ne doivent passer pmir rcL-le <iue lorsque l'usage
général les a adoi)lés. Certainement un n'écrira
pas aujoud'hui M/wrfe, au Wcu d' é (nd e, ■ sçavnir.
au lieu de savoir, comme écrivait Montaigne,
parce que l'usage d'écrire étude et sat^oir est gé-
néralement adopté. Mais comme plusieurs gens
de lettres se sont élevés contre le néographisme
de \'oliaire, de Dumarsais, de Duclos, de. ; (jue
l'usage est partagé sur quelques-unes de ces
nouvelles manières d'écrire, et qu'il a cntière-
mr-nt repoussé les autres ; les règles que ces écri-
vains ont données sur cette matière ne peuvent
passer que pour des systèmes, et ne doivent point
litre rangées parmi les principes de notre gram-
maire. Le Dictionnaire de l'Académie française
pourrait être d'une gramle utilité à cet égard, si
ses éditions successives indiquaient exactement
les changements que l'usage a généralement
adoptés. Il servirait do régulateur dans cette
partie, épargnerait l'embarras de se décider pour
tel ou Ici système, et emiK'cherait la propagation
des innovations contraires à la raison et aux
vrais principes. C'est ce qu'il a fait pour le néo-
graphisme des écrivains dont nous venons de
parler. Mais que d'irrégularités n'offre-t-il pas
d'ailleuis dans un grand nombre de mois!
ZNÉOLOGTE. Sulist. f. Invention, usage, emploi
de termes nouveaux. Noire langue, comme toutes
les autres, s'est formée pcîu à peu. Pauvre dans
les commencements, el bornée à un petit nombre
de mois, elle s'est successivement accrue et en-
riciiie d'un grand nombre d'expressions deve-
nues nécessaires, par les changements de gou-
vernements, de mœurs, d'usages, de relation ,
par la naissance et l'accroissement des sciences,
des arts, du commerce, et par une multitude
d'autres cattSes nées de ces circonstances. La
néologie est donc le principe de raccroissemont,
de la richesse et de la perfection de la langue.
C'est surtout à l'époque oij la langue française a
pris imc forme régulière, qu'on a vu i)araitre un
grand nombre de mois nouveaux, et les illustres
solitaires de Port-Royal, qui ont tant contribué
à lui donner celte forme, ont élé les pères de
la néologie française. En vain le jésuite Bou-
hours a voulu s'op|)oser à ces innovations; les
expressions nouvelles conformes à la raison et à
l'analogie ont [irévalu sur ses critiques, et sont
généralement adoptées. 11 en a été de même du
Dicii nnaire vénldgiqve du fameux abbé Des-
fontaines; et si l'usage eût rejeté tous les mots
réprouvés par ce critique, nous n'aurions i)as
aujourd'hui dans notre langue plusieurs expres-
sions qui contribuent à en faire l'ornement et la
richesse.
Prclendrc qu'on ne doit point créer de mots
nouveaux, c'est donc s'opposer aux progrès et à
la perfection de la langue : c'est meltre des
bornes à l'avam-ouient des sciences, des arts et
de la philosophie; c'.;st entraver le génie. La
France ne posséderait pas aujourd'hui les ou-
vrages immortels qui font les délices de la nation
et radmi''alion de l'Europe entière, si, dès les
commencements, on ciit interdit au génie toutes
les expressions nouvelles, lous les tours nou-
veaux; notre langue serait encore celle des
Velches.
Je dis les tmirs nnuvenvx, car c'est .inssi en
NÉO
cela que consiste la néologie; et c'est surtout dans
le sens figuré qu'on pcui <[uel(iuefois introduire
avec succès, dans le langage, un tour extraordi-
naire ou une association de termes dont on n'a
pas encore fait usage. Pourquoi m'empêchcriez-
vous de créer un mot nouveau, si j'ai une idée
nouvelle à exprimer ; un tour nouveau, s'il rend
mieux ma pensée que le tour ordinaire'?
Mais si la néologie est permise, le nénlnglsme,
qui en est l'abus, est dangereux et répréliensible.
On peut employer un terme noiivcnii. mais il
faut qu'il soit nécessaire; il faut (ju il n'y ait
pas dans la langue un autre mot qui rende la
même idée, ou qui l'exprime avec la même
force, avec la même énergie. Il faut enfin que
ce mot soit intelligible, et qu'il prenne sa source
dans l'analogie, qui n'est cpi'une extension de
l'usage. Tout mot qui se présente sans l'attache
de l'analogie, «pii lui donne pour ainsi dire le
sceau de l'usage actuel, est rejeti- avec dédain.
Il en est de même des tours extraordinaires el
des figures inusitées ; ils sont rejetés s'ils ne font
pas jaillir une lumière extraordinaire, s'ils ne
peignent pas l'objet d'une manière plus vive
qu'il n'a été peint jusqu'alors, s'ils n'expriment
pas le sentiment d'une manière plus énergique
ipie ne l'a fait jusqu'alors aucun autre tour,
aucune autre figure.
Mais dans l'u'sage de la néologie, il faut beau-
coup de circonspection et de retenue. Les mots
nouveaux, les tours nouveaux, doivent être em-
ployés rarement et sans affectation. Rien n'est
jilus ridicule qu'un ouvrage où l'auteur affecte
d'en mettre dans presque" toutes ses phrases.
Alors ce n'est plus la langue française, c'cït un
jargon; ce n'est plus la néologie, v'G^i le néf>h-
gisrne. Nous avons vu naguère paraître quelques
ouvrages de cette espèce. Ils ont imposé d'abord
à quelques fanatiques dont ils flattaient les vi-
sions, à quelques jeunes gens dont l'imagination
n'était pas encore réglée par la raison; mais enfin
le bon goût en a fait justice, et ils ne sont plus
aujourd'hui (ju'un objet de risée. Voyez Mot,
Néologisme,
Néologiqde. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'ajirès son subsl. : Expression néologi-
qiic, dictionnairo néologiqve.
iNÉOLOGisMf;. Subsl. m. On entend par ce mol
l'affectation de certaines personnes a se servir
d'expressions nouvelles et éloignées de celles que
l'usage autorise. C'est l'abus de la néologie. "Voy.
ce mol.
Le rtéologisme ne consiste pas seulement à
introduire dans le langage des mots nouveaux qui
y sont inutiles; c'est le tour affecté des phrases,
c'est la liizarrerie des signes, qui caractérise
surtout le néologisme. Un auteur qui conmît les
droits et les décisions de l'usage, ne se sert que
des mots reçus, ou ne se résout à en introduire
de nouveaux (]ue (piand H y est forcé par une
disette .disolue el un besoin indispensable. Sim-
ple et sans affectation dans ses tours, il ne re-
jette point les expressions figurées qui s'adap-
tent naturellement à son sujet; mais il ne les
recherche point, et n'a garde de se laisser éblouir
par le faux éclat de cerlains traits plus hardis
que solides, et par les tournures bizarres que lui
présente vme imagination échauffée.
C'esi, dit Voltaire, l'envie de briller et de dire
d'une manière nouvelle ce que les auires ont dit,
qui est la source des ex[)ressions nouvelles,
comme des [jcnsées recherchées. ()ui ne peut
briller par une pensée veut se faire" remarquer
NEU
par un mot... Pourquoi éviter une expression qui
est d'usage, pour en introduire une qui dit pré-
cisément la même i-hose? Un mot nouveau n'est
pardonnable que quand il est absolument néces-
saire, intelligible et sonore. On est obligé d'en
créer en physique : une nouvelle découverte,
une nouvelle machine, exigent un nouveau mot
]Mais fail-on de nouvelles découvertes dans le
cœur humain? Y a-t-il une autre grandeur (jue
celle de Corneille et de Bossuel ? Y a-t-il d'au-
tres passions que celles qui ont clé maniées par
Racine, effleurées par Quinaull? Y a-til une
ulre morale évangélique que celle du père
Bourdaloue ?
Ceux qui accusent notre langue de n'clre pas
assez féconde doivent en effet trouver de la slé-
riLlé, mais c'est en eux-mêmes. i,)uand on est
bien pénétré d'une idée, quand un esprit jusie
et plein de chaleur possède bien sa pensée, clic
sort de son cerveau tout ornée des expressions
convenables, comme Minerve sortit tout armée
du cerveau de Jupiter.
Néologue. Subst. m. On donne ce nom à ce-
lui qui affecte un langage nouveau, des expres-
sions bizarres, des tours recherchés, des figures
extraordinaires. Voyez Néologie et Néolu-
çisme.
Nerf. Subsl. m. On ne prononce point le /"au
pluriel; souvent môme, au singulier, on ne le fait
pas sentir dans la conversation : U71 7ierf de
bœuf.
Nerveux, Nerveuse. Adj. Il ne se met pas
avant son subst. : Carps nervexis, Iras nerveux.
— Fluide nerveux, affection nei-veuse. — Dis-
cours nerveux, style nerveux.
Net, Nette. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Une place nette, de la vaisselle nette. —
Une pensée nette. — Un affaire nette, vn compte
net, un bien net, un produit net. — Une con-
science nette.
On dit qu'î/ne pensée est nette, lorsqu'elle re-
présente l'objet sans nuage et sans obscurité.
Voyez Clarté.
Nettement. Adv. On peut quelquefois le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : /.' s'est expliqué
nettement sur cet article, ou il s'est nettement
expliqué sur cet article.
Nettoyer. \. a. de la l'^ conj. Ce verbe se
conjugue comme employer. Il paraît j)eu propre au
style noble, si ce n'est dans l'acception suivante :
Bt toi, Xeptune, et toi, si jadis mon courage
Ufinfîmes assassins nettoya ton riTâge.
(Rac, Phid., ad. IV, se. ii, 51.)
Neuf. Adj. numéral des der.x genres. Le /"ne
se prononce point dans ce mot quand il est suivi
iminédiatemcnt d'un mot qui commence par une
consonne: Neuf cavaliers, neuf chevaux; pro-
noncez neu cavaliers, ncu chevaux. Quand il est
suivi d'un nom qui commence par une voyelle ou
Uû h non aspire, le f se prononce comme un
V ! Neuf ccus, neuf ans, neuf enfants, neuf
hommes, prononcez neuv ccus, ncnv ans,
neuv enfants, neuv hommes. Mais quand neuf
n'est suivi d'aucun mot , ou qu'il n'est suivi
ci d'un adjectif ni d'un substantif, on laisse au
f sa prononciation naturelle : Ils étaient neuf.
Neuf et demi. Tous les neuf arrivèrent à la
fois.
Nllf, Nedve. Adj. Dans ce mot le /"final se
prononce au singulier et au pluriel : Un habit
neuf, des Lan neufs, un chapeau neuf, une
NI
495
maison neuve. — Une pensée neuve, une ex
pression neuve. — Un homme neuf. Il ne SO
met guère qu'après son subst. Voltaire a dit
(épître XLVII, 29) :
Je veux de ntuve» Tcrilcs.
On dil« neufei de neuf. Ce sont deux phrases
adverbiales qui ne signifient pas précisément la
même chose. A neuf se dit des choses qu'on
raccoininodc et qu'on renouvelle en quelque
sorte : Refaire un bâtiment à neuf. Bemcttre
vn tableau i\ neuf, blanchir des bas il neuf. De
neuf se dit des chosesloutes neuves. On dit qu'une
personne a fait habiller ses gens de neuf, pour
dire qu'elle leur a fait faire des habits neufs.
Neutkalement. Adv. Il ne se met qu'ajirès le
verbe : yous avez employé ce verbe actif ncu-
Iralement, et non pas, vous avez neutralemcnt
employé.
Neutre. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. Ce mot nous vient du latin
neuter, qui veut dire, ni l'un ni l'autre. En le
transportant dans notre langue avec un léger
changement dans la terminaison, nous en avons
conservé la signification originelle, mais avec
([uelque extension. Neutre veut dire qui n'est
ni de l'un ni de l'autre, ni à l'un ni à l'autre, ni
pour l'un ni pour l'autre, indépendant de tous
deux, indifférent ou impartial entre les deux.
Ci'esl dans co sens ([u'un État peut dem.eurer
r.eulre entre deux puissances belligérantes, un
savant entre deux opinions contraires, un ci-
toyen entre deux partis opposés, etc.
"Le mot neutre est aussi un terme propre à la
grammaire, et il y est employé en deux sens dif-
férents.
Dans plusieurs langues , il y a trois genres pour
les noms : le masculin, le féminin et le 7tcutre.
Dans la langue française, il n'y en a que deux,
le masculin et le féminin.
Dans la langue française, comme <ians plusieurs
autres, on distingue des verbes actifs, des verbes
passifs et des verbes neutres. Les verbes neutres
sont de deux sortes. Les uns ne signifient pas
une action, mais seulement une qualité, comme
il excelle, ou une situation, comme il languit,
ou quehiue autre état ou attribut, comme il
règne. Les autres verbes neutres signifient des
actions, mais qui ne passent point dans un sujet
différent de celui qui agit, ou dont l'impression
ne peut être reçue par un objet étranger, comme
dîner, souper, marcher, triompher.
Le verbe neutre diffère du verbe actif, en ce
que celui-ci exprime une action qui se reporte
sur un objet étranger, et que le verbe neutre ex-
prime une action faite par le sujet, et sans rap-
port à un objet étranger. Il suit de là que le
verbe neutre n'a jamais de régime direct.
Il est important d'observer que nous avons
plusieurs verbes qui forment leurs temps com-
posés, ou par l'auxil'aire avoir, ou par l'auxi-
liaire é/re .• tels sont convenir, demeurer, des-
cendre, monter, repartir: cl !;i plupart, dans ce
cas, changent de sens en changeant d'auxiliaire.
Voyez ces mots et Conjuyaise?i.
Neuvième. Adj. des deux genres. Nombre
d'ordre. Il se met entre l'article et le substantif
qu'il modifie : Le neuvième jour, la neuvième
fois.
Nez. Subst. m. On ne prononce pas le z.
Ni. Conjonction négative qui signifie et ne.
Elle sert à lier entre elles les parties simiiairas
496
NIE
d'une proposition n(?galivc. Quand deux ou jilu-
sicms prupusillons négalivcs ont le même sujet
avec (iilfLM-cnls attributs, ou le même attrihul
avec différents sujets, nous réunissons toutes les
propositions en une seule, en répétant ni devant
cliaiiiic sujet ou devant chaque atiriliui. Au lieu
do diic Vuit ne me coni'ient pas, l'intlre ne me
convient pas, on dit ni l'un ni l'autre ne me
convient. La justice ne fut Jamais ni si
éclairée, tii si sec/urable. (Boss., Omis. fun. de
Michel Le Tcllier, p. 253.) Ni doit toujours être
accompagné de la négative ne, et fait supprimer
pas ou point lorsqu'il est répété. Boileau a dit
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme.
Al d'un vers ampoule l'orgueilleux solécisme.
S'il eût dit, mon esprit 71'admet ni un pompeux
barbarisme, ni, etc., il aurait supprimé po/>j/.
Ni est quelquefois suivi immédiatciiiciil de
7ie, lorsqu'il joint deux propositions négatives;
dans ce cas, la proposition liée rejette pus : Ja-
mais pécheur ne demanda vn pardon plus
liuinhle, ni ne -sen crut plus indigtie. (Boss.,
Orais. fun.de Michel Le Tellicr, p. 271 .) A' oyez
Accord.
Niable. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Une proposition niable, un
cas niable.
Niais, Niaise. Adj. : Un oiseau yiiais. — Un
garçon niais, une fille niaise. — Une démarche
niaise, un raisonnement niais, un style niait.
Trois sceptres à son trône attachés par mon bras.
Parleront au lieu d'elle et n« se tairont pas.
(CoBN., Ificom., acl. I, se. i, 105.)
Puisque les sceptres parleront, dit Voltaire, il
est clair qu'ils ne se tairont pas. Ces sortes de
pléonasmes retombent quelquefois dans ce qu'on
appelle le style niais : Htlas! s'il n'était pas
mort, il serait encore en vie. {Remarques sur
Corneille.) — Cet adjectif peut quelquefois se
mettre avant son subst. : Cette niaise réponse
fit rire tout le monde.
NiAisEMexT. Adv. Il peut se mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a répondu niaise-
ment, il a niaisement répondu.
Nin. Subst. m. On ne prononce point le d.
Nier. V. a. de la l'^ conj. Ce verbe, suivi
d'un autre verbe, demande de et l'infinitif, lors-
(jue le verbe régi se rapporte au sujet de la j
phrase : // a nié d'avoir dit cela. Dans le cas j
contraire, on emploie que avec le subjonctif : Je j
ne nie pas que vous ne soyez fondé à faire cette
demande, je nie que cela soit, je ne nie pas çue
cela ne soit.
On voit que lorsque nier est employé avec la
négation, le ne doit cire répété dans lu proposition
subordonnée '.Je ne nie pas que je ne l'aie dit, et
non pas, je ne nie pas que je l'aie dit. Fous ne
sauriez nier qu'un homme n'apprenne bien des
choses quand il voyage. (Fénel., XYII' dialoguo !
des morts. Sacrale et Alcibiade.) On ne peut nier '
qvi'je XiC sois très-fondc à m'ériger en Aristar- |
que, en juge souverain des ouvrages nouveaux. [
(J.-J. Rouss., le Persi/fleur.) — Selon le JJict.
de l'Académie, on peut indifféremment mettre [
ou supprimer la négative : Je tic nie pus qu'il ait ,
fait cela, qu'il nuit fuit cela. Mais si l'on con- 1
suite les meillfeurs grammairiens et les écrivains I
NOC
les plus distingués, on verra qu'il faut toujours
mettre cette négative. Il en est de même quand
ce verbe parait sous une forme interrogative :
Peut-on nier qu'il n'ait avancé cette proposi-
tion? — Lorsque le sens de nier est affirmatif^
le verbe de la subordonnée ne i)rend point ne.
Je nie qu'il soit venu.
NiGAup, NiGAiDE. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Il est nigaud, elle est nigaude. —
On l'emploie souvent substantivement : Un ni-
gaud, une nigaude. Ce mot est familier.
Niveler. V. a. de la 1" conj. On double la
lettre / dans les temps de ce verbe où cette lettre
est suivie d'un emuet : Je nivelle, je ?nvellerai,
il nivellera, il nivellerait. On ne met qu'un l
lorsque celte lettre est suivie d<; toute autre
lettre qu'un c muet : Je nivelais, j'ai nivelé,
ils nivelèreîit.
Noble. Adj. Il se met quelquefois avant son
subst., et il y a même des cas où l'on ne peut le
pLicer autrement. Ou dit un air noble, une âme
tioble, un cœur noble, un style noble, les parties
nobles. On peut dire son cœur nob!e, ou son
noble cœur; mais il faut dire ces nobles délasse-
ments, vn noble loisir, et non pas ces délasse-
ments nobles, un loisir noble.
NoBLEMF.NT. Adv. Oii pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire nt le participe : // s'est comporté no-
blement, uu il s'est noblement comporté dans
cette occasion.
Noblesse. Subst. f. Ce mot n'a point de plu-
riel : La noblesse de leurs ancêtres, la noblesse
de leur style, et non pas les noblesses.
Noblesse est aussi un terme de belles-lettres.
Diderot blâme la prétendue noblesse qui nous
fait exclure de notre langue un grand nombre
d'expressions énergiques. Les Grecs et les Latins,
dit-il, qui ne connaissaient guère cette fausse
délicatesse, disaient en leur langue ce qu'ils
voulaient, et comme ils le vouliient. Pour nous,
à force de réprimer, nous avons appauvri la
nôtre; et n'ayant souvent qu'un terme propre à
rendre une idée, nous aimons mieux affaiblir
l'idée, que de ne pas employer un terme noble.
Quelle perte pour ceux d'entre nos écrivains qui
ont l'imagination forte, que celle de tant de mots
que nous revoyons avec plaisir dans Amyot et
dans Montaigne ! Ils ont commencé par être
rejetés du beau style, parce qu'ils avaient passé
dans le peuple; et ensuite rebutés i)ar le peuple
même, qui, à la longue, est toujours le singe des
grands, ils sont devenus tout à fait inusités.
Je ne doute point que nous n'ayons bientôt,
comme les Chinois, la langue parlée cl la langue
écrite.
Noce. Subst. f. Ce mol s'emploie dans le même
sens au singulier et au pluriel : Aller d la noce,
ou aux ?ioces.
Nos noces, croyez— moi, ne seront point secètes.
(VotT., l'Indiscret, se. vi, 69.)
D«5 noces que je veux
^CoRW., Uéracl., act. III, se. 11,2.)
Ce mot 7ioces, dit Voltaire, est de la comédie, à
moins qu'il ne soit relevé par qucl<iue épithéle
terrible. {Remarques sur Corneille.)
Nocher. Subst. m. Ce mot ne s'emploie qu'en
poésie :
L'efirovable Caron est nocher de cette onde.
(nELiL., Énrfjd., vr, 588.)
NOM
Nocturne. Adj. des deux genres. On peut
^ueliiuelois le mettre avant son subst. : Fision
noctvrtw, apparition nocturne, vne expédition
nocturne, cette nocturne expé.dilion ; une retraite
nocturne, cette nocturne retraite.
Noir, iNoiur. Adj. Dans le sens propre, il se
mel assez souvent avant son subst. : Un habit
noir, une hurle noire, de la bile noire. Un noir
limon. On ne dit pas un noir crime, ttnc noire
wa/jce, mais on dit M« -noir attentat, une noire
trahison, ces noirs artifices, ces noirs abîmes.
Son cœur n'enferme point une malice noire.
(Rac, Dritan., acl. Y. se. m, 28.)
NoiBATRE. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Couleur noirâtre,
eau noirâtre, teint noirâtre.
NoiKADD, iSoiRAUDii. Adj. ijue l'on prend
quebiuefois substantivement : Il est noiraud,
elle est noiraude. C'est un noiraud, une noi-
raude. 11 ne se met guère (ju'après son sul)St.
JXoiRcir,. V. a. de la 2'= conj. Ce mot est sou-
vent employé au figuré dans le style noble •
îloi, que j'ose opprimer et noiTCir l'innocence!
(RiC, Phèd., acl. III, se. m, C9.)
Je ne me noircis point pour le justifier.
(Rac, Baj., acl. V, se. vi, 16.)
Pourquoi ta bouche impie,
A-t-elle, en l'accusant, osé noirtir sa vie?
(Rac, Phèd., act. IV, se. vi, 100.)
J'ignore de quel crime on a pu me noircir.
(lUc, Britan., act. IV, se. il, 3.)
Je sais de quels forfaits on peut noircir ma vie.
(Volt., OEd., acl. II, se. iv, 5.)
* NoLiTioN. Subst. f. On a quelquefois em-
ployé ce mol dans le style didactique, comme le
contraire de volition.
Nom. Subst. m. Terme de grammaire.
Un homnnc qui ne saurait aucune langue,
recevrait jiar les sens les impressions des objets,
se formerait une idée de chacun d'eux, mais sans
pouvoir commuuifiuerccs idées à d'autres hom-
mes i)ar le moyen de la parole.
Pour pouvoir parler d'une chose, il faut que
celle chose ail un nom, c'est-à-dire qu'il existe
un mot établi pour la désigner et en rappeler
l'idée : il faut (juc celui qui veut parler de celte
chose connaisse ce nom ; et, pour cju'ilsoil com-
pris de ceux à qui il veut en parler, il faut qu'ils
le connaissent aussi. Voyez Mut.
Un noyn est donc un mot établi par l'usage
d'une langue pour désigner une chose, et rappeler
l'idée de cette chose a veux ipii connaissent cet
usage. Ainsi, dans la langue française, le mot
soleil étant établi par l'usage pour designer l'astre
qui nous éclaire pendant le jour, est le nom
français de cet astre; et toutes les fois que ce
mot est prononcé, il raiipcUe l'idée de oel astre
dans l'esprit de ceux qui connaissent cette desti-
nation. De même, dans la langue latine, le mot
sol rappelle cette même idée dans l'esprit de
ceux qui connaissent l'usage auquel ce mot a été
consacré dans cette langue.
Les noms sont donc la base de la communi-
cation des pensées par le moyen de la parole,
c'est-à-dire la base du discours.
Pour donner un nom à une chose, il faut
qu'elle existe, ou que nous puissions la regarder
NOM
497
comme existante. Les mots 7téant, rien, quoi-
qu'ils expriment la négation de l'existence, sont
des noms que nous avons donnés a l'idée que
nous nous sommes formée de cotte négation; et
cette idée existe dans notre esprit.
Dans la nature, cl^Kpie ol)j(H est un être dis-
tinct et séparé de tout autre être ; il a son
existence singulière, son existence à part, qui
n'appartient qu'à lui, cl ne peut appartenir à un
autre. Ainsi, dans une allée d'arbres, le premier
arbre est un arbre distinct du second ol de tous
les autres; il a son existence a part el qui n'aji-
partienl qu'a lui, el l'on peut en dire autant du
second, du Iroisiéme et de chacun des arbres
dont l'allée est composée. De même mon frère a
une existence singulière qui n'est qu'à lui, et
qui ne peut être communiquée ni à moi, ni à
aucun autre honune ; cl moi, j'ai aussi mon
existence (jui m'est propre, et qui ne peut être
confondue ni avec celle de mon frère ni avec
celle de tout autre homme. Les choses, consi-
dérées ainsi en elles-mêmes, et sans rapport avec
d'autres choses, sont ce qu'on appelle des in-
dividus. Les idées qu'on s'en forme, sont des
idées individuelles, et les noms (ju'on leur donne,
s'appellent des noms propres. Ainsi un nom
propre est un nom donné à un individu, c'est un
nom propre à désigner cet individu de manière
à le distinguer de tout autre individu. Pierre,
t|ui est le nom que l'on a donne à mon frère, est
un nom propre, el Jacques, qui est celui que
l'on m'a imposé, est aussi un nom. propre. Paris,
qui est le nom d'une ville distincte de toute autre
ville, est un nom propre.
Dans la nature, il n'existe réellement que dos
individus. Il suit de là que, dans la formation
dos langues, les hommes ne durent invente''
d'abord que des noms propres, ([u'ils apjili
«piérent aux objets individuels, à mesure d'^
besoin qu'ils eurent d'en communiquer ou d'ew
rappeler les idées aux autres.
.Mais lorsqu'on eut un grand nombre de no7ns
propres, on sentit que leur multitude, loin de
faciliter la communication des idées, y portait le
désordre el la confusion , par l;i difficullé et
même par l'impossibilité de les garder tous dans
la mémoire, et (lue plus on en créerait de nou-
veaux, i)lus on augmenterait le désordre et l'em-
barras. Je suppose, par exemple, qu'une famille
isoli'c n'eut que trente arbres autour de son
habitation, cl qu'elle n'en connût point d'autres;
je suppose (lu'elle eût donné un nom propre à
chacun de ces trente arbres. Jusque-là, la con-
fusion n'est pas grande, parce «lue chaque arbre
ayant ou une situation ou une forme particulière
bien remanjuable, chaque membre de la famille
peut aisément s'en rappeler l'idée lorsqu'il entend
prononcer le nom propre qu'on est convenu d
lui donner. Mais si, par quelque circonstance
assez ordinaire aux sociétés naissantes, celte
famille se trouve transportée dans une forêt,
alors elle n'a plus de mots pour désigner cha(iue
arbre de cette forêt. Elle sent qu'il lui est impos-
sible de donner un nom à chacun d'eux, et <iue,
quand même elle le pourrait, ce grand nombre
de noms se confondraient dans la mémoire, et ne
pourraient servir a les indiquer et à en rappeler
l'idée. Le besoin mel donc celte famille dans la
nécessité de créer un nom qui puisse convenir à
tous les individus qui composent cette forêt.
Pour cela, elle remarque des Iraits de ressem-
blance entre tous ces individus; elle observe
qu'ils ont tous un tronc, des branches et des
.90
#98
NOM
ramea'ix; (lu'ils sont lous allacliés à la terre par
des racines, qu'ils croissent et s'élèvent i)lus
hautijuc toutes les autres productions terrestres;
et elle donne un nom commun à lous les individus
qui ont ces rapports de ressemblance. Je suppose
que ce nom soit arbre. Arbre est alors pour cette
famille un nojn commun, qui n'exprime pas,
comme tous les autres noms qu'elle a formés
jusqu'alors, un seul individu, mais qui est com-
mun à plusieurs individus dont elle a forme une
îlasse, d'après les traits de rcssemtjlance qu'ils
ont entre eux. Les grammairiens appellent aussi
ces nom':, noms appeUatifs.
Le nom commun n'exprime pas, comme le nom
propre, une chose qui existe réellement dans la
nature, mais une classe d'individus que l'esprit
a formée, et qui n'a d'existence que dans l'esprit.
Cela est si vrai, que la classe d'individus désignée
par le mot arbre, par exemple, comprend indis-
tinctement tijus ces individus, soit qu'ils existent,
soit qu'ils n'existent pas; elle comprend et tous
les arbres qui existent, et tous ceux qui ont
existé, et tous ceux qui existeront ou pourront
exister dans la suite.
On sent combien les noms communs ont dû
étendre la communication des idées, par le moyen
de la parole. Avant leur institution, on ne pou-
vait parler (jue des individus, c'est-à-dire des
choses qui ont une existence réelle; depuis celle
institution, on a pu parler des classes, et dé-
signer des opérations de l'esprit.
Supposons que cette famille ait trouvé dans
cette foret des arbres qui produisent des glands,
des pommes, des poires, des cerises, des i)runes,
et d'autres fruits dont elle a appris à faire sa
nourriture, elle aura bientôt éprouvé le besoin
d'avoir des noms pour distinguer ces arbres de
la classe générale qu'elle a formée auparavant;
et, remanjuanl ce qui les dislingue de tous les
autres arbres, elle aura formé, par leurs diffé-
rences, des classes particulières, comme elle a
formé une classe générale par les ressemblances ;
et elle inventera les noms de chêne, pommier,
poirier, cerisier, prunier, etc., (jui indi<]ueroiU
autant de classes particulières comprises dans la
r.asse générale indiquée par le mot arbre. Ces
noms seront aussi des noms communs, mais qui
comprendront un nombre d'individus moins
grand que le nom arbre. On appelle genres les
classes générales qui comprennent des classes
particulières, et espèces celles qui sont com-
prises dans des classes générales. Ainsi, les
noTTW communs sont, ou des 7ioms de genres, ou
des 7wms d'espèces.
Il y a aussi des noms de sortes, c'est-à-dire
des noms de classes inférieures aux expèces, cl
qui, dans ces espèces, sont distinguées par des
apparences ou des formes particulières. Ainsi,
dans l'espèce des pommes, la reinette est une
sorte de i)omme; et si, dans celle sorte on re-
marque encore d'autres apparences, d'autres
formes parùculiéres, la reinette deviendra une
es[)cce de pomme à laquelle ces sortes seront
subordonnées.
Celte formation des classes n'empêche pas que
les noms qui servent à les indiquer ne puissent
servir aussi à désigner les individus qui les com-
posent : on se sert pour cela de certains mots
qui en restreignent l'étendue à une ou à plusieurs
idées individuelles, comme quand on dit : Le
roi, cet homme, l'arbre que vous roijez, cic.
Qelques hommes. "N'oyez Article, Adjectif, Pré- !
positif. Ainsi, dans la formation des langues, i
NOM
on a commencé par les individus, puis on a
remonté jusqu'aux genres, a|irèsquoi l'o!! a des-
cendu aux espèces, aux sortes, et juscju'aux
individus, point d'où l'on était parti.
Les genres, comme je l'ai dit, sont des classes
générales qui compiennenl des classes i)articu-
lières que Ion nomme espèces, si on les consi-
dère comme contenues dans une classe plus
générale que celle qu'ils représentent. Le mot
plante, par exemple, exprime une classe plus
générale que le mot arbre, et comprend dans sa
signification, avec |)lusieurs autres classes, celle
qui est exprimée i»ar ce dernier. Ainsi le mot
arbre, qui est un nom de genre lorsqu'on le con-
sidère comme signilianl une classe générale qui
comprend dans son étendue les classes particu-
lières exprimées par les mois chêne, poirier,
pommier, etc., est un nom d'espèce si on le
considère comme exprimant une classe qui est
contenue dans une classe plus générale, exprimée
par le mol plante. 11 en est de même des espèces,
qui peuvent devenir des genres par rapport aux
classes inférieures qu'elles comprennent.
Après avoir ainsi fait des noms propres pour
désigner séparément les individus, et des 7ioms
communs pour désigner les classes dans lesquelles
on les a ranges, on a fait des noms collectifs,
pour présenter à l'esprit l'idée d'un tout indivi-
duel formépar l'assemblage de plusieurs individus
d'une même espèce. Ainsi on a api)clé armée,
un tout formé par l'assemblage ou réunion de
plusieurs soldats sous la conduite d'un général.
Peuple est une collection de plusieurs individus
de l'espèce humaine, rassemblés en un corps
politique, vivant en société sous les tnémes lois;
forêt, l'assemblage d'un grand nombre d'arbres
qui sont les uns auprès des autres. Ces noms sont
dits collectifs, en ce qu'ils ra.ssemblent sous une
idée individuelle les idéesdc plusieurs individus;
et, en ce sens, ce sont des noms individuels qui
ne peuvent être appliqués que distribulivement
aux individus de la collection qu'ils expriment.
Mais si 1 on considère l'idée individuelle désignée
par le nom collectif comme faisant partie d'une
classe d'individus à laquelle on a donné ce nom,
alors il est véritablement nom com7nun, puisqu'il
peut s'appliquer à tous les individus de celle
classe. Ainsi, le mot armée, qui csl no7n collectif
par rapport à soldats, est nom cnmviun par rap-
port à la classe d'êtres que l'on a désignés par le
mot armée.
Jusqu'ici, nous avons considéré les noms par
rapport à la manière dont l'esprit envisage les
êtres. Les grammairiens les considèrent aussi par
rapport à la nature même des objets. Sous ce
point de vue, ils distinguent Ags noms substantifs
cl des 7ioms adjectifs, çiu'ils aiipellent simple-
ment substantifs et adjectifs. A'^oyez ces mots.
Nous n'acquérons la connaissance des objets
corporels que par l'impression que leurs qualités
l'ont sur nos sens. Lors(ju'un de ces ol)jets frappe
nos yeux par la couleur ou blanche, ou rouge,
ou noire, etc.; par une forme ou ronde, ou
carrée, ou triangulaire, etc. ; qu'il nous jjarait
au toucher ou rude, ou poli, ou dur, ou mou;
ces qualités, et toutes les autres que nous remar-
quons réunies, nous paraissent l'être sur quelque
chose qui est diflérenl d'elles, <]ui est comme
sous elles, et leur sert de soutien. Ce quelque
chose que nous ne connaissons pas cl que nous
ne connaîtrons jamais, mais dont nous concevons
l'existence, nous l'avons appelé substance, des
deux mots latins stare sub, être dessous, et de
I
I
NOM
là le nom suhstaniif, par lequel on a désigne
l»ut nom de subsiaiice corporcUo. Nous avons
senti aussi que la réunion des qualités dont nous
.•fquérons la connaissance, non immédialenienl
par les sens, mais par la rénexion, ne peut exister
■ans un être qu'elles inodilient, et qui leur serve
l'omnic de soutien, et nous nous sommes fait une
idée des substances spirituelles ou esprits; et
nous avons appelé aussi substantifs les noms par
lesquels on désigne ces sortes de substances.
Un nom substantif, OU un substantif est donc
un mot qui signifie une substance, c'cst-à-dircun
élre dont la nature est inconnue, ilans lequel
Dous concevons réunies diflV'ientes niodilications
que nous apercevons par les sens ou par la ré-
lii'Xion, et dont nous ne pourrions concevoir la
ri union sans l'idée d'un èire réel qu'elles modi-
iicnl et qui les soutient. A proprement parler, le
nom de substantif ne devrait être appliqué
qu'aux noms qui désignent des cires corporels,
l)arce qu'eux seuls désignent des substances pro-
prement dites, mais on l'a applicpié aussi aux
êtres spirituels. Les mots arbre, filante, maison,
pommier, eau, mer, sabla, ame, ange, Diev,
Jonl des noms substantifs.
Apres avoir nommé substantifs les noms oui
expriment un cire quelconque modifié par des
qualités réunies, on a oiiservé que chacune de ces
qualités pouvait cUe-mcnic recevoir différentes
modifications ; et , à cause de cette analogie ou
ressemblance avec les substances réelles, on a
supposé qu'elles étaient le soutien de ces modi-
fications; ou les a rangées dans la classe des sub-
stances, et on a nommé substantifs les noms (jui
les désignent. Ainsi, par exemple, la blancheur,
qui est la qualité d'une substance, peut être
considérée à part de cette substance ; on peut,
en la considérant ainsi, lui attribuer différentes
modifications : blancheur éclatante, blancheur
éblouissante, etc., et s\ov?, blancheur est un sub-
stantif. On appelle ces sortes de substantifs,
substantifs abstraits, parce que ces qualités
existent dans notre esprit, comme séparées de
tout objet ; et pour les distinguer des autres
substantifs que ion nomme concrets, c'est-à-dire
qui ilésignent la substance même revêtue do ses
quahlés.
Les substantifs abstraits sont aussi des noms
comiiiunsqui expriment des classes plus ou moins
étendues et subordonnées les unes aux autres.
Le niot vice, j)ar exeiuple, exprime une classe
générale, dont lu gourmandise, Vivrcgneric, la
paresse, l'ingratitude, sont des classes parti-
culières; de même que les mots magistrat, pncte,
orateur, peintre, médecin, expriment des classes
particulières, comprises dans la classe géncr.le
exprimée par le mol homme.
On verra, au mot Adjectif, que les substiîr.'.ifs
font quelquefois l'office d'adjectifs.
Les gianunairiens appellent adjectifs, ou noms
adjectifs, les mots qui servent à modifier les
substantifs, ou, comme ils disent, les /wms sub-
stantifs On a tâclié d'expliquer clairement, au
mot adjectif, ce qu'on doit entendre par ces
dénominations. "N'oyez Abstrait, Adjectif, Com-
plément, Concret, Nombre, Genre.
Nom se prend quelquefois pour renommée,
réputation.
Corneille a dit dans Sertorius Tact, n, se. ii,
Ifi : - . .
Je n'ose m' éblouir d'un peu de nom fameux.
NOM
499
Yollairc a fait sur ce vers la remarque sui-
vante : Le mot de peu ne convient point à un
nom. Un peu de glaire, tin peu de renommée, de
réputation, de puissance, se dit dans toutes les
langues; et un peu de nom dans aucune. Il y a
une grammaire commune à toutes les nations,
ijui ne permet pas que les adverbes de quantité se
joignent à des choses qui n'ont pas de (piantité.
(»n peut avoir plus ou moins de gloire ou do
jinissance, mais non pas plus ou moins de nom.
[Remarques sur Corneille)
Nombre. Subsl. m. Il se dit de plusieurs
unités considérées ensemble. Un ne fait pas
nombre, deux font nombre. Le nombre de dix,
de vingt, etc.
Les noms de nombre sont des noms qui ex-
lirimcnt la quantité ou le rang des personnes ou
(les choses. Ils sont substantifs ou adjectifs.
Les noms de nombre substantifs ])('uveiit être
romptés eux-mêmes, et sont toujours jn-écédés
par un autre nom de nombre, ou par un article.
Tels sont les noms de nombre collectifs ou d'as-
semblage, comme une dnizainc, un millier;
les noms de nombre distributifs, comme la
moitié', le tiers, le quart ; les noms de nombre
proportionnels, comme le double, le quadruple,
le centuple, elc.
Les noms de nombre aii/ec/ip servent à comp-
ter. Ils précèdent toujours les substantifs qu'ils
modifient, et ne peuvent être précédés que par
l'article, ou par les adjectifs pronominaux. On
les dislingue en nombres cardinaux et nombres
ordinaux.
Les nombres cardinaux servent à marquer
la quantité des personnes et des choses, et ré-
|)ondent à cette question : Combien y en a-t-il ?
Tels sont U7i, deux, trois, quatre, vingt, elc.
— Les nombres ordinaux marquent le rang
que les personnes et les choses occupent entre
elles. Tels sont premier, sccoiid, troisième,
vingtième, etc.
Excepté premier et second, tous les nombres
ordinaux se forment des nombres cardinaux, en
changeant en vième ceux qui finissent en f; en
changeant en ième Ve muet de ceux qui ont celle
terminaison, et en ajoutant ième à ceux qui fi-
nissent par une consonne, le nombre cinq prend
en outre u après le q. Ainsi de neuf, de trois,
de quatre, de cinq, on fait neuvième, irinsième,
quatrième, cinquième. — Unième ne s'emploie
qu'après vingt, trente, quarante, cinquante,
soixante, quatre-vingt, cent et mille.
On emploie les nombres cardinaux au lieu des
nombres ordinaux, en parlant des heures et
des années, il est six heures, Van mil huit
cent vingt-deux; dans le discours familier, en
parlant du jour du mois, le deux de mars, le
quatre de mai; mais on dit toujours lepremier
de juin, d'août, etc.; en parlant des souverains
et des princes du même nom qui ont gouverné
le même pays, Louis douze, Henri quatre. On
dit cependant François premier, Henri second,
parce qu'après les ncms des princes, on ne met
\)omi un, deux. — Girauli-Duvivier, so fondant
sur l'opinion d'un assez grand nombre de gram-
mairiens, pense qu'on ne dit pas Henri un.
Franc- is un, mais qu'on dit assez indilTcrcm-
menl Henri second ou Henri deux. — On dit auss
Charles cinq, Pnilippc cinq, etc. ; mais on dit
Charh'.t-Qiiint, en parlant du cin(iuième em-
l)ereur d'Allemagne, qui a porté ce nom , et
Sixte-Quint, en |)arlant d'un pape contemiw-
rain d'Henri IV.
J
800
NOM
De tous les nombres adjectifs cardiilaux, il
n'y a ijuc vingt ci cent <|ui iH-ennenl un s,
quand «m les iiiiilli|)lie par un aulre nom de
nombre rardinal, c est-à-dire (juaml il est ques-
tion de plusieurs r//i^/j, ou de plusieurs c<'/i/5;
comme (|uand on dit (/nulrc-vinpts, sis-tiug(s,
deux cents, trois ce/tts, etc. Mais quand il est
«lucstion de dater les années, on ne met point à
ces mots la mar.iue du pluriel, cl l'on crrit l'an
viil sept cent, l'un mil sept cent quatre-vingt,
quoique cent et vinyt soient précédés d'un autre
nom de nombre, parce (jue ce sont des nombres
cardinaux pour des nombres ordinaux, et qu'il ne
s'agit ([ue d'une année, comme s'il y avait Van
millième, sept centième, etc. — Vingts au plu-
riel, ne prend de s (lue quand il est immédiate-
ment suivi d'un nom substantif, quatre-vingts
chevaux; mais il s'écrit sans s, lorsqu'il pré-
cède un nom de nombre amiuel il est joint. —
II en est de même du nombre cent; l'usage veut
qu'on écrive neuf cent mille, et nevf cents
hommes.
Quant au genre, il n'y a, de tous les nombres ad-
jectifscardinaux, (jue m/;, dont la terminaison varie
du masculin.ui réminin,)//i tableau, une bouteille.
On dit vingt et un, trente et tin, quarante et
vn, etc., jus(iu'a soixante et dix inclusivement ;
maison dit sans la conjonction, vingt-deux, vingt-
trois, trente-deux, trente-trois, etc., soixante-
deux, etc. Enfin, l'on dit sans la conjonction et,
quatre-vingt-un, quatre-vingt-oîize, cent M«,etc.,
comme quatre-vingt-deux, quatre-vingt-trois, c\.^i.
Lorsqu'un nombre cardinal est jirécédé du
pronom en, l'adjectif (pii suit ce nombre est or-
dinairement précédé de la préposition de : Il n'y
en a pas un de riche ; il y en eut mille de tués.
Mais devant un substantif on supprime ce Je, et
l'on prend un autre tour : // y en eut cent qui
furent faits prisonniers, Ct non pas, il y en eut
f^ent de prisonniers.
Lorsque le substantif est avant le nombre car-
dinal, nus pour un nombre ordinal, on met ce
substantif au sini:ulier, l'an mil sept cent; mais
si ce substantif est après le nombre, il se met
au pluriel : Notis irons à six heures précises ; il
est <]ualre heures.
Quant aux noms de nombre adjectifs ordi-
naux, et aux noms de nombre substantifs, col-
lectifs, distributifs ou proportionnels, ils pren-
nent la marque du jiluriel : Les premiers, les
seconds, deux douzaines, les trois quarts, les
trois centièmes, trois millions, etc.
On ap[)elle nombres., en grammaire, des ter-
minaisons qui ajoutent à l'idée principale du mot
l'idée accessoire de la quantité. 11 y a deux
nombres : le singulier, qui désigne l'unité, et le
pluriel, qui manjue pluralité. Cheval, chevaux,
présentent en (juebjue manière le même mot sous
deux terminaisons différentes : c'est comme le
même mot, afin de présenter à l'esiirit la même
idée principale, l'idée de la même esjjéce d'ani-
mal; les terminaisons sont différentes, afin de
désigner par l'une un seul individu de cette es-
pèce, ou cette seule espèce; et par l'autre, plu-
sieurs individus de cette espèce. Dans Ze cheval
est utile à Ihumme, cheval signifie l'unité de
l'espèce ; dans mon cheval m'a coûté cher, che-
val signifie un seul individu de l'espèce; dans,
yaiacheté dix chevaux, c/icrowa; désigne plusieurs
individus de la même espèce.
11 y a quatre espèces de mots qui sont suscep-
tibles de cette espèce d'accident : Les noms, les
prénoms, les adjectifs et les verbes.
NOM
Quand je dis les noms, j'entends par là les
noms appellatifs; caries noms propres emportent
l'unité, et sont toujours du nombre singulier. Si
l'on en trouve tpii prennent la terminaison du
pluriel, c'est qu'ils sont employés figurément dans
un sens appellatif , comme quand on dit les Cicé-
rons pour les grands orateurs, les Césars pour
les grands capitaines, les Plutnns pour les grands
philosophes, les Haumaises pour les bons cri-
ti(|ues, etc. ; ou (ju'ils sont appliqués à une col-
lection d'individus, comme les Bourbons, etc.
(Juand je dis les deux Corneille, les deux Sci-
pion, il y a ellipse; c'est comme si je disais, les
deux hommes, les deux indiviilus qui portent
chacun le nom propre de Corneille, de Scipion ; et
alors le pluriel tombe sur le mot homme ou sur le
moti«(ia-i(fi/,ct nuUcmentsurlemot Cojnet7Ze,ou
sur lemot&j/)to/j,(]ui, par conséquent, ne doivent
point prendre le signe caractérisliiiue du iiluriel.
Mais quand je Ahles Bourbons, BourbnnXi'esi^lui:
le nom propred'un individu ; il est devenu le nom
propre d'une classe d'individus. On dit les Bour-
bons, les Sluarts, les Antonins, comme on dit les
Français, les Allemands, les Champenois, les
Bourguignons. Ce sont des classes dont tous les
individus ont un nom commun. Les Romains
disaient de même au pluriel, Julii, Antonini,
Scipiiines, de même (jue Romani, Afri, Aqxti-
tunes ; ce sont des noms propres de collections
que nous rendons aussi en français par le pluriel,
quand nous les traduisons.
Lorsque les noms propres prennent la signifi-
cation itluricUe, ils prennent ou ne prennent pas
la terminaison caractéristique de ce nombre, sui-
vant les cas. S'ils désignent seulement jibisicurs
individus d'une môme famille, parce qu'ils sont
le nom propre d'une famille, ils ne prennent pas
la terminaison plurielle : Les deux Corneille se
soîtt distingués dans les lettres ; les Cicéron ne
se sont pas également illustrés. Si les noms pro-
pres sont pris dans un sens appellatif, ils prennent
la terminaison plurielle : Les Corneilles sont
rares sur notre Parnasse, et les Cicérons dans
notre barreau.
On dit qu'il y a des noms appellatifs qui n'ont
point de pluriel. Tels sont les noms de métaux ,
comme or, argent, fer, plomb, etc. ; les noms
des aromates, comme le baume, la myrrhe, le
storax, l'encens, l'abiynthe, le genièvre, etc.;
les noms des vertus ct des vices, comme la chas-
teté, la pudeur, la gloire, la charité, la paresse,
l'ivrognerie, elc; les adjectifs pris substantive-
ment, comme le beau, le vrai, l'utile, etc. ;
quelques mots relatii's à l'homme physi(jue et à
l'homme moral, comme le repos, le sang, la pau-
vreté, la bile, etc. ; l'od<irat, l'ouïe, le toucher,
la vue, le goût, l'enfance, l'adolescence, la jeu-
nesse, la santé, etc. ; la plupart des mots qui
ont passé des langues mortes ou étrangères dans
notre langue, comme des alibi, des alinéa, etc.
Mais on ne fait pas attention que ces noms sont
réellement des noms propres, ou qui doivent être
regardés comme tels.
En effet, les noms de métaux et d'aromates
désignent comme individuelle la masse de cha-
cun de ces métaux et de ces aromates; leur nom
est, à la vérité, le nom d'une espèce, mais d'une
espèce considérée individuelloment, et qui ne
renferme point d'individus distincts. Mais quand
on les considère comme mis en œuvre, divisés
en plusieurs parties, et qu'on y distingue des
qualités qui permettent de les ranger dans diffé-
NOM
rentes classes, alors ils prennent un pluriel, el le
nom devient un nom commun ou .-ippellatil' :
Des ors de couleurs, des fers aigres, les plombs
d'vn bitliiiient.
Noire langue, formée à l'imitation de celle des
Latins, a donné des noms projires aux venus et
aux viees, que ces peuples avaient divinisés;
elle a considéré aussi comme individuelles toutes
les choses que l'esprit ne peut pas diviser en
plusieurs individus distincts; et c'est ainsi que le
heaii, le vrai, l'odorat, la vue, le sang, l'en-
fance, etr., sont devenus des espèces île noms
propres qui ne prennent point de pluriel.
Quant aux noms étrangers introduits dans
notre lanu'uc, tous se mettent au pluriel, par le
moyen dos prépositifs; mais ils ne preiment point
la terminaison de ce nombre, parce que leurs
terminaisons propres ne se prêtent pas à celte
variation, ([uc plusieurs d'entre eux portent le
caractère du pUuiel dans la langue d'où ils ont
été tirés , comme des errata, des duplicata, des
lazzi; cl (pie d'autres, qui sont au singulier dans
cette langue, ne pourraient, sans ([uelque appa-
rence de barbarie, prendre le signe de pluralité
de la nôtre, comme des te Deum, des quiproquo,
etc. (Voyez cliaciue article de ce genre \muv con-
naître les exceptions et l'opinion de l'Acadé-
mie.)
Il est une autre classe très-nombreuse de mots
qui se mettent au pluriel par le moyen des pré-
positifs, sans pienilie la terminaison cai'actéris-
tique de ce nombre. Tels scjnt les signes inventés
pour représenter une chose ou une idée uni(iue.
Les lettres de l'alphabet, les chiffres, les notes
de musitpie, cl tous les mots de la langue con-
sidérés nial(:Micllement, sont dans oe cas. On dit
deux a, deux b; deux un, deux trois, deux
quatre; trois sol, deux ut, quatre la; les
si, les mais, les que, les qui, etc. Lti marque du
pluriel qui précède ces mots indique, non jiki-
sieurs individus distincts de la même espèce,
mais la répétition du même signe individuel.
Voyez J.
S'il y a des noms qui n'ont point de pluriel,
il y en a aussi qui n'ont point de singulier, parce
qu'ils expriment plusieurs choses distinctes réu-
nies sous le même nom. Tels sont ancêtres,
broussailles, ciseaux, hurdes, vivres, et idusieurs
autres que l'on indiquera à leur article. Voyez
Substantif, Pronom, Adjectif, f^crbe.
Nombre. Terme de belles-lettres. Il se dit
d'une certaine mesure, proportion ou cadence
qui rend un vers, une période agréable à l'oreille.
Il y a (pielque différence entre le nombre de la
poésie et celui de la prose. Le nombre de la
poésie consiste dans une harmonie plus marquée,
qui dépend du nond)rc déterminé des syllabes,
delà richesse du choix, du mélange des" rimes,
et enfin de l'assortiment des mois et des sons
dont ils sont composés. Le nombre est donc ce
qui fait proprement le caractère, et, pour ainsi
dire, l'air d'un vers. C'est par le nombre qu'il
"st doux, coulant, sonore; et la privation de ce
nombre le rend faible, rude, ou dur.
Le nombre de la prose est une sorte d'harmo-
nie simple et sans alîectation, moins mar(|uée
que celle des vers, mais (jue l'oreille pourtant
aperçoit et goûte avec plaisir. C'est ce nombre
qui rend le style aisé, libre, coulant, et (jui donne
au discours une certaine rondeur.
La plus belle pensée plait dil'licilement lors-
qu elle est énoncée en termes durs et mal arran-
gés. Si l'oreille est agréablement flattée d'un
NON
501
discours doux et coulant, elle est choquée quand
le nombre est trop court, mal soutenu, (piand la
chute est trop rapide. L'orateur doit éviter et le
style haché, (pii n'offre (pie des idées décou-
sues, et le style trainant et languissant, (]ui lasse
l'oreille et la dégoûte. C'est en gardant un juste
milieu entre ces deux défauts, (jû'on donnera au
discours cette harmonie toujouis nécessaire |x>ur
plaire, et quchpiefois pour persuader.
Notre langue a son haruKmie propre et parti-
culière qui r(>sulte des cadences tantôt graves et
lentes, tantôt légères et rapiili^s, tantôt fortes et
impétueuses, tantôt douces et coulantes, que nos
bons orateurs savent distribuer dans leurs (lis-
cours, et varier selon la dilTerencc des sujets
(lu'ils traitent; c'est dans leurs ouvrages qu'il
faut la chercher et l'étudier. Voyez Harmo-
nie.
Nombreux, Nombreuse. Âdj. On peut le mettre
avant son subsl., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Un peuple nombreux, une année
nombreuse, une nombreuse armée ; une nom-
breuse assemblée , une assemblée nombreuse.
Voyez Adjectif.
Nombril. Subst. m. On ne prononce point le
l final.
Nominatif. Subst. m. On prononce le f. On
appelle ainsi, dans les langues qui ont des cas,
celui (]ui dfîsignele sujet d'une proposition. La
langue française, n'ayant point de déclinaisons,
n'a point de cas, et par consé(iuent point de no-
minatif; nous disons qu'un nom est le sujet du
verbe , lorsque l'on dit qu'il est au nominatif
dans les langues où il y a une terminaison par-
ticulière pour cet accident; et nous reconnais-
sons (pi'un nom est le sujet d'un verbe, non à
sa terminaison, qui est invariable, mais a la place
qu'il occupe dans la phrase. Dans le ciel est juste,
le ciel est ce qu'on apjielait autrefois le nomi-
natif. 11 en est de môme des autres cas. Voyez
Cas.
NoMMÉME^T. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : O/i en accuse plusieurs personnes, et
nommément tel ou tel.
Non. Mol négatif, qui est directement opposé
au mot allirmafif orn. Il s'emploie seul et isolé-
ment pour rc'pondre négativement : f^iendrez-
vous^ Non. Dans le style familier, il est remplacé
([uelquefois |iar neuni, et par point du tout : Ne
l'ave z-vous pas vu hier? Nenni. f^ous l'avez
donc vu aujourd'hui'.' Point du tout.
Non se met quelquefois à la tcle de la phrase,
et on le répèle pour donner plus de force à la
négation : Non, le vice ne peut rendre heureux
V homme qui s'y livre. Ne croyez pas, 6 Cretois,
que je méprise les hommes; non, non, /e sais
combien il est grand de travailler à les rendre
lions et heureux. (Féncl., Télém., liv. VI, t. i,
p. 210.)
Dans le cours de la phrase, non s'emploie quel-
quefois seul, quelquefois avec pas, jamais avec
poifil : Ils ont soutenu cette diatribe, non par
de doctes écrits, mais par de sanglantes ba-
tailles. (Bossuet.) Avec. \cs adjectifs et les ad-
verbes, il faut employer non pas, (piand il y a
comparaison : Il écrit, non pas supérieurement,
mais agréablement. Il a un style, non pas br-il-
lant, mais pur et correct. Dans les autres cas,
on met seulement iion devant les adjectifs ; C'est
un témoin non recevahle.
Non, suivi de que, signifiées n'est pas, et régit
le subjonctif: Non que je veuille. Non ou'il
voulût.
S02
NOU
Non plus, expression proverbiale. 11 se dit ou
seul : f^'oiis ne l'aimes pas, ni moi non plus ; ou
comme adverbe de comparaison : // ne bouge
non [)Ius qu'une statue.
Ao.NciiALAjiMENT. Adv. Oo pcut Ic mettre entre
lauxiliairc cl le parlici[ie: Il itail nonchalam-
ment couché, ou il était couché nonchalamment
sur un canapé.
No:«PARF.iL, NoNrAREiLLE. Adj. quï ne se met
qu'après son subst. : Un mérile niupareil, une
vertu nonparcille. Uesl vieux el iiors d'usage.
Notable. Adj. des deux genres. On peut quel-
quefois le mettre avant sun subst. : Dits notables,
faits notables, un dnniviage notable, un notable
dommage; un notable bourgeois.
NoTADLEJiENT. Adv. Od Ic mct entre l'auxi-
liaire et le participe : Il a été notablement lésé
dans cette affaire.
Notoire. Adj. des deux genres. 11 ne se mot
qu'après son subsl. : Un fait notoire, une vérité
notoire.
Notoirement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire cl le participe : Il est notoirement
coupable, il s'est notoirement rendu, coupable.
Notre. Adj. possessif des deux genres, qi:i
répond au pronom pcrs(jnnel nous. — Quand il
modifie un substantif exprime, il se met tou-
jours avant ce substantif, exclut l'arlicle, et fait
au pluriel 7ios : Notre maison, notre frère, nos
sœurs. — truand il mudilie un substantif sous-
entendu , iï prend l'accent circonflexe sur Va,
est toujours précédé de l'article, cl fuit au plu-
riel noires : Votre frère et le nôtre, celte maison
et la notre, vos sœurs et les nôtres. Voyez Ad-
jectifs possessifs.
Notre et votre, ainsi que les autres pronoms
possessifs, signifient (luelquefois, non ce qui nous
appartient, mais ce (lui nous intéresse : Jstarbé
vous défend de découvrir au roi quel est voire
étranger. (Fénel., Télém., liv. 111, t. i, 146).
Notre France. Notre grande ville. Les bour-
geois disent notre quartier ; les gens du bon
Ton , mon quartier. Les domestiques disent
notre maître. — Serez-vous des nôtres'^ c'est-à-
dire de notre partie. Les nôtres ont bien com-
battu, c'est-à-dire ceux de notre nation , de
notre parti.
NouEDx, NocEDSE. Adj. Il ne se met qu'après
»on subst. : Du bois noueux, un bâton noueux.
Nourrir. V. a. delà 2'' conj. Ce verbe s'em-
ploie fréquemment au figuré dans le style noble :
Ce cœur nourri de sang et de guerre affamé.
(Rac, ilithrid., act. II, se. m, 24.)
Jloi, nourrii dans la guerre, aux liorreurs du carnage.
llUc, Àth., act. II, se. V, 113.)
Vous, nourri dans la fourbe et dans la trahison.
{Idem, acl. III, se. iv, 55.)
Un cœur toujours nourri d'amertume et de pleurs.
(Rac, Phéd., act. II, se. i, 53.)
Ni que du fol amour qui trouble ma raison.
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
(/dcm, acl. II, se. y, 95.)
Et puisse ton supplice à jamais effraver
Tous ceux qui comme toi, par de lâches adresses.
Des princes malheureux nourrissent les faiblesses.
(Idem, act. lY, se. VI, 107.)
Pir sa mère élevé, nourri dans ses maximes.
(Volt., Uenr.. III, 15.)
NOO
J'ai nourri mes chagrins sans les manifester.
(Volt., Sémir., acl. I, se. v, 94.)
Ses périls nourrissaient ma tendresse inquiète.
(Volt., lltr., acl. I, se. l, *8.)
La rapide clincelle en pétillant s'échappe;
Des feuilles l'ont reçue. Alors dans son bercean,
Achate d'un bois sec nourrit ce feu nouveau.
(Dklil., Énéid.. I, 246.)
Se nourrir s'emploie aussi au figuré : Ils ne
se nourrissent que d'idées tristes. — Il se dit
au propre avec la préposition de: Il ne se nour-
rissait que d'herbes el de racines; ou sans ré-
gime : Cet homme se nourrit bien.
Nourrissant, Nocrrissaxte. Adj. verbal tirédu
v. nourrir. 11 ne se met qu'après son subst. :
friande nourrissante.
NocRRiTDRE. Subst. f. Cc mot se disait autre-
fois pour éducation. Riclielel ijit, il n'a point de
novrriture, f)Our, il n'a point d'éducation. Cor-
neille parlant d'Altale, qui avait été élevé à Rome,
dit [Nicomède, act. II, se. m, 9) :
Si vous faites état de celle nourriture,
Donnez ordre qu'il règne, elle tous en conjure.
Il ne s'est conservé que dans le proverbe, nour
riiure passe nature; pour dire, la bonne édu-
cation peut corriger un mauvais naturel. — En
parlant d'un enfant mal élevé, on dit, en plai-
santant, en parlant de celui qui en a pris soin :
f^ous avez fait là une belle nourriture.
Nois. Pronom de la première personne du
pluriel. Il est des deux genres, et se dit des per-
sonnes el des choses personnifiées.
Il s'emploie comme sujet du verbe, nous vou-
lons, et alors il est le pluriel Aaje. Il s'emploie
aussi comme régime direct, il nous blâme ;
comme régime indirect, il 7icus a donné de l'ur-
gent ; et, dans ces deux cas, il est le pluriel de
me. 11 s'emploie aussi c<iininc cuinplcmcnt des
prépositions, et alors il est le pluriel de moi: Il
se moque de nous, venez avec nous, faites cela
pour nous. Pour la construction, il suit les règles
des pronoms dont il est le pluriel. Voyez ces
pronoms.
Lorsque nous, employé comme sujet ou comme
régime, est joint à un autre nom qui con-
court avec ce pronom à former le sujet ou le
régime, il faut d'abord mettre nous avant le
verbe, puis le répéter après ce vcibc, sans pré-
position, s'il est sujet ou i égime direct ; avec une
préposition, s'il est régime indirect, afin de le
lier avec le nom qui concourt à former le sujet
ou le régime : Nous partirons demain, nous et
nos domestiques ; il nous a bien reçus, nous et
nos amis; il nous a donné de Vargi nt, à nous et
à nos amis.
Quelquefois un auteur dit nous, au lieu de moi
et je ; el celte façon de parler est plus modeste
que la dernière. — Quand le pronom nous est
employé au lieu du pronom je, on doit écrire
avec le nombre singulier le parlicipe mis en rap-
port avec le pronom «ou*, el alors dire: persuadé
covnne nous le sommes, parce que le discours
répond i)lulôt à la i)cnsée qu'aux règles de la
grammaire.
[Grammaire des Grammaires, p. 323 )
i Et le ciel nous ordonne
' Que sans peser ses dmits, nous respections son trAne.
1 (Volt., Qreste, act. III, se. iv, 20.)
M]
Le premier vnus, dit La Harpe, est ici de
trop. On d\{,jc rnvs ordoinie défaire, OV\j"'or-
donnc que vous fassiez. On ne dit pas/e vous
ordonne que vous fassiez. On en voit la raison;
c'est ([ue l'un des deux vous est inutile. Celle
faute rcvien; plusieurs fois dans les pièces de
Voltaire :
Ah çà, Nanine,
Permellcz-moi qu'ici l'on tous destine...
(Nanine, act. I, se. VII, 44.)
{Cours dt liitérature .)
NouvEAD, ou NocvEL, NocvF.LiE. Adj. On met
toujours nouvel avant le subst. : Le nouvel un,
■nouvel accident, nouvel hommage; noiivcuu Cl
nouvelle peuvent se placer avant ou après, selon
les cas : Du vin nouveau, une chanso7i nouvelle,
la 7iouvelle lune, la ntnivelle année, une nouvelle
manière. — (Quelquefois nouveau, avant le sub-
stantif, a un sens différent de celui qu'il présente
quand il est après. On entend par nouveaux
livres, d'aulres livres que ceux qu'on a c- qu'on
a lus; et par livres nouveaux, des livres qui
ont paru depuis peu. Un nouvel habit est un
habit différent de celui qu'on vient de quitter;
unhahit nouveau est un habit de nouvelle mode.
— Bossuet dit, une chose si nouvelle au. v chré-
tiens. On dit aujourd'hui pour : Cette chose est
nouvelle pour moi. — Nouveau s'emploie (luel-
quefois adverbialement et signiûe nouvellement.
Du leurre nouveau battu. On ne l'emploie pas
en ce sens avec un substantif féminin, excepté
dans la locution une file nouveau-née. Il s'em-
ploie encore dans le sens de nouvellement, avec
quelques autres participes qui deviennent des
substantifs; et alors il est adjectif variable : Un
nouveau marié, de nouveaux mariés, une nou-
velle mariée. (Acad. 1835.)
NouvixLEMENT. Adv. Ou pcut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a consenti nou-
vellevient, ou il a nouvellement consenti à cet
arrangement.
NovATECR. Subst. m. L'Académie ne dit point
comment il faudrait dire en parlant d'une femme.
Il nous semble (jne rien n'empêcherait de dire
novatrice.
NovissiMÉ. Adv. Mot emprunté du latin. On
ne peut le mettre qu'après le verbe : Cela est
arrive novissimé.
Noyer. V. a. de la 1" conj. Il se conjugue
comme Employer. Ménage prétend que de son
temps le bon usage était de prononcer néier.
Richelet est du même avis. Il soutient qu'il n'y
a que les poètes qui disent noyer. Aujourd'hui
on ne dit plus que noyer. Ce verbe s'emploie
dans le style noble, au ligure :
Tandis que dans les pleurs moi seule je me noie.
(Rac, Bérén,, act. V, se. y, 14.)
Longtemps dans notre sang Sylla s'était noyé.
(Volt., Mort de César, ad. III, se. iv, 27.)
Delille a dit [Énéid. 1, 111) :
Dispersez sur les mers ou noyca leurs vaisseaui.
No, Nue. Adj. Il se met ordinairement après
son subst. : Un homme -nu, une femme nue, les
pieds nus, la tête nue ; une épéc nue,
.... Je t'expose ici mon âme toulo nue.
(Rac, Britan., act. II, se. II. 127.)
NUL
SOS
Nu est invariable dans les locutions suivantes
où il précède son subst. : Nu-pieds, nu-tête,
nu-jambes.
Nuage. Subst. m. Ce terme est admis dans le
style noble, au lu'oprc et au figuré : Le ciel est
couvert de nuages.
Déjà do traits en l'air s'élevait un iiitaj-.
(Rac, Iphig., ad. Y, se. Ti, 22.)
Madame, ou je me trompe, ou durant vos adieux,
Quelques pleurs répandus ont obscurci vos yeui.
Puis-je savoir quel trouLle a formé ce nuage ?
(Rac, Britan., act. V, se. lii, 1.)
NcAGEnx, Nuageuse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un ciel nuageux.
Nubile. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Jge nubile, fille nubile.
Nuire. V. n. et irrégulier de la 4" conj. Voici
comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je nuis, tu nuis, il
nuit; nous nuisons, vous nuisez, ils nuisent. —
Imparfait. Je nuisais, tu nuisais, il nuisait ; nous
nuisions, vous nuisiez, ils nuisaient. — Passé
simple. Je nuisis, tu nuisis, il nuisit; nous nui-
sîmes, vous nuisîtes, ils nuisirent. — Futur. Je
nuirai, tu nuiras, il nuira ; nous nuirons, vous
nuirez, ils nuiront.
Conditionnel. — Présent. Je nuirais, tu nui-
rais, il nuirait; nous nuirions, vous nuiriez, ils
nuiraient.
Impératif. — Présent. Nuis, qu'il nuise; nui-
sons, nuisez, qu'ils nuisent.
Subjonctif. — Présent. Que je nuise, que tu
nuises, qu'il nuise; que nous nuisions, que vous
nuisiez, qu'ils nuisent. — Imparfait. Que je
nuisisse, que tu nuisisses, qu'il nuisît; que
nous nuisissions, que vous nuisissiez, qu'ils
nuisissent.
Participe. — Présent. Nuisant. — Passé. Nui ;
point de féminin.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
Nuire à quelqu'un; cela nuit à mon projet.
Nuisible. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Une chose nuisible à la
santé; un homme nuisible à la société.
Nuit. Subst. f. Ce mot est reçu dans le style
noble au propre et au figuré :
Bientôt de l'occident, oii se forment les ombres,
La nuit vint sur Paris porter ses voiles sombres,
El cacher aux mortels, en ce sanglant séjour.
Ces morts et ces combats qu'avait vus l'œil du jour.
(Volt., Henr., VI, 383.)
Dans la nuit du tombeau j'enfermerai ma honte.
(Rac, hMg-, act. II, se. i, 132.)
Ces horribles secrets
Sontcncor demeurés dans une nuit profonde.
(Volt., Sémir, acl I, se. m, 29.)
De la nuit du silence un secret peut sortir.
(Volt., Mér., act. I, se. IT, 36.)
Dans celle nuit d'erreur où le monde est plongé.
Apportons, s'il se peut, une faible lumière.
(Volt., Diac. sur la loi naturelle, Exordc, vers 8.)
Nuitamme>t. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Après l'avoir tué nuitamment, et non pas,
après l'avoir nuitamment tué.
Nul, Nulle. Adj. Aucun, pas un. Il ne se met
S04
0
qu'avant son subst. : Nul homme, nulle femme.
Féraud pivlonJ qu'il ne se dit que des personnes.
C'est une erreur. On dit mille exactitude, nulle
prudence, nulle justice, nul cas, etc. En ce
.sens il n'a i)as de pluriel.
Nul siij'nilie aussi d'aucune valeur. Dans ce
sens, il jjrend un pluriel, et se met après son
subst. : Un testament nul, un arrêt nul , v/ie
clause nulle, un talent nul. Des procédures
nulles.
NuLLE.MEM. Adv. Quap.d il sert de réponse à
une question, il se met sans la négative : Foulez-
vous céder vos droits? Nullement. Partout ail-
leurs il doit être précédé de la négative : Je ne
le souffrirai nullement ; je ne le veux nul-
lement; il n'est nullement instruit de cette
affaire.
NcMEM. Adv. On peut quelquefois le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : // a conté nû-
OBL
ment le fait, ou il a nûment conté le fait.
Numéraire. Adj. des deux genres <]uine se met
qu'a[)rés son subst. : f'^aleur numéraire.
NuMÉRjiL, Ni'MÉRALE. Adj. qui Hc sc met qu'a-
près son subst. : Adjectif numéral, lettre numé-
rale. 11 fait au pluriel masculin, numéraux : Des
adjectifs nutnéraux.
NuMÉRiQDE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Opération numérique,
rapport numérique.
Numéro. Subst. m. Il ne prend point de s au
pluriel. — En 4835, l'Académie met un s au plu-
riel, et c'est aujourd'hui l'usage général.
NcPTiAt, Nuptiale. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Jiobe nuptiale, bénédiction nuptiale,
habits nuptiaux, lit nuptial, couche nuptiale.
Ndtritif, Nutritive. Adj. qui no se met
qu'après son subst. : Remède nutritif, faculté
nutritive.
0.
0. Subst. m. C'est la quinzième lettre ae l'al-
phabet et la quatrième des voyelles. Notre pro-
nonciation distingue un o long et un o bref. Nous
prononçons différemment 7/n /lô/e, cl une hotte ;
une côte, et une cotte. — Nous représentons sou-
vent le son de Vo par la diphthongue oculaire au,
comme dans aune, baudrier, cause, dauphin,
fausseté, gaule, haut, jaune, laurier, naufrage,
pauvre, ruuque, fauteur, taupe, vautour. D'au-
tres fois nous représentons o par eau, comme
dans eau, tombeau, cerveau, cadeau, chameau,
fourneau, troupeau, fuseau, gâteau, veau.
La lettre o est quelquefois pseudonyme, en ce
qu'elle est le signe d'un autre son que de celui
pour Icciuel elle est instituée; ce qui arrive par-
tout où clic est prépositive, dans unediphlhongue
réelle et auriculaire. Elle représente alors le son
ou, comme dans6ow, foin, que l'on prononce en
effet, boua, fouen.
Elle est quelquefois auxiliaire, comme quand
on l'associe avec la voyelle u pour représenter
le son oji, qui n'a pas de caractère propre en
français, comme dans bouton, ouvrage, foudre,
goutte, houblon, jour, louange, moutarde, nous,
poule, souper, tour, vous.
Dans tous les cas où Yo, joint à Yi, forme 'la
diphthongue apparente oi, et sc prononce é ou è,
ou a substitué l'a à Vo, et cet usage est devenu
si général, que l'Académie a cru devoir l'adopter
et (juc nous l'avons adopté nous-môme, malgré
notre répugnance. Ainsi nous écrivons comme les
autres, Anglais, Français, Bourbonnais, je
lisais, je lirais, monnaie, connaître, paraître;
il lisait, etc. Voyez Oi.
La Ici Ire o est muette, 1» dans les trois mots
paoîi, faon, Laon (ville), que l'on prononce pan,
fan, Lan ; et dans les dérivés, comme paon/ieaw
(|)etit paon), qui diffère ainsi de panneau (terme
de menuiserie); Laonnais, qui est delà ville ou
du pays de Laon ; 2» dans les sept mots, œuf,
bœuf, mœuf, chœur, cœur, mœurs cl sœur, (jue
l'on prononce euf beuf, meuf, keur,keur, meurs,
et seur ; Z" dans les trois mots œil, œillet et
œillade, soit que l'on prononce par è, comme a
la fin de soleil, ou par eu, comme à la fin de cer-
cueil. On écrit aujourd'hui économe, économie,
écuménique, sans o à la première syllabe* le mot
(Hdipe est étranger dans notre langue.
0 est l'expression abrégée du mot Ouest. —
Dans le commerce, C. O. est l'abréviation de
compte ouvert. Dans les anciens livres de com-
merce, ONC. ou ON. signifie once.
Obéissance. Subst, f. 11 ne se met point au
pluriel. On ne dit plus comme autrefois, présenter
ses obéissances à quelqu'un, assurer quelqu'un
de ses obéissances.
Obéissant, Obéissante. Adj. verbal tiré du v.
obéir. Il se met ordinairement après son subst.,
si ce n'est dans les formules de politesse : Fotre
obéissant serviteur, votre très-obéissant ser-
viteur. Un enfant obéissant, des sujets obéis-
sants.
Obliger. V. a. de la l^^ conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un /; et,
pour lui conserver celte prononciation lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
devant cet a ou col o. J'uhllgeai, j'obligeais ; el
non pas j'obligui, j'obligais. Féraud prétend
qu'obliger rca\l indifléremment à ou de, et que
l'oreille seule" doit décider du choix. Cette opinion
est une erreur. A et de sont des prépositions
dont la signilicalion est si dilTérente, que ce n'est
pas l'oreille, mais bien la différence des idées,
ou celle des points de vue sous lesquels on con-
sidère une idée, qui peut autoriser à ppéférer
l'une à l'autre. Lorsqu'une ciusc exlcricurc, agis-
sant immédiatement sur nous, y produit une
obligation, eZ/e îwus obligea: La religion nous
oblige à restituer ce que nnus avo7is dérobé; lu
loi 710US oblige à payer notre part des contri-
butions publiques ;l'hnnncur nous oblige a répa-
rer le tort que 7ious avons fait aux autres. Les
devoirs que l'on nous impose nous obligent sou-
vent à faire des choses que nous ne voudrions
pas faire.
Mais lorsque l'obligation est considérée comme
existant déjà en nous, et que c'est de nous-mêmes,
comme d'un principe, que nous tirons la néces-
sité de faire, 7101/5 souimes obligés de : Je me
trouvai mal, et je fus obligé de m'arrcter.
L'obligation, la nécessité de m'arréter est venue
d'une cause intérieure, du mal (jue j'éprouvais.
Dieu nous a caché le movient de notre mort,
pour nnus obliger A'avoir ntlention à tous les
moments de notre vie. (La Rochefoucauld.) Ici,
Dieu ne nous oblige pas immédiatement; il faic
OBL
\ine chose propre à faire naître en nous l'obli-
gation. Voilà pourquoi, comme dit Foraud, de
est meilleur avec le iiassif, et à avec le pronom
personnel : // est obligé de le faire; il s'oblige à
le /'il ire.
Obliger, dans le sens de rendre service, faire
plaisir, veut cHresuivi do la préposition rfe : f^ous
m'obligerez beaucoup i\c faire cela.
Quand être obligé ne martpie (ju'un devoir
moral, il se dit des personnes et jamais des choses.
Ainsi, quoiqu'on dise o?i est obligé d'obéir aus
lois divines et humaines ; on est obligé de tra-
vailler à réprimer ses passioyis; un ne dira pas,
la Jeunesse est obligée A'avoir du respect pour
les personnes âgées. Dans ce cas, on dit, la
jeunesse doit avoir du respect, etc.; ou un jeune
homme est obligé d'avoir du respect. De même,
au lieu de dire, la critique est obligée d'être
sévère, lorsqu'un livre contient des maximes
contraires à la morale, dites : l.u critique doit
être sévère , ou un critique est obligé d'être
sévère.
Oblique. Adj. des deux genres : Ligne oblique ;
— moyens obliques, voies obliques; louange ob-
lique. 11 ne se met qu'après son subsl. ; et, si on
pouvait le mellre avant, ce ne serait que dans
le sens figure : Ces obliques moyens. "Voyez
Adjectif.
Oblique est aussi un terme de grammaire. 11
est oppose à direct. On s'en sert pour caractériser
certains cas dans les langues transpositives, et
dans toutes pour distinguer certains modes et
certaines propositions. On ne connaît point de
cas obliques dans la langue française.
On distingue dans les verbes deux espèces
générales de modes, les uns personnels et les
autres impersonnels. Les premiers sont ceux qui
servent a énoncer des propositions, et le verbe y
reçoit des terminaisons par lesquelles il s'accorde
en personne avec le sujet; les autres ne servent
qu'à exprimer des idées partielles de la propo-
sition, et non la proposition même; c'est pour-
quoi ils n'ont aucune terminaison relative aux
personnes. C'est entre les modes personnels que
les uns sont directs et les autres obliques. Les
modes directs sont ceux dans lesi]ucls le verbe
sert à énoncer une proposition principale, c'est-
à-dire l'expression immédiate de la i)ensée qu'on
veut manifester; tels sont l'indicaiil', l'impératif
et le conditionnel, iiuc l'un appelle ;iussi suppo-
sitif. Les modes obliques sont ceux qui ne peuvent
servir qu'à énoncer une [iroposilion incidente
subordonnée à un antécédent qui n'est (ju'une
partie de la proposition principale. Tels sont le
subjonctif, qui existe dans presque toutes les lan-
gues, et l'optatif, ipii n'appartient ([u'aux Grecs.
Le verbe a été introduit dans le système de
la parole pour énoncer l'existence intellectuelle
des sujets sous leurs attributs, ce qui se fait par
des propositions. Quand le verbe est donc à un
mode où il sert piimilivement à cette destination,
il va directement au but de son institution, le
mode est direct. Mais si le mode est exclusive-
ment destine à exprimer une énonciation subor-
donnée et partielle de la proposition primitive et
principale, le verbe y va d'une manière moins
direple à la fin pour laquelle il est institué, le
mode est oblique.
On distingue pareillement des propositions
directes et desproi)ositions obliques.
Une proposition directe est celle par laquelle
on énonce directement l'existence intellectuelle
d'un sujet, sous un attribut : Dieu est éternel;
OBS
>05
soyez sage ; il faut que la volonté de Dieu se
fasse; nous serions ineptes à tout sans le con-
cours de Dieu, ctc Le verbe d'une proposition
directe est à l'im des trois modes directs, l'indi-
catif, l'impératif ou le conditionnel.
Une proposition oblique est celle i)ar laquelle
on énonce l'existence d'un sujet sous un attribut,
de manière à présenter cette énonciation comme
subordonnée à une autre dont elle dépend, et à
l'intégrité de laquelle elle est nécessaire : Il faut
que la volonté de Dieu soit faite ; quoi que vous
fassiez, faites-le au nom du Seigneur, etc. Le
verbe d'une proposition oblique est en français
un siibjcncliL
Toute pruposilion oblique est nécessairement
incidente, puisqu'elle est nécessaire à l'intégrité
d'une autre proposition dont elle dépend : Il faut
que la volonté de Dieu soit faite ; la pruposition
oblique que la volonté de Dieu suit faite, est une
proposition incidente ijui tombe sur le sujet il,
dunt elle restreint l'étendue; i7 (cette chose) que
la volonté de Dieu soit faite, est nécessaire ;
quoi que vous fassiez est une proposition inci-
dente qui tombesur le complément objectif le du
verbe faites, et en restreint l'étendue; c'est
pour dire, faites au nom du Seigneur le quoique
vous fassiez.
Mais toute proposition incidente n'est pas ob-
lique, parce que le mode de toute pruposition
incidente n'est pas \\x\-mémc oblique, ce qui est
nécessaire à l'obliquité, si on peut le dire de la
proposition. .Ainsi, (juand on dit, les savants,
qui sont plus instruits que le commun des hnui-
vies, devraient aussi les surpasser en sagesse,
la proposition incidente, qui sont plus instruits
que le commun des hommes, n'est point oblique,
mais directe, parce que le verbe sont est à l'indi-
catif, tjui est un mode direct.
La i)roposition opposée à Vincidcntc, c'est la
principale; la proposition opposée a V oblique,
c'est la directe. L'incidente peut être ou n'être
lias nécessaire à l'intégrité de la principale selon
qu'elle est explicative ou déterminative; mais
l'oblique est à rintésrité de la principale d'une
nécessité indiciuéepar le mode du verbe; h prin-
cipale peut être ou directe ou oblique, et la
(/z;ec^e peut être ou incidente ou principale, se-
lon l'occurence. (Beauzée.)
Obliquement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : lia tiré obliquement cette ligne, ou il a
tiré cette ligne obliquement; mais non pas, il a
obliquement tiré cette ligne.
L'Académie dit qu'il signifie aussi indirecte-
ment : Louer, blâmer obliq^icment. — Nous pen-
sons qu'il faut \)vé[ivcv indirectement.
Oblong, Oblo.ngue. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un jardin oblong, une place oblou-
gue, un livre oblong.
Obscène. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent .• Mot obscène, paroles
obscènes, chanson obscène ; ces obsc'enes pein-
tures, ces obscènes dis cours, ces obscènes images.
Obscur, Obscure. Adj. 11 se met avant son
subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Lieu obscur, prison obscure, une obscarn
prison; retraite obscure, obscure retraite ; nais-
sance obscure, obscure naissance; une vieillesse
obscure, une obscure vieillesse.
Voudrais-je, de la terre inutile fardeau.
Attendre chez mon père une ofcscure Tieillesseî
(RiC, Ifhig., act. I, se. II, 92.)
«06
0B5
Obsccrémejtt. Adv. Il se nicl aiircs le vcibo :
// a reçu obscurément, et non pas, il a obscuré-
ment vécu.
Obscdrité. SiibsL f. Terme de liiliTaturc.
C'est la dénomination d'imc chose obscure.
Vobscurité peut être ou dans la perception, ou
dans la dirociii>n.
L'obscurité dans la perception vient princi-
palement de ce qu'on ne conçoit pas les choses
comme elles sont, ou comme un trouve qu'elles
sont, mais comme on juge qu'elles doivent êlre
avant de les avoir connues ; de sorte (jue noire
jugement précède alors noire connaissance, et
devient la réi'le de nos conceptions : au lieu (jue
la nature et la raison nous disent que les ciioses
ne doivent être jugées que comme elles sont
connues, et que nous les connaissons, non
comme elles sont en elles-mêmes, mais telles qu'il
a plu à Dieu de nousles l'aire connaître.
L'obscurité dnns la diction peut venir en pre-
mier lieu de rambiguïlc du sens des mots; se-
condement, des figures ou ornements de rhéto-
rique; troisièmement, de la nouveauté ou de
l'ancienneté surannée des mots. Xoye?. Style.
Obsécration. Subst. f. Figure de rhétorique,
par laquelle l'orateur implore l'assistance de Dieu
ou de ([ueUiuc homme.
Obséder. V. a. de la 1" conj. Voltaire l'a em-
ployé dans une acception que n'indique point
l'Académie :
Soufcnt Je ses erreurs notre âme est obtcdée.
(Volt., Se'mtr., act. I, se. v, 62.)
Obséquieux, Obséquieuse. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme obséquieux,
une satisfaction obséquieuse.
Observateur. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dit observatrice
On l'emploie aussi adjectivement, et il ne se
met qu'après son subst, : Un esprit observa-
teur.
Observation. Subst. f. Voyez Observer. Faire
une observation, c'est observer. Or, si l'on ne
doit pas dire observer à quelqu'un, il ne faut donc
pas dire, faire une ibservation à quelqu'un^ je
vous fais cette observatiim ; il faut dire faire
part de son obserratinn à quelqu'un , je vous
fais faire cette observation.
Observer. V. a. et n. delà l'* conj. Dans ce
mol, la prononciation du b approche un peu de
celle du p. On nctrouve point dans le Dictionnaire
de l'Académie d'exemple analogue à la manière
dont ce verbe est employé dans les vers suivants :
Je Terrai le témoin de ma flamme adultère
Observer da que! front j'ose aborder son père.
(Rac, Phéd., act III, se. III, 17.)
Lorsque ce verbe signifie épier, remarquer iCs
actions, les gestes, les discours d'une personne,
il est actif et prend un régime direct : Je vous
observe, c'est-à-direj'oijcrre vous. — Mais lors-
qu'il signilie faire une remaniue, remar(]uer, il
est neutre. Alors, quand on veut l'employer dans
ce sens, il ne faut ni qu'il soit précédé d'un
pronom personnel régime, ni suivi d'un nom avec
ou sans préposition. Ainsi il ne faut pas dire je
vous observe que, je lui ai- observé que, je vous
observe ^une chose à laquelle vous n'avez pas
pensé, j'observe à l'assemblée que : car, comme on
ne considère pas une chose à quclpt'un, counne
on ne la lui remaniue pas, on ne doit pas non
occ
plus la lui observer; mais on doit la lui faire
remaniuer, la lui faire considérer, la lui faire
observer. Tour parler lorreclement, il faut donc
dire, observez bien que, je lui ai fait observer
que, je mus fais ibscrver, je vous prie d'obser-
ver vne chose à laquelle vous n'avez pas pensé;
je prie l'assemblée d'observer que, ou l'assem-
blée voudra bien observer que. Faites-leur même
observer que rien ne contribue plus à l'économie
et à lu propreté, que de tenir chaque chose en sa
place. {F^nal., Education des fdles, ch. XI.) Lt
juste défense de moi-même m'oblige seulemem a
vous faire observer qu'en peignant les misèrci
humaines, etc. (J.-J. Rousseau.) Je me bon r \
faire ol)server à un enfant ce qu'il fait couti-
nuclleiiient. (Condillac.)
Obstinément. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a soutenu obstiné-
vient ce mensonge, ou il a obstinément soutenu
ce mensonge.
Obstiner (s'). V. pronom. Ce verbe régit la
préposition à devant un infinitif : // s'ob.stinc à
i/ie persécuter.
Obtenir. V. a. et irrég. de la 2' conj. 11 se con-
jugue comme tenir. Voyez Irrégulier. Dans ce
mot, la prononciation du b approche un peu de
celle du p: Obtenir quelque chose de que/qu'un.
Il a obtenu de partir ; il a obtenu que je partisse
On met de quand la chose obtenue a élé accor-
dée à la personne qui est le sujet de la proposi-
tion ; on met que quand la chose obtenue a été
accordée à une autre personne.
Obtus. Obtuse. Adj. ijui ne se met qu'après
son subsl. : Un angle obtus. — Un esprit ob-
tus.
Occasion. Subst. f. On à\\. prendre occasion,
sans article. Monlesquieu a dit, mettre en tcca-
sion : Je demeurais quelquefois une heure dans
une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et
qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la
bouche. (XXX' lettre persane.) Celle expres-
sion nouvelle parait nécessaire ici ; fournir l'oc-
casion ne signifierait pas la même chose.
Occasionnei,, Occasionnelle. Adj. qui ne se
met (]u'aprés son subst. : Cause occasionnelle.
OccAsioNNELLE.MENT. Adv. 11 sc mel aprés le
verbe : Je suis venu occasionnellement, et non
pas je suis occasionnclleynentvenu.
Occidental, Occidentale. Adj. : Pag s ceci-
dental, peuples occidentaux, les Indes occiden-
tales. — On dit empire d'Occident, éi/lise d'Oc-
cident, et non pas, empire occidental, église
occidentale.
Occiput. Subst. m. On prononccle t.
Occulte. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'aprc'sson subsl. : Cause occulte, vertu occulte,
faculté occulte, qualité occulte, propriété occulte,
maladie occulte; les sciences occullcs.
Occupation. Subst. f. Figure de riiéîorique qui
consiste à [)révenir une objection (pie l'on prévoit,
en se la faisant à soi-même, et en y répondant.
Fléchicr a mis celle figure en usage dans cel en-
droit ùcV Oraison funèbre de. Turenne (jt. 110) :
« Quoi donc, n'y a-t-il point de valeur et de
générosité chrétienne? L'Ecriture , qui com-
mande de se sanctifier , ne nous apprend-elle
pas que la pitié n'est point incompatible avec les
armes?... Je sais, messieurs, que ce n'est point
en vain que les princes portent l'épée ; que la
force peut agir quand elle se trouve jointe avec
l'équité; que le Dieu des armées préside à cette
redoutable justice que les souverains se fon
eux-mêmes; que le droit des armes est néces-
ODE
taire pour la conservation de la société, et que
les guerres sont permises pour assurer la paix,
pour protéger l'innocence, pour arrêter la ma-
lice qui se déborde, et pour retenir la cupidité
dans les bo'nes de la justice. «
On nomme ainsi celte (igurc, du mot latin
occupare, occuper, s'empjror, [inrce qu'elle sert
à s'emparer, pour ainsi dire, de l'esprit de l'au-
diteur. On l'appelle autrement, préoccupation.
(Encijclop.)
Occuper. V. a. de la l"' conj. On dit s'occu-
per à, et s'occuper de. Le premier se met avec
les verbes, le second avec les adjectifs : On s'oc-
cupe de son a //'aire, on s'occupe à le tour-
menter.
Hier au soir, de pleurs loule trempée,
De ce dessein étiez-vous occupée?
(YOLT., Ifan., acl. II, se. m, 11.)
Tandis que tout s'occupe âme persécuter.
(Rac, 3Iithr., act. III, se. i, 7b.)
L'Académie dit s'occuper de son jardin, et
s'occuper à son jardin. Le second exemple ne
peut être bon iiue comme phrase elliptique ;
s'occuper à son jardin, c'est-à-dire s'(.ceuper à
travailler à son jardin. On peut s'occuper de
.wn jardin, sans s'cccuperà .'son jardin. — L'A-
cadémie admet les deux prépositions devant un
infinitif, selon le sens de s'occuper; ainsi on dira
il s'occupe de détruire les abus; il y songe, il
en cherche les moyens; et il s'occupe à détruire
les abus, il y travaille. Il en est de même avec
les substantifs.
S'occuper se dit aussi absolument : f^ous vous
ennuyez, il faut vous occuper.
Souffrez one mon courage ose enfin s'occuper.
(Rac, Phéd., act. III, se. V, 27.)
OccuRRE>T, OcccRHENTE. Adj. qui nc se met
qu'après son subst. : Les cas occurrents, les af-
faires occurrentes.
OcÉiiN. Subst. m. Voltaire a donne, par ex-
tension, au lac de Genève le nom d'Océan.
{Épttre LXXVI, 17) :
D'un tranquille Océan l'eau pure et transparente
Baigne les bords fleuris de ces champs fortunés.
Delille a dit Yocéan de Vair{Énèid., YI, 24);
Il t' élève un beau temple, ô Dieu de la lumière !
Et t'offre, heureux nocher d'une nouvelle mer.
L'aile dont il vogua dans l'océan de l'air.
0CT0GÉN.4IRE. Adj. dcs dcux çcnrcs qui s'em-
ploie aussi substantivement. Commeadjectif, ilne
se met qu'après son subst. : yieillard octogé-
naire.
Octogone. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Figure octogo?ie.
OccLMRE. Adj. des deux genres. Une se met
qu'après son subst. : Témoin oculaire.
Ode. Sulist. f. Terme de littérature. Dans la
poésie grecque et latine, l'ode est une pièce de
vers qui se chantait, et dont la lyre accompa-
gnait le chant. Le mol ode signifie chant, chan-
son, hymne, cantique.
Dans la poésie française, l'ode est un poërae
lyrique composé d'un nombre égal de rimes plates
ou croisées, et qui se dislingue par des strophes
qui doivent être égales entre elles, et dont la
ŒU
507
première fixe la mesure des autres. Boiieau parle
ainsi de l'ode (^. P., Il, 58) :
L'ode avec plus d'éclat et non moins d'onorgie,
Elevant jusqu'au ciel son vol ambitieux.
Entretient dans ses vers commerce avec les dieux.
(".hante un vainqueur poudreux au bout de la carrière;
Mène .\clillle sanglant au bord du Simols,
Ou fait fléchir l'Escaut sous le joug de Louis.
Son style impétueux souvent marche au hasard :
Chez elle, un beau désordre estun elfet de l'art.
Comme l'oJe est une poésie faite pour inspi-
rer les sentiments les plus passionnés, elle admet
l'enthousiasme, le sublime lyrique, la hardiesse
des débuts, les écarts, les digressions, enfin le
désordre poétique.
On distingue l'ode sacrée, qui s'adresse à Dieu,
et que l'on nomme aussi hymne ou cantique;
l'ode héroïque, consacrée à la gloire des héros;
l'ode morale ou philosophi(iue, où le poète chante
les charmes de la vertu ou la laideur du vice;
l'ode anacréonlique, (lui célèbre les plaisirs.
Lecaraclère de l'ode, de (juelque espèce qu'elle
soil , ce qui la distingue de tous les autres
poèmes, consiste dans leplus haut degré de pen-
sée et de sentiment dont l'esprit et Te cœur de
l'homme soient capables. L'ode choisit ce qu'il y
a de plus grand dans la religion, de plus surpre-
naiil dans les merveilles de la nature, de plus
admirable dans les belles actions des héros, de
plus aimable dans les vertus, de plus condam-
nable dans les vices, de plus vif dans les plaisirs
de Bacchus, de plus tendre dans ceux de l'Amour.
Elle ne doii pas seulement plaire, étonner; elle
doit ravir et transporter. {Encyclopédie, extrait
de l'article Ode par le chevalier de Jaucourt.)
OdiecseiMent. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est comporté odieu-
sement, ou il s'est odieusement comporté dans
cette affaire.
Odiecx, Odieuse. Adj. Il régit quelquefois la
préposition à .• C'est vn homme odieux à sa fa-
mille. Employé sans régime, on peut le mettre
avant son subst., enconsultanl l'oreille et l'ana-
logie. On ne dit pas un odieux homme, un odieux
prince, un odieux crime ; mais on peut dire ?(«e
odieuse entreprise, vn odieux attentat, etc.
Odorant, Odorante. Adj. Il est surtout usité
en poésie, et peut se mettre avant son subst.,
lorsque l'oreille et l'analogie le permettent : Bois
odorant, fleurs odorantes, ces odorantes fleurs.
Voyez Adjectif.
Odoeat. Subst. f. Ce mot n'a point de plu-
riel.
Odoriférant, Odoriférante. Adj. H signifie
la même chose qu'odorant, mais '1 s'emploie sur-
tout en prose. Il ne se met qu'après son subst. :
Parfums odoriférants , aromates odoriférants.
OEiL. Subst. m. Le pluriel est yeux, dans le
sens propre, et œils dans le sens analogique : // a
mal aux yeux , des œils de bœuf. — Cependant
on dit les yev.v du pain, du fromage, du bouil-
lon. (Acad. lS3o.) Voyez Formation.
3'eTi reponds sur ma tête et j'aurai l'œil à tout.
(Corn., Héracl.,àct. III, se. iv, 52.)
Voltaire remarque sur ce vers, qvicj'artrai l'œil
à tout est une expression de comédie.
On dit entre quatre yeux, pour dite tête à
tète. Voyez Quatre.
OEuF."Subst. m. On prononce euf. Le /"se
nos
01 V
fait sentir au singulier, non au pluriel : U/i œuf,
des œufs. T v ononcdz des eu.
OEivBi:. Subst. Il csl onlinaireincnl féininin :
L'œnrrc Je la création fut achcvi'C en six jours;
l'œuvre de la rédemption fut accninpUe sur la
croix; faire une bonne œuvre. Ceiiciidant, dans
le style soutenu, il est quelnuefois masculin au
singulier : Un œuvre de génie, ce saint œuvre.
Sans cela toute fable est un œuvre imparfait.
(La FoNTiiNE, lit. XII, fable ii, 32.)
— OEuvre, lieu et banc destinés dans une pa-
roisse pour les marguiiiiers, est féminin : Il y a
une belle œuvre dans cette église. — OEuvre,
production do l'csiirit, pièce qu'un auteur a
composée, soit en prose, soit en vers, n'est usité
(ju'au pluriel et au léuiinin : On a fait un re-
cueil de toutes ses œuvres. — OEuvre, dans le
sens d'action morale, est féminin : Qiucun sera
jugé selon ses bonnes ou mauvaises œuvres.
(Acad ) OEuvre, employé pour signilier la pierre
philosoiihalc, ne se dit qu'au singulier et au
masculm, et seulement avec le mot gra?id : Le
grand œuvre. — OEuvre, employé pour signifier
un recueil de tontes les estauijjes d'un môme gra-
veur, est masculin : L'œuvre de CuHot, d'Albert
Durer, etc. — En parlant des ouvrages de mu-
sique, œ!a-/esedit de certaines compositions des
auteurs, auxquelles ils donnent ce titre, et il est
masculin : Le premier et le second œuvre de ce
musicien sont fort recherchés.
Offensant, Offensante. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Discours offensant, paroles off^ensantes;
cette offensante repartie. A'oyez Adjectif.
Offknsif. Offensive. Adj. qui ne se met
qu'après son sust. : Guerre offensive, armées
offensives, liyue offensive et défensive.
OFFENSivr.Mr.NT. Adv. Il se met après le verbe:
Il a agi offensivement, et non pas, il a offensi-
vement agi.
Office. Subst. m. Corneille, en employant ce
mol dans le sens de service, a dit {Rodognne,
act. I, se. II, 1) :
Vous pouvez comme lui me rendre un ion office.
Voltaire dit à cette occasion : Jamais ce mot
familier, bon office, ne doit entrer dans le style
tragique. [Remarques -lur Corneille.)
Office est féminin lors(]u'il signifie le lieu où
l'on iirépare tout ce qu'on sert sur la table pour
le dessert : Une belle office. — C'est l'avis de
l'Académie ; mais elle remarque qu'en parlant de
la classe de domcsli(iuos ipii miingo à l'olfice il
s'empl<;ieau niascnlin : Dansccttc7naison,\'oiiicc
est très-nombreux. La Gnumnaire des Gram-
maires dit au contraire (ju'il est féminin dans ce
dernier sens.
Officiel, Officielle. Adj. il ne se met qu'après
son subst. : Lettre officielle, déclaration officielle ,
réponse officielle.
Officiki.levent. Adv. 11 se met après le verbe :
// a agi officiellement dans cette affaire, Ct non
pas, il a officiellement agi.
Officieusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // s'est offert à moi
officieusement, ou il s'est officieusement offert
à moi.
Officieux, Officieuse. Adv. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille ci l'ana-
logie : Une personne officieuse. — Cet officieux
01
ami. — Un mensonge officieux. Voyez Ad-
jectif.
11 régit quelquefois la préposition envers.
Flécbier a dit, il est officieux à ceux qui sont
au-dcssuus de lui. L'usage n'a pas adopté ce
régime.
Offre. Subst. f. Racine a dit dans Bajazet
(act. III, se. vu, 27) :
.\li 1 si d'une autre cliame il n'était point lié,
L'offre de mon hymen l'eûl-il tant effrayé,
L'cût-il ^cfasé même aux dépens de sa »ie ?
Geoffroi a prétendu que, dans ce vers, Racine
avait fait off're masculin. Mais peut-être Racine
a-t-il voulu, par une elli[)se hardie, rapporter le
participe refusé à liymen. Ce rapport n'est point
forcé, ct parait assez naturel : L'offre de mon
hymen Veût-il tant effrayé? et eûi-il refusé cet
hymen, même aux dépens de sa vie ?
Offrir. V. a. et inégulier de la 2' conj. 11 Sfe
conjugue comme ouvrir. Voyez Irrégulier. Offrir
une chose, offrir quelque chose à quelqu'un.
Offrir à quelqu'un une chose à faire. Je lui
offris une bonne œuvre ci faire. Devant les verbes,
il régit de : Il m'offrait de le reprendre. — S'of-
frir régit Cl : C'à.tt le premier objet qui s'offrit à
mes yeux. — Offrir un prix de quelque chose.
Je lui en ai offert deu.v cent mille francs.
Offusquei!. V. a. de la 1'" conj. Voltaire a dit
{Epitre à M. Falkener, en tète de Zaïre) :
Des larmes même ont offusque'
Plus d'un œil que j'ai remarqué
Pleurer de l'air le plus aimable.
Ognon. Subst. m. On mouille le ^n. On écrit
aussi oignon, mais on prononce ognon.
Oi. On a introduit la diphtbongiie oculaire ai
à la place de la diplithongue oculaire oi, dans les
mois français, j'avois, etc., comme si ai était
plus propre (ju'oi à représenter le son de i'c ou
de l'e. Si l'on avait à rèfoi'iner oi dans les mots où
il se prononce c ou c, il faudrait y substituer è
ou é, autrement, c'est réformer un abus par un
plus grand, c'est pécher contre l'analogie. Si l'on
a écrit français, j'avais, c'est que nos péres pro-
nonçaient ainsi; mais on n'a jamais prononcé
français en faisant entendre l'a et \'i. En un mot,
si l'on voulait une réforme, il fallait plutôt la
tirer de procès, succès, très, auprès, dès, etc.,
que de se régler sur un petit nombre tle mots
pareils qu'on écrit par ai, par la raison de l'ély-
molo^lo palais, pcilatium,c\. parce que telle était
la prononciation de nos pères, i)rononciation qui
se conserve encore non-sculcincnt dans lesautres
langues vulgaiies, mais même dans quelques-
unes de nos provinces. — Telles sont les ob-
jections qucDumarsais a faites dans l'Encyclo-
pédie (au mot Diplithongue) contre l'ortho-
graphe de Voltaire. Ailleurs il ajoute que ce
changement renverse toutes les analogies pareilles
à celles ([u il y a entre notion ct connoUre, ap-
paroir cl paraître, a7igloisel anglomane, etc.
M. Dessiaux a répondu à ces objections de la
manière suivante dans \e journal grammatical:
u Ici, à la vérité, l'analogie est altérée dans une
lettre, mais elle n'est pas détruite pour cela;
dans une foule d'expressions il y a des mutations,
des suppressions, dos inétaplasmosciui divisenlles
mots de la même famille, quand la iirononciation
est contraire à l'uniformité de leur orthographe.
Ainsi nous avons barbe et imberbe, inaptitude et
inepte, foin et faner, vert et verdure, nuit et
OLI
nocturne, et des milliers de mots semblables.
«J'avouerai de bonne foi ([u'en thèse générale
è n'est pas mieux représenté par m' (pic par ru";
mais examinons les circonstances parliculicres
qui viennent affaiblir celte objection, et nous la
verrons tomber d'elle-même. Si Yollaire et les
réformateurs dont il eml)rasse l'opinion eussent
proposé l'iniroduclion de ce signe dans notre
langue à la place de la diphlhongue ni, nos ad-
versaires auraient raison ; mais l'usage de la
voyelle ai est si ancien, si fré(pient,(iue l'on reste
stupéfait en voyant Dumarsais écrire que les
réformateurs se sont régh's sur un petit nombre
de mois pour réclamer ce changement. » Voyez A.
Oi\. Voyez Lungue fruiiçuise.
Oindre. Y. a. et irrégulier de la 4' conj. Voici
comme il se conjugue :
Indicatif. — Présent. J'oins, lu oins, il oint;
nous oignons, vous oignez, ils oignent. — /w-
/^az/ûiV. J'oignais, lu oignais, il oignait; nous
oignions, vous oigniez, ils oignaient. — Passé
simple. J'oignis, tu oignis, il oignit; nous
oignimes, vous oignîtes, ils oignirent. — FuUir.
J'oindrai, tu oindras, il oindra; nous oindrons,
vous oindrez, ils oindront.
Conditionnel. — Présent. J'oindrais, tu oin-
drais, il ointlrait; nous oindrions, vous oindriez,
ils oindraient.
Impératif. — Présent. Oins, qu'il oigne, etc.
Subjonctif. — Présent. Que j'oigne, que tu
oignes, qu'il oigne; que nous oignions, que vous
oigniez, qu'ils oignent. — Imparfait. Que joi-
gnisse, que tu oignisses, qu'il oignit; que nous
oignissions, que vous oignissiez, qu'ils oignis-
sen».
Participe. — Présent. Oignant. — Passé. Oint,
ointe.
Les temps composés se conjuguent avec le
verbe auxiliaire avoir.
Oing. Subsl. m. On ne prononce point le g.
OiSEDX, Oiseuse. Adj. Il ne se met guère iju'a-
prés son subsl. : Des goûts oiseux, des disputes
oiseuses, des considératinns oiseuses. — Une
épithète oiseuse, des ornements oiseux. — Des
paroles oiseuses. — Quoi(iue l'Académie dise
des gens oiseux, il est certain que cet adjectif ne
se dit plus des personnes.
Oisif, Oisive. Adj. : Un hornine oisif, une
femme oisive. — On dit aussi une vie oisive, des
talents oisifs. On peut le meitre avant son subst.,
en Consultant l'oreille et l'analogie : Cette oisive
nonchalance , cette oisive indolence. A'oyez Ad-
jectif. •
Oligarchiqde. Adj. des deux_ genres qui ne se
met qu'après son subst. : Etat oligarchique,
gouvernement oligarchique.
Olivâtre. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Teint olivâtre, visage oli-
vâtre.
Olive. Subst. f. Selon l'Académie, on dit quel-
quefois ««n/rneou d'olives, pour dire un rameau
d'olivier. — On ne dit pas plus un rameau d'oli-
ves,qu'on ne dit vu rameau de poires, pour dire
un rameau de poirier. Le peuple dit le jardin
des Olives, pour dire le jardin des Oliviers;
mais c'est une expression que l'on peut regarder
comme consacrée. Cependant on dit au figuré
Volive, pour dire un rameau d'olivier :
Le front calme et serein,
Mahomet marche en maître et l'oîire à la main.
(,Yoi.T., llahom., act. II, se. li, 3t.)
ON
-m
Olographe. Adj. m. qui n'e-st guère d'usage
que dans celte phrase : testavient olographe.
OMBiiAGKu. A', a. de la 1'^' conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme j ; et,
pour lui conserver celle prononciation lors-
qu'il est suivi d'un a ou d'un d, on met un e
muet avant cet a ou cet o : j'ombrageai, j'om-
brageais, et non \)di?.j'o7nbragai,j'ombragais.
Il ne faut pas confondre ombrager avec ombrer.
Le premier se dit des corps qui font de l'ombre :
Une grande quantité d'arbres ombragent la cam-
pagne. Le second ne se dil qu'en peinture, et
signilie, faire les ombres dans un tableau, dans
un dessin : Ce peintre ombre bien.
Ombrageux, O.mbrageuse. Adj. (|ui ne se met
qu'après son subst. Il ne se dit au propre que
des chevaux, desmidels, etc., (jui sont sujets a
avoir peur, et à s'arrèier ou à se jeter subitement
de côté (juand ils voient ou leur ombre, ou (piel-
que objet (jui les surprend : Cheval ombrageux.
H se dit ligurément des hommes qui prennent
trop légèrement des soupçons, de V ombrage, sur
des choses qui les regardent, qui les intéressent :
Un homme ombrageux, un esprit ombrageux.
Ombre. Subsl. f. Dans le sens de prétexte, il
ne s'emploie qu'avec la préposition sous, et sans
arlicle : // a trompé bien des gttis sous ombre
d'amitié. — Dans le sens d'apparence, il s'em-
ploie avec l'article ou sans article : Il iiy a pas
ombre de doute, il n'y a pas l'ombre du doute.
Ombrer. Voy. Ombrager.
O-MBP.Eux, Ombreuse. Adj. Qui fait de l'ombre.
11 est usilé en poésie, et peut se meitre avant son
subsl. : Les ombreuses forêts.
Dans la nuit ténébreuse.
Dont un bois vaste entoure une vallée ombreu$e.
(Delil., Enéide, VI, 183.)
Omettre. Y. a. et irrégulier do la 4' conj. Il se
conjugue comme mettre. A'oyez ce mol.
On. Mot que les anciens grammairiens ont mis
au nombre des pronoms indéfinis, et qui est un
nom qui signifie homme. En effet, ce mol s'est
formé, par abréviation ou par corruption, du mot
homme. Ainsi, quand je dis o?i étudie, on joue,
on 7/(a«yc, c'est comme si je disais. /iowwe étudie,
homme joue, homme mange ; et c'est ainsi qu'on
disait anciennement. On disait aussi l'homme
étudie, l'homme joue, etc., avec l'article ; et
on a conservé parmi nous cet article dans cer-
tains cas.
On ne se joint jamais qu'avec la troisième per-
sonne du singulier des verbes, mais il ne peut
précéder ceux que l'on nomme impersonnels. Il
est synonyme àliomme, et sert a indiquer ou
l'espèce, on naît pour inourir , ou une partie
vague des individus de l'espèce, sans aucune
désignation individuelle, comme, on nous écoute.
Il suit de l'étymologic de ce mot, qu'il ne peut
se dire que des" personnes. M. deWailly prétend
qu'on ne peut le dire de Dieu ; et il a bien raison,
puisque ce mot ne peut s'entendre d'un individu
désigné. Mais il en conclut ([u'on ne peut pas
dire, au jugement dernier, on ne nous deman-
dera pas ce que nous avons lu, mais ce que nous
avons fait; et qu'il faut dire. Dieu ne nous
demandera pas, etc. En cela, je crois que ce
grammairien s'est trompé. Dans, au jugement
dernier, on ne nous demandera pas, etc., on ne
se met pas au lieu de Dieu, mais il indique un
être quelconque qui demandera compte : ce qui
fait tomber l'idée principalesur les lectures et sur
510
ON
les actions, et non sur l'être qui doit en demnnder
comiitc. En effet, il y a de la différence entre
ces deux i)in-ases. Dans, au jugement dernier,
on nous demandera ce qve nous avons fait, la
conséquence de cette vérité, c'est, i)rcncz donc
garde à ce que vous faites, veillez donc sur vos
actions, puisque c'est de ces actions qu'on vous
demandera compte. Ce que vous avez fait, ou
vos actions, est ici la chose principal^ que l'un a
en vue. Mais quand on dit, au jugement dernier.
Dieu vous demandera ce que vous avez fuit,
l'idée tombe principalement sur Dieu. La con-
séquence est, craignez ce juge suprême, mettez-
vous en étal de paraître devant lui, et de lui
rendre compte de vos actions. 11 suflilqueces
deux phrases expriment chacune une nuance
différente, une vue particulière de l'esprit, pour
qu'elles doivent être conservées.
On dit on et l'on ; mais on ne se sert du der-
nier que pour éviter quelque son désagréable
qui résulterait de ce qui précède ou dece qui
suit. Ainsi on ne dit pas, et on, si on, ou on;
mais, et l'on, si l'on, eu l'on, afin d'éviter la
rencontre désagréable des deux sons. De même
on ne dit pas Von quand ce mot est suivi de le,
la, les, lui, cl autres mots qui formeraient ca-
cophonie. On*i sent combien est désagréable à
l'oreille. Va?! le lui a dit, l'on le hiidira, je ne
veux pas que l'on le iourîupnte; cette répétition
du son produit par le l est insupportable. On
est le mot primitif, Voji n'a été inventé que pour
les cas particuliers dont nous avons parlé, et il
ne faut l'employer que dans ces cas.
On, comme sujet d'un verbe, le précède, si ce
n'est dans les inlerrogalions. On dit, on pense;
dit-07i9 pense-t-on? Sur quoi il l<iut remarquer
(jue, dans ce dernier cas, lorsque le verbe flnit
par un a ou un e, on met entre 071 et le verbe
un t euphonique, que l'on fait précéder et suivre
d'un trait d'union : Que fera-t-on ? que de-
mande-t-on9
On se joint à des noms féminins ou à des noms
pluriels , lorsque les circonstances conduisent
naturellement l'esprit à saisir ces rapports. Ainsi
une femme dira, on n'est pas toujours jeune et
jolie (Acad.), et l'on n'en sera i)oint choqué, parce
qu'on sait que c'est une femme qui parle de son
sexe, et que par là l'esprit est disposé à saisir le
rapport de on avec le féminin. Molière a dit dans
les Précieuses ridicules (se. X.) : C'est vn ad-
)ii iruhle lieu que Paris ; il s'y passe tous les jours
cent choses qu'on ignore, quelque spirituelle
ç'/'on puisse être. Madame de Sévigné mettait
liiMJours le féminin dans ces i)hrases": Un mal-
heur continuel pique cl offense; on hait d'être
houspillée /if/r la fortune.
Cependant, pour autoriser ce rapport, il ne
suffit pas que ce suit une femme qui parle, mais
:l faut qu'elle parle de son sexe. Si une femme,
ai)rès avoir parlé d'un homme qui s'est venec
d'une injure, l'excuse en disant, on n'aime pas
à être méprisé, elle ne peut employer que le
masculin. L'esprit est préoccupé d'un" substantif
masculin, il rejetterait l'autre rapport. Mais si
une femme ]);irlc d'une personne de son se.xe qui
s'est retirée d'une société où elle n'était pas
estimée, elle ne peut employer que le féminin, et
l'espT-it, préoccupé d'un sulJslantif féminin, rejet-
terait le masculin. Elle dira donc, on n'aime pas
a être méprisée.
RL Lévizac, imitant ici les anciens grammai-
riens, qui fondaient plutôt les règles sur les mots
que sur les idées, prétend que l'usage d'emplover
ON
le féminin avec le mot on est un abus consacré
par les écrivains, parce que l'origine de on an-
nonce le masculin, auquel l'assujettit encore sa
signifii-ation vague et indéterminée, et que rien
d'indéterminé n'a ni ne peut avoir de genre.
On peut répondre que quiconque par son ori-
gine annonce le masculin, auquel l'assujettit
encore sa signification vague et indéterminée, et
que cependant il se met en rai)port avec un fémi-
nin , lorsque le discours ou les circonstances
indiquent qu'il est question d'une femme. Voyez
Quiconque.
On pourrait dire, pour sauver la règle, que,
dans ces cas, les circonstances ou les expressions
qui indiquent le féminin tirent en quelque sorte
le mot de son indétermination, et le restreignent
à une signification féminine
Il en est de même du pluriel. Les circonstances
exigent quelquefois que l'on fasse rapporter on a
un substantif de ce nombre. L'Académie donne
pour exemple, on n'est pus des esclaves, pnvr
essuyer de si mauvais traitements. Cette phrase
est régulière, j)arce que les circonstances indi-
quent que l'on veut parler de plusieurs. C'est en
effet comme si l'on disait, nous ne sommes pas
des esclaves, ou les homjnes ne sont pas des
esclaves. La Bruyère a dit : Le commencement
et le déclin de V amour se font sentir par l'em-
barras oii Z'on est de se trouver seuls. (Ch. IV.
Du Cœur, p. 281.) Et on lit dans Corneille (/*«-
hjcucte, act. I, se. m, 21) :
On n'a tous deux qu'un cœur qui sent mêmes traTeràes .
Voltaire, dans ses commentaires sur Corneille,
dit que cette expression ne paraît pas d'abord
française, mais qu'elle l'est en effet. Est-071 allé
Zà< dit-il, on y est allé deux. C'est là un
gallicisme qui ne s'emploie que dans le style très-
familier.
C'est aussi dans le style très-familier que l'on
emploie on pour la première personne du sin-
gulier ou du pluriel. Ainsi, un homme (jui aura
été longtemps sans en voir un autre, lui dini
fort bien : Il y a longtemps qu'on ne vous a vu,
c'csl-a-dire que je nevousai vu, ou que nous ne
vous avons vu. Les auteurs se servent aussi quel-
quefois de cette expression, pour éviter de se
désigner directement. On a dit plus haut, c'est-
à-dire, j'ai dit plus haut.
On l'emploie aussi en ce sens dans le style
comique :
Je liais la vanité, mais ce n'est point un vice
De savoir se connaître et se rendre justice.
On n'est pas s.ms esprit, en pluil, on a je crois.
Aux petits cabinets l'air de l'auii du roi.
Il faut bien s'avouer que l'on est fait à peindre ;
On danse, on chante, on boit, on sait parler et feindre.
(ToLT., f Indiscret, se. ir, 9.)
Il est assez indifférent pour le sens de dire on
ou l'on, mais l'un doit être quelquefois préféré à
l'autre, selon ce qui précède ou ce qui suit; c'est
à l'oreille à décider. On est suivi dans la pronon-
ciation d'un n euphoiu'quc lorsqu'il précède une
voyelle avec laquelle il doit se lier : (hi-n-a dit.,
on-n- estime, etc. — C'est pour cela que plusieurs
personnes, accoutumées à lier le n final de on
avec la voyelle suivante, suppriment le n qui
doit caraetcriscr la négation que le sens de la
phrase exige; par exemjile, au lieu d'écrire, on
n'a rien à faire, ou n'est lui « ?-tc«, elles écri-
vent on a rien à faire, on est bon à rien. Mais
OPA
êias ces phrases, rien, sii;iiiliant néant, nulle
chose, pas du tout, et ayant conséqucmmcnt un
sens négatif, denuinde évKlemmcni la négative îie.
{Grammaire des Grammaires, p. 31)8.)
0.\cTi;EUSE.'\!F.>r. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ce livre est onctucu-
seinent écrit; il a prêché nnctueusement.
Onctueux, O.NCTLEUsE.Adj. : Du lois onctueux;
— w« prédicateur onctueux. On pourrait dire,
cet onctueux prédicateur. Voyez Adjectif. Té-
r.uid prétend i\\\'onctveux ne se dit (juc des
choses inalcriellcs, jjour exprimer ce (psi est d'une
^^ubstance grasse et huileuse, et ipfon ne dit
l)oint un prédicateur onclucu.v. L'Académie le
dit.
Onde. Subst. f. On l'emploie en [)oésic pour
Veau en général : Le cristal de l'onde, l'onde
fugitive.
Le cristal sur leurs mains verse une onde limpide.
(Delil,, Ènéid., I, 966.)
Ondoyant, Ondoyante. Adj. verbal tiré du v.
ondoyer. On peut en poésie le mettre avant son
subst. en consultant l'oreille et l'analogie : l'aguos
ondoyantes, plaines ondoyantes, fumée on-
doyante. Les ondoyantes plaines.
Onéreux, OMÎr.EDSE. Adj. qui ne se met qu'a-
jn'ès son subst. : Charge onéreuse, coiidition
onéreuse, voisinage onéreux.
Onomatopée. Subst. f. On appelle ainsi une
figure de rhétorique par laquelle un mot imite
le son naturel de ce qu'il signilio. On réduit sous
cette ligure les mots formés par imitation du son;
comme le glouglou de la bouteille, le cliquetis,
c'est-à-dire le bruit que; font les boucliers, les
épées, et les autres armes, en se choquant; le
trictrac, sorte de jeu, nommé ainsi du bruit que
font les dames et les dés en se cho(iuant. Cette
figure n'est point un Iropc, puisque le mot se
I)rend dans un sens jiropre. Voyez Figure, Trope.
— Ch. Kodier a fait un dictionnaire spécial des
Onomatopées françaises.
Onze. Adj numéral des deux genres. Il se met
ordinairement avant son subst. : Onze chevaux,
mze francs, onze heures. — On dit : ils sont
onze, ils étaient onze. L'Académie reman[ue
que l)icn que ce mot commence par une voyelle,
il arrive quelquefois, et surtout quand il est
question de dates, qu'on prononce et qu'on écrit
sansélision, l'article, la préposition, uu la par-
ticule (pii le précède : De onze enfants qu'ils
étaient, il en est mort dix. De vingt, il n'en est
resté que onze. Il faut aussi remarquer que ijuand
onze est précédé d'un mot qui finit par une con-
sonne, on ne prononce pas plus la consonne
finale que s'il y avait une aspiration : F'ers les
onze heures. — On dit aussi le onze du mois.
Voyez Apostrophe.
0nz!è.me. Adj. des deux genres. Il se met avant
son subst. ; et il suit, ])our la prononciation et
l'orthographe, les mêmes règles que onze : Le
onzième jour, le onzième vuds. IL vivait au
onzième siècle. L'Académie remarque que cer-
taines personnes disent encore l'onzième; mais
l'usage le plus général est i)our le onzième.
Voyez Apostrophe.
Onzièmement. Adv. Il se met après le verbe :
Je lui ai fait observer onzièmement, et non pas
je lui ni onzièmement fait observer.
Opaque. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Corps opaque, matière
opaque.
OPU
su
Opéra. Subst. m. Les meilleurs grammairiens
ne lui donnent point de s au pluriel; en 1762
l'Académie était de cet avis. Mais dans les édi-
tions de 1798 et de 1835 elle prétend (ju'il prend
ce signe du pluriel. Ce qu'il y a de certain, c'est
(pie Boileau, Voliaire, Condillac et plusieurs
autres l'ont toujours écrit sans s.
Opéra. Terme de littérature. L'opéra est une
espèce de poëme dramatique fait pour être mis
en musique, et chanté sur le théâtre avec la sym-
phonie, et toutes sortes de décorations en ma-
chines et en habits. La Bruyère dit que l'opéra
doit tenir les yeux et les oreilles dans un égal en-
chantement. (Ch. I. Des Ouvrages de l'esprit,
P.261.J
Opérateur. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit opératrice.
Opiat. Subst. m. On fait sentir le t, et l'on
I)rononce comme s'il y avait opiate.
Opiniâtre. Adj. des deux genres. On peut le
meitre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Un homme opiniâtre, un esprit
opiniâtre, travail opiniâtre, silence opiniâtre.
— Cette opiniâtre aversion, cet opiniâtre zèle.
On ne dit ni U7i opiniâtre homme, ni un opi-
niâtre esprit. Voyez Adjectif.
Opiniâtrement. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il a dé-
fendu opiniâtrement cette place, OU il a opiniâ-
trement défendu cette place.
Opportun , Opportune. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un temps opporlim, une
occasion opportune .
Opposition. Subst. f. Terme de rhétorique;
c'est une figure de rhétorique par laquelle on
joint deux choses qui, en apparence, sont in-
compatibles, comme (juand Horace parle d'une
folle sagesse, et qu'Anacréon dit que l'amour
est une agréable folie. Cette figure, qui semble
nier ce qu'elle établit et se contredire dans ses
termes, est cependant ircs-élégante ; elle réveille
plus que toute autre l'attention et l'admiration
des lecteurs, et donne de la grâce aux (liscours
quand elle n'est point recherchée et qu'elle est
I)lacée à propos, ^'oulez-vous un exemple d'une
opposition brillante, moins marquée dans les
mots que dans la pensée; je n'en puis guère citer
de plus heureuse que celle de ces beaux vers de
la Henriado (ix, 300) :
Les Amours enfantins désarmaient ce héros,
L'un tenait sa cuirasse encor de sang trempée,
L'autre avait détaché sa redoutable épée,
Et riait en tenant dans ses débiles mains
Ce fer, l'appui du trône, et l'effroi des humains.
11 fallait dire, peut-être, Veffroi des eiinemis.
Oppresseur. Subst. m. Personne i\e nous ap-
prend comment il faudrait dire en parlant d'une
femme.
Oppression. Subst. f. Il n'a qu'un sens passif,
et ne se dit que de ce qui est oppressé ou op-
primé : Uiie oppression. L'oppression du peuple.
—L'Académie dit qu'au figuré, il s'emiiloic aussi
pour exprimer l'action d'opprimer ; Jamais on
ne poussa l'oppression plus loin.
Opprimer. V. a. delal'^'conj. Voyez Accabler.
Optique. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Apparence optique, illusion
optique.
Opulent, Opulente, Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Homme opulent, ville opulente, cett*
opulente ville.
512
ORA
Or. Siilist. m. Ce mot n'a point de pluriel (jurind
il désigne comme individuolle la masse du mi'lal
qu'il signifie : Une boite d'or, vue yuontre d'or,
de l'or cil barre. Mais quand on considère l'or
comme mis en œuvre, divisé en plusieurs i)ar-
lics, et (ju'on y distingue des qualités qui per-
mettent de le ranger dans dilTérenles classes,
alors ce mot prend un [iluriel : Des ors de cou-
leur, une bnt/e de deux ors. Voyez Nombre.
Orage. Subst. m. Corneille a dit dans Jiodo-
gune {ncl. III, se. vi, li):
Cependant allons Yoir si nous vaincrons l'orage.
f^aincrc l'orage., dit Voltaire, est impropre. On
détourne, on calme un orage, on s'y dérobe, on
le brave, etc. On ne le vainc pas. {Remarques
sur Corneille.)
Orageux, Orageuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent: Une mer orageuse, un temps
orageux, une saison orageuse. — Une cour ora-
geuse, une rie orageuse, une liberté orageuse.
Ces orageuses délibérations. Voyez Adjectif.
Oraison. Subst. f. Discours. Subst. m. Ces
deux mots, en gn:mmaire, signifient également
}'éi)pnciation de la pensée par la parole, et en
cela ils sont synonymes.
Dans le discours, on envisage surtout l'analogie
et la ressemblance de renonciation avec la pen-
sée énoncée. Dans Voraison, on fait plus d'at-
tention à la matière physique de renonciation,
et aux signes vocaux qui y sont employés. Ainsi
lorsqu'on dit en latin, ÎJens est œternus ; en
français, Dieu est éternel; en italien eterno è
iddio; en allemand, Gotl isl ewig, c'est toujours
le même discours, i>arce que c'est toujours la
môme pensée énoncée par la parole et rendue
avec la même fidélité ; mais Voraison est différente
dans chaque énonciation, parce que la morne
pensée n'est pas rendue partout par les mêmes
signes vocaux; Icgi tuas lilteras, tuas legiUtle-
ras, litteras tuas legi, c'est encore en latin le
même discours, parce que c'est renonciation
fidèle de la même pensée. Mais quoi(iue les mô-
mes signes vocaux soient employés dans les trois
jihrases, Votaison n'est pourtant pas tout à fait
k même, parce que l'ensemble pliysi(pje de re-
nonciation varie de l'une à l'autre.
Le discours est donc plus intellectuel; ses
parties sont les mêmes que celles de la pensée,
le sujet, l'attribut, et les divers comidéments né-
cessaires aux vues de renonciation; il est du res-
sort de la logique.
L'oraison est |)lus matérielle; ses parties sont
les différentes espèces de mots, l'interjection, le
nom, le |)ronom, l'adjectif, le verbe, la préposi-
tion, l'adverbe et la conjonction, que l'on nomme
les parties d'oraison. Elle suit les lois de la gram-
maire.
Le style caractérise le discours et le rend pré-
cis ou diffus, élevé ou rampant, facile ou em-
barrassé, vif uu froid, etc. La diction caractérise
Voraison, et fait (pi'clle est correcte ou incor-
recte, claire ou obscure, etc.
L'étymologie peut servir à confirmer la dis-
tinction que Ion vient d'établir entre disrours et
oraison. Lc mot discours, en latin discursus,
vient du verbe discurrere, courir de place en
place, ou d'idée en idée, parce <iue l'analyse de
la pensée, qui est VoW]H du discours, lîionlrc
l'une après l'autre les idées partielles, et passe
en quelque manière de l'une à l'autre. Le mot
ORA
oraison est lire immédiatement du latm oratio,
formé i!i'nratum, supin A'orure ; et orare ^ U'iC
première origine dans le génitif oris, du nom os,
bouche, (|ui est le nom d(> l'iiisliument organique
du matériel de la parole. Orure, faire usage de
la bo'jcbe pour énoncer sa pensée; oratio, la
maliéro physique do l'énoncinlion.
J'ajouterai ici ce qu'a écrit M. l'abbé Girard
sur la différence des trois mots harangue, dis-
cours, oraison. Quoiciu'il prenne ces mots re-
lativement à l'éloquence, on verra néanmoins
qu'il mot entre les deux derniers une distinction
de même nature que celle que j'y ai mise moi-
même.
« La harangue, dit-il, en veut proprement au
cœur; elle a pour but de persuader cl d'émou-
voir; sa beauté consiste à être vive, forte et
touchante. Le discours s'adresse directement à
l'esprit; il se propose d'expliquer et d'instruire;
sa beauté est d'être clair, juste et élégant. Vo-
raison travaille à prévenir l'imagination ; son
plan roule ordinairement sur la louange ou sur
la critique ; sa beauté consiste à être noble, dé-
licate et brillante. Lc capitaine fait à ses soldats
une harangue pour les animer au combat. L'a-
cadémicien prononce un discours pour dévelop-
per ou pour soutenir un système. L'orateur pro-
nonce une oraison funèbre pour doimci ., l'as-
semblée une grande idée de son héros.
« La longueur de la haran'iun ralentit queliiue-
foisle feu de l'action. Les fleurs du discours g^
diminuent souvent les grâces. La recherche du
merveilleux dans Voraison, fait perdre davantage
du vrai.«
Ainsi il en est du discours ciàcV oraison dans
le langage des rhéteurs, comme dans celui des
grammairiens; de part et d'autre le discours est
l)our l'esprit, parce qu'il en représente les pen-
sées; Voraison est pour l'imagination, parce
qu'elle représente d'une manière inalériellc et
sensible. (Beauzée.)
Or,Ai., Orale. Adj. qui ne se met qu'après son
s\ihst. : Loi orale, tradition orale.
Ce mot, dans l'usage ordinaire, signifie qui
s'expose de bouche ou de vive voix ; et on l'em-
ploie principalement pour marquer quelque chose
de différent de ce cpii est t'crit : La tradition
orale, la tradition écrite.
En grammaire, c'est un adjectif qui sert à dis-
tinguer certains sons ou certaines articulations
des autres éléments semblables.
Un son est oral, lorsque l'air qui en est la
matière sort entièrement par l'ouverture de la
bouche, sans qu'il en refiuc rien par le nez. Une
articulation est orale., quand elle ne fait refluer
par le nez aucune partie de l'air dont elle mo-
difie le son; tout son qui n'est puni oral est
nasal; il en est de même des articulations.
On appelle aussi voyelle ou consonne orale,
toute lettre qui représente ou un son oral, ou
une articulation orale.
Orangé, Orangkk. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Du taffetas orangé, des rubans
orangés, salin orangé. ■
Orateur. Sui)St. m. Je i>ense que si l'on parlait
d'une femme, il faudrait dire une femme ora-
teur, comme on dil«;je funuue auteur. Delille
a dit orateur du crime {Enéide, Yl, 688) :
Ulysse les suivait, cet orateur du crime.
Oratoire. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : L'art orqtoire, discours
ORE
aratoire, slyJc oratoire. A'oycz Accent, Harmonie,
Style.
Oratoiremem. Adv. Il se met après le verbe :
Il a parlé oratoirenient, et non pas il a oratoi-
reme lit parlé.
Oratorio pu Oratoire. Subst. m. Espèce de
drame en l.ilin ou on lansue vulgaire, divisé par
scènes, à l'imitation des pièces de thcàlre, mais
qui roule toujours sur des sujets pris de la
religion, et qu'on met en musi(]ue pour être
exécuté dans quelque èdise durant le carême,
ou en d'autres temps. Le' mot oratorio est em-
prunté de l'italien.
Orbiculaire. Adj. des deux genres : Mouve-
ment orbiciilaire. figure orbiculaire. I.a Fontaine
a dit : L'orbiculaire image. A'oyez A'IJcctif.
Orchestre. Subst. m. On prononce orkestre.
Autrefois on faisait ce mot féminin. Aujourd'hui
on ne le fait plus que masculin.
Ordinaire. Adj. des deux genres: État ordi-
naire des choses; le cours ordinaire de la na-
l"re; usage ordinaire, procédé ordinaire, lan-
gage ordinaire. — Un homme ordinaire, un
esprit ordinaire. Il se met rarement avant' son
subst. Cependant Boileau a dit {Sat. X 341) •
ORG
Mù
mie dit avoir l'oreille d'un ministre. Racine a
dit dans le même sens (Athalie, act. III
se. m, 74) : '
/'approchai par degrés de l'oreille des rois.
Ce récil passe un peu l'ordinaire mesure.
Ordi\aire.ment. Adv. On peut le mettre entre
1 auxiliaire et le participe: Il est ordinaire-
ment levé à six heures.
Ordinal. Adj. m. qui ne se met qu'après son
subst. : Nombre ordinal.
Les nombres ordinaux se mettent ordinaire-
ment entre l'article et le substantif qu'ils modi-
lient : Le premier jour, le trni.Hème mois V
/ année. Avec certains noms propres, le nombre
ordinal se me! après le subst : François premier
Henri second. On dit aussi, dans les citations.
lirre second, chapitre troisième. — Les nombres
ordinaux formant leur adverbe en ajoutant ment
a ceux qui Imissent par un e muei, et ement à
ceux qui finissent par une consonne : Premier,
second, premièrement, secondement ; troisième'
V;atrième,tnnsièmement,quatrièmement.Yoycz
\ ombre. '
Ordom!v.ui;or. Subst. m. On lui donne quel-
quefois un féminin: Elle a été ^'ordonnatrice de
la fête. (Acad. JS35.)
Ordon.>er. V. a. de h 1" conj. Disposer
mettre en ordre. Voltaire dit, dans ses Remai^
ques sur Corneille, qu'il est plus énergique
qu arranger, disposer. — Dans le sens de com-
mander, prescrire, il régit de avec l'infinitif, lors-
qu II a un régime indirect : On a ordonné d votre
frère de partir; et que avec le subjonctif quand
I n a point de nom en rcgime : Votre père a or-
dm>,e(]ue vous le fissiez. Cependant Voltaire a
dit dans Oreste (act. III, se. iv, 20) :
Il règne, c'est usez; el le ciel nous ordonne
Que, sans peser ses droits, nous respections son trône.
En prose, il faudrait dire nous ordonne de res-
pecter, ou ordonne que nous respections
Ordre. Subst. m. On dit mettre ordre à quel-
que chose, el donner ordre à quelqu'un de faire
quelque chose. Mettre ordre n'a point de pluriel
m^ifn. .rj '"""'■^/''^ "'•'^'■'^ à quelque chose,
mais on an donner des ordres
Orddrier, ORDCRiÈnE Adj. Qui se plaît à dire
des ordures, des paroles sales et déshonnêtes. Il
ne se met qu après son subst. .• // est ordorier.
Oreule. Subst. L On mouille les Z. L'\cadé-
Oremus. Subst. m., tiré du latin. On prononce
le 5 final.
Orgamque. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Corps organique.
Orge. Subst. f. On le faisait auirof(Ms mascu-
lin. Il a plu à l'Académie de le faire féminin et
on l'a fait féminin : De l'orge bien levée, de belles
orges. Cependant il est resté masculin dans ces
deux phrases : De l'orge mondé, de l'orge perlé
L'Académie aurait pu, et peut-être dû, le faire
féminin dans ces deux expressions.
Orgeat. Subst. m. On ne prononce pas le ^.
Orgue, ou Orgues. Subst. Il est masculin au
singulier et féminin au pluriel : Un bon orgue,
de belles orgues.
Faut-il dire c'est une des plus belles orgues,
on un des plus beaux orgues, ou un des plus belles
orgues? Les grammairiens ne sont pas d'accord
sur ces locutions. La règle d'accord, dit l'un
d'eux , semblerait autoriser c'est un des plus
Mies orgues. En suppléant ce qui manque (Jans
cette phrase elliptique, nous aurons c'est ur
orgue du nombre des plus belles orgues; or, ur
correspond à orgue au singulier, qui est ma.scu-
lin, il devrait donc en prendre le senre. .Mais ce
serait une bizarrerie trop frappante de présenter
dans la même phrase le même substantif sous
deux genres différents. Ainsi celle iihrase ne peut
être tolérée. Les deux autres, n'étant pas dans
l'accord, ne peuvent pas l'être davantage, suivant
ce grammairien.
Domcrgue pense que c'est déjà une bizarre-
rie de donner à un substantif un genre au sin-
gulier et un autre genre au pluriel; mais il croit
qu'elle serait bien plus frappante, si elle se trou-
vait dans la même phrase. Il est d'avis qL-3, dans
le cas proposé, orgue n'adopte ipi'un senre, et
c'est le masculin, soit parce qu'il est' le plus
noble, comme le disent les grammairiens, soit
parce qu'ayant clé employé le premier, c'est à
lui à donner l'ordre. La Grammaire des Gram-
viaires, embarrassée dans la diversité de ces opi-
nions, pense qu'il faut éviter ces phrases, et
prendre un autre tour.
Quant à nous, nous pensons avec Domcrgue,
que c'est une irrégularité choquante de faire uiî
mot masculin au singulier, et féminin au pluriel;
que c'en est une bien plus grande encore de le
faire dans la même phrase et masculin et fémi-
nin; et qu'il faudrait qn'orgue n'eût qu'un wnre
dans ces sortes de phrases. Nous ajoulons~qu'il
taudrait partout ne lui en donner (ju'un , mais
que dans le choix, on devrait préférer le féminin,
à cause de la terminaison féminine du mot.
La prétendue noblesse du masculin est ridicule;
et, si l'on faisait ce mot féminin, ce eenre serait
employé le premier, et réglerait le reste. On doit
donc dire, suivant nous, c'est une des plus belles
orgues. Nous disons qu'on doit le dire, mais
nous ne disons pas que cette locution serait gé-
néralement reçue. C'est au lecteur à se dé-
cider.
Orgueil. Subst. m. En voyant ce mot ainsi
écrit, on pourrait croire qu'il faut prononcer or-
glieil, car \'ii n'étant là (luc pour donner au g la
prononciation forte qu'il n'aurait pas devant \'e,
il ne reste que eil à prononcer avec le y. Il fau'
33
u
ORT
■ononcor comme si l'on écrivait orgueuil, et
sioiiillcr \i l final.
On dit pnr cllip?0, Vorgueil de la naissance,
f orgue il des richesses :
Xons ne connaissons point l'orgueil de la naissance,
(Volt., JfoAom., act. I, se. ii, 41.)
Oser d'un luxe vain fouler am pieds l'orgueil.
(Dblil., Én^td., VIII, 495)
Orgueil se prend qnelqucfois en bonne part :
Un noble orgueil.
J'aime, je l'aToûrai, cet orgueil généreux
Qui n'a jamais fléchi sous le joug amoureux.
(Rac, Ph*d., act. Il, se. l, 77.)
Ofcceillecsement. Adv. On peut le mellrc
entre rnuxiliairc ci. le participe : // a répnndu
nrgveillevsement. Il a orgueilleusement parlé de
ses richesses.
Or.GDEiLLECx, Ohcceillecse. Adj. On peut le
mettre avant son suhst. , lorsque l'analoçic ot
l'harmonie le pormellcnt : U/i Jiomme orgveiUeu.T,
une fe'rme orgueilleuse. — Un air orgueillcu.T,
un ton orgueilleux, des manières orgueilleuses.
— Des orgueilleux transports, V orgueilleuse co-
lère. Voyez Adjectif.
Cet adjectif régit quelquefois la préposition de
avant les noms et avant les veibes: Il est orgueil-
leux de ses bons succès. (Acad). Il est orgueil-
leux d'avoir remporté le prix.
Orient. Voyez Lerant.
Or.iESTAr,, fJr.iKNTAi.E. Adj. Il ne se met qu'a-
près son siibst. : Pays oriental, régions irienta-
les, peuples orientaux. — Langues ovtenlalcs.
Op.iGiNAir.E. Adj. des deux çenres, qui ne se
met qu'après son subst. : Un honnne originaire
de Languedoc, des peuples originaires de Ger-
manie.
Originairement. Adv. Il se met après le verbe:
Ce mot-lù vient originairement du nrec. — L'A-
cadémie dit cet homme, cette famille est ori-
ginairement d'Allemagne. Féraud observe avec
raison qu'on doit dire être originaire, et vient
originairement de, etc.
Original, Originale. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un tableau original, une statue
originale, titre original, un acte original. — Un
auteur original, des écrivains originaux.
Substantivement, on ne le dit des personnes
qu'en mauvaise part, pour signifier un homme sin-
gulier en quciiiue chose ^\m le rend ridicule :
Cest un original, un vrai original, un franc
original. Original n'est plus admis dans le style
noble. 11 fait au pluriel masculin originaux.
Origine. Subst. f. Voltaire a dit dans Oreste
^acl. Il, se. V, 9):
De votre sang soolcnir l'origine.
La Harpe dit, à l'occasion de ce vers, on soutient
Vhonneur, la dignité, les droits du sang ; on
n'en soutient pas l'origine. {Cours de littéra-
ture.)
OiuciNEL, Originelle. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Justice originelle, grâce ori-
ginelle, péché originel.
Or,iG;NELLEMr.NT. Adv. Il se mol après le verbe:
L'homme est originellement pécheur.
Orthodoxe. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Auteur orthodoxe, doctrine
orikodoxe.
ORT
ORTHOGRAPnE. Subsl. f. Tcrmc de grammaire.
Ce mot, jinr sa valeur élynmlogique , signifie
peinture ou représenlutioii régulière. Dans le
langage des grammairiens ipii se sont approprié
ce terme, c'est, ou la représentation régulière de
la parole, ou l'art de représenter régulièrement la
parole.
Il ne peut y avoir qu'un seul système de prin-
cipes pour peindre la parole qui soit le meilleur
et lovéritable; car il y aurait tmp d'inconvénients
à trouver bons tous ceux ([uc l'un peut imaginer.
Cependant on donne également le nom d'orZ/fo-
graphe à tous les systénies d'éeriture que diffé-
rents auteurs ont publiés; cl l'on dit l'orthographe
de Dumarsais,de DucU)S,de f^oltaire, etc., pour
désigner les systèmes particuliers que ces écri-
vains ont publiés ou suivis. C'est que la régula-
rité indiquée par Tétymologie du mol n'est autre
chose (pie celle (lui suit nécessairement de tout
corps syslémaiicpie de princi|)cs, ipii réunit tous
les cas pin liiuliers sous la même loi.
Aussi n'appcllo-t-on pas orthographe la manière
d'écrire des gens non instruits, (|ui se rappro-
chent tant qu'ils peuvent de la valeur alphabéti-
(pie des lettres, qui s'en écartent en queUiucs cas,
lorsqu'ils se rappellent la manière dont ils ont vu
écrire (pielques mots; qui n'ont et ne peuvent
avoir aucun égard aux différentes manières d'é-
crire qui résultent de la différence des genres,
des nombres, des personnes, et autres accidents
arammaticaux; en un mot, qui n'ont aucun prin-
cipe stable, et qui donnent tout au hasard; on
dit simplement qu'ils ne savent pas l'orthogra-
phe, qu'ils n'ont point d'ortlv graphe, qu'il n'y
en a point dans leurs écrits.
Si tout système d'orthograjibe n'est pas admis-
sible, s'il en est un qui mérite sur tous les
autres une préférence exclusive, lâchons d'en
assiancr ici le fondement, et d'indiquer les carac-
tères qui le rendent reconnaissable.
Une lansTue est la totalité des usages propres à
une nation pour exprimer les pensées' par la voix.
D'où vient celle ncccssiié de ne reconnaître dans
les langues que les décisions de l'usage? C'est
(jue l'on ne parle que pour être entendu; que l'on
ne peut être entendu qu'en employant les signes
dont la signification est connue de ceux pour qui
on les emiiloie; qu'y ayant une nécessité indis-
pensable d'employer les mêmes signes pour tous
ceux avec qui l'on a les mêmes liaisons, afin de ne
pas être surchargé i>ar le grand nombre, ou em-
barrassé par la dislinition qu'il faudrait en faire,
il est l'galemenl nécessaire d'user des signes con-
nus d'^aiitorisés par la multitude; et que, pour y
parvenir, il n'y a pas d'autre moyen (]uc d'em-
ployer ceux qu'emploie la multitude elle-même,
c'est-à-dire ceux qui sont autorisés par l'usage.
Tout ce ipii a la même lin et la même univer-
saliié doit avoir le même fondement, et l'écriture
est dans ce cas. C'est un autre moyen de com-
muniquer ses [len^^^ées, p;ir la peinture des sons
usuels qui en constiuicnt l'expression orale. La
pensée, étant purement intellectuelle, ne peui cire
représentée par aucun signe matériel ou sensible
qui en soit le type naturel. Elle ne peut relie que
par des signes conventionnels, et la conreiition
ne peut être autorisée ni connue que par l'usage.
Les productions de la voix, ne pouvant être <pie
du ressort de l'ouïe, ne peuvent pareillement être
I représentées par aucune îles choses qui ressor-
tisscnt au tribunal des autres sens, à moins d'une
convention qui établisse entre les éléments de
la voix et certaines figures visibles, par exemple,
os
la relation nécessaire pour fonder celte siçnifioa-
lion. Or, coite convention est île nièiiie n;itiiie
que la première: c'est l'usage qui doit l'autoriser
cl la faire coniiaiire.
11 y aura peut-être des articles de celte con-
vention (lui auraient pu être plus généraux, plus
analogues à d'autres articles anlécédeuls, plus
aisés à saisir, plus l'acilcs et plus sim|)Ies à exé-
cuter. Qu'importe? vous devez vous conformer
aur décisions de l'usage, (luclque capricieuses et
quelque inconséquentes qu'elles puissent vous
paraître.
Nul particulier ne doit se flatter d'opérer subi-
tement une révolution dans les choses qui inlc-
rcssent toute une grande société, surtout si ces
choses ont une existence permanente; et il ne
doit pas i)lus se promettre' d'altérer le cours des
variations des divises dont l'existence est passa-
gère et dépendante de la multitude. Or, l'expres-
sion de la pensée par la voix est nécessairement
variable, parce (ju'elle est iiassagérc, cl que par
la elle fixe moins les traces sensibles qu'elle peut
mettre dans rimaginalion. Au contraire, l'expres-
sion de la parole par l'écriture est permanente,
parce qu'elle offre aux yeux une image durable,
que l'on se re|iréscnte aussi souvent et aussi
longtemps qu'on le juge à propos, et qui par
conséquent fait dans l'imagination des traces plus
profondes. C'est donc une iirétention cliiniérique
que de vouloir mener l'ccriLure parallèlement
avec la parole; c'est jjervertir la nature des
choses, donner de la mobilité à celles qui sont
essentiellement i-ermanenles, et de la stabilité
a celles ([ui sont essentiellement changeantes et
variables.
Devons-nous nous plaindre de l'incompatibilité
des natures de deux choses qui ont d'ailleurs
entre elles d'autres relations si intimes? Applau-
dissons-nous, au contraire, des avantages t]ui
en résultent. Si l'orthographe est moins sujette
que la voix à subir des changements de forme,
elle devient par la môme dé|)osilaire et léiiioiu
de l'ancienne prononciation des mots, et elle fa-
cilite la connaissance des élymologies. Voyez
Né(graph is m e .
On trouve les règles générales de l'orthographe
aux divers articles de grammaire qui y ont rap-
port, et les règles particulières aux mots suscep-
tibles de quelque observation relative à cette
matière.
OnTHOGR.\pniQiJE Adj. des deux genres qui
ne se met qu'après son subst. : Diclioniiaiie
orthi graphique.
Orthologie. Subst. f. Terme de grammaire
adopté par quelques grammaiiiens. La gram-
maire considère la parole dans deux étals, ou
comme prononcée, ou comme écrite : voilà un
motif bien naturel de diviser en deux classes le
corps entier des observations grammaticales.
Toutes celles ipii concernent la parole prononcée
sont de la première classe, à laquelle on a donné
le nom d'arthologie, parce (jue c'est elle qui
apprend tout ce qui appartient à l'art de parler.
Toutes celles (|ui regardent la parole écrite sont
de la seconde classe, qui est ajipelée urlhngruphe,
parce que c'est elle qui apprend l'art d'écrire.
Os. Subst. m. Gatlel prétend qu'on doil pro-
noncer le A- final, surtout au singulier et à la fin
de la phrase. C'est probablement d'a|)rès cet
auteur (juc tant de beaux parleurs et de belles
parleuses aifecient de pronoacer ce mol comme
si l'on écrivait osse. On ne prononce pas ce 5
final, à moins que le mot os ne soit suivi immé-
ou
515
diatement d'un mot commençant par une voyelle
on un h non aspiré : Ses us êiaienl cariés. Un
amas d'os ci de chairs.
OsEiî. V. a. et n. de la 1" conj. Dans le sens
neutre, on supprime souvent pas : Je n'ose, je
n'oserai Vous le dire; je n'oserai le faire. Mais
quand ce verbe est actif, il faut mellre ne pas :
f^ous a m'es raison de ne pas l'oser. Féraud
condamne en conséquenco celte phrase tie lios-
suet : Il a fait ce que l'auire n'avait osé. 11 fallait
dire n'avait pas osé.
Ostensible. Adj. des deux genres qui ne se
mel iju'après son subst. : Lettre ostensible, in-
structions ostensibles, par opposition à instruc-
tions secrètes.
Ostensiblement. Adv. 11 se met après le verbe :
Je lui ai écrit ostensiblement, et non pas, je lui
ai ostensiblement écrit.
*0sTENT.\TEUr., OSTENTATRICE. Adj. Mot HOU-
veau employé par J.-J. Rousseau : Un régime
purement négatif n'est pas celui qui convient à
une philosophie ostenlalricc (/i/i /je veut que des
œuvres d'éclat, et n'apprend rien tant à ses sec-
iateurs qu'à beaucoup se montrer. {Rousseau
juge de Jean-Jacques, 2' dial.)
Ou. Conjonction atlernalivc. Il faut remarquer
qu'on ne mel jamais l'accent grave sur 1'» de ou
conjunclion. On peut le répeter devant chacun
des mots qu'il joint, ou ne le mettre (pic devant
le second : Ou vous ou lui ; vous nu lui ; vous ou
lui ou moi. 11 se joint (luclquefois avec bien,
dans le discours familier, ou lorsiju'on veut le
mieux distinguer de l'adverbe où. — Après ou,
il faut répéter l'article, le [ironom, ou la pré[ osi-
lion, dont on s'eslservi auparavant. Corneille a dit :
Ucduit à te déplaire, ou saufTrir un atTronl.
11 fallait répéter la préposition, et dire réduit à
te déplaire ou à souffrir un affront. — Lorsque
soit doit être redoublé, on mel (pieliiuefois ou au
lieu du second soit : Soit que vous ayes fait
cela, OH que vous ne l'ayez pas fait. — Ou ne
doil élre employé que dans le sens affirmalif.
Dans le sens négatif on se sert de ni. C'est donc
avec raison qu'on a critiqué ces vers de Corneille
{Cid, acl. I, se. I, 5, éd. de Volt.) :
Ce n'est pas que Cliimène écoute leurs soupirs,
Ou d'uo regard propice anime leurs désirs.
Il fallait mettre ni d'un regard propice.
On a demandé s'il faut dire lequel des deux fut
le plus intrépide, de César ou A' Alexandre'^ ou
en supprimant la préposition de, lequel des deux
fut le plus intrépide. César ou Alexandre f 11
est certain (jue plusieurs écrivains emploient de
dans ces occasions, et que d'autres l'omeitcnt.
(^)uelques grammairiens se sont élevés contre la
première de ces locutions, et onl exposé ainsi
leurs raisons :« L'analyse fait coimaitre le vice
de celte locution. Dans cette phrase, lequel des
deux fut le plus intrépide , de Cé:^ur ou d'A-
lexandre, je distingue trois propositions : d" Le-
quel des deux fut le plus intrépide ? 2° César
fut-il plus intrépidequ' Âlexandre'f Z" Alexandre
fut-il plus intrépide que César ^ César el Alexan-
dre fout donc chacun le sujet d'une proposiiion.
Or, le sujet d'une proposition ne saurait cire pré-
cédé d'une préposition; il doit être énoncé jiurc-
menl et simplement. Il s'ensuit donc (ju'on doit
dire lequel des deux fut le plus intrépide, César
ou Alexandre? C'csl ainsi que parlent les Latins,
les Anglais, les Italiens, et tous les peuples qui
516
OU.
onl une langue raisonncc. La prcposilion Je,
que l'on a iiiiioiiuile dans ces sorics de locutions,
ne i)cui élre reçardée comme euphonique; c'est
un terme né de l'ignorance; l'usage Va sanctionné
en quelque snric ; mais la raison, |ilus forte que
l'usage, veut enlin qu'on le proscrive.
Vous direz, par exemple, duquel des deux
a-t-on le plus honorablement parlé, de mon père
ou de vion - ncle'f parce que la proposition sous-
entendue est celle-ci : A-t-on parlé plus hono-
rablement de mon oncle que de mon pèrcf Ainsi,
de ce que, dans celte secon'de' phrase, duquel des
deux a-t-on, etc., la préposition do n'est em-
ployée (pie p;nce (pie le ternie interrogatif duquel
desdfux csi lui-même précédé de la préposition
de, on doit conrhire (juc, dans la première locu-
tion, lequel des deux fut le plus intrépide, etc.,
on ne doit jias employer la préposition de, parce
que le terme interrogatif, lequel des deux, n'en
est pas précédé. »
La Grammaire des Grammaires remarque
avec raison (]ue l'usage 7i'a point sanctionné la
locution que l'on condamne ici, cl les observations
qu'on vient de lire paniissenl d'autant plus justes,
qu'elles se trouvent confirmées par des exem|)les
tirés de nos meilleurs écrivains; Ils ne savaient
lequel ils devaient admirer darantage , OU un
roi de Suède qui, à l'âge de vingt-deux ans,
donnait la couronne de Pologne, ou le prince qui
la refusait. (Volt., Hist de Charles XIT, liv. II,
année 1704.) Lequel des deux a tort, ou celui
qui cesse d'aimer, ou celui qui cesse de plaire?
(Marmontel.)
Lamoignon, nous irons, libres d'inquiétude,
Chercher
Quel chemin le plus droit à la gloire nous gjiide.
Ou la vaste science ou la vertu tolide ?
(Boit., ^pttre VI, 153.}
Je ne sais, dans son funeste sort,
Qui m'afflige le plus, ou sa vie, ou sa mort.
(CORX., Rodog., ad. V, se. T, 7.)
OÙ. Adv. de lieu et de temps. Dans les phrases
interrogatives, il se met avant le verbe : Où
allez-vous? oit sont-ils?
On disait autrefois indifféremment, dans le
temps que j'étais jeune, ou dans le ternps où
j'étais jeune. On dit aujourd'hui dans le temps
OÙ j'étais jeune. Boileau a dit {Lutrin, II,
123):
Hélas : qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s'honoraient du nom de fainéants?
Il y aurait donc aujourd'hui quelque chose à
reprenàio dans ce vers de Racine [Britannicus,
act. I, se. 1, 'Jl) :
Non, non, le temps n'est plus 7U« Néron, jeune encore,
Me renvoyait les vœux d'une cour qui l'adore.
On dit bien oii pour dans lequel, auquel, dans
laquelle, à laquelle, dans lesquels, auxfiucls, dans
lesquelles, auxquelles, mais seulement quand il
s'agit de tenqisou de lieu. Le lieu où je suis, la
maison où je demeure, le siècle où il vivait.
Mais on ne dira p;is le bonheur, la félicité où ï!
aspire; ce sont des affaires où je suis intéressé;
il faut dire, le bonheur auquel j'aspire, la féli-
cité à laquelle j'aspire. C'est par celle raison
OUA
que d'Olivet trouvait insupportable ce vers dp
La Fontaine (Liv. 111, fable vu, 1) :
Chacun a son défaut, où toujours il revient.
Il fallait auquel tmijours il revient. On peut
reprocher le même défaut à ciîtte phrase de Mon-
tes(]uieu, c'est un mal où me9 amis ne peuvent
porter de remède. YIc lettre persane) Il a mieux
dit dans la phrase suivante : Sois assuré qu'en
(]iielque lieu du monde où je suis, tu as un ami
fidèle. (Montesquieu, i" lettre persane.)
Il faut avouer cependant (pie les poêles s'af-
franchissent de cette régie, parce que datis lequel,
dans lesquels, etc., ne sont pas des expressions
très-propres à entrer dans un vers :
Faites qu'en ce moment je lui puisse annoncer
Un bonheur où peut-être il n'ose plus penser.
(Rac, Be'rén., act. V, se i, 3.)
Je romps le joug funeste où les Juifs sont soumis.
(Rac, Etth., act. V, se. iv, 7.)
Reine, l'excès des maux où la France est livrée
Est d'autant plus affreux que leur source est sacrée.
(Volt., Henr., Il, 1.)
A'os premiers sentiments doivent tous s'elTacer
A l'aspect des grandeurs où vous n'osiez penser.
(Volt., Mahom., act. V, se. ii, 15.)
On dit aussi où au lieu de dont, mais seule-
ment quand il est ((uesiion de lieu ou de temps.
La maison d'où il est sorti, en parlant d'un
logis; lu maison dont il est sorti, en parlant de
race. D'après ce principe, AVailly trouve une
faute dans celte piiiase : Les alliés de Borne,
indignés et honteux tout à lu fois de connaître
pour maîtresse une ville dont lu liberté parais-
sait bannie; il fallait d'où, la liberté paraissait
bannie. — Dans le discours oratoire, quand il y
a plusieurs interrogations de suite, on ne met
quelquefois le verbe que dans la première, et on
le supprime dans les autres : Où sont, diront-ils,
les promesses de Jésus-Christ? où la fermeté
de son Église? OÙ la pureté tant vantée du
christianisme? (Bossucl.) Là rwcst une locution
dure, et par conséquent vicieuse. — On dit
familièrement d'oMr«>/(<7(/<?, au lieu Ae pourquoi;
mais il faut observer qu'alors le verbe doit être
précédé du pronom personnel qui lui sert de
sujet : D'oii vien t qu'il me gnmde ; a u lieu qu'avec
pourquoi, Ic pronom doit suivre le verbe : Pour-
quoi me gronde -t-il? On ne doit pas dire d'où
vient 7ne gronde-t-il ? — Où que, en quelque
lieu que:
Où que soit Rosidor, il le suivra de près,
Et je saurai changer ses myrtes en cyprès.
(Corn., CUtandre, act. IV, se. vu, U.)
Expression provmciale, mais que sa vivacité
elliiitiquc rendait digne d'élrc conservée. Marot a
dit admirablement [Léander et Héro, 135):
L'œil et le cœur de tous cens qui la virent,
Où qu'elle allât tous les jours la suivirent.
François de Ncufchateau a remarque celle locu-
tion dans Biifl'on et J.-J. Rousseau. (Ch. Nodier,
Examen cril. des dict.)
Ouate. Subst. f. L'Académie prétend que
l'on prononce ouète. Il nous semble que c'est
une erreur. Celle même Académie donne pour
OUI
exemple acheter de la ouate; ce qui ferait croire
que l'o de ce mol est aspiré; cependant elle donne
aussi les exemples suivants, où il ne l'est pas :
Une camisole d'uuate, une jupe doublée d'ouate,
vne couverture d'ouate. Boileau a dit (Lutrin,
IV, 44) :
Où sur l'ouate molle éclate le labls.
Il est possible que quelques couturières de
Paris disent rfe la ouate, ou de la ouète ; mais il
vaut ndeux, en ceci, imiter Boileau que les cou-
turières.
OuATEK. V. a. de la 1" conj. L'Académie pré-
tend qu'on prononce owè/er. Voyez Ouate.
Oubli. Subst. m. Il n'a point de pluriel.
Ol'bliance. Subst. f. Aieux mot que .Mercier
voudrait rajeunir: Ccqu'il y a déplus nécessaire
au repos, au hcnheur de la vie, c'est Toubliancc
des injures jiassées. — Ce mot dit quelque autre
chose qu'oiiùli; il indique la disposition habi-
tuelle, l'habitude d'oublier.
Oublier. V. a. de la 1"^ conj. On dit oublier à,
quand il s'agit d'un manque d'usage, d'habitude;
ainsi 0// oublie à danser, à lire, en no dansant pas,
en ne lisant pas. On dit oublier de, quand il s'agit
d'un manque de mémoire : J'ai oublié d'aller
en tel endroit ; j'avais oublié de vous dire que.
— Je nvublienii jamais d'avoir vu. beaucoup
pleurer une petite fille qu'on avait désolée avec
la, fable du Loup et du. Chien. (J.-J. Rouss.,
Emile, liv. II, t. vi, p. 156 )
Ces nuances délicates n'étaient i)as connues,
sans doute, du temps de Boileau, car il a dit :
J'oubliais à vous dire que les libraires me pres-
sent fort de donner une nouvelle édition de mes
ouvrages. {Lettre au R. P. Thoulier, 13 di'c.
A-lQ'ù .) ky\']o\\TÛ.'\nn\\ii\i"M\.: J'oubliais de vous dire,
elplusicuis éditeurs ont ainsi corrigé cette phrase.
Oublieux, Oublieuse. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Il est oublieux, elle est oublieuse.
Oui. Mot qui marque l'aflirination ; il est opposé
a non. Il se prononce ordinairement comme s'il
était écrit houi, avec un h aspiré. L'on écrit et
l'on prononce le oui, ce oui: Le oui et le non.
On le répète en vers sans qu'il fasse hiatus.
Oui, oui, celle TCrlu sera récompensée.
(Rac, Frères ennemis, act. III, se. m, 57.)
Oui, oui, TOUS me suivrez, n'en (louiez nnllemenl.
(Rac, >lndrom., ad. II, se. m, 1.)
Cependant cette répétition parait un peu dure, et
Racine l'a évitée dans ses antres pièces. On dit
je crois qu'oui. — Oui est souvent la réponse à
une intcrnisation, et alors il équivaut à une
phrase entière : Jvez-vous fait cela? Oui, c'csl-
a-dire j'ai fait cela. — Il se dit quelquefois
absolument, et se met comme incise au com-
mencement dune phrase : Oui, je le soutiendrai
devant tout le monde. Y oyez Apostrophe.
Ou'i-DiRE. Subst. m. Ce nom étant composé de
deux mots qui ne prennent point de s au pluriel,
on ne peut en mettre ni à l'un ni à l'autre; et on
dit au pluriel, des ouï-dire.
Ou'i'r.. V. a. irrégulier et iléfectueux de la 2'
conj. On disait autrefois -.j'ois, tu ois, il oit;
nous oyons, vous oi/ez, ils oient. On disait, à
l'imparfait, j'oyais; au futur, j'oirai; mais il
n'est plus employé maintenant ([u'au passé simple
de l'indicatif: j'ouïs, il ouït; à l'imparfait du
subjonctif, que j'ouïsse, qu'il ouït; à l'infinitif,
ouïr; et aux temps composés qui se forment
OUT S17
avec l'auxiliaire avoir et le iKirlicipe passé oui,
ouïe.
Corneille a dit dans le Menteur (act. I, se. vi,
édit. de Folt.) :
Quand je vcu3 o:« parler de guerre et de tourments.
Voltaire a dit, au sujet de ce vers : Je vous ois
ne se dit plus. Puunpioi ? Cette diphthongue
n'est-ellc pas sonore? Foi, loi, crois, buis, révol-
tent-ils l'oreille? Pourquoi rinlinitif ouïr est-il
resté, et le présent est-il prosrril? La syntaxe es',
toujours fondée sur la raison. L'usage et l'abo-
lition des motsdéi)endent queli|iiefois"du caprice;
mais l'on peut dire que cet usage tend toujours à
la douceur de la pronoiicialion."'j(? l'ois, j'ois, est
sec et rude; on s'en est défait insensiblement.
{Remarques sur Corneille.)
Ourdir. Y. a. de la 2'^ conj. L'Académie dit
au figuré : Ourdir une trahison ; c'est lui qui a
ourdi celte trahison. — Il s'emploie ligurémenl
avec d'autres mots ; on dit, par exemple, ourdir
un ouvrage. Si j'osais vous donner un conseil,
dit '\^oltaire, ce serait de songer à être simple,
« ourdir votre ouvrage d'une manière bien na-
turelle, bien claire, qui ne cotUc aucune atten-
tion à l'esprit du lecteur. (Correspondance.)
Outil. Subst. m. On ne prononce point le /.
Outiller. V. a. de la 1"^ conj. On dit fami-
lièrement d'un ouvrier, qu'il est bien ou mal
outillé, pour dire qu'il a de bons ou de mauvais
outils, ou qu'il a beaucoup ou peu d'outils.
Outrageant, Outrageante. Adj. verbal tiré du
V. outrager. Ou peut le mettre avant son subst.,
Inrsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Des paroles outrageantes, ces outrageantes pa-
roles; un procédé outrageant, cet outrageant
procédé; il ne se dit que des choses. Voyez Adr-
jectif, Outrageux.
Outrager. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours être prononcé comme un j ;
cl jiour lui conserver celte prononciation lors-
qu'il est suivi d'un « ou d'un o, on met un e
muet avant cet a ou cet o : J'outrageai, j'outra-
geais, et non \r^s j'outragai, j'outragais. L'Aca-
démie ne le dit ijuc des personnes. Voltaire a
dit dixns l'Enfant prodigue (act. 111, se. v, 88) ;
J'ai de tous deux outragé la tvndreste.
On dit outrager quelqu'un de paroles ; mais c'est
le seul cas où l'on dise outrager de quelque chose.
On ne dit pas il l'a outragé de termes injurieux,
les terjues dont vous m'avez outragé. Cette règle,
qui est certaine en i)rose, n'est pas toujours
respectée par les poètes; et Racine a dit élé-
gamment dans Iphigénie (act. III, se. vi, 62) :
Croyez qu'il faut aimer autant que je vous aime,
Pour avoir pu souiïrir tous tes noms odieux
Dont votre amour le vient d'outrager à mes yeui.
On ne dirait point en prose, vous m'avez outragé
de noms odieux.
Outrageusement. Adv. II se met après le verbe :
Il 7n'a traité outrageusement , et non pas il m'a
outrageusement traité. On l'a battu outrageuse-
ment.
Outrageux, Outrageuse. Adj. On peut queU
quefois le ineitie avant son subst. : Des paroles
outrageuscs, ces outrageuses paroles. "Voltaire a
dit, au sujet de ce vers de Corneille {Polyeucte,
act. V, se, 11,61) :
Cosse de me tenir ce discours outrageux.
518
OUV
Le mot outrageux n'est pas usité; mais plusieurs
auteurs s'en sont heureusement servis. Nous ne
sommes pas assez riches pour nous priver de ce
que nous avons.
Je pense qu'il y. a quelque différence entre
outrageux <i\. outrageant. Outrageant me scnible
avoir rapport i);irliculiéroment à l'ariiuii, au geste,
au ion; cl outrageux a la nature de la chose. Je
dirai donc à quelqu'un que je crois avoir eu
intention de m'outrager : f^ous m'avez adressé
des paroles outrageantes , c'est-à-diro par les-
quelles vous avez eu intention de m'oulragcr.
Mais on pourni me répondre : Comment pouvcz-
vous a|)peler outrageantes, des paroles (jui no
contiennent rien &outrageux? On pourra diio,
un geste, un regard outrageant ; on ne dirait [«as,
un geste, un regard outrageux.
OuTf.K. Préposition. Corneille a dit dans IIc-
raclius (act. III, se. i, 125):
Outre que le succès est encore à douter.
Outre que, dit Voltaire, à l'occasion de ce
vers, ne doit jamais entrer dans un vers héroïque.
{Remarques sur Corneille.)
OLTnLcciD.t.\cE. Subst. f. Il est vieux. Voltaire
s'en est servi : Quant à l'attraction, voici trcs-
naïvcmcnt ce qui m'a déterminé à en parler avec
tant d'outrecuidance. {Correspondance.)
Odtrer. y. a. de la 1" conj. C'est excéder la
juste mesure. On dit, des pensées outrées, vue
déclamation outrée, une plainte outrée, des pas-
sions outrées. Mais où c>t la règle de ces choses?
Qui est-ce qui a fi.xc le point en deçà duquel la
C'hoseesl faillie, et au delà duquel elle est outrée?
Qui est-ce qui a donné au public, mêlé de tout
état et de toute condition, ce tact délicat qui,
dans la représentation d'une pièce, lui fait dis-
cerner un sentiment juste d'un sentiment outré,
une expression vnie d'une expression fuusse? H
le fait souvent de manière à étonner les hommes
du goût le plus délicat.
OcvERTE-MENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parlicipc : Jl m'a déclaré ouver-
tement ce qu'il pense, OU il m\i ourertcment
déclaré ce qu'il pense. On peut le mettre avant
OU après l'adjectif qu'il modifie : // est ourer-
iement ambitieux , OU il est amUitieux ouverte-
ment.
Odvkrtuke. Subst. f. Dans le sons figuré d'ex-
pédients, on dit donner des ouvertures, et non
pas faire des ouvertures. Combien d'ouvertures
a-t-il données? (Fléchier. ) — Dans le sens
d'avis, de proposition, on dit faire, et non pas
donner : Il ft une ouverture qui plut à tout le
monde.
Ouvrable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Un jour ouvrable, des
jours ouvrables.
Ouvrage. Subst. m. On dit ouvrage de l'esprit,
et ouvrage d'esprit, et ces deux expressions ne
signifient pas la même chose. L'esprit a part à
l'un et à l'autre: mais on entend pai' »■ v rage de
l'esprit un ouvrage de la raison et de cetie intel-
ligence qui dislingue l'homme delà bêle; et par
ouvrage d'esprit, un ouvrage de la raison polie,
de celle fine intelligence qui distingue un homme
d'un autre homme. Tour ce (jue les hommes
Inventent dans les sciences et dans les arts est
un imvrogp de l'esprit. I.es compositions ingé-
nieuses des gens de lettres, suit en prose, soit en
vers, sont des ouvrages d'esprit : Les systèmes
OUV
aes regfes qui constituent la logique, la rhéto-
rique, la poétique, sont de beaux ouvrages de
l'espril; le Lutrin, la Ilenriude, Jthalie , le
Tartufe , sont d'excellents ouvrages d'esprit.
(Beauzée, Synonymes.)
On appelle ouvrage d'esprit une composition
d'un homme de lettres faite in'ur communiquer
au public et à la postérité iinrliiuo chose d'in-
structif ou d'amusant. L'histoire d'un ouvrage
renferme ce (jue l'ouvrage contient , et c'est ce
qu'on ap[)clle ordinairement extrait ou analyse.
Le corps d'un ouvrage consiste dans les matières
qui y sonl traitées; entre ces matières il y a un
sujet principal, à l'égard duquel tout !<• reste est
seulement accessoire. Le plan d'un ouvrage
consiste dans l'ordre et la division de toutes ses
parties. La beauté d'un owrra^f? dépend l)eaucoup
du plan que l'auleiir s'est formé. L'intérêt d'un
ouvrage consiste dans le choix, l'ordre et la repré-
sentation de la. pensée. Le choix décide le sujet,
l'ordre élablif le plan, la représentation donne l
style. Si l'ouvrage affecte par le sujet, s'il saliS'
faU par le plan, s'il attache par le slyle, c'est un
ouvrage inlérossant. — L'n ouvrage est complet,
lor,s(pi"il contient tout ce qui regarde le sujet
traité. On dit q\i'uii ouvrage est' relativement
co///7)Ze^, lorsqu'il renferme tout ce qui était connu
sur le sujet traité pendant un cerLiin temps ; ou
si l'ouvrage est écrit dans une vue particulière,
on peut dire qu'il est simplement com|ilel, s'il
contient tout ce qui esl nécessaire pour atteindre
son but. Au contraire, on appelle incomplets les
ouvrages qui mamiuent de cet arrangement,
ou dans lesquels o:i trouve des lacunes cau-
sées par la perte de certains morceaux de ces
ouvrages.
On peut encore donner une division des ouvra-
ges d'après la manière dont ils sonl écrits, et les
distinguer en ouvrages obscurs, c'est-à-dire dont
tous Tes mots sont irop génériques, et qui ne
portent aucune idée claire et précise à l'esiirit;
on ouvrages prolixes, qui conlionneni des choses
étrangères et inutiles au iiut (lue l'auteirr paraît
s être proposé ; en ouvrages utiles, qui traitent
de choses nécessaires aux connaissances ou à la
conduite de l'homme; en ouvrages amusants,
qui ne sont écrits que pour divertir les lecteurs,
tels que les nouvelles, les contes, les romans et
les recueils d'anecdotos. ll/t bon ouvrage esl un
ouviage instructif et bien écrit.
Ouvrant, Ouvrante Adj. verbal tiré du v.
ouvrir. Il n'est d'usage que dans ces phrases, c
porte ouvrante, à portes ouvrantes.
Ouvrer. V. a. de la i^' conj. 11 esl vieux et ne
se dit plus que de la monnaie : Ouvrer la mon-
naie, fabriquer des esi)éces. — On dit adjective-
ment du linge ouvré, pour dire du linge de table
façonné, travaillé : Nappes, serviettes ouvrées.
— Du fer ouvré, du cuivre ouvré, travaillé,
pour le distinguer du fer en barres, du cuivre en
lames.
Ouvrier, Ouvrière. Adj. qui ne se met qu'a-
I)rès son subst. : Jour ouvrier , cheville ou-
vrière.
Il s'emploie aussi substantivement • U/i ouvrier,
une ouvrière.
Ce mot est de trois syllabes en vers :
Soyez plutôt maçon, si c'est rolre talent,
OuiTier estime dans un art nécessaire.
Qu'écrivain du commun et poète vulgaire.
(BoiL., .\.r.,IV, 26.>
PAG
518
La Fontaine, on citant ce proverbe, dit artisan
(liv. 1, fable xxi, i) :
A. l'œuvre 011 connail l'artisan.
Il fallait dire l'ouvrier. Il n'est pas permis de
chanijcr les mois d'un proverbe. On dit d'un
ouvrage <pi'un veut louer qu'il csl do main de
viaîtrc; La Hruyère a dit, en ce sens, de main
d'otirrier. C'est une faute. Tout ouvrage est fait
de main d'ouvrier; cl quand on dit de main de
maître, ou entend dislinguer les maîtres, que
l'on supjjuse plus habiles que de simples ouvriers.
— On ne dirait pas aujourd'liui ouvrier d'un
Eocle, comme Vaugelas l'a dit autrefois de Mal-
erbe. Ouvrier et artisan se disent au propre
seuls et sans régime; mais au figure, ils s'unis-
sent éléi;;unment a des noms avec la préposition
de. On "ne dit jwint d'un cordonnier qu'il csl
l'artisan d'un soulier, ni d'un menuisier cpi'il
est l'ouvrier d'une porte; mais on dit d'un
homme, pour le louer, qu'il est l'artisan de sa
fortune, qu'il a été l'ouvrier d'une révolution.
Ocviun. \. a. de la 1' conj. A'oyez Irrégnlier.
Voici (juclques exemples où ce verl)eest erniiloyé
dans des acceptions qui ne sont point indiquées
par l'Académie :
Uii antre loiiobrcux
Ouvre une houohe immcnit
(UuLit,., Èmid., VI, 305.)
K des tounnonts nouveaiiic tous mes sens sont ouvert».
(Volt., Oreste, acl. I, se. v, 9.)
Turnus ouvre à pas Icnls sa marclie solennelle.
(Delil., Éneid.,Xll, 259.)
Quelque accès m'est ouvert en ce séjour sacré.
(Volt., Somir., act. I, se. i, 108.)
J'espère que du moins un heureux avenir
A vos faits immortels joindra mon souvenir;
Et qu'un jour mon trépas, source de votre gloire,
Ouvrira le récit d'une si belle histoire.
(RàC, Jphig., act. V, se. H, 43.)
Ovale. Adj. des deux génies qui ne se met
qu'après son subst. : Une table ovale, une figure
ovale, un trou ovale.
Il est aussi substantif masculin.
Autrefois le substantif était féminin, et l'on
écrivait comme aujourd'liui ovalo ; mai-- depuis
qu'on le fait masculin, on lui a conservé la ter-
minaison féminine. Voilà sans doulc |);)unpioi on
a conservé à l'adjeclif masculin la mèuie termi-
naison. On devrait écrire ovul au substantif et à
l'adjectif masculin : Un aval, un fruit aval.
P.
P. Subst. m. On prononce pe. C'est la seizième
lettre de l'aliihabet, et la douzième des consonnes.
Le son propre de celte lettre est pe, comme
da7is péril, pigeon, pninmude.
Le p iuiiial conserve toujours le son qui lui
est propre , ïoit devant une voyelle, soit devant
une consonne, comme &ax\?, peuple, psaume.
Cependant devant /;, le p initial a, comme nous
allons le voir ci-après, une prononciation qui lui
est particulière.
Dans le corps du mot, p conserve également
le son qui lui est prupre. On le fait sentir dans
ineptie, inepte, adaptinn , captieux, reptile,
exrmptiiin, (pioiiiu'on ne le prononce pas dans
exempter; à'iW'^réde mpteur , rédemptiun, septante,
septuntième, septembre, septennaire, septennal,
septentriiin, septentrional, septuagénaire, septua-
gésime, i\im% accepter, excepterai leurs dérivés;
mais il est muet A;m% Baptiste , compte, et ses dé-
rivés; Avin^ dompter, compter pnmpt et ses dé-
rivés, et en général dans presque tous les mots
où il se trouve entre deux consonnes.
Le p final se prononce dans Alep, Gap, jalap,
julep, cap; il ne se prononce point d-iuscamp,
champ, drap, sirop, quoique suivi d'autres mois
qui comnienccnl par une voyelle. — Il ne se pro-
nonce point à la fin de certains mots où il n'est
conservé que pour l'ètymologic, comme dans
loup , corps, sept, temps, ([u'on prononce lou,
cor, set, tan. — Le p final ne se prononce que
dans coup, beaucoup, trop, et seulement devant
les mots qui commencent par une voyelle: // a
beaucoup étudié, il est trop entêté. Daiiij le
discours soutenu, coup inattendu, coup extraor-
dinaire, se prononcent cou-pinuttenda, cou-
pextranrdinaire.
P, suivi de h, se prononce comme fe : Phare,
philtre, phosphore, philosophe, phrase, physio-
liùiJiie, phalange, philanthrope , se prononcent
fare, filtre, filosofe, etc. — Quand le lo est redou-
blé, on n'en prononce qu'un : Apprendre, frap-
per, opposer, etc., prononcez aprendre, fraper,
oposer.
P en musique signifie piano ou doux. — P
dans le commerce signifie /j/vvie^/e. — C'est l'ex
pression abrégée du mot père. — P. II. signifie
Port-Iioyal. Sur les gravures, p/?i.r., pour ^/:«j:iï,
accompagne le nom du peintre,
Pacifii-.atel'r. Subsl. m. L'Académie n'indi(iue
point comment il faudrait dire en parlant d'une
femme. Il nous semble que l'analogie indi([ue
pacificatrice , et quelques écrivains l'ont em-
ployé. Voltaire écrit à Callicrine II : f^os enne-
mis ne seront parvenus qu'à faire graver sur
vos médailles : 'l'riouiphulrice de l'empire Ot-
toman, et pacificatrice de laPologne. {XX" lettre,
27 mai 1769.)
Pacifique. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Prince pacifique, esprit
pacifique, humeur pacifiqtie. — Règne pacifique,
vie pacifique. Voyez Paisible.
Pacifique.me^t. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : IL a répondu pacifi-
quement à tout ce qu'on lui a demandé, ou il a
pacifiquement répondu à tout ce qu'on lui a de-
mandé.
Pactiser. Y. n. de la 4" conj. Ce mot, qui
est un terme de pratique, a été employé par J.-J.
Ilousseau dans le langage commun : Il [t'-enfint]
sait toujours vous faire payer une heure d'appli-
cation par huit jours de complaisance A chaque
instant il faut pactiser avec lui. [Roiile, liv. IL)
Pagination. Subst. L Série de Munn-ros dans un
livre on dans un manuscrit. Ce m..l n'est guère
usité que dans les imprimeries et dans les librai-
ries : La pagination de ce voUiuie est fausse.
Pagnoterie. Sulist. L Ce mot est défini dans
les dictionnaires, aclioii de pagnote, làdietc, pol-
iroimerie. Voltaire l'a employé dans le sens de
bévue, de balourdise : Le Suisse, dilril, jfu»
520
PAI
itaprime pmir le libraire genevois, s'est avisé
de mettre dans Alzirc (;ict. V, se. vu, 19) :
Le bonheur m'aveugla, l'amour m'a détrompé ;
au lieu de :
Le bonheur m'aveugla, la mort m'a délron
ipe.
Cette pagnolerie fuit rire le parterre, mais fait
enrager l'auteur.
Païi.n, Païknnf.. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Les philosophes païens, la religion
païenne.
Pair. Adj. in. qui ne se met qu'après son
subst. : Un wmihre pair .
Paipe. Siilist. f. lise dit de deux choses qui
vont ensemble |)ar une nécessité d'usage, comme
les bas, les sowliers, les j;urelières , le.s ganis,
les manclietles, les boUes, les sabols, les boufies
d'oreilles, les pislolcls, etc. ; ou d'une seule chose,
nécossairoment composée île deux parties qui
fout le même service, comme des ciseaux, des
lunettes, des pincellcs, des culottes etc. — Une
couple et nue paire peuvent se dire aussi des
animaux; mais la couple ne marque que le
nombre, et la paire y ajoute l'idée d'une asso-
ciation. Un boucher dira qu'il achètera une
couple de bœuf~, parce qu'il on veut deux; mais
un laboureur doit dire qu'il en achètera une
paire, parce qu'il veut les atteler à la même
charrue.
Paisible. Adj. des deux genres. On peut, sur-
tout dans le discours soutenu, le mollre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent : Uit liomme paisible, un ani'nal
paisible. — Des bois paisibles, des forêts paisi-
bles; ces paisibles bois, ces paisibles forêts.
Paisible se dit de celui qui demeure en paix;
pacifirjue, de celui qui aime la p:iix, qui la pro-
cure, qui la maintient. Voyez Adjectif.
PAisiBi-r.MKNT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a joui paisible-
ment de son revenu; il a paisiblement joui de
son revenu.
Paissant, Paissante. Adj. verbal tiré du v.
paître : Des unimau-v paissants. Il ne se met
guère qu'après son subst.
Paître. V. n. et défectueux de la 4' conj. Il
se conjugue comme naître, si ce n'est qu'il n'a
ni passé simple de l'indicatif, ni imparfait du
subjonctif, cl ([u'il ne s'empluie aux temps com-
posés que dans cette phrase du discours familier:
// a pu et repu. — «On l'a pris en sens diffé-
rents: pour l'action de paître proprement dite,
et pour celle de conduire les troupeaux qui
paissent. Celte dernière acception n'est pas fran-
çaise, mais elle est conforme à l'expression anti-
que el naïve des ])remières langues où l'on re-
trouve cette identité, comme d;ms le patois des
habitants presque nomades de nos grandes mon-
tagnes. 0
Précieuse faveur du dieu puissant des ondes,
Dont il paf( tes troupeaux dans les grottes profondes.
(Delil., Gcorg., IV, 431.)
(Ch. Nodier, Examen crit. des Dict.)
Paix. Subst. f. Féiaud remaniue que, dans le
sens de lran(|uillité de l'àme, paix ne se joint pas
avec les adjectifs possessifs, el qu'on ne dit pas
ma paix, sa paix, leur paix, comme on dit ?na
tranquillité, sa tranquillité, leur tranquil-
lité.
PAL
Dclillc a dit {Enéide, V, 989) •
Car je n'habite pas le séjour des forfaits,
Mais le lerl Elysée et sa tranquille poix.
Je doute <iu'on puisse dire habiter la paix d'un
lieu.
Palatale. Adj. f. qui se <lit des consonnes qui
sont j)ioduiles par le niouvoMicnl de la lansue qui
va toucher au palais. D, T, L, N, R, sont des
consoimes palatales.
Pale. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subst. : Un homme pille, une femme
pâle; ttîie lumière pâle, une pâle lumière ; un
flambeau pâle, un pâle fla7nbeau. Voyez Ad-
jectif.
Pâleur. Subst. f. Il ne se dit que des per-
sonnes. Quoiqu'on dise une couleur pâle, on ne
dit pas la ptileur d'une couleur. — On dit la
pâleur de la mort :
La pâleur de la mort est déj.i sur son teint.
(P.AC, Pkèd., acl. V, se. y, 4.)
Pâlir. V. n. et a. de la 2' conj. L'Académie
dit pâlir de colère. Racine a dil dans Phèdre
(act. IV, se. VI, 3) :
J'ai pili du dessein qui vous a fait sortir.
Il a dit aussi dans la même pièce (act. III,
se. 1, 12) :
. Quand son épée allait chercher mon sein,
A-t-il pili pour moi?
Palis. Subst. m. Pieu. Delille l'a employé
dans le style noble [Enéide, IX, 735) :
Déj.ï leur main s'apprête à combler les fossés
l)e leurs polis aigus vainement hérissés.
Palliatif, Palliative. Adj. On prononce les
deux / s;ms les mouiller. 11 ne se met (pi'aprcs
son subst. : Remède, pcdliatif cure palliative.
Pallii.r. V. a. delà 1'^' conj. On prononce les
deux Z sans les mouiller.
Pallicm. Subst. m. Mot latin qui a conservé
en français sa prononciation latine. On fait sentir
les deux l : Pal-liom.
PALPAELf:. Adj. lies deux genres, qui ne se met
qu'après son subst. : Les corps sont palpables. —
Raisonnement palpable.
Palpablf..me>t. Adv. Il se met après le verbe:
On lui a montré palpablcmcnt sa méprise.
Palper. V. a. de la 1" conj. Féraud dit que
ce mot est bas et poj)ulaire, el qu'il n'est bon
que pour le style burlesque, ou plaisant, ou mo-
(jucur. Il est certain (pi'il a ces caractères dans
l'expression palper de Vargenl; mais dans cette
phrase, il est détourné de sa véritable significa-
tion. Palper dans le sens de manier, toucher
doucement, n'est ni bas, ni populaire, ni trivial.
Buffon aditr^"/! général, les oiseaux se servent
de leurs doigts beaucoup plus que les quadru-
pèdes, soit pour saisir, soit pour palper les
corps. [Disc, sur la nat. des oiseaux, t. XVIII,
p. 64.)
Palpitant, Palpitante. Adj. verbal tiré du v.
palpiter. Il ne se mel qu'après son subst. : Les
entrailles palpitantes, des chairs palpitantes,
le fosur palpitant.
Palpiter. V. n. de la 1" conj. : Im paupière
PAR
lui joalpile. Mo/i cœur palpite, son cœur pal-
pite
Ah ! que mon cœur palpitait à sa vue !
(Volt., Enf. prod., acl. III, se. v, 16.)
*Pajiphlétikr. Subst. m. Mot nouveau. Terme
de mépris. Faiseur de mauvais pampldcls : Ce
qui me fâche, c'est que le nom de madame l.hi-
chûtelet soit indignevient livré à la malignité
d'vn pauiphlélier comme Desfuntaines. (Vol-
taire.)
Panégïriqlk. Subst. m. Terme de belles-
lettres. Discours public à la louange d'une per-
sonne illuslre, d'une vertu sigiialce, ou d'une
grande action. 11 se dit particulièrement aujour-
d'hui des éloges publics des anciens, et de ceux
de nos saints : Le pam'gynque de Trajun, le
pam'gyriqw' de saint François.
Les grands orateurs modernes fondent leurs
panégyriques des saints, des rois, des héros, sur
une ou deux vertus |irincipales auxquelles ils
rapportent conuuc a leur centre toutes leurs au-
tres vertus, et les circonstances glorieuses de
leur vie ou de leurs actions. D'ailleurs il faut
se garder d'entasser trop de faits dans un panégy-
rique; ils doivent èire comme fondus dans les
réflexions et dans les tours oratoires; ce qui est
comme iuqwssible en suivant historiquement
l'ordre des temps.
Parmi nos panégyristes modernes, Fléchier est
brillant, ingénieux ; lîourdaloue, moins orné, mais
plus grave et plus majestueux; le caractère des
panégyriques de MassiUon est un mélange de ce
qui domine dans les deux autres.
Paon. Subst. m. On prononce ^a«.
Paonneac. Sulist. m. On prononcera h efl?/.
Paqde. Subst. En parlant de la fcte des Juifs,
qui porte ce nom, il est féminin et prend l'ar-
ticle : La Pùc/iie des Juifs. En parlant de la
fête des chrétiens (jui porte ce nom, Pâque ou
Pâques ne prend point d'article, et est du genre
masculin : Quand Pûque ou Pâques sera passé.
Pâques est féminin et pluriel dans ces phrases :
Pâques fleuries, Pâques closes, faire ses Pâ-
ques.
Par. Préposition. On est souvent embarrassé,
dit la Grammaire des Grammaires (p. 598), sur
le choix que l'on doit faire des prépositions de
ou par, que régit ordinairement le verbe passif;
voici, pour se lixer, une règle qui, si elle n'est
pas universelle, est du moins très-étendue.
(Juand le verbe cx|)rinie des actes intérieurs
de l'àme, on emploie de : Un Jeune liomme ver-
tueux est estimé de tout le monde, même des
libertins.
Mais si le verbe présente une opération de
l'esprit, ou une action du corps, on emploie la
préposition par : La poudre à canon fut inventée
par un moine, et les bombes le furent par u?i
évêque.
Si le verbe passif, outre son régime, est suivi
de la préposition de et d'un nom, alors on doit
employer par pour le régime du verbe passif:
f^otre ouvrage a été loué d'une manière fort dé-
licate par vn célèbre académicien. — Kesiaut,
Wailly et Féraud sont d'avis qu'on ne doit ja-
mais employer par avant le nom de Dieu, et alors
ils pensent que l'on doit dire : Toutes nos ac-
tions seront jugée.': de Dieu à la résurrection,
et non pas par Dieu. Cette opinion a sûrement
pour motif d'éviter l'équivoque du juron vul-
gaire pardieu avec les mots var Dieu ; quoi qu'il
PAR
S21
en soit, il nous semble qu'il faut dire: Le ciel,
la terre, l'homme, la femme, ont été créés par
Dieu, plutôt ipie /(• (■('('/, /(( terre, l'homme, la
femme, ont été créés de Diiu. {Grammaire des
Grammaires, p. 599.) — Molière semble avoir
voulu éviter cette équivoqiu' dans le passage
suivant, où il lui était facile, s'il l'eût vimlu, de
remplacer de par la préposition par {École des
rnaris, act. I, se. ii, 70) •-
Sommes-nous clic7. les Turcs, pour renfermer les femmes?
Car on dit qu'on les tient esclaves en ce lieu.
Et que c'est jiour cela qu'ils sont maudits de Dieu.
Corneille a dit dans Pompée (act. IV, se. m,
d05):
Faites çrice, seigneur, ou souffrez que j'en fasse.
Et montre à tous par là que j'ai repris ma place.
Voltaire dit au sujet de ces vers : Jamais, dans
la poésie, on ne doit employer pur ki, par ici, si
ce n'est dans le style comi(iue. [Remarques sur
Corneille.)
Corneille a dit dans Cinna (act. III, se. iv,
/.3) :
Et prends vos intérêts par delà mes serments.
Pur delà vies serments, dit Voltaire, est une
expression dont on ne trouve que cet exemple ;
et cet exemple me parait devoir mériter d'être
suivi. [Remarques sur Corneille.)
Parce que, conjonction. Il ne faut pas la con-
fondre avec ces trois mots, par ce que; je le
crois, parce que vous le dites; c'est-à-dire, à
cause que vous le dites. Je vois par ce que vous
m'avez écrit, c'est-à-dire par les choses (lue
vous m'avez écrites, ^'oyez Préposition.
Par ou fer. Particule prépositive qui se lïiet au
commenceiuent deccrtainsmots. Elle est ainplia-
tivectmaniucuneidéeaccessoire de plénitude ou
de perfection :/"«?•/((;■/, entièrement fait ;parre/i(r,
venir jusqu'au bout; persécuter, suivre avec
acharnement; péroraison, ce qui donne la plé-
nitude entière a l'oraison, etc. La particule latine
per avait la même énergie : PeHniquus, très-
injuste.
rARABOLiQDE. Adj . dcs dcux gcurcs, qui ne se
met (ju'après son subst. : Miroir parabolique,
ligne paraholique.
Pai-.ade. Subst. f. Espèce de farce ordinairement
préparée pour amuser le peuple, et qui souvent
fait rire pour un moment la meilleure compagnie.
Ce si)ectacle tient égaleiDcnt des anciennes co-
médies nommées platariœ, composées de simples
dialogues presque sans action, et de celles dont
les personnages étaient pris dans le bas peuple,
dont les scènes se passaient dans les cabarets, et
qui pour cette raison furent nommées taber-
nariœ.
Les personnages ordinaires des parades d'au-
jourd'hui sont le bonhomme Cassandre, père,
tuteur, ou amant suranné d'Isabelle ; le vrai ca-
ractère de la charmante Isabelle est d être éga-
lement faible, fausse et précieuse ; celui du beau
Léandre, son amant, est d'allier le ton grivois
d'un soldat à la fatuité d'un petit-mailre. Un
Pierrot., et quelquefois un Arlequin, et un mou-
cheur de chandelles, achèvent de remplir tous
les rôles de la parade, dont le vrai ton est toujours
le plus bas comique.
La parade subsistait encore sur le théâtre fran-
çais du temps de la minorité de Louis XIV;
522
PAR
lorsq.lc Scarroii, dans son Boman comique^ fait
lo [wrliail du vieux comédien la Rancune, cl de
niadeinoisellc de la Caverne, il donne une idée
du jeu ridicule des aclcurs el du Ion |)i;iteuient
lic.ul'fou de la plui)arl des petites pièces de ce
temps.
La comédie ayant enlin reçu des lois de la dé-
cence et du lion" goùl, la parade ne fut pas ce-
pendant absolument anéantie. Elle ne pouvait
1 être, parce qu'elle porte un caracicie de vérité,
et qu'elle |>cint les mœurs du peuple qui s'en
amuse; elle fut seulement abandonnée à la ])opu-
lace, et reléguée dan> les foires el sur les théâtres
des charlatans, qui jouent souvent des scènes
bouffonnes pour attirer un plus grand nombre
d'acheteurs. (Extrait de V Encyclopédie.)
PARADiGJir. Sulist.m.Terme de grammaire. Il se
dit des exemples de conjugaisons(iui peuvent ser-
vir de nioiiéles pour lesauties verbes que l'usage
et l'analogie ont soumis aux mêmes variations.
'^^0}■ez Cinjugaison.
Paradoxal, Pakadoxalh. Adj. qui se met après
son subst. : Opinion paradoxale^ esprit para-
doxal.
Paradoxe. Subst. m. Autrefois il s'employait
aussi adjectivement : Une opinion paradoxe. Au-
jourd'hui on ne dit plus en ce sens que para-
doxal.
Paraître. Y. n. de la 4'" conj. On prononce
parêtre.
L'un après l'autre enGn se vont faire parattre.
(Cors., Uéracl., act. ïll, se. m, 47.)
Se vont faire paraître, dit Voltaire, est un
barbarisme. On se fait voir, on ne se fait point
paraître. La raisun en est évidente: c'est qu'on
parait soi-même, el qu'; ce sont les autres qui
viius voient, [fiemarrji/cs stir Corncillf.)Cç\;\ ne
doit s'ciilendre que lorsque le verbe esi joint au
pronom personnel; car, dans le sensadif, on dit
très-bien faire paraître: Il a y a sorte d'estime
particulière qu'elle ne fasse paraître /?<)(/?• votis.
(Sévigné.) 'Mz\'ii\Vn'S faire paraître ne peut régir
que des noms; et on ne dirait pas aujourd'hui,
comme a dit Bossuet, sa fin nous a fait paraître
qiie ce n'est pas pour ces ucant<iges, etc. Il fau-
drait dire, sa fin nous a fiit connaître, nous a
■montré. — Paraître se met queliiuefois avant
son sujet ; Tout à coupparut un homme... Il régit
l'inlinitif sans préposition; on dit, vous me pa-
raissez douter de ma sincn'ilé, ou il vie paraît
que vous doutez de ma sincérité. Dans le sens
négatif, il régit le subjonctif: // ne paraît pas
que vous doutiez de sa sincérité.
PAP.ALiFsr. Subst, f. Terme de rhétorique. La
pa7-alip.se est, dans l'art oratoire, une ligure par
laquelle on feiiii «le vouloir omettre certains faits,
pour les détailler avec plus d'assurance et plus
d'éclat. « Je ne vous parlent i pas, mes.sieurs, de
ses injustices (dit Cicéron au sujet de A'errès),
je pusse sous silence ses e.rccs ; je tais ses dé-
baucltcs ; je jette un voile obscur sur ses bruta-
lités; je supprime même ses extorsions depuis
son retour de Sicile; je ne veux vous offrir
qu'une peinture légère de ses moindres pilla f/cs.->
Cette ligure est assez naturelle, et peut s'em-
ployer avec adresse en bonne et en mauvaise
part.
Parallèle. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Ligne parallèle.
Vaugelas dit (ju'au propre on écrit parallèle.
PAR
et au figuré paralelle, et il se récrie sur cette bi-
zarrerie. Elle n'a plus lieu aujourd'hui. A'oyei
Langue française.
Parali.ï^li;. Subst. m. Le parallèle est, dans
l'art oratoire, la comparaison de deux hommes
illustres; exercice ai^reable pour l'esprit, qui
va et revient de lun à l'autre, qui compare
les trails, qui les couq)te, et qui juge continuel-
lement de la différence.
Paraît, Payante. .Adj. verbal tiré du v./7ar<?r.
Il ne se met qu'après son subst. : Une étoffe pa-
rante.
Pap.asol. Subst. m. D'après la règle générale
qui veut que le s entre deux voyelles soit pro-
noncé connue un s, on devrait prononcer pa-
razol. ÎNlais ce mol est considéré eoninic com-
posé des deux mots /)«ra et sol, et dans cette vue,
le s de sol étant une lettre initiale, doit conserver
sa prononciation primitive.
pARCocRir,. \. a. et irrég. de la 2' conj. 11 se
conjugue comme courir.
PARDo^^•ABLE. Adj. des deux genres. Il ne se
dit que des ciioses, et ne se met (]u'aprês son
subst. : Une faute pardonnable, une offense par-
donnable.
Pardonner. Y. a. de la 1'" conj. Il se dit, en
régime direct, des choses, et jamais des per-
sonnes. On û\{ pardonner un crime, mais on ne
dit pas pardo/i/icr un criminel. 11 faut iMvc par-
donner à un criminel. 11 régit aussi la préposi-
tion de devant un infinitif: Je ■ vous pardonne
d'avoir agi ainsi.
Pardonner signifie proprement accorder la
rémission, remettre le cîiàtiment, promettre l'ou-
bli d'une faute. Celte siguificalion sujjpose tou-
jours un délii, une offense ei une peine encou-
rue par uncoupable. .Ainsi l'on doit d'wc pardonner
une offense, une injure, une insulte. C'est ce que
les Latins appelaient ignoscere. On dit dans le
monic sens, on ne lui pardonne pas ses talents,
son mérite, sa supériorité, parce ijuc dans ces
phrases, les talents, le mérite, la supériorité, sont
regardés comme des offenses qui blessent l'amour-
propre.
Mais/;a»(io/ine»-sedit aussi de plusieurs choses
qui n'offensent personne, (jui ne blessent l'amour-
proprc de personne, qui ne méritent aucun chàti-
mciil, aucun ressentiment; Aan, pardonner n'ex-
priine pas précisément une rémission tie peine qui
tombe sur celui (]ui a coinnus la faute, mais une
indulgence qui a jiour olijet la faute même, parce
(lu'elle a été commise sans mauvaise intention,
par inadverlanee, par oubli, par faiblesse hu-
maine, ou i)ar une espèce d'impossibilité de faire
autrement. Alors le pardon, ou plutôt l'indul-
gence, tombe, non sur la personne, mais sur la
chose même, et pour marquer ce but on dira,
en parhmt <lc la chose, pard^mner ci. Ainsi on
dira avec Voliaiic : On doit |tardoimer à ces pe-
tites fautes, inséparables d'un art dans lequel
on éprouve autant d'obstacles qu'on fait de
pas. — // se trouvera en France des âmes nobles
et éclairées qui sauront rendre justice aux ta-
lents, c/î/i pardonneront aux fautes inséparables
de l'humanité , qui encuuragcront les beaux-
arts. {Épitre dédicatoirc des Lois de Minos.)
Pardonnez à cette petite digression un peu aigre-
lette. [Lettre 412", au comte d'Argenlal, 2 fé-
vrier 171^1.) Ce Tuncrèdc est, dit-on, rejoué
et reçu avec quelque indidjence, cmnme tine
pièce il laquelle vos bons conseils ont ôlé quel-
ques défauts ; et l'on pardonne a ceux qui res-
tent. [Lettre d33<=, au comte d'Argental, Il a^Til
PAR
1761.) Je vie fluiie que vous avez parannnc n
mon embarras.
On dira avec Fénclon {Tr/ém., liv. I, t. i,
p. 7()) : Pardonitt'z à ma iloulctir! C'est ce qiio
les I aiins expriniaicnl par indulgcre. le pardon
ne pcui tumber (pie sur la cause de la fauie. On
pardonne à une personne, lnrscjuc cette i)crsunne
est la cause nionif' de la faute, lorsipiVlJi» l'a
commise avec inientioii, et (jue par là elle ^'cst
mise d.ins le cas d'une peine, li'un re|)roclie, ou
de quelque diose de semblable. Mais on par-
donne à vue fini te, \ov?.(\\ic cçWc l'aule n'a point
sa source dans l'intention de la personne; et
cette dernière expression est analogue à la pre-
mière. On pardonne à vn hotnine viie fiivte
qu'il a commise ; on pardonne à l'oubli, à la
faiblesse, à Cètat de quelqu'un.
Parkil, Pareille. Adj. On mouille le l final au
masculin, et les doux / au l'cminin. 11 se met
après son subst. : Deux choses pareilles.
Parkiilkmem. Adv. On mouille les doux l.
PARE.NTiii'.sE. Subst. f. On appelle ainsi une
{igure rorméc de celte manière ( ), et qui s'em-
ploie pour clore vuie pliraso formant un sens
distinct et sèi)aré de celui de la iièriodc où elle
est insérée. 11 vient à moi {observez bien ceci),
dans le dessein de me maltraiter. Observez bien
ceci est en parenthèse. C'est un défaut dans le
style que les parenthèses tro[) fré(iucntes et trop
longues. Elles einl)arrassent et obscurcissent le
discours, et le rendent lâche et traînant.
Parer. V. a. de la '1" conj. Racine a dit dans
Bajazet (act. Il, se. v, 3) :
!\icn ne m'a pu parer contre ses derniers coups.
La Harpe dit au sujet de ce vers : On dit parer
des coups et se garantir des coups. Parer ne
peut s'appliciueraux personnes que comme verbe
pronominal, suivi de la particule de : Se parer
des embijches de l'ennemi, se parer du soleil;
mais on ne pourrait pas dire se parer contre l'en-
nemi.
Paresse. Ce mot n'a pas de pluriel. Subst. f.
L'Académie ne le dit que des personnes. En
poésie, on le dit aussi des choses :
... Après lui, Cloanllic fend les (lots;
Ses rameurs seul plti* forls; mais l'art des matelots
De son vaisseau pesant accuse la paresse.
(Delil., ÉnHd., V, 209.)
Paressetjx, Paresseuse. Adj. 11 ne se met or-
dinairement qu'après son subst. : Un homme
paresseux, une femme paresseuse.
On dit paresseux à lorsipje l'action dont il est
question est un but tpi'il s'agit d'atteindre : Il est
paresseux à servir, il est paresseux à remplir
ses devoirs. On emploie de lorsqu il s'agit d'une
détermination intérieure : // est paresseux d'é-
crire.
Vos froids rai?onncmenls ne feront qu'attiédir
Un spectateur toujours paresseux d'applaudir.
[A. P., III, ?1.)
Quoique mo7i fils ne soit pas paresseux d'écrire.
Je nai jamais de lettre comme les autres. (Sé-
vigné.) Je sui.v que vous êtes un peu paresseux
d'écrire; mais vous ne Vêles ni de penser ni de
rendre service. (Voltaire.)
PAnFAip.i:. V. a. et défectueux de la A"" conj.
Il n'est usiléqu'à rinnnitif,/)«r/<'/ïr,cl au })arti-
cioe oassé, parfait, et prend l'auxiliaire avoir.
PAR
525
rARFAiT, Parfaite. Adj. On peut le mettre
avant son stibst., lorsque l'harmonie et l'analogie
le permettent : Une beauté par frite, urte parfaite
lienulé ; un parfait accord, un parfait courtisan.
^'||ycz Adjectif.
Parfait honnête homme, ("cite loculion est
dans la bouche de tout le monde. Cependant il y
;i beaucoup de grammairiens (jui pensent qu'elle
est incorrecte, parce ipie, disent-ils, deux adjectifs
ne doivent pas être joints à un nom sans con-
jonction, et que parfait cXlwnnête, i|ui précèdent
le mot Itomme, présentent cette faute. — Les
grammairiens se tionipent. Ici le mot honnête
n'est pas précisément un adjectif, c'est un mot
joint au mot homme, pour n'exprimer avec lui
qu'un seul substantif. Il n'y a donc réellement
qu'un adjectif Voltaire a dit [Éducation d'un
prince, v. 33) : Ce pauvre honnête homme ; Colar-
deau (Perfidies à la 7node,itcl. \, se. ix, 101) : Ce
sérère honnête homme. Kaeine,dans une lettre à
son lils [la Sfi' du recueil, 21 jiiillel) : Je veuxvie
flatter que faisantvotre possible pour devenir un
|);iifait honnête homme, voks concevrez qu'on ne
peut l'être sans rendre à Dieu ce qu'on lui
doit.
Faire une chose au parfait, est une expression
qui s'est introduite dans la langue par abus.
^ Oyez Langue française.
Parfait est un mol absolu. Il rejette toute
modification en plus ou en moins. On ne i)eui
dire ni/i/(/5 parfait, ni moins parfait.
Parfait. Subst. m. Terme de grammaire
Voyez 2\inps.
Paf,i^\iti:jif,nt. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : lia fait
parfaitement sa commission, il a parfaitemenr
bien fait sa commission.
Parier. Y. a. de la 1" conj. Quand ce verbe
est employé sans négation, il faut mettre à l'in-
dicatif la phrase qui lui est subordonnée : Je parie
qu'il a dit cela ; il faut au contraire la mellre au
subjonctif quand il est accompagné d'une né-
gatiiiii : Je ne parie pas qu'il ait dit cela.
I'arlace. Subst. m. qui n'est pas fort ancien
dans la langue. C'est une expression familière
dont on se sert quelquefois pour désigner une
abondance de paroles inutiles ou dépourvues de
sens : A quoi bon tout ce parlage^ — 11 se dit
aussi des discours apprêtés (juc l'on lient dans le
dessein de tromper : Se laisser surprendre au
pjirlage d'un fiurbe.
Paislanï, Parlante. Adj. verbal tiré du v.
parler. Il ne se met qu'après son subst. : Un
portrait parlant, une tête parlante.
Parléi;. Adj. f. Il ne se dit (ju'avec langue.
On dislingue la lanrjue parlée de la langue
écrite.
PARLEH.V.n. et quelquefois actif delà l^^conj.
Ce mot s'emploie figurémeiildansun grand nombre
de cas. L'Académie dit, les yeux, le risage d'une
personne, parlent ; son silence parle ;son mérite,
ses services parlent ; les murailles parlent.
Voici d'autres exemitles qui ne sonl pas moins
utiles que ceux de l'Académie :
Calclias qui l'attend en ces lieux,
Fera taire nos pleurs, fera parler les dieux.
(Rac, Iphig., act. I, se. i, 135.)
L'honneur rorîf, il suffit, ce sonl là nos oracles.
[Idem, act. I, se. il, 98.)
Est-ce donc votre cœnr qui vient de ziofis parler?
[Jdem, act. ., se, m, 8.)
au
TAR
Vctr; Ironl le à MaUian n'a-l-il poinl trop parle ?
(lUc, Àth., ad. m, se. Ti, 6.)
L'humanité vous parle ain^i que votre père.
(VoLT.,il».,act. I, se. 1, 109.)
L'iudulgente vertu parle par votre bouche.
{Idtm, art. I, ^c. l, 13S.)
Ce faog prit à couler parle à ses sens surpris.
(Volt., Orette, act. Y, se. ii, 14.)
Au conseil assemble
L'cJiiril de Mahomet par ma bouche a parlé.
(Volt., iîahom., act. Il, se. il, 3.)
Tu hii paries du cœur, lu la cherches des yeux..
(Rac, Àndrom., act. lY, se. v, 103.)
Mais, soit qu'un vieux respect pour le sang de leurs maîtres
Parlât encor pour moi dans le cœur de ces traîtres.
(Volt., Hcnr., II, 33S.)
A quel dessein veut-il parler à moi?
\CoR>'., Héract., act. XI, se. IV, 3.)
Vollairc a dil au sujet de ce dernier vers, parler
à moi ne se dil point. 11 faut, jne parler. On
peut dire, en reproche, parlez à moi, oubliez-
vnus que vous parles à moi? [Remarques sur
Corneille.)
Parler mal et mal parler ne sont pas syno-
nymes. Le second loml)e sur les choses que l'on
dit, et le premier sur la manière de les dire.
Ck;Iui-ci est contre la grammaire, el l'autre contre
la morale. Il ne faut ni 7iuil parler des absents,
ni parler mal devant les savants. — Au reste,
cette distinction n'a lieu ([u'à l'infinitif et dans les
temps composés du verbe parler. On ne dirait
pas, il mal parle, il mal parlait. Il faudrait
prendre un autre tour, et dire, par exemple, il
ose mal parler, il se donnait la lihertc de tuai
parler, clc. (lioauzée.) Ajoutons (juc parler mal
peut se dire dans les temps simples, ;K)ur mal
parler. Il parle mal de tout le monde. ^lais ce
qui ôte l'équivoque, c'est que quand il est ques-
tion de langage,jDaj7er ma^s'emploiesansrégime;
et quand ils'agii de censure et de médisance, iî
régit la préposition de : Cet homme parle mal, il
parle mal de vous.
Trouver à qui parler, et trouver avec gui par-
ler, ont aussi des significations différentes. Le
premier signifie que nous trouvons des gens qui
nous répondent, qui nous rabattent le cacjuet ; le
second, qu'un trouve des gens avec qui l'on peut
s'cnlreienir. Le premier se prend plutôt en mal
qu'en bien.
— On dit généralement parlant, et à parler
généralement. Le premier est plus usité et se met
ordinairement a la tète de la phrase. — Faire
parler de soi, se prend ordinairement en mau-
vaise part : C'est un malheur pour une femme
de faire parler d'elle.
Parleub. Subst. m. Kn parlant d'une femme,
on dil parleuse. Voltaire dit en \hrhnld' y4rmide,
dans l'opéra de Quinault (jui porie ce nom.
Vautour parle en elle, et elle n'est point parleuse.
[liciiiarques sur Corneille.) Il veut dire par la
que, quand la passion domine en elle, elle ne
disseric pas sur l'amour, elle ne débile pas des
lieux communs, elle ne clierche point à discuter
la difficulté de vaincre celte passion, à prouver
que l'amour triomphe des cœurs les plus durs.
On appelle grand parleur, un homme qui parle
trop, qui parle souvent mal à propos, ([ui parle
en l'air, qui parle pour parler. On ne dit pas d'un
PAR
homme qui ne dit rien que île sensé , qui ne dit
rien d'inutile, iju'il est un grand parleur, quoi-
qu'il jKU-le beaucoiq»; on ne le dirait pas même
d'un homme qui, dans une on deux rencontres,
aurait tenu do longs discours contre sa coutume,
et se serait trouvé en humeur de parler plus qu'à
l'ordinaire. Grand parleur marque une habitude,
et il ne faut pas s'en servir dans les cas où il
n'est (luesiion (]uc d'un aclc. — On n'exhorte
guère les gens à n'être pas grands parleurs ; on
les exhorte à ]);ulor pou ; du moins on ne dil
ordinairement grand parleur que pour mar-
quer un homme qui est sujet à parler beaucoup.
'*PAi;Lii':RE. Adj. f. Mot nouveau digne d'être
adopté: Donnez-nous 2-ile votre œuvre des six
jours ; vos pièces seules anl du mouvement et ac
l'intérêt, et, ce qui vaut mieux que cela, de la
philosophie, non pas de la philosophie froide et
parliére, 7nais de la philosophie en action. CVol-
taire.)
Parmi. Préposition. Corneille a dit dans Po-
lyevcte (acl. I, se. m, 69) :
Parmi ce grand amour que j'avais pour Sévère,
J'attendais un époux de la main de mon père.
Parmi ce grand amour, dit Voltaire, est un
solécisme. Parmi demande toujours un pluriel,
ou un nom collectif. [Remarques sur Corneille.)
D'après cela, il y a aussi un solécisme dans ce
vers de Racine [Britannicus, act. II, se. vi, 3) :
Mais parmi ce plaisir quel chagrin me dévore ?
Mais on peut dire parmi le peuple, vous avez
mis du faux argent parmi de l'or (ici argent
signifie 7nonnaie); parce que dans ces phrases
parmi est suivi d'une expression collective.
Cependant, on ne saurait blâmer l'emploi de
cette expression dans les vers suivants :
Que crois-tu qu'Alexandre, en ravageant la terre,
Cherche parmi l'horreur, le tumulte et la guerre?
(BoiL., Èpttrey, 45.)
Parmi ce bruit confus de plaintes, de clameurs,
Henri, vous répandiez de véritables pleurs ;
(Volt., «enr., V, 342.)
Il y porta la flamme, et parmi le carnage.
Parmi les trails, le feu, le trouble, le pillage . . .
(Volt., Mér., act. III, se. v, 33.1
parce que luut ce qui donne une idée de confu-
sion, donne aussi une idée de muliitude.
Quoique parmi demande lonjours un pluriel,
on ne peut pas dire parmi deux hommes, parmi
trois hommes; il faut que le nombre soit indéfini,
ou du moins qu'il présente l'idée d'une multitude,
dont les individus ne peuvent pas se présenter
en même temps individuellement à l'esprit. Par-
iai cent personnes, vous iCeii trouverez pas une
qui. . .
Autrefois on employait joarm/ comme adverbe,
et alors on ne lui donnait point de régime.
La Fontaine a dit (liv. VIII, fable x, 17) :
Ces deux emplois sont beaux, mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami.
Aujourd'hui il n'est plus usité en ce sens.
Parodie. Subst. f. Terme de liiléralure. 11 se
dit proprement d'une plaisanierie poétique qui
consiste à appliquer certains vers d'un sujet à
un autre, pour tourner ce dernier en ridicule,
ou à travestir le sérieux en burlesque, en affeo-
PAR
tant de conserver amant qu'il est possible les
mêmes rimes, les mémos mois et les mornes ca-
dences. Le changement d'un seul mot suffit pour
parodier un vers. Ainsi Corneille fait dire dans
le CiJ, à un de ses personnages (act. I, se.
VI, 7; :
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes,
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.
Un très-petit changement a fait de ces deux
vers une maxime leçue dans tout l'empire des
lettres :
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes.
Et se trompent en vers comme les autres hommes.
On appelle aussi parodie, l'application toute
simple, mais maligne, de queliiues vers connus,
ou d'une partie de ces vers, sans y rien changer.
— Lne autre espèce de parodie consiste à faire
des vers dans le goiit et dans le slyle de certains
auteurs peu approuvés. Tels sont, dans notre
langue, ceux où Boileau a imité la dureté des
vers de la Pucelle (XI V= épit/ramme):
Maudit soit l'auteur dur dont l'âpre et rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve,
Et de son lourd marteau martelant le bon sens,
X fait de méchants vers douze fois douze cents !
Enfin, la principale espèce de parodie est un
ouvrage en vers composé sur une pièce entière,
ou sur une partie considérable d'une pièce de
poésie connue, qu'on détourne à un autre sujet
et à un autre sens, par le changement de quelques
expressions.
On appelle parmi nous parodie, une imitation
ridicule d'un ouvrage sérieux; et le moyen le
plus commup que le parodisle y emploie, est de
substituer une action triviale à une action hé-
roïque. Les sots prennent une parodie pour une
critique ; mais la parodie peut être plais;nile, et
la critique très-mauvaise. Souvent le sublime et
le ridicule se touchent; plus sou vent encre, pour
faire rire, il suffit d'appliquer le langage sérieux
et noble à un sujet ridicule et bas. La parodie
de (juclques scènes du (}id n'empêche [loint que
ces scènes ne soient irùs-bellcs; et les mêmes
choses dites sur la perruque de Chapelain et sur
l'honneur de don Dièsçue, peuvent élre risibics
dans la bouche d'un vieux rimeur, (luoiijue très-
nobles et trcs-loucli;mtos dans la bouche d'un
guerrier vénérable et morlcUement offensé. Bime
ou crève, à la place de meurs ou iue, est le
sublime de la parodie, et le mot de don Diègue
n'en est pas moins terrible dans la situation du
Cid.
Tnc excellente parodie serait celle qui por-
terait avec elle une saine critique comme l'élo-
quence de Petit-Jean et de L'Intimé dans les
Plaideurs. Alors on ne demanderait pas si la
parodie est utile ou nuisible au goût d'une nation.
Mais celli- qui ne fait (pie travestir les beautés
sérieuses d'un ouvrage, dispose et accoutume
les esprits à plaisanter de tout, ce qui fait pis que
de les rendre faux.
La parodie et le burlesque sont des genres
irès-dilTérenls, et le F'irgile travesti do Scarron
l'.'est rien moins <iu'ui;e parodie àeVEncide. La
hoane parodie est une [)l;iisanleric fine, capable
d'amuser et d'instruire les esprits les plus sensés
cl ios plus pulis; le burlesque csl une btuffon-
licrie misérable qui ne peut plaire qu'à la popu-
PAR
sas
lace. (Extrait de Marmontel et àes Mémoires de
V .-icadémif. des Belles- Lettres.)
PAnoissiAL, Paroissiaie. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Église paroissiale, viesse
paroissiale.
Part. Snbst. f. le t final no se prononce jamais.
— Selon Férauil, on dit indilféremmenl fie toute
part, et de toutes parts; le premier est le meil-
leur. L'Académie dit de toutes parts et de
toute part. Nous pensons quci/e toutes parts c^K
j)référable,car cela veut dire do tous les endroits,
de tous les côtés.
Et quand de toute» parts assemblés en ces lieux.
(Uac, Iphig., act. I, se. m, 35.)
A part. Façon de parler adverbiale qui se ir.et
ordinairement ajjrésle verbe: Mettre à part; et
quelquefois après un substantif : /'reVeH/ion à
part, raillerie à part.
On dit fainiliôremenl, à part moi, à part soi.
à part vous ; mais on ne dit pas, à part eux, a
part elles.
On disait autrefois part au lieu de partie:
Une si belle part d'une
belle nuit.
(Corneille.
Une part de mes chiens se sépare Je l'autre.
On le disait aussi pour côté : Des deux parts,
des deux côtés.
Et combien des dcuac parts l'amour et la fureur
Etaleront ici de spectacles d'horreur!
(Corneille.)
Partager. V. a. de la !'° conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un /; et
pour lui conserver cette prononciation, lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o : Je partageais, partageons,
et non pas, je partagais, partagons.
On dit partager avec, quand on retient pour
soi une partie des choses que l'on partage; et
partager entre, quand on ne retient rien : Il
partageait son bien avec les pauvres, et n'en
reservait qu'une très-petite partie. Il vendit
tous ses biens et les partagea entre les pauvres.
Voltaire a dit dans la Hcnriade (IV, 144) :
Cent desseins portajeaicnf son âme irrésolue.
EtDelille(^«eVi.,VI,81J):
Ne me demandez pas les peines innombrables
Que partage le ciel à tous ces misérables.
Parti. Subst. m. Prendre parti, et prendre
son parti, ont des sens différents. Le premier
signifie se déclarer dans une querelle pour l'un
ou l'autre para' ; le second veut dire prendre une
résolution :
Et sans compter sur moi prenez votre parti.
'Rac, Baj., act. II, se. m, S.)
Cette expression, prenez votre parti, est Irop
familière pour le style noble. Voyez Faction.
Partial, Partiale. Adj. 11 ne se met qu'après
son subst. : Un juge partial, un historien par-
tial — Le pluriel partiaux est inusité. (Acad.
1S35.)
Partiale-ment. Adv. Il se met après le verbe :
Il s'est conduit partialement dans cette affaire,
et non pas, il s'est partialement conduit.
S26
PAR
Paf.tic'pant, Participame. Adj. verbal lire du
V. parliciper : Il en est participant. Ou ne le met
<ju';i])rL'S son subst.
P.niTiciPE. Nous avons dit (voyez f^erbe) que
les verbes adjectifs soiil des expressions iihregces,
'l'^uivideiites à deux éléinciils du discours, à un
adjectif, et au verbe être, ^imercsl l'équivalent
ii'ctre uiiuant ; lire, d'être lisant. Or, cet adjeclif,
séparé du verbe être, reprend sa fonction pre-
mière d'adjectif; mais il n'exprime pas exacte-
ment de la morne manière que les autres adjectifs,
qui ne peuvent pas entrer dans la composition
des verbes; il conserve un rapport à ces verbes;
ce qui lui a fait donuor le nom de participe.
Le participe est un mol (|ui participe de la
nature du verbe et de celle de l'adjectif ou du
substantif.
On distinpiue deux sortes de participes ; le
participe présent, qui est l'adjectif résultant de
la décomposition d'un verbe adjectif, et le par-
ticipe passé, qui est celui qui sert avec les verbes
auxiliaires à former les temps composésdes verbes.
Lorsque, décomposant le verbe adjectif aimer, je
dis <?<;•« aimant, aimant est \e participe présent
du verbe aimer; et quand je àh, fui aimé, je
suis ve7iti, aimé et venu sont \&S participes passés
des verbes aimer et venir.
Du participe présent. — Les participes pré-
sents se Icrminent tous en ant. Ils sont distingués
des adjectifs simples, en ce qu'ils ont à un verbe
un rapport (pie ces derniers n'ont |)as. Bon est
un adjectif simple, parce qu'il ne peut i)as entrer
dans la comp'jsitiou d'un verbe adjectif; mar-
cha tit , jouant, sont des participes présents,
parce qu'ils entrent dans la composition des
verbes marcher, jouer, et qu'ils participent de
la nature du verbe et de celle de l'adjectif.
Quand je dis j'at vu un homme marchant, mar-
chant est un adjectif qui modifie le substantif
homme ; mais cet adjectif tient aussi delà nature
du verbe, puisqu'il modifie le substantif avec uu
■apport de simultanéité à une époijuc (lueh-on-
que, et qu'il peut avoir aussi d'autres proprii'lés
du verbe, comme dans cette phrase, une femme
caressant son enfant, où l'on voit que le par-
ticipe caressant a un réçinfc dire<t, de même
que le verbe d'où il est tiré, létjime que ne peut
jamais avoir un adjectif ^m/j/».
Anciennement , les participes présents pre-
naient, comme les adjectifs simples, les formes
du genre et du nombre des substantifs qu'ils
modifiaient, et l'on écrivait, une femme cares-
sante son enfant, îles satyres portants m« panier
de fleurs. Aujourd'hui ces participes sonl inva-
riables, cl conservent toujours la forme du mas-
culin et du singulier : Une femme caressant
son enfant, des satyres portant un panier de
fleurs.
Quelquefois les participes présents sont dé-
pouillés de tout rapport avec le verbe, et ne sont
employés qu'a sii,'nifier une (lualité, une situation,
un état du substantif, abstraction faite de tout
rapjKjrt aux temps et aux autres propriétés du
verbe. Par exenq>le, dans une mère caressant
son enfant, le rapport au verbe est bien marqué.
Caressant modifie la femme avec; le rapport à
l'action de caresser; mais si je veux désigner
dans celte femme, non l'action de caresser, mais
une qualité, une disposition naturelle (jui la porte
à l'action de caiesser, je dirai qu'e//e est cares-
sante, et alui s le mot caressante est semblable à
un adjectif simple.
Ces sortes d'adjectifs, tirés des verbes, et que
PAR
l'on appelle adjectifs verbaux, n'étant plus des
participes présents, mais d<'S adjectifs simples,
s'accordent en genre ei en nombre avec le sub-
stantif (ju'ils modifient, comme on vient de le voir
dans l'exemple cité.
Il y a beaucoup de verbes dont le participe
peut être changé ainsi en adjcilif verbal ; mais il
n'est pastoujuursaisédedislinguerl'un de l'autre,
et par consécpicnt de savoir s'il l";iul faire accor-
der ou non avec son substantif un adjectif ter-
miné en ant.
Souvent les participes présents sont précédés
de la préposition en , et alors ils restent participes
présents, et no peuvent pas être confondus avec
l'adjectif verbal. Quelques grammairiens les ap-
pellent gérondifs, mais il n'y a pas d'inconvénient
à leur laisser le nom de participe. La prciwsilion
en, mise avant le partici|)e présent, sert particu-
lièrement à indiquer que le particif)ese ra|)porle
au sujet du verbe dans les cas où, sans celte
préposition, il pourrait se rapporter au sujet ou
au régime. Par exemple, dans je l'ai rencontré
allant à la campagne, allant peut se rapporter
également au sujet ou au régime, et le sens peut
être, je l'ai rencontré lorsque j'allais à la cam-
pagne, ou je l'ai rencontre qui allait à la cam—
paf/ne. Mais on ôte l'équivoque en mettant la
préposition en avant le participe; et je l'ai ren-
contré en allant à la campagne voudra dire, je
l'ai rencontré lorsque f allais à la campagne ,
parce que la particule en détermine le participe
à se ra[)porter au sujet.
Les verbesaciifs exprimant es.sentiellcmenl une
action, leurs participes présents ne peuvent être
changés en adjectifs verbaux modifiant le sujet
qui l'ait l'action. Le changement ne peut avoir
lieu que pour signifier dans le sujet lUie (lualité,
une disposition, ou un état permanent relatif au
sens exj)rimé par le verbe.
Je ne jieux pas dire qu'une personne est
aimante, pour dire qu'elle aime actuellement;
car aimer est une action, et n'esl ni une qualité,
ni une disposition, ni uu état permanent. Mais
si je veux dire (ju'une persoimc, par l'effet do la
sensibilité <lc son cœur, a une «pialilé perma-
nente qui la porte à se livrer au sentiment de
l'amitié ou de l'amour, je dirai t]ue cette per-
sonne est aimante, indiquant jiar là, non (]u'elle
fait lactiou d'aimer, mais «pi'elle a une (jualité
permanente, habituelle, (pii la porte à aimer. On
ne peut pas dire une femme parlante, parce que
parlant exprime une action et non une ipialilé.
Mais on dit une tête parlante en pai lan! d'un
ouvrage de mécanique (jui a laijualité de parler,
et qui par là est distinguée des autres têtes arti-
ficielles qui n'ont i)as la même qualité. Une per-
sonne n'esl \)^s chantante, parce qu'en chantant
elle fait une action; mais un air est chantant
parce (ju'il a <lcs «pialités qui le rendent propre
à être chanté. Je ne dirai pas d'une personne qui
m'outrage, que c'est une personne outrageante,
parce qu'il ne s'agit que d'une action, et non
d'une qualité; mais je dirai que les paroles
qu'elle m'adresse sont outrageantes, parce que
ces paroles ont une qualité (jui les rend telles.
Une couleur changeante n'est pas une couleur
qui change, mais une couleur dont la qualité, la
propriété est de changer. Des instrumeiils tran-
chants ne sont pasdcs instruinonlsqui tranchent,
mais des instruments qui ont la (lualiic, la pro-
priété de trancher. Une personne a/fli/eant une
autre personne, fait l'action d'aflbger; et sous
ce rapjiort, je ne puis pas dire qu'elle est affti-
PAR
géante. Mais vite nnvreUe est affligeante 1 irs-
qu'ellc a dps(nialilés propres à aflliiicr.
Ce que l'on vient de ilin' des vcilirs actifs
peut s'appliquer aux veri)es iieulrcsqui cx|iriment
une aclidu. leur participe iircsont ne peut se
chanper en adjectif verlial (|u'cn classant d'ex-
primer une action, jxiur exinimer une qualité mi
un état On ne dit \m\'?.v ne personne riante, parce
que rire est une action, et non une (pialilé ou un
étal permanent. Maison dit m« air riant, une
cainpofjne riante, parce iju'il s'agit ici de sub-
stantifs que l'on ne rei)réscntc pas comme laisanl
une action, mais comme ayant des ijualitcs qvii
les rendent ai.'réaiiles. Une personne sav-ffrant
est une |)ersoime qui soulfie, c'est l'jiction de
souffrir; c'est le participe présent. Si je dis d'une
personne qu'elle est snvffrante, je ne la considère
plus relativement à l'action de souffrir, mais
relativement à l'état île souffrance où elle se
trouve. On dira, je les ai vus mourant s}tr lu
champ de bataille, je les ai vus mourant d'ii?ie
mort glorieuse, parce (juil s'agit ici de l'action
de mourir; njais si l'on veut expriuicr lélat de
personnes (]ni meurent, on dira je les ai laissés
mourants sur le champ de bataille, cette femme
est mourante.
Il faut observer que les participes préseiits des
verbes neutres (pii expriment des actions peuvent
se changer en adjectifs verbaux, iurs(]ne ces
actions sont en môme temps les (jualilés distinc-
tives de rpsiiécedont on parle, .\insi, l'on dit des
hommes pleurants, vne femie pleurante, des
oiseaux volants, des chiens ahnyants, des tau~
reaux invgissants, des agneaux hèhnits, des
chats 7nii!uhints, un lion rWjissa/il, une lv<nnr
rugissante. Des animaux rampants, du lierre
rampant, des arbres verdoyants, une campagne
verdoyante. Des flots écuinanls. On dit des épis
jaunissants, des 7noissons jaunissantes, parce
qu'il est daiu. la nature propre des épis et des
moissons de jiumr. Mais ou ne dirait pas d'un
homme altaijui' de la jaunisse, q-j/'jY est jaunis-
sant, iiarce qu'il ne s'agit ici que d'une chose
accidentelle. On ne dit pas non plus des animaux
sautants, marchants, mangeants, |)arce qu'il
s'agit d'actions <iiii ne sont pas des caractères
dislinctil's d'une espèce.
Quand les verbes neutres n'expriment pas une
action, le chançement du participe présent en
adjectif verbal est naturel, parceiiu'alors le verbe
neutre exprime un état. On dit donc toutes les
créatures existantes, les hiumes viva?its, les
monuments subsislants. etc.
Toutes les fois (jue le participe présent est
précédé du pronom se, il exnrime nécessairement
une action, l't ne |)eiit par conséqiicnt être regardé
comme un adjectif simple. Dans deux personnes
saunant, des femmes se parant, des brutichcs
s'agitan:, on voit clairement (jn'il ne peut être
question ù'une qualité, mais qu'il s'agit d'une
action do-.il se exprime l'objet. On ne dini donc
pas, deux personnes s'aimanles, des femmes se
parantes, des branches s'agitanles. .\ la véi'ité,
Boileau, I.a Fontaine, Molière et Racine, ont
donné quelquefois à cos participes la forme du
pluriel ; mais, outre que les exemples puisés dans
les poètes ne doivent pas toujours êlrc imités par
les prosateurs, on peut penser que c'est un reste
de l'usage <ini n'était pas encore entièrement aboli
alors, de faire prendre aux i>arlicipes [irésents
toutes lesforinesdes adjectifs simples. Cesauteurs
mêmes paraissent n'avoir agi ainsi que lorsque
ia rime les y invitait. Partout ailleurs ils ont
PAR
527
laissé au participe présent sa forme primiiiYC.
Boileau a dit :
Kl pour lier des mois si mal a' entr' accordants.
Prendre dans ce jardin la lune avec les dénis.
{Épttre, XI, 63.;
Et plus loin des laquais, l'un l'antre s'agaçants,
Fonl aboyer les iliiens et jurer les passants.
(Sat.M, 57.)
Mais d a dit aussi {Sut. III, 220) :
Nos Ijravcs n'accrochant, se prennent aux chevaux.
On lit dans Racine [Idylle sur la paix, v. 40)
En leur fureur de nouveau a'oubliants.
Mais on y lit aussi {Athalie, act. I, se. i,
i-y.) :
Les morts se ranimant à la voix d'ÉIisce.
T.a Fontaine a dit, à cause de la rime [Philé-
T/!on et Baucis, 102) :
Moitié secours des dieux, moitié peur so hdtants.
Et,
Ces deux rivaux ensemble se jouants.
Mais lorsqu'il n'est point gêné par la rime, il
dit(liv. IV, fab. xii, 73) :
Corsaires à corsaires
L'un l'aiilro s'attaquant ne font pas leurs affaires.
Delille, qui vivait dans un temps où il n'était
[)lus permis de faire des adjectifs simples de ces
sortes de participes, ne tombe point dans cette
faute :
Vois ces groupes d'enfants s» jouant sous l'ombrage.
Des milliers d'ennenjis se pressant sous nos portes.
Fondent sur nos remparts.
{Énéid., II, 438.1
Bossuet et Fénelon, qui écrivaient en prose,
ont évité ces fanies que la gêne de la rime fai-
sait faire (juclquefois aux poètes leurs contem-
porains : La mémoire de la création allait s'af-
faiblissant pe?/ à peu. (Bossuet.) En même temps
j'aperçus l'enfant Cupidon, dont les petites ailes
s'asitant, le faisaient v<lliger autour de sa mère.
fFènel., Télém., liv. IV, t. i, p. 156.)
Ce que l'on vient de dire suffira, je pense,
junir faire distinguer dans quel cas il faut em-
])loyer le participe présent ou l'adjectif simple;
a[)pliquons à quelques autres exemples le résul-
tat de nos observations.
.Nous avons dit que le participe présent ne
peut se changer en adjectif verbal iju'en se dé-
pouillant i!c tout rapport à une action. Ains'
toutes les Ibis que je vois le participe accom[ia-
cnè de quelque circonstance (pii inditiue un rap-
port au verbe, je dois en conclure «pi'il est par-
ticipe, cl non adjectif. Dans j'ai vu cette dam»
o!)liireanl ses amis, le mot obligeant fManl suivi
du nk'ime ses amis, je reconnais dans ce mot
une propriété du verbe, qui est d'avoir un régime
direct, cl j'y vois par conséquent un participe
présent. . ,
La mer mugissant ressemblait a une personne
qui. (Fénelon.) Ici, je vois deux verbes inis en
rapport. La mer, par son action de invgir, res-
5-28
PAR
semblait, etc. Mugissant a donc rapport m
verbe, il est donc p;iriicii)e. Dans combien de
pères, trciiihlaiil de déplaire à leurs cnfaiils, srni
faibles, et se croient tendres, je reiii;iniiie <iuc
tremblant a le rcgiiiic du verbe dont il lire son
origine; j'en conclus qu'il exprime la niéiiie ac-
tion (jue ce verbe, cl par conséquent qu'il est
participe. Mais dans un père tremblunt se Jette à
vos genoux, je ne vois (ju'un substanlil' cl un
adjectif, père tremblant; rien ne m'avertit que
tremblant signifie une action; tout me montre,
au contraire, qu'il indique un étal; et, par cette
raison, je dois le regarder comme un adjectif
verbal. L> s autres hnmmes paraissent iremblanls
à leurs pieds. (Fcnelon.) Je vois de même des
adjectifs vcibaux dans les phrases suivantes : des
feux dévorants, une eau dormante, des eaux
jaillissantes, parce que je n'y aperçois aucune
fonction du verbe; mais si celte fonction se fait
remarquer de quelque manière que ce soit, je
reconnaîtrai des participes présents. C'est ce qui
a lieu dans une femme aimant ses devoirs, les
eavx jaillissant du rocher; les éclairs sillonnant la
wï'/?, etc. Par les uicmcs raisons, je reconnais des
adjectifs verbaux ddi\)S des feux \o\i\ii\s, des étoiles
volantes, des oiseaux volants ; et des participes pré-
senlsdans(/e.y/roz<s volant dit haut des murs, des
flèches volant de part et d'autre, des oiseaux
volant vers le nord. Dans ces derniers exemples,
du haut des murs, de part et d'autre, vers le
nord, donnent au sens de volant le caractère
d'une action. 11 en est de même des exemples sui-
vants. J'ai trouvé vne femme tremblante, lan-
guissante, moiM-antc ; voilà évidemment des ad-
cclifs, ils expriment un état. J'ai trouvé cette
femme jouant, sortant de son Ut, allant et venant
dans la maison, voilà évidemment des participes
présents, puisqu'ils désignent des actions, soit
par eux-mêmes, soil par les accessoires qui les
accompagnent. Girard a dit des esprits bas et
rampants ne s'élèvent jamais au sublime. Je ne
puis m'empécher de voir dans bas et rampants
deux qualités (lui m'indiquent des adjectifs. Mais
quand je lis dans Fénelon, il entend les ser-
pents, il croit les voir rampant autour de lui,
le sens de la phrase me montre rampant comme
e.xprimant une action ; c'est comme s'il y avait il
croit les voir ramper. Dans ces vers de Boileau
{Sat.lU,2i6):
L'assielle votant.
S'en ïa frapper le mur et rCTÎenl en roulant.
On remarque quatre actions dont l'assielle est
le sujet. Elle vole, elle va frapper le viur ; elle
rerient, elle roule ; volant, qui exprime une de
ces allions, est donc un participe présent, et ne
peut èlre un adjectif verbal.
Cliei les hommes ailleurs sous ton jnug gémissants.
Vainement on cliercha la raison, le droit sens.
(BoiL., .Sat. XII, 143.)
Je les peins dans le meurtre \ l'enii triomphants,
Rome entière noyée au sang de ses enfants.
(Corn., Cin., act. I, se. m, 54.)
L'autre, avec des yeui secs et presque indiffércnls.
Voit monrir ses deux fils par son ordre cxpir tntf.
(llAC, Bér6n., act. IV, se. V, 125.)
Selon quelques grammairiens, l'adjectif verbal
n'est employé dans ces vers que parce que le
régime indirect précède le participe; de sorte,
ajoulcnt-ils, que, si l'on rélablissait l'ordre na-
PAR
turel, il faudrait conserver le participe, et dire
les hommes gémissant s>us ton joug, triomphant
à l'envi dans le meurtre, exi)irant par son
ordre.
Je pense qu'il faut mettre ces exemples au
nombre des licences (pie se permettaient encore
les poètes du temps de {'."ineille, de Racine et
de Boileau, pour éviter la conirainle de la rime.
Dans ces exemples, les compléments sous ton
joug, il Vcnvi, par son ordre, désignent des ac-
tions, et cela suffit p mr conserver le participe,
soil qu'il y ait inversion ou non.
On lit dans \ Orphelin de la Chine (act. I,
se. jii, i7) :
Tandis que leurs sujets tremblants de murmurer.
Voici, dit la Harpe, un exemple de cette rè-
gle que j'ai indiquée ailleurs, et qui défend de
décliner le participe présent d'un verbe quand il
en régit un autre au moyen de la particule de.
Tremblant, tremblante, est un adjectif verbal
qui ne peut régir un verbe. 11 fallait donc écrire,
tremblant de murmurer, et non pas tremblants.
Mais cette faute, devenue aujourd'hui si com-
mune partout, par une suite de l'ignorance pres-
que générale de la langue, ne peut éire attribuée
ici qu'aux imprimeurs. Voltaire ne pouvait igno-
rer ni violer gratuitement une règle si essenlielle.
{Cours de littérature.)
Du participe passé. — Le participe passé sert,
comme nous l'avons dit, à former avec les verijes
auxiliaires les temps composés. Jimé est le par-
ticipe passé du verbe aimer, parce qu'il sert
avec le verbe avoir à former les temps composés
de ce verbe : J'ai aimé, j^ avais aimé; venu est
le participe passé du verbe venir, parce qu'il
sert avec le verbe être à former les temps com-
posés du verbe venir.
Dans certains cas, ce participe reste invariable ;
dans d'autres, il prend le genre et le nombre du
nom auquel il se rapporte. la distinction de ces
cas est un des points sur lesquels les grammai-
riens ont le plus écrit, sans [wuvoir s'accorder.
Au lieu de nous mêler dans celte discussion, nous
allons présenter le système de Condillac sur cette
maiière, et lâcher d'y ramener toutes les diffi-
cultés.
On dit j'ai habillé mes troupes, mes troupes
que j'ai habillées, mes troupes sont habillées ;
voilà constamment l'usage. Or, on voit pourquoi,
dans la dernière phrase, le participe se met au
féminin et au pluriel, c'est qu'habillées est un
adjectif qui modifie un substantif féminin et
pluriel. On dit 7nes troupes sont habillées, comme
on dirait ces marchandises sont bonnes.
Mais si, dans la seconde phrase, ce participe
modifie également le substantif tivupes, il y de-
vra prendre encore la terminaison qu'il a prise
dans la troisième, cl U faudra dire mes troupes
que j'ai habillées. Or, illc modifie. En effet, quel
est l'objet du verbe avoir, lorsque je dis mes
troupes que j'ai, ou, ce qui est la môme chose,
7>ies troupes, lesqtielles j'ai? Il est évident que
c'est mes troupes. Si j'ajoute donc' habillées, co
participe ne peut exprimer cpi'une des modifica-
tions du substantif troupes, il est donc encore
adjectif.
Mais que sera-t-il dans la phrase où il ne prend
ni le fiMiiinin, ni le pluriel , j'ai habillé vies
troupes? Dumarsais a remarque le premier qu'en
pareil cas le participe est toujours un substantif.
Le participe passé est donc substantif ou adjectif
suivant la manière dont on l'emploie.
PAR
Le verbe avoir, dit ce célèbre grammairion,
signifie proiireincnt poMet/er : j'ai une terre. On
l'a eiisuiic clendii a d'autres usages, et on a dit
j\n faim, fui soif; cAv, ciuoiqu'un n'ait pas faim
comme on a une terre, et que, dans l'un comme
dans l'aulro cas, avoir ne signitie pas absolument
la mi'me ciiose que posséder, il y a cependant
quelcjiie analogie entre j'ai une terre et j'ai
faim. Oi', d'analogie en analogie, un mot liuit
souvent i)ar èlnî pris dans une acception qui a
à peine quelque rapport avec la première. C'est
ce <pii est arrivé au verbe avoir; il a passe
par une suite d'acceptions, dont les deux ex-
trêmes sont j'at une terre, j'ai habilh' ; C[ ces
deux extrêmes dilTcreiit en ce que l'un a pour
accessoire un rapport au présent, et que l'acces-
soire de l'autre est un rapport au passe. Dans/'ai
une terre, l'objet du verlie fljvu'r est vnc terre;
habillé est donc également l'objet du verbe aroir
<hus j'ai habillé. Or, un verbe ne peut avoir pour
objet qu'une chose qui existe, on que nous con-
sidérons comme existante; c'est-à-dire qu'il ne
peut avoir pour objet qu'une chose que nous
désignons par un nom substantif. Habillé est
donc, ainsi ([u'uite terre, un nom substantif.
Ces sortes de substantifs participent du verbe ;
ils ont un objet quand le verbe en a un. Mes
troupes, par exemple, est l'objet û'Iiabillé, dans
j'ai habillé mes troupes. Ils n'ont point d'objet
quand le verbe n'en a pas. Ainsi di\\i'^ j'aiparlé,
parlé est un substantif qui n'a pas d'objet.
De même qu'on distingue dos verbes d'action
et des verbes d'état, on pourrait distinguer deux
espèces de particii)es substantifs : les uns sont
des substantifs qui expriment une action, habillé,
parlé; les autres sont des substantifs qui expri-
ment un état, dormi, langui.
Tous ces substantifs diffèrent des autres, en
ce qu'ils ne sont ni masculins, ni féminins, ni sin-
guliers, ni pluriels. Leur terminaison ne varie donc
jamais; et, par conséquent, les participes adjec-
tifs sont seuls susceptil/les de genre et de nombre.
Dès (lue les participes substantifs sont inva-
riables dans leur terminnison, il ne peut y avoir
aucune diflicullé sur la manière de les employer.
Passons donc aux particiiies adjectifs.
Les participes adjectifs peuvent se construire
avec le \erbe être, ou avec le verbe avoir. Dans
le premier cas, ou le verbe être conserve la si-
gnification qui lui est propre, ou il ne la con-
serve pas. S'il la conserve, le participe doit tou-
jours s'accorder avec le sujet de la proposition,
il est aimé, elle est aimée, ils sont aimés.
La vertu timide est souvent opprimée. (Mass.,
Petit Carènie. l^ices et vertus des grands, 2'' part.)
La vertu obscure est souvent méprisée. (Idem.)
Lesgensde. ;H<^ri7e étaient connu^parurilcsPerses,
et ils n'épargnaient rien pour les gagner. (Boss.
Disc, sur l'Iiist. univers., 3" part., ch. v, p.
446.) Les anciens Grecs étaient généralement
persuadés «7«c l'âme est immortelle. (Barth.) Ils
sont tombés, ils ont été châtiés, ces enfants tant
aimés de leurs parents.
Si le verbe être ne conserve pas la significa-
tion qui lui est propre, il est employé à la place
du verbe avoir, et on dira il s'est tué pour il a
tué soi, et il s'est crevé les yeux , pour il a
crevé les yeux à soi. Alors il y a encore une
distinction a faire.
Ou l'action exprimée par le participe a pour
objet le sujet même de la proposition, et vous
direz il s'est tué, elle s'est tuée, ils se sojit
tués; car, en pareil cas, le participe est un ad-
PAU
)29
jeclif qui doit prendre le genre et le nombre du
nom qu'il modifie.
Ou l'action a jyour objet un nom différent du
sujet de la proposition, et vous direz il s'est
crevé les yeux, elle .^'est crevé les yeux, ils se
sont crevé les yeux; car ici le participe ci-evé est
un substantif. // .-t'est crevé est potir il a crevé à
soi, où l'on voit que crevé est lulijet du verbe
avoir, et (jue se pour à soi est le terme du raji-
l)ort. Dans il s'est tué, au contraire, at est l'objet
du participe, qui, parcelle raison, s'accorde avec
ce pronom
La règle que l'usage suit danstoutes les phrases
où le verbe être est employé à la place du verbe
avoir, est donc de regarder comme adjectif tout
participe qui a pour objet le sujet mémo de la
proposition, et de regarder comme substantif tout
participe qui a un autre nom jwur ob;et. Dans le
premier cas, le participe est susceptible de genre
et de nombre ; dans le second, il ne lest i)as. Cette
régie est constante, et ne sou lïre point d'exception.
Exemples du premier cas: Cette femuie s'est voi-
lée, a voilé elle. Elle s'est blessée ci la jambe, etc.
Exemples du second cas. Elle s'est voilé la tête ;
ce n'est pas elle cpii est l'objet de voilé, mais /«
tête; c'est comme s'il y avait, elle avuilé la tête d
elle. Cette personne s'e.st blessé la jambe, a
Idessé la jambe à elle. Elle s'est imaginé que
vous l'aimies. Elle n'a pas imaginé elle, mais
elle a imaginé une chose, savoir, que vous
l'aimez. Ils se sont dissimulé qu'on les a trom-
pés, c'est-à-dire ils ont dissimulé à eux cette
chose, savoir, qu'on les a trompés. Ils se sont ar-
rogé plusieurs droits, c'est-à-dire (7* ont arrogé
à eux, etc.
Quelquefois on ne voit pas clairement que le
pronom soit l'objet du participe; mais il l'est
réellement toutes les fois qu'd ne peut pas se
tourner paru soi, en soi, à moi, à toi, etc. ; c'est-
à-dire toutes les fois qu'on ne peut pas le regarder
comme régime indirect. Par exemple, dans nous
nous sommes abstenus, il semble «]ue nous ne
soit pas l'objet d'abstenus, parce qu'abstenir est
un verbe neutre qui n'admet pas de régime di-
rect, et qu'on ne i)eutpas dire abstenir soi. A la
vérité, le matériel de la langue ne permet pas de
direqu'oM a abstenuquelqu'un ;ma\s\'cs\)vH, dans
710!/* «01/5 somynes abstenus, voit nous avons
tenu nous loin de, car c'est là le véritable sens
du verbe abstenir; et, selon ce sens, nous est
l'objet du participe. Il en est de môme des verbes
se moquer, se repentir, etc. ; et l'on doit dire, en
faisant accorder le participe avec le pronom,
elles se sont moquées de vous, ils se sont repen-
tis, elles se sont prévalues, elle s'est repentie,
elle s'e.st enfuie.
Lorque le participe est joint au verbe auxili-
aire avoir, il est aisé de connaître s'il est sul)-
stantif, ou s'il est adjectiL II est suI)stanlirtoutes
les fois qu'il est suivi de son objet, j'ai reçu les
lettres; il est adjectif toutes les fois «pril en est
précédé, les lettres que j'ai reçues. On dira donc.
de deux filles qu'elle avait, elle en a fuit une
religieuse, et non pas faite ; car rtne est l'objet
du participe jait, et il ne vient qu'après. Le sens
est, elle a fuit l'une d'elles religieuse. Par la
même raison on dira, en faisant du iiarlicipe un
substantif, les académies ont fait des objections :
et, en faisant de ce même partici|)e un adjectif,
j'iqnorelesohjections que les académies ont faites.
Pendant longtemps tous les grainmairiens on:
prétendu (pie le participe passé d'im verbe actif.
quoiQue précédé d'un régime direct, devait êtrf
34
530
PAR
invariable lorsqu'il était suivi du sujet de la
proposition. En conséquence, on devait dire, bc-
lon eux, la justice que vous ont reudxi vos juges,
la leçon que vous ont donné ro.v viaitrcs, les ou-
vrages qu'a écrit ce grand homme, les peines que
m'a causé cet événement. Mais on a reconnu que
cette raison est sans fondement, et personne au-
jourd'hui n'admet (?eltc exception; on dit la
justice que vous ont rendue vos juges, la leçon
que vous ont donnée vos maîtres, etc.
Mais une question sur laquelle les grammai-
riens ne sont jwint d'accord, c'est de savoir si
le participe est variable dans sa terminaison
lorsqu'il est suivi d'un verbe ou d'un adjectif.
Faut-il dire, par exemple, elle s'est laissée mou-
rir, ou elle s'est laissé mourir ; elle s'est rendue
eathoJique, ou elle s'est rendu catholique? Com-
mençons par examiner le participe lorstiu'il est
suivi d'un verbe.
Ou dil elle s'est Unlpeindre, et non pas<'//e s'est
'hhc peit.tlrc, parce que ce n'est pas du participe
fait que se est l'objet ; il l'est d'une idée qui est
exprimée par ces deux mots fait peindre. De mô-
me, quoiijuon dise une mai-ion que j'ai fuite,
parce que l'adjectif conjonctif çwe est l'objet du
participe /otie, on doit dire une maison que j'ai
fcit faire, parce qu'alors le conjonctif, au lieu
d'être l'objet du partiripc, devient l'objet de fuit
faire.On dira aussi imitez lesvertusquevous arez
entendu louer, et non pas entendues, parce que le
conjonctif n'ol l'objet ni d'entendre, nide lover,
pris séparément. iH'est de ces deux mots, réunion
d'une idée qu'on exprime avec ces deux mots
comme on pourrait l'exprimer avec un seul. Enfin
on dira, terminez les affaires que vous avez pré-
'vu que vous auriez, G\ non Yi^s prévues, parce que
le conjonctif est l'objet d'une seule idée exorimée
^»r ces mots, prévu que vous auriez.
' D'après ces exemples, on peut établir pour
règle, que le participe est invariable dans sa ter-
minaison, toutes les fois qu'on le joint à un verbe,
pour exprimer avec deux mois une seule idée,
comme nous l'exprimons avec un seul. Il ne s'agit
donc plus, pour juger si le parlicijie suivi d'un
verbe doit être ou n'être pas suscep ible do ccnre
et de nomore, que de considérer suouojd snou is
comme aeux laces séparées colle ou \erbe et
celle (kl pariicipe, ou si, au contraire, nous
sommes portés à les regarder comme une seule
idée.
On doit dire elle a pris un remède qui l'a fait
mourir, parce que le pronom la est l'objet d'une
seule idée, fait mourir. Mais dira-t-on die a
Î*ris w?i remède qui l'a laissée mourir, ou quil'a
aissé mourir"^ Quelques grammairiens veulent
qu'on dise laissée. Ils .considèrent donc sép:uê-
ment l'idée de laissé çt celle de inourir; et,
parce (juc mourir no peut pas avoir un objoi, ils
pensent que le pronom la est celui <lu |iarli(i|)e
laissée. De même ils veulent qu'on dise elle s'est
présentée (t la porte, je i'ui laissée passer, quoi-
qu'on doive iiiic, je l'ai fait passer. Pour rendre
mourir. Mais que veut dire j'«i laissé elle? Il
semble que nous sommes portos à regarder
laissé mourir ou laisser passer comme une
seule idée, et que nous sommes clioqués de la
voir partagée en deux par un pronom placé entre
le participe et le verbe.
Autre exemple des momcs grammairiens : Aret-
voms entendu chanter la nouvelle actrice? Je
PAR
l'ai entendue chanter, c'est-à-dire j''ai entendu
elle chanter. Aves-vous entendu chanter la nou-
velle arieitrf Je l'ai entendu c/m/i <<>»•, c'est-à-
dire j'ai entendu chanter V ariette, ^uaiid il
s'agit de l'ariette, ils considèrent donc entendu
chanter comme une seule idée, parce qu", en
effet, l'ariette ne peut être l'objet que de l'idée
exprimée par ces deux mots réunis, entendu
chanter. Or, il faut convenir <iu'à la rigueur, la
nouvelle actrice pourrait cire l'objet (ïeniendu;
ni;iis il ne s'agit pas seulemom de l'avoir enten-
due, il s'agit de l'avoir entendu clianler, et il
semble qu'on ne peut pas considérer comme
deux idées séparées celle du participe et celle du
verbe; il faudrait donc dire, je l'ai entendu
chanter, même de l'actrice.
Les grammairiens opposés au système de Con-
dillac, que je viens d'exposer, distinguent le cas
où l'infinitif (jui suit le participe est neutre, de
celui ou il est actif. Dans le premier cas, disent-
ils, le participe laissé doit être variable ; dans le
second, il doit être invariable. En conséquence,
ils veulent que l'on écrive avec accord, une
personne s'est présentée et la porte, je l'ai laissée
passer, parce que le pronom, régime direct, ap-
partient au i)arii(i|)c, et non à passer, qui est un
verbe neutre. J'ai laissé elle passer. Mais ils
voudraient que l'on dit, sans accord, ellt^ s'est
laissé conduire, elle s'est laissé gouverner, par
la raison que conduire , gouverner , sont des
verbes actifs, et qu'alors le pronom relatif n'est
pas le régime de laisser, mais de ces deux verbes,
elle a laissé conduire elle, elle a laissé gou-
verner elle.
Mais si l'on examine bien la nature du verbe
laisser, suivi d'un infinitif, on verra qu'il ne
peut être séparé de cet infinitif sans présenter
un sens différent de celui que lui donne sa liai-
son avec cet infinitif. Je l'ai laissé, signifie, je
l'ai quitté, je l'ai abandonné, je l'ai oublié; et
c'est ce sens qu'aurait le verbe, si, en le séparant
dcl'inlinilif, ondisaiij'wi laissé elle, ou je l'ai
laissée; et si l'on ajoutait ensuite joA-sser, cet In-
finitif ne serait plus lié à la phrase, il n'aurait
Doint de régissant. Il ne pourrait être l'objet de
laisse; car, '^'"i'^ ''o (-ac ce Dariicino en aurait
déjà un; sivoir, eue, je Pat laissée, et l'on sait
qu'un participe, non plus qu'un verbe actif, ne
peut avoir deux objets ou deux n'-gimcs directs.
Après avoir entendu jV l'ai laissée, l'esprii atta-
cherait à ce verbe le sons qu'il a lorsqu'il est em-
ployé seul; et si l'on ajoutait passer, il faudrait
(ju'il revint sur ses pas, et qu'il abandonnât ce
sens, pour lui en donner un autre; ce qui est
absolument contraire au génie de la langue, qui
veut que chaque mot présente le plus tôt po-sible
/e sens qu'il doit avoir, et qu'il n'y ait point
d'intermédiaire entre un motel celui "U ceux qui
doivent déterminer le sens dans lequel il doit être
pris. Or, ici la terminaison du participe laissée
marquerait un intermédiaire, puisqu'elle rappel-
lerait le pronom la, comme régime de ce participe,
-Mais si ce participe pouvait être séparé de
l'infinitif, et avoir son régime à part, pourquoi
cela n'aurail-il pas lieu dans les cas où le sub-
stantif est exprimé? Or, on ne dit pas j'ai laissé
ces dames passer, ce (ju'cn pourrait dire si ces
dames étaient réellement le nigime do laissé. On
dit, au contraire, j'ar laissé passer ces darnes, ce
qui prouve que le régime appartient réellement
aux deux verbes, qui ensemble éijuivalent à un
verbe actif, et nun au oui \cThopasser, qui est
un verbe neutre. On dit laisser tomber des it-
PAR
rres, et non ^?is laisser des livres tomber ; or,
f)Ourqiioi, dans cette phrase, /e« livres seraient-ils
e régime de laisser tomber, et ne seraient-ils (jne
le régime de laissés, dans je les ai laissés toiuber?
Je lis dans un traité des i)arlicipes: Les livres
qu'il a laissés tomber ; on laisse les livres tom-
ber ; on ne les retient pas lorsqu'ils tombont; que
est donc le régime de il a laissé cl non de tomber.
Malgré celte assertion, je doute (jue l'auteur ait
iainais dit à (]uelqu'un vous laissez , ou vous
avez laissé votre livre tomber. On laisse tomber
des livres, on fait t^imber des livres. Cl ordi-
nairement on ne sépare point tes deux verbe-:.
On dit également, il faut laisser vtanger ces
enfants, Ct il faut leur laisser vianger celte
salade; d'où il suit qu'il Faut dire, en parlant
des enfants, je les ai laissé manger , et on |»ar-
lanl de la salade, Je l'ai laissé manger. Quoi<iue
le verbe manger ait dans ces phrases des sens
Irés-dinérenls, on ne saurait y cire trompé, parce
qu'il y a toujours dans ce qui précède (juciquc
circonstance qui détermine le sens dans lequel ce
verbe doit être pris.
Mais, dira-t-on, si l'inlinilif est un verbe actif,
et qu'il soit suivi lui-même d'un régime direct,
on sera bien obligé de regarder le pronom couune
le régime direct du participe, puisqu'on ne peut
l'attribuer à rinfinilif, qui a lui-même son régime
direct. Ainsi, il faudra dire je Zesat laissés tuer
vies pigeons, je les ai laissés boire mon vin, sans
quoi les verbes tuer et boire auraient deux
régimes directs : eux et mes pigeons, dans la
première phrase; eux et mo7i vin, dans la se-
conde.
Si l'on convient (juc laisser tuer équivaut à
une seule expression (jui a le sens d'un verbe
actif, cette expression ne peut pas plus qu'un
verbe actif avoir deux régimes directs. On ne dira
donc pas, laisser tuer eux vies pigeons; mais
on dira, mettant le régime naturel le iiromicr, et
faisant de 1 autre un régime indirect, laisser tuer
mes pigeons à eux, ou par eux. On ne dira donc
pas, /e les ai laissés tuer mes pigeons, mais Je
leur ai laissé tuer mes pi/jeons. On dit laisses
boire un coup à cet homme, et non pas laissez
cet homme bi-ire un coup; et, par coDScquenl,
on dira je leur ai laisse boire -mon vin, ce ([Ui
signifiera j'ai laissé boire vion vin à eux. C'est
ainsi qu'on dit je leur ai fait traverser le
fleuve, ou je leur ai laissé traverser le fleuve ;
et non pas je les ai fuit, je les ai laissés tra-
verser le fleuve
Il n'y a peut-être qu'un cas où le verbe laisser
puisse être séparé de l'infinitif qui le suit, i est
lorsque cet ia.iaitif est un verbe pronominal ,
comme dans il faut laisser ces enfants se di-
vertir. Encore pcut-un dire que, dans ce cas,
iaisser n'est pas joint a l'infinitif, pour neformer,
avec cet iniiaitif, qu'une seule idée, puisqu'il en
est séparé par le pronom se, qui donne au \crbe
divertir un caractère particulier, en formnnlson
régime direct, indepcndam:nenl du \crbe laisser.
On dira bien, dans ce cas, en parlant de plu-
sieurs enfants, /« les ai laissés se divertir, et on
ne peut pas dire autrement.
Je sais que quchiues grammairiens donnent
jiour règle incontestable que, lorsque le participe
est un verbe actif, et l'inlinitif un verbe neutre,
il faut faire tomber le régime sur le parlicijKî et
non sur le verbe; et (pi'ainsi il faut dire, je les
ai laissés passer, je les ai laissés tomber, je les
ai vus tomber, je les ai vus jnourir. Je sais
qu'ils citent même à l'appui de cette règle quel-
PAR
i3î
ques exemples tirés de nos meilleurs poêles :
comme :
Allez, dis-je, et sachez quel lieu les a vus naître.
(Volt., Oreite, acl. II, se. m, 18.)
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux.
(Rac, Britan., acl. II, se. Ii, 14.)
Lui-mime d'aussi loin qu'il nous a vus paraître.
(Uac, Daj., uct. Y, se. XI, 7.)
Mais il ne faut passe lasser de répéter (]ue des
exemples pris dans les i)oëtcs, lorsqu'ils no sont
pas d'accord avec les jjrincipes cl l'usage, [au-
vent n'être que des licences. 11 ne s'agil i)as ici
de savoir si llacinc et Voltaire ont vu deux idées
ilistinctos dans voir paraître, voir arriver, voir
naître, mais s'il est dans l'esprit et le génie de
la langue de voir ces deux idées. Or, il est cer-
tain (]u'il est plus naturel de dire j'ai vu pa
raîlre cet astre, j'ai vu arriver cette priit-
cesse, j''aivu naître celte femme, que j'ai vu
cet astre paraître, j'ai vu cette princesse arriver ,
j'ai vu cette femme naître. Donc, dans le lan-
gage ordinaire, les deux verbes sont regardés
comme ne formant qu'une seule idée, susceptible
d'un régime comme un vcrlieariif. llacinemêuie
avait mis dans sa première édition :
Je l'ai vu cette nuit arriver en ces lieux.
Et c'est probablement pour éviter le son dés-
agréable de celle nuit arriver, qu'il a changé ce
vers. Il a sacrifié l'exactitude à l'harmonie; cette
l'aule, n'ayant point été relevée, en a amené une
autre de la même nature; enfin, dans la suite,
un grammairien célèbre ayant tâché de la justi-
fier, elle a trouvé des imitateurs.
Il faut convenir cependant qu'il y a des cas où
le participe peut être séparé de l'infinitif; mais
alors le sens de la phrase cl la construction na-
turelle indiquent et autorisent cette séparation.
On dit, par exemple, j'ai vu celte dame peindre,
ct celle i)hrase signifie j'ai vu cette dame gui
peignait. Je dirai donc dans ce sens /e Ta t vue
peindre. Si je disais /'«t vu peindre cette dame,
cela signifierait évidemment j'ai vu queli/u'u?!.
qui faisait le portrait de cette dame; ainsi je
dirais, en ce sens, je l'ai vu peindre. On dit
même, en ce sens,y<? les ai vus piller, en parlant
de gens qui pillaient, c'csl-à-dire j'ai vu des
hommes piller, occupés ii piller ; et je les ai vu
piller., en parlant de gens que l'on pillait, c'est-à-
dire j'ai vu piller ces gens, etc.
11 ne nous reste plus qu'a considérer le parti-
cipe lorsqu'il est suivi d'un adjectif, l-'aul-il dire
elle s^est rendue maîtresse, elle s'est rendue
catholique, OU elle s'est rendu maîti-esse, elle
s'est rendu catholique'^ Pour résoudre celte
question, il faut considérer si nous sommes |)ortés
à séparer les idées, ou à les unir dans une seule.
Or, il semble qu'on dit beaucoup mieux, le com-
merce a rendu riche cette ville, que le commerce
a rendu cette ville riche. Ainsi, quolcjuc nous
employions deux mots, nous ne paraissons avoir
qu'une seule idée, comme si nous disions a
enrichi. I/idéc scrail-ellc donc une lorsque nous
nous servons d'une périphrase, comme lorsque
nous la rendons en un seul mot ? Mais cette con-
clusion serait peut-être trop précipitée; car
l'oreille est quelquefois la régie de nos construc-
tions, autant au moins que notre manière do
concevoir. En effet, on dira [ilulùt le vommerce a
532
PAR
rendu cette ville opulente, que le commerce a
rendu tipvlcnte cette ville; j'ai rendu cette per-
sonne maîtrossc do 711071 sort, que j'ai rendu
7iiuitresse de mon sort cette personne ; un dvcleur
a rendu ce prolestant cathctique, <]ii'i/« docteur
a rendu catholique ce protestant. Il scinhlc tioiic
que nous soyons |)or(es à séparer l'iiléo du parli-
cipe (le celle de l'adjectif, el, par conséquenl, on
peut dire elle s'est rendue catiidù/ue, elle s'est
rendue luaitrcssc. Mais si nous scpar.ins plus
Volontiers l'idée du participe de celle d'un ad-
jeclil', c'csl qu'un adjectif présente une idée qui,
étant plus délcrminée, se distingue davantage de
toute autre. Celle d'un verbe à l'InGnilif, étant au
Contraire indélerniinéc, est, par celte raison,
plus proi)ie a se conl'oudre avec celle du par-
tici|)e.
i.e participe passé est invariablodans les verbes
impersonnels. On dit les chaleurs qu'il a fait, el
non J)as les chaleurs qu'il a faites; la grande
disette qu'il ij a eu, el non pas la grande disette
qu'il y a eue.
A ces observations sur les participes nous
joindrons quelques remarques de Voltaire et de
La Harpe.
Là par un long récit de toutes les misères
Que durant noire enfance ont enduré nos pères.
(Corn., Cin., act. I, se. m, 32.)
Ont enduré, dit Voltaire, parait une faute aux
grammairiens; ils voudraient les misères qu'ont
endurées nos pères. Je ne suis point du tout dt^
leur avis. Il serait ridicule de dire les misères
qu'on souffertes 710s pères, quoiqu'il faille dire
les iniiéres que nos pères ont souffertes. [Remar-
ques sur Corneille.)
Voltaire s'est souvent mis au-dessus de ces
règles des participes; il a dit, en parlant d'une
femme {Tancrède, act. IV, se. 11, 17) :
Et l'eussé-je aimé moins, comment l'abandonner?
Il fallait aimée, dit La Harpe. [Cours de litté-
rature.) Voyez .Ibsolu.
Participkr. A', n. délai" conj. Il régit à et de.
Participer à, c'est avoir part à quelque chose.
Un associé participe à tous les droits d'une
société. Lesdifjérentes classes desélèves assistent
(111X repas sans participer. (Barthél., Anacharsis^
ch. XLviii, l. n , p. 136.) // les attirait parles
charmes de la conversation, en s'associant à
leurs plaisirs, sans participer à leurs excès.
(Idem, ch. lxvii, t. V, p. 285.)
Participe à ma gloire au lieu de la souiller,
Tlclie à l'en revêtir, non à m'en dépouiller.
iCoRN., Wor., act. IV, se. vil, 23.)
Participer de, c'est tenir de la nature de quel-
que chose : Un 7niné rai qui participe du vitriol.
Le 7nulet, engendré d'un âne et d'une cavale,
particii)e de la nature de l'un et de l'autre.
Déjà de Vespérus la douteuse lumière,
Qui participe ensemble et de l'ombre et du jour,
Éclairait à demi le céleste séjour.
(Delil., ParadiB perdu, IX, 50.)
Quelques grammairiensont conclu de ces exem-
ples que participer est suivi de ù quand son sujet
est un nom de ])crsonne, et (ju'il est suivi de
la préposition de quand son sujet est un nom de
choses.
Cette règle est fausse, car on pourrait fort bien
PAR
dire d'un homme, né d'un blanc et d'un notre, il
partici|)ait </c l'un et de l'autre; el en parlant
d'une |)laiite, elle participait aua: soins que Con
donnait à toutes les plante; de ce jardin.
Queltjues-uns disent participer pour prendre
part : je participe u votre douleur. L'.\cadéinic
dit qu'il s'emploie (luehjuefois en ce sens; elle
aurait du dire (|ue le bon goût le rejette.
Pahticllk. Subst. f. Terme de grammaire. Ce
mot est un diminutif de partie ;'i\ signifie une
i>etite partie d'un tout. Les granimainens l'ont
adopté en ce sens, pour designer par un nom
unique toutes les parties d'oraison invariables,
les prépositions, les adverbes, les conjonctions
el les interjcviions. Il n'y aurait pas grand mal à
celle dénomination, si, en effet, elle ne désignait
que les espèces dojit le caractère commun est
l'invariabilité. Mais, par un abus jjresque général
chez les grannuairiens, on a a|)pelé particules,
non-seulement les mois invariables, mais encore
de petits mots extraits des espèces variables.il
n'est i)as rare de trouver dans des livres élémen-
taires la particule se, les |)articules son, ses, ou
leur, et on sait que la particule on y joue un rôle
très-important. C'est un abus réel, parce qu'il
n'est plus possible d'assigner un caractère qui
soil commun à tous ces mois, et qui puisse fonder
la dénomination commune par laquelle on les
désigne.
Beauzéene regarde, avec raison, comme par-
ticules que les parties élémentaires qui entrent
dans la composition de certains mois, pour ajouter
à l'idée primitive du mol simple auquel on les
adapte une idée accessoire dont ces éléments sont
les signes. Il appelle particules prépositives celles
qui se mettent à la tète du mot, el particules
poslpositives celles qui se meltent à la lin.
Nous avons parlé à leur rang ali)habélique des
principales particules prépositives. A'oyez A ou
Ad; Âb ou Ahs ; Anti ; Co, Corn, Col, Cor, Con;
Contre; Dé; Dés; Di; Dis; E OU Ex; En;
In; Mé ou Mes; Par ou Fer; Be ou Ré.
Nous avons encore plusieurs autres particules
qui viennent ou de nos prépositions , ou des
prépositions latines, ou de quelques i)articules
latines; elles en conservent le sens dans nos
mots composés, et n'ont pas grand besoin d'être
expliquées ici. En voici quelques exemples :
Entreprendre, interrompre, introduii-e, pour-
voir, prévoir, produire, rétrograder, subveni/ .
subdélégué, soumettre, sourire, survenir, tru-
duire, transposer.
Le nombre de nos particules poslposilivis
n'est pas grand ; nous n'en avons que trois, ci, lu ,
et du. Voyez ces mots.
Particulier, Particulière. Adj. qui ne se met
qu'après son subsl. : Un Tnotif particulier, une
raison particulière. — Un cas particulier, une
aventure particulière, un talent particulier. —
Une chambre particulière, une maison parti-
culière. — Un hom7ne particulier, un esprit
particulier.
Particulier est opposé à général, dans il j^aut
sacrifier V intérêt particulier « Vintérêt général;
à public, dans il est doux, après avoir vécu dans
le tumulte des affaires, de retourner à la vie
particulière ; à universel, iiaiasl'Eglise admet un
jugement particulier; à l'idée de collet tion.
dans un particulier de cet endroit a fait une
belle action; à commun, dans, dans cette maison
chacun a sa chambre particulière. Dans cette
phrase, les assemblées particulières sont illi-
cites, il est corrélatif de publiques. Dans U faut
PAU
connaître les circonstances particulières d'une i
affaire pour en décider, il est opposé à ordinaires
et ^communes. Quand il se ijit d'une liaison, il en |
marque rtH<»mt7< ; d'un officier, il en marque la
sulordinutiin ; d'un événement, il en marque
la rareté; d'un goût, il en marque la vivacité;
etc.
Ce mot s'emploie aussi substantivement. On
dit le particulier d'une affaire, pour dire ce qu'il
y a de plus particulier dans une aiïairc, le détail
et les circonstances d'une affaire.
On dit aussi un particulier, pour dire une
l)orsonne privée, par opi>osiiiou à une société, à
une communauté, à luie collection : // avait
établi le plus grand commerce qu'un particulier
de l'Europe pût jamais embrasser. (\ oll.)
En particulier. Expression adverbiale. A
part ; séparément des autres : f^oir, prendre
quelqu'un en particulier. — On dit être en son
particulier, pour dire, être retiré dans son cabi-
net, dans sa chambre, dans son appartement. —
On dit aussi en mon particulier, pour dire, pour
ce qui est de moi.
PARTicuLn:nEJiENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On ni a recommandé
■particulièrement cette affiiire, ou o« vi'a par-
ticulièrement recommandé cette affaire.
Partie. Subst. f. Parties du discours. Voyez
Nom, Substantif, Adjectif, Pronom , f^erbe.
Préposition, Adverbe, Conjonction, et Inter-
jection.
Parties des animaux. On dit le pied d'un
cheval, d'un bœuf, d'un cerf, d'un chameau,
d'un éléphant, d'un mouton, d'un veau, d'une
chèvre, cl des autres animaux dont cette partie
est de corne. On dit la patte d'un chien, d'un
chat, d'un lièvre, d'un lapin, d'un loup, d'un
ours, d'un singe, d'un rat, et des autres animaux
chez qui celte partie n'est pas de corne. — On
dit les ongles d'un lion, les griffes d'un chat,
d'uîi tigre, etc.; les serres d'7/n aigle, d'un vau-
tour ; les serres OM les /nains d'un épervier. —
On dit la bouche d'un cheral, d'un chameau,
d'un âne, d'un vudet, d'un éléphant, et en géné-
ral des bêtes de somme et de trait. — La gueule
d'un bœuf, d'un chien, d'un brochet, d'un lion,
d'un loup, d'un crocodile, etc. On nomme de
même cette partie dans la plupart des animaux
à (luatre pieds, et dans les poissons. -- On dit
le groin d'un cochon, le mufle d'un cerf, d'un
bœuf, d'un lion, d'un léopard, d'un tigre, — le
museau d'un chien, d'un renard, pour désigner
cette partie de la tête qui comprend la gueule
et le nez. — On appelle les défenses, ou les
broches du sanglier, les doux grosses dents cro-
chues et effilées qui sortent de sa gueule. — Ou
dit la hure d'un sanglier, d'un saumon, pour
dire la téic.
Les termes les plus bas deviennent quelquefois
les plus nobles, soit par la i)lace où ils sont mis,
soit par le secours d'une épithète heureuse. Cor-
neille dit dans son Héraclius (act. II, se. 11, 40) :
Il semble que de Dieu la main appesantie,
Se faisant du tyran l'effroyable partie,
Venille avancer par là son juste châtiment.
Terme de chicane. La main de Dieu appe-
santie, qui devient l'effroyable partie du tyran,
est une idée terrible. [\o\Im-Q..)
Parties d'oraison. Voyez Oraison.
PânxiEL, Partielle. Adj. Il ne se metqu'af)rés
lM>n subst. : Les sommes partielles.
FAR
533
PARTin. V. n. irrégulier de Ja 2* conj. Il se
conjugue comme sentir. \'oyez Irrrgvlier.
Si l'on voulait s'en rapporter aux grammairiens
plutôt qu'à la raison, on se trouverait embarrassé
pour décider si le \bvhc partir prend toujours hi
verbe auxiliaire être, ou s'il prend taniùi le verbe
être, tantôl le verbe avoir. Fcraud nous dit, dans
son dictionnaire, (jue quelques-uns, parignorance,
ou par inadvertance, disent, j'ai parti, au lieu
de je suis parti; et il ajoute (]uo le verbe partir
prend toujours être pour auxiliaire dans ses
temps composés.
D'un aulrc côté, je trouve dans la Grammaire
des Grammaires (p. 473), que partir, comme
7.-ionter, descendre, et plusieurs autres verbes,
['ix-nd tantôt l'auxiliaire être, et tantôt l'auxi-
lir,v^ <\^!oir; et je lis dans le Dictionnaire de
i'A'- .'..»£ îa phrase suivante ; Le fusil a parti
tout '. . foup.
\.9 1 .ehcsso d'une langue consiste surtout dans
la quantité (les moyens (lu'elle offre jiour expri-
mer les différentes vues do l'esprit, et les nuances
qui les distinguent. Ce serait appauvrir une
langue que de rejetcrquclques-uî.sdeces moyens,
sans dcmonti'er (pi'il en existe d'éijuivalents.
Dans lasignifii-ation du mol partir, il y a deux
vues bien distinctes : la ]);cmiérc, (jui représente
l'action du sujet, lors du départ, avoir parti; la
seconde, qui montre l'étal du sujet après le dé-
part, être parti. Or, si le verbe partir no pouvait
prendre que l'auxiliaire être, \\ n'existerait pas
d'expression dans la langue pour distinguer les
nuances de ces deux idées, et l'on dirait égale-
ment le lièvre est parti, et pour marcpicr l'action
du départ, et pour siirnilier l'étal du lièvre rela-
tivement à celte action, après ([u'elle est faite
J'arrive prés d'un chasseur une demi-heure
après qu'un lièvre a parti, il me dit le lièvre
est parti; et j'entends par là qu'il s'en est allé,
qu'il a quitté le lieu où il était, qu'il n'y est plus.
Mais si je lui demande, quand a-t-il partie et
qu'il me réponde, il est parti il y a une demi-
lieurc ; \o\\ii il est parti employé pour signifier
cl l'action que le lièvre a faite en partant, et l'élat
du lièvre relativement à cette action depuis le
moment de son départ. Je conçois bien que le
lièvre est parti depuis le moment de son départ ;
mais je ne compremls pas comment il est parti,
lorsqu'il partait.
Disons donc que le verbe /jarAn- prend l'auxi-
liaire avoir (juand on veut exprimer l'action de
partir, et qu'il prend l'auxiliaire être quand on
veut marquer l'élat du sujvjt reiativemenl a celte
action finie. Il y a la même diffi'rence entre il
a parti el il est parti, ({n'entre il a passé et il
est passé.
Partisan. Su])St. m. Qui est attaché au parti
de quelqu'un, qui soutient son i)arli. Quelques
auteurs ont dit partisane au fi'ininin. N'ollairc
dit dans une lettre à madame du Boccagc (2U"
lettre, 12 octobre 1749) : Elle vous rendait bien
justice, vous n'aviez point de partisane plus
sincère. Ce mot est peu usité.
PAnTiTiF, Partitive. Adj. Ce terme est usité
pour caractériser les adjectifs (jui désignent ane
partie des individus compris dans l'étendue de la
signification des noms aux(iuels ils sont joints,
comme quelques, plusieurs, etc. Les grammai-
riens regardent encore comme partitifs les ad-
jectifs ccjmparatifs et superlatifs, les adjectifs
numéraux, soitcardinaux, comme un, deux, soit
ordinaux, comme premier, second, troisièms,
etc., parce qu'en effet tous ces mois désigaenî
854
PAS
des objets extraits de la lolalilt-, au moyen de la
qualilication comparative, superlative ou numé-
ri(|ue, désignée par un adjectif : J'ivsieurs de
nos anciens auteurs; il iic s'aiiil pas ici de tous
nos anciens auteurs, mais d'une partie indéter-
minée tjui est désignée par ratijectif plusieurs,
qui, par cette raison, est partitif. J)eus de vies
aniis ; il s'agit ici non de la lotaliit^ de mes amis,
mais d'une partie précise déterminée numérique-
ment par l'adjeciif cardinal ou coilcctilc/ef/x, tiui
est partitif, t^iueiques grauimairions ont admis un
article partitif, et il est vrai ipi'il y a partition
dans les phrases où ils prétendent voir cet arlirle,
comme du pain, de l'eau, de l'honneur; mais ces
locutions ont déjà été appréciées et analystes
ailleurs. Voyez Adjectif et Article. Ce qu'elles
ont do réellement p;irtiiif, c'est la préposition de
qui est extraclive. (Bcauzée.)
Partition. Subst. f. Le premier ii conserve sa
prononciation naturelle, le second se prononce
comme ci.
Parvenir. V. n. et irrégulier de la 2« Ounj. 11
se conjugue comme venir et prend l'auxiliaire
être. Etre allé, être arrivi'. être décédé, être
mort, être né, être tombé, être venu, être par-
venu, etc., ne signifient point une action, mais
un état qui résulte d'une action. Celui qui est allé,
est dans l'étal d'un homme (jui s'est niù pour se
rendre en quelque endroit, et il en est de môme
lorsque l'iiCtion d'aller est déterminée. On dit d'un
homme qui, est à Rome depuis six ans, il est allé
à Home. Être arrivé, c'est être au but do son
voyage, c'est un étal, etc.
Pas, Point. Expressions qui se joignent ordi-
nairement <i la négative ne. Elles se mettent après
le verbe, dans les temps simples: Je ne l'aime
pas, je n'en veux point. DiuiS les temps com-
posés, on les met entre 1 auxiliaire et le participe :
Je n'ai pas dormi, il n'est point renu. Ordinai-
rement on les met devant l'infinitif : Il faut ne
le pas montrer. Quelquefois on peut les mettre
après , comme dans cet exemple de Fléchier :
Platon ne laissait atix femmes, pour toute gloire,
que celle de n'en avoir point.
Voltaire a dit dans la IJenriade (VTIT, 323) :
Amitié que les rois, ces illustres ingrats.
Sont assez mallieurcux, pour ne connaître pas.
On peut supporter cette inversion; mais celle-ci,
de Molière, est trop dure a l'oreille (Tartufe,
act. V, se. III, 58) :
Aux menaces du fourbe on ne doit dormir point.
Pas et point peuvent cire regardés comme les
compléments de la négation à la<iuelle ils sont
joints; car sans eux le sens est moins nég;itif, et
ils servent a l'achever, à le préeiser, a le com-
pléter. Je ne puis, nie moins <]UCje 7ie puis pas
ou je ne puis point. Ces mots ne sont point
négatifs par eux-iiiémes; cet usage leur vient,
selon toute api)aroncc, de ce que, dans l'ordre des
choses qu'ils expriment, ils sont la limite, le ncc
plus vltrà des dimensions ou soustractions
qu'on peut y faire. De la vient (lu'avcc point,
la négation est plus forte qu'avec pas, pane que,
dansTordic des distances, le point est une limite
plus éloignée que le pas. '
On supprime pas et point devant ni, rien,
jamais, plus, aucun, parce que ces mots suni
autant de compléments de la négation ne: Je ne
Paime ni ne l'estime; il ne vaut rien; je ne le
PAS
verrai jamais; je ne lui pardonnerai plus ; û
n'en a aucun. On les supjjrime aussi devant
autre : Je ne veux d'autre récompense i/ue votre
amitié. — On les retranche aussi après les adjao
tifs conjonctifs suivis du suhjonctff : Est-il quel-
qu'un qui ne le sache? devant que signiliant seu-
lement, ^e ne ferai que ce qu'il voudra; apréS
que signifiant pourquoi ne, que ne parle z-rousf
après si, à moins que, et les autres conjoneiions
qui ont le même sens, si vous ne l'ordonnez, à
7noinsque V(jiis ne le souhaitiez. Après les verbes
oser, pouvoir, cesser, on peut omettre ou ein|)loyer
pas ou point, selon que l'on vent nier plus ou
moins fortement ; /e n'ose, nie moins fortement
que je n'osa pas ; je 71 ose pas, que je n'ose
point. Lorstiue ces trois verbes, employés dans
le sens négatif, n'ont pas pour complément un
infinitif, ou lors<ju'ils sont employés sans com-
plément, ils sont presque toujours suivis de pas :
Dieu ne peut pas l'impossible, il 71e cesse pas,
vous n'osez pas. — Avec les noms de nombre
joints a la proposition de, ou à la conjonction que,
on retranche JJU5 nupint: Je ne le i-errot de
dix jours, il y a dix jours que je ne l'ai vu.
Observons cependant à l'égard du second exem-
ple, qu'il ne faut supprimer pas ou point après
il j a, que lorsque le verbe qui suit cette expres-
sion est au passé; car, s'il était à tout autre
temps, on mettrait pas ou point : Il y a un an
que je ne lui parle pas, il y avait un an que je
7ie lui parlais point
Pas énonce simplement la négative, point l'ex-
prime avec beaucoup plus de force. Le premier,
souvent, ne nie la chose qu'en partie, ou avec
une modification; le second la nie toujours ab-
solument, totalement et sans réserve. On dira
vous 7ie croyez pas une chose qu'en 71e peut
vous persuader, y ous 71e croyez point celle que
votre esprit rejette entièrement. Dans Ic premier
cas, il peut vous rester quelque doute; dans le
second, vous êtes décidé. On dira aussi, il n'a
pas ce qu'il faudrait d'esprit pour une telle
place; parce que cela suppose qu'il n'est pas réel-
lement sans esprit; mais si l'on dit il 71'a point
d'esprit, cela signifie ([u'il en est entièrement
dépour\'u.
Par cette raison, pas vaut mieux que point
avant les mots qui servent à marquer le degré de
•lualilé et de quantité, tels que moins, plus, beau-
coup, si, fort, et autres semblables : Cicénm
7i'est pas 7noins véhément que Deiaosthètics ;
Démcsthèncs n'est pas si abondant que Cicé-
ron;lcs riches ne sont pas toujours plus heureux
que les pauvres. Assez ordinaireme7it, il n'y a
pas beaucoup d'argent chez les gens de lettres.
P<ir la même raison, pas est préférable avant
.les noms de nombre: Qui 71'a pas un soti à
dépenser, n'a pas un grain de 7nérite à faire
paraître.
De même, pas convient mieux à quelque
chose de passager et d'acciilcntel ; point à (juel-
quc chose de permanent et d'Iiabituel. // 71e lit
pas, c'est-à-dire présentement ; il ne lit point,
c'est-à-dire jamnis, dans aucun temps. On dira
également d'un homme qu'il ne dort point, pour
faire entendre qu'il a une insomnie habituelle; et
qu'il 7te dort pas, pour manpier qu'actuellement
il est éveillé.
Par la même raison encore, pas, après tout,
marque une exclusion partielle, ai point une ex-
clusion totale. Tous ceux qu'on accusait 71'ont
pas été convaincus; c'est-à-dirc (iucl(|ues-uns de
ceux qu'on accusait 71'otit pas été convai/icus
PAS
Toui ceux qtCon accusait n'ont point été con-
vaincvs, c'esl-à-dire aucun de ceux ou'on accu-
sait n'a été convaincu.
Quand pas ou point cuire dans l'inlenogalion,
c'est avec des sens un peu différents. Si ma
question est accompagnée de ([uelciue doute, je
dtni: N'ui-ez-vo'is point été hi? N'est-ce point
vous qui me trahissez ? Maissi j'en suis persuadé,
je dirai par iiumière de rcpioctie, n'urez-vous
pas été!à9 n'est-ce pas roi^i' qui m'avez trahi?
De même lorsiiu'oii dit n'avcz-vnus point vu
un telf c'est une question simple, et lorsqu'on
dit n'avez-vous pas ra un tel? on veut marquer
par là qu'on croit que celui qu'on interroge a vu
celui dont on parle. Xovez Point.
Pascal, Pascale. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : L'agneau pascal, cierge pascal. On
dit au masculin pluriel des cierges pascals, et
non pas pascaux. — L'Académie dit qu'il fait
pascaux, maisclleajoulc (luoccplurielcsl inusité.
Passaple. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Du vin passable, des vers
passables.
Passablement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est acquitté pas-
sablement de sa commission, OU il s'est passa-
blement acquitté de sa commission.
Passagi:p., Passagère. Adj. 11 ne se dit que des
choses, et on jiout le metire avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Plaisirs passagers , douleur passagère , cette
beauté passagère, cette passagère beauté ; des
oiseaux passagers. — Il faut se garder de le
confondre avec l'adjectif passant, passante.
Voyez ce mot.
PASSAGÈnE.MENT. .\dv. Il uc sc met qu'après le
verbe : // a occupé passagèrement ce poste.
Passant, Passa^ite. Adj. verbal tiré du v.
passer. Quoique cet adjectif ait la terminaison
active, il a le sens passif. Il ne se dit pas de ce-
lui qui passe, mais de l'endroit oii l'on passe
fréquemment : Un chemin passant, une ville
passante. Il se met ordinairement après son subst.
Passe-Droit. Subst. m. On doit dire au pluriel
des passe-droit sans s. Le mol passe est verbe,
et ne peut prendre un 5 au pluriel; ci il ne s'agit
point de passer des droits, mais de passer le
droit. Des passe-droit sont des grâces ([ui pas-
sent le droit. La pluralité tombe sur grâces, qui
est sous-entendu .- On m'a fait un grand nom-
bre de passe-droit. — L'Académie écrit des passe-
droits.
Passe-Parole. Subst. m. On dit au pluriel des
passe-parole, sans s. La i)luralité ne peut tomber
ni sur passe, qui est un verbe, ni sur le sub-
stantif parole ; car il ne s'agit que de passer par
la parole et non de passer des paroles. La pluralité
tombe sur c)7rt;//a/iafewe«/, qui est sous-entendu.
Des passe-parole sont des commandements qui
passent par la parole.
Passe-Partodt. Subst. m. On dit au pluriel
des passe-partout sans s; la pluralité tombe sur
le mot clef; des passe-partout sont des clefs (jui
ouvrent toutes les portes d'une maison.
Passe-Port. Subs. m. On dit au pluriel des
passe-ports.
Passer. Y. a. et n. de la 1" conj. Ce verbe
prend l'auxiliaire avoir (juand il signifie l'action
de passer : Il a passé en .Amérique en tel temps;
nous avons passé par la Champagne après avoir
passe la Aleuse. L'empire des Assyriens ?
passéaux Mèdcs ; Charles-Quint a passé l'Eu-
phrate. (De Wailly.) La procession ^ passé sous
PAS
S55
mes fenêtres. (Condillac.) Mais on emploie l'au-
xiliaire être lorscju'on veut exprimer l'état qui
résulte de cette action .- Il est passé en Amérv/ue
depuis tel temps. Ce temps csi passé, et il a
passé bien vite. Cette mode est passée, cette
fleur esl passée. La procession est passée.
Et comment savez-vous
. . .Si leur sînR tout pur, ain.«i que leur noblesse,
Ett patte jusqu'à ïous de Lucrèce en Lucrèce,
(BoiL., Sat. V, 83.)
Boiieau aurait pu mettre a passé, s'il avait
voulu exprimer l'action par laquelle le sang et la
noblesse passent; mais comme il a voulu expri-
mer particulièrement l'effet résultant de cette
action, l'existence réelle du sang et do la noblesse
après le passage, il a dû dire est passé. C'est
donc à tort ([ue rabb(' d'Olivet a prétendu que
Boiieau aurait dû divc a passé.
Se pas.ier à, se passer de, sont deux locutions
absolument différentes. Se passer à signifie se
conlenler de ce qu'on a ; se passer de signifie
soutenir le besoin de ce qu'on n'a pas : // a
quatre attelages, on peut se passer à moins,
f'^ous avez cent mille écus de rente, et je m'en
passe. (Volt., Remarques sur le Menteur, \ic\.. I,
se. V, 75.)
Ce verbe est relatif au mouvement d'un lieu
dans un autre, sans aucun égard ni .à celui d'où le
mouvement se fait, ni à celui oii il est dirigé, mais
seulement à l'endroit où il se fait, ou bien a celui
qui le voit et en juge. Il a une infinité d'accep-
tions qui se reconnaissent par les phrases où il esl
employé. Le cerf a passé par cet endroit. Ils ont
passé debout ou sans s'arrêter. Passer Au papier
sur le feu pour le sécher. Ce malade ne passera
pas l'hiver. Ce manteau m'a passé deux an-
nées. Il passe mal son temps. Les plaisirs pa«-
sent vile. La \\e se passe. La beauté et la jeu-
nesse se passent. Cette étoffe se passera. Ces
sortes de couleurs paiie/ji. Riennejoaise comme
les modes. Ces fruits, ce vin, ce fromage, ces
mets, sont joa.s5ei. Des raisins passés. Ces rs\-
i^ins passent, on n'en voit plus guère. Il vous
passe de toute la tète. Il était homme de bien, je
ne sais comment il a commis cette action ; cela
me passe. Le madrigal ne passe guère dix à douze
vers. Elle a passé sa chemise par-dessus sa tête.
Il y a des i)hysicicns qui ont prétendu que la
poussière dont l'air est rempli passait à travers
le verre. La vertu ne passe pas toujours des pères
aux enfants. Le nom de qucliiucs hommes de ce
siècle passera à la i)ostéritc. Ses succès ont pa.tsé
mes espérances. Queli|ucs opinions des anciens
qu'on regardait comme des erreurs , passent
maintenant pour des vérités constantes. Il ne peut
pas se passer de vin, je me passe de peu. Il faut
en passer par !à. Il y a des considérations au-
dessus destiuelles je ne saurais passer, elles
m'arrêtent tout court. Passes le préambule, allez
à la chose. Vous me trouverez intraitable, je ne
vous passerai rien. Racontez les clioses comme
elles se ^onl passées ; tous ces traits d'imagina-
tion qui embellissent un récit, sont autant de
petits mensonges. Cette monnaie ne passe pas. Je
vous passerai cette pièce pour vmgl francs.
Passer par les mains. Passer par les armes.
Passer sur le ventre à quelipi'un. Cela a passé
tout d'une voix dans le conseil. Passer un acte.
Passer d'un objet à un autre. Passer au feu, à
la calandre, à la filière, à la claie, en blanc, en
carton, au tamis, à la chausse, au filtre, au cha-
mois, à l'alambic. Pa^er maître. Passer licence.
336
PAS
Passer In plume par le bec. Passer l'éponçe.
Passer If liut.
Passe-tesips. Subst. m. Racine a dit dans
Jthalù 'W.. II, se. VII, 61) :
Hé quoi : fous n'aïei point de pattc-tempi plus doux?
On a remarqué avec raison que passe-temps ne
pcul s'employer dans la poésie notiie. — Nous
pensons que "celle expression est irés-bien pla-
cée ici.
Passe-volant. Subsl. ni. On dil au pluriel des
pusse-volants.
Passible. Adj. des deux genres, qui se met
.iprcs son suhsl. : Un corps passible.
Passif, Passive. Adj. que l'on prend aussi
.><ii()Slanli\ emcnl. Il ne se mcl qu'après son subst. :
Un être passif, vn rôle passif.
Un termes de grammaire, on à\i verbe passif,
rnix passive, sens passif , signification passive .
C.i; mol est forme de passum, supin du verbe
/^(//i, soulïrir, être affecté. Le passif est opposé à
laclif.
le verbe passif est un verbe qui contient un
altrii)Ut dans lequel l'action est considérée comme
souH'crle par le sujet. Je suis aimé est un verbe
passif. — Le verbe passif se conjugue, dans tous
ses temps, avec l'auxiliaire être, ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Je suis loué ou louée; j'étais
loué ou louée; je fus loué ou louée; j'ai été
loué ou luuéc ; j'eus été loué ou louée; j'avais été
loué ou louée; je serai loué ou louée ; j'aurais été
loué ou louée.
Conditionnel. — Je serais loué ou louée; j'au-
rais été loué ou louée /j'eusse été loué om louée.
Impératif. — Sois loué ou louée.
Subjonctif. — Que je sois loué ou louée; que
je fusse loué om louée; que j'aie été loué ou louée;
rjuc j'eusse été loué nu louée.
Infinitif. — Être loué ou louée.
Participe. — Présent. Etant loué ou louée. —
Passé. Ayiuit été loué ou louée.
Il y a des verbes (jui ont le sens passif sans
avoir la forme passive, comme périr. Il y en a
au contraire (jui ont la forme passive sans avoir
le sens passif, (;ommeye suis entré. — Quebjuc-
fois nous employons le tour actif avec le jironom
réfléchi, pour exprimer le sens passif, au lieu de
faire usage de la forme passive. Ainsi on dit
cette marchandise se débitera, quoique la mar-
chandise soit évidemment le sujet passif du dé-
bit, et qu'on eût pu dire sera débitée, s'il avait
plu à l'usage d'autoriser celle piirase d;,ns ce
sens; je dis dans ce sens, car dans un autre on
dit très-bien quand cette marchandise sera dé-
bitée, j'en achèterai d'autres. La différence de
ces deux phrases est dans le temps : cette mar-
choîidise se débitera, est au futur, et l'on dirait
dans le sens actif, je débiterai celte marchan-
dise ; quand celle marchandise sera dubilée,
est un futur com|)osc, et l'on dirait dans le sens
actif, quand f aurai débité cette marchandise.
(Beauzée.) Voyez Sens, Conjugaison.
Passio>s. Subst. f. plur. Terme de rhétori(iue
cl de poésie. On appelle ainsi tout uiouvemenl
de la volonté qui, causé par la recherche d'un
bien ou par l'appréhension d'un mal, apjiorte un
tel changement dans l'esprit, qu'il en résulte une
différence notable dans les jugements qu'il porte
en cet état, et que ces mouveinenls influent même
sur le corps. Telles sont la pitié, la crainte, la
colère, etc.
L'élofiuencc, non-seulement admet les passions,
PAS
mais encore elle les exige nécessairement. «On
sait, dit llollin, que les passions sont l'àme du
discours, (|ue c'est ce qui lui donne une impé-
tuosité et une véhémence qui emportent et
entraînent tout, et ([uc l'orateur exerce par là
sur ses auditeurs un emi)ire absolu, cl leur in-
spire tels seiitimenis (|u il lui phiii; (juclquefois
en i)rufilaiit adroilemeiil de la penio et de la dis-
position favorable qu'il trouve dans les esprits,
mais d'autres fois en surmontant loute leur ré-
sistanca par la force victorieuse du discours, et
les obligeant de se rendre comme malgré eux. La
péroraison, ajoute-t-il, est, i\ proprement parler,
le lieu des passions; c'est la que l'orateur, pour
achever d'abattre les esprits et puur enlever leur
consenteuient, emploie sans ménagement, selon
l'importance et la nature des affaires, toui ce que
l'éloquence a de plus fort, de plus tendre et de
plus alfeclueux. »
Les rhéteurs donnent des préceptes fort éten-
dus sur la manière d'e.xciter les jtassions, et ils
peuvent être utiles jusqu'à un certain point;
mais ils sont tous f«rces d'en revenir à ce prin-
cipe, que, pour loucher les autres, il faut être
louché soi-même.
On sent assez que des mouvements forts et
paliiétiqucs seraient mal rendus par un discours
brillant et fleuri, et qu'il ne doit s'agir de rien
moins que d'amuser l'espril (juand on veut triom-
I»her du cœur. De même dans les fiassions plus
douces, tout doit se faire d'une manière simple et
naturelle, sans étude et sans affectation ; l'air,
l'extérieur, les gestes, le ton, le style, tout doit
respirer je ne sais quoi de doux et de tendre qui
parle du cœur et qui aille droit au cœur.
On entend par joaMw/fs, en poésie, les senti-
ments, les mouvements, les actions passionnées
que le poëte donne à ses |)ersonnages.
happassions simt, pour ainsi dire, la vie et
l'espril des poëmes un peu longs. Tout le monde
en connaît la nécessité dans la tragédie et dans la
comédie; l'épopée ne peut pas subsister sans elles.
Passionnément. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il aime passionné-
ment cette femme ; il est passionnément aimé de
cette femme.
Passionnes (se). \. pronom, de la \" conj. Ce
verbe n'est point usité à l'actif. Quelques per-
soiuies ont A\\. passionner son chant, passionner
sa déclamation, mais ces locutions n'ont pas
été sanctionnées par l'usage. — En 1835, l'Aca-
démie les admet.
Se passionner, c'est se préoccuper fortement
et aveuglément. Les gens à imagination se pas-
sionnent facUemenl. Il est dillicili! de ne pas se
passionner pour une chose, lorsiju'on y prend un
grand intérêt. Unauleura dit assez heureusement:
J'ai su jouer une de ces langueurs qui touchent,
et j'ai vu quelquefois qu'on se passionnait à
mim rôle. — On dit adjectivement : Un amant
passionné, un style passionné, un regard pas-
sionné, un ton passionné. — On est passionné
pour la musique, pour la danse, pour la pein-
ture. — Je ne crois pas qu'on dise, comme on
le prétend dans V Encyclopédie, être passionné
des richesses, être passionné d'une femme. —
On dit quelquefois absolument, c'est un homme
passionné.
Passivement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Ce verbe se prend passivement.
Pastobal, Pastorale. Adj. (pii ne se met qu'a-
près son subst. : Chant pastoral, habit pastoral,
vie pastorale, poésies pastorales. — Lettre pas'
PAT
torale, instrucivni pastorale. — I.e pluriel pas-
toraux n'est point usité. (Acad. ■ISSS.)
On appelle poésie pastorale, une iiuilalion de
la vie cliainiit'ire représentée avec tous ses char-
mes possibles.
On donne aussi aux pièces pastorales le nom
d'égIogufl,{Vun mot grec (pii signifiait recueil de
pièces choisies, dans (pielcjuc genre que ce fût.
On a jugé à jn-oiios de donner ce nom aux petits
|)oëmes sur la vie champètie, recueillis dans un
même volume- Ainsi on a dit les éjlngiivs de Vir-
gile, c'esl-à-diro le recueil de ses petits poèmes
sur la vie pastorale.
Quelquefois aussi on les a wommésidylles, d'un
mot grec qui signifie une petite image, une pein-
ture dans le genre gracieux et doux.
S'il y a quelque différence entre les idylles
et les églogues, elle est fort légère; les auteurs
les confondent souvent ; cciiendanl il semble
que l'usage reut plus d'action et de mouvement
dans l'églogue; et que dans l'idylle on se con-
tente de trouver des images, des récits ou des
sentiments seulement.
La poésie pastorale peut se présenter non-
seulement sous la forme du récit, mais encore
sous toutes les formes qui sont du ressort de la
poésie. Ce sont des hommes en société, qu'on y
représente avec leurs intérêts, et par conséquent
avec leurs passions; passions plus douces et plus
innocentes que les nôtres, il est vrai, mais qui
peuvent prendre toutes les mêmes formes, quand
elles sont entre les mains des poêles. Les bergers
peuvent dom; figurer dans des poëm«î8 épiques,
comme VyJtInjs de Sograis; dans des comédies,
comme les bergeries de Racan ; dans des tragé-
dies, des opéras, des élégies, des églogues, des
idylles, des épigrammes, des allégories, des
chants funèbres, etc. (Extrait de l'ouvrage inti-
tulé Principes de littérature.)
Patauger. V. n. de la 2' conj. C'est une ex-
pression familière dont on se sert quelquefois
pour dire, marcher avec embarras, avec peine,
dans de l'eau bourbeuse, ou dans quelque autre
liquide malpropre. Voltaire a dit : f^otis avez
raison de trouver de grandes difficultés dans le
chapitre de Locke sur la liberté. Il avouait lut-
ine me qu'il était là comme le diable pataugeant
dans le chaos.
Pateh. Subst. m. On prononce le r. Il ne prend
point de s au pluriel : Trois Pater.
Patère. Subst. f. Vase très-ouvert dont les
.-mciens se servaient dans leurs sacrifices. Il se
dit également d'une espèce de crochet terminé
par un ornement en cuivre doré, à peu près de
'a forme d'une patère antique, et enfin de certains
ornements d'architecture.
Paternel, Paternelle. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmo-
nie le permettent : Amoxir paternel, tendresse pa-
ternelle, affection paternelle, soin.i paternels,
v'f paternel amour. Voyez Adjectif.
Paternellement. Adv. Il ne se met qu'après
L verbe : Il Va traité paternellement, et non
pas il l'a palcriiellement traité.
Pâteux, Patkdse. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Du pain pâteux, des poires pâteu-
ses. — Acoir la bouche pâteuse, la langue pâ-
teuse.
Pathétiquk. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Discours pathétique,
un orateur pathétique, des accents pathétiques.
Voyez Accent.
l.e pathétique est cet enthousiasme, cette vc-
PAU
537
hémence naturelle, cette jMîinture forte qui émeut,
qui touche, qui agite le cœur de l'homme Tout
ce qui transporte l'auditeur hors de lui-même,
tout ce ipii captive son entendement et subju-
gue sa volonté, voilà le pathétiipie.
Pathétiquement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Cet acteur a joué très pathétique-
ment.
Pathos. Subst. m. Mot purement grec qui
signifie lesm juvements ou les passions (jue l'ortV
teur excite ou se propose d'exciter dans l'àmc de
ses auditeurs :
On voit partout chez vous Vithos et le pathos.
(Mol., Femmes savantes, acl. III, se. y, 37.)
Ce mot ne se prend plus guère aujourd'hui qu'en
mauvaise part. On l'emploie dans le discours
familier pour exprimer une chaleur affectée ou
ridicule dans un discours ou dans un ouvrage.
On prononce le s.
Patidulaire. Adj. des deux genres. Il se met
toujours après son subst. : Des fourches patibu-
laires. Mine patibulaire, phy.nonouiie patibu-
laire.
Patiemment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le [)arlicipe : Il a snuffltrt patiem-
ment, ou il a patiemment souffert tout ce qu'on
lui a dit.
Patient, Patiente. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un ho7nme patient.
Patriarcal, Patriarcale. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Siège patriarcal, trône
patriarcal. On ne dit pas patriarcaux au pluriel
masculin.
Patrimonial, Patrimoniale. Adj. qui ne se
met i|u'après son subst. : Héritage patrimonial,
biens patrimoniau.T, terre patrimoniale.
Patriotique. Adj. des deux genres. On peut
queUpiefois le mettre avant son subst. : Ces sen-
timents patriotiques, ces patriotiques senti-
ments.
Patronal, Patronale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Fête patronale.
Patronymique. Adj. des deux genres qui ne
se met qu'après son subst. : Nom patronymique.
Patte. Subst. f. Il se dit du pied des animaux
à quatre pieds qui ont des doigts, des ongles ou
des griffes, ^'oycz Parties des animaux.
Pauvre. Adj. des deux genres qui s'emploie
aussi substantivement. Pauvre, placé avant ou
après les substantifs /wwwe et femme, a quelque-
fois des sens différents. Un pauvre homme veut
dire quelquefois un homme sans mérite; quel-
quefoisilsignifieunhommeài)laindre: Le pauvre
homrne ne sait que devenir; (piehpiefois aussi il
signifie un homme qui n'a pas de h\m, j'ai ren-
contré un pauvre homme. Un homme pauvre,
une femme pauvre, signifient un homme, une
femme qui est dans l'indigence. Il y a de la dif-
f('rence entre un pauvre auteur et un auteur
pauvre. Le premier est un auteur sans mérite, le
second est un auteur qui est dans l'indigence.
On dit ujie langue pauvre, en parlant d'une
langue qui n'a pas tous les termes et tous les tours
nécessaires pour bien exprimer les pensées. —
En général, dans le sens de chélif, mauvais dans
son genre, M se met avant son subst. : Une pauvre
harangue, une pauvre pièce, «w» pauvre esprit,
%ine pauvre espèce.
Pauvrement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a vécu pauvrcmeut,
ou il a pauvrement vécu
558
PED
Pauvresse. Subst. f. Domerguc prétend qu'on
dit une pauvresse, et que celle exprcssiun est
une qujililicalion do mépris. Pauvresse est une
expression [)opulaire , qui n'emporte point une
qualilicalion de mépris.
P.4.LVRETÉ. Subst. f. Cc mot n'a de pluriel que
lorsqu'il signifie des choses basses, méprisables,
sottes, ridicules : Il ne dit que des pauvrchs.
Pavot. Subst. m. Le t linal ne se prononce
point. Les poètes se servent fréquemmeni de ce
mot pour signifier le sommeil : Ce ne fut peint
le Sommeil qui lui i-ersa ses doux pavots, ce fut
ia Discorde qui l'enivra de ses poisons. (Féiiel.,
Ttlem.)
Ses yeax creui et perçants, ennemis du repos.
Jamais du doux summcil n'ont senti les pavots.
(Volt., Hc-nr., iv, 229.)
Ce fut dans ce terrible et lugubre appareil.
Qu'au milieu des pavots que verse le Sonmeil...
(Idem, y, 127.)
Payable. Adj. des deux genres. Il ne se met
(ju'aiirés son subst. : Une somme payable à telle
époque.
Payement. Subst. m. L'Académie l'écrit ainsi.
Mais aujourd'hui on écrit et l'on prononce assez
généralement paiement sans y. — En 1835, l'Aca-
démie reconnaît cette dernière orthographe, mais
elle continue à écrire /jaye/ne/i^
Payer. V. a. de la 1" conj. C'est un usage
assez général aujourd'hui de mettre dans ce verbe
et dans tous ceux qui se terminent en uyer, un i
voyelle à la place de l'y, toutes les fois que cet y
ne tient pas la place de deux i. Ainsi l'on écrit
je paie, tu paies, il paie; nous payons, etc. Je
paierai, je paierais. Celle observation est appli-
cable aux verbes balayer, bégayer, essayer, etc.
— L'Académie ne blâme pas celte innovation,
cependant elle conserve partout l'y.
Peccable. Adj. des deux genres. On prononce
les deux c. 11 ne se met (ju'après son subst. :
Tout homme est peccable.
Peccadille. Subst. f. On [irononce les deux c,
et on mouille les l.
Peccant, Peccame. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. On prononce les deux c- Humeur
peccante.
Peccata, Peccavi. Dans ces deux mots, on pro-
nonce les deux c.
PixHEÇR. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit pécheresse.
Pêcheur. Subst. m. On dit pêcheuse, d'une
femme qui pêche.
Pectoral, Pectorale. Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Sirop pectoral, vin pectoral ; —
croix pectorale. — Muscles pectoraux.
Péctjsiaire. Adj. (pii ne se met ([u'aprés son
subst. : Amende pécuniaire, peine pécuniaire. —
Intérêt pécuniaire, secours pécuniaire.
PÉccNiELX, Péccnieuse. Adj. qui ne se met
qu'après son subst.
Pédant, PÉDA^TE. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Un homme pédant, une femme pé-
dante, un air pédant, des manières pédantes. —
Il s'emploie substanlivrnicnt : Un pédant, une
pédante. Voyez Adjectif.
Pédantesque. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst. en consultant I har-
monie cl l'analogie : Discours pédatitesque, ce
pédantesque discours.
PÉDAMTESQLEiiENT. Adv. On peut îc inclire
PEI
entre l'auxiliaire et le participe : // a-disserté
pédantesquement, ou il a pédantesquement dis-
serté.
Pédestrement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : // est venu pédestre/nent, et non pas il
est pédestrement venu.
Peindre. V. a., n. et irrégulier de la 4° conj.
Pour connaître la manière dont ce verbe se con-
jugue, voyez Irrégulier.
Les temps composés se forment avec l'auxi-
liaire avoir.
Peindre une personne, un animal, une bou-
teille. — Peindre sur bois, sur toile. — Peindre
à l'huile, à fresque, en détrempe, en miniature.
— Peindre les passions.
l'iiiRE. Subst. f. — On dit adverbialement, à
peine: Télémaque suivait à peine, regardant
toujours derrière lui. (Fénel., Télém., liv. VU,
t. i, p. 248.) On le met quelquefois à la léte de
la phrase, et alors le pronom sujet se mel après
le verbe. A peine nous eut-\\ quittés. Il est es-
sentiel de bien i)lacer cet adverbe, et il faut qu'il
soit rapproché des mois auxquels il a rapport.
C'est avec raison que l'abbé d'Olivet a critiqué,
sous ce rapport, les vers suivants de Kacine
[Britannicus, act. IV, se. ii,S3):
Du fruit de tant de soins, à peine jouissant.
En avez-vous six mois paru reconnaissant?
Qui ne croirait qu'à peine doit se lier avec jomw-
sant, comme si Néron ne faisait (]ue commencer
à jouir? et cependant à peine doit se lier avec le
vers suivant : A peine en avez-vous, etc. A
peine se place après le verbe dans les temps
simples : On trouvait à peine de Veau, pourboire.
Dans les temps compo^és, il se met entre l'auxi-
liaire et le participe : On eut à peine trouvé cet
homme.
Peintre. Subst. m. et f. On dit une femme
peintre, comme on dit une femme auteur : Elle
est peintre.
Peinture. Subst. f. Terme de rhétorique et de
poésie. Voyez Description, Image.
On appelle double peinture, celle qui consiste
à présenter deux images opposées, qui, jointes
ensemble, se relèvent muluellcment. C'est ainsi
que Virgile fail dire à Ënée, lorsqu'il voit Hector
en songe (Enéide, 11, 363) :
. . . Qu'Hector ressemblait peu
A ce terrible Hector qui, dans leur ûotte en feu.
Poussait des ennemis les cohortes tremblantes.
Ou d'Achille emportait les dépouilles fumante*!
Sa barbe hérissée, et se5 babils [joudreui.
Le sang noir et glacé qui collait ses cheyeui.
Ses pieds qu'avaient gonflés par l'excès des tortures.
Les liens dont le cuir traversait leurs blessures.
Son sein encor percé des honorables coups
Qu'il reçut sous nos murs en cumbaltant pour nous.
Tout, do ses longs malheurs m'offrait ici l'image.
C'est aussi en usant d'une double peinture que
Corneille, dans le récit du rôle de Pauline, lui
fait dire, en parlant de Sévère {PoUjeucte, act. I,
se. m, yy) :
Il n'était point couvert de c«s tristes lambeaux
Qu'une ombre dé.^olée emporte des tombeaux;
Il n'était point perce de ces coups pleins de gloire
Qui, retranchant sa vie, assurent sa uicmuirc ;
Il semblait triomphant, et tel que sur son char,
Victorieux dans Home, entre notre César, etc.
La double peinture est d'un effet merveilleux
pour le pailiétique; mais comme celle adresse
est une des plus grandes du poète et de l'orateur.
PEN
il faut' la savoir niénascr, l'employer sobrement
5t a propos. {Encyclopédie.)
* Pkjokatif, Péjorativk. Adj. On nomme ainsi
une oxprcssion, et p;irliculiéreinem une termi-
naison qui ravale le sens. — H ."'y a poinl un
mol français sous la leltrine pej, et on ne sait
pourquoi péjoratif n'y est puinl. Cela vienl peut-
être (le la vieille erreur (|u'il n'y a poinl do péjo-
ralif en français. — Nous avons pris aux Italiens
leur prjoralif en accio, et nous l'employons à
tout moment. Dans bravache, dans rit/ace, la
dernière syllabe est pi'-joratù-e, — Il en est de
même de lios diminutils en oite, cl d'une foule
d'autres; ce qui iJrnuve (pi'il y a beaucoup de
péjorutifn IVainnis, '\\m\k\uc jujoralif wa le soit
pas. (Ch. Nodier', Exnmen ait. des Dict.)
Pêle-mêle. Adv. 11 ne se mel qu'après le verbfi:
Ils entrèrent pêle-mêle dans la ville avec les
ennemis.
Pénal, Pénale. Adj. qui ne se met qu'après son
subsl. : Code pénal, loi pénale.
Penaud, Pe^i.aode. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : // est penaud, elle est penaude.
Penchant, PENcnA^TE. Adj. verbal tiré du v.
pencher. Il ne se mel qu'après son subst. : Une
muraille penchante.
PEjiCHANT. Subsl. m. Penchant n'a un pluriel
que lorsiju'il se dit absolument et sans régime :
Il faut résister à ses penchants. Quand il régit
à. ou pour, il se mel toujours au singulier. On dil
il a un grand penchant a lu vanité, et non pas^e
grands penchants
Pendable. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subsl. : Un homme pendable, va
cas pendable.
Pendant. Préposition. Elle exige un régime
direct : Pendant Vorage.
Pendant que, conjonction, régit l'indicatif:
Tous les bergers, oubliant leurs cubajies et leurs
troupeaux, ttaient suspendus et immobiles pen-
dant que je leur donnais des leco7is. (Fcnel.,
Télém., liv. 11,1. I, p. 108)
Pendant que uKinpie la simultanéité de deux
événements, de deux choses : Pendant que vous
étiez en Espagne, j'étais en Italie. Tandis que
marque non pas la siinullaiièilé de deux cvéne-
menls, de deux choses, mais une opposition,
soit entre le teinpsque celle conjonction indique,
et un autre temps exprime ou sous-entendu , soil
entre deux actions qui se font simultanôinenl :
Jouissez des plaisirs tandis <.\\icvous êtes riche,
vous ne le serez peut-être pas toujours. P^ous
faites fort bien , tandis que vous ête.t encore
jeune, d'enrichir votre ménioire par la connais-
sance des langues. { Volt, à M. le marquis d'Ar-
gens, \AV lettre, 22 juin 1737.) Quand vous
serex vieux, il ne ^era plus lomps de les étudier.
Dans ces phrases, il y a opposition cuire un lemps
îxprimé et un antre temps (}ui n'est que vague-
tieul indiqué. Tiuidisque vous vuus divertissez,
^e me consume dans te chagrin. Ici on ne veut
pas marquer précisément la simultanéité de deux
choses, mais l'opposition de deux choses qui sont
simultanées.
Dans ces vers de La Fontaine (Liv. VII, fable
xviii, 1) :
Pendant gu'un philosophe assure
Que toujours par leurs sens les hommes sont dupés.
Un autre philosoplie jure
Qu'ils ne nous ont jamais trompes.
Il n"y a pas expression de la simultanéité de deux
(ivénements, mais opposition enUe deux événe-
PEN
539
ments simultanés. 11 me semble donc oue noire
fabuliste aurait dû dire :
Tandis qu'un philosophe a.'î.^ure, de.
Les exemples suivants sont conformes à l'ex-
plication que nous venons de donner :
Ces Juifs dont vous voulez délivrer la nature,
Que vous croyez, seigneur, le rebut des humains,
D'une riche contrée autrefois souverains,
l'endanl qu'ils n'adoraient que le dieu de leurs pères.
Ont vu bénir le cours de leurs destins prospères.
(Rac, Esth., act. V, se. I, 30.',
C'est l'asile du juste, et la simple innocence
Y trouve son repos; tandis que la licence
N'y trouve qu'un sujet d'effroi.
(J.-B. Rouss., liv. I, Ode sur la Providence divine, 47.)
Et que me servira que la Grèce m'admire,
Tandiê que je serai la fable de l'Ëpire?
(Rac, Androm., act. III, se. I, 61.)
Un astrolojrue un jour se laissa choir
Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête.
Tandis qu'.\ peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tète?
(La Font., liv. II, fabl. xiii, t.)
Pendant, Pendante. Adj. verbal tiré du v.
pendre. Il ne se met qu'après son subst. : Fruits
pendants, oreille pendante.
Penddle. Subst. Il est féminin quand il signifie
une horloge à poids ou à ressort, une belle pen-
dule; et masculin quand il signifie un poids at-
taché à une verge, à un fil de fer ou de soie, qui,
par ses vibrations, règle les mouvements d'une
horloge, et a divers autres usages.
Pénétrant, Pénétrante. Adj. verbal tiré du
V. pénétrer : Liqueur pénétrante, odeur péné-
trante ; esprit pénétrant. Il suit ordinairement
son subst.
Pénétrer. V. a. de la 1''' conj. Pénétrer, avec
le régime direct, signifie percer, passer à travers,
entrer bien avant : L'hui/e pénètre les étoffes, la
pluie a pénétré mes habits. — Buffon a pénétré
les secrets de la nature.
Pénétrer dans se dil des lieux où l'on entre
avec quelque difficulté : Malgré les gardes, il
a pénétré dans la prison. — On pénètre les corps,
on pénètre dans les lieux. (Doinergue.)
FÉiNiBLE. Adj. des deux genres. Il se met sou-
vent avant son subst. : Un ouvrage pénible, un
travail pénible, un pénible travail ; une entre-
prise pénible, une pénible entreprise ; un effort
pénible, un pénible effort. — Une situation pé-
nible, une pénible situation ; un doute pénible,
un pénible doute. Voyez Adjectif.
Quelquefois cet adjectif régit la préposition à
devant un infinitif (Boil., A. P., I, 45) :
Tout doit tendre au bon sens; mais, pour y parvenir,
Le chemin est glissant et pénible à tenir.
Avec le verbe être employé impersonnellement,
il régit la préposition de : Il est pénible de quitter
un trône.
PÉNinLE.nENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parlicii)C : Il a travaillé péni-
blement, ou il a péniblement travaillé.
Pénitent, Pénitente. Adj. qui se mot toujours
après son subst. : Un pécheur pénitent, une
femme pénitente.
PÉNITENTIAUX, PENIlENTlELLES.Adj.il o'a poillt
540
PEN
de singulier : Psaximes pénitcntiaux , œuvres
pénite'ntielhs. Ou ne peut pas le mcUre avant
son sul)S(.
Pensant, Pensante. Adj. verbal lire du v.
penser.
Pensée. Subsi. f. La ]>cnséc, en général, est la
représenlalion de quelque chose dans l'esprit; et
l'expression est la représentation de la pensée par
la parole.
Les pensées doivent être considérées dans l'art
oratoire coniinc ayant deux sortes de qualités :
les unes sont appelées logiques, parce que c'est
la raison cl le ht m sens (]ui les exigent; les autres
.-.ont dos qualités de goùl, parce que c'est le gnùl
ipii en deciile. Celles-là sont la substance du dis-
cours, celles-ci en sont l'assaisonnement.
La première qualité logique de h pensée, c'est
qu'elle suit vraie, c'esl-a-dire qu'elle représente
la chose telle qu'elle est. A celle première qualité
lient la justesse. Une pensée parfailcment vraie
est juste. Cependant l'usage met quelque dilTé-
renee cuire la vériié cl la justesse de la pensée.
LaceVz^ii signifie plus précisément la conformité
de la pensée avec l'objet ; hjw^lessc marijuc plus
expressément l'étendue. La p^'usée esl donc vraie
quand elle rei)résenle l'objet, et elle est juste
quand elle n'a ni plus ni moins d'étendue que
lui.
La seconde qualité est la clarté. Peut-être
même est-ce la [)remiére; car une pensée (|ui
n'est pas claire n'est pas proprement une pensée.
La clarté consiste dans la vue nette cl dislincie
de l'objet qu'on se représente, et qu'on voit sans
nuage, sans obscurité : c'est ce qui rend la pen-
sée nette. On le voit séparé de tous les autres
objets qui l'environnent; c'est ce qui la rend
dislincie.
La première chose qu'on doit faire, quand il
s'agit de rendre une pensée, c'est donc de la bien
reconnaître, de la démêler d'avec tout ce qui n'est
point elle, d'en saisir les contours et les parties.
C'est à quoi se réduisent les qualités logiques
des pensées; mais pour plaire, ce n'est pas assez
d'être sans défaut, il faut avoir des grâces; et
c'est le goût qui les donne. Ainsi, tout ce que
les pensées peuvent avoir d'agrément dans un
discours vient «le leur choix et de leur arrange-
ment. Toutes les régies de l'élocution se réduisent
à ces deux points, choisircl arranger. [Encyclop.)
Penser. V. n. et a. de la \" conj. Dans le sens
de faire réflexion, faire attenlion, avoii' dessein,
il régit la préposition à, parce «ju'il s'agit d'un
but vers lequel l'esprit s'est porté : Je pense à
cette affaire, pensez à vous, Je pense à vous
répondre, à vous surprendre — (Juand il signifie
avoir une idée ou une opinion dans l'esprit, il
régit un complémenj direct, ou la conjonction
que : f^oilù ce Que je pense, jn pense que vous
avez tort, f^oi/à ce que je pense, signifie, voilà
l'idée, l'opinion que j'ai dans l'esprit; voilà à
quoi je pense, veut dire, voila l'objet auquel
mon esprit est appliiiué, comme à un point,
comme a un terme. — Penser, dans le sens de
croire, régit, comme ce verbe, la conjonction 71/e,
de la même manière, c'esl -à-dire avec l'indicatif
dans la phrase affirmative, et avec le subjonctif
dans la jihrase négative ou interrogativc : Je
pense 7!/'i/pCut arriver aujourd'hui ; il ne pense
pas que cela puisse réussir; pensez-vous que
j'obéisse uveug/éinent? Penser, dans le sensd'étrc
sur le point de, ne régit point de jiréposition :
J*aipensé mourir.
PER
Je pris certain aulcur autrefois pour mon maître;
/( pcnta me gSler.
(La Font., Epttre à l'évéque d'Avranchcê tn tui
donnant un Quintilien, 46.)
Penser. Subst. m. L'Académie dit qu'il n'a
guère d'usage que dans la poésie. Féraud dit qu'il
est vieux et qu'il ne s'enqiloie plus, même en
jwésie. Yollairc l'a cnq)luyé heureuMjincnl dans
la phrase suivante : Quel est Vhonnne sur lu
terre qui peut assurer, sans une impiété ab-
surde, qu'il est impossible à Dieu de donner à
la matière le sentiment et le penser? {Diction-
7iaire Philosophique.) Penser ne signifie pas ici
pensée, mais la faculté de penser. J.-J. Rousseau
a dit, le penser des âmes fortes leur donne un
idiome particulier, et les âmes couniuines n'ont
pas même lu grammaire de cette langue.
Peuçant, Pior.çANTE. Adj. verbal lire du v. per-
cer. Il ne se mel cpi'ajjrès son subst. : Un poinçon
perçant, une alêne perçante, un froid perçant,
un vent perçant, des cris perçants, une voix
perçante, des yeux perçants, vn esprit perçant.
PEiiCER. V. a. et n. de la 1" conj L'Académie
ne donne pas un nombre suffisant d'exemples de
l'emploi de ce verbe au figuré. En voici quel-
ques-uns (jui paraîtront utiles :
Mais on ne peut tromper l'œil rigilant des dieux;
Ses plus obscurs complots il perce les abîmes.
(Volt., Sémir., acl. I, se. m, 44.)
Nous avons tous cru voir Agamemnon lui-même
Qui, perçant du tombeau les gouffres éternels...
(YoLT., Oreste, acl. V, se. vu, 20.)
Vous seule avez percé ce mystère odieux.
(Rac, Phèd., act. V, se. i, 15.)
Déjà de l'avenir perçant la nuit profonde,
Les oracles sacres le promettent au monde.
(Delil., Énéid., VI, 1079.)
Perclus, Percluse. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Il est perdus, elle est percluse. Il
est perclus d'un Iras.
Pei'.daele. Adj. qui ne se met qu'après son
subst. ; Un procès perdiihle.
Perdre. V. a. de la 4^ conj. Fléchier, dit Fé-
raud, voulait qu'on dit perdé-je ; et Vaugelas,
perds-je; il ajoute q>ie l'usage a décidé pour le
dernier, que celte décision est raisonnable et sui-
vant l'analogie, et qu'on ne peut imaginer sur quoi
Fléchier appuyait son opinion. — C'était sans
doute sur la dureté de la |)rononcialion éic perds-
je. Je pense, au contraire, que l'usage a adopté
l'opinion de Fléchier, et que l'on dit perdé-je.
Au mot personnel, Fcraud dit exi»rcsséincnt, si
je après le verbe fait un son dur ou équivoque,
l'usage le condamne. 11 ne faut point dire cours-
je, perds-je, mens-je, etc. ; mais il faut prendre
un autre tour, et dire : Est-ce que je cours?
est-ce que je mens? Il ajoute que perdé-je est
tout à fait mauvais.
Pè;re. Subst. m. L'Académie ne donne point
d'exemple du mot père, pris dans le sens sui-
vant :
Le travail est souvent le père du plaisir.
(Vot.T., 4e dise. sur l'homme, 115.)
Perfectible. Adj. des deux genres qui ne se
mel qu'après son subst. : Un être perfectible.
Perfide. Adj. des deux genres. 11 se met sou-
vent avant son subst. : Un homme perfide, une
PER
femne perfide, un amant pej-fide, un perfide
amant; un umi perfide, un perfide ami; un
éclat perfide, un perfide éclat; des serments
perfides, de perfides serments. Voyez Adjectif.
Perfidemkm-. Adv. On peut le mellre entre
l'auxiliaire et le participe: Il l'a livré perfide-
ment, ou il l'a perfidement livré à ses enne-
mis.
PÉr.iL. Subst. m. Voyez Eminent. Corneille a
dit dans Polyeucte (act. IV, se. m, 66):
Il m'ote des périls que j'aurais pu courir.
On n'ôle point des périls, on vous sauve d'un
péril, on détourne un péril, on vous arrache à
un péril. (\o\\... Remarques sur Corneille.)
Périllkusement. Adv. 11 ne se met (ju'aprés
le verbe : // a marché périllcu sèment entre deux
précipices, et non pas, il a périlleusement
marché.
Périllf.u.\, Périllecse. Adj. On {)eulle mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Occasion périlleuse, poste périlleux, si-
tuation périlleuse, périlleuse situation ; entre-
prise périllcise , périlleuse entreprise. Saut
périlleva:. \o\. Adjectif.
Période. Subst. H est féminin quand il signi-
lie : l" une révolution qui se renouvelle réguliè-
rement, comme la période solaire, la période
lunaire; 2" une phrase composée de plusieurs
membres; 3" un espace de temps qui s'écoule
entre deux époques. Il est masculin quand il
signifie le i>lus haut point où une chose puisse
arriver : Il est au plus haut période de la
gloire. Il est encore masculin lorsqu'on veut
exprimer un espace de temps vague, comme dans
le dernier période de sa rie.
Période, en grammaire, se dit d'un assemblage
de phrases et de propositions qui, liées entre
elles, forment un sens total, par le rapport
qu'elles ont les unes avec les autres. On dis-
tingue la iiériode simple, qui n'a qu'un membre,
et la (lériode composée, qui en a plusieurs ; mais
la première n'est autre chose que ce (ju'on ap-
pelle proposition; et une période proprement dite
doit avoir au moins deux membres.
Nous ne pouvons rien donner de meilleur sur
cette matière que ce qu'en a dit Condillac dans
son Art d'écrire.
Dans une période, dit-il, plusieurs propositions
de différentes espèces concourent au déveloj)-
pement d'une seule pensée. Elles forment un
discours dont les principales parties, sans avoir
un sens fini, sont distinguées par des repos plus
marqués. Or, ces différentes parties sont ce qu'on
appelle 7nembres, et le discours entier est ce
qu'on nomme période. Il y a bien des phéno-
mènes gui embarrassent les philosophes ; et les
plus communs ne sont pas ceux qui les embar-
rassent le moins. Voila une période. Elle ren-
ferme deux phrases que l'on appelle membres. Il y
a bien des phénomènes qui embarrassent les phi-
losophes, c'est le premier membre; et les plus
communs ne sont pus ceux qui les embarrassent
le moins, c'est le second.
Une période peut avoir un plus grand nombre
de membres, trois, par exemple, ijualre ou da-
vantage; ni;iis il est inutile de les compter. Il
suffit de bien lier les idées ; et il serait ridicule
de s'occuper du nombre des phrases ou des
mots.
Cmnme donc, en considérant une carte uni-
verselle, vous sortez du pays où vous êtes né,
PER
541
et du lieu qui vous renferme, pour parcourir
toute la terre habitable, que vous embrassez par
la pensce avec toutes les mers et tous les pays ;
ainsi, en considérant l'abrégé chronologique,
vous sortez des bornes étroitesde votre tige, etvous
vous étendez dans tous les siècles.
Mais de viéme que, pour aider sa mémoire
dans la connaissance des lieux, on retient cer-
taines villes principales, autour desquelles on
place les autres, chacune selon va distance;
ainsi dans l'ordre des siècles, il faut avoir cer-
tains temps marqués par quelque grand événe-
ment, auquel on rapporte tout le reste. (Boss.,
Avant-propos du Disc, siirl'hist. univers., p. 7.)
Tout est lié dans cette période ; en voici une
où il y a (piehjues petits défauts.
C'est la suite de lu religion et des empires
quevous devez imprimer dans votre mémoire ; et.
comme la religion et le gouvernement politique
sont deux points sur lesquels roulent les choses
humaines, voir ce qui regarde ces choses t'enfer-
me dans un abrégé, et en découvrir par ce moyen
tout l'ordre et toute la suite, c'est comprendre
dans sa pensée tout ce qu'il y a de grand parmi
les hommes, et tenir, pour ainsi dire, le fil de
toutes les affaires de l'univers. (Idem.)
J'aimerais mieux voir dans un abrégé, que
voir ce qui regarde ces choses renfermé dans
un ain'</e'. Je retrancherais encore joar ce moyen,
comme inutile.
11 y a deux inconvénients a craindre dans les
longues périodes : l'un, de tomber dans des équi-
voques pour éviter les constructions forcées ;
l'autre, de faire violence aux constructions pour
éviter les équivoques. Ce n'est pas assez qu'une
transposition prévienne les doubles sens, il faut
encore que les idées se lient également dans
l'ordre renversé comme dans l'ordre direct.
Voici une longue période qui est fort bien faite.
Quel témoignage n'est-ce pas de la vérité, de
voir que dans les temps où. les histoires profanes
n'ont à nous conter que des fables, ou tout au
plus des faits confus ou à demi oubliés, l'É-
criture, c'est-à-dire, sans contestation, le plus
ancien livre qui soit au monde, nous ramène
par tant d'événements précis, et par la suite
même des choses, à leurs véritables principes ,
c'est-à-dire à Dieuqui u tout faitietnous marque
si distinctement la création de l'univers, celle
de l'homme en particulier, le bonJieur de son
premier état, les causes de ses ?nisères et de
ses faiblesses, la corruption du. monde et le dé-
luge, Vorigine des arts et celle des nations, la
distribution des terres, enfin la propagation du
genre humain, et d'autres faits de même impor-
tance, dont les histoires humaines ne parlent
qu'en confusion, et nous obligent à chercher ail-
leurs les sources certaines? (Boss , Disc, sur
l'iiist. univers.,'2'pM-\..,ch. I, p. 147.)
On voit que dans une période, tous les mem-
bres doivent être distincts, et liés les uns aux
autres. Quand ces conditions ne sont pas rem-
plies, ce n'est qu'un assemblage confus de plu-
sieurs phrases. En voici un exemple :
Comme les arcs triomphaux des Romains ne
se dressaient que pour éterniser la mernoire
d'un triomphe réel, les ornements tirés des dé-
pouilles qui avaient paru dans un triomphe, et
qui étaient propres pour orner l'arc qu'on dres-
sait, afin d'en perpétuer la mémoire, n'iUaienl
point propres pour embellir l'arc qu'on élevait
en mémoire d'un autre iriompJie , principale-
ment sila victoire avait été remportée sur un autre
542
PER
peuple que celui sur qui avait été remportée la
vitttiire, laquelle avait ao/iné lieu au premier
triomphe, comme au premier arc. (Dubos, 7î- -
flexions sur la poésie et sur lu peinture, 2' part. ,
Seol. XIII', 2' Jiépea:.)
Bossuel conçoit neltcinont sa ponsOc, et ses
idées s'arrangoiit naliirellcmenl; rDoispluslablié
Dubos fait d'efforts, plus il s'embarrasse. 11
est obscur par les (>récaulions qu'il prend pour
se faire cnleiuire. On dc'inéle (ju'il veut dire ([ue
les arcs iriuinphaux étant ornés des dépouilles des
ennemis, on ne pouvait pas faire servir les mêmes
dans des occasions où la victoire avait été rem-
portée sur des peu|>lcs différents.
Quand ou accumule les idées sans ordre, on
s'embarrasse tl.uis sa jiropre pensée, et un ne
sait plus iiar où linir. Ou sent qu'on est obscur,
et on le devient davantage , parce qu'on veut
cesser de rètre. On pourrait dire :
J{ie/t n'est plus propre à lums faire connaître
ce que peuvent sur tous les hommes, et princi-
palement sur les enfants, les qualités propres à
l'air d'un certain pays, que de considérer le
pouvoir des simples ricissitudes ou altérations
passagères de l'air sur les organes qui ont ac-
quis toute leur consistance.
L'abbé Dubus exprime celte même pensée avec
beaucoup de désordre et de superfluité.
Hien n'est plus propre à nous donner vne
juste idée du pouvoir que doivent avoir sur tous
les hommes, tl principalement sur les enfants,
les qualités qui sont pr près à l'air d^un certain
pays, en vertu de sa composition, lesquelles on
pourrait appeler ses qualités permanentes ; que
de rappeler lu connaissance que nous avo?is du
pouvoir que les simples vicissitudes ou les al-
térations passagères de l'air ont même sur les
hommes, dont les organes ont acquis la consi-
stance dont ils sont susceptibles. (Dubos, Jié-
flexions sur la poésie et sur lapeinture, 2'' part.,
sect. XIV.)
Les fautes de la période suivante sont sensibles.
7h>it persuadé que je suis que ceux que l'on
choisit pour de différents emplois, chacun selon
son génie et sa profession, font bien; je me
hasarde de dire qu'il se peut faire qu'il y ait au
monde plusieurs personnes, connues ou incon-
nues^ que l'on n'emploie pas , qui feraient très-
bien. (La Bruyère, ch. il, Du mérite personnel,
p. 265 )
En lisant La Bruyère, on trouve souvent des
constructions dans ce goùt-là.
Si l'on étudie les périodes bien faites, on re-
marquera que les idées princiiialcs des différents
aieinbrcs tendent toutes au même but, et que
les modifications qui les accompagnent, les dé-
veloppent et lesarrangçnt avec ordre autour d'une
idée, (jui est comme un centre commun. C'est
pourquoi une période bien faite est apiHîlée une
période arrondie.
Celui qui met un freia à la fureur des nota,
Sait aussi des méchants arrêter les com[ilols ;
Soumis avec respect à sa Tolunté sainte,
Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.
(Rac, Àth., acl. I, se. I, 61.)
Je ne crains que Dieu, voilà à quoi toute la
période se raiiporte. Cette idée est en même
temps l;i principale du second ipembre; elle est
naturellement liée à la principale du premier, et
les propositions subordonnées la dévelojjpent cl
l'ancadissent. Voici un passage où Massillon lie
parfaitement ses idées dans une suite de périodes.
PER
L'idée principale, à laquelle toutes les autres se
rapportent, est qu'ow n'oserait dire la vérité aux
princes.
GûIl-s parles louanges, on n'oserait pas leur
parler le langage de la vérité. Eux seuls igno-
rent dans leur Etat ce qu'eux seuls devraient
connaître ; ils envoient des mi ni.it res pour être
informés de ce qui se passe de plus secret dans
les cours et dans les royaumes les plus éloignés,
et personne it'userait leur apprendre ce qui se
passe dans leur royaume propre; les discours
flatteurs assiègent leur trône, s'emparent de
toutes les avenues, et ne laissent plus daccès a
la vérité. Ainsi, le souverain est seul étranger
au milieu de ses peuples; il croit manier les
ressorts les plus secrets de l'empire, et il en
ijnnre les événements les plus publics ; on lui
cache ses pertes, on grossit ses avantages, on lui
diminue tes misères publiques, on le joue à
f'vce de le respecter ; il ne voit plus rien tel qu'il
est, tout luiparail tel qu'il le souhaite {Petit
Carême, Des tentations des grands, 2» part., 1. 1,
p. 562.)
Voici une période (jui n'est pas si bien faite,
parce qu'il y a trop de propositions incidentes
dans le premier membre. Elle est encore de Mas-
sillon.
Souvenes-vous de ce jeune roi de Judu, qui,
pour avoir préfère les avis d'uîie jeunesse in~
considérée à la suges.sc et à la maturité de ceux
aux conseils desquels Sulovion son père était
redevable de la gloire et de lu prospérité de son
règne, et qui lui conseillaient d'affermir les
commencements du sien par le soulagement de
ses peuples, vit un nouveau royaume se former
des débris de celui deJuda, et qui, pour avoir
voulu exiger de ses sujets au delà de ce qu'ils
lui devaient, perdit leur amour et leur fidélité
qui luiétaientdus. [Petit Carême, Des tentations
des grands, 2"^ part., t. 1, p. 562.)
La liaison des idées est ralentie, parce que
Massillon s'arrête sur un nom de la [)reinière
proposition incidente, pour le modifier par deux
autres propositions assez, longues : Aux conseil.^
desquels, etc., et qui lui conseillaient, etc.
Or, l'esprit n'aime pas à être retardé de la sorte.
Si des propositions do cette espèce, jetées dans
le piemier membre, raleulissent le discours, elles
rendent la période Irainanle lorsqu'elles sont ajou-
tées au dernier. Fénelon écrit ainsi à madame de
Maintenon :
Comme le roi se conduit bien moins par des
maximes suivies que par l'iinpressioji des gens
qui l'environnent, et au.cqiiels il a confie son
autorité, le capital est de ne perdre aucune
occasion pour l'obséder pur des gens surs, qui
agissent de concert avec vous, pour lui faire
accomplir dans leur vraie étendue ses devoirs,
dont il n'a aucune idée.
C'est au dernier pour que la période devient
languissante.
L'ne préposition ne peut être répétée qu'autant
qu'elle exprime le même rapport, et qu'elle sub-
ordonne deux propositions à une même propo-
sition principale.
Ce ne serait pas faire une période, ce serait
écrire une suite de phrases mal liées, que de dire
avec Pascal ;
1» Qu'est-ce donc que nous crie cette avidité
(d'acquérir des connaissances), sinon qu'il y a eu
autrefois en l'homme un véritable bonheur dont
il ne lui reste maintenant que la marque et la
trace toute vide; 2*^ qu'il essaie de remplir de
PER
tO'.tt ce qui l'environne ; S'en cherchant dans
les choses absentes le secours quil n'obtient pus
des présentes, et que les unes et les autres sont
incapables de lui donner ; ^i" parce que ce gouffre
infini ne peut être rempli que par un objet infini
etimviuablc. (Pensées, 2' pari., art. Y, § 3.)
Les phrases sont disiiiiiiuces par des chiffres.
On vuil que la seconde nioiiilie le dernier nom
de la première, que la troisième modifie la se-
conde, et que la (jualriLiiic modifie la dernière
parlie de la Iroisicme. Ce n'est ccrlainement pas
là une période arrondie
L'ennui dévore les grands, et ils ont bien de
la peine à remplir leur journée. Voilà une idée
principale que madame de Maintcnon développe
dans une suite de phrases bien faites et bien
lices :
Que ne puis-je vous donner toute mon expé-
rience ! que ne puis-je vous faire voir l'ennui
qui dévore les grands, cl la peine qu'ils ont à
remplir leur journée ! AV voyez-vous pas que
je meurs de tristesse dans une fortune qu'on
aurait eu peine à imaginer, et qu'il n'y a que
le secours de Dieu qui vi empêche d'y succom-
ber'^ J'ai été jeune et jolie ; j'ai goûté des plai-
sirs; j'ai été aimée partout. Dans vn âge plus
avancé, j'ai passé des années dans le coiumercc
de l'esprit ; je suis venue à la faveur; et je
vous proteste que tous les états laissent un vide
affreux, une inquiétude, une lassitude, une en-
vie de connaître autre chose, parce qu'en tout
cela nen ne satisfait entièrement [A viadame
de la Maisonfort, i6'j6.)\0Yez Coupe, Nar-
ration .
Pébiodique. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst. : Mouvement périodique,
révolution périodique, fièvre périodique. — Ou-
vrage périodique. — Style périodique, discours
périodique. "N'oyez Narration.
Périodiquement. Adv. Il ne se met qu'après
le verbe : Les astres se meuvent périodique-
ment.
Péripétie. Subst. f. Péripétie, en terme de
littérature, est dans le poëmc dramatique ce
qu'on appelle ordinairement dénoùment. La pé-
ripétie est proprement le changement de condi-
tion, soil heureuse, soit malheureuse, qui ar-
rive au princiiial persoimage d'un drame, et qui
résulte de quelque reconnaissance ou autre in-
cident qui donne un nouveau tour à l'action.
Ainsi la périi)élie est la même chose que la cata-
strophe, à moins qu'on ne dise que celle-ci dé-
pend de l'autre, comme un effet dépend de sa
cause ou de s^n occasion.
Les qualités que doit avoir la péripétie sont
d'être probable et nécessaire; pour cela, elle doit
être une suite naturelle, ou au moins l'effet des
actions précédentes, et encore mieux, naître du
sujet même de la pièce, et, par conséquent, ne
point venir d'une cause étrangère, et pour ainsi
dire collatérale.
Périphrase. Subst. t. La périphrase est une
circonlocution, un circuit de paroles. Ainsi ce
tour sera vicieux s'il n'est pas employé à pro-
pos. Quand on prononce le nom d'une cliose,
l'esprit ne se porte pas plus sur une qualité
que sur une autre; il les embrasse toutes
confusément. Il voit la chose, mais il n'y aper-
çoit point encore de caractère déterminé. Au
contraire, il démêle quelques-unes des qualités
qui la distinguent, lorsiju'au nom on substitue
une circonlocution. En un mot, le nom montre
la chose dans un éloianement où on la recon-
PÉR
545
nail ; mais on l'aperçoit imparfaitement, elles dé-
tails échappent. La périiiiirase, au contraire, la
rapproche, et en rend les traits plus distincts et
plus sensibles, l.e nom de Dieu, \k\v exemple,
ne réveille pas l'idée de tel i>u tel attribut; mais
la jjériphrase, celui qui a créé le ciel et lu terre,
représente la Divinité avec toute sm intelligence
cl toute sa puissance. Cette môme idée peut
è!re caractérisée par autantdc périphrasesqu'il y
a d'attributs dans Dieu ; mais le choix des ca-
rnctcres n'est jamais indifférent.
Celui qui règne dans les deux, de qui relè-
vent tous les empires, à qui seul appartient la
gloire, la majesté, l'indépendance, est aussi
celui qui fait la loi aux rois, et qui leur donne,
quand il lui plaît, de grandes et de terribles
leçons. (Bossuct.)
Celui qui met un frein à la fureur de.s flots,
Sait aussi des méchants arrêter les complots.
(Rac, Ath., acl. I, se. l, 61.)
Dans ces deux exemples. Dieu est caractérisé
bien différemment. Mais essayons de changer les
périphrases de l'un à l'autre, et disons :
Celui qui met un frein à la fureur des flots,
est aussi celui qui fait la loi aux rois, et qui
leur donne, quand il lui plaît, de grandes et de
terribles leçons.
Celui qui règne dans les deux, de qui relè-
vent tous les empires, à qui seul appnrtient la
gloire, la majesté, l'indépendance, sait arrêter
les complots des méchants.
Ces périphrases n'ont plus la mênie grâce;
elles paraissent froides, déplacées, et l'on en voit
la raison. C'est que le caractère donné à Dieu
n'a plus assez de rapport avec l'action de cet
être; l'attribut n'est plus assez lié avec le su-
jet de la proposition
Les orateurs médiocres se perdent souvent
dans le vague de ces sortes de périphrases. Ils
craignent de nommer les choses, et ils croient
trouver du sublime dans des circonlocutions
prises au hasard. Quelquefois aussi le besoin de
quelques syllabes fait tomber dans ce défaut jus-
qu'aux meilleurs poètes; mais rien n'est plus
capable de rendre le discours froid, pesant ou
ridicule. Quand donc les périphrases ne contri-
buent pas à lier les idées, il faut se borner à
nommer les choses.
Rien n'est plus lié aux propositions que
nous formons, que les sentiments dont nous
sommes alors affectés. Aussi les ]K'riphrascs ne
sont-elles jamais plus élégantes que lorsque, ca-
ractérisant une pensée, elles expriment encore
des sentiments.
Au lieu d'expliquer la métempsycose en disant
qu'elle fait sans cesse passer les âmes par diffé-
rents cori)-, liossuet emploie des périphrases qui
font voir toute l'absurdité qu'il trouve dans cette
opinion. Il s'explique ainsi :
Que dirai-je de ceux qui croyaient la trans-
migration des âmes, qui les faisaient rouler des
deux à la terre, et puis de la terre aux cteus;
des animaux dans les hommes, et des fiomnies
dans les aniouiu.r; de la félicité à la misère,
et delà misère ù la félicite, sans que ces révo-
lutions eussent jamais ni de terme, m d ordre
certaine ,
On peut, après une périphrase, en ajouter une
seconde, une troisième, et cela sera fort bien,
pourvu qu'ellesexprimenlchacunedesaccessoires
qui renchérissejit les uns sur les autres, et qui
HéA
PÉR
soient t.iiisri'l.Tiifsn In clidçcel aux circonstances
oùl'onenparle; les idées, par ce moyen, se lieront
de plus en plus. Mais, au cuiilraire, la liaison
s'affaiblira , ci le style deviendra lâche, si les
dernières périphrases ont moins de force que
les premières. Despréaux a dit {Sat. I, 29) :
Tandis que, libre encor. . .
Mon corps n'est point courbé sous le faix des années,
Qu'on ne voit point mes pas sous l'âge cbanceler,
lit qu'il reste à la Parque encor de quoi liler.
Voilà trois périphrases pour dire, tandis que
je ne iui.-i pas I iciix. La |)rciiiiore est lioinie,
parce qu'elle fait image; la seconde est une pein-
ture plus faible; la troisième ne peint rion, et
n'est pas même exacte; car on peut être vieux,
quoiqu'ir reste à la Parque de (luoi liler. D'ail-
leurs, qu'on ne roit point mes pus chanceler CSl
un tour làclie ; il eût été mieux de dire, que je
ne chancelle pas. Enfin, sous l'âge est une faible
répétition de sous le faix des années.
La règle est donc que, quand on veut expri-
mer une mémo chose par [)lusieurs périphrases,
il faut que les images soient dans une certaine
gradation; qu'elles ajoutent successivement les
unes aux autres, etciuc tout ce qu'elles expriment
convienne également, non-seulement à la chose
dont on parle, mais encore à ce qu'on en dit.
Il faut encore consulter le caractère de l'ou-
vrage où l'on veut faire entrer les images. Dans
un poëine, par exemiile, on exprimera ainsi la
pointe du jour (Volt., Henriade, VII, 475) :
L'aurore cependant, au visage vermeil,
Ouvrait dans l'Orient le palais du soleil.
La nuit en d'autres lieux portait ses voiles sombres.
Les songes voltigeants fuyaient avec les ombres.
Ce langage serait froid et ridicule partout ail-
leurs.
Comme on se sert d'une périphrase pour
ajouter dos accessoires, on s'en sert aussi pour
écarter des idées désagréables, basses ou peu
honnêtes. Mais il faut bien se garder d'éviter
des termes, uniquement parce qu'ils sont dans la
bouche de tout le monde. Lorsque le langage
couimun convient au sentiment (ju'on éprouve
et aux circonstances où l'on est, il ne faut pré-
férer une périphrase qu'autant ([u'elle convient
encore davantage. Il est, par exeinple, tout na-
turel (ju'un père dise, ma fille devrait pleurer
mu mort, et c'est moi qui pleure la sienne. Je
ne vois |)as pounjuoi il craindrait de se servir
du mot pleurer. Ce|)endant le père Bouhours
loue ces vers que Maynard a faits sur ce
sujet (Ode IX, 49) :
Hâte ma fin que la rigueur diffère,
Je hais le monde et n'y prétends plus rien.
Sur mon tombeau ma bile devrait faire
Ce que je fais maintenant sur le sien.
Ce père tendre parait se faire un petit plaisir
de doimer à deviner s'il répand des larmes. La
périphrase ne doit pas être employée [wur écar-
ter l'idée du sentiment, et pour y substituer une
énigme. Ces vers de Maynard sont donc d'un
mauvais goût; et n'y prétends plus rien est
une phrase qui n'est là que. pour achever le
vers.
Les délinitions et les analyses sont proprement
des périphrases, dont le propre est d'expliiiuer
une chose. Dieu est la cause première, voilà une
déùnilion ; car de là naissent tous les attributs de
PER
la Divinité. Vous ferez une analyse si vous
dites. Dieu est la cause première indépendante,
souverainement intell igent(',toute-puissante,Q\.C,
Vous pouvez donc substituer au nom de Dieu
sa définition ou son analyse Mais alors votre
dessein est uniquement de faire connaître l'idée
que vous vous faites, et vous rom|)lissez votre
objet si vous vous expliquez clairement. Quant
aux périphrases qui ne sont ni définitions, ni
analyses, vous n'en devez faire usage qu'autant
qu'elles caractérisent les choses, soit par rap-
port aux circonstances où vous les considérez,
soit par rapport aux sentiments dont vous êtes
affecté. Si vous les employez toujours avec ce
discernement, vous ne devez pas craindre de les
trop multiplier. (Condiliac, Art d! écrire.)
Périr. V. n. de la 2" «onj. Périr, avec l'au-
xiliaire avoir, exprime l'action ipii a fait périr.
// a péri ce jour-léi; ce jour-là, l'action qui l'a
fait litrir a eu lieu. Il a péri dans le combat.
Périr, avec l'auxiliaire être, indique l'état (jui
résulte de l'action de périr : Ils sont péris, ils
n'existent plus.
Lorsque Càlypso, voulant retenir Télémaque
daûB son ile, lui peint le naufrage d'Ulysse, elle
ne doit pas vouloir lui représenter l'action par
laquelle il a péri, mais l'eiat (pii est résulté
de cette action, c'est-à-dire la mort d'Ulysse.
Fénelon ne se serait donc pas aussi bien exiirimé
qu'il l'a fait s'il eût dit, elle voulut faire en-
tendre qu'il avaii péri dans le naufrage; aussi,
dit-il, elle voulut faire entendre qu'il était ^trt
dans le naufrage (Télém., liv. 1, t. i, p. 7fi).
c'est-à-dire que sa mort en avait été la suite. -
On dira donc également bien, il a péri dans l..
combat, ou il est péri dans le coJubat, suivant
qu'on voudra fixer l'esprit ou sur l'action qui a
donné la mort, ou sur la mort même (jui a été l'ef-
fet de l'action. — L'Académie, qui donnait autrefois
à ce verbe l'auxiliaire e<;e ou l'auxiliaire avoir, a
retranché dans la dernière édiliiiu de son diction-
naire les exemples où il était accompagné du
premier. Mais elle indique le lurlicipe pén,
périe ; ce qui doit faire supposer qu'elle autorise
dans certains cas l'usage de l'auxiliaire être.
Corneille a dit [Cinna, act. ÏII, se. :, 71) :
Je conserve ce sang qu'elle veut voir périr.
Périr un sang, dit Voltaire, est un barbarisme.
[Remarques sur Corneille.)
Périssable. Adj. des deux genres, qui_ ne se
met qu'après son subst. : Des biens périssa-
bles .
* Pkrissologie. Subst. f. Terme de grammaire.
Voyez Pléonasme.
Permanent, Permanente. Adj. qui ne se met
qu'ajirès son subst : Un bonheur permanent.
Permettre. V. a., n. et irrégul. de la 4' conj.
Il se conjugue comme mettre. Voyez ce mol.
Quand ce verbe a un régime indirect, il de-
mande de et l'infinitif : On vous permet de sortir.
Dans le cas contraire, il demande que et le sud-
jonctif : f^otre père a permis que vous sor-
tissiez.
Permciecsement. Adv. Il se met entre l'au-
xiliaire et le participe: Cela est pernicieusement
inventé.
Perniciecx, Pernicieuse. Adj On le met sou-
vent avant son subst. : Conseil pernicieux, per-
nicieux conseil; maxime pernicieuse , perni-
cieuse maxime; invention pernicieuse, perni-
PER
exemple. \ oyez MJeciif. ^ nxcxexix
PKBor.AjsoN. Subsl. /. Terme de rhétorimie
On .ppolle a.ns, la conclusion ou la Je ïœ
partie du discours, dans laquelle l'oralcur rj!
sumc en peu de mois les I.rincipaux c£ ,n 'il
a tra, ,s avec étendue d.ns le c'orps de p "o
et tache d émouvoir les passions de ses an if'
Scr'5S:fï'ïr-^'=^''='^^'"''-i^'-'l '
SSêst;^e^jï;;--^.--t--;M;-s
non, çie j.iie, d cmnlalion, qu'on se nronoso
ineune, c est la liaiiie, le mépr s, rindi-nuinn
la col.Te, clc Dans un discours du genre de '
bcratif, ou s-cfforce do faire naître Te péra .ce"
ou la con l.ance, d'inspirer la crainte, ou de c er
le trouble dans les .cvurs. La péroraison doil^S re
véhémente el pleine de passion, mais en nén o
emps courte. 11 ne faut 'pas laisser a l'âuS?-
e temps de respirer, pour ainsi dire, picc qui
Quand on dit que la péroraison doit émonvni,-
tepiible; car iien ne serait plus ridicnlP ,, ,r. f
tp-mmer par des traits P^theS Se sûnï ca se o'
1 "c s agirait qued'un intérêt 1 •■seroid'un obi,w
foK peu important. {E noydopédie) ' •"'
PEr.PE10EL P.hPÉi CELLE. Adj.Il nc sc ino.
Priipri-vp Ail; An., A _
PER
545
Perplexe. Adj. des deux genres qui ne se m^i
qu après son subst. : Cas vervle^n fu^
perplexe. peipieae, situation
Persécdta'.t, Persécutante. Adi verbal iir,i
su"bsl--^£t"'"-- " "^ "^ ""'' 'l"Vés4on
re^:rSï"S^.S;..;;- ^" P--'-' d'une
.■aS£^^l^-;-;;^:^^--^--re
:^;s:"sS:^^"^^'^^'^™'"-^^«'S:!i^ï
PEBSÉïÉiiANT, Persévérante. Adj. verbal tiré ,1,,
yrersevérer. Ilnese melqu'aprèsionsubst 'A"
'pTsif Subi";'' î^'" f-''''-P--é:é?anie'^''
PERSIL. Subst. m. On ne prononce pas le /
hovune ne l'a dit, ni Pierre ni Paul îu T
Puisque ridée û'hovuue est a prindn.ie dân^ l-i
signification du mol ;«.«<,..., '.^^S'eslTonî
u" nom comme h.mn.e. Not'is disons en S
r>emo: personne ne, et il est éviden oue c'el^
une contraction de ne homo, où l'on ?".' sen
X""iL"'' '7T ^'""^d'«-s°enfraiSs
mémemor 1?" '^î'' ^^'' "•ès-ovidemmen le
'riiu^ '.^ ''"'^'"'"' '^"^n^ a" matériel,
/Sl27'^''r'"''''"''^^' l'«n di^'-'il
a(i.?au'il's2'nr "?'" ™I''''J'<^ ««"^ P-'^Posiiif
-;.1;h3 la plupart des g,.a,;u.;:i,SL'^'&^J
Quelcpics grammairiens ont MiV.i^n,),,
Ion n'apDu e sur nii,-,,n .. • *-=''^' *^ "^
"i^j'un, siii aucun raisoiineriiKiii . t.- 1»
es langues qu'un mot pu.sse-élre présent 'dns
a .neinc phrase sous deux .enres dif Se,, e
SI 1 usage avait établi une exception po,i le ,'n
P^f^^mio, In raison devrait Tabolir. C'e î e
<^iois, ce qui est arrivé depuis VauKelaser i^
est di,ne d'a,.ouroVJe)i J^^^^^^
aussi heureux <j,œ vous! ' ^'"°""' " "^'^
Peraonue. Terme de grammaire 71 v -, i,.
relations générales que peut avoir'-, '-^ , \ ?
parole le sujet de la^.ySio "' a- 'ou 1 1'
nonce lui-mc.nela prdpo.'ition duù i èsUe sue'
ou la parole lui est adressée par u i ufu e ou I
et simplement sujet sans prononcer le d^scmn
et sans ère apostrophé. I)!,ns cette ,'ropisitir
je SUIS h sei,jneur ton Dieu c'esi ^,"''"^^"!""'
est le sujet, et à qui il ef^ a l-iiHéd^ét'e 1 !'''''
gncurDieud;isracl; mais en némeienn c'est'
lui qui produ t 'acte de la n-iml,. ,,,• ' "'
cediscJurs.Danscel^c^i'S::^,'';;-'-
parle;c;estaluiqJei:.p.SJLXS.'ïulln'
dans celle-ci, Z^,V„ a créé i;ko,u^t ,;^fl
a /au a son imago. Dieu est encore c smV.
na>s 11 ne pai e i.oint, et le discours ne 1 Fès'i
o:.^ppoi.cpreiè,érepl;i;;Li^ïéii^;,î*^:r^
nrteir:;n^3r^;e;-';ïè
£=^;^-anfli:^--^^
Jiigaison, Accord. ^••")C/Cott
PensoANEL, Phiiso^«Ei.LE. Adj. qui ne se ma
q i après son subst. : Mérite pUonnel, f,Su-
t^/Zt","r^' *"' ''""'^ de grammaire, signifiée-;
e^l iclatif aux personnes, ou qui reçoit é. m""
flexions relatives aux personnel. On applique "
55
140
PEU
mot aux pronoms, aiix terminaisons Je certains
modes des verbes, a ces modes des verbes, cl
aux verbes mêmes.
On appelle pronmns personnels ceux qui pré-
senieni a lespril des êtres déterminés par lidée
prise de l'une des trois personnes. Les pronoms
personnels, dans le système ordinaire des gram-
mairiens, ne sont (lu'unc espèce particulière, et
l'on y ajoute les pronoms dêmonslratifs, les pos-
sessifs, les relatifs, etc. Mais il n'y a de véritables
pronoms que ceux tjue l'on nomme personnels;
et les autres prétendus pronoms sont ou des noms
ou des adjectifs, ou même des adverbes. Voyez
Adjectif, Pronom.
Pf.rsoisnellkment. Adv. On peut le mettre entre
rau\ili;iire cl le participe : Il m'a offensé person-
nellement, ou il m'a personnellement offensé.
PEF.soNMFirR. V. a. de la 1" conj. Prêter un
corps, une âme, un visage, un esprit ù des êtres
purement intellectuels ou moraux, auxquels on
attribue aussi un langage, un caractère, des sen-
timents et des actions.
Ainsi les poêles personnifient les passions ou
d'antres êtres métaiihysiqucs dont ils ont fait des
divinités, et que les païens adoraient ou crai-
enaienl, tels ipie l'Envie, la Discoïde, la Fann,
la lortune, la Victoire. A leur imitation, les
modernes ont aussi i^ersoni.ilîê des êtres sembla-
bles; telle est la M«jllesse dans le Lutrin de
Boilcau; le Fanatisme, la Discorde, la Politique,
l'Ainour, dans la Hennade de Voltaire.
Peusuadé. Part, et adj. Voltaire en a fait un
subst. : Le frère Rigvlet avait toute la simplicité
et tout l'enthousiasme d'un persuadé.
Persuader. V. a. do la l'« conj. On lit dans le
Dictionnaire de l'Académie de 179S, Us s'étaient
liersuadês qu'on n'oserait les contredire. Plu-
sieurs i-Taiiiiiiaii ions ont prétendu que l'Académie
avait où tort de faite accorder le participe avec
le i)roiiom5e, et de mettre /)erst/«tfe.ï au pluriel.
Ils se fondent sur ce que le pronom se, signilianl
ici à soi,cs\. un régime indirect; car se persuader
quelque chuse, c'est persuader quelque chose à
soi. — Mais ces grammairiens n ont pas observé
iju'on dit aussi, persuader quelqu'un de quelque
chose, et »}ue par LH)iiséquent ils s'étaient per-
suadés que personne n'oserait les contredire,
peut se tourner par ils avaient persuade eux,
que personne n'oserait les contredire; où l'on
voit que le pronom se est le régime direct du
participe. Voilà pouniuoi 1' usage s'est établi de
faire accorder le régimedanscessurtesde phrases:
//* se sont persuadés que cela seul suffit. (Buff.,
manière de traiter l'histoire naturelle, i.. I,p.42.)
Cependant comme on peut dire également per-
sxiader quelqu'un de quelque ch"se, et persuader
quelque chose à quelqu'un, on peut a Sun gré
regarder le pronom se comme un régime direct,
ou" comme un régime indirect, et l'aire accorder
^u non le participe avec ce prunuin, suivant
'idée qu'on a dans l'esprit. — Nous devons faire
emarquer que dans l'édition de l&io, l'Académie
.•crit ainsi la phrase (lui a donné lieu à cet article:
Us s'étaient persuadé qxCon n'oserait les contre-
dire.
Persdasif, Perscasive. adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Raison persuasive, orateur
persuasif.
Pertinemment. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : // en a parlé pertineiumen, il en a dis-
couru pertinemment.
Perturbateur. Subst. m. En pariant d'une
femme, on dit perturbatrice.
PÉT
Pervers, Perverse. Adj. On peut le mettre
avant son subst. : Un naturel pervers, un kotnme
pervers, une doctrine perverse, cette perverse
doctrine.
Pesamment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // était pesamment
armé.
Pesant, Pesante. Adj. On peut le mellrc avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie :
Style pesant, charge pesante, pesante charge,
un fardeau pesant, un pesant fardeau.
PÈsK-LiQUEuii. Sulist. m. On écrit au pluriel
des pèse-liqueur sans s. La pluralité ne peut
tomber ni sur pèse, qui est un verbe, ni sur
liqueur; elle tombe sur instrument, qui esl suu-
enlendii : Des pèse-liqueur sont des instrmnonls
avec lesquels on pèse la liqueur ou les liqueurs
Pestifj-.re. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Uti air pestiféré, une
vapeur pestiféré, v ne odeur pestiféré. 11 est (tcu
usité.
Pestiféré, Pestiférée. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un lieu pestiféré, des
m arc/i a ndises pestiférées.
Pestile>t, Pestilente. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Une fièvre pestilente, un
air pestilent.
Pestilentiel, Pestilentielle. Adj. <iui ne se
met qu'après son subst. : Air pestilentiel, mala-
die pestilentielle.
Pétillant, Petilunte. Adj. On mouille les /.
On ne le met qu'après son subst. . Du vin pétil-
lant, des yeux pétillants, un sang pétillant.
Pétillement, Pétiller. Dans ces deux mots,
les /sont mouillés.
Petit, Petite. Adj. Petit, joint aux mots homme
ou /e/«7/îe, n'exprime ordinairement qu'une petite
taille : Un petit homme, U7ie petite femme. Oa
dit de même un petit cheval, un petit chien.
.Mis avant d'autres noms, il signifie quelquefois
de peu d'importance, de peu de valeur : Un petit
prince, un petit génie, des petites gens. Une
petite affaire. Une petite circonstance. — Quand
cet adj. n'est pas modifié par un adveibe de
(luanlité, il se met avant son subst. : Un petit
homme, une petite femme. Quand il esl joint à UD
adverbe de quantité, il se met avant ou après:
Un homme fort petit, une femme bien petite; un
fort petithomme, une bien petite femjne.
Petit esl (]Up|qiicfois un terme d'affection et
de tendresse, comme dans ce vers de madame
Deshouliêres [Les moutons, idylle 4) :
Ilélas! peliU moulon?, que tous êtes beureui!
Petit n'est pas ici un adjectif qui marque direc-
tement le volume et la petitesse des moulons.
Voyez Comparatif.
Petitement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a toujours vécu
petitement, ou U a toujours petitement vécu.
* Petitissihe. Voltaire s'est servi de ce mot
en parlant de la pe'.ite république de Genève :
La philosophie, dit-il, a fait de merreilleiis
progrès depuis quelque temps, Tnais cette philo-
sophie n a pourtant pas empêché qu'on ait ùicendié
le livre de Jean-lacques dans la petitissiine
répuhrique. Ce mot est un terme de circonstance,
qui ne lait point partie de la langue.
Pétrifiant, Pétrifiante. Adj. verbal qui ne se
met ([u'après son subst. : Sucs pétrifiants, fon-
taine pétrifiante.
Pétbir. V. a de la 2* conj. L'Académie na
PEU
pas indiqué exactement l'emploi (lue l'on peut
nure de ce mot au ligure :
A mon jiFaisir j'ai pétri sa jeune âme.
Volt., Enf. prod., ad. I, se. 1, HO.)
Ces ramas de larcins maroliques,
Mo. lie français et moitié germaniques,
Petria d'erreur el de haine cl d'ennui.
(Volt., épttrc XXXV, 157.)
«v^fi'!""''' .^"'^^^'^TE. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consuiianl loreilie el l'ana-
logie : Un wwme pétulant, un enfant pétulant,
i^elte pctida nie jeunesse.
Peu. Adv. H est oi)posc à beaucoup; et, joint
arH/i/"i"''"]'''^' '' '■'^=il la préposition rf^ sans
article : Fe,, d argent, peu de bois, peu d-hommes
^^."ii^f.r"'\P" '"^ '"^^ "''•'"' l*^^ adjectifs
qu 1 modi le : Peu aimable, peu con.plaisant.
U pieccdc les adverbes qu'il modifie, peu aaréa-
blement, et suit ceux (jui le modifient, fort peu
bien peu. - Joint au x'crbe, il se met apiésdan.s
les temps smq.les, il boit peu; et dans les temps
composes entre l'auxiliaire et le participe, il a
peu bu. S il est modifié par quelque autre ad-
verbe, on peut le mettre ou avant ou après le
parlicii.e : II, n'a coûté fort peu, ou // J'a fort
peu coûte. '
Je n'ose m'éblouir d'un peu de nom fameux.
(CoBN., ScTtor., acl. II, se. ii, 74.)
Voltaire dit au sujet de ce vers : Le mot de peu
ne convient pas au nom : Un peu de gloire; un
peu de renommée, de réputation, de puissance,
se du dans toutes les langues, et un peu de nom
ne se dit d.nis aucune. 11 y a une grammair»
commune a toutes les nations qui ne permet ras
cttanf ^""T ^^"'•'"'ile «e joisPnentlSS
cuoses qui il un pas de .luantité. On peut avoir
plus ou moins de gloire et de puissance, mais
Cor J,'iy\ """ "'°'"^ '^'^ "'"°' (^''""''•?«^* "^r
.-.if/"1''.''l'f-^'-^'"^"^"' ^'"" ''^"fre. Aussi Vol-
El malgré tout le peu que le ciel m'a failnailre.
rSeïle^^"' "*"'''' '"''"''^™« "«e contradiction
Quelques personnes disent un petit peu pour
dire une petite quantité. Cette locution est vi-
cieuse. Peu signifie seul une peliic quantité
subsiantif, Il I est aussi dans le peu, de peu, à
peu, pour peu. ^ ■*, «
...S" ■î"f"' ^ !^ préposition de. et suivi d'un
substantif singulier, régit le verbe au singulier:
/ eu de monde a .y,/ ,««« arrivée: inais oeu ré^it
ïam['ni';ïi ';'"';'''.'""■"''' ''' suiïi'dCsSb-
Si-ÏÏLÏÏ;. ""^-^^P^rsonnessaventse suffire
C'était peu.
PEU
547
v.nîlc^-.,f 'i'"' "''^ ^•^'■s 'es remarques sui-
^antes. Celle longue période, commençant par
ces mois, r était peu, (pij annoncent une pro-
gression d idée, la dément à la fin. Ou se se.'l de
ce te tournure quand ce qui précède est moins
loit que ce qui suit, comme dans Alhalie (acl. I,
C'ct pm que le front ceinl d'une milre étrangère,
Ce lévite a Baal prête son ministère;
Ca temple l'imporlune, et son impiété
Voudrait anéantir le dieu qu'il a quitté.
Ici la phrase va en croissant. Ouitter le Dieu
d Israël pour Baal est une impiété; c'en est une
plus grande de vouloir anéantir le temple et le
culte d'un dieu qu'on a (|uitté. Mais riiymen
(1 Itis est certainement beaucoup moins horrible
pour Electre que le meurtre de son père assas-
sine par sa mère. {Cours de littérature )
Celte règle est jiarfaiiement bien observée dans
les vers suivants de Racine {lphi.énie,iic[. III
se. VI, 26) : ^ r ^ , i.,
C'ett peu de TÏoler l'arailié, la nature ;
C'est peu que de vouloir, sous un couteau mortel,
Me montrer votre cœur fumant sur un autel ;
D'un appareil d'hymen couvrant ce sacrilice, '
Il veut que ce soit moi qui vous mène au supplice :
Uue ma crédule main conduise le couteau !
Qu'au lieu de votre époux, je sois votre bourreau !
Il faut seulement remarquer que c'est peu devant
un infinitif ne doit pas être suivi de que; du
moins c est la décision des grammairiens. Racine
(levait donc dire, c'est peu de vouloir, el non pas.
c est peu que de voi loir.
Il nous semble, dit la Grammaire des Gram-
maires (Éd. de 18l'J, p. 844), que de même -lu'un
au. Il s en faut de beaucoup, lorsqu'il s'agit de
quantité, de même on doit dire, il s'en faut de
peu; et comme on dit, lorsqu'il est question de
ilillerence, xl s en faut beaucoup, on doit éiïale-
ment dire, il s'en fautpeu.
Si ces observations sont justes, nous sommes
loiule a en conclure que ce serait s'exprimer
mcoirccternent que de dire, il s'en faut peu que
ce vase ne soit plein, nu lieu do, il s'en faut de
peu que ce vase ne soit plein; et il s'en fau' de
peu qu'il n'ait achevé son ouvrage, au lieu de
il s en faut peu cin'il n'ait achevé son ouvrage'
Voyez Beaucoup, Falloir, Guère.
t>.r,.. Cl „. e «^ ...
c étatt peu que les liens altérés de ton sane
dussent osé porler le couteau dam ton flanc •
yu a la face des dieux le meurtre de mon père
Fût pour comble dhorreur le crime de ma mère •
c. «« peu qu'en d'autres main, la perlide ail remis
^e sceptre qu après toi devait porter ton fils,
Btque dans mes malheurs Égisie qui me brave,
pTur'.^'r' m'"" P'"^' '^""-^ Electre en esclave;
Pour m accabler encore, son (ils audacieux,
IlM, jusqu'à ta fille ose lever les yeux.
(CnÉBiLLOff, Electre, act. I, se. i, 19.)
lEun. Su .st. f. On dit crainte d'accident
mais on ne dit pus peur d'accident. On dit tou-
jours de peur, et jamais peur de: De peur des
voleurs, de peur qu'on ne vous critique. On le
flit même devant un verbe à l'infinitif, ipioique la
repctitii.n de la préposition paraisse blesser
1 oreille : /l s'abstient de manger, par la craitite
délre empoisonné, et se laisse mourir de faim
de peur do mourir.
Lors(|u'aprcs de peur il y a une phrase sub-
ordonnée, il faut meure ne au verbe de celte
phrase . Il se retira, de peur qu'on ne l'obligeât
a repondre, cl non pas, qu'on l'obligeât d ré-
pondre.
PEUiiECx, Peureuse. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un homme peureux, une femme
peureuse, un animal peureux.
Pect-êtkk. .\dv. dubitatif. On joint toujours
ces deux mois jku- un lire;, el ils sont souvent
suivis de qoe : Peut-être que oui, peut-être que
non, peut-être qu'il viendra. — On peut dire
iu^s\, peut-être viendra-t-il. — On jteut le placer
avant ou après le verbe , el dans les temps coiu
J48
riii
poses, ou après l'auxiliaire, ou après le parlicipi":
Peut-être le ferat-il, il le fera peut-être ; ilia
peut-être fuit, il l'a fait peut-être. — Quand
peut-être est au coiiiiiieiiccniciil Je la plirasc, il
faul inetire le pronom sujel du verhe a|)iés le
vcrhe: Peu t-c Ire iro/is-/iuus. ^lais quand il csl
ku milieu de la phrase, le pronom conserve sa
place nalurelle : Tels sont les conseils auxquels
peut-être nous snuinu's redevables de notre tran-
quillité, f't non pas, auxquels peut-être somuies-
nous redcruhles de notre tranquillité. — C'est
une ni'gliijence de mellre le verbe pouvoir ^\cc
veut être, parce ijuc ce mot, exprimant doute,
^cerliludo. ne saurait modifier un verbe qui
'exprime ci;alement. — « l.e verbe pouvoir em-
( pioyt' avec il est possible, forme un i)léonasnic.
Allais a\ec le mol peut-être, qui n"est plus pour
v( nous ([u'un simple odverbe dubilalif, la cpies-
» tion est dilTcrcnlc. Si Bossuet eût supprimé le
a mvl peut-être dans la phrase suivante: Mais
'< peut-être au défaut de la fortune, les qualités
■- de Vesprit, les grands desseins, les vastes
"pensées pourront 7ious distinguer du reste des
i'ho-nï/ies, il eût affirmé ce pouvoir; ccqui serait
« contraire à sa pensée, puisiiu'il n'a voulu faire
«qu'une objection dubitative. « (A. Lemaire.
Grammaire des Grammaires, p. 881.^:
Peut-être se prend dans un autre sens qui n'est
point indiqué dans le Dictionnaire de l'Académie.
Dans le sens dont je parle, au lieu d'être dubitatif
il est réellement aflirinalif. En voici un exemple :
J ^i mon champ à labourer, je «'irai peut-être
pasemph.yervion temps à terminer vos différends,
et à travaiiler à vos affaires, tandis que je né-
gligerai les miennes. (.Montesquieu, XI*^ lettre
pei-sane.) Peut-être pas veut dire ici sûrement
pas.
PiiÉEus. Subst. m. On prononce le s final. En
littérature, on entend par ce mot une pensée
tïiviale revêtue d'une image pompeuse ou bril-
lante Aoyez Image., Galimatias.
PuÉMx. Subst. m. On \)Vononce Phénixe.
Philologie. Subst. f. Espèce de science com-
pojée de grammaire, de poétique, d'antiquités,
d'histoire, de philosophie, quelquefois même de
mathématiques, de médecine, de jurisprudence,
sans traiter d'aucune de ces matières à fond, ni
séparément, mais les effleurant toutes ou en par-
tie. La philologie est une espèce de littérature
universelle, tpii traite de toutes les sciences, de
leur origine, de leurs progrès, des auteurs (jui
les ont cultivées, etc. C'est ce que nous appelons
en Erance les belles-lettres, et ce qu'on nomme
dans les universités les humanités. — OnaiipcUc
philologues, ceux qui ont embrassé cette science
universelle.
raiLOLOGiQDE. Adj. dcs deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Recherches philolo-
giques, i.ielanges philologiques.
*PniLo.soruAiLLE. Subst. f. Terme de mépris
inventé pai- Fréron, répété par 1. inguet, et re-
cueilli parFéraud. On l'emploie, dit ce dernier,
en parlant de la tourbe des prétendus philosophes
modernes. Et dans celte tourbe il comprend Vol-
taire. — Le mot philosophaille a été inventé
contre les philosophes, comme le mot prêtraille
contre les |irèties. Ce dernier a pris, et se trouve
dans tous les dictionnaires; le premier csl tombé,
cl n'a éié ramassé (;ue par l'abbé Fcraud. Cela
tient a l'esprit du siècle.
Pnii.osoi'UALE. Adj. f. qui ne se dit que dans
celte phrase : Pierre philosophale. On ne le met
point avant son subst.
PUR
Philosophe. Subsl. m. que l'on prend quel-
quefois adjcclivcment. Dans cette dcTiiière signl-
ficalion, il ne se met qu'après son subsl. : Un
roi philosophe. C'est celte épllre que les beaux
esprits n'entendent peut-être pas, car ils sont
peu philosophes, (^'ollairc, Correspondance.)
L'abl.é Fcraud veut nous faire croue <jue ce
mot est presque toujours pris en mauvaise pari.
Philosophe se dil aussi des femmes : f/ne
femme philosophe. Nous somvtesuu temps où une
femme peut être hardiment philosophe. (Vol-
taire.)
*PniLosopHERiK, * Philosophesque, *Philo-
sopHJSEii, * PuiLosopnisTE. Mots barbares inven-
tés ])ar Fréron, répétés par Linguei, et recueillis
parFéraud. Ces mots nouveaux, dil ce dernier,
commencent à s'accréditer.» L'indignation (pi'onl
excitée dans les bons esprits les horribles écarts
de certains philosophes modernes, a fait inventer
ces mots assez singuliers. « — Ces mots ne com-
mençaient point à's'accrcdiier du temps de Fé-
raud, et ils ne sont pas plus en honneur aujour-
d'hui (]uc les noms de Fréron et do 1. inguet.
Ph/losopherie. Subst. f. Selon Féraud, il se dil
en plaisantant pour philosophie. — Ainsi l'on
pourrait dire en plaisantant, la philosopherie de
Socrate. Cette décision de Féraud n'a pas fait
fortune.
Philcsophesque. Adj. des deux genres. Il se
dit pour ridiculiser le travers d'esjjril de Voltaire,
do J.-J. Rousseau, de d'Aleinbert, de Diderot, de
Buffon, de Mannontel, de Dumarsais, afin de
faire mieux ressortir le génie de Frér.)n, de No-
notte, de l'abbé Gcoffroi et de l'abbé Féraud. Du
moins, c'est l'avis de ce dernier.
Philosophiser, v. n., a le iiiêine sens que phi-
losopher pris en mauvais jiart. C'est raisonner
comme les auteurs que je viens de nommer dans
l'article précédent.
Philosophisie. Subsl. m. Faux philosophe, tel
que Voltaire, J.-J. Rousseau, d'Alembert, Dide-
rot, Buffon, Mannontel, etc., etc.
Tous ces mots ne se trouvent point dans le
Dictionnaire de l'Académie, ce qui prouve qu'ils
n'ont pas fait fortune; ils ne sont guère usités
que dans les sacristies.
Philosophique. Adj. des deux genres. 11 ne
se met qu'a[)rès son subst. : Raisonnement
philosophique, discours philosophique, matière
philosophique. — E.iprit philosophique,
Puilosophiqlemest. Adv. Il ne se inet qu'après
le verbe : f^ivre philosophiquement. Il a toujours
vécu philosophiquement.
PnriASE. Subsl. f. Terme de grammaire. 11 se
dil particulièrement d'une façon de parler, d'un
tour d'expression, en tant ([ue les mots y sont
construitsct assembles d'une manière particulière.
Par exemple, on dit est une jihrase française;
hoc dicitur, une phrase latine ; si dice, une phrase
italienne; luan sagt, une phrase allemande.
A'^oila autant de manières différentes d'analyser et
de rendre la pensée. Il ne faut pas confondre la
phrase avec la pioposiiion. Une proposition peut
être rendue de diverses manières, et elle est tou-
jours la même, quoique les phrases qui l'oxpri-
inenl d'une manière différente soient différentes.
Aussi les (jualiiés bonnes ou mauvaises de la
phrase sont-elles bien différentes de celles de la
prop'isition. Une phrase est bonne ou mauvaise
.selon que les mots dont elle résulte sont assemblés,
termines el construits d'après ou contre les règles
établies par l'usage de la langue. Une proposition,
au contraire, est bonne ou mauvaise, selon qu'elle
PIE
est conforme ou non aux principes immuables de
la morale. Une piirasc est correcte ou incorreito,
claire ou obsciiie, éléirantc ou corniiivnic, simple
ou figurée, etc. ; une proposition est vraie ou
fausse" lionntMe ou (ioshonncte, juste ou injuste,
pieuse ou scamlaleiiso, etc., si on IVnvisage par
rapport a la niali('ro; et si on l'onvisagc dans le
discours, elle est (lirccie ou inliiede, principale
ou incidente, etc. — Un excellonl et judicieux
écrivain, dit ^'all^eIas, peut inventer de nou-
velles façons (le parler, pourvu (pi'il y apiiorle
toutes les cii-coiislances requises. — Cela est
vrai, mais il faut être fond(; sur un besoin réel
ou Irès-apparont; cl, dans ce cas-la même, il faut
être circonspcci, et agir avec retenue. Voyez
Néoloffie, Proposition.
Padi'rpitr phrases, dilBouhonrs, c'est quitter
une expression conrlc et simple (jui se présente
d'cllcMiênie pour en [)rendre une plus étendue
et moins naliiiello, (jui a je ïie sais quoi de fas-
tueux, l II écrivain cpii aime ce qu'on appelle
phrdscr (c'est ce (pi'on appelle aujourd'hui vn
phrasier), ne dira pas, si i-ovs saviez i-ous con-
tenir dans de justes homes ;nm'i il dira, sii^aus
ariez soin de. retenir les mouvements de votre
vsprit dans les homes d'une juste modération.
Rien n'est plus opposé à la pureté de notre
style. Voyez Clarté, Covpe.
On emploie quclipiefois le mot de phrase dans
un sens jjIus général, pour designer le génie par-
ticulier d'une langue dans l'expression des pen-
sées. C'est dans ce sens qu'on dit que la phrase
hébraïque a de l'énergie, la phrase grecque de
l'harmonie, la phrase latine de la majesté, la
phrase française de la clarté et de la naïveté, etc.
Physiologique. Adj. des deux genres qui se
met toujours après son subst. : Recherches phy-
siologiques.
PlAlLLEIî, PlAILLF.RIR, PlAILLEOR. DunS CeS trOiS
mots, on mouille les deux l.
Pièce. Subst. f. Terme de littérature. On en-
tend par ce mol, en français, un poëme drama-
tique tout entier; cl on appelle en général pièces
de théâtre, les Iragédics, les comédies, les opéras,
les opéras-comiciues, ci même les mélodrames.
On appelle pièces do poésie, certains ouvrages
en vers d'une médiocre longueur, telles qu'une
ode, une élégie, etc. — Pièces fugitives. Voyez
Fugitif.
Pied. Subst. m. I.e d ne se prononce pas.
Voyez Parties des animaux. On dit le pied
d'une montagne, d'un rocher, d'une muraille,
d'un hastion ; les- pieds d'une tahle, d'une armoire,
d'une chaise, d'un banc, d'une commode ; le pied
d'un chandelier ; les pieds d un chenet, d'unemar-
mite.Ou i\i)[tc\\e le pied 0[i les pieds du lit , l'endroit
du lit où l'on a ordinairement les pieds lorsqu'on
est dans le lit, et ijui est opposé au chevel.
En poésie, on appelle pied, ralliance ou l'ac-
cord de plusieurs syllabes qui entrent dans la
composition des vers, et leur donnent de la ca-
dence. Le nom de pied ne convient ([u'à la poé-
sie des anciens, et à celle de cpiebiues langues
modernes. Eu français on mesure les vers par le
nombre des syllabes ; ainsi nous appelons vej-s
de douze .syllabes, nos grands vers ou vers
alexandrins; et nous en avons de dix, de huit, de
six, de quatre, de deux syllabes, et d'autres ir-
•«guliers, d'un nombre impair de syllabes.
?iERnAiLi,E. Subsl. f. On mouille les deux /.
PiEr.REUx, Pierreuse. Adj. qui ne se met
jfu'après son snbst. : Un champ pierreux, un
chemin pierreux. — Une poire pierreuse.
PIN
549
I Piètre. Adj. des deux genres. 11 est familier,
et se met souvent avant son subsl.: Un habit
piètre, un piètre habit; des meubles bien
piètres.
yuello ('Iran.'C aventure
T'a donc réduit en si piètre posture?
(Volt., Kuf. prod., aot. lit, se. ii, {T.")
Voyez Adjectif.
Piètremkm. Adv. Il est familier, et peut se
placer entre l'auxiliaire cl le p;irlicipe : // est
logé piètrement, ou il est piètrement logé.
Pieusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaiie et le participe : Il a toujours vécu
pieusement, ou il a toujours pieusement vécu.
Pieux, Pieuse. Adj. On le dit de la piété envers
Dieu: Un homme pieux, une femme pieuse;
de la piélé filiale et de la compassion pour les
malheureux : // était conduit par l'amour \neux
qu'un fils doit à son père. (Fénel., Téléni.)
Il alla lui-même retirer son corps sanglant et
défiguré; il versa sur lui des larmes ]iicuses.
(Fenel., r<7.'«i.,liv. XVll,t.ii,p. dOO.) On peul
le mettre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie. On ne dit pas un pieux homme, un
pieux prêtre; et en général le masculin figur*
mal devant un mot de deux syllabes terminé pai
un e muet ; mais on dit wne femme pieuse, et
une pieuse femme ; une pensée pieuse, et une
pieuse pensée ; un dessein pieux, et un pieux
dessein; une entreprise pieuse, et une pieuse
entreprise ; une méditation pieuse, et une pieuse
méditation ; une croyance pieuse, et une pieuse
croyance. — On dit vn legs pieux, et non pas
vn pieux legs. Voyez Adjectif.
Pigeon. Subst. m. C'est un terme moins noble
que colombe. Il ne faut pas dire que le Saint-
Esprit apparut à la sainte f^ierge sous la forme
d'un pigeon, mais sous la firme d'une colombe.
— Quand on parle de pigeons vivants et qui
sont appariés, on dit vue paire de pigeons; quand
on parle de pigeons pour manger, on dit une
couple de pigeons, yo^'cx Couple, Paire.
Pignoratif. Adj. m. Terme de jurisjirudence.
Le^r a le son dur; piononcc/. pigueiio7-al if.
Pillage, Pillard, Piller, Pilli.uie, Pilledr.
Dans ces cinci mois, les l sont mouillés.
Pillard, pillarde, adj., ne se met qu'après sot
subst. : Uîie troupe pillarde, une humeur pil
larde.
Pimpant, Pimpante. Adj. qui ne se met qu'a
près son subsl. : Un hommepimpant, une femm»
pimpante.
Non, tu n'es plus ce monsieur d'Ertremonde,
Ce clievalier .<i pjmpanl dans le inonde.
(Volt., Enf. prod., act. III, se i, 5.)
Pincé, Pincée. Adj. qui se met après son
subst. : Un air pincé, un style pincé. L'Aca-
démie ne lui fait point régir la préposition de.
Mais Voltaire dit pincé d'avarice [Enfanf
prodigue, act. I, se. iv, 19) :
Être à la fois et Jlidas et Narcisse,
Enllé d'orgueil et pincé d'avarice.
Pincer. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe, le
c a la prononciation de se; et, pour la lui con-
servera tous les temps et a toutes les personnes,
il faut incttic une cédille dessous toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi, on écrit
3.S0 PIQ
/tous pinçons, je pinçais, je pinçai, cl non pas
itousjjincons, ClC.
Pincer, toucher. On dit pincer eu parluni
«le «lueliiues inslrumcnls de musique a tordes,
lorsqu'on en lire le son en les iduchani du bout
des doigts, au lieu de les louclicr avec un ar-
chet : Pincer la guitare, le luth, lu harpe. On
dit toucher GQ parlant des instruments a touches,
comme lorguc, le clavecin, le forlc-piano. On
a observé que les verbes toucher, battre, em-
ployés pour exprimer l'action de jouer des in-
struments, sont actifs, et que l'instrument en est
l'objet ou le régime direct. On a cunclu de là que
ce régime ne doit pas cire précédé d'une pré()0-
Sition , et que puisqu'on dit toucher quelque
chose, battre quelque chose, on doit dire, pour
parler correctement, toucher le clavecin, le furlt-
piano, Vorgve ; pincer la harpe, la guitare, le
luth ; battre la caisse, le tambour, les timbale.i.
On ne dit plus guère aujourd'hui toucher le
clavecin, le forté-piano, l'orgue, mais jouer du
clavecin, etc. — « L'Académie, en J83^ dit tou-
« cher la lyre (expression (jui nous semble i;eu
H juste, puisipiil s'agit d'un instrument à cor-
u des) ; toucher l'orgue, le piano. Mais clic
" ajoute qu'on dit aussi, abusivement, toucher
« du piano, de l'orgue. Nous croyons même qu'en
tt général, l'usage est pour celle dernière tour-
ce nure, el qu'on dit plus habituellement : Cette
« jeune personne touche du piano. C'est qu'alors
« le mot /o!/c/je?' est devenu neutre el synonyme
« àc jouer. Mais (juand il s'agit d'un l'ait par-
« ticulier, le régime direct nous parait devoir
« être employé de préférence : Elle va loucher le
« piano. Qui donc louche l'orgue à la paroisse ?
« Quant au mot pincer, l'Académie , dans ce
« cas, le regarde comme ordinairement neutre;
m elle dit : Pincer de la harpe, de la guitare. »
(A. I.emaire , Grammaire des Grammaires,
f i-IS'i.)
Pincettes. Subsi. f. plur. 11 n'a i)oint de sin-
gulier. L'Académie dit qu'on dit quelquefois au
singulier, do7inez-moi la pincette. Mais TETix
cni parlent ainsi parlent mal. On dit , cl l'on
ûoil dire, domiez-moi les pincettes. On ne dit
pas plus donnez-moi la pincette , pour dire
donne z-m.oi les pincettes, (pi'on ne dit donnez-
moi le ciseau, pour dire donnez-inoi les ci-
seaux; ou donnez-moi la force, ^OMV donnez-
moi les forces.
PiNDiRiQUE. Adj. des deux genres, (]ui ne se
met qu'après son subst. .• Ode pindurique, .style
pindurique.
PipfT,. V. a. de la 1" conj. Pascal a employé
ce mol dans un sens figuré : Le présent ne
nous satisfaisant jamais, Vespérance nous
jiipe, et nous viène jusqu'à lu mort.
PiPEUR. Subst. m. Qui trompe au jeu. L'A-
cadémie ne dit |)as comment il faudrait dire en
parlant d'une femme, elon ne le truuve nulle par'..
Pourquoi ne dirait-on paspipevse?
PiQDANT, Piquante. Adj. Au prupre, il ne se
met qu'après son subst. : Une branche piquante,
dv vin piquant , -une sauce piquante. — Au
figuré, on peut le mettre avant, en consullanl
l'oreille et l'analogie : Une réponse piquante,
eette piqua7ite réponse; une hyperbole piquante,
une piquante hyperbole ; une repartie piquante,
une piquante, repartie. Voyez Adjectif.
PiQUK-MQi E. Sub;-t. m. On doit dire au pluriel
Ûcs pique-jiique sans s. La pluralité tombe .sur
le mot, repas qui est sous-entcndu. — L'Acadc-
luic écrit des pique-niques.
PIT
PiEE. Adj. des deux genres. C'est l'oppobé d
meilleur, el le comparatif de mauvais ; au su-
perlatif on dil le pire. 11 signilîe |)lus mauvais,
de plus méchante (lualilé, plus nuisible : Les
hommes seraient peut-être pires, s'ils venaient
à manquer de censeurs. (La Biuyère.) La condi-
tion des hommes serait pireque celle des bêtes, si
la Solide philosophie et la religion ne les soute-
naient. (Fénelon.) Quand il forme une compa-
raison, il est suivi de la conjonction que : Ce vin-
là est pire que le premier; cl ([uand il est
superlatif, il rcgil la préposition de: C'est le pire
de tous. Voyez Pis.
Pis. Adv. comparatif. C'est rop[X)Sé de mieux.
Il signilie jilus mal , plus désavantageusement :
Ils sont pis que jamais ensemble. Il en a dit pis
que pendre.
Quchjucs personnes ont cru que pis est ad-
jectif dans les phrases suivantes : Il n'y a rien
qui suit pis que cela; ce que j'y trouve de pis;
il ne saurait rien arriver de pis. Mais pis est
adverbe dans ces phrases, comme mieux dans
celles-ci : Il n'y a rien qui soit mieux que cela;
ce que j'y trouve de mieux, etc. Pis, l'opposé
de mieux, se place dans les mêmes cas, comme
adverbe; pire, l'opposé de meilleur, s'emploie
de même seul, comme ailjectiL
Pis, dans aucun cas, ne peut être regardé
comme adjectif; s'il pouvait Têlre, on lui con-
naîtrait un féminin , car ce mot ne saurait être
de deux genres. Serait-ce pire? Mais/)t/e est un
adjectif des deux genres, et il est ridicule de
supposer qu'un adjectif qui est masculin et fé-
minin ait encore , on ne saurait pourquoi, un
autre masculin. Pire esl le latin pejnr, des deux
genres, comme meilleur est melior; pis est i'ad-
\e,vhQ. pejus, coiiiuic mieux esi melius.
Il n'est point de cas où pis ne puisse être
reconnu pour adverbe comme mieux, et pire
pour adjectif comme meilleur; il n'y a que le
peuple qui dise tant pire, de mal en pire, etc.
Enfin, si pis était adjectif, il serait du moins
queliiuefois joint à un substantif, puisque c'est là
loflice [iropre d'un adjcclif. Or, il ne l'est jamais.
On ne dira certainement pas, il n'y a pis eau
que l'eau qui dort, il n'y a pis étal que celui
d^ un homme dont la conscience n'est pas pure.
C'est toujours pire (jue vous joignez a un sub-
stantif. (Roubaud.)
Pistil. Subst. m. On ne mouille pas le /.
PiTEDSEMEivT. Adv. On pcut le mettre entre
l'auxiliaire el le participe : Il s'était lamenté
piteusement, ou il s'était piteusement lamenté.
Piteux, Piteuse. Adj. Il esl familier, ne se
dit (juc des choses, et .le se mel guère qu'avant
son subst. : // est dans un pileux état. Faire
une piteuse mine, faire piteuse chère.
Pitoyable. Adj. des deux genres. L'Académie
le dit pour enclin à la pitié; il n'est plus usité
en ce sens :
C'est 2tre arnbassadenr et tendre et pitoyable.
(Corn., ISicom., acl. III, se. m, 14.)
Le mol pitoyable, dit A'ollaire, signifiait alors
compatissant, aussi bien que digne de pitié.
[Remarques sur Corneille.) — Il signifie digne
de pilié, ou méprisable, mauvais dans son genre;
et on ()eui le nieitie avant son subsi., en con-
sullanl l'oreille et l'analogie : Un état pitoyable,
un pitoyable état; il es cris pitoyables, de pi-
toyables cris, — Un stylo pitoyable, un pitoya-
ble style; m« ouvrage pitoyable, un pitoyable
ouvrage.
PLA
Pitoyablement. Adv On peul le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il est affligé pitoya-
biement, ou // est pitoyablement affligé.
PiTTORESQrE. Ailj. (les deux peines. On pro-
Doncc les deux t. 11 ne se met (in';iprcs son
SUb^t. : Site pittoresque, description pittoresque.
— Attitude pittoresque, sujet pittoresque.
PnTORESQLE)iF.>T. Adv. OU i)ronuiKe les dcux
t On peut le mettre entre l'iiuxiluiirc et le par-
tici|)e : Il a piltmesquement décrit ce voyage.
PiTciTKcx, PiTLiTEtSE. Adj. Il nc se met
qa'a|)rés son subst. : Humeur pituiteuse, tem-
vérament pituiteux.
* Pi.Af.ABLE. Adj. des deux genres. Nousavons,
dit Voltaire, desarcliilraves, et point de traves ;
des arrliivoltes, et point de voiles, en architec-
ture. On ts\. impote ut, on n'est \>o\ni paient ; il y
a des cens implacables, et pas un ae placoble.
On ne linirail pas si on voulait exposer tous les
besoins lie notre langue; c'est une gueuse lièrc,
et à qui il faut faire laumôme malgré elle. Il est
bien étrange qu'on dise implacable, et non pas
placubir ; âme inaltérable, el non pas altérable ;
héros indomptable, et non béros domptable.
A'oliaire a osé braver l'usage, en employant le
xaoi placable . Il n'est pas surprenarit, dit-il, que
les hommes aient imaginé une infinité de moyens
différents d'apaiser la colère de VEtre su-
prême; mais tous dépendent du même principe,
de Vidée d'un Dieu i)lacablc.
Place. Subst. f. Racine a dit dans Mithridate
(act. II, se. m, 5) :
Pompée a saisi l'avantage
rj'une nuit qui laissait peu de place au courage.
Peu de place pour peu de ressources, n'est pas
français.
Placet. Subst. m. Le i ne se prononce point.
— Quoique ce mot soit lire d'un verbe latin à la
3» personne du singulier, l'Académie lui donne
le signe du pluriel : Des plucets.
Plafond. Subst. m. Le ûJ ne se prononce
point.
Plaidant, Plaidante. Adj. verbal tiré du v.
plaider. Il se met toujours cprès son subst. :
I^s parties plaidantes. — Un avocat plaidant.
Plaider. \. a. de la i" conj. On (V\\ plaider
une cause, mais on ne dit pas plaider unpro-
cès.
L'Académie prétend qu'on dit plaider quel-
qu'un; et elle donne ])0ur exem])le .- Il a été
obligé de plaider son tuteur pour lui faire rendre
compte. On jiarlail ainsi autrefois. Aujourd'hui
OD ail plaider contre quelqu'un.
Boileau a dit dans^j Zu/rx/j (III, 119) :
Le moindre d'entre nous, sans argent, sans appoi,
Vtl plaidé le prélat et le chantre avec lui.
Plaignant, Plaignante. Adj. verbal tiré du
V. plaindre. C'est un terme de pratique. Il ne
se met jamais qu'après le subst. -. La partie
plaignante.
Plain, Plaine. Adj. Quand il signifie uni ,
plat, ilse met avant son su.^bt. -.En plain champ,
en plaine campagne. — Ijuand il se dit des
étoffes, pour signifier qu'elles sont sans ligures,
sans façons, il se rnel après son subst. : Du ve-
lours plain, du satin pluin, dxi linge plain.
Plaindre. Y. a. de la 4° conj. Racine a dit
dans Phèdre (act. II, se. il, 12) :
J« rétoque des lois dont j'ai p{ain( la rigueur.
PLA
551
On a remarqué avec raison qu'on se plaint de lu
rigueur d'une loi, mais (pi'on ne jwut pas dire
en plaindre la rigueur.
Se plaindre de ce que, se plaindre que. On lit
dans la Grammaire des Granunaires (p 1218),
que lursipie le verbe de la proposition subor-
donnée est à l'indicatif, ces deux locutions s'em-
ploient indifféieiiimeiit 1 une pour l'autre ; et que
lorsqu'il est au subjonctif, se plaindre que est
la seule qui soit autorisée. Il ne faut |)rcs'iue
jamais croire que, d:uis une langue lixée, deux
expressions dificrenles puissent éire <Miii)loyées
iiidifforcmment ; et si le cas existait, il faudrait
rejeter l'une ou l'autre de ces expressions. Exa-
minons donc la première partie de cette règle de
la Grammaire des Grammaires.
•,)uand on dit se plaindre de quelque chose, la
pré[)osition de indique un rapport direct entre la
cliose dont on se plaint, et la personne qui s'en
plaint. Dans on se plaint de ce que, de indique
de même un rai)port direct, po>itir, entre le
sujet du verbe et la chose qui cause la plainte:
Je me plains de ce que vous m'urcz inst/llé, de
ce que vous m'avez frappé, de ce que vous
n'avez pas rempli vos obligations envers moi;
votre frère se plaint de ce que vous n'avez point
d'amitié pour lui; je vie plains de ce que j'ai
éprouvé une injustice. Dans toutes ces phrases,
se plaindre siiîulfîc proprement faire des plaintes,
des reproches relativement à une chose dont on
a reçu queUiue tort, quelque dommage.
Mais 5e plaindre signifie aussi blâmer, trouver
mauvais, sans rapport direct et positif de la chos
avec le sujet; et alors il me semble qu'il fauv
employer que: On se plaint (\u' il y a de la par-
tialité dans les tnluîiaux. C'est une plainte
générale, el où la chose n'a pas un rapport di-
rect avec le sujet. Un homme qui se croirait lésé
par un jugement dirait : Je me plains de ce
qu'il y a eu de la partialité dans le tribunal.
On se plaignait que l'indiscipline était dans
l'armée. Combien de fois ne s'est-on pas plaint
que les affaires n'avaient ni règle ni fin!
(Boss. , Oraison funèbre de Le Tellier, p. 254.)
Je dirai , je me plains qu'o« met trop de
précipitation dans les affaires, si je parle en
général des affaires, sans rapport à moi; et je
jue plains de ce (pi'o/i a mis trop de précipi-
tation dans mon a/faire, parce qu'il s'a^'il d'une
affaire qui m'est personnelle : Les gens de mer
se plaignent que j'ai favorisé tes gens de
la campagne. (Marinontel. Trépied d'Hélène.)
La plainte ne tombe pas directement sur le dés-
avantage de ceux ijui se plaignent, mais sur la
faveur accordée aux gens delà campagne.
Parlez; Phèdre se plaint que je suis outragé.
iRac, Phid., act. III, se. T, 59.)
Permettez que mon amitié se plaigne que voua
avez hasardé dans votre préface des choses sur
lesquelles vous deviez auparavant me^ consul-
ter. (Voltaire.) Ils se plaignaient peut-être avec
justice que les nobles et les patriciens ne tra-
vaillaient qii'éi se rendre seuls maîtres du gou-
vernement. (Vertot.) Que l'on essaie de substi-
tuer dans toutes ces phrases de ce que à que,
cl l'on, seniira que ce régime n'y peut être ad-
mis. Il me parait donc clair qu'on nc dit pas
iiuliffi'reinmenl se plaindre de ce que et «e
plaindre que.
Il est vrai, comme le dit la Grammaire des
Grammaires, fjue lorsque le verbe de la phrase
552
PLA
subonlunnôc est an subjonctif, il faut noccssai-
renient mettre se plaindre qiM, Cette réi'lc con-
flrme ce que nous venons d'clablir. Le subjonctif
marque doute, inccriitnde, et repousse par con-
séquent de ce que, qui indique toujours quelque
chose de dctoruiiné, de positif: Quelques-uns
ont pris Vintt'rèt de Norcisfe., et se simt
plaints que j'en eusse fuit un très-inèchunt
h rnuie. (Rac, Préface de Britan.) Je m'i/ifcr-
vierni si elles se plaignaient qu'on les eût en-
nuyées. (Idem.) f'ous-.jic/iie, monsieur, pourez-
vous vous plaindre qu'on n'ait pas rendu justice
à vi'tre Dialogue de l'Ainour et de l'Amitié?
(Boil., Lettre à Ch. Perrault.) Pauvre comme
Je croyais l'être, je n'avais pas droit de me
plaindre que l'on voulût me rendre ména'tère
du peu d'urgent qu^on me donnait. ( Marmoiilel.)
Plaintif, Plaintive. Adj. Il se dit ordinaire-
ment des choses (jui ont rapport aux personnes :
Ton plaintif, rois plaintive. — Ou dit cepen-
dant familièrement (|u'?/w homme est plaintif
pour dire qu'il se plaint toujours.
Cet adjectif se met ordinairement après son
subst. On j)eut <iueiqucfois le mettre avant. C'est
ce qui arrive en poésie: Dn plaintifs accents,
la plaintive tourterelle.
Plaintivement. Adv. On peut quelquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // a
chanté plaintivement celle romance, ouil aplain-
tivement chanté cette romance.
Plaii-.e. y. n. et irrég. de la 4' conj. Voyez
Irrégulicr.
Plaire à quelqu'un, cet ouvrage plaît, plaît à
tout le monde.
Plaire dcMinl un verbe à l'infinitif régit à ou
de. Il régit de quand il est employé imperson-
nellement : // jne plaît, il ne me plaît pas de
vous obéir, you s plaît-il de in'écovterf Quand
le verbe régi ne se rapporte pas au sujet du
verbe, on emploie que : Fous plaît-il que je
vie retire^ Ailleurs, il régit à : Cela plaît à mo7i
frère. Cela ne plaît pas à tout le monde.
Il y a de la dilfércnce entre ce qui le plaît ot
ce qu'il te plaît, i.e premier signifie ce qui t'est
agréable; et le second ce que tu veux. Ainsi
Racine, au lieu de dire dans les Plaideurs {acA. II,
se. XIII, 6) :
Tu prétends faire ici de moi ce qui te platt,
aurait dii dire: Tu prétends faire ici de moi ce
qu'il le plaît, c'est-à-dire le que tu veux.
Celle faute se rencontre fréquemment, même
chez de bons auteurs. J.-J. Rousseau dit tou-
jours ce qui pour ce qu'il. Si l'on demande à
qucl<iu'un qui est à table, que voulez-vous que
je vous serve ? et qu'il réponde, ce qui vous
plaira, cela signifiera servez-moi ce que vous
trouvez, ce que vous jugez bon. Mais s'il ré-
pond, ce qu'il vous plaira, cela vomira dire, ce
qu'il vous plaira me donner. 11 y a ellipse.
Je fais ce qui me plaît, signifie, je fais ce qui
m'est agréable; et je fais ce qu'il me plaît, veut
dire, je fais ma volonté. Les hommes seront
toujours ce qu'il plaira aux femmes, Sous-en-
tendu qw'ils s'iicnt. (.1 -J. Rousseau.) Choisis-
sez, et prenez ce qui vous plaira, ce qui vous
sera agréable, ce que vous trouverez de voire
goût.
Se plaire régit à avec l'infinitif: Se plaire à
mal/aire. Racine a dit dans Esther:
Helevez le? superbes portiques
Do (cmple cù notre Dieu se plait d'élre adoré.
PLA
D'Olivel remarque que Racine aurait dit se
plaît a être adoré, si l'lii:ilus l'avait permis
Se plaire se joint aux noms par la préposition
à ou la l)répositi<>n dans. Se plaire d quelque
chose, suppo.'^e toujours une action exprimée ou
sous-entendue : // se plaît à lire, à écrire; if se
plaît (I la lecture, à la chasse ; il se plaît à la
ville, Il la campagne, c'csl-ù-dire à vivre à lu
ville, à la campagne. Mais (piand il s'agit d'un
état, on se sert de dans: Il se plaît d'ms les
fêles, dans les plaisirs, dans la douleur, dans
les larmes, dans la puurrcié , dans la solitude.
Faul-il dire, ils se sont plus « me tourmenter,
ou ils se sont plu à me tourmenter? Il parait
certain qu'il faut dire ils se sont plu. Plaire
est un vcibc cssenliclleincnt neutre ; son parti-
cipe ne peut donc pas èiie susce[)tible d'un
régime direct. Elle s'est plu ne signifie pas elle
a plu soi, mais elle a plu à soi; ils se sont plu
à me tourmenter signifie il a plu à eux de me
tourmenter- Ainsi, il faut dire, ils se sont plu à
me tourmenter. (Acad., Jls se sont plu à me
persuader. (Idem.) Insectes invisibles que la
main du Créateur s'est plu éi faire naître dans
l'abîme de Vinfîniment petit. (\'olt., Micromè-
gas, ch. VI ) Les poêles i piques se sont toujours
\)\n à décrire des batailles. (Dell., Préface de
l'Enéide, \). 63.)
A Dieu ne plaise régit que avec le subjonctif:
J Dieu ne plaise que je me plaigne de lui.' —
Pliît à Dieu régit pareillement que avec le sub-
jonctif : Pliit d Dieu qu'tV s'en allât ! Plût à
Dieu se met aussi seul comme réponse à une
phrase qui précède : Je crois que mus vous êtes
trompé. Plût à Dieu! c'est-à-dire je le souhaite
fort, cela me ferait beaucoup de plaisir.
Plaisamment. Adv. On prononce plaisament.
On peut le mettre entre l'auxiliaire cl le parti-
cipe: Il a plaisamment raconté cette aventure.
ou il a raconté plaisamment cette aventure. —
Elle était plaii^aviment coiffée.
Plaisant, Plaisante. Adj. verbal tiré du v
plaire. Il se disait autrefois pour agréable, sur-
tout en vers :
Plaiiant séjour des 5mes affligées,
Vieilles forêts de trois sièctes âgées.
(RlCAH.'l
Vallons, fleuves, rocliers, plaisante solitude,
Si TOUS fuies témoins de mon inquiétude.
Soyez-le désormais de mon contentement'.
(Mem.)
Aujourd'hui, il ne se prend pl'is en ce sens.
II signifie qui récrée, qui divertit, qui fait
rire ;'et, dans ce sens, oi. peut le mettre avant
son subst., en consultant l'analogie et l'harmo-
nie : Un conte plaisant, une aventure plai-
sante, une plaisante aventure. — Il se dit aussi
pour signifier impertinent, ridicule ; et alors il se
met toujours avant son subst. : C'est unplaisant
homme, un plaisant personnage, un plaisant
visage, un plaisant conte.
Oti ! le plaisant projet d'un poêle ignorant!
(Boil., ^. P.. Itl, 241.)
Plaisant. Adj. et subst. m. Tenue de littéra-
ture. Tout ce qui est risible n'est pas i-idicule;
tout ce qui est plaisant n'est pas comique: lOUt
ce<iuiest comique n'est \y,\s plaisant. Une mal-
adresse est risible; une prétention manqiiée est
ridicule; une situation qui expose le vice au
PLA
mépris est comique ; un bon mot cs.1 plaisant. —
Le coviiqve est le ridicule i|ui lésulic de la fai-
blesse, de l'erreur, des travers de l'esprit ou des
vices du caraclcre. — I.ep/awa«/ est l'effet de i;i
surprise rt?joiiiss;mtc (]ue nous cause un con-
traste fra|)paiil, singulier et nouveau, aperçu
entre deux objets, ou entre un objet et l'idce dis-
parate qu'il a fait nailre. C est une rencontre
imprévue qui, par des rapports inexplicables, ex-
cite en nous la douce convu^ion du rire. — La
bniiffonneric est une exaacratioii du cotniiiue et
du plaisant. L'Avare et le Tartufe sont deux per-
sonnages comiques; Crispin, dans le Légataire,
est un personnage plaisant ; Jodelet, un person-
nage hovffiin. 11 arrive naturellement que le bon
comique est idaisant. Ce vers,
Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,
(Mol., Tartufe, acl. III, se. vi, 2.)
a l'un et l'autre caractère dans la bouche de Tar-
tufe. 11 est plaisant par l'opposition de la vé-
rité que dit Tartufe avec l'effet qu'elle produit,
et par la singularité piquante de ce contraste; il
est comi(iue, parce qu'il exprime le plus vive-
ment qu'il est possible l'adresse du fourbe qui
trompe, et (ju'il va faire sentir de même la cré-
dule prévention de l'homme simple qui est
trompé.
Mais le plaisant n'est pas toujours comique,
parce que le contraste qu'il présente peut n'être
qu'une singularité de rapports entre deux idées
qu'on ne croyait |ias faites pour se lier ensemble ;
comme si, par exemple, un valet imagine de
prendre la place de son maître au lit de la mort, de
dicter son testament, et d'oser, après, lui soutenir
qu'il l'a fait lui-même, et que sa léthargie le lui
a fait oublier. Il n'y a rien là de ridicule dans
lesmœtu-s n, dans les caractères ; mais il y a une
contrariété d'idées si imprévue, et il en résulte
une suri)rise si naturelle et si amu'^ante, que le
vrai comique ne l'est pas davantage. Cependant
si, dans cet exemple, on ne voit pas le comique
de caractère, on croit y voir du moins le comi-
que de situation, dans l'embarras où s'est mis le
fourbe; mais comme il se dégage de ses propres
filets, et que ce n'est pas à ses dépens ipie Ton
rit, comme l'on rit aux dépens de Tartufe lors-
qu'il se voit pris sur le fait, il est facile de re-
connaître que la situation de Crispin n'est que
plaisante, et que celle de Tartufe est comi-
que. (Extrait de Marmontel.)
l'iAisANTERiE. Subst. f. On dit adverbialement,
plaisunlerie à part, pour dire, |)arlant sérieuse-
ment. Il se met ordmairement au commencement
de la phrase, et en manière d'incise : Plaisanterie
à part, c'est vraiment uni: belle action.
Plaisir. Subst. m.Féraud dit qu'avec le verbe
cire, on met a près piowir la préposition de;cehi
est vrai. Soîi plaisir at de faire du bien. Mais
il ajoute qu'avec le verbe avoir., il faut mettre la
préposition ù ; cl cela n'est pas exact, car on dit
également bien, j'aurai le plaisir de vous voir,
et J ai du plaisir à le voir, à l'entendre. Le
premier indique un sentiment qui naîtra dans
l'àme, sans un but marqué auquel elle tendra
Eour l'aire naître ce sentiment; le second indique
ors de l'àme un but duquel naîtra le plaisir.
J'ai du plaisir ù le voir, à l'entendre, signifie
que l'attention que je donne à le voir, à l'en-
tendre, me procure du plaisir, .l'aurai le plaisir
de vous voir signifie seulement j'éprouverai du
plaisir (juand je vous verrai : J'ai eu le plaisir de
PLA
SS3
le rencontrer, delui parler. On dit /ï y a plai-
sir à s'acquitter de ses devoirs; et Pascal a dit
Il y a plaisir d'élredans un vaisseau battu de
l'orage, hrsqu'on est assuré qu'il ne périra point.
On voit dans le premier exeinjde un but auquel
on tend, et c'est ce (]ui demande la préposition ri.
On voit dans le second, ([u'il n'est iiucstion que
d'im état, d'une situation, et c'est le cas d'em-
ployer de ; ce n'est donc p;is, comme dit Féraud,
[larce que le verbe commence par une consonne
ou par une voyelle que l'on met à ou de.
Plan, Plane. Adj. (jui ne se met (pi'aprés son
subst. : Angle plan, surface plane, figure
plane.
Plan. Subst. m. Terme de littérature. Ce terme,
emprunté de l'architecture, et appliqué aux
ouvrages d'esprit, signifie, les preu/iers linéa-
ments qui tracent le dessin d'un ouvrage, son
étendue circonscrite, son commencement, son
milieu, sa fin, la disliibution et l'ordonnance
de ses parties principales, leur rapport, leur
enchaînement.
Ce doit être le premier travail de l'orateur, du
poète, du philosophe, de l'historien, de tout
liomme qui se propose de faire un tout qui ait de
l'ensemble et de la régularité.
Un homme qui n'écrit que de caprice et par
pensées détachées, comme Montaigne dans ses
Essais, peut n'avoir qu'une intention générale;
il est dispensé de se tracer un plan. Mais dans
un ouvrage où tout doit se lier, se combiner
comme dans une montre, pour produire un effet
commun, est-il prudent de se livrer à son génie
sans avoir son plan sous les yeux? C'est cepen-
dant ce qui arrive assez souvent aux jeunes écri-
vains, et surtout dans le genre où ce premier
travail bien médité serait le plus indispensable.
(Extrait de Marmontel.)
Plani-taihe. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'a[)rès son subst. : Système planétaire,
région planétaire, années planétaires.
Plat, Plate. Adj. : Un terrain plat, un bâti-
ment plat, des cheveux plats, vn style plat, un
ouvrage plat, une plate réponse. — On appelle
plat pays, la campagne, les villages, les bour-
gades, par opposition aux villes, aux places
fortes; et l'on AW. pays plat par opposition aux
pavs de montagnes. — On dit qu'?//;'' année a été
ba'ttiie II plate couture; et on appelle phi le pein-
ture les ouvrages de peinture qui se l'ont sur des
superficies plates, par opposition aux peintures
de relief.
Plat-bord, Plate-bande, PrATE-For.ME, Plate-
longe. Chacun de ces mots est composé d'un
adjectif et d'iui substantif qui prennent l'un et
l'autre la niaripic <lu i)luriel : Des plats-brrds,
des plates-bandes, des plates-formes, des plates-
lonrjes. Voyez Cimiposé.
Platement. Adv. On peut le inettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a parlé plateneiit,
ou il a platement parlé.
Platine, ou Or blanc. Métal nouvellement
découvert. Autrefois on n'était pas d'accord sur
son genre, mais aujourd'hui r.\cadéniie et tous
les savants le font masculin, comme les autres
métaux : Le platine.
* Platise. Subst. L :Mot inusité que J.-J.
Rousseau a employé au lieu de platitude : Peu
de jours après la publication de mon livre
(Ém'ilc), parut un autre ouvrage sur le même
sujet, tiré mot à mot de mon premier volume,
hors quelques platises dont on avait entremêlé
cet extrait. [Confessions, 2<= part., liv. XL)
»54
PLÉ
>îprcier Tcul qii'iin ndincnz platise. Plaiises,
dil-il , lieux cnmmiins, choses insignifioMtes. Les
critiques de profession, les pédants, les jnur/ia-
listes qui se répètent sans cesse, qui se lumen-
tent sur la perte du goût, et toujuurs sur le uicme
ton, n'écrivent que des platcses. — Mais iiuus
appi.'lons toiiles ces choses-là îles platitudes;
pourquoi un mol nouveau qui ne signifierait rien
de plus?
Plâtreux, Plâtreuse. Adj. qui ne se met
qu'après s^m subsl. : Un terrai» plâtreux, terre
plâtreuse.
Placsiblk. Adj. des deux genres. 11 se mel
ordinaireincnl après son subst. : Une raison
pluusible, vn prétexte phiusille , une excuse
plausible.
Plei:<, Pleine. Adj. Il se met ordinairement
après son subsl. : Un muid piein, vue bouteille
pleine, un verre plein, un rase pliun. — Il est
souvent suivi de la préposition de : Un muid
plein der/w, une bouteille pleine d'eau, un livre
plein derecherches. — Dans les phrases s'j vantes,
il sr; met avant son subst. : Pleine rnudange,
pleine récolte. — On le met aussi av;uit son
subst., dans le sens d'entier, absolu : Une pleine
connaissance, une pleine autorité, luie pleine
puissance, une pleine liberté, une pleine l'ictoire,
vn plein pouvoir. — On dit aussi pleine lune, en
pleine rue, en plein marché, en pleine assemblée,
en plein vent, en pleine marche, en pleine re-
traite. — Crier à pleine tète, à pleine gorge,
voguer à pleines voiles, boira à plein verre., etc.
"VDyez Adjectif.
P'^EiNEMENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : J'en suis pleinement
convaincu , il s'est plsinemcnt justifié.
Plénièke. Adj. I., qui ne se dit qu'avec cour
cl indulgence, et qui se met toujours après ces
substantifs : Ci^ur plénière, indulgence plénièrc .
Pléonasme. Subst. m. Terme de grammaire.
Selon les grammairiens, c'est une figure de con-
struction, qui est opposée à l'ellipse. Elle se
fait lorsque dans le discours on met quelque
mol qui est inutile pour le sens, et qui, étant
été, laisse ce sens dans son intégrité. Le mm de
pléonasme signifie ou plénitude, ou superfluité.
Si on l'entend duns le premier sens, c'est une
figure qui donne au disrours plus de grâce, |)lus
de netteté ou plus de fori:e ; si on le p.-end dans
le second sens, c'est un vérilabb défaut cjui tend
à' la battologie.
C'est un défaut dans le langage grammatical de
désigner par un seul et même mol deux idées
aussi oppjsées que le sont celle d'une figure de
construction, et celle d'un vice d'élocution. A
b bonne heure qu'on eût laissé a la figure le nom
de pléonasme, qui marque simpiemenï abondance
et richesse; mais il fallait désigner la super-
fluité des mots dans chaque phrase par un autre
terme; par exemple, celui de périssoingie, qui
est connu, devrait être employé seul dans ce
sens.
Il y a pléonasme lorsque des nwls qui parais-
sent superflus par rapport à l'intégrité du sens
gnimmatical, servent pourtant a y ajouter des
idées accessoires, surabundanlcs, qm y jettent
de la clarté ou qui en augmentent l'énergie.
Quand on dit je Vai vu de mes yeux, les mots
de mes yeux sont effectivement superflus jar
rapport au sens grammatical du verbe j'ai vu,
puisqu'on ne peut jamais voir que des yeux, et
que qui dit j'ai vu, dit assez que c'est par les
yeux, et, de plus, que c'est par les siens. Ainsi
PU
il y a, grammaticalement parlant, une double
sufterfluiié; mais ce superflu gnimmalical ajoulc
des idées accessoires (pii augmenleui l'énergie du
sens, et qui font entendre <iu on ne parle pas sur
a rapport douteux d'aulrui ou qu'on n'a pas vu
la chose par hasard et sans attention, mais qu'on
l'a vue avec réflexion, cl qu'on ne l'assure que
d'après sa propre expérience bien constatée :
c'est donc un pléonasme nécessaire a l'énergie du
sens. « Cela est fondé en raison, dit Vaugelas,
parce que, lorsijue nous voulons bien assurer une
chose, il ne suffit p;is de dire simplement je l'ai
vue, puisque bien souvent il nous semble avoir
vu des choses que, si l'on nous pressait de dire
la vérité, nous n'oserions assurer avoir vues. Il
faut donc dii'c je l'ai vu de mes yeux, pour ne
laisser aucun sujet de douter que cela ne soit
ainsi ; tellemenl qu'à le bien prendre, il n'y a
poinl de mots superflus; parce qu'au contraire
ils sont nécessaires pour donner une pleine assu-
rance de ce que l'on affirme. En un mol, il suffit
que l'une des choses dise plus (jue l'autre pour
éviter le vice du pléonasme, c'esta-dire ïapéris-
sologie, qui consislf a ne dire qu'une même
chose en paroles différentes cl oisives, sans qu'el-
les aient une signification ni plus clemlue.ni plus
forte (jue les premières. »
Pledrant, Plecp.ante. Adj. verbal lire du v.
pleurer. On ne le met qu'après son subst. : U'%
homme pleurant, une femme pieu ranie .
Pleurer. V. n. et a. de la t" conj. P/eurer
amèrement. Il régit la préposition de, pour ex-
j)rimer la cause des larmes : Pleurer de ioi»,
pleurer de dépit, pleurer de rage :
Et de quelque disgrâce enfin que vous pUuriet.
[Racini;, Iphig., act. II, »c. m, lî.)
Pleurer, actif, se dit des choses cl des personnes :
Pleurer ses péchés, pleurer la mort de son père,
de sa mère ; pleurer la perte de ses amis ; pleurer
une épouse, un fils. Il faut pleurer les hommee
à leur naissance, et non pus à leur mort. (Mon-
tesquieu, XL' lettre persane.)
Pleurez-vout Clvlemneslre ou bien Iphiçénie?
^Rac, IpMg., act. I, se. l, 38.)
Pledredr. Subsl. m. On dit plenre%ise,en par-
lant d'une l'euime. On l'emploie quelquefois ad-
jectivement : Un saule pleureur.
Pleureux, Pf.EDREusE. Adj. rccucilli par l'Aca-
démie, mais iiui n'est jjIus guère usité. Il ne se
met qu'après son subst. : Un air pleureux, un»
mine pleureuse, les yeux pleureux.
Pleurs. Subsl. m. plur. Voyez Larmes.
Pleuvoir. V. n. cl (Jéfectiieux de la 3'conj.
Il n'est d'usage qu'à l'infinitif, pleuvoir; au par-
lici[)e passé, plu, il a plu ; et avix troisièmes per-
sonnes du singulier, ainsi qu'il suit : // pleut, il
pleuvait, il plut, il pleuvra, il pleuvrait, qu'il
pleuve, qu'il plût. H n'a point d'impératif. Aux
temps composés : il a plu, il avait plu, il eût plu,
il aura plu, il aurait plu, qu'il ait plu, qu'il sût
plu.
Ce verbe se dit au figuré des choses morales :
Dieu fait pleuvoir ses grâces sur ses élus.
Que de bienj, que d'honneurs sur loi s'en vont pleueoir.'
(BojL., Sut. Via, ls6.)
Pliable. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère (ju'après son subst. : L'osier est pliablt,
— U ne huvieur pliable . Xo^QZ Pliant.
PLI
Pliaht, Pliante. Adj. verbal tiré du v. plier.
H ne se met qu'après son subsl. : L'osier est
pliant, vu sit'tjc pliant. — Caractère pliant, hu-
meur plianle, esprit pliant.
Féraud dit que pliable et pliant ont à peu près
le même sens. — La difféieiice de ce? doux niDls
est sensible. Ce qui est pliable est susceptible
d'être plié, quoique peut-cire il n'ait jamais èiè
plié. Ce qui estp/in//<esl re (ju'oii |)lie, et re nui
en effet a Ole plié. On ne dit pas un siège pliable,
mais un sii'ge pliant. Un cnraclère pliable est
un caiactèrc (jui n'a pas encore Ole plié, mais
qui peut l'cire; vn caractère pliant est un
caractère qui plie facilemert.
Plier. V. a. et n. de la 4" conj. Il s'emploie
souvent au figuré : Plier .■son esprit, plier soji
humeur, plier son caractère.
Tu dois à ton état plier ton caractère
(Volt., AU., act. I, se. ly, 7.)
L'Académie ne donne à ce verbe, dans le sens
actif, qtie des personnes pour sujet ; et cepen-
dant ii se dit aussi des choses :
La coutume, la loi, plia mes premiers ans
K la religion des lieureux musulmans.
(Volt., Zaïre, act. I, se. i, 103.)
Plier, ployer. L'Académie confond complète-
ment ces deux verbes. Ainsi elle dit : Plies votre
serviette, ployez votre serviette ; plier des bran-
ches d'arbres, ployer le penvu en marchant, etc.
Cependant elle ajoute : « Ployer s'emploie comme
« actif, comme neutre, et avec le pronom per-
« sonnel, dans presque tontes les acceptions du
«verl)C plier, mais seulement en poésie et dans
• le style élevé. Dans le langage ordinaire on se
« sert déplier.»
Pour se convaincre de l'inexactitude de ces
décisions, il suffira de lire la différence de ces
deux mots, telle qu'elle est expliquée dans notre
Nouveati Dictionnaire de la Imigue française.
» Au propre, plier, c'e>t mettre en double,
par plis, de manière qu'une partie de la chose se
rabatte sur l'autre ;p/('y^r, c'est mettre en forme
de boule ou d'arc, de manière que les deux bouts
de la chose se rapprochent plus ou moins. On plie
à plat, on ploie en rond. Ainsi plier et ployer
différent comme lepZide la courbure. Le papier
que vous plissez, vous le pliez ; le papier que
vous ployez, vous le roulez. — Plier se dit par-
ticulièrement des corps minces et îîasiiues, ou du
moins fort souples, qui se plissent facilement et
gardent leurs plis. Ployer se dit p;n-iiculièremeut
des corps roideset élastiques qui Uw'hissent sous
l'effort, et tendent à se rétablir dans leur premier
état. On plia de la mousseline, et on ploie une
branche d'arbre. Plier et pZoyer s'emploient quel-
quefois l'un et l'autr" dans le sens de courber,
fléchir, céder; mais alors plier indique un effet
plus grand, plus marqué, plus approchant du pli
rigoureux. En marchant, vous jo/oyes le genou ;
dans une irènuflexion profonde, vous le plies.
Pour manpier qu'une personne />/oîc beaucoup
le corps sans pouvoir sr- relever, on dira qu'elle
est pliée en deux. Si vous voulez en effet qu'une
épéc jD^ie, quoi qu elle ne fasse en effet que ployer,
ce sera lorsqu'elle pliera, comme on dit, jusqu'à
la garde. Sous le tardeauqui {sl\\. ployer un homme
fort, l'homme faible plie. Une armée ne fait que
ployer, tant qu'elle résiste et s'efforce de repren-
dre sa place; sinon elle plie, elle s'enfonce, il ne
lui reste (lue la retraite. — Ainsi, au figuré, il faut
PLO
555
fléchir, faiblir, mollir, pour /)/(ycr; on p/te <iuand
on ne fait plus que i-cder, obéir, succomber.
« Plier et ployer emportent quelquefois une
idée secondaire d'arrangement avec une fin ou
une destination parliculfère. I.e marchand plie sa
marchandise ])o\ir en diminuer l'étendue, car
en la dépliant, il l'étend ; il ploie sa marchandise
pour la soustraire à la vue, car en la dciiloyant.
il l'élalc. On plie, du lince afin de le placer com-
modément et (le le conserver pro|ire; on \c ploie
P')ur le mettre à part et à couvert. — En fait
d'arrangeiuont et d'ordre, on ne doit dire plier
que des choses «lui se mettent en ]dis, ou bien
par lits et par couches semblables à des lits, telles
que des nippes, des toiles, des vêtements, des
étoffes; p/oyer convient mieux à ce qui se met
en paquet , en bloc , en peloton ; à ce qui se
roule, s'envelopi'e, sans avoir besoin de jilis.
Un marchand de draps plie sa marchandise ; un
marchand de porcelaine ploie la sienne, n
(les explications, fondées sur des usages que
personne ne peut contester, prouvent assez contre
l'Accdèmie que !e verbe ployer est d'usag*-
ailleurs que dans la poésie et le haut style, et
quep/i'erse dit très-souvent au ligure.
Plomb. Suhst. m. On ne prononce point le 6.
L'Académie dit bien que plomb se prend quelque-
fois pour les balles des fusils et des autres sortes
d'armes à feu, mais elle n'indique pas l'emploi
que les poètes font de cette expression.
Le Ticuï Montmorency, près du tombeau des rois.
D'un p(om6 mortel atteint par une main guerrière,
De cent ans de travaux termina la carrière.
(Volt., Henr., II, 84.)
Plongeant, Plongeante. Adj. verbal tire du v.
plonger. Il ne se met qu'après son subst. : Feu
plongeant, vue plongeante.
Plonger. V. a. de la \" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un j ; et
pour lui conserver cette prononciaiion lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o: Je plongeai, plongeons, et
non pas je plongax, plongons. Les poètes em-
ploient figurèment ce mot en plusieurs manières
que r.\cadémie n'indique point :
J'ai fait, jusqu'au moment qui me plonge au cercueil.
Gémir l'humanité Ju poids de mon orgueil.
(Volt., ^(j., act. V, se. vu, 15.)
Son cœur en ces horreurs n'est pas tonjoDrs plongé.
(Volt., Semir., act. I, se. i, 51.)
Delille dit, en parlant d'un chêne :
Et plonge sa racine au gouffre des enfers.. .
(Dblil., Énéii., IV, 670.)
L'œil plonge avec effroi sous sa profonde Toût*.
(/dem, VI, 308.! »
Et quels cœurs si plongé» dans un lâche sommeil.
(Rac, Ath., act. IV, se. m, 45.)
Le sérail est plongé dans un profond silence
(Volt., Zaïre, act. \, se. viii, 15.)
Si dans les différends où l'Europe se plonge.
(Volt., Henr., II, ».)
Le fer étincelant se plongea dans son sein.
\Idem, VI«, 588.)
55G
PLU
Mais, sur la foi d'un- songe,
Dans le sang d'un enfant touIci-tous qu'on se plonge 7
(Ric, Ath., ici. Il, se. V, lOO.j
Plupart (la). On écrivait autrefois lapluxpart.
Il se joint toujours avec rariicle la. 11 signifie
la plus grande partie. Quand il est suivi de la
prci)Osition Je avec un substantif, il ivgil le
verbe au singidicr, silesuhstantif est àcenumbre,
et au pluriel, si le substantif est au pluriel:
La plupart du monde pense; la plupart des
hommes pensent. Quand il est sans régime, le
verbe doit être au phuiel" La plupart pensent.
Pldrif.l. Adj. et subsl. m. Terme de grammaire.
Nos pères écrivaient ce mot avec un r, plurier,
par analogie avec singulier, qui a la même ter-
minaison," mais Vaugclas, sur de très-mauvaises
raisons, a prétendu qu'il fallait écrire pluriel
avec un l.
« Je mets toujours pluriel avec un /, dit-il
dans sa 4'r2e remarque, quoique tous les gram-
mairiens aient toujours écrit pluricr avec r La
raison sur laquelle je me fonde, est quo venant
du latin phirc'is, oh il y a un l en dernière syl-
labe, il faut nccnssaircment qu'il la retienne en
français, (le qui a trompe nos grammairiens, c'est
sans doute jiarce qu'un dit singulier avec un r
à la fin, et alors ils ont cru qu'il fallait écrire
plurier également avec un r, ne songeant pas
que singulier vient de singularis, qui a un r à
la fin. «
C'est comme si quelqu'un venait nous dire
aujourd'hui (ju'on a tort d'écrire alouette avec
deux t, parce qu'il vient û'alavdu, qui a un d à
la fin, et qu'il faut dcv'we aloucde. Celle pédan-
tesque innovation prévalut, malgré l'opposition
de Ménage, de Bouhours, de Thomas Corneille et
des écrivains de Purl-Ruyal. L'Académie la con-
sacra en observant que l'usage général s'était
entièrement déclaré pour pluriel, et que c'était
ainsi qu'il fallait parler et écrire. Mais si l'usage
autorise à écrire pluriel, depuis la remarque de
Vaugelas et la décision de l'Académie, ])ourquoi
ce même usage, qui auparavant faisait écrire
plurier, n'a-t-il pas fait rejeter et la remarque et
la décision? cl pourquoi ne revient-on pas au-
jourd'hui à cet ancien usage défendu par do bons
écrivains, et (]ui parait raisonnable? En effet,
n'est-il p;is ridicule d'écrire de deux manières
différentes, deux mots comme singulier c[ pluriel,
qui ont entre eux une analogie si élroiie? Mais
si le changement s'est opéré dans l'orthographe,
on ne l'a point adopté dans la prononciation, et
quoique Moliéreait dit {Femmes savantes, act. II,
se. VI, 62) :
Ton esprit, je l'avoue, est bien matériel ;
J» n'est qu'un singulier, avom est pluriel.
Le public insoumis s'obstine aujourd'hui à pro-
noncer plurier. Écrivons donc pluriel, puisque
Vaugclas et l'Académie le veulent ; mais csi)érons
qu'on fera disparaître quelque jour cette cho-
quante contradiction. — En 1835, l'Académie dit
que quelques-uns écrivent plurier et que la
plupart prononcent plurté.
jNous avons donné, à l'article Forma/ton, les
règles qui indiquent la manière de former les
pluriels des substantifs et des adjectifs. Voyez
aussi Nom, Adjectif c\. Nombre. Il n'y a rien à
remarquer sur les terminaisons plurielles des
temps des verbes français, parce que cela s'ap-
prend dans les conjugaisons. A'oyez ce mot. Nous
nous bornerons à placer ici quelques remarques
PLb
de Beauzée, de La Harpe et de Voltaire, soi
l'emploi du pluriel.
Dans toutes les langues, dit Beauzée, il arrive
souvent qu'on emploie lui nom singulier pour
un nom pluriel, comme, ni la colère, ni la joie
du soldat, ne sont jamais vindt'rées ; le paysan
se sauva dans les bois; le bmu'geuis prit les
armes. C'est, dit-on, une synecdoque; mais
parler ainsi, c'est donner un nom siieniifique à
la phrase, sans en faire connaître le fondement.
Le voici : Cette manière de parler n'a lieu qu'à
l'égard des noms apjjellatifs qui pré>eiilent à
l'esprit des êtres déterminés par l'idée d'une
nature commune à plusieurs. Celte idée com-
mune a une compréhension et une étendue; et
cette étendue peut se ri'slreindre à un nombre
plus ou moins grand d'individus. Le propre de
l'article est de déterminer l'étendue de manière
que, si aucune autre circonstance du discours
ne sert à la restreindre, il faut entendre alors
l'espèce; si l'article est au singulier, il annonce
que le sens du nom est appli(]uè à l'espèce sans
(icsignalion d'individus; si l'article est au pldriel,
il indique que le sens du nom est appliiiuc dis-
tributivemenl à tous les individus de ^c^pèce.
Ainsi, l'horreur de ces lieux étonna lo soldat,
veut faire entendre ce (jui arriva à l'espèce en
général, sans vouloir y comjjrcndre chacun des
individus; et si l'on disait, l'horreur de ces lieux
étonna les soldats, on marquerait plus positive-
ment les individus de l'esiiôce. Un écrivain cor-
rect et précis ne sera pas toujours indifférent sur
le choix de ces deux expressions.
Voltaire a dit dans Mérope (act. II, se. ii, 2) :
Celle de qui la gloire et l'infortune affreuse
Retentit jusqu'à moi, etc.
La Harpe a dit, au sujet de ces vers : Il faut
absolument le pluriel, ont retenti vers moi.
Quand la conjonctive et se trouve outre deux
substantifs, ils exigent le pluriel du verbe dont
ils sont les nominalifs (les sujets), à moins ([u'il
n'y ait entre eux une certaine conformité d'idées
qui ressemble à l'idenlilé; et la gloire et l'infor-
tune n'ont rien de commun. {Cours de litté-
rature.)
En aucune langue, dit Voltaire, les métaux,
les minéraux, les aromates, n'ont jamais de plu-
riel. Ain.^i, chez toutes les nations, an offre de
l'oj; de Vciicens, de la myrrhe, et non des ors,
des encens, des myrrhes. [Remarque.^ sur Cor-
neille.) Les mots cpii expriment un étal del'àme,
comme félicité , tranquillité, sagesse, repos,
n'ont point de pluriel. Voyez J, Adjectif, For-
mation.
Pi,us. Adv. On prononce plu devant une con-
sonne, el pluz devant une voyelle. Cet adverbe
demande tantôt un de, tantôt un que après l'ad-
jectif qu'il modifie. 11 demande un que lorsqu'il
fait terme de comparaison, c'est-à-dire lorsqu'on
compare la qualité d'une personne ou d'une chose
à une autre, et encore faut il «pie l'adverbe soit
au simple degré comparatif : // est plus savant
que son frère ; vous êtes plus heureux que moi.
— Si l'adverbe est au superlatif, alors c'est la
préjjosilion de (jui unit les deux termes de la
comparaison : Démosthénes fut l'orateur le plus
éloquent de la Grèce. — Plus demande encor*
de avant le substantif qu'il modifie, lorsqu'il est
adverbe de quantité, et non adverbe de compa-
raison, c'est-à-dire lorsque le terme de compa-
raison énonce aiirès l'adverbe de quantité inorquc
PLU
quoique mesure précise et positive de celle
(juanlité : Cela est plus long d'uu quart; cela
lie vaut pus plus d'un écu ; cela n'a pas plus
de trente pieds; il est plus grand de toute la
tête.
Mais doil-oii dii'e il est plus d'à demi mort;
ou, il est plus i/u'à demi mort? il a été plus d'à
demi conraincu ; ini, il a été plus qu'à demi
co/n-uj/iCM? Les L'r;uniii;iirieiis ne soin p;is d'iu;-
cord sur ces sortes de loculioiis. Girard cl de
Wailly sont pour de, \ii\vcc (]ue, dit le premier,
ces expressions Je mesure (jui suivent l'adverbe
plus, servent moins a inin; terme de comiiaiaison
qu'à spécifier la iiuantilc dirrérenliellc entre les
choses com|)aréos, et ([ue par conséquenl elles
doivent avoir la préposition de, et non pas la
conjonction r/ue, qui ne s'emploie que dans ce
derniercas. De ÂVailiy, en adoplîmlcc principe,
critique ce vers de jkacan {Sla/ices sur la re-
traite, 2) :
La course de nos jours est plus ^u'ù demi faite,
et prétend qu'il fallait dire, est plus d'à demi
faite. 3.-3. Rousseau parait, avoir été du même
avis, puisqu'il dit, dans Emile (liv. III, l. vi,
j). 315), son apprentissage est déjà pJus d'à
■Moitié fait. EuÛn, l'Académie parait avoir décidé
indirectement en faveur de Girard, car elle ne
donne point d'exemple où que soit placé dans
ces sortes de phrases.
Dumergue cl queUiues autres grammairiens
modernes pensent, au contraire, que le que est
indispensable dans ces sortes de phrases, et que
la décomi)osilion de la i)hrase de l'ncan ne sau-
rait amener de, paice (\ne son véritable sens est,
la course de nos jours est faite supérieurement
à ceci, à demi. — Les raisons dcDomergue nous
paraissent bien faibles; et il nous seml>le qu'il
faut forcer le sens de celte phrase pour y trouver
une comparaison. Nous croyons en conséquence
devoir nous ranger à l'avis de Girard, de Wadly
et de J -.1. Rousseau. — lin 1835, l'Académie
donne au mol demi les exemples suivants : Cela
est plus d'à demi fait, cela est plus qu'à demi
fait.
Si l'adverbe comparatif pZ»i est suivi d'un que
et d'un verbe à l'infinitif, on répète devant cet
iidinitif la préposition que dem;mde l'adjectif :
// n'y a rien de plus agréable que de l'entendre;
nous sommes plus portés a nous excuser qu'il
reconnaître nos torts.
Enlin lorsque plus est suivi de deux infinitifs,
il faut mettre de avant le second : Il est plus beau
de vaincre ses passions que de triompher de ses
ennemis.
Plus d'un, terme collectif partitif, ou adverbe
de quantité, régit le verbe qui le suit, au sin-
gulier : Plus d'un auteur i\d'\i; plus d'un lecteur
pensera; plus d'un témoin a déjwsé. — 11 faut
excepter le cas où le verbe serait réciproque;
car celle esjjéce de verbe exprim;mt l'action de
deux ou de plusieurs sujets, exige le pluriel : ^4
Paris, fin voit plus d'un fripon qui se dupent
i'un /,'a«^e. (Marmontel, Incas, chd\). XLV.)
Plus se répète (]uaiid il y a plusieurs adjectifs,
l)lusieurs verbes dans la phrase, et se met devant
l'hacun d'eux : Plus on réfléchit, plus on étudie,
et plus on sent la faiblesse de l'esprit humain.
Plus on est sage, plus on est heureux.
Quelques granmiairiens veulent que l'on joigne
toujours ces phrases par la conjonction et, et que
l'on dise, par exemple : Plus on est sage et plus
PLU
55"?
on est heureux. D'Olivcl n'est point de cet avis,
et voici sur (]uoi il appuie son opinion. Dans
cette phrase, plus on lit Racine, plus on l'ad-
mire, il y a (leu;{ projiosilions ^implcs : On lit
lîucine, ou l'admire, les(|uellcs, prises séparé-
ment, n'ont point encore île ra|i|)orl ensendjle;
l)our les unir et n'en faire qu'une phrase, je n'ai
qu'à dire, on lit Racine et on l'admire ; m;iis si
je veux faire entendre (pic l'une est à l'autre ce
(ju'est la cause a l'effet, alors il ne s'a:;it plus de
les unir, il faut marquer le rapjjort (fu'elles ont
ensemble. Or, c'est à (juoi nous servent les ad-
verbes couiiJaratil's plus, moins, elc, donl l'un
est toujoiu-s nécessaire à la tète de cliaipie pro-
position, sans pouvoir céder sa place, ni pouvoir
souffrir un autre mot avant lui. Conséipiennnent
on doit dire: Plus notre discernement se per-
fectionne, plus les classes se inultiplient ; et
non i)as, et plus les classes se multipliejit.
Je pense que cette règle n'est j);is sans excep-
tion. P;u- exemple, dans/^/wA- on réfléchit, plus on
étudie, et plus on sent la faiblesse de l'esprit
humain, il nous semble (jue ef est nécessaire dans
le second membre. Quand on a dlipUison réflé-
chit, plus on étudie, le second plus, «pii est de
la même nature (jue le premier, et ((ui, comme
le iiremier, a rapport à une cause, ne fait jtas
attendre naturellement le plus du second membre
de la phrase : au contraire, il semble faire attendre
un troisième jdus dans le même ordre. On pour-
rail dire plus on réfléchit, plus on étudie, plus
071 raison ne, c[c. Il est donc nécessaire de rompre
cette série sendilable de plus \)i\r un mot qui
annonce que le troisième ;oZ(/s n'est p.is du même
ordre, et qu'il a rapport à unelTet. On peut ap-
pliquer celle observation aux adverbes autant,
aussi et moins.
Plus et mieux, dit M. Sicard , ne sont pas
synonymes. Le premier ne s'emploie que quand
il s'agit d'extension, el le second quand il s'acit
fie perfection. Exemple : L'abbe Prévôt a plus
écrit que Fénelnn; mais Fénelon a mieux écrit
que l'abbé Pré L-àt. Plus, dans la première phrase,
lombe sur le nombre des volumes; cl mieux.
dans la seconde, a pour objet la perfection dû
style. Ne dites donc pas comme quel(]ues-uns,
j'ai gagné mieux de cent francs ; cidte terre
vaut mieux décent mille francs ; maisj'(;i gagné
l>lus rfe cent francs; cette terre vaut plus de
cent mille francs.
Dans les c.onq)aralifs d'inégalité caractérises
par plus, si le premier membre est atlirmatif. le
second, qui suil que, doit être négatif et prendre
ne : Il est plus riche qu'il n'était; je suis plus
heureux que vous ne pensez. Il y a donc une
faute dans ces vers de Voltaire:
Accourez de l'enfer en ces horribles lieux.
En ces lieux plus cruels et plue remplis da crimes
Que ros gouffres profonds regorgent de victimes.
Il fallait ne regorgent.
(,)uand plus est adverbe de coinparaison, il se
met toujours après le verl)e dans les tem[is sim-
ples ; devant ou après le participe dans les temps
composés; devanl ou aiirès l'infiniiif : Il m'en
coûte plus qu'à vous ; il m'en a I)lus entité; ou
il m'en a coiité plus qu'à vous; il devrait vous
en plus coûter, ou vous en coûter plus qu'à
7noi.
Quand plus est emi)loyé comme adverbe, sans
qu'il y ail comparaison, il senqiloie avec la né-
gative, 61 se place toujours après le verbe, dans
^J:J8
PLU
les tenip<; simples : Jo ne veux i)lus, je ne le
verrais |iliis. Dans los lcm|)s coin|ios«.'s, il se mel
entre laiixiliaire et le parlici()e : Je 71e l'ai plus
rtvu. On peut, selon les circonstances, le mettre
avant ou ;iprés rinlinitif : Je ne puis plus me
taire; je ne puis lu' accoutumer à ne le voir
plus. (Sévigné.)
Racine à dit dans Bajazet (act. JII, se. iv,
68): J K . .
J'irai, bien plut content et d« «nus et de moi,
Détrumper son amour d'une feinte forcée,
Çu* je n'allais lantit déguiser ma pensée.
Le comparatif plus, dit La Harpe, est séparé
du relatif que, de manière que la phrase n'est
plus française. la conslruclion exacte et natu-
relle demandait (|ue la phrase fût disposée ainsi :
J'irai détromper son amour d'une feinte forcée,
bien plus content de vous et de moi, que je
n allais tantôt déguiser ma pensée. [Cours de
littérature.)
La plitspart. "\'oyez Plupart.
Plus tôt, Plus tard. Phrases adverbiales de
temps et de lieu. Pius tôt dans le sens de plus
vite , cl plus tard opposé à plus tôt, doivent
s'écrire m deux mots : Sortez au plus tôt de
cette ville, de peur que vous 71e corrompiez ses
habitants. (Bar(hélemy.)
Pliit6t ^cvi (jucliiuerols à marquer le choix que
l'on fail d'une chose par préféreuce à une autre ;
et c'est alors qu'il s'écrit en un seul mot, comme
nous l'écrivons ici : Plutôt perdra tout que de
rien faire contre sa conscience. — Plutôt suivi
de la coujonclion que doit toujours être suivi de
la préposition de : Ceux qui nuisent à la répu-
tation oti à la fortune des autres, plutôt que de
perdre va bon mot, méritent une peine infa-
mante, (la Bruyère, ch. VIII, De la Cour,
p. 319.) Que les dieux me fassent périr, plutôt
que de souffrir que la mollesse et la volupté
s'emparent de mon cœur. { Fénel. , Télém. ,
liv. 1, 1. 1, p. 72.)
^ Plusieurs. Adj. plur. des deux genres qui
s'emploie aussi substantivement. Il se dit des
personnes et des choses, et précède toujours ic
subst, qu'il modifie: Plusieurs personnes, plu-
sieurs choses, plusieurs avantages. Il tient lieu
de l'article. Quel<iuefois il régit la préposition
de ■ Plusieurs de vos amis, plusieurs de vos
lirics. — 11 s'emploie quelquefois substantive-
ment, mais par ellipse, et ne peut être modifié
par un adjectif: Plusieurs disent, c'est-à-dire
plusieurs personnes disent. On peut dire qu'en
ce sens il resle réellement adjectif.
Plusieurs a rapport à la quantitéqui se compte,
et beauc(,vp a la quantité qui se mesure. Plu-
sieurs houimes , beaucoup d'eau. L'opposé de
plusieurs est un; l'opposé de beaucoup esi peu.
Voyez Maint.
Plus-quk-parfait. On prononce le s i\c plus.
Terme do grammaire. On a désigné par ce mol
un temps des verlips qui exprime l'antériorité de
l'existence, à l'égard d'une époque antérieure
elle-même à l'acte de la parole : J'avais soupe
lorsque...
Celle dénomination, dit Beauzée, a tous les
vices les plus propres à la faire proscrire. 1° File
ne donne aucune idée de la nature du temps
qu'elle désigne, puis(pi'ellc n'indique rien de
raniérioriié île l'existence, à l'égard d'une époiiue
anlèrieme rllc-méme au moment où l'on parle;
2" elle implique conJ-«idiciion, par.'e qu'elle sup-
POE
pose le parfait susceptible de plus ou de moins,
quoiqud n'y ait rien de mieux que ce qui est
|)arfait; 3° elle emporte encore une autre supi>o-
sition également fausse, savoir, tiu'il y a <iuel»iue
perfection dans l'anicriorûé, quoi(iu'clle n'en ad-
mette ni plus ni moins que la simultanéité ou la
postériorité. Voyez Teuips.
Plutôt. Adv. Voyez Plus, à la fin.
Pluviale. Adj. f. (]ui ne se dil que des eaux,
et ne se mel iiu'aprés son subst. : Des eaujt
pluviales.
Pluvifux, Pluvieuse. Adj. qui ne se met (ju'a-
près son subst. : Jour pluvieux, saison plu-
vieuse, hiver pluvieux. — Vent pluvieux.
Pou-ME. Subst. m. L'usage de tous les bons
écrivains est d'écrire poème et poète, malgré
l'Académie, qui écrit poëme et poète. En effet,
dit Domcrgue, lorsqu'une des deux voyelles peut
être accentuée, le irema est inutile, et l'accent
est de rigueur. Au lieu d'écrire Brisëis, Robin-
son Crusoë, Israélites, on écrit Briséis, Robin-
son Crusoé, /irae'/z'/M; il faut donc écrire aussi
poète et poème, au lieu de puéte et poëme. —
L'Académie conserve, en 183o, le iréma dans ces
deux mots, sans doute, comme le fait observer
M. Lemaire, pour inarquer l'accentuation plus
forte de la syllabe suivie d'un e muet finaL
Comme il existe en effet une légère différence,
nous écrirons, avec l'.Académie, poëme, poète,
et par un e tous les autres mois de la même
racine: poésie, poétereau, poétique, etc.
Terme de littérature. C'est une imitation delà
belle nature, exprimée par le discours mesuré.
Le discours ordinaire est un simple récit des
choses, pour les présenter telles que nous les
pensons. Il n'y est question que d'exprimer clai-
rement et sans détour ce qui est présent à notre
esprit; et nous sommes contents des expressions,
pourvu qu'elles soient déterminées et intelligi-
bles. L'éloquence veut plus de circonspection et
d'apparat. Son Lut n'est pas seulement de se
faire comprendre, mais de procurer la réussite
de quelque dessein qu'elle a en vue ; et, pour
cet effet, elle pèse attentivement tout ce qui peut
concourir à celle réussite. La poésie, au con-
traire, s'applique plutôt à exprimer vivement les
objets qu'elle se représente, qu'à produire certains
el'fels particuliers sur les autres. Le poète &>(
vivement touché; son objet lui inspire de la
passion, ou du moins le mel en verve; il ne
saurait résister au désir fiu'il a de manifester ce
qui se passe au dedans de lui; il est entraîné;
ce qui l'occupe principalement, c'est de peindre
avec é:iergie l'objet qui l'affecte, cl de mani-
fester en mêiiie temps l'impression qu'il fail sur
lui. Il parle quand même personne ne devrait
l'écouler, |)arce qu'il ne dépend pas <le lui de se
taire dans l'émoiiou qu'il éprouve. Cela donne à
ce qu'il dit un air extraordinaire , un ton en-
thousiaste.
Il semble que ce soit précisément le ton en-
thousiaste, plus ou moins sensible dans le langage
du poëte, qui fasse le caractère propre de. tout
poëme, et qu'il faille aller chercher la source de
la poésie dans ce désordre de l'âme (pi'on nomme
enthousiasme, où la présence de certains objets
jette les imaginations vives, les génies ardents.
Le silence des passinis, le calme de l'àine, n'en-
fanleront jamais rien de poétique.
La versification n'est jias la seule chose qui
donne le ton au poème. Le langage puéliiiue a
une certaine vivacité d'expression qui lui est
POE
prfipre. Qu'un pocme soil en vers ou en iirose
poétique, le caractère de rexi)ression doit tou-
jours s'y trouver.
Mais pour que le poëme ait quelque prix, il
faut que l'enthousiasme du puëlc S(jit excité par
un objet important. Cet enthousiasme est ridicule
si le sujet est commun et sans intérêt.
On (lislingue eu général tpiatrc surtes de [)oë-
mes : le poëme lyriipic, qui comi)rend toutes les
poésies qui ne sont destinées qu'a ex'iH'imer les
mouvements passioniK's ([u'éprouvc l'àme du
poète, en considérant l'objet dont il s'occupe; le
poëme dnnnatiquc, ipii comprend tout ce (lui
peint comme itrésente une action unique et pas-
sagère, dont les acteurs eux-mêmes paraissent,
parlent, agissent, et se font connaître, sans (îu'on
ait besoin dos récits du jioëte; le poëme épiipie,
dans le(]uel le poëte raconte lui-même un événe-
ment présenté comme passé; enlin, le pucme
didactique, où le poëie expose une vérité spécu-
lative ou pratique. (Extrait de VEncijclopédie.)
Voyez Poésie, Si/jet.
Poésie. Subst. f. On appelle poésie du style,
une hardiesse, une liberté, une richesse de style
particulières à la poésie. La poésie du style
comprend les pensées, les mots, les tours et l'har-
monie. Toutes ces parties se trouvent dans la
prose même ; mais comme dans les arts tels que
la poésie, il s'agit non-seulement de rendre la
nature, mais de la rendre avec tous ses agré-
ments et ses charmes possibles, la poésie, pour
arriver à sa lin, a été en droit d'y ajouter un
degré de perfection qui les élevât, pour ainsi
dire, au-dessus de leur condition naturelle. C'est
pour cette raison que les pensées, les mots, les
tours, ont dans la poésie une hardiesse, une li-
berté, une richesse qui paraîtrait excessive dans
le langage ordinaire. Ce sont des comparaisons
toutes nues, des métaphores éclatantes, des ré-
pétitions vives, des apostrophes singulières. La
poésie du style consiste encore à prêter des sen-
timents intéressants à tout ce qu'on fait parler,
comme à exprimer par des figures, et à présen-
ter sous des images capables de nous émouvoir,
ce qui ne nous toucherait pas s'il était simple-
ment en style prosaïque. — Mais chaque genre
de poëme a quelque chose de particulier dans la
poésie de son style. La plupart des images dont
il convient que le style de la tragédie soit nourri,
pour ainsi dire, sont trop graves pour le style de
la comédie ; du moins le style comique ne doit-
d en faire qu'un usage très-sobre. Les églogues
empruntent leurs peintures et leurs images des
objets qui parent la campagne, et des événements
de la vie rustique. La poésie du style de la satire
doit être nourrie des images les plus propres à
exciter notre bile. L'ode monte aux cieux pour
y emprunter ses images et ses comparaisons du
tonnerre, désastres eïdes dieux mémos. — C'est
par la poésie du style que los vers différent le
plus de la prose. Bien di's métaphores (pii passe-
raient pour des figures trop hardies dans le style
oratoire le plus élevé, sont reçues en poésie; les
images et les figures doivent être encore plus
fréquentes dans la plupart des genres de la poésie,
que dans les discours oratoires; la rhétori(iue,
qui veut persuader notre raison, doit toujours
conserver un air de modération et de sincérité. 11
n'en est pas de même de la poésie, qui songe a
nous émouvoir préférablement à toute chose. —
Cette partie de la poésie la plus importante est
en ruême temps la plus difficile. Il n'y a qu'un
hnmme do génie qui puisse soutenir ses vers par
POI
SSB
des fictions et par des images sans cesse renais-
santes. (^Extrait de V Encyclopédie.) ^'oyez Style,
Fers.
Poète. Subst. m. En parlant d'une femme, on
dit aussi poè/e .- Cette femme est puète. Mais en
ne dirait pas avec l'article, la poëte Saph». Ce
serait le cas de dire la poétesse. L'Acail-rnie
admet ce mot, mais elle remarque qu'il est |)cu
usité, et elle a raison.
Poétique. Adj. des deux genres. Il ne se dit
que des choses, et on peut le mettre avant son
subst., en consultant l'oreille cl l'analogie : Ou-
vrage puéuique, style poétique, expression poé-
tique, invention poétiqve ; cette poétique inten-
tion; enthousiasme poétique, ce poétique en-
ihoiisias»ie. Voyez Adjectif.
PoÉTiQUEMKNT. Adv, Il sc met après le verbe :
Il s'est exprimé poétiquement.
Poids. Subst. m. Le d ne se prononce point.
Poignant, Poignante. Adj. verbal tiré du v.
poindre. Il ne se met (pi'aprés son subst. : Uiie
douleur poignante. Féraud prétend tpi'il vieillit,
et que c'est un mot à demi gaulois. Nous pen-
sons qu'il y a des cas où il ne peut être rem-
placé.
Poindre. V. n. de la 4*' conj. Paraître. Il ne s«>
dit qu'à l'infinitif et au futur : Le jour ne fait
que poindre ; le jour coimnence à poindre; j'e
partirai dès que le j'our poindra.
Point. Adv. de négation, qui est ordinairement
précédé de 7ie, et qui lui sert connue de complé-
ment : Je ne veux point. Quand on l'emploie
seul, c'est (ju'il y a eUipse, comme dans ces vers
de Crébillon [Catilina, act. I, se. iv, 37) :
Souvenez-vous enfin qu'un généreux courage
Pardonne à qui le hait, mais point à qui l'outrage.
C'est-à-dire, ne pardonne point à qui Voutrage.
Point de bonheur sans ver/M, c'est-à-dire, il n'y
a point de bonheur, etc. 11 eu est de même (|uand
point sert de réponse à une (question : En voulez-
vous? -Point, c'est-à-dire je n'enveux point. On
le met aussi quelquefois seul devant un adjectif;
alors l'ellipse a encore lieu '.Il est bienfaisant,
indulgent, point soupçonneux , c'est-à-dire il
n est point soupçonneux. Voyez Ne, Négation,
Pas.
Point. Subst. m. Corneille a employé ce mot
dans .e sens de question, difficulté [Cinna, act.
IV, sc. IV, 67) :
Je ne vocs quitte point,
Seigneur, que mon amour n'ait obtenu ce point.
Ce mot point est trivial et didactique ; premier
point, second point, point principal. (Voltaire,
Remarques sur Corneille.)
Point. Subst. m. Terme de grammaire. Petite
marque qui se fait avec la pointe de la plcmc
posée sur le papier comme [lour le piquer. On
se sert de cette marque à bien des usages.
[0 On termine par un point toute proposition
dont le sens est entièrement absolu et indépeo-
dant de la proposition suivante; et il y a pour
cela trois sortes de points : le point simple, qui
termine une proposition purement cxjiositive; le
point inlerrogaitfou d'inloiTogation, (pii termine
une proposition inlerrogiiiivc, et qui se marque
ainsi (■?) voyez Interroganli ; enlin le point
admiraiif^'n d'admiration, que l'on nomme aussi
point d'exclamation, et dont voici la figure (!)
Vovez Admiratif.
560
POI
2' On se sert aussi de deux points posés verli-
cjieuicni, ou d'un point sur une virgule, ;i la lin
d'un(! proposiiion cxposilive dont le sens grani-
niaiical est complet et liai, mais <]ui a avec la
projiosition suivante une liaison logique et né-
cessaire.
o"^ On met deux points horizontalcMiont an-
dessus d'une voyelle pour indiquer iju'il faut la
prononcer séparément d'une autre voyelle (lui la
précède, avec laquelle on pourrait croire qu'elle
ferait une diithlhungue, si l'on n'en ét.iil averti
par cette i;iar(iue, que l'on nomme diérèse,
comme dans Suiil, qui, sans la diérèse, pourrait
se prononcer Satil, comme nous prononçons
Paul. Voyez l'réinu.
4» On disp.ise quelquefois (jualre points hori-
zontalement dans le corps de la lii:ne,pour indi-
quer l;i suppression, soit du reste d'un discours
commemé, et qu'on n'achève jias par i)udeur,
par modération, ou par quelque autre motif;
soit d'une partie d'un texte que l'on cile, ou d'un
discours que l'on rapporte : Il a dit.... mais
épaigiioiis-lui la hnnle de ce reproche.
5""Enlin, la cranite que l'on ne confondit Vi
écrit avec un jamliaue d'w, a introduit l'usage
de mettre un point au-dessus, '\oyez Ponc-
iuiition.
l'oiME. Subst. f. Terme de littérature. Jeu
d'esprit qui roule sur les mots, ou sur les
pensées.
"\oici ce qu'en dit Boileau, dans son Art poé-
tique (11, 105) :
Jadis de nos auteurs les pointes i:;norées
Furent de l'Italie en nos vers attirées.
La raison outragée enlin ouvrit les yeux,
La chassa pour jamais des discours sérieux,
El dans tous ces écrits la déclarant infâme.
Par grâce lui laissa l'entrée en répigramme,
PourTu que sa finesse, éclatant à propos.
Roulât sur la ptnsée et non pas sur les mots.
Ce n'était pas seulement dans les ouvrages
d'esprit (ju'on imaginait devoir donner place
aux pointes, elles faisaient les jilus riches orne-
ments de nos sermonnaires.Le pèreCaussin, dans
sa Cour Saijile, dit que les Jwimnes ont bâti
la tour de Bubel, et les femmes la tuvrde Babil.
Dans les ouvrages sérieux, cet abus des termes
est de mauvais goùl ; mais dans un oi;\ragc
badin, ou dans la conversation familière, il peut
trouver sa place. ^I. Orri , contrôleur général
des financos, disait à quelqu'un : Suves-vous
bien que. j'ui quatrc-ciiigl mille hommes sous
mes ordres! — Ah ! monsieur, lui répondit-on,
vous avez là un beau, camp volant. A'oilà comme
il faut faire des pointes, (jn ne pas s'en mêler.
On nomme pointe de l'épigraunne, la pensée
«fui pique le lecteur et qui" l'intéresse. Toute
épigrainmo a deux parties : l'exiwsitiou du sujet,
et la pointe tiui eu résulte ;
Ci-5il ma fem-me :
V oilà l'exposition du sujet :
.\h! qu'elle est bien,
Pour son repos et pour le mien !
Voilà la pointe. Cette pointe doU être présentée
heureusement et en peu de mots ; elle doit être
intéressante, soit pour le fond, soit pour le tour.
Elle intéresse encore par la finesse de l'idée,
POI
comme dans l'épigramine de l'Anthologie, renfer-
mée dans un seul vers :
Je cbanlais, Homère écrifail.
Queliiuefois la plaisanterie fait la pointe de
l'éiiigramme, comme dans celle-ci, du chevalier
de (JaiUy :
Dis-jc quelque chose asseï belle?
L'antiquité toule en cervelle
Me dit : Je l'ai dit avant toi.
C'est une plaisante donzelle ;
Que no venait-elle après moi?
J'aurais dit la cbosc avant elle.
tjuelquefois c'est le jeu de mots :
Huissiers, qu'on fasse silence,
Dit en tenant l'audience
Un président de Baiigéf
C'est un bruit à tête fendre;
Kous avons déjà jugé
Dix causes sans les entendre.
D'autres fois c'est la malignité, ou une ab-
surdité qui n'était pas altenJue. Mais de toutes
les espèces de pointes épigrammatiques, il n'y en
a guère qui frappent plus tiuc les retours inat-
tendus :
L'n gros serpent mordit Aurèle,
Que croyez-vous qu'il arriva?
Qu'Aurèle en mourut? Bagatelle ;
Ce fut le serpeul qui creva.
[Encyclopédie.]
Pointilleux, Pointilleuse:. Adj. : Un homme
pointilleux, pointilleux sur le cérémonial. On
peut le mettre avant son subst., en consultant
l'oreille et l'analogie :
Or, votre sagesse n'est pas
Cette pointilleuse harpie
Qui raisonne sur tous les cas.
(Volt., Épttre, XXXI, 15.)
Pointu, Pointue. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Une t'pce pointue, vn couteau
pointu. — Nez pointu, menton pointu. — Esprit
pointu.
Poison. Subst. m. L'usage île ce mot au figure
est très-fréiiuenl et très- varié. L'Académie ne l'a
indiqué <iue fort imparfaitement. Nous allons
y su[)pléer i)ar quel(|ucs exem|)los : Tout le
reste na servi qu'à augmenter le poison qui
brûle déjà dans vton cœur. (Fénel., Télévi., liv.
IV, t. I, p. 153.) f^otis avez dans Vâme un
poison phis mortel que celui dont vous voulez
guérir. (Montesquieu, W lettre persane.)
D'un regard enclianti;ur connait-il le poison ?
(Ràc, Britan., act. II, se. ii, 57.)
Quel funeste poiSon
L'amour a répandu sur toute ma maison !
(Uac, Phéd., act. m, se. VI, 4)
Un funeste poison
Se répand en secret sur toute ma maison.
(Volt., Brut., act. II, se. ir, 2.)
Ce mot était autrefois féminin, et le peuple le
fait aujourd'hui de ce genre.
PoissAHD, PoissAiiDE. Adj. Qui ne se met qu'a-
près son subst. : Le genre poissard, chanson
poissarde, expression poissarde.
Poissonneux, Poissonneuse. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Rivière poissonutue*'
PON
Polaire. Adj. des deux genres. Il ne semé
qu'uprés sou subsl. : Cercle polaire, étoile
polaire.
Polémique. Adj. des deux genres qui ne se
met uuèrc qu'nprès son subst. : Ouvrage polé-
mique, style polémique, genre polémique, écrivain
polémique.
Poliment. Adv. On peut le inellre cnlrc l'auxi-
liaire et le païUcipe : // a reçu poliment tout
le inonde, ou il a poliment reçu tout le monde.
Polisseur. Adj. ciiiplovc subslantivemenl. Il
fait au féminin polisseuse.
Politique. Adj. des deux genres qui ne se met
ordinairement (Hi'aprt'.s son subsl. : Maxime
politique, discours politique, réflexions polir-
tiques, conduite politique.
Politiquement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Il a agi pditiquement
dans cette circonstance, ou il a politiquement
agi.
Polysyllabe. Adj. des deux genres. On pro-
nonce ce mot comme si les deux mots dont il
est composé étaient séparés, et qu'on écrivit
poly-sylUthe. En conséiiuencc, le « de syllabe est
considéré comme une lettre initiale, et consnrve
sa prononciation primitive. Terme de çramniaire.
il signifie, qui est de plusieurs syllabes. 11 ne
se met qu'après son subst. : Un mctpulysyllahe.
PoLYSYNODiE. Subst. f. On prononce ce mol
comme si les deux mots dont il est composé
étaient séparés, poly-synodie. En conséquence, le
8 est considéré comme une lettre initiale, et con-
serve sa prononciation primitive.
Pompecsf.me.nt. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a commencé pom-
peusement sa harangue, OU il a pompeusement
couimencé sa harangue.
Pompeo:', Pompeuse. Adj. On peut souvent le
mettre avant son subsl., en consultant l'oreille
et l'analogie : Appareil pompeux, pompeux ap-
pareil ; entrée pompeuse , pompeuse entrée;
équipage pompeux, pompeux équipage.
Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice.
(TIac, Iphig., act. II, se. Il, 43.)
Ponctuation. Subst. f. Terme de grammaire.
La ponctuation esl l'art d'indiquer dans l'écri-
ture, par les signes reçus, la proportion des pau-
ses que l'on doit laire en parlant; de distinguer
les sens partiels qui conslituenl un discours ;
et de mariiuer la dilférence des degrés de sub-
ordination i]ui conviennent à chacun de ces
sens. Nous croyons ne pouvoir rien donner de
meilleur sur celte matière, qu'un extrait de l'ar-
ticle Ponctuation que Beauzée a fait insérer
dans V Encyclopédie.
Les caractères usuels de la i)onclualion sont
la virgule, qui marque la moindre de toutes les
pauses, une jjause presque insensible; un point
et une virgule, (]ui désigne une pause un peu
plus grande; les deux points, qui annoncent un
repos encore un peu plus considérable; et le
point, qui niariiue la plus grande de toutes les
pauses.
Le choix de ces caractères devant dépendre de
la proportion qu'il convient d'établir dans les
pauses, l'art de ponctuer se réduit à bien con-
naître les principes de celle proportion. Or, il
est évident qu'elle doit se régler sur les besoins
de la respiration, combinés néanmoins avec les
sens partiels qui conslituenl les propositions
PON
5C1
totales. Si l'on n'avait égard qu'aux besoins de la
respiration, le discours devrait se jiarlager en
parties à peu prés égales; et souvent on sus-
pendrait maladroilement nn sens tpii pourrait
même par là devenir ininlcUigible ; d'autres fois
on unirait ensemble des sens tout à fait dissem-
blables et sans liaison, ou la lin de l'expression
d'un sens avec le cumniencemcul d'un autre.
Si, au contraire, on ne se propusait que la dis'inc-
lion des sens partiels, sans égard aux besoins
de la respiration, chacun placerait ces caractères
distinctifs selon qu'il jugerait convenable d'ana-
toiniser plus ou moins les parties du discours :
l'un le couperait par masses énormes qui met-
traient hors d'haleine ceux qui voudraient les
prononcer de suite; l'autre le réduirait en parti-
cules qui feraient de la parole une espèce de bé-
gaiement dans la bouche de ceux qui voudraient
marquer toutes les pauses écrites.
Outre qu'il faut combiner les besoins des pou-
mons avec les sens partiels, il e>t encore indis-
pensable de piendrc garde aux difféienls degrés
de subordination qui conviennent à chacun de
ces sens partiels, dans l'ensemble dune propo-
sition ou d'une période, et d'en tenir compte
dans la ponctuation par une gradation propor-
tionnée dans le choix des signes. Sans celte atten-
tion, les parties subalternes du troisième ordre,
par exemple, seraient séparées entre elles par
des intervalles égaux à ceux qui distinguent les
parties du second ordre et du premier; et cette
égalité des intervalles amènerait dans la pronon-
ciation une sorte d'équivoque, puisqu'elle pré-
senterait comme parties également dépendantes
d'un même tout, des sens réellement subordonnés
les uns aux autres, et distingués par différents
degrés d'affinité.
Passons au détail du système qui doit naître
naturellement de ces principes. J'en réduis toutes
les règles à quatre chefs principaux, relativement
aux quatre espèces de caractères usités dans
notre ponctuation.
I. De la virgule. La virgule doit être le seul
caractère dont on fasse usage parlout où l'on ue
fait qu'une seule division des sens partiels, sans
aucune subdivision subalterne. La raison de celle
première règle générale est que la division donl
il s'agit se faisant pour ménager la faiblesse ou
de l'organe, ou de rinlelligence, mais toujours
un peu aux dépens de l'unité de la pensée totale,
qui est réellement indivisible, il ne faut accorder
aux besoins de l'humanité que ce tiui leur est
indispensablement nécessaire, et conserver le
plus scrupuleusement qu'il esl possible la vérité
et l'unité de la pensée, dont la parole doit pré-
senter une image fidèle. C'est donc le cas d'em-
ployer la virgule, qui est suffisante pour marquer
un repos ou une distinction, mais qui, indiquant
le moindre de tous les repos, désigne aussi une
division (jui altère peu l'unité de l'expression et
de la pensée. Applicjuons cette règle générale
aux cas particuliers:
1» Les parties similaires d'une même propo-
sition composée doivent être séparées par des
virgules, pourvu ijuil y en ait pins de deux, et
qu'aucune de ces parties ne soit subdivisée en
d'autres parties suballernes.
Exem|)les pour plusieurs sujets : La riche.vse,
le plaisir, la santé, deviennent des vi aux pour
qui ne .lait pas en user. [Tliéor. des sent., cb.
XIV.) — Le regret du passé, le chagrin du pré-
sent, l'inquiétude sur l'avenir, sont les fléaux
qui affligent le plus le genre humain. (Idem.)
36
5G2
PON
Exemple de plusieurs attributs réunis sur un
même sujet : Un prince d'une naicsance incer-
taine, ndirri pur une femme prostilui'e , clevé
par des bergers, et depuis devenu chef de bri-
gands, jeta les premiers fondements de la capi-
tale du monde. (Verlol., Béi-ol. rom., liv. I.)
Exemple de plusieurs verbes rapportés au
même sujet : // alla dans cette caverne,
trouva des instruments, abattit des peupliers,
et viit en un seul jour un vaisseau en état de
voguer. ^Fénel., Tclém., liv. vu, t. I, p. 241.)
Exemples de plusieurs compléiiiPiUs d'un même
verbe ; Ainsi que d'autres encore plus anciens
qui enseignèrent à se nourrir du blé, ii se vêtir,
à se faire des habitations, à se procurer les
besoins de lu rie, ii se précautionner contre les
bêtes férrces. (D'Olivet, traduction d'une phrase
des Tusculanes, liv. I, ch. 25) Je connais quel-
qu'un qui loue sa7is estime, qui décide sans con-
naître, qui contredit sans avoir d'opinion, qui
parle sa/is penser, et qui s'occupe sans rien
faire. (Girard, t. II, p. 456.)
2° I.i.rsqu'il n'y a (juc deux parties similaires,
si elles ne sont que rapprochées sans conjonction,
le besoin d'indiquer la diversité de ces parties
exige entre denx une virgule dans l'orthographe,
et une pause dans la prononciation. Exemple :
Des anciennes mœurs, un certain usage de la
pauvreté, rendaient éi Rome les fortunes à peu
près égales. (Montesquieu, Grandeur et décad.
des Rom., eh. IV.)
Si les deux parties similaires sont liées par
i:ne conjonction, et que les deux ensemble n'ex-
cèdent pas la portée commune de la respiration,
la conjonction sufGt pour marquer la diversité
des parties, et la virgule romprait mal à propos
l'uniti; du tout qu'elles constituent, puisque
l'organe n'exige point de repos. Exemples : L'ima-
gination et le jugement ne so7it pas toujours
d'accord. {Gramm. de Buffier, n» 980) Il parle
decequ'ilne saitpointou decequil sait mal. (La
Bruyère, cli. XI. De l'homme, p. SS'i.)
Mais si les deux parties similaires réunies par
la conjonction, ont une certaine étendue qui
empêche (ju'on ne puisse aisément les prononcer
tout de suite sans respirer, alors, nonobstant la
conjonction qui marque la diversité, il faut faire
usage de la virgule pour indiquer la pause : c'est
le besoin seuf de l'organe qui fait ici la loi.
Exemples: Il formait ces foudres dont le bruit
a retenti par tout le moîide, et ceux qui grondent
encore sur le point d'éclater. (Pelisson.) Elle
(l'Eglise) n'a jamais regardé comme purement
inspiré de Dieu, que. ce que les apôtres ont écrit,
iiu ce qu'ils ont confirmé par leur auù.rité.
Boss.. Disc, sur l'hist. univers., II« part., ch.
27, p. 366 )
Restant (ch. XVI) veut qu'on écrive sans vir-
gule, l'exercice et la frugalité farmeyit le tempé-
rament. Je neveux plus vous voir nirous parler ;
et il fait bien. Mais on met la virgule, dit-il, avant
ces conjontions, si les termes qu'ils assemblent
sont accompagnés de circonstances ou de phrases
inciden!cs, comme quand on dit : L'exercice
que Von prend à la citasse, et la frugalité que
l'on observe dans les repas, fortifient le tempé-
rament. Je ne veus plus vous voir dans l'état
oit vous êtes, ni votis parler des i-isqurs que vous
courez. — Cette remarque indique une raison
fausse. L'addition d'une circonstance ou d'une
phrase incidente ne rompt jamais l'unité del'ex-
prossion totale, etconséquemment n'amène jamais
le besoin d'en séparer les parties par des pauses;
PON
ce n'est que quand les parties s'allongent asso/:
pour fatiguer l'organe de la prononcialiun, qu'il
faut indiipicr un repos entre deux par la virgule;
si l'addition n'est |)as assez considérable pour
c«la, il ne faudrait point de virgule, et l'on dira
très-bien sans pause : Un exercice ynodéré et une
frugalité honnête fortifient le teuipérament. Je
?ie veux plus vous voir ici ni vous parler sans
témoins. Dans ce cas, la règle de Reslaut est
fausse, pour être trop générale.
3o Ce qui vient d'être dit des deux parties
similaires d'une proposition composée, doit en-
core se dire des membres d'une période qui-n'en
a que deux, lorsque ni l'un ni l'autre n'est subdi-
visé en parties subalternes dont la distinction
exige la virgule; il faut alors en séparer les deux
membres par une simple virgule. Exemples : La
certitude de nos connaissances ne suffit pas pour
les rendre précieuses , c'est leur importance
gui en fait le prix. On croit quelquefuis haïr
la flatterie, mais on ne hait que la manière de
flatter. (La Rochefoucauld, ?>2ii" maxime, p. 1<S4.)
Si nous n'avions point de défauts, nous nepren-
dr ions pas tant de plaisir à en trouver dans les
autres. (Idem, 31"^ maxiuie, '164.)
4" Dans le style coupé, ou un sens total est
énoncé par plusieurs propositions qui se suc-
cèdent rapidement, et dont chacune a un sens
fini et qui semble comjjlet, la simple virgule
suffit encore pour sé|)arcr ces pro|iositions', si
aucune d'elles n'est divisée en d'autres parties
subalternes qui exigent la virgule. Exemple :
Les voilà comme des bêtes cruelles qui cherchent
(i se déchirer ; le feu brille dans leurs yeux,
ils se raccourcissent, ils s'allongent, ils se bais-
sent, ils se relèvent, ils s'élancent, ils sont
altérés de sa7ig. (Fénel., Télém., liv. xvi, t. H,
p. d35.)On débute par une proposition générale:
Les voilà comme deux bêtes cruelles qt/i cher-
chent à se déchirer ; et elle est séparée du reste
par une ponctuation plus forte; les autres pro-
positions sont comme différents aspects et divers
développements de la pi'eniicrc.
5» Si une proposition est simple et sanshyper-
bate, et que l'étendue n'en excède pas la portée
commune de la respiration, elle doit s'écrire de
suite sans aucun signe de ponctuation. Exemples :
L'homme injuste ne voit la mort que comme un
fantôme affreux. Il est plus honteux de se défief
de ses ai lis que d'en être trompé. (La Rochefou-
cauld, Si" maxime, p. \H&)Je préfère le témoi-
gnage de ma conscience à tous les discours qu'on
peut tenir de moi. (D'Olivet, traduction d'un
passage des lettres de Cicéron àAtlicus, liv. XIL
lettre 28.)
Mais si l'étendue d'une proposition excède la
portée ordinaire de la respiration, dont la mesure
est à peu près dans le dernier exemple que je
viens de citer, il faut y marquer des repos par
des virgules placées de' manière qu'elles servent
à y distinguer quelques-unes des parties con-
stitutives, comme le sujet logique, la totalité
d'un complément objectif, d'un conr.plément
accessoire ou circonstantiel du verbe, un attribut
total, etc.
Exemple où la virgule distingue le sujet lo-
gique : La venue des faux Christs et des faux
prophètes, semblait être un plus prochain ache-
minement à sa dernière ruine. (Boss., Disc, sur
l'hist. univers., Ile |)arl., ch. 22, p. 3t>4.)
];xemple où la virgule sépare un complément
circonstanciel : Chaque connaissance ne se dé-
veloppe, qu'après qu'un certain nombre de cou-
PON
■naissaHcex précédentes se sont développées.
(Fonlenelle, Préface des élémenisde la géométrie
de l'infini.}
Exemple où la virgule scrl à distinguer un
complénionl accessoire : L'homme impatient est
entraîne par ses désirs indomptés et farouches,
dtim un abîme de malheurs. (Féncl., Tclém.,
liv. XXIV, l. II, p 3S6.)
Lorsque l'ordre naturel d'une proposition
simple est troublé ])ar quehjuc hyperbale, la
partie transposée doit être terminée par une
virgule, si elle coinnience la proposition; elle
doit être entre deux viii-'ulcs, si elle est enclavée
dans d'autres parties de la proposition.
Exemple de la première espèce : l^ouies les
vérités produites seulement par le calcul, on les
pourrait traiter de vérités d'expérience. (Fon-
lenelle, Préface des éléments de la géométrie de
l'infini.) C est le complément objectif qui se
trouve iri a lu tète de la phrase entière.
Exemple de la seconde espèce : La versifica-
tion des Grecs et des Latins, par un ordre réglé
de syllabes bières et longues, donnait d la mé-
moire une prise suffisante. (Thcor. des sent.,
ch. .3.) Ici c"c^t un complément modificatif qui se
trouve jeté entre le sujet logique et le verbe.
11 n'en est pas de même du complément déter-
minatif d'un nom; quoique l'hyjierbateen dispose,
comme cela arrive l'réiiuemmcnt dans la poésie,
on n'y emploie pas la virgule, à moins que trop
d'étendue de la phrase ne l'exige pour le soula-
gement de la poitrine. Le grand prêtre Joad
parle ainsi à Abner dans Alhalie (act. I, se. i,
61):
Celui qui met un frein à b fureur des flots
Sait aussi des mécliants arrêter les complots.
Le juste est invulnératle ;
De «on bonheur immuable
Les anges sont les garants.
(J.-B.RouSS., liv. L Ode tirée du ps. IC, v. 55.)
Remarquez encore que je n'indique l'usage de
la virgule que pour les cas oit l'ordre naturel de
la proposition e.^t trouble par rhyperbat£ ; car
s'il n'y avait :^u'inversion, la virgule n'y serait
nécessaire qu'autant qu'elle pourrait l'être dans
le cas même oij la construction serait directe.
De tant d'objet;: dirers le bizarre assemblage.
(Rac, Ath., act. n, se. T, 56.)
Je ne sentis point devant lui le désordre où
novs jette ordinairement lu pré.seuce des grands
hommes, (Montesquieu, Dialcguc de Sylla et
d'Eucrate.) Il ne faut point dj virgule eu ces
exemples, parce que l'on n'y en meltrail j'Oint
si l'on dis:iit sans inversion : Le bizarre assem-
blage de tant d'objets divers. Je ne sentis point
devant lui le desordre où. la présence des grands
hommes jette ordinairement.
La raison de ceci est simple. Le renversement
d'ordre, amené par l'inversion, ne rompt pas la
liaison des idées consécutives, et la pontUuation
serait en contradiction avec l'ordre actuel de la
phrase, si l'on introduisait des pauses où la liai-
son des idées est continue.
6» 11 faut mettre entre deux virgules toute
propositiofl incidente purement explicative, et
écrire de suite sans virgule toute proposition
incidente déterminative. Une proposition inci-
dente explicative est une espèce de remarque
iiiterjective qui n'a pas avec l'antécédent une
PON
K63
liaison nécessaire, puisqu'on peut la retrancher
sans altérer le sens de la |)roposilion principale;
elle ne fait pas avec l'antécédent un tout indi-
visible ; c'est plutôt une répétition du même
;uuécédent sous une forme plus développée.
Mais une proposition incidente liéterniinalivc est
une partie essentielle du tout logique qu'elle
cunslitue avec l'antécédent; l'aiilécédi'nt exprime
une idée partielle, la proposition incidente déter-
minative en exprime une autre, et toutes deux
Constituent une seule idée tol:1e indivisible, de
manière que la suppression de la proposition in-
cidente changerait le sens de la principale, quel-
•luefois jusqu'à la rendre fausse. 11 y a donc un
fondement juste et raisonnable à employer la
virgule pour celle qui est explicative, et à ne
pas s'en servir pour celle qui est déterminative.
Dans le premier cas, la virgule indique la diver-
sité des asjwcls sous lesquels est présentée la
même idée, et le peu de liaison de l'incidente
avec l'antécédent; dans le second cas, la sup-
j)ression de la vi.''gule indique l'union intime et
indissoluble des deux idées partielles, exprimées
par l'antécédent cl par l'incidenlc.
11 faut diinc écrire avec la virgule: Les pas-
siojts, qui sont les maladies de l'âme, ne vien-
nent que de notre révolte contre la raison.
(D'Olivet, Pensées de Cicéron.) 11 faut écrire sans
virgule : La gloire des grands hommes se doit tou-
j"ur.i mesurer aux moyens dont ils se sontservis
pi ur l'acquérir. (La Rochefoucauld, 157" ?/ta-
xiiiie, p. 172.)
Les propositions incidentes ne sont pas tou-
jours amenées par qui, que, dont, lequel, duquel,
auquel, laquelle, lesquels, desquels, auxquels,
où, comment, etc. ; c'est quchiuefois un simple
adjectif ou un participe suivi de quchpies com-
pléments, mais il peut toujours être ramené au
tour conjonctif. Ces additions sont explicatives,
quand elles précédent l'antécédent, ou que l'anté-
cédent précède le verbe, tandis que l'addition ne
vient qu'après ; dans l'un et l'autre cas, il faut
user de la virgule, pour la raison déjà alléguée.
Exemples :
Soumis avec respect à sa volonté sainte,
Je crains Dieu, clier Abner, et n'ai point d'autre crainte.
{Rac, ilfh.,acl. I, se. i, 63.)
Avides de plaisirs, nous nous flattons d'en re-
cevoir de tous les objets inconnus qui semblent
nous en promettre.
Le fruit meurt en naissant, dans son ferme infecté.
(YOLT, Henr., IV, 162. 1
Si ces additions suivent immédiatement l'an-
técédent, on peut conclure qu'elles sont explica-
tives, si on peut les retrancher sans • aliérci- !e
sens de la proposition principale; et dans ce ca?
on doit employer la virgule :
Daigne, daigne, mon Dieu, sur Mathan et sar elle
Répandre cet esprit d'imprudence et d'erreur.
Do la chute des rois funeste avant-coureur.
(Rac, Ath., act. I, se. ii, 128.)
7° Toute addition mise à la tête ou dans le
cours d'une phrase, et qui ne peut être regardée
comme faisant partie de la constitution gramma-
ticale, doit être distinguée du reste par une vir-
gule mise après, si l'addition est à la tête; et si
elle est enclavée dans le corps de la phrase, elle
doit être entre deux virgules. Exemples:
SGA
PON
Contre une fille qui devient de jour en j'ivr
plus indolente, qui me manque, à moi, qui vous
manquera b.eii^ôl, à vous. (Didcrol, Père de
faiinlle, act. 111, se. vu.) Cet à moi et rct à
vnus sont di'ux véritables liors-d'œuvre, inlro-
duils |)ar rneru'ic dans l'enscinble de la phrase,
rnais enlicreinciil inutiles à sa constitution gram-
maticale.
Non, non, bien loin d'être des demi-dieux, ce
ne sont pus même des /lomme*. (Féncl., Téleui.,
liv. xMi, t. Il, p. IS'i.) Ces deux non, qui com-
mencent la i)lirasc, n'ont avec elle aucun lien
grainmaiical; c'est une addition emphatique dictée
par la vive persuasion de la vérité qu'énonce en-
suite Télcmaque. O iitui tels,l'espériince enivre.
(Vauveiiari;wcs, Méditation sur lu foi.) Ces deux
mots, 6 wz/p/i, sont entièrement indépendants de
la syntaxe delà |)roposition suivante, cl doivent en
être séparés par la virgule; c'est le sujet d'un
YerLe sous entendu à la seconde jiersonne du
pluriel, par cxomi)lc, du \(ivhe écoutez, ou pre-
nez-y garde. Or, si l'auteur avait dit, mortels,
prenez-y carde , l'espérance enivre, il aurait
énoncé deux jirupositions distinctes qu'il aurait
dû séparer par la virgule; cette distinction n'est
pas moins nécessaire, parce i]ue la première pro-
position devient clliptii]ue, ou plutôt elle l'est
encore plus, jiour empêcher qu'on ne cherche à
rapporter à la seconde un mol qui ne peut lui
convenir.
Il suit de cette remarque que, quand l'apos-
trophe est avant un verbe à la seconde personne,
on ne doit pas l'en séparer par la virgule, parce
que le sujet ne doit pas être séparé do son verbe ;
il faut donc écrire sans virgule, tribuns cédez la
place auxconsuls. (V'ertot, Révol. rom., liv. II.)
Cependant l'usage universel est d'employer la
virgule dans ce cas-là même; mais c'est un abus
introduit par le besoin de ponctuer ainsi, dans
les occasions où l'apostrophe n'est pas sujet du
verbe, et ces occurrence» sont très-fréquentes.
f^ousavez vaincu, plébéiens. (VcrtOl, Révol.
rom., liv. II.) 11 faut ici la virgule, quoique le
mot plébéiens so\l sujet de vous avez vaincu;
mais ce sujet estdabord ex|)rimé parroi/s, lequel
est à sa place naturelle, et le mot plébéiens n'est
plus ([u'uii hors-d'œuvre grauimaiical.
Peur mademoiselle, elle paraît trop instruite
de sa beauté. (Girard.) Ces dcuxmo[s, pmr made-
moiselle, doivent être distingués du reste par la
virgule, parce (ju'iis ne peuvent se lier grammati-
calement avec aucune partie de la proi)osition
suivante, et i]u'ils doivent enconsécjucnce élre re-
gardés comme tenant a une autre proposition cllif)-
liiiue, par exemple : Je parle pour mademoiselle.
11 serait apparemment très-lacile de multiplier
davantagcles observations (jue l'un pourrait faire
sur l'usage de la virgule, on entrant dans le détail
de tous les cas particuliers. Mais je crois qu'il
sullit d'avoir exposé les régies les plus générales,
■i[ (jui sont d'une nécessité plus commune ■ parce
ijuc, quand on en aina conqiris le sens, la raison,
i:t le fondement, on saura très-bien ponctuer
iia;is les autres cas ([ui ne sont point ici détaillés,
il >uHira de se rappeler (jue la ponctuation doit
ujaniucr i/U repos ou distinrtion, ou l'un et l'autre
a la l'ois, et (ju'elle doit être proportionnée à la
bubùrduialion des sens.
Maisatant (jue de passer au second article, je
tcimincrai eelui ci jiar une remarque de l'abbé
Girard, dont j'adojjtc volontiers la doeirine sur
ce point. « Quelques jMîrsonncs, dit-il {Disc. iG,
t- il, p. 445), ne mellcnl jamais de virgule
PON
avant la conjonction et, même dans l'énuint-
raiion ; en (luo'i on ne doit pas les imiter,
du moins dans la dernière circonstance; car
tous les énuméraiifs ont droit de distinction,
et l'un n'en a pas plus que l'autre. La virgule
est alors d'autant plus nécessaire avant la con-
jonction, tiu'elle y sert à faire connaître que
celle-ci emporte là une idée de clôture, par la-
quelle elle indiiiue la lin de l'éiiuniération; et
celle virgule y sert de plus a montrer que ce
dernier membre n'a lias, avec celui qui le pré-
cède immédiatement, une liaison plus étroite
qu'avec les autres. Ainsi, la raison (jui fait dis-
tinguer le second du premier, fait également
di-slinguer le troisième du second, et successive-
ment tous ceux dont l'énumération est composée.
Il faut donc que la virgulesc trouve entre chaque
énumératif sans exception. » — J'ajouterai que,
si les parties de l'énumération doivent être sé-
parées par une ponctuation plus forte que la
virgule, pour quelqu'une des causes que l'on
verra par la suite, cette ponctuation forte doit
rester la même avanl la conjonction qui amène la
dernière partie.
II. Du point avec vne virgule. Lorsque les
parties ])rincipalesdaiis lesquelles une [iroposilion
est d'abord partagée sont subdivisées en parties
subalternes, ces parties subalternes doivent être
séparées entre elles par une simple virgule, et
les parties principales par un point et une
virgule.
On ne doit rompre l'unité de la proposition
entière que le moins qu'il est possible ; mais on
doiten'eore préférer la netteté de renonciation
orale ou élrite, à la représentation trop scru-
puleuse de l'unité du sens total, laqiielle, après
tout, se fait assez connaître par l'ensemble de la
phrase, et dont l'idée subsiste toujours tant qu'on
ne la détruit pas par des repos trop considérables,
ou par des ponctuations trop fortes. Ojv la netteté
de renonciation exige (jue la subortîmation re-
spective des sens partiels y soit rendue sensible,
ce qui ne peut se faire (jue par la différence
mar(}uée des repos et des caractères qui les re-
présentent.
S'il n'y a donc dans un sens total que deux
divisions subordonnées, il ne faut employer que
deux espèces de ponctuai ions, parce qu'on na
doit pas employer plus de signes tju'd n'y a de
choses à signifier : il faut employer la virgule
pour l'une des deux divisions, et un point avec
une virgule |)our l'autre, parce que ce sont les
deux ponctuations les moins fortes, et qu'il ne
faut rompre que le moins (ju'il est possible l'unité
du sens total. Le point avec une virgule doit
distinguer entre elles les parties principales ou
de la première division, ei la simple virgule doit
distinguer les parties subalternes ou de la subdi-
vision, parce que les parties subalternes ont un*
affinité plus intime entre elles que les parties
principales, et qu'elles doivent en cunséquenct
être moins désunies.
Passons aux cas particuliers.
d" Lorsque les parties similaires d'une ppi>-
position composée, ou les membres d'une période,
ont d'autres parties subalterne distinguées par U
virgule, pour quelqu'une des raisons énoncées
ci-devant, ces parties simdaires ou ces membres
doivent être séparés les uns des autres par vd
point et une virgule. Exemples ;
Quelle pensez-viius qu'ait été sa douleur de
quitter Rome, sans l'avoir réduite en cendre;
d'.V laisser encore des citoyens, sans les avoir
PON
passés (lu fil de Vèpée ; de voir que nous lui avons
arraché le fer d'entre les viaiiis, avant qu'il
l'ait teint de notre sang? (D'Olivol, Traduction
de la 2'' Catilinaire .) L<'s [virlies similaires dis-
tingut'cs ici p;ir un point cl une virgule, sonl
des ooniplemciits d''lei'iuin;ilifs du nom douleur.
Qu'un vieillard joue le rôle d'un Jeune homme,
lorsqu'un jeune homme jouera le rôle d'unricil-
lard ; que les drcnrations soient champêtres,
quoique la scène soil dans un palais; que tes
hal/illements ne repondent point à la dignité du
personnage ; toutes ces discordances nous bles-
seront. (TiiL'or. des sent., ch. 3.) Ccst ici l'idée
séiiérale de discordance jjicsenlce sous trois
aspects difi'crcnts.et le tout forme le sujet logique
de blesseront.
Quoique vous ayez de la naissance, que votre
mérite soit connu, et que vous ne manquiez pas
d'amis; vos projets ne réussiront pourtant
point sans l'aide de Plutus. (Girard, t. II, p. 460.)
C'est une période de deux membres dont le pre-
mier est sépare du second par un point et une vir-
gule, parcc(]u'il est divisé en trois parties similai-
res subordonnées a la seule conjonction quoique.
Comme Vvndes caractères de la vraie religion
a toujours éiéd'autoriserles princes de la terre ;
aussi, par un retour de piété, que la reconnais-
sance même semblait exiger, Vitn des devoirs
essentiels des princes de la terre, a toujours
été de maintc7iir et de défendre lu vraie religion.
(liourdaloue, Orais. f un. de Henri de Bourbon,
prince de Condé, 2' part.) C'est une autre période
de deux membres dont le premier est S(>paré du
second par un point et une vir;-nile, parce que le
second est sépare par des virgules en diverses
parties pour difleientcs raisons ; par un retour de
piété, que la rcconnuissance même semblait exi-
ger, se trouve entre deux virgules, par la cin-
quième régie du premier article, parce qu'il y a
livpcrbate. Cette même phrase est coupée en deux
p,M' une autre virgule, par la sixième règle, parce
que la proposition incidente est explicative. Il y a
une virgule a[)rès l'un des devoirs essentiels des
princes de la terre, par la cinquième règle, qui
veut que l'on assigne des repos, dans les propo-
sitions trop longues pour être énoncées de suiie
avec aisance.
2» Lorsque plusieurs propi^sitions incidentes
sont accumulées sur le même antécédent, et que
toutes ou que^iuc^-unes d'entre elles sont sub-
divisées par des virgules qui y maniueiit des
repos ou des distinctions, il faut les séparer les
unes des auJrcs par un point et une virgule. Si
elles sont déterminatives, la première tiendra
immédialenicni à l'antécédent, sans aucune punc-
tuation; si elles sont explicatives, la première
sera séparée de l'antécédent par une virgule,
selon la sixième règle du premier article.
Exemple : Politesse noble, qui sait approuver
sans fadeur, hmer sans jalousie, railler sans
aigreur; qui saisit les ridicules avec plus de
gaieté que de malice; qui jette de l'agrément stir
les choses les plus sérieuses, soit par le sel de
l'ironie, soit par la finesse de l'expression ; qui
passe légèrement du grave à l'enjoué, sait se faire
entendre en se faisant deviner, montre de l'esprit
sans en chercher, et donne à des sentiments
vertueux le ton et les couleurs d'une joie douce.
(Théor des sent., ch. V.) Ce sont ici des proposi-
tions incidentes explicatives, et c'est pour cela
qu'il y a une virgule après rantéoétfent,po/j7eMe
noble. Si au contraire on disait, par exemple :
Eudoxe est un hotnme qui sait uvprourer, etc.;
PON
sn;
comme les mêmes proposititns incidentes devien-
draient déterminatives de l'antécédent homme,
on ne mettrait point de viigule entre cet antécé-
dent et la première inciiienle; mais la ponctua-
tion resterait la même partout ailleurs.
3' Dans le style coupé, si (]uelqu'une des prO'
positions détacliées qui forment le sens total
est divisée ]iar ipiclquecause «lue ce soil en par-
ties suballeines distinguées par des virgules, il
faut séparer par un point et une virgule les pro-
positions partielles du sens total.
Exemple: Cette persuasion, sans l'évidence
qui l'accompagne, n'aurait pas été si ferme et
si durable; elle n'aurait pas acquis de nouvelles
forces en vieillissant; elle n'aurait pu résister
au torrent des années, et passer de siècle en
siècle jusqu'à nous. (D'Olivet, 'J'raduclion d'une
pensée de Cicéron, iNalure des Dieux, liv. II,
ch.2.)
4" Dans l'énumération de plusieurs choses op-
posées, ou seulernenl différcnles, (pie l'on com-
pare deux à deux, il faut sépaiei' les uns des au-
tres par un point et une virgule les membres do
l'énumération qui renferment une comparaison;
et par une simple virgule les parties sulialiernes
de ces membres comi)aratifs. Exemple : Elle
n'est poi(il autre éi Borne, autre à /Athènes ; autre
aujourd'hui^ et autre demain. (D'Olivet, Trai.
d'une pensée de Cicéron, tirée du 3" liv. de la
Républi(|ue.)
En général, dans toute énumération dont les
princi|)aux articles sont subdivisés pour quel-
que raison que ce puisse cire, il faut distinguer
les parties subalternes par la virgule, et les ar-
ticles principaux par un point et une virgule.
Exemple : Là brillent d'un éclat immortelles
vertus politiques, morales et chrétiennes des
LetcUier, des Lamoignon et des J\Iontausier ;
là les reines, les princesses, les héroïnes chré-
tiennes, reçoivent une couronne de louange qui
ne périra jamais; là Turenne parait aussi
grand qu'il l'était à la tête des armées cl dans
le sein de la victoire. (Colin, préf. de la trud. de
/'Orateur de Cicéron.)
III. Des deux points. — La même proportion
qui règle l'emploi respectif de la virgule et du
point avec la virgule, lorsiju'il y a division de
sens partiels, doit encore décider de l'usage des
deux points poiu' les cas où il y a trois divisions
sul)ordormécsles unes aux autres. Ainsi,
d» Si l'un des deux membres d'une période ren-
ferme plusieurs propositions subdivisées en
parties suballeines, il faudra diviser ces parties
subalternes entre elles par une virgule, les pro-
positions intégrantes du nieini)re de la période
par un i)oinl et une virgule, et les deux parties
principales de la période par les deux punis.
rxemple : Si mus ne trouvez aucune manière
de gagner Iwnteuse, vous qui êtes d'un rang
pour lequel il n'y en a point d'honnête; si tous
les jours c'est quelque fourberie 7101/velie. quel-
que traité frauduleux, quelque tour de fripon,
quelque vol; si vous pillez et les alliés et le tré-
sor public; ni vous mendiez des testumenls qui
vous soient facorables, ou si même vous en fabri-
quez : dites-moi, sont-ce là des signes d'opulence
ou d'indigence? (D'Olivet, Pensées de Cicéron.)
2° Si, après une proposition (lui a par ell^
même un sens complet, et dont le tour ne donne
pas lieu à atlendie autre chose, on ajoute une
autre proposition qui serve d'explication ou
d extension à la première, il faut séparer l'une
de l'aulre par une ponctuation plus forte d'un
oGG
PON
decré q<ie celle qui aurait distingué les parties
Je'l'une ou tic l'autre.
Si les deux i)rn|)osi'. ions sont simples et sans
division, une vir^'ule est suflisanle cnlrc deux.
Exemple : Lu plupart des hommes s'exposent
asses dans la guerre pour sauver leurhouneur,
uiais peu se, veulent exposer autant qu'il est
nécessaire pnur faire réussir Je dessein pjur le-
quel ils s'exposent. (La lloclicfoucauld , 219'
maxime, p. 17(v)
Si l'une des deux, ou si toutes deux sont divi-
«<;es par deux virgules, soil pour les besoins de
l'organe, soit pour la distinction des nicinlires
dont elles sont composées comme période, il iaul
les distinguer l'une de l'autre par un point et
une virgule. Exemple : Unscius est vn si ex-
cellent acteur, quil paraît seul digne de mon-
ter sur le théâtre; mai-;, d'un autre coté, il est si
homme de bien, qu'il parait seuldiyne de n'y
monter jamais. (Uestaut, trad. dn dise, de Ci-
céron pour Boscius, ch. 2a.)
Enlin, si les divisions subalternes de l'une des
deux propositions ou de toutes deux exigent un
point et une virgule, il faut deux points entre les
deux.
Exemple : Si les beautés de l'élocution ura-
toire OH portique étaient palpables, qu on put les
toucher au dov/t et àVœil, comme on dit; rien ne
serait -si commun que l'éloquence, un médiocre
génie pourrait y atteindre : et quelquefois, faute
deles cnnnaîtrc assez, uiihimme né pour l'élo-
quence reste en chemin, ou s'égare dans la route.
(Le Batteux, Princ. de la littér., III* part., art.
3,§y)
3' Si une énumcralion est précédée d'une pro-
position détachée qui l'annonce, ou qui en
montre l'objet sous un aspect général, cette pro-
position doit être distinguée du détail par deux
jtoinls, et le détail doit être ponctué comme il a
été dit dansh quatrième règle du second article.
Exemples : Il y a dcms la nature de l'homme
deuxprincipes opposés :Va7nr!ur propre, quinnus
rappelle à nous ; et la bienveillance, qui nous
répand (D'iàcrol, £^pî Ire dédicatoire dul^èrc de
famille )
Il y n diverses sortes de curiosités : l'une
d'intérêt, qui nous porte ù désirer d'apprendre
ce qui nous peut être utile; et l'autre d'orgueil,
qui vient du désir de savoir ce que les autres
ignorent. (La Rochefoucauld, 173' maxime,
p. 173.)
4» Un détail de maximes relatives à \m point
capital, des sentences adaptées à une même lin.
Fi elles sont toutes construites à peu près de la
même manière, pouvcnt et doivent être distin-
guées p:ir les deux points. Chacune étant luie
pro|)osilion comi)ièle grammaticalement, ei même
indépendante îles antres quant au sens, du iiK)ins
jusqu'à un certain point, elles doivent être sé-
parées autant (ju'il est possible; mais comme
elles >ont iiourlant relatives à une même fin, à
un même point capital, il font les rapprocher, en
ne les distinguant pas par la plus forte des pono
tuations. C'est donc les deux points qu'il faut
employer.
Exemple : L'hexireuse conformation des orga-
nes s'annonce par un air de force : celle des
fluides, par un air de viracit-é : un air fin est
comme l'étinrrllc de l'esprit : un air doux pro-
met des égards flatteurs : un air noble marque
l'élévation des sentiments : un air tendre semble
être le garant d'un retour d'amitié. (Théor. des
sent., ch. Y.)
PON
a ' ^'esl un usage universel et fondé en raison
de mettre les deux points après qu'on a annonce
un discours dnccl ipie l'on va rap|jurter, soit
qu'on le cite comme ayant été dit ou écrit, soil
qu'on le propose connue pouvant être dit ou
par un autre ou par soi-même. Ce iliscours tient,
comme conq)lémcnt, à la proposition (pii l'a an-
noncé, et il y aurait une ^orte d'inconséquence
à l'en séparer par un point sinqjle, (pii marque
une indépendance entière; mais ilene-t ponrtanl
très-distingué, puisqu'il n'a|)partieut jms a celui
qui le rapporte, ou qu'il ne lui appariieut qu'liis-
toriqucmcnl, au lieu que l'annonce est actuelle ;
il est donc raisonnable de séparer le discours di-
rect de l'annonce par la ponctuation la plus forte
au-dessous du point, c'est-a-dire pin- les deux
points.
Exemples : Lorsque j'entendis les scènes du
paysan dans le Faux Généreux, je dis : a Voilà
gui plaira ci toute la terre et dans tous les
temps, voilà qui fera fondre en larmes. « (Di-
derot, De la poésie dramatique.)
La Mollesse en pleurant sur un bras se relère,
OuTre un œil languissanl, et il'une faible toit
Laisse tomber ces mots, qu'elle inlcrrompl vingt fois :
a 0 nuit, que m'as-lu dil? clc. >■
(BoiL., Lutr., II, 118.)
Il faut remar(|ucr que le discours direct que
l'on rapporte doit commencer par une lettre ca-
pitale, (quoiqu'on ne mette pas un point à la fin
de la phrase précédente. Si c'est un discours
feint, comme ceux des exemples précèdent.:;, on
a coutume de le distinguer par des guillemets :
si c'est un discours écrit que l'on cite, il est
assez ordinaire de le rapporter en un autre ca-
ractère d'imprimerie que le reste du discours.
IV. Du point. —Il y a trois sortes de points:
le point sim[)le, le point interrogalil', et le point
adiniratif ou cxclamatif.
1° Le point simple est sujet à l'influence de la
|)roposition,quL jusqu'ici, a paru régler l'usage
des autres signesde ponctuation. Ainsi, il doit être
mis après une i>ériode ou une proposition com-
posée, dans laquelle on a fait usage des deux
points en vertu de quelqu'une des régies précé-
dentes; mais on l'emploie encore après toutes
les propositions qui ont un sens absolument ter-
miné, telles, par exemple, que la conclusion d'un
raisonnement, quand elle est précédée de ses pré-
misses.
On peut encore remarquer ([uc le besoin de
prendre des repos un peu considérables, ctmbi-
né avec les différents degrés de relation qui se
trouvent entre les sens partiels d'un ensemble,
donneencore lieu d'employer le point. Par exem-
ple, un récit peut se diviser par le secours du
point, relaiiveincnl aux faits élémentaires qui en
font la matière.
En un mot, on met le point à la fin de toutes
les phrases qui ont un sens tout à fait indépen-
dant de ce qui suit, ou dn moins (jui n'ont de
liaison avec la suite que par la convenance de
la matière et l'analogie gcnérale des pensées di-
rigées vers une môme lin.
Les princijjes de proportion que l'on a appli-
qués ci-devant a>ix autres ponctuations, peuvent
aisément s'applii]uer à celle-ci, soit (ju'on veuille
juger si elle est employée avec intelligence dans
les' écrits qu'on a sous las yeux, soi! tju'il s'a-
gisse d'en faire usage et de l'employer à pro-
po<;; les phrases précédentes peuvent swvir
d'exemolc.
PON
2° Le point inlerrogatif se met à la fin de loulc
proposiliun qui interroge, soit qu'elle fasse par-
tie du discours où elle se trouve, suit qu'elle y
soit seulement rapportée comme prononcée di-
rectement par un autre.
Exemple où linlerrogalion fait partie du dis-
cours : En effet, s'ils sont i/ijitstcs et ambi-
tieux (les voisins d'un roi juste), que ne doivent-
ils pas craindre de cette u'putaiion universelle
de probité qui lui utiire l'admiration de toute la
terre, lu confiance Je ses (dliés, l'amour de ses
peuples et k'afjhciion de ses troupes? De quoi
n'est pas capable une armée prévenue de cette
opinion, et disciplinée sous les ordres d'un tel
joriHCP* (Colin, Disc, couronné à l'Acad. e/i'J705.)
Ces interrogations font partie du discours total.
Exemple où l'inlerrogalion est rapportée comme
prononcée directement par un autre : Le juge,
îuî adressant la parole, lui demanda : Qui êtes
vous?
S'il y a de suite plusieurs phrases inlerroga-
tlves tendantes à une môme lin, cl (jui soient
d'une étendue médiocre, en sorte ([u'clles con-
stituent ce qu'on appelle le style coupé, on ne
commence que la première par une lettre capi-
tale, et on les distingue par le point inlerrogatif,
qui n'indique pas une pause plus grande que les
deux points, que le point avec la virgule, que la
virgule même, selon l'éicndue des phrases et le
degré de liaison qu'elles ont entre elles.
Exemple : 3Iais pour qui sont ces app>-êts9
à qui ce magnifique séjour est-il destiné? pour
gui sont tous ces dunestiques et ce grand héritage?
(Pluche, Hist. du ciel, liv. III, § 2.)
Si la phrase interrogativc n'est pas directe, et
que la forme en soit rendue dépendante de la
conslitulion grammaticale de la proposition ex-
positive où elle est rapportée, on ne doit pas
mettre le point inlerrogatif. La ponctuation ap-
partient à la proposition principale, dans laquelle
celle-ci n'est qu'incidente : Alejitor demanda
ensuite à Idnmcnée quelle était la conduite de
Protésilas dans ce changement des affaires.
(Fénel., Télém., liv. xiii, t. Il, p. 89)
3" La véritable place du pninl exclauuitif est
après toules les phrases qui expriment In surprise,
la terreur, ou tpielqucaiUrc sentiment affectueux,
ccinme de tendresse, de pitié, etc. Exemples :
Que les sages sont en petit nombre! Qu'il est
rare d'en trouver! (Girard, t. II, p.4G7.) Oh! que
les rois sont (i plaindre! Oh ! que ceux qui les ser-
vent sont dignes de compassion! S'ils sont mé-
chants, combien font— ils souffrir les hommes, et
quels tourments leur sont préparés dans le noir
Tartare ! S'ils sont bons, quelles difficultés
n'o?it-ils pas à vaincre! quels pièges « éviter!
que de maux ii souffrir! (Fénel., Télém., liv.
Kiv, t. Il, p. dU7.) Sentiments d'admirati«n, de
pitié, d'horreur, etc.
J'ajouterai encore un exemple pris d'une
lettre de mailame de Sévigné, dans lequel on
verra l'usage des trois points tout à la fois : En
effet, dès qu'elle parut : Ah! mademoiselle !
comment .^c porte mon frère? Su pensée n'osa
aller plus loin. Madame, il se porte bien de sa
ilessure : et mon fils? On ne lui répondit rien.
Ah! mademoiselle ! mon fils! vion cher enfant!
répondez-moi, est-il mort sur-le-chatnp? n'a-t-il
pas eu un seul moment? Ah! mou Dieu! quel
sacrifice !
Nous finirons cet article, qui est un extrait du
Truite de ponctuation, par ce que dit Beauzéc,
après avoir exposé les règles qu'on vient de lire :
POR
S67
« Je me suis peut-ctie assez étendu sur la
ponctuation, dit-il, pour i)arailre prolixe à jjicn
ues lecteurs. Mais ce (pfcn ont écrit la plupart
des grammairiens m'a paru si superficiel, si peu
approfondi, si vague, ([ue j'ai cru devoir essayer
de poser du moins {pief|U"s principes généraux
•pii i)ussent servir de fondement a un art qui
n'est rien moins (lu'indifférent, et qui, comme
tout autre, a ses finesses. Je ne me llatle pas de
les avoir toutes saisies, et j'ai été contraint d'a-
bandonner bien des choses à la décision du goût;
mais j'ai osé [)rétendrc à l'éclairer. Si je me suis
fait illusion à moi-même, comme cela n'est que
trop facile, c'est un malheur; mais ce n'es!
qu'un malheur. Au reste, en faisant dépendre ia
])oncl\iation de la pn)portion des sens partiel*
combinée avec celle des repos nécessaires à l'or-
gane, j'ai posé le fondement naturel de tous les
systèmes imaginables de ponctuation; car rien
n'est plus aisé que d'en imaginer d'autres que
celui (|ue nous avons adopté; on pourrait ima-
giner plus de caractères et plus de degrés dans la
subordination des sens partiels, et peut-élre l'ex-
pression écrite y gagnerait-elle plus de net-
teté, fl
Ponctuel, Ponctuet.t.e. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Un homme ponctuel.
Ponctuellement. Adv. On peut le mettre quel-
quefois entre l'auxiliaire et le participe : // s'est
acquitté ponctuellement de cette commission,
OU il s'est ponctuellement acquitté de celle com-
?nissiofi.
Ponctuer. V. a. delà l'* conj. C'est observer,
en écrivant, les règles de la ponctuation. "N'oyez
Ponctuation.
PoxTiFicAL, Pontificale. Adj. qui ne se me\
qu'après son subst. : Dignité pontifîeale, orne-
ments pontificaux.
PoNTiFicALEHF.NT. Adv. 11 nc sc mct qu'après
le verbe : Il a officié pontificalement, et non pas,
il a pontificalement officié.
PoNT-NEUF. Subst. m. L'Académie écrit des
Ponts-neufs, mais la pluralité doit tomber sur
le mot chanson, qui est S'uis entendu. On doit
donc écrire des pont-neuf. A''oyez Composé.
Populaire. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst.: Emeute populaire, erreur
populaire. — Gouvernement populaire, état po-
pulaire. — Maladies populaires. — Un homme
populaire. — U71C vérité populaire.
PopuLMT.EMENT. Adv. Il nc SC mcl qu'après 1p
verbe : Il a parlé populairement, et non pas, il
a populairement parlé.
Populeux, Populeuse. Adj. On peut le meltrr
avant son .subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Jîég ion populeuse, cette populeuse région.
Voyez Adjectif.
Poreux, Poreuse. Adj. qui ne sc met qu'après
son subst. : Corps poreux.
Portant, Portante. Adj. verbal qui est em-
ployé abusivement par quelques personnes
qui disent : Je suis bien portant, il est mal
portant, elle est bien portante ; au lieu de je me
porte bie?i, elle se porte mal, il se porte bien.
Portatif, Portative. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Un livre portatif.
Porter. Y. n. de la 1''' conj. L'Académie n'in-
dique point l'emploi figuré (pic les poètes f«nt
de ce mot. En voici quehpies exemples :
Mïlioraet, je suis père et je porte un cœur tendre.
(Volt., Hahom., acl. II, te. T, 126. J
868
POS
Le soldat à son gré «ur ce fancste mur,
CombatUnl de plus près, porte un tiépis plus sûr.
(Volt., Henr., VI, 245.1
Et moi, jusqu'en son camp j'ai porte le carnage.
(Volt., Mahom,, tel. I, ac. i, 41.)
Ah! j'ai porté la mort dans le sein d'Orosmane.
(Volt., Zaïre, ad. IV, se. i, 1*.)
On porte jusqu'aux cieui leur justice suprême.
(Volt., OEd., act. I, se. m, 27.)
Vous toutes qui porte» le sacré nom de mère.
(Delil., Énéid., VII, 549.)
On dit porter enxde. Selon Bouhours, celte
façon de parler diffère A'ciivier, en ce qvie ce
dernier ne se dit que des choses, et ijuc porter
envie ne se dii que des personnes. On envie le
\niihcur de quelqu'un. Cl on porte envie à quel-
qu'un. Cependant l'Académie dit tout le monde
V envie.
Pomi-.-AiGuiLLE. Subst. m. Tnslrumenl dont les
i:hlrurgicns se servent pour donner plus de lon-
gueur aux aiguilles, et pour les tenir d'une ma-
nière plus stable. On dit nu pluriel, des porte-
aiguille sans .s, parce que la pluralité tombe sur
le mol sous-entendu instrument , et non sur
porte, qui est un verbe, ni sur aiguille, qui n'est
pas la chose dont on veut exprimer la quo-
tité.
On peut appliquer cette observation kporte-
arquch\i.'!e, * porte-ussiette, *porle-aune, porte-
buguetU', * porte-balance, porte-Dieu, porte-dra-
peau, porte-enseigne ;porte-('pée, porte-étendard,
porte-Mousqueton, porte-pierre, porte-tapisserie,
porte-vent , porte-verge , etc. — L'Académie ne
doimc point le signe du pluriel à ceux de ces
mots qucllcadmet, ni aux aulresdu môme genre ;
mais elle écrit au singulier comme au pluriel,
porte-clefs, porte-montres (armoire d'horloger),
porte-mouchettes ; de plus elle admet comme
substantifs pluriels des porte-barres, des porte-
étriers, des porte-étrivières ; enfin elle écrit en
un mol simple porteballe, portechape , porte-
choux, portecollet, porteciayon, portefeuille,
portemanteau. Ces derniers noms suivent par
conséquent la règle de furuiation du i>luriel à
laquelle sont soumis les substantifs simples.
Por.TRAir.E. V. a. de la 4° conj. Voltaire dit
dans ses Remarques sur l'épîtrc dédicatoire de
Médce, que c'est un mot nécessaire que nous
avons abandonné.
Portrait. Subst. m. Terme de littérature.
Peinture ou description, en prose ou en vers,
des qualités bonnes ou mauvaises d'une per-
sonne. Portraits, ou caractères, en littérature,
se prennent souvent l'un pour l'autre. Voyez
Narration.
PoRTRAiTcr.E. Subst. f. C'csl, dit Voltaire, un
mot suranné, et c'est dommage; il est nécessaire.
Portraiture signifie l'art de faire ressembler;
on emploie aujourd'hui portrait pour exprimer
l'art et la chose. (Remarques sur l'épître dédi-
catoire de Médée.)
Poser. V. a. de la 1'' conj. L'Académie dit
poicr les armes, pour mettrebas les armes, faire
la paix. Racine a dit poser le fer {Athalie,
act. IV, se. m, 67) :
Oui, nous jurons ici
Ue ne poser le fer entre nos mains remis.
POS
Positif, Positive. Adj. Il ne se dit que des
choses. Maintenant on l'emploie quelquefois en
parlant des persoiuies : C'est un homme positif.
Dans ce sens il se dit de celui dont les idées sont
positives. — Une se met qu'après son subst.: Un
fait positif, une chose pisilire. — Quantités
positives, droit pnsitif. — Toénligie positive.
Positif, positive, est aussi un terme de gram-
maire. Dans l'usage ordinaire, il est opposé à
l'adjectif négatif. Égal est un terme positif,
inégal est un terme négatif.
Les grammairiens le prcMiienl encore dans un
autre sens, qui diffère du sens primitif que l'on
vient devoir, en ce qu'il exclut l'idée de com-
paraison, d'augmentation et de diminution ac-
tuelle. Dans celle nouvelle acception, le mot
positif est opposé à comparatif et superlatif
C'est donc ainsi qu'il faut entendre ce que l'on
dit en grammaire de certains adjectifs cl de cer-
tains ndveibcs, qu'ils sont susce|)iibles de diffé-
rents degrés de com[)ariiison, savoir : le positif,
le comparatif ci le superlatif.
Le degré posilif, (juc d'ordinaire on nomme
simplement le positif, est la signification primi-
tive et fondamenlale de l'adjertif ou de l'ad-
verbe, sans aucun rapport au plus ou au moins
dont elle est susceptible ; comme quand on dit
lin bon livre, des meubles magnifiques, un pro-
fond silence, les hommes courageux ; écrire
bien, méditer profondément, meubler magnifique-
ment, combattre courageusement. Voyez Degrés
de comparaison. Comparatif.
Positivement. Adv. On peut le mettre entra
l'auxiliaire et le participe : Il a répondu positi-
vement cela , ou il a positivement répondu
cela.
Posséder. V. a. de la 1" conj. L'Académie
ne donne point d'exemple qui réponde à l'accep-
tion de ce mot dans les vers suivants :
Mais de ce souvenir mon âme potséâic,
A deux fois en dormant revu la même idoe.
(Rac, Ath.. act. II, se. V, 60.)
Ne possédez-voua pas son oreille et son ccEur?
(Rac, Esth., ad. IV, se. ii, 8.)
Corneille a dit dans Rodogvne (act. II, se. n,
23):
Cependant je possède, et leur droit incertain
lie laisse avec leur sort leur sceptre dans la main.
./e possède, dit A'"ollaire. demande un régime;
jouir est neutre quelquefois ; posséder ne l'est
jias: cependant je crois que celle hardiesse est
très-permise, et fait un bel effet.
Je trouve quelque chose à redresser dans cette
remarque de Voltaire : c'est que le verbe pos-
séder ne demande pas toujours un régime. On
dit absolumcnl Je possède, comme on d\l j'aime,
comme on &\l je jouis.
Possessif, I'ossf.ssivf,. Adj Terme de gram-
maire. Il ne se met qu'après son subst. Voyeî
Adjectif.
Possible. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst. : Une chose possible, les
êtres possibles.
Postérieur, Postériedre. Adj. Il se dit ab-
solument, ou il est suivi de la préposition à, et
ne se met qu'après son subst. : I)roit postérieur,
date postérieure ; son droit est postérieur à
celui de votre frère.
Postérieurement. Adv. Cet adverbe, exigeant
POU
«n régime, ne peut cire mis entre l'auxiliaire et
le parlici[>e : Cet acte a tté fuit postérieurement
à celui dont rous parlez.
Posthume. Adj. des deux genres, qui ne se met
qu'après son subst. : Enfautpnsthume. OEuvves
posthumes.Yév:inà, qui n'a pas trouvé dans le
Dictionnaire de l'Acadéniic adoption posthume,
blâme d'Alembert d'avoir dit que l'adoption de
Molière faite par l'Aradcmio était une adoption
posthume. D'Alcmheit a voulu diie, une adoption
faite après la mon do cet auteur; et le mol pos-
thume rend parfaitement bien celle idée. Fonte-
nelle a dit de mcuie de Descaries, qu'ii n'a reçu
que des honneurs posthumes, c'est-à-dire qu'il
n'a reçu des honneurs qu'après sa mort.
Postiche. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Ornements postiches. —
Dents postiches, cheveux postiches .
PosT-scRiPTCM. Subst. m. Comme la pronon-
ciation de ce mot est dure, on supprime le < , cl
l'on prononce 7)o.s-scrijB/Mw,* mais il faut laisser
le l dans l'écriture.
Posture. Subst, f. Corneille a dit dans Fié ra-
dius (act. IV, se. VI, 24) ;
Vous voyez la posture où j'y suis aujourd'hui.
Le mot de posture, dit Voltaire à l'occasion de
ce vers, n'est pas assez noble.
Pot. Subst. m. l.et Gnal ne se prononce que
aevant une voyelle : Un pot d l'eau. Ce mot est
banni du style noble.
On appelle pot-au-feu la viande que l'on met
dans le pot pour faire du bouillon et du bouilli :
Un bon pot-au-feu. Dans cette acception, pot
ne prend point de s au pluriel : Deux pot-au-
feu.
Potable. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Fin potable, liqueur po-
table.
Potelé, PoTr.i,ÉE. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Enfant potelé, bras potelés.
Poudre. Subst. f. Ce mo'., pris dans le sens
de poussière, ne se dit guère qu'en vers. Il ne
faut pas dire, comme l'Académie, il y a beau-
coup de poudre à la campagne, mais il y a beau-
coup de poiissière; il serait nécessaire qu'il plût
pour abattre la poudre, mais il serait nécessaire
qu'il plût poTir abattre la poussière ; lu poudre
vole, mais la poussière rôle; on ne se roit
point à cause de la poudre, mais ù cause de la
po\issière; U7i tourbillon de poudre, mais un
tourbillon de poussière, etc.
11 en est autrement en vers, où poudre est fré-
•luemment employé i>out poussièn:.
Chacun volt en tremblant ce corps défiguré,
Ce front souillé de sang, cette bouche entr'ouTerle,
Celle lêle penchée et de poudre couverte.
(Volt., Henr., X, 168.)
Tels, des antresjdu Nord échappés sur la terre.
Précédés parles vents et suivis du tonnerre.
D'un tourbillon de poudre obscurcissant les airs.
Les orages fougueux parcourent l'univers.
(Idem, VI, U7.)
Ce que le fer atteint, tombe réduit en poudre.
[Idem, VI, 191.)
Après ce jour de Fonlcnoi,
Où couvert de sang et de poudre, etc.
(Volt., Épttre, LXYIH, 47.)
Voyez Poussière.
POU
SC9
.ODDRF.t'x, Poudreuse. Adj. qui ne se mot
qu après son subst. Il signifie couvert dépous-
sière, comme on dit en piose; ou couvert de
poudre, comme on dit en vers : Un habit pou-
dreux, un char poudreux , des chevaux pott-
dreus.
Fouilles. Subst. f. qui n'a point de singulier:
Il lui a chanté pouilles, il lui a dit mille pouil-
les ; il lui a dit toutes les pouilles imaginables.
— 'N'ollaire a dit, écrire des pouilles : Un peu de
maladie m'a privé de la consolatùm de vous
écrire des pouilles. {Correspondance .) On mouille
les deux l.
PorrLLK, POUILLER, PoUILLEUX, PùULAILLEl
Dans ces quatre mots on mouille les l.
Poils. Subst. m. On ne prononce point le l.
Le s se prononce devant une voyelle.
Pour. Préposition. Pour ne doit régir l'infini-
tif que lorsque cet inliniiif se rapporte au sujet
du verbe précédent ; autreinenl il faut se servir
de que avec le sutij^nctif : // a été chassé pour
avoir trop parlé ; il est malade pour avoir trop
mangé ; je vous écris [)0ur7i/e vous veniez à
won secours. Racine a péciié contre celte règle
quand il a dit [Alex., act. IV, se. ii, 75) :
Qu'ai-je fait pour venir accabler en ces lieux...
Il y a dans cette phrase une équivoque sensible.
On croit que ces mois, pour venir, regardent la
personne qui dit, qu'ai-je fait? et dans la pensée
de l'auteur, ils regardent une autre personne.
Qu'ai-j'e fait, dit Axiane,/>owr que vous veniez,
vous Alexandre, accabler, etc. Racine le lils dit
sur cette remarque, qui est de l'abbé d'Olivet,
que pour venir est une ellipse, et qu'on doit
approuver en vers tout ce qui contribue à la vi
vaciié, sans nuire à la clarté — Oui, mais ici
l'expression nuit à la clarté, puisqu'il y a équi-
voque.
Le Créateur se fait sentir à l'intelliqence
humaine, pour lui rendre hommage. (Millot.) Il
semble ici que c'est le Créateur qui veuille ren-
dre hommage à sa créature. Il fallait dire, pour
qu'elle lui rende hommage.
Quand pour régit l'infinitif, il ne doit pas en
être trop si'paré. On sent cette faute dans ce vers
de CoiueiUe [D. Sancke, act. I, se. m, 125) :
Mais pour en quelque .<;orle obéir à vos loi».
Vaugelas était d'avis qu'on ne répétât pas les
prépositions devant les mots synonymes , ou
d'une signification à peu prés semblable, et que
l'on dit, par exemple, pour le bien et l'honneur
de son maître. Hors de la, il voulait (pic la pré-
position fût répétée devant clia(|ue complément,
et que l'on dit, pour le bien et pour le vial de
son maître. L'Académie prétend au conti'aire
qu'on doit toujours répéter la préposition, même
quand les compléments ont une signification
presque semblable. On peut donc dire (|u'll est
plus correct de répéter les prépositions devant
chaque complément, et (ju'il n'y a que des rai-
sons d'euphonie qui puissent, dans certains cas,
en autoriser la sui)pression.
Si la phrase renferme une comparaison, la ré-
pétition de la préposition est indispensable. On
ne peut donc pas dire, il n'y a point _ de cnpi'
tnine parmi les Romains pour qui j'aie plus
d'estime que César. Il faut nécessairement dire,
que pour César. — Il faut dire de même. Dieu
souffre qu'il y ait des malheureux pour pxercer
570
POU
!our patience, et pour donner lieu aux riches
Je pratiquer la libéralité.
Pour se disait aulrefuis au lieu de quel-
qUS.
Pour grands que soient les r.'li, ils sont ce que nous sommes.
(Cork., Cid, acl. I, se. iv, 7; Éd. de Volt.)
Celle phrase, dil Yollaitc, a vieilli; on dirait
aujourd'hui, Tout grands que soient les rois,
quelque arands que soient les rois. {Rcuiarques
sur Corneille.)
Pour que exige (juc le verbe de la proiwsilion
SubordcMUiée soil au subjonctif : Fous viares
rendu tnp de services Jiour que je puisse ja-
mais douter de vntre aiuitié.
PouRpr.E. Siibst. 11 esl masculin quand il si-
gnifie une couleur : Un drap d'un beau pnurpi-e ;
et quand il signifie la maladie a laquelle on
donne ce nom. — 11 esl féminin quand il se dii
de la couleur que les anciens liraient d'un co-
quillage; et au figuré, de la dignilé royale : La
pourpre de Tyr, la pourpre royale.
Tous deux sont revêtus de la pourpre romaine.
(Volt., Uenr., TU, 350.)
PounQuor. Conjonction. Il sert ordinairement
à demander la raison d'une chose : Pourquoi
étes-rous 7-enu si tard? — On s'en sert aussi,
dans cerlaines occasions, pour confirmer ou pour
justifier ce (ju'on avait dit auiiaravant, et alors
il esl ordinairemcnl précédé de la préposition
aussi: Aussi pourq\ioi se mclc-i-il de ce qui ne
le regarde pas? — On l'emploie aussi sans inter-
rogation avec des verbes qui marquent connais-
sance ou isînorance, et il régit l'indicatif, même
lorsijue la phrase est négative : Je sais pourquoi
il est puni, j'ignore jujurquoi il est venu; je
ne sais pas pourquoi il me boude. — Si la néga-
tive se trouve a\irès pourquoi, elle doit toujours
être complétée \)nr pas. On ne dit [as, potirqwi
ne vieui-il? il faut dire, pourquoi ne viciU-il
pas? — (^)uclquefois pourquoi G^^i suivi de l'in-
finitif, au lieu de l'indicatif: Pourquoi être venu
si lard? — Quelquefois aussi il e>t suivi d'un
nom sans verbe : Pourquoi ce mystère? pour-
quoi tant de bruit? alors il y a ellipse. — Vol-
taire dil dans ses Remarques sur Corneille, Vous
ne trouverez jamais dans le style noble, il m'a
dit pourquoi, je sais pourquoi.
Pourquoi se change quelquefois en que au
commencement d'une phrase, et alors on sup-
prime 750.9; Que n'avez-vous dit cela plus tôt?
PocRsuivRE. V. a. de la 4' conj. Voici iiuel-
3ues enq)lois de ce luot qu'on ne trouve point
ans le Diclionnaire de l'Académie :
Il veut Toler à Troie, et pounuivre sa roule.
(Rac, Iphig., act. I, se. m, 2.)
L'Académie ne dit (\\ie poursuivre son chemin.
Il pourtuit seulement eei amourfux projeti.
(Rac, ÀndroïK., acl. V, se 11, 23.)
Des en«erais cruels ont poursuivi mes jours.
(Volt., Oreate, act. III, se. yi, 20.)
A ces mots je m'éloigne, en retournant les yeux
Vers ces murs fraternels, cette terre chérie,
F.l Tais sur l'onde encor pour«u>iTe une patrie.
^DatiL., Énéid., III, 674.)
PoDRTi.NT. Adv. On ne le met point au com-
OU
mencement d'une pi.rase; on le place immédiate-
ment après le verbe dans les temps simples, ou
entre l'auxiliaire et le participe dans les temps
coinpo>és : Je voudrais pourtant vous parler ;
quoiqu'il S'it habile, il a pourtant fait une
grande faute.
Pour.voiii. V. n. et irrég. de la 3' conj. Il se
conjugue comme voir, excepié au.t temps sui-
vants.
Passé simple. Je pourvus; futur, je pourvoi-
rai; conditionnel, jc pourvoirais; imparfait du
subji nctif, que je pourvusse, elc.
Pourvu. Adv. qui est toujours suivi médiate-
ment ou immédiatement de que, et qui régii le
subjonctif : Pourvu que vous y veniez.
PoDssER. V. a. delà 1" conj. Voici quelques
exemples de l'emploi de ce mot en vers :
Les Juifs partout de joie en poussèrent des cris.
(Rac, Eslh., act. V, se. i, 67.)
Et de mes froids soupirs ses regards offensés
Verraient trop que mon cœur ne les a point poussé».
(Rac, Baj., act. II, se v, 83.)
Et que cliacun enfin, d'un même esprit pou«<e.
Garde en mourant le poste où je l'aurai placé.
(Uac, .ith., act. IV, se. V, 30.)
Peut-être animé aurait-il été mieux placé
Honteux d'avoir pousse tant de vœux ^uperQus.
(Rac, Androm., act. I, se. 1, 55.)
On dit bien pousser des soupirs, mais non pas
pousser des vœux.
Et le peuple accablé poussant de vains soupirs,
Gémissait de leor luxe et payait leurs plaisirs.
(Volt., Benr., III, 6t.
Je vais tenter mon sort,
Et pousser la vertu jusqu'au dernier effort;
Je veux voir.! quel point mie femme hardi»
Pourra de son coté pousser la per&die.
(Volt., Zaïre, act. IV, se. T, 62.)
Poussière. Subst. f. Ce mot se dit en poésie
de même qyicpoudre, qui signifie la luéme chose.
Son casque auprès de lui roule sur lapoussi^r^.
(Volt., Hcnr., VIII, 258 )
Là le fils de Thétis, sous les murs d'Ilion,
Avait traîné trois fois Hector dans la pou»«i»re.
(Dblil., Énéid., l, 660.)
Et figurément :
Sixte au trône élevé du sein de la pousiiVr;.
(Volt., Henr., Ht, 4Ù3.)
Voyez Poudre.
Pouvoir. V. a. irrégulier et défectueux de la
3* conj. Voici comment il se conjugue
Indicatif. — Présent. Jc puis ou je peux, tu
I peux, il i)eut; nous pouvons, vous pouvez, ils
peuvent. — Imparfait. Je pouvais, tu pouvais,
il pouvait; nous pouvions, vous pouviez, ils
pouvaient. — Passé si?uple. Je pus, tu pus, il
put; nous piunes, vous pûtes, ils purent. —
/w/ï/r. Je pourrai, tu pourras, il pourra ; nous
pourrons, vous [wurrez, ils pourront.
Conditionnel. Ae'.se/;/. Je pourrais, tu pourrais,
il pourrait; nous pourrions, vous potu-riez ils
pourraient. — Point d'impératif.
FRE
Subjonctif. Présent. Que jo puisse, que lu
puisses, tiii'il puisse; ([ue nous puissions, (pie
vous puissiez, qu'ils i>uisseiit. — ImTpaifait.
Que je pusse, «jue lu pusses, (ju'il pùl; que
nous Plissions, que vous pus^icz, qu'ils pussent.
Parlii'ipe. — Présent, l'uuvant. — Passé.
Pu ; pûiit lie féminin.
11 prend l'auxiliaire «roir dans ses temps com-
poses.
Quoiqu'on nieiio deux »• au futur et au présent
du condiliunnci, on n'en prononce qu'un.
Je peu.v se dit quel(iuefois en vers, et dans la
convei-sation; mais j<?/)i/ti est préféré. On ne dit
pas peux-je, mais puis-je.
Par quel page éclaUnt et digne d'un grand roi,
Puis-je récompenser le mérite et la foi?
(RiC, Esth., ad. III, se. v, 10.)
L'univers m'embarraîsc, et je ne puis son^rer
Que celfe liorloje existe et n'ait point d'hoiioger.
(Volt., les Cabales, 111.)
Enfin, c'est mon plaisir, je veux me satisfaire ;
Je ne puis bien parler, et ne saurais me taire.
iBoiL., Sat. VII, 89.)
On (\'\lje ne puis, et je ne puis pas. Dans le
premier exemple la négative est moins forte. Je
ne puis suppose des embarras, des difficultés,
des inconvénients; je ne puis pas, exprime une
impossibilité absolue.
On dit familièrement, il se pourra faire que,
il se pourrait faire que, pour dire, il pourra, il
pourrait arriver que.
Praticable. Adj. des deux genres. Une se met
qu'après son subst. : Moyen praticable, chemin
praticable. On l'emploie le plus souvent avec la
négative : Ce chemin n'est pas praticable, ces
moyens ne s-,nt pas yraiicahles; mais or/ dit.
ce moyen est priilicublc, il a employé tous les
moyens praticables. Des chemins ne scrnt pas
praticalles, lorsqu'il est impossible d'y passer,
soit à pied, soit à cheval, soit en voilure. Un
gué, un marais ([ui n'est pas ])raticable. On dit
aussi qw^une chose est ou w'est pus praticable.
PB.iTiQci;. Subst. f. On peut l'employer dans
le style noble, dans le sens de menées, d'intelli-
gences secrètes :
J'ai déconrert au roi les sanglantes pratiques
Que formaient contre lui deux ingrats domestiques.
(Eac, Esth., ad. I, se. i, 99.)
PRATiQrE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Instruction pratique, mo-
rale pratique, vertu pratique.
Pratiquement. Adv. L'Académie de 1798 Ta
mis dans son Dictionnaire et celle de J835ra con-
servé, mais nous ne croyons pas qu'il soit usité.
Préalable. Adj. des deux genres. Il no se met
qu'après son subst. : Question préalable, con-
dition préalable.
Préalablemekt. Adv. On peut le mettre quel-
quefois entre l'auxiliaire et Pî participe: Il faut
préalablement; il a préalablement fallu ou il a
fallu préalablement.
Précaire. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Autorité précaire, pouvoir
précaire, possession précaire.
Précairement. Adv. Il se met après le verbe :
// en jouit précairement., il en a joui précai-
rement.
Précédemment. Adv On peut le mettre entre
PRE
874
l'auiiliaire et le participe : Nous avons dit pré-
cédemment, nous aviins précéii<;viment expliqué
les causes de ce phénomène.
Précédent, Précéde:ste. Adj. On peut le mettre
avant son subst. lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Le jour précédent, le règne
précédent. Les précédentes assemblées ont décidé
que. A' oyez Adjectif.
Préceptoral, Préceptorale. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Ton préceptcral, pra-
vité préceplorale. L'Académie, Ticvoux, Fér.iud,
Wailly, Gattel, etc., ne donnent point de mas-
culin pluriel à cet adjectif; nous pensons cepen-
dant qu'on pourrait fort bien dire des conseih
préceptoraux.
* Préceptoriser. y. a. de la 1" conj. Donner
des leçons à la manière d'un précepteur. Mol
nouveau employé par Diderot : Si la vérité blesse
si fréquemment, dil-il, c'est un peu la faute de
celui qui la dit: ou c'est un orgueilleux qui nous
humilie, ou un ignorant qui nous précepturise,
ou un grossier personnage qui 7i"!/.v insulte
Prèchedr. Subst. m. il se dit par dénigrement
d'un mauvais prédicateur, et d'un homme qui ne
cesse de faire des remontrances à tort et à tra-
vers : Les prêcheurs de inorale, dans les livres
et ailleurs, dit Diderot, ressemblent assez aux
marchands de tisane, qui la vendent bonne,
excellente, bienfaisante, maii- qui en boivent
fort peu pour leur compte.
Au féminin on dit prêcheuse.
Pr,ÉciEDSE.MENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: On a conserré pré-
cieusement cette tradition, ou on a précieusement
conservé cette trnditicn.
Préciedx, Préciedse. Adj. On le met avant son
subst. , en consultant l'oreille et l'analogie :
Pierre précieuse, des meubles précieux. — Des
mornents précieux, de précieux moments ; un
avantage précieux, un précieu.v avantage. Ta-
chons de conserver ses jours précieux, ou ses
précieux joxirs. — On dit Je précieux corps, It
précieux sang de Jésus-Christ ; une relique
précieuse, une précieuse relique. Il régit quel-
ipiefoisla préposition à, ou la préposition po(/r .■
Ce souvenir est précieux à 7)ion père. C'est
un avantage précieux pour 7noi. Voyez Ad-
jectif.
Précipitamme:»t. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est avancé pré-
cipitamment,ou il s'est précipitamment avancé.
Précipiter. V. a. de la 1'^' conj. ! es poètes
remi)loient assea souvent, et quelquefois dans
des acceptions que n'indique pas l'Académie :
Que du trono, où le sans l'a dû faire monter,
Britannicus par moi s'est vti précipiter,
(Rac, Brîtan., act. I, sc.l, 61.)
Vous trahissez enGn vos enfants raallieureux.
Que TOUS précipitez sous un joug rigoureux.
(Rac, Phèd., ad. I, se. ib, 47.)
Guise, tranquille et fier au milieu de l'orage.
Précipitait du peuple ou n-tcnait tarage.
(Voi-T., Henr., III, 251.)
Je l'ai TU courir seul et se pTécpiter.
(Voit., Taner., ad. V, se. i, 33.)
Précis, Précise. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Temps précis, jour précis, à l'heure
précise ; — demandes précises, mesures précises.
Voyez Précision.
572
PRÉ
^nÉc^SKME^T. Adv. On peut le mettre entre
raiixiliairo el le participe : Il a rencontré pré-
eisiinent ce qu'il cherchait, OU i7 a précisément
rencontre ce qu'il cherchait.
Pr.KcisioN. Subst. f. Terme de grammaire. C'est
une brièveté convenable en parlant ou en écri-
vant, el qui consiste à ne rien dire de snpordu
et à no rien oniellre do nécessaire. La précision
a deux opposés, savoir : la prolixité, qui dé;:énore
en une abondance de paroles vagues; et l'ex-
trême concision, qui fait qu'on tombe dans l'ob-
scurité. — Il y a de la différence entre justesse
el prt'cisinn. La justesse empécbe de donner
dans le faux; cl la précision écarte l'inulile. Le
discours précis est une marque ordinaire de la
justessi' de l'esprit. (Girard.)
La fu-écision est sans contredit une des qua-
lités les plus essentielles du discours. Elle dit
beaucoup on peu de mots, el elle atteint de la
manicro la |)his pai faite au but du discours. — Il
faut distinguer la précision des pensées de la
précision des expressions. L'une vient de la
richesse de l'imagination, et l'autre d'une sage
économie dans les termes et dans la façon de
s'exprimer. Celle-ci est la (>lus difficile à obtenir.
Il ne faut pas peu d'art pour exprimer un nombre
de pensées donné par le plus petit nombre de
mots, sans autre expédient que de rejeter tout
ce qui est superflu. On ne peut parvenir à cette
précision i]u'en examinant à loisir un plan d'idées
fort étendu. Lorsque l'on a rassemblé tout ce qui
appartient au sujet, il faut, pour être aussi
précis qu'il est possible, travailler sur chaque
idée en particulier, et la renfermer dans le moins
de mots qu'elle le permet. La précision est sur-
tout nécessaire dans les endroits où ronmulli[)lie
les images qui doivent promptement produire
l'effet qu'on se propose; car plus elles sont ser-
rées, plus elles opèrent.
PnÉcocE. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oieille
et l'analogie : Fruit précoce, arbre précoce. —
Un esprit précoce.
De Tolre cœur l'inconstance est précoce.
(Volt., Enf. prod., ac. IV, se. iv, 28.)
Instruisez au combat son précoce courage.
(Dei.il., Énéid., Vlir, 733.)
Voye?. Adjectif.
PnÉcoMPTEn. V. a. de la 1"= conj. Le second p
ne se prononce pas. Préconter.
Pr.ÉniKE. V. a. cl irrégulier de la i"^ conj. Il se
conjugue comme dire, excepté à la seconde per-
sonne du i)réscnt de l'indicatif, où l'on dit vous
prédisez au lieu de vous prédites On dit aussi
prédises à l'impératif.
Pl'.KIiOMlNANT, rRKDOMINANTE. Adj. VCrbal tilé
du V. prédominer. II ne se met (ju'après son
subst. : f^ice prédominant , humeur pn'dnwi-
vnnle, passion prédominante, vertu prédomi-
n'inlc.
Pr.i';ÉMiNENT, Préémiseste. Adj. qui ne se met
.;;i'aprcs son subst. : f^ertu prééminente, dignité
nrééminenie. La charité est la vertu préémi-
! rnte.
PRÉFÉRABt.E. Adj. dcsdcux gcurcs. Il ne se met
qu'après son subst. : Lu vertu est préférable à
liius les avtres biens.
Préfkrablkmf.nt. Adv. Comme il est toujours
«uivi de la préjiosiiion à, on ne peut le mettre
qu'après le verbe : Il a aimé cette fille préfé-
PRÉ
rablement à tous ses autres enfants. Il faut
aimer Dieu préférablement à tout.
PKÉFÉr.ER. V. a. delà i" conj Doit-on dire,
il préfère mourir, sans préposition; ou, avec
la préposition de, il préfère de mourir* Féraud
est pour le second, et il se fonde sur ces deux
phrases de Buffon : On préfère û'élerer des ai-
g'es viûlcs pour la chasse, et il préfère de pé-
rir avec eux plutôt que de les ahandimner.
Pour décider cette question, il faut observer
que l'infinitif d'un verbe peut être considéré ou
comme un verbe, ou simplnment comme un nom,
abstraction faite de toutes les propriétés qui le
rangent d;insla classe des verbes. Ti\\\\^ je préfère
mourir, vmvrir est présenté comme un pur nom,
parce qu'il n'est point ai-compagne d'accessoires
qui rappellent sa nature de verbe; c'est comme
si l'on (lisait, je préfère la mort. Mais quand on
dit, je préfère de rnnurir arec vous, mourir
n'est pas présenté connue un pur nom, parce que
les mois arec vous, dont il est accompagné, le
ramènent a la nature du verbe. Dans ce dernier
cas, il faut employer la préposition </? ; dans le
premier, il faut la 'supprimer. Les deux exemples
de Buffon ne prouvent donc rien en faveur de
l'opinion de Féiaud Dansb' premier, oh /^je/'ère
d'élever des aigles mâles pour la chasse; ces
mois, des aigles viâles pour la chasse, qui sont
le complément du verbe ékrer, indi(iuent que
cet infinitif est pris dans le sens d'un verbe, et
non absolument dans le sens d'un nom. Il fallait
donc metlie de. Dans le second, je préfère de
périr avec eux, avec eux rappelle aussi l'infinitif
périr à la nature du verbe, et empêche qu'on ne
puisse le considérer comme un nom ; il fallait
donc aussi employer la préposition. Il faut donc
dire, je préfère mourir plutôt que de vivre dans
^ignominie, et je préfère de mourir avec vous,
plutôt que de vous trahir ; je préfère périr plutôt
que de m'avouer coupable, Cl je pré f ère de périr
dans les tourments , plutôt que de m'avouer
coupable. — S'il est simplement question de
manger, on dira, je préfère manger; mais s'il
s'agit de décider entre deux sortes de mets, et
que le verbe manger so\\. présenté avec un régime,
il faudra dire, je préfère de manger du poulet,
et non pas, je préfère manger du poulet, sans
préposition. — Fn un mol, toutes les fois que
l'infinitif est présenté conune un nom pur, il est
complément direct du verbe, comme tout autre
nom. On ne dit pas je préfère de la mort; on ne
doit pas dire davantage je préfère de mourir,
quand mourir est un nom comme la mort en
est un.
Préfix, Préfixe. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Jour préfix, terme préfix, somme
préfixe.
l'RÉjnDiciAniE. Adj. des deux genres. Il est
toujours suivi de la préposition à, et ne pcMt être
placé avant son subst. : Chose préjudiciable à la
santé, à l'honneur.
Préjcgfr. V. a. de la 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme un j ; et
pour lui conserver cette prononciation, lorsqu'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avanl cet a ou cet o : Je préjugeai, préjugeons;
et non pas, je préjugai, préjvgons.
Préliminaire. Adj. des deux genres. Il suit
toujours son subst. : Discours préliminaire ,
question préliminaire. — Articles prélimi-
naires.
Préuminairement. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Il a exigé pré-
PRE
Uminaireineiit que..., ou il a préliminairement
exigé que...
Pf.ÉMATur.K, PRÉMATonKE. Adj. 11 nc se met
iju'apics son subsl. : FruU prémuluré. — Esprit
prématuré, sagesse prématurée. — Entreprise
prématurée , démarche prématurée.
PnÉMAïuniiMEiNT. Adv. Il uc se inel qu'après le
verbe: f^ous avez fait préinalurétnent toulesces
démarches, et non pas, vous avez prématuré-
ment fait.
Pkémices. Subst. f. i>lur. Ce mot désigne les
premiers fruits de la terre ou du bciail, et ligu-
rémenl les preinièies productions de l'esprit, les
premiers mouvements du cœur, les premiers
iruits d'une entreprise, d'un iégi;c, etc. :
Toujours la tyrannie a d'heureuses prémices.
(Rac, Britan., act. I, se. l, 33.)
Cependant Rome entière, en ce même moment.
Fait des vœux pour Titus, el, )u; des sacrilices.
Do son règne naissant célèbre les prémices.
(lUc, Bcrén., act. I, se. T, 3ô.)
Féraud a dit, à l'occasion de ce vers : On dit les
préj/iices de mon travail; on peut donc dire
aussi les prémices d'un règne, c'est-à-dire ses
commencements.
Ma main de cette coups cpanctie les prtmicee.
(RkC, Britan., act. V, se. v, 9.)
Déjà coulait le sang, premiers du carnage.
(RaC, Jphig.. act. V, sc.vi, 23.)
De la Tengeance au moins j'ai goûté les/ire'mîefs.
(Volt., Oreste, act. III, se. Vlll, 2i.)
La mort de Coligny, prémices des horreurs,
N'ittait qu'un faible essai de toutes leurs fureurs.
(Volt., Ilenr., II, 247.)
...EupUémon qui, malgré tous ses vices.
De Tolre cœur eut les tendres prémices.
(Volt., Enf. prod., act. III, se. ii, 45.)
Premier, Premii^re. Adj. En prose, il se met
ordinairement avant son subst. : Le premier
homme, le premier du mois; en vers, il le suit
quelquefois :
De ces chagrins mortels son esprit dégagé
Souvent reprend sa foi ce et sa splendeur première.
(Volt., Sémir., act. I, se. i, 52.)
Premièresiekt. Adv. 11 n'est guère employé
que suivi des mots secundemc/tt, en second lieu,
ensuite, OU autres expressions semblables. Ou le
met ou au comuicnecnient de la i)lirase, ou après
le verbe, ou entre l'auxiliaire et le participe ;
Premièrement, je vous parlerai de ce qui est
arrivé; en second lieu, je vous en expliquerai
les causes. Il a parle premièrement de su
situation, il a premièrement parlé de su si-
tvation.
Prémisses. Subst. f. plur. 11 se prononce comme
prémices, mais il s'écrit avec deux s. Il signifie,
en terme de logiipie, les deux premières proposi-
tions d'un syllogisme.
Pr.EivABLi;. Adj. des deux genres. 11 suit tou-
jours son subsl. : Cette place est prenable. On
l'emploie ordinairement avec la négative : Celte
ville n'était prenable que par cet endroit. Cette
place n'est prenable que pur la faim. Cet homme
n'est prenable ni par or ni par urgent.
PRE
573
Prenant, Prename. Adj. verbal tiré du v.
prendre. Il n'est d'usagequ'cn termes de finances,
partie prenante, et en termes d'bistoirc natu-
relle, où il se dit de la queue de certains anintaux,
qui s'en servent pour s'aitaclier, pour se sus-
pendre : Cet animal a la queue prenante. — Ou
dit aussi iwpulairement, carêine-prenant, pour
dire le mardi gras.
Prendre. V, a. et irrègulicr de la 4° conj.
Voici comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je prends, tu prends, il
prend ; nous prenons, vous prenez, ils prennent.
— Imparfait. Je prenais, tu prenais, il i)ienait;
nous prenions, vous preniez, ils prenaient. —
Passé simple. Je pris, lu pris, il prit; nous
primes, vous prîtes, ils prirent. — Futur. Je
prendrai, tu prendras, il prendra ; nous prendrons
vous prendrez, ils prendront.
Conditionnel. — Présent. Je prendrais, tu
prendrais, il prendrait; nous prendrions, vous
prendriez, ils prendraient.
Impératif. — Présent. Prends, qu'il preime;
prenons, qu'ils prennent.
Subjonctif. — Présent. Que je prenne, ipie tu
prennes, (]u'il prenne; que nous prenions, (jue
vous |)icniez, (|u'ils prennent. — Imparfait.
Que je prisses, que lu prisses, qu'il prit; que
nous prissions, que vous prissiez, qu'ils prissent.
Participe. — Présent. Prenant. — Passé.
Pris, prise.
Il forme ses temps composés avec le verbe
auxiliaire avoir.
Voici quelques exemples de la manière dont les
poêles emploient ce verbe :
Si tu venais d'entendre
Quel funeste dessein Roxane vient de prendre,
(Rac, Baj., act. I, se. ir, 4.)
J'ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.
(Rac, Phèd., act. I, se. m, 156.)
Ne rougis point de prendre xine voix supptiantr.
(Idem, act. 111, se i, 74.)
Si ce front est malpropre ù m'acqnérir le votre,
Quand j'en aurai dessein, j'en saurai prendre un autre.
CoiiN-, I\'icom., act. I, se. Il, 5.)
Voltaire dit, au sujet de ces vers : Prendre un
front es[ un barbarisme. On dit bien, il prit un
visai/e sévère, un visa(je serein; mais, en général,
on ne peut pas dire prendre un front, parce
qu'on ne iieut pas prendre ce qu'on a. 11 faut
ajouter une épilhéle qui marque le sentiment
(ju'ou prend sur son front, sur son visage.
[Remarques sur Corneille.)
Se prendre, s'en prendre. Voyez En.
Prendre parti, toul seul, signifie s'enrôler
pour servir a la guerre : Il a pris parti; il api-is
parti dans mon régiment. — Prendre parti
signifie aussi s'attacher au service de ijuelqu'un;
mais alors on marque toujours avec qui on s'en-
gage : Il a pris parti avec M. le duc. — Prendre
son parti veut dire se résoudre: J'ai pris mon
parti; elle prit son parti sur-le-champ . — Pren-
dre le parti de quelqu'un, c'est se mettre de son
côté, le défendre : // faut prendre le parti des
malheureux, des gens qu'on opprime, qu'on ca-
lomnie, qu'on per.iécute ; c'est un devoir de
l'humanité. Voyez Parti.
On dit prendre confiance en quelqu'un, en
parlant de l'assurance qu'on a de la probité, de
la discrétion de quelqu'un ; et on dit aussi prendre
574
PRE
xonfuince en quelque chose , quoi (|U en disciil
Bouliours cl Wailly, qui veuleiil qu'en parlanl
des clioscs on ein|iloic la prépiisiliuii à, cl qu'on
iiie prendre confiance il u /te affaire. Celle |ilirase
n'ihdiquanl point un but auquel lend l'ailion du
verlie, mais une chose prise dans la cliose uicme,
In proposition à ne peut cire employée a ex-
primer ce rapport. 11 fauldirc connue l'enseigne
Marniunlel dans sa granunaire, prendre confiance
en /(/ prt'biié de quelquvn. — En IS35, l'A'ja-
démic donne pour exemple : Prendre confiance
dans l'avenir.
Prendre garde exige le subjonctif dans la pro-
position subordonnée:
Prend» garde que jamais l'aslre qui nous éclaire
Ne le Toie en ces lieux mettre un pied téméraire.
iRic, P/i«d.,acl. IV, se. ii, 27.;
Dans ce cas, on supprime /)a.y on point.
Préparatio>. Aoyez Protose.
Préparatoire. Adj. des deux genres qui ne se
mel qu'après son subsl. : Procédures prépara-
toires, sentences préparatoires.
PRÉP0.^t)ÉRA^•T, Prépondêrame. Adj. qui ne
se met qu'après son subst. : f^oix prépondérante.
Prépositif, Prépositive. Adj. Terme de gram-
maire, qui s'emploie aussi substantivement. On
appelle particules prépositives, ou prépositioiis
inséparables, des parties élémentaires qui entrent
dans la composition df^s mois , comme ad dans
adjoint, in dans infini, etc. "\'oyez Purticvle.
On appelle adjectifs prépositifs , ou, sub-
stanlivcnient, prépositifs , certains petits mots
qui ne signifient rien de physique, qui sont iden-
tifiés avec ceux devant lesquels on les place, et
les font prendre dans une acception particulière.
Tels sont le, la, les, ce, cet, cette, ces, certain,
quelque, tout, chaque, nul, aucun, mon, ma,
mes. On appelle prépositif défini, le, la, les, soit
qu'il soit simple, soit qu'il soit compose des j)ré-
positions d ou de. Ainsi du, au, des, aux, sont
des prépositifs définis, parce qu'ils ne se met-
tent que devant un nom pris dans un scnsprécis,
circonscrit, déterminé et individuel. Ce, cet, celte,
est aussi un prépositif défini. Les autres prépo-
sitifs, tels que tout, }iul, aucun., chaque, quel-
que, un, dans le sens de quidam, ont chacun
leur service particulier. Voyez Adjectif et
Irticle.
Préposition. Subst. f. Terme de grammaire.
Les prépositions sont des mots qui expriment ou
indiquent des rapports entre deux termes, dont
l'un se noniinc rantécédcnt, et l'autre le consé-
quent. Quand je dis, le livre de Pierre, de exprime
un rapport entre le livre cl Pierre. Le livre est
l'antécédent, Pierre le conséquent, et d^ la pré-
position qui marque le rai)port entre l'un et
l'antre.
Le terme antécédent est un mot dont le sens,
général par lui-même, est susceptible de diffé-
rents degrés de détermination et de restriction,
et la préposition, avec le conséijuent qui en com-
plète le sens, exprime cette déterminrilion ou cette
restriction. Ce mot, le livre, a par lui-même un
sens général susceptible de différents degrés de
détermination et de restriction : il peut appar-
tenir à Pierre ou à Paul, à Jean ou à Jacques;
de Pierre restreint ce sens général.
Les mots susceptibles d'étrë les antécédents
d'une préposilion sont les noms appellatifs, comme
livre; les adjectifs, les verbes cl les adverbes.
Quand je dis l'exercice est utile à la santé, le
PRE
sens général de l'adjectif utile est détermine par
les mots à la santé, c'est-à-dire jcir la jjréposition
d et le terme con^cMiucnt la santé. Il en est de
même dans je travaille à un pué'ine ; le sens
généraldu verljeje/z-aiv/iV/cest déterniiné para un
poème ; de inèine aus>idans caurur/e:/ se ment sans
témérité, où l'adverbe courageusement est déter-
miné par les mots sans témérité, c'est-à-dire par
la préposition sans, et le terme conséquent té-
mérité.
Le terme conséquent devant énoncer le terme
du rapport dont la iiréposition est le signe, ne
peut être qu'un mot qui présente à resjiril 1 idée
d'un être déicnniné, et lels sont les noms, les
pronoms et les infinitifs, qui sont une cs|>èce de
noms.
Quand je dis le livre de, utile ci, je travaille à,
courageusement sans, les rap|)ortsne sont qu'an-
noncés, les sens ne sont pas coinjjlcts ; il faut,
pour les compléter, que les consé(iuents soient
exprimés. Le conséquent sort donc à compléter
l'idée totale du rajiport (|ue l'on se propose
d'énoncer, et c'est pour cela que les grammai-
riens l'appellent le complfinenl de la préposition.
II suit de ce qu'on vient do dire, 1" que toute
préposition a nécessairement pour complément
un nom, un pronom, ou un infinitif; 2' que la
préposition avec son complément forme un com-
plément total délerminatif d'un nom appellatif,
d'un adjectif, d'un verbe ou d'un adverbe qui est
le terme antécédent du rajiport : Je travaille
pour vous ; le pronom vous est le complément de
la jiréposition pn?/r, et pour row* est le complé-
ment délerminatif du verbe travaille. La néces-
sité de 77J0!/7'ir,- l'infinitif j.iom;'î/- est le complé-
ment de la préposilion de, et de mourir est le
complément doterminatif du nom appellatif né-
cessité. Utile à la santé; le nom appellatif Za
santé df'l le complément de la préposition à, et à
la santé est le complément délerminatif de l'ad-
jectif utile. Prudemment sans anxiété, eoura-
geusement sans témérité, noblement sa7is hau-
teur ; les noms appellatifs anxiété, témérité,
hauteur, sont les compléments des trois prépo-
sitions saiis; et sans anxiété, sans témérité,
sans hauteur, sont les complénaents détermi-
nât ifs des ad verbcspr«(fe/rt.7ftcwï,coMra^eM.'fe7fte7j/,
noblement.
Selon les grammairiens, il y a des prépositions
simples, dans, pour; et des prépositions com-
posées, à l'égard de, à la réserve de. Mais pour-
quoi appeler prépositions des substantifs qui
sont précédés d'une préposition et suivis d'une
autre? Si l'on ne veut jtas tout confondre, il faut
toujours rapiielcr les expressions aux premiers
éléments du discours.
Le rapport qui est entre deux mots n'est pas
toujours le même. Ainsi, entre ces mots, je suis
et l'iju, il peut y avoir une multitude de ra[>-
ports, comme, je suis dans l'eau, je suis sur
Veau , je suis sous l'eau, je suis devant Veau,
je suis derrière V eau, je suis contre Veau; et
les mots dans, sur, sous, devajit, derrière,
contre, sont des prépositions qui déterminent ces
différents rajjports.
Quelipiefois on indique un rapport par la
place seule que les mois occupent dans la jiro-
position ; c'est ainsi, par exemple, ((u'esi exprimé
un rapport entre un verbe actif cl son régime
direct. Dans Pierre aime Paul, le rapport entre
le verbe aime et le substantif Paul e^t suffisam-
ment exprimé par la place de ce dernier après le
verbe. Los prépositions sont indispensables toutes
PRÉ
les fois que le rapport ne peut pas être déterminé
ainsi.
Les prépositions considérées seules ne sont
que des signes généraux et indéterminés des
rapports. Elles font abstraction de tout terme
antécédent et consciiuent, et cette indélormination
en rend l'usage plus généi'al, par la liberté d'a[)-
pliquer l'idée de chaque rapport à tel terme, soit
antécédent, soit consoi]ucnt, ipii peut couvenir
aux différentes vues de l'énoncialion. Mais nulle
préposition ne peut clreemploycedans le discours
sans ètrcappliiiuée actuellement a un terme anté-
cédent dont elle restreint le sens général par
l'idée dont l'Ile est le signe, et sans ètrcsuivicd'un
terme consé(picnl qui achève d'individualiser le
rapport indiqué d'une manière vague et indélinie
dans la préposition.
II y a des propositions qui, en indiquant le
terme conséquent d'un rap()ort, expriment en
même temps ce rapport, et d'autres qui se bor-
nent à indi(|uer le conséquent d'un rapport déjà
exprimé. Quand on dit Pierre ressemble à son
frère, le verbe ressemble exprime le rapport qui
est entre Pierre et son frère, et la préposition à
se borne à indiquer ao?» frère comme second
terme de ce rapport. Mais aans le livre de Pierre,
la préposition de, qui indique le second terme,
explique encore le rapport d'appartenance du
livre de Pierre. Elle modilie donc le premier
terme le livre, auijuel elle ajoute la qualité d'ap-
partenir.
Il aurait été à désirer, pour In clarté et la pré-
cision de notre langue, qu'une préposition ne
marquât qu'un seul rapport. Mais il n'eu est pas
ainsi, et les mêmes prépositions, loisqu'elles se
bornent à indiquer le second terme d'un rapport,
sont employées dans des cas différents. En effet,
il y a bien de la différence entre aller à Paris et
être à Purii, et cependant nous emj)loyons dans
l'un et l'autre cas la même préposition à. C'est
que cette préposition indique seulement losecond
terme Paris, et que le rapport est exprimé par
les verbes aller et cire. Mais parce qu'on a cru
voir dans être dans le royaume, être m Italie,
être à Rome, plus de ressemblance qu'il n'y en
a, on a dit que des prépositions différentes
sont employées dans des cas semblables; c'est
une erreur.
Le premier emploi des prépositions a été de
marquer des rapports entre les objets sensibles.
Mais parce que les idées abstraites, exprimées
par des noms substantifs, prennent dans notre
imagination presque autant de réalité que les
choses en ont au dehors, elles peuvent être con-
sidérées comme ayant entre elles des rapports à
peu i)rès semblables à ceux qui sont entre les
objets sensibles. C'est pourquoi on dit, de la
vertu au vice, comme on dit, de la ville à la
campagne ; on n'est pas dans la Jeuiicsse, comme
ou est dans la maison; mais l'analogie qui est
entre ces deux noms, comme substaïuifs, a fait
employer la même préposition devant l'un et
l'autre.
Par la une môme préposition est usitée dans
des cas différents, et quelquefois les dernières
acceptions ressemblent si peu aux premières, i]ue
si on ne saisit pas le fil de l'aualogie, il ne sera
pas possible de rendre raison de l'usage. En voici
quelques exemples.
De la prêpositvJn à. — On dit je suis à Paris,
je vais a Paris ; et cette préposition, dans l'une
et l'autre phrase, se borne à indiquer un lieu
comme terme d'un rapport. — Il y a beaucoup
PRÉ
575
d'analogie entre la manièru d'être dans un lieu et
celle d'être dans le temps : on dira donc, à une
heure, à midi, à l'afenir. — Il y en a encore
entre les lieux et les circonstances où l'on se
trouve, et l'on dira, a ce sujet, à cette occasion.
— Ce (lue nous appelons substance ne se montre
à nous que par les manières d'être (pil jiaraissent
rcnvelojiper: c'est une chose qui existe comme
au milieu d'elles. Il y a donc de l'analogie entre
être dans un lieu, et exister ou agird'une'cerlaine
manière, être a pied, a cheval, prier Dieu à
mains j'intes, recevoir à bras ouverts. — Dès
lors on dira par analogie à ces derniers tours,
peindre h l'huile, travailler à l'aiguille, j)arce
que ce sont là des manières de peindre et de
travailler. — Tout terme auquel une chose tend
est analogue au lieu ou l'on va. Donner à son
ami, àter a son ami, parler à son ami. S m ami
est le terme des actions de donner, d'ôter et de
parler. Celle analogie est encore plus sensible
dans en venir à des injures, à des reproches. —
Table à manger, maison à vendre, action à ra-
conter, homme à 7iasardcs, parce que la fin, ainsi
(pie l'usage qu'on fait d'une cliose, est conmie le
terme auquel elle tend. — Par la même raison
on emploiera cette préposition lors(pron parlera
des dispositions d'une personne: Homme a réus-
sir, à ne pas pardonjier. Ces exemples .suffisent
pour faire comprendre (]ue les usages de celte
préposition sont tous analogues, quoi(iu'ils pa-
raissent d'abord avoir peu de rapport les uns aux
autres. Voyez ^.
De la préposition de. — Cette préposition
inaniue le lieu d'où l'on vient, et, par analogie,
tout terme d'où une chose commence. Du mutin
au soir, d'un bout à l'autre, du commencement
à la fin, de Corneille d Racine. — On dit près,
loin de Paris, parce que Paris est un terme sur
lequel l'esprit se porte pour revenir de là à la
chose dont on parle, et en marquer la situation.
— Il y a quelque analogie entre le rapport de
situation et le rapport d'appartenance; car on est
comme différemment situé, suivant les choses
auxquelles on appartient : Le palais du roi, les
mouvements du corps, les facultés de l'âme. —
Les rapports de dépendance sont analogues au.x
rapports d'appartenance, et il y en a de plusieurs
espèces; l'effet à la cause, les tableaux de Ra-
phaël; au moyen, saluer de la main; à la ma-
nière, parler à'nn ton bas; à la matière, vase
d'or. — Nous dépendons des qualités dont nous
sommes doués; homme d'esprit, de sens, de
cœur; — des principes (jui nous changent ou ipii
nous affectent : accablé de douleur, comblé de
bonheur, mort de chagrin. — Le genre dépend
de l'espèce qui le détermine : La faculté de lu
vue, de l'ouïe, de l'odorat; car la significiilion
du mot /àci/i^e est déterminée par les mots ri<c,
ouïe, odorat, et par conséquent elle en dépend. —
Les parties appartiennent à leur tout : Moitié
de, quart de, c'est pourquoi l'on emploie cette
préposition lorsqu'on ne veut parler que d'une
partie, et on la retranche lorsqu'on parle du t(jut
Perdre l'esprit, c'est perdre tout ce ((u'on eu a ;
avoir de l'esprit, c'est avoir une partie de ce
qu'on nomme esprit; et il y a ellipse, car le pre-
mier terme du rapport est sous-entendu. On dit
également, y'at delà raison, \iO\xv j'ai, une partie
de la raison; et j'ai raison, pour j'ai toute la
raison qu on p^-ut avoir dans le cas dont il s'agit.
— Une chose peut être regardée comme appar-
tenant a la collection d'où elfe est tirée. D'ailleurs
il y a beaucoup d'analogie entre être tiré et venir
570
PRÉ
dt On tluit donc dire, c'est un des htmmes des
vlus savants; car le sens est, cet homme esttur.
^'e„lre les phis savants. Au contraire, un dira .
c'est l'pinion des Jwmmes les pins savants,
Dane.i» alors /iom/«w n'est pas pris comme une
Kirlie des plus savants, mais comme tous les plus
Lvams ensemble. Voyez De. - U laul rcn.ar-
(luer (lu'il y a ellipse toutes les fois (lue les pic-
posilions à et de se construisent ensemble. Puis-
mrelles indiiiueul des termes diflcrents, elles ne
ireuvenl se réunir que lorstiu'on sous-cntend les
mots »iui dcvraienl les séparer. Il s'est occupe a
des nuvraç/es utiles, sijjninc donc à quelques-uns
des ouvrages utiles.
Dans les exemples que nous venons de i.ip-
portcr l'analucic maniue sumsammciil les dil-
férenlcs acceptions de ces prépositions; mais dans
d'autres le lil en devient si délié, (lu il cchappo
tout à fait. C'est pourquoi il semble <iu'on puisse
alors les employer indifféremment l'une pour
l'autre (,;cpendaiit elles ne sont jamais synony-
mes; el il y a de la différence eutre continuer
de palier, et continuer à parler. U en est de
même des tours où nous croyons pouvoir, a
notre choix, employer ou retrr.ncber la préposi-
tion Tel est, il espère de réussir, il espère
réussir. Voyez Pre'/iirer.— Nous employons sou-
vent la préposition de avec ellipse, d'où il arrive
que nous apercevons moins facilement lespc e
de rapport qu'elle exprime. Par exemple on ne
verra lias que dans marcher de jour, de nuit.
Je marque le rapport de la partie au tout, si on
ne sait pas que celle expression revient a celle-
ci : Marcher en temps de jour, marcher en
temps de nuit.
Des prépositions dans e< en. — On dit, dans
vue maison, dans ce temps, dans cette année;
cl par analogie, dans le désordre, dans Ze p/«t5tr,
dans la prospérité. — ^ désigne seulement le
lieu où est une chose; dans le désigne avec un
rapport du contenu au contenant. Je partirai
dans le mois d'arrii, signifie avant la fin ou dans
le courant du mois. Au contraire, je ferais en-
tendre (lue je iiartirai dès le commencement, si
je disais, je partirai au mois d'avril, ou, en
supprimant' la préposition, je partirai le mois
d'avril. Voyez Da7is.
De la préposition par. — Comme préposition
de licu,;j(u- indi.iue l'endroit par où une chose
passe : ailer par les rues, par monts et \y,\V vaux ,
passer \YM- la ville; et, par analogie, passer par
l'élamine,\)i\Tde rudes épreuves, par le plaisir,
par les peines. — L'n effet peut être en (pielque
sorte considéré comme passant par la cause qu:
le iirodiiit : tableau fait liar Bubens, tragédie
faite par Rncuw. — Mais dés que pur induiue
le rapport de l'effet à la cause, il indiquera en-
core les rappuiis <iui sont à peu prés dans la
même analogie : celui de rcffet au moyen, élevé
iiar .vtA intrigues, connaître \yav la raison; au
motif, 5e refuser tout par avarice, agir par in-
térêt, [):n- ressentiment; à la manière, paWer par
énigmes, se conduire \)-dT coutume, rire par in-
tervalles. En voila assez pour faire connaître
comment l'analogie a étendu chaque préposition
à des usaces «liffércnls; on peut soi-même s ainu-
ser à chercher d'autres exemples. Mais U laut
commencer toujours par observer comment es
préiKisiiioiis ont d'abord été employées avec des
idées sensibles, el chercher ensuite par (piellc
analogie on en a fait usage avec des idées abs-
traites.
On compte dans la langue française quaranle-
PRÉ
huit prépositions, c'est-à-dire celles seulement
que les grammairiens appellent simples. ISou»
avons expliipié, à chacune d'elles, les difficultés
dont elles peuvent cire susceptibles.
Les grammairiens distinguent des prépositions
de lieu, d'ordre, d'union, de séparation, d'oppo-
sition, de but, de cause, de moyen, de spécifi-
cation. On pourrait étendre cette division beau-
coup plus loin, car les rapports (lu'expriment les
piéiiosilions sont très-variés el trés-nombi eux.
Passons à quelques régies générales (pie don-
nent les grammairiens sur les pi éiiosilions . et
rapportons les observations qu'ils uni faites sur
celte partie du discours.
lo 11 y a (pieliiues prépositions qui en régissent
d'autres. Telles S' nt de, hors, excepté : Un ta-
bleau peint d\i\^yùs nature, distinguer ses anus
d'avec ses ennemis, la partie d'en haut et lu
partie dénias deux d'entre eî/^TjDe/j.vCHi ainsi,
je viens de chez vous, de par le roi. — Il est
hors de chez lui; excepté de le battre.
2" U en est du régime des prépositions comme
de ceux des verbes.- Quand le régime de deux
prépositions mises de suite tombe sur un même
nom, il faut que ces deux prépositions deiiian-
deiil le même régime, sinon le nom sur lequel
tombent les différents régimes doit être répète,
ou par lui-même, ou par un pronom, et accom-
pagné du régime iiui convient à chacune des
prépositions. On dira, vn homme qui écrit, selan
les circonstances, pour ou contre un parti, est
vn homme bien méprisable. La phrase est cor-
recte, parce que les deux prépositions pour et
contre souffrent le môme régime , c'esl-a-dire
qu'on l^eut dire également pour un parti, et
contre unpurti. Mais on ne pourrait pas dire, ce-
lui qui écrit selon les ciramstances, en faveur
et contre un parti, etc., parce qu'ew faveur
veut être suivi de la préposition de, ei que contre
ne veut pas de prcpusilion a sa suite.
30 II y a des cas où il faut répéter les prépo-
sitions, el c'est surtout lorsque le sens est com-
paratif. Ainsi il faut dire, il n'y a point de capi-
taine parmi les Romains pour qui j'aie plus
d'estime que pour Cé.wr, el non pas que Cé-
sar; il n'y a point de poète auquel je m'attuch»
avec plus de plaisir qu'ix Horace, et non pas
Qu'Horace; il n'y a point d homme sur qui je
compte plus que sur lui; et ainsi d« toutes les
autres prépositions. ...
En eénéral presque toutes les prépositions qui
soni d'une seule syllabe veulent être répétées
avant tous les noms en régime, toutes^ les fois
qu'il y en a plusieurs : Dieu souffre qu'il y ait
des malheureux pour exercer leur patience, el
pour donner lieu aux riches de. pratiquer la li-
béralité. — La lecture sert a orner l esprit, a
réqler les mœurs, et à former le juycmeni. —
La patrie a des droits sur vos talents, sur vet
vertus , sur vos sentiments et sur toutes vos
actions.
L'Iiomme de bien, modeste avec courage,
El la beauté spirituelle et sage,
Sans biens, sanf nom, iani tous ces titres v»i«s.
Sont à mes jeux les premiers des humains.
(YoLT., Nan., acl. I, se. I, 115.)
-La conversation d'aujourd'hui est toute en
saillies, en menus propos, en équivoques, en
calembours, en jolis riens. rAn/.iPr les
Cependant on peut se dispenser de repeler les
préixlsitions de el en loisciu'il y a une «numé-
ration a faire, couiinc dans ces vers ;
PRE
To'Jjoars lofés en de Irès-besi'x chdteauc
De princes, ducs, comtes el cardinaux. . .
Il voit partout de grands prédicateurs,
Klclics prélats, casuistes. docteurs,
Moines d'Espagne et nonnains d'Italie.
(VOLTAIHB.)
Eux, bien payés, consultèrent soudain,
En grec, hébreu, syriaque, latin.
(Idem.)
Voyez Complément.
Près. Préposition. Elle veut être siiirie delà
pféposition de : Près de vous, près de la maison,
près de mourir. Cppcndant Wnilly remarque (]uc
dans le discours familier, près "peut n'clre pas
suivi de de, quand il a potu- roaime un substan-
tif de plusieurs sylhibes : Près le Palais-Royal;
mais qu'il régit toujours celte préposition quand
le substantif est un monosyllabe : Près de lui,
près de rous. — Près le Palais-Royal, près
i'église, sont des expressions que l'usriîre a abu-
si-.'cincnt consacrées. Il est plus ngiilitM' dédire,
près du Palais- lioyal, près de l'église. W n'y a
que quelques expressions entièrement consa-
crées ou l'on puisse supprimer la préposilion de,
comme ministre du roi près la cour d'Espagne,
Passy près Paris, etc.
Cette préposition est susceptible de degrés de
comparaison : Plus près, le plus près, très-près.
— Quelquefois on la joint à un verbe, mais il la
précède toujours : Fort près, très-prêt, extrême-
jnciitprès. Racine a dit dans Esther (act. III
ic. V, 16) : '
Seigneur, je clierchc, j'envisage
Des monarques persans la conduite et l'usage.
Mais âmes yeux en vain je les rappelle tous;
Pour TOUS régler sur eux, que sont-ils près de vous?
Près de voue signifie ici à votre égard, en tovi-
paraison de vous, au prix de ce que vous êtes.
L'abbé d'Olivet doute que l'usage souffre celle
manière de parler. L'abbé Desfontaines, au con-
traire, prétend que cette expression est d'usage,
et qu'elle se trouve dans les bons auteurs. Vau-
gelas, ajouie l'abbé d'Olivet, dit que c'est un
barbarisme. —Cela pouvait être de son temps;
mais, comme l'a très-bien observé l'abbé Des-
fontaines, Vaugelas n'est plus un législateur, non
plus que Patru, ni Ménage. Horace se moquait
de ceux qui, de son temps, voulaient qu'on n'usât
d aucun terme qui ne se trouvât pas dans les
lois des Douze Tables. (Luneau de Boisier-
main.)
Si près de Toir sur soi fondre de tels orages,
L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages.
(Corn., Hor., act. I, se. i, 3.)
Si près de voir, dit ^'oltaire, n'est pas français ;
Prts f/e veut un substantif: Près de la ruine,
près d'être ruiné. [Remarques sur Corneille.)
— Il faut que Voltaire ait rédigé cette remarque
avec beaucoup de précipitation ; car il prouve
lui-même la fausseté de son observation, en don-
nant pour exemide^jrèA- d'être ruiné. On trouve
souvent dans ses ouvrases, et dans tous les bons
auteurs, un verbe apré'sprè.? de :
Perce de coups lui-même, il est près de périr.
[Henr., VIII, 511.)
Je lui resUis encore, et tout près de périr
Il n'avait plus que moi qui pût le secourir.
(/dem,III, 109.)
PRÉ 577
j Delille a dit aussi {Enéide, II, 79] :
I Sans cet aveuglement, sans le courroux des dieux,
IDans les flancs entr'ouverts du colosse odieux
Nous aurions étoufTé les tléaux prés d'éclore.
On confond souvent près de ai prêt à; cepen-
I dant ces deux locutions offrent un sens bien
différent, el leur régime n'esl pas le même. Près
de est une préposition qui signifie sur le point
de, et prêt à est un adjectif qui signifie disposé
à. — Près régit la préposition de, et prêt la
préposition à : Il est près de mourir.
La mort ne surprend point le sage.
Il est toujours pr^t à partir.
(La Font., liv. VIII, fabl. i, 1.)
Près de mourir signifie sur le point de mourir;
prêt à partir, veut dire disposé, ri-signé à partir.
— Madame de Sévigné a dit : Elle est prête
d'accoucher. C'est une faute ; il f;dl:iit près d'ac-
coucher. — Rien n'est si commun dans les poêles
que de prendre ces deux mots l'un pour
l'autre.
. . . Ses rois, qui pouvaient vous disputer ce rang,
Sont prêts, pour vous servir, de verser tout leur sang.
(Rac, Iphig., act. I, se. m, 39.)
Loin de bliraer vos pleurs, je suis pr^t de pleurer
{Idem, act. I, se. v, 12.)
Plus j'y pense et moins je puis douter
Que sur vous son courroux ne soil prêt d'éclater.
{Idem, Àth., acl. I, se. I, 57.)
Je me sens prêt, s'il veut, do lui donner ma vie.
{Idem, act. lY, se. n, 10.)
. . . Sur eux quelque orage est tout prêt d'éclater.
(Idem, act. II, se. viii, 5.)
Prêt d'imposer silence .i ce bruit imposteur.
{Idem, act. III, se. I, 9.)
Et les chefs de l'Etat tout prêt» de prononcer.
^YOLT., 3Iér., act. I, se. m, 3.)
Voyez Prêt; vous y trouverez tout autant
d'exemples de prêt à. Je pense qu'il faut mettre
la plupart de ces fautes sur le compte des im-
primeurs.
Présager. V. a. de la 1'^ conj. Dans ce verbe,
le ff doit toujours se prononcer comme /,• et,
pour lui conserver celle prononciation lorsqu'il
est suivi d'un « ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o: Je présageais, présageons,
et non \)aiS je présagais, présagons.
Pr.ESBYTiiRAL, PnESBYTÉRALF.. Adj. qui ne se
met qu'après son subst. : Maison preshytérale.
Prescrire. V. a., n. et irrég. de la 4' conj. Il
se conjugue comme écrire. Voyez ce mot.
Préséance. Subst. f. On prononce ce mot
comme si les deux mois dont il est composé
étaient séparés, préséance. En conséquence, le s
de séance est considéré comme une Iclire ini-
tiale, et conserve sa prononciation primitive
se.
Présence. Subst. f. Racine a dit dans Phèdre
(act. I, se. I, 29) :
Hé : depuis quand, seigneur, craignez-vous la présence
De ces paisibles lieux, si chers à votre enfance?
Craignez-vous la présence de ces lieur^ iwur
578 PRE
dire craiçnc/.-vous d'ctrc présent à ces lieux?
est une ilurdicsse poélitiiie contre laquelle on
s'est élevé avec raison, parce que le mot pré-
sence ne s'applique point a un lieu, mais signilie
seulement l'exislence d'une personne dans un
liou.
A'« présence, régit ordinairement la prépo-
sition de : Cela s'est passé en présence de plu-
sieurs personnes. En parlant des armées , on
le met sans ré^'ime : Les deux armées étaient
en présence. — Dans la langue ascétique, on
l'emplaie avec l'arlide : Se mettre en h présence
de Dieu. La Bruyère dit aussi, en la présence
des mystères. ((!li. XV'. De la chaire, ]i. 392.) —
En dS.iS, l'Académie l'emploie ainsi dans le langage
ordinaire : Cela s'est passé en la présence, en
présence de plusieurs personnes dignes de foi.
Piu'jsEKT, Pbésiiiste. Adj. Il se met ordinaire-
ment après sitn subsl. : Le temps présent, les
affaires présentes. — Un homme présent,
l'esprit présent. On dit familièrement, le présent
porteur, le préseiit billet, la présente lettre.
Présent. Subst. m. On appelle ainsi , en gram-
maire, im temps dos verbes qui marque ((u'tme
chose est ou se fait dans le moment de la parole.
Quand je dis j'écris, c'est comme si je disais,
j'écris actuellemejit.
On se sert aussi de ce temps pour exprimer
une chose que l'on fait habituellement, ou l'élat
habituel d'un sujet : Il aime la paix, il llâme
tous les excès. Il se lève tous les jours à cinq
heures. Il est sobre.
Les choses d'une vérité éternelle, étant toujours
les mêmes, doivent être indiquées par le présent :
Dicti est étemel. Deux et deux font quatre.
Quelquefois, pour donner plus de vivacité au
discours, on emploie le présent au lieu du futur.
Je pars demain, il revient ce soir. Mais dans ce
cas on ne peut l'employer que relativement à un
futur prochain. On ne dirait pas je pars dans
quinze jours, il revient dans un an.
Le présent s'emploie aussi pour désigner le
futur, (juand il est précédé du mot si exprimant
une condition :
Si Titus a parlé, s'il l'épouse, je pars.
(Rac, Bérén., acl. I, se. m, 80.)
Enfin, on fait usage du présent pour exprimer
un passé, afin de réveiller l'attention et de frap-
per forloinenl l'imagination , comme dans ces
vers de Racine {Phèdre, acl. V, se. vi, 60) :
J'ai TU, s'jigneur, j'ai tu voire malheureux Cls
Traîne par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, mais sa voix les effraie.
Ce dernier vers est un tableau que la forme
du présent met sous les yeux. Si Racine eût dit :
R a voulu les rappeler, mais sa voix les a ef-
frciyés, ce n'eût été qu'un simple récit.
Toutefois, quand on emploie le présent pour
marquer un passé, il faut que les verbes ([ui sont
en rapport dans la même phrase soient aussi au
présent. Racine aurait fait une faute en disant :
// veut les rappeler, mais sa voix les a ef-
Viyés. \ oyez Temps, Ferhe.
:»RÉSENT. Subst. m. Don. Voyez ce mot.
L'Académie, dans l'édition.de 1798, ne dit point
les présents du ciel, expression que les poètes
mploient souvent :
S«s prcsflil» (du ciel) sunl souvent la peinj de nos crimes.
(Ric, Phèd., act. V, se. m, ÎS.)
PRE
Détestables flatteurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colore céleste.
{Idem, acl. IV, se. vi, 112. i
— Celte expression a trouvé iilace dans l'édilioa
de -1835.
PnÉsENTABLic. Adj. des dcux genfcs quï nc sc
met qu'a])rés son subst. : Un fruit , présentable,
une personne présentable.
Présentement. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : Je le quitte présentement.
Présenter. V. a. de la i" conj. Ce mol ne
signifie pas toujours olfrir quelque chose ; il si-
gnifie aussi montrer en menaçant: Il luiprésenta
le poignard :
.... Présentant la foudre à mon esprit confus.
Le bras déjà levé, menaçait mes refus.
(Rac, Jphig., act. I, se. I, 87.)
* Présenteur. Subsl. m. Mot nouveau em-
ployé par Voltaire : Je tâche surtout d'être es-
trêment court dans mes demandes, car il m'a
paru que /«".y présenteurs de requêtes sont presque
toujours d'une prolixité insupportable.
PnÉSEnVATiF, Préservativr. Adj. qui ne se
met (ju'aprés son S'jhsl. : Remède préseieatif,
11 s'emploie plus souvent subslantivement.
Présidul. Adj. qui se met toujours après on
subst. : Siège présidial , sentence présidiale ,
cas présidiaux.
Présomptif, Présomptive. Adj. qui ne se met
(]u'aprés son subst. ; Héritier présomptif .
Présomptceusement. Adv. Il ne se met guère
qu'après le verbe : // s'est engagé présomptueu-
sement dans cette affaire.
Pr.ÉsoMPTDEox, Présojiptuecse. Adj. On peut
le mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent: Un Jwmme présomp-
tueux, c'est un présomptueux mortel; une con-
fiance présomptueuse, une présomptueuse con-
fiance. Voyez Adjectif.
Presque. Adv. Il se met après le verbe dans
les temps simples : Ce n'est presque rien, il ne
pouvait presque pas parler. Dans les temps
composés , on le |)lace entre l'auxiliaire et le
participe .- Je ne l'ai presque pas vu. — On dit
presque personne ne l'a vu, et non pas, personne
presque ne l'a vu. Je sais que La Bruyère a dit
personne presque n'est en état de se livrer au
plaisir que donne la perfection d'un ouvrage.
( Ch. I. Des ouvrages de l'esprit, p. 257. )
Mais ce tour n'est plus usité aujourd'hui; il
faut dire, presque personne, etc. 11 esl aisé d'en
sonlir la raison. Il esl dans le caraclèrc de la
langue française que les premiers mots d'une
phrase soient déterminés le plus tôt qu'il est
possible. Quand on dit personne presque, le mot
personne indique une exclusion générale, puis
le xao\. presque indique que cette exclusion n'est
pas entière; de sorte que l'esprit, trompé sur
l'idée qu'il s'est faite du sens du Vi\o\. personne,
est obligé de revenir sur ses pas pour s'en faire
une auire moins étendue. Au lieu que lorsqu'on
dit presque personne, presque indicpie d'abord
une restriction, et lorsqu'on lit ensuite per-
sonne, ce moïse présente avec la juste significa-
tion (pi'on a voulu lui donner. Massillon a dit
aussi, chaque siècle presque en a vu de tristes
exemples. 11 fallait dire, presque chaque siècle
en a vu de tristes exemples,
La mauvaise construction de cet adverbe peut
occasionner des contre-sens. M. Arnaud a dit:
C'est une faute qui .te trouve presque daiis
toutes les éditions de Cicéron. Dans celte
PRE
phrase, presque parait se rapporter à r/ui se
trotivr. et dans le sens de l'auleiir, il se rapporte
à Ifiulesles éditions. Il fallait dire, qui se trouve
rfaw s presque toutes les éditions de Cicéron.
l.V final de ce mol ne s'elide que dans pres-
qu'île. On écTJl sans aiiostruphe . un ouvrage
presque achecé, presque aussi avancé, presque
usé. Voyez Apostrophe.
Pr.ESQc'ii-E. Subst. f. Péninsule, terre presque
entourée d'eau, et (]ui ne tient au continent que
par '!n bout. Fcraud observe que péninsule est
plus latin et plus savant; et que presqu'île est
plus français cl jdusdu langage ordinaire. — Il
me semble «lue l'usage met uneaulre différence
entre ces deux expressions. Par presqu'île, on
entend une pnrlie de terre joinie à une autre par
une langue élroilc, c'esl-à-dire par un isthme.
Maislorsijuc des jjarties de terre qui s'avancent
dans la nier sont jointes au reste du continent
par un large trajet, on les désigne ordinaireuient
par le moF de péninsule. Ainsi l'on dit la pres-
qu'île de Corinthe, et on appelle péninsules,
l'Italie, l'Espagne, etc.
Press.xm.ment. Adv. Instamment, d'une ma-
nière pressante. C'est un ir.ot inusité que l'on
trouve dans le Dictionnaire de l'Académie. Mal-
gré celle autorité il faut se garder de s'en
servir.
Pressant, Pressante. Adj. verbal tiré du v.
presser. 11 ne se met qu'après son subst. : Un
homme pressant, une femme pressante. — Une
recommandation pressante, des prières pres-
santes, des rais 'lis pressantes. — Une douleur
vressante, une affaire pressante, une occasion
pressante.
PnEssE. Subsl. f. Foule. En ce sens, il est ad-
mis daus le style noble :
Dq peuple épouvanté j'ai traversé la presse.
(IIac., Anàrom., act. Y, se. m, -9.
Féraud prétend qu'on dit me foule, une
multitude, et qu'on ne dit point une presse.
C'est une erreur. On dit il y a une grande
presse à la porte de ce spectacle, et la phrase
suivante de Voltaire, que Féraud trouve exlraoï-
dinaire, est toute naturelle : Oui, j'ai vu Paris,
c'est un chaos, c'est une presse oii tout le monde
cherche le plaisir, et où personne ne le trouve.
— On ne dit pas, comme le prétend Féraud,
qu'wn ouvrage est «oms la/?rc*se, mais î\\x'ilest
sous presse.
Pressentir. V. a. et irrég. de la 2' conj. Il
se conjugue comme sentir. Voyez IrréguUer.
Presser. V. a. délai" con,. Voici quelques
exemples de l'emploi que les poêles font de ce
verbe :
Je lis dans tos regards la douleur qui tous prêtée.
(Rac, Iphig., ad. III, se. ï, 45.)
Cruels, sauvez Alzir«, etpresseï mon supplice.
(Volt., AU., act. Y, se. tii, 1.)
Tmdis que sous le joug de ses maîtres avides
Yalois pressait l'État du fardeau des subsides.
(Volt., Henr., III, 63.)
Tout est dans l'épouvante, et de leurs bras tremblants
Les mères sur leur sein ont preité leurs enfants.
(Delil. , Éneïd., VII, 711.)
Presser, devant un infinitif, régit la préposi-
tion de: Pvecsez-lc do partir. Il me presse de
PRE
n»
conclure ce marché. Racine fils a dit : X:pharès
presse Monime à consentir à l'hymen de son
père. Il hï\h\\i de consentir.
Preste. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Un homme preste, un tour
preste, un coup preste. — Une répunse preste.
Prestement. Adv. On peut quelquefois le met-
tre entre l'auxiliaire et le particijje : // « in-esie
ment sauté sur son cheval.
Puésdmable. Adj. des deux genres. Féraud di;
quel'usagecn cslau moinsdouieux. Cependant i'
n'y a personne qui ne l'ail lu, ou entendu dire ■
Cela n'est pas présumable, le cas n'est pas
présnmahle, il n'est pas présumable çwe... Il
signifie (ju'on [leut ou qu'on doit présumer, et
ne se met (|u'aprcs son subst. — En 1835 l'Aca-
démie l'admet.
Préscmk.r. V. a. de la 1" conj. Ce verbe régit
l'indicatif quand la phrase est allirmalive, et le
subjonctif quand elle est négative : Je présume
qu'il est malade, je ne présume pas qxi'il soil
malade.
Présupposer. V. a. de la 1" conj. Quoique le
s de ce mot soit entre deux voyelles, on ne le
prononce pas conuae un z. Co mot étant com-
jjosé des deux mots /)»•<;' et supposer, on les con-
sidère comme séparés, et par conséquent le s de
supposer comme une lettre initiale qui conserve
sa prononciation primitive. Il en est de même de
présupposition.
Présdpposition. Subst. f. Voyez Présup-
poser.
Prêt, Prête. Adj. Il ne se met qu'a[)rcs so-'
subst. Il régit à devant les noms et les verbes
Il est prêt à tout, il est prêt à partir. Il faut £
carder de confondre prêt à, cl près de. Voye
Près.
Déjà même Hippolyte est tout prêt à partir.
(Rac, Phèd., act. I, se. iv, 16.)
Je vois, malgré vos soins, vos pleurs prêts à couler.
(Rac, Mithr., act. Il, se. iv, 55.)
Achille menaçant, tout prêt à l'accabler.
(Rac, Iphig., act. lY, se. 1,40
Tandis que de vos jours prilti à se consumer.
Le flambeau dure encore et peut se rallumer.
(Rac, Phêd., act. I, se. m, 63.)
Ma rougeur ne fui pas.pr^[» a vous déceler.
i (Rac, Bajaz., act. II, se. T, 10S.|
Ces lévites et moi prêts à vous secourir.
IRac, Ath., act. II, se. Vill, 5.)
Prêt» à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent.
(Rac, Mithr., act. I, se. m, 17.)
Je croyais ma vertu moins prête à succomber.
(Rac, Bérên., act. Y, se. vi, 11."/
Vous voyez qu'au tombeau je suis prêt à descendre.
(YOLT., Zaïre, act. II, se. iii, 45.)
Tu vois tous nos amis, ils s»nt prêts à nous suivre,
A frapper, à mourir, à vivre s'il faut vivre;
A servir le sénat dans l'un ou l'autre sort.
(YoLT., Slort de César, act. III, se. I, 9 )
Conjure leurs serpents prêts à te déchirer.
(Volt., OEcf., act. lY, se. i, 135.)
Je le hais, mais mon bras est prêt à le servir.
(Yolt., Bi^t., act. II, se. il, hii.)
580
PRE
Prêt à s'unir à vous d'un cicrnel lien,
Totre fils aux autels va devenir le sien.
(Volt., lf<r., acl. III, se. v, 15.)
Les vaisseaux soDS leurs mains, fiers souverains des ondes,
Etaient prêts à Toler sur les plaines prorondes.
(Volt., Henr., I, 161.)
L'affreux tranchant du glaive, et la pointe des dards,
Pr<t$ à donner la mort, brillent de toutes parts.
(Dblil., Énéid., II, 443.)
Prétendre. V. a. et n. de la 4* conj. — Dans
le sens d'aspirer, il résii la préposition à, et
c'est une ré^'le qu'il ne faut jamais enfreindre en
prose. Mais les poêles s'en affranchissent quand
ils y trouvent leur commodité :
Il crut que sans prétendre une plus haute gloire.
(lUc, mthr., act. I, se. 1, 51.)
Corneille a dit dans Héraclius (acl. I, se. n,
49) :
Mais connais Pulchérie, et cesse de prétendre.
Ce verbe prétendre, dit Voltaire au sujet de ce
vers, exige absolument un régime; ce n'est point
un verbe neutre; ainsi la phrase n'esl point
achevée. On pourrait dire cesser d'aimer ou de
haïr, quiiicjue ce soient des verbes actifs, parce
qu'en pareil cas cela veut dire: Cessez d'avou-
ées sentiments d'amour ou de haine; mais on
ne peut dire, cessez de prétendre, de satisfaire,
de secourir. [liemarqnesfsiir Corneille.)
Prétendre, dans le sens de croire, soute-
nir, se construit avec gne, ou même avec l'in-
finitif, et quelquefois avec le régime direct:
Je prétends que mon droit est incontestable,
je prétends faire ce voyage, je prétends mie
moitié dans cette société. Il demande l'indicatif,
parce qu'alors il exprime l'aflirmation d'une ma-
nière positive : Je prétends que j'ai raison.
Dans le sens de vouloir, ordonner, il veut le
subjonctif : // est naturel à lliomme de préten-
dre que sa volonté h?,^^ loi. (Marmontel.) Il pré-
tend que tout vienne et dépende de lui. {XoX-
taire.)
Prête-nom. Subst. m. On dit au pluriel des
prête-nom, et non pas des prêtes-noms , parce
qu'il ne s'agit pas de prêter des noms, mais de
personnes qui prêtent leur nom. La pluralité
tombe sur le mo\. persnniies , qui est sous-en-
tendu. — L'Académie écrit des prête-noms.
Prêter. V. a. et n. de la !'« conj. Voici quel-
ques exemples de l'cmplui que les poètes font
de ce mol :
C'est moi qui prête ici ma voix aux malheureux.
(Rac, Ath., acl. II, se. r, H5.)
Prétex-mo'x l'un et l'autre une oreille attentive.
[Idim, act. II, se. v, 5.)
0 nnil, nuit effroyable,
Peax-ta prêter ton voile à de pareils forfaits ?
(Volt., Zdire, acl. V, se. viii, 3.)
Veuillent les immortels, s'expliquant par ma bouche,
Prêter à mon organe un pouvoir qui le louche.
(Volt., Mort de César, âcl. III, se. n, 102.)
Dès que la nuit plus sombre
Aux crimes des mortels viendra prêter son ombre.
(Volt., Zdire, acl. IV, se. vu 24. i
PRE
On ne dit \a?, prêter des soins, dit Voltaire.
On ne iirêle que les choses qu'on peut retirer.
Quand les soins sont une fois donnés, on peut en
refuser de nouveaux. Il n'en est pas de même du
mut appui, secours : On prête son appui, soji
secours, son bras, son armée, etc., parce qu'on
|)eut les retirer, les reprendre. [Jiemarques sur
Corneille.)
Pourquoi, dit Voltaire dans un autre endroit,
pourquoi dit-on prêter l'oreille, et que prêter
les yeux n'est |)as fiançais? rs'csl-ce pas parce
(|u'on peut s'empêcher a toute force d'entendre,
en détournant ailleurs son attention ; et qu'on ne
peut s'empêcher de voir quand on a les yeux ou-
verts? {Remarques sur Corneille.)
Prétérit. Adj. employé souvent comme sub-
slaniif. C'est un terme exclusivement propre au
langage grammatical, pour y s\§n\{\p.r passé. Nous
avons proféré dans cet ouvrage le mot passé.
Voyez Temps. La Harpe dit, à l'occasion de ce
vers de ^'ollaire {Sémiramis, act. II, se. i,7) :
Brisâtes mes liens, remplîtes ma vengeance.
Il faut éviter ces sortes de prétérits, dont la
prononciation lourde et emphati(iue déplaît à
l'oreille. Il faut surtout se garder d'en mettre
deux de suite, l'un près de l'autre; c'est une
négligence de style. [Cours de littérature.)
Prétérition. Subst. f. Figure lie rhétorique
par laquelle on prolesle qu'on passe sous silence,
qu'on ignore cerUiines choses (]u'on ne laisse
pas de dire. Comme quand on dit je ne vous
parlerai point de sa naissance, de sa valeur,
etc. Cette ligure est très-propre à insinuer très-
légèrement dans un discours les choses sur les-
quelles on ne doit pas appuyer, et à préparer
l'auditeur à donner plus d'attention aux objets
plus importants. On l'appelle autrement jsreVer-
missio7i.
Prétermission. Subst. f. Voyez Prétérition.
Prétexte. Subst. f. Racine fait régir à pre-
iexte la préposition à devant l'infinitif [Britan-
nicus, act. I, se. n, 437) :
Quoi ! de vos ennemis devenez-vous l'appui,
Pdur trouver un prétexte à vous plaindre de lui?
En prose on dirait de vous plaindre : Il vou-
lait trouver quelque prétexte de dire au roi que
710US étions Phéniciens. {Fénc\., Télétn.yWv. II,
t. I, p. 98).
On dil sous le prétexte, et sous prétexte. Ces
expressions adverbiales régissent de devant les
noms et les verbes, ou que avec l'indicatif :
Sons prétexte de maladie, sous prétexte de s'a-
muser, sous prétexte qu'ii en résulterait des
inconvénients.
Predve. Subst. f. On appelle preuve, dans
l'art oratoire, les raisons ou moyens dont se sert
l'orateur pour démontrer la vérité d'une chose.
L'orateur dans sa preuve a deux choses à faire:
l'une, d'établir sa proiiosiiicm par tous les moyens
que sa cause lui fournit; l'autre, de réfuter las
moyens de son adversaire.
Lrkux. Adj. m. qui se met ordinairement
avant son subst. : Un preux chevalier.
Prévaloir. V. n. et irrég. delà 3<^ ctmj II se
conjugue comme valoir, si ce n'est qu'au pré.sent
dn subjonctif on dit, CMC je ;D(v;rfl/e, que tu pré-
vales, qu'il prévale, que nous prévalions, que
vous prévaliez, qu'ils prévalent. S071 adver-
saire a prévalu. Il ne faut pas que lu coutume
prévale sur la raison.
PIIJ
Sur mes justes projets les pleurs ont prévalu.
(Rac, Phéd., acl. III, se. m, lî.)
— Se prévaloir de quelque chose, il s^est préva-
lu de son crédit. En ce sens, il ne se prend
^u'en mauvaise jiart, et régit la préposition
de.
Pbévenant, Prévenante. Adj. verbal tiré du
V. prévenir. Il ne se met qu'après son subst. :
Grèce prévenante. — Air prévenant, mine pré-
venante, physionomie prévenante.
PKiivKNiR (se), ou être prévenu, régissent jonur,
en faveur OU contre : Se prévenir, être pré-
venu pour quelqu'un, en faveur de quelqu'un,
contre quelqu'un.
Vi\v.\\m\. Y . a. et irrég. de la 3'= conj. Il se
conjugue comme voir, si ce n'est (ju'il fait au
futur simple de l'indicatif, Je prévoirai, et au
présent du conditionnel, /<? prévoirais.
Prévôtal, Pr.KvÔTALE. Adj. 11 fait au masculiu
[iluriel /irt'votaux : Des cas prévotaux.
Prévoyant, Prévoyante. Adj. verbal tiré du
V. prévoir. 11 ne se met qu'après son subst. :
Homme prévoyant, esprit prévoyant.
Prie-dieu. Subst. m. On disait autrefois un
prié-Dieu, et Ménage condamne formclicmenl
prie-Dieu. L'Académie veut qu'on préfère ce
dernier. Ce substantif composé ne prend point le
signe du pluriel : Des prie-Dieu.
Prier. V. a de la !"■ conj. On lit dans les
grammaires que ce verbe, et tous ceux ([ui ont
l'infinitif en icr, |)rennent deux i à la première
et à la seconde personne plurielle de l'imparfait
de l'indicatif et du présent du subjonctif ; Nous
priions, priiez; que nous priions, que vou.i
priiez. Ces formes ont quelque chose de dur à
l'oreille, et il faut éviter de les employer.
1.3. Grammaire des Grammaires (p. 1230)
dit que prier, suivi d'un verbe à l'infinitif, prend
toujours de, e.xcepté dans une seule circon-
stance, qui est celle où il est employé avant l'in-
finîtif dîner.
Cette prétendue exception n'en est point une;
car dîner dans cette piirase n'est point un infi-
nitif, mais un nom; c"est comme si l'on disait
prier à un dîner.
Du reste, on dit prier d dîner, et prier de
dîner, et il doit y avoir quelque différence entre
ces deux phrases. Pour sentir cette différence,
il faut se rappeler que la préposition à in-
dique luujouis un but, une tendance à un
but. Si j'ai préparé un diner pour ([uelques
personnes, ce diner est un but pour ceux (]ue
je dois y inviter, et je les prie à dîner, c'est-
à-dire à un repas (juc j'ai fait préparer pour
eux. Mais si une personne vient me voir au
moment où je suis près de me mettre à table
avec ceux que j'ai priés à dîner, je la prie de
dîner, parce ([uc ce diner n'avait pas été préparé
pour elle. 11 en est de même si je rencontre
quelqu'un dans la rue, que je n'avais pas inlcn-
lion d^: prier à dîner, et |)Our lecjuel je n'avais
rien fait préparer, je le prie de diner. J'ai en-
voyéchez lui pour le prier ii. dîner. Il est venu
me voir à l'heure de dîner, et je l'ai prié de
dîner.
Primitif, Primitive. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
loL'ie : Titre primitif ; état primitif, primitif
t'iat; église primitive, primitive église.
/';■/;« »<i/" est aussi un terme de grammaire.
Ctî mot est dérivé du latin primus, mais i\ ajoute
quelque ohose à la signification de son origine.
PRI
581
De plusieurs êtres qui se succèdent dans un
certain espace du temps ou d'étendue, on appelle
premier [primu.s] celui qui est a la tète de la
succession , (pii la commence. Mais on appelle
primitif iiAui <pii commence une succession is-
sue de lui. Ainsi, dans l'ordre des temps, le con-
sulat de !.. Junius Brutus cl de I,. ïarquinius
Collatinus, est le premier des consulats de la
république romaine. Mais Adam est mm-seulc-
mont le premier des hommes, il est encore
l'homme primitif, parce «lue ceux qui sont ve-
nus après lui sont issus de lui. C'est a peu prés
dans ce sens (jue les grammairiens entendent ce
terme, quand ils disent une langue primitive,
un mut primitif. La hiîtgue primitive est iioil-
seulement celle tjue parlèrent les premiers hom-
mes, mais encore celle dont tous les idiomes
subséquents ne sont, en quelque sorte, que- di-
verses reproductions, sous différentes furincs. —
Un viot primitif est un mot dont d'autres sont
formés, ou dans la même langue, ou dans plu-
sieurs langues dillerentes. Par exemple, priz/tt^t/
vient de primus, primus de l'ancien adjectif latin
pris; ainsi pris est primitif à l'égard iXuprimtis
et de primitif, cl primus à Végaïd de primitif
seulement. (Beauzée.)
On appelle, dans les verbes, temps primitifs,
ceux qui servent à former les autres temps, et
qui ne sont formés eux-mêmes d'aucun autre.
Ils sont au nombre de cinc], savoir : le présent de
l'infinitif, le participe présent, le jiarticipe passé,
le présent de l'indicatif et le passé simple. Voyez
Forma tion.
Primitivement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: Ce mot a été em-
ployé primitivement, ou a été primitivement
employé pour signifier...
Primoudial, Primordiale. Adj. des deux
genres. Il se met toujours après son subst. :
Titre primordial, état primordial. Rien n'em-
pêche de dire des titres primordiaux.
Princesse. Subst. f. Ce mot, que l'on trouve
souvent dans les tragédies de Racine, passe
maintenant pour une expression fade.
Ma princesse, avcz-vous daigné me souliaiterî
(Rac, Britan., acl. H, se. VI, 15.)
Principal, Principale. Adj. Il se met ordi-
nairement avant son subst. : Principal emploi,
principal but, principal défaut, principale af-
faire, principale raison.
Il fait principaux au pluriel masculin : Des
articles principaux.
Principalement. Adv. On l)eut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a insisté princi-
palement, ou il a principalement insisté sut
son innocence.
Printanier, Printanière. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Sai.ion printanière, fleurs
printanières.
Priser. V. a. de la 1" conj. Racine a dit dans
Phèdre (act. II, se. i, 75) :
J'aime, je prise en lui de plus nobles richesses.
On a remarqué avec raison que le mot priser es\.
exclu depuis longtemps du style noble.
Privatif, Privative. Voyez Particule.
Pritativemf.nt. Adv. Exclusivement, à l'e.x-
clusion. Il régit la préposition à: Privaiivement
à tout antre.
Privilégié, Privilégiée. Adj. qui ne se met
582
PRO
qu'après son suhsl. : Marchand privilégié, per-
sonties privilégiées. — Autel privilégié, lieu
pririli'ffii'.
Pnix. Subsl. m. Racine a dit dans les Frères
ennemis (act. III, sc. ii, 55) :
Si TOUS donnez les prix, eomm< vous punisse.
Donner les prix, pour récompenser, n'est pas
une bonne expression. — Hckrer le prix ne sc
dit qu'au figuré : Sa modcslie relève le prix de
ses autres rertus. Au propre, on dit, augmente
le prix. Il ne faut donc pas dire comme le père
Bouliours : Ces perles ne vaudraient pas tant,
si le luxe et l'apinion n'en relevaient le prix.
11 faliail, n'en augmentaient le prix.
A prix de, expression adverbiale. On dit bien
cl prix d'urgent, mais on ne dit pas à prix de
trarail. — On dit au propre et au ligure, à quel-
que prix que ce soit, pour dire, ([uoi qu'il en
coûte : Je veux avoir celte maison, à quelque
prix que ce soit. Il veut en venir à bout, à quel-
que prix que ce soii.
On dit, chacun vaut son prix, pour dire qu'i/1
ne faut pas tant élever le mciile d'une personne,
qu'oïl rabaisse celui des aulres. — On dit ^\n'une
chose est hors de prix, pour dire qu'elle est
cxtrémoment chère; et qu'une chose est sans
prix, n'a point de prix, pour dire qu'elle est
d'une très-grande valeur. — Mettre la tète d'un
homme à prix, c'est promettre une somme pour
récompense à celui qui le tuera.
PiioiiABLK. Ad j. des deux genres. II ne se met
qu'après son subst. : Opinion probable, argu-
ment probable.
Probe. Adj. des deux genres qui se place
toujours après son substantif: Un homme proie.
Prorlématique. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Proposition probléma-
tique, doctrine problématique.
Problématiquement. Adv. On ne le met guère
qu'après le verbe : // a traité prnblématiquement
cette question.
Procéué. Subst. in. Conduite ou manière d'agir
d'une personne à l'cgard d'une autre.
Fèraud dit que quand ce mot est sans épilhè^e,
il se i)rend en mauvaise part. C'est le contraire
qui est vrai. Quand ce mot se dit absolument,
il se prend toujours en bonne part : Cet homme
a des procédés avec tout le monde, signifie, cet
homme se conduit avec tout le monde d'une
manière honnête, convenable : C'est un homme
qui ne connaît pas les procédés. Manquer aux
procédés. C'est un homme à procédés.
Processif, Processive. Adj. des deux genres
qui ne se met qu'après son subst. : Homme pro-
cessif, esprit pri'cessif, humeur processive .
Prochain, Phochaine. Adj. On peut le mellrc
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Le village prochain, le prochain village ;
l'occasion prochaine, à la procliaine occasion.
Voyez Adjectif.
Prochain. Subst. m. Un homme ou tous les
hommes en général considérés sous les rapports
qui les lient les uns avec les autres. Il ne se
dit qu'en parlant des chrétiens. 11 n'a point de
pluriel.
PnocHAiNEMENT. Adv. Il uc SC met qu'après
le verbe : Jl viendra prochainement, très-pro-
chainement.
Proche. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorscpie l'analogie et
rharmonie le pcrmellent : Ses proches parents.
PRO
Au superlatif, on dit son plus proche voisin, ou
son voisin le plus proche; son plus proche
parent, son parent le plus proche. Voyez Ad-
jertif
Proche. Préposition. Elle régit ordinairement
la préposition de : Proche de chez moi, proche du
palais. — On dit familièrement proche le palais,
proche l'église.
Procureur. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit procuratrice.
Prodigieux, Prodigieuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Une mémoire prodigieuse, une pro-
digieuse mémoire; une dépense prodigieuse,
une prodigieuse dépense. Voyez Adjectif.
Prodigue. Adj. des deux genres, qui ne se met
qu'après son subst : Un homme prodigue, une
femjne prodigue.
Il régit (juehpjefois la préposition de : Prodigue
de son bien, de son sang, de sa vie ; prodigue de
louanges, de paroles, de proinesses.
Profanateur. Sulist. m. L'Académie ne dit
point comment il faut dire en parlant d'une
femme. Rien n'empêche, ce me semble, de dire
profanatrice.
Profïne. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
rharnionio le poruieltent : Une action profane,
cette profane action; des discours profanes, ces
profanes discours. Voyez Adjectif.
Il s'emploie aussi substantivement.
C'est des ministres saints la demeure sacrée;
Les lois à tout profane en défendent l'entrée.
(Uac, Ath., act. m, sc. II, 2.)
Profaner. V. a. de la 1" conj. L'Académie
explique trés-succinclemcnt ce mot, et n'en
donne que des exemples très-communs. En voici
d'autres qui pourront mieux faire connaître ses
différentes acceptions :
Va profaner des dieux la majesté sacrée;
(Rac, Androm., act. IV, sc. v, lOS.j
Persécuteur nouveau de cette cité sainte.
D'où vient que ton audace en profane l'enceinte?
(Volt., Mahom., act. I, sc. IV, 5.)
On ne m'a jamais vu, surpassant mon pouvoir,
D'une indiscrète main profaner l'encensoir.
(Volt., Uenr., II, 15.)
Si vous aviez vu ce temple abandonné,
Du Dieu que nous servons le tombeau profané.
(Volt., Zaïre, act. II, sc. il, 69.)
Jusques à quand, Romains,
Voulez-vous pro/ancr tous les droits des humains?
(Volt., Brut., act. II, sc. i, 70.
Phèdre dit dans Racine, en parlant de l'épé
d'Hippolyte (act. III, sc. i, 14) :
Il suffit que ma main l'ait une fois loiichce.
Je l'ai rendue horrible à ses yeux inhumains,
El ce fer malheureux profanerait ses mains.
Profil. Subst. m. On prononce le l final.
Profitable. Adj. des deux genres. Il ne se me
guère qu'après son subst. : Un avis profitable
un emploi profitable.
Profond, Profonde. Adj. On peut souvent le
mettre avant son subsl. : Un puits profond, un
précipice profond , un profond précipice; un»
plaie profonde, une profonde plaie. — Une pro-
PRO
ftnde révérence, vue révère nce ■profonde . — Un
savant profond, un profond mathématicien, un
profond politique, un profond scélérat. — Dans
If ^eiis de giaiul.exlrèinc. on peut aussi leincllre
avant son subst. : Un silence profond, un pro-
fiind silence; un profond sommeil, un sommeil
profond; un respect profond, un profondrespect ;
une douleur profonde, une profonde douleur;
une profonde mélancolie, une mélancolie pro-
fonde; un profond savoir, un savoir profond;
une érudition profonde, une profonde érudition ;
une sagesse profonde, une profonde sagesse;
Une dissimulation profonde, une profonde dissi-
mulation.
Voltaire, dans la Henriade, eraploic ce mot
subslantivemcnl (VI, 319) :
Comrae il parlait ainsi du profond d'une nue,
Uu fantùme éclaUnlse présente à sa vue.
Cette expression n'a rien de choquant. On pour-
rait dire cependant qu'il ne laul pas inventer des
mots sans nécessiié; et fond a exactement le
même sens que Voltaire donne ici au mot pro-
fond. — L'Académie remarque dans la dernière
édition de son Dictionnaire, que profond s'emploie
quelquefois substantivement, et elle donne les
exemples suivants: Du profond des e 71 fers ; il
est tombé au plus profond du gouffre.
Profondément, Adv. On peut le meilrc entre
l'auxiliaire et le participe : Il a médité profon-
dément sur cette question, ou il a profondément
médité sur cette question. Il est profondément
versé dans ces ?natiércs.
ProFLsÉMENT. Adv. Ou peut le mettre entre
l'auxiliaire elle participe : Il donne profusément.
Il a profusément récompensé les séitices qu'on
lui a rendus.
Progressif, Progressive. Adj. 11 ne se met
qu'a[)réssonsubst. : Mouvement progressif.
Pr.oGiiESsioN. Subst. f. Terme de rhétorique.
C'est l'araplification d'une même idée qui marche
dans une ou plusieurs jihrases, avec un accrois-
sement de grandeur et de force. Tel est ce mor-
ceau de \'o)-aisnn funèbre de M. de Turenne, par
Fléchier (p. 136) :
« N'attendez pas, messieurs, que je représente
ce grand homme étendu sur ses propres trophées !
que Je découvre ce corps pùJe et sanglant, auprès
duquel fume encore la foudre qui Va frappé!
que je fusse crier son sang comme celui d'Mel,
et que j'expose à vos yeux les images de la
religion et de la patrie éplorécs. »
Voilà truis membres d'une phrase qui font
une progression ascendante d'images. Cette dis-
tribution, qui sied bien dans le style élevé, forme
une figure qui réunit a la fois la variété, la gran-
deur et l'unité. {Encyclopédie.)
Pbogressivf.ment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela s'est augmenté
progressivement, OU s'est progressivement aug-
menté.
Prohibitif, Prohibitive. Adj. 11 ne se mot
qu'a|)rés Son subst. : Lois prohibitives, régime
prohibitif.
PnoiE. Subst. f. Voltaire a critiqué avec raison
oe vers de la tragédie de Didon (act. I, se. i, éd.
de 1734) :
Pour la dernière fois en proie à ses hauteurs.
Cil peut, dit-il, être exposé à des hauteurs,
mais on ne peut y être en proie comme on l'est à
la colère, à la vengeance, à la cruauté. Pourquoi ?
PRO
SS.>
c'est que la cruauté, la vengeance, la cidérc,
IKjursuivent en effet l'objet de leur ressentiment,
et cet objet est regardé comme leur proie ; mais
des hauteurs ne poursuivent jjersonne, des hau-
teurs n'ont point de proie. {Dict. philosophique,
au mot yers.)
PiiojETER. V. a. de la l" conj. On double le t
toutes les fois iju'il est suivi d'un e muet : Je
pri jette, tu projettes, nous projetons, etc.
Pkolepse. Sul)si. f. Terme de rhétorique.
Figure par laquelle on prévient les objections de
ses adversaires. Celle figun; produit un bon effet
dans les plaidoyers, particulièrement dansl'exorde,
où c'est une espèce de précaution et de justifica-
tion que l'orateur juge utile à sa cause.
PiiOLixE. Adj. des deux genres qui suit ordi-
nairement son subsl. : Un discours prolixe, un
komme prolixe. — On pourrait dire, dans cer-
tains cas, ce prolixe discours.
Pr.oLixEMENT. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a rapporté prolixe-
ment le fait, ou il a prolixement rapporté le
fait.
Prolixité. Subst. f. C'est le défaut d'un dis-
cours qui entre dans des détails minutieux, ou
(jui est long et circonstancié jusqu'à l'ennui. La
prolixité est un vice du style opposé a la brièveté
et au laconisme. Si la jirolixité rend la prose
traînante, elle doit cire bannie des vers avec
encore |)lus de sévérité. Là, selon Despréaux
{A.P.,\,Q\):
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rekulant,
L'esprit rassasié le rejette à l'instant.
(Extrait de \' Encyclopédie.')
PROLOGnE. Subst. m. Terme de littérature.
On appelle ainsi, dans la poésie dramaliciue, un
discours qui précède la pièce, cl dans le(]uel on
introduit tantôt un seul acteur, et tantôt plusieurs
inlorloculeurs. L'objet du prologue chez les an-
ciens était d'apprendre aux spectateurs le sujet
de la pièce qu'on allait représenter, et de les
préparer à entrer plus aisément dans l'action et â
en suivre le fil; quelquefois aussi il contenait
l'apologie du poêle, et une réponse *»ux critiques
qu'on avait faites des pièces i)réc(.rlenles. Les
Français ont presque entièrement banni le |)rologue
de leurs pièces de théâtre, à l'exception des
opéras. On a cependant quelques comédies avec
des prologues.
Le sujet du prologue des opéras est presque
toujours détaché de la pièce ; souvent il n'a pas
avec elle la moindre ombre de liaison. La plupart
des prologues des opéras de Quinaull sont à h"
louange de Louis XIV. On regarde ccpendanr.
comme les meilleurs prologues ceux qui ont du
rapport à la pièce qu'ils précèdent, quoiqu'ils
n'aient pas le même sujet. (Extrait de \ Encyclo-
pédie.)
Pr.oLONGKR. V. a. delà 1" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme j ; et pour
lui conserver celle prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un 0, on met un e muet avant
cetrt ou cet 0: Je prolongeai, prolongeons, et non
pas je prolongai, prolongnns.
Promenade. Subst. f. Promenoir. Subst. m
Le jn-cmier mot s'est maintemi pour signifier un
lieu où l'on se promène, et le second a vieil.
On aurait dû le conserver parce qu'il enrichissait
noire langue, et que du temps de Louis XIV
on meltaït une différence entre ces dsux
mots. Promenade désignait quelque choss di»
plus naturel , promenoir tenait plus de l'ar*
384
PRO
De belles promenades étaient, par exemple,
des plaines ou «les prairies; de hcvtn\ promeimirs
étaient des lieux plantés selon les alignements
de l'art. Le cours la Heine s'apjielait un
beau promenoir, et la plaine de Grenelle une
helle promenade.
Promener. V. delà V" conj. Ce verbe, dans le
sens de niarrhcr, d'aller soit à pied, suit achevai,
s'emploieloiijoiirsavec le pronom personnel. Voy.
Pronominal. Ainsi on ne doit pas dire allons pro-
fnener, il est aile promener ; il faut dire, allons
nous promener, il est a.Hè se promener. H est vrai
iju'on dil.j'f l'enverrai promener, je l'aienvoyê
prowiewe/; mais ce sont des phrases familières et
consacrées qui n'ont aucun rapport avec la pro-
menade.
Si promener était pris dans la signification de
conduire, faire marcher, soit un homme, soit une
hcte, alors on emploierait ce verbe activement, et
l'on dirait : Il a bien promené ces étrangers par
la ville. Il estbon de promener un cheval écha^iffé,
avant de le mettre à l écurie. On dit aussi au
ligure, promener son esprit sur divers objets,
il promène ici près sa rêverie.
Promenoir. Subst. m. Voyez Promenade.
Promettre. V. a., n. et irrégulier de la 4"' conj.
Il se conjugue comme mettre. Voyez ce ynnt :
Promettre quelque chose à guelqiiuîi. — J'ai
promis a 7/10/1 frère de revenir demain. Je vous
promets qu'tV s'en souviendra. — Ils se sont
promis une fidélité à toute épreuve. Ils s'étaient
promis de profiter des troubles civils. Je n'ose
me promettre que vous me ferez cet honneur.
Promoteur. Subst. m. L'Académie ne dit pas
comment il faut dire en parlant d'une femme.
De Wailly dit promotrice, et il me semble qu'on
peut le dire.
PROMonvoiR. V. a., irrégulier et défectueux
de la 3« conj. Il ne se dit qu'à l'infinitif et aux
temps composés : Promouvoir; on l'a promu,
nous l'avons promu, il a été promu ; ttre promu
à lin grade, a une dignité.
Prompt, Prompte. AdJ. On ne prononce pas le
second p. On ne prononce le t final du masculin
(jue devant une voyelle ou un h non aspiré. Pro-
noncez prow.
Il régit quelquefois la préposition à : Un
homme prompt à servir ses amis. La jeunesse
estprompteà s'enflammer. (Fénelon, Ttlémaque.)
— féiaud ne lui donne ce régime (ju'en parlant
des personnes. Voici un exemple du contraire :
Cet orageux torrent, prompt à se déborder,
Dans son choc tcncibreux allait tout inonder.
(Volt., lUnr., Vf, 53.)
On peut quelquefois mettre cet adj. avant son
subst. : Un homme prompt, une femme prompte,
un esprit prompt, une conception prompte; un
rapport prompt, vn prompt rapport; une réponse
prompte, une prompte réponse
Promptement. Adv. On ne prononce point le
second p. Prononcez prontement. On peut le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il est
revenu promptement, il est promptement i-evenu .
Promptitude Subst. f. Prononcez prontitude.
Pronom. Subst. m. Tout jugement a pour objet
une chose. Ainsi toute proposition étant un juge-
ment exprimé par des paroles, doit avoir un nom
qui rappelle l'idée de cette chose, et ce nom
s'appelle le sujet de la proposition. Dans Pierre
est raisonnable, Pierre est le sujet de la pro-
position.
Le sujet de la proposition peut être ou la per-
PRO
sonne qui parle, ou la personne à qui l'on parle,
ou bien la personne ou la chose dont on parle.
Quand la personne qui [arle est elle-même le
sujet de la proposition, elle ne se nomme pas,
car alors son nom et la répétition de ce nom
formeraient des équivoiiucs et des embarras con-
tinuels dans l'expression. Par exemple, si, voulant
jiarlerde moi, je disais Charles dîne; et. après
dîner, Charles ira se promener ; puis Charles
viendra se coucher. Le mot Charles formerait
autant d'étjuivoques qu'il serait énoncé de fois.
Car rien n'indique si c'est moi Charles gui dîne,
qui irai, qui viendrai, etc. ; ou si j'entends par-
ler d'un autre Charles que moi. Les deux verbes
ira et viendra indiqueraient même que je veux
parler d'un autre Charles.
Pour éviter ces équivoques et ces répétitions,
on a inventé un mot qui se met à la place de la
personne qui parle, et en rappelle toujours Pidce
sous le rapport de la parole. Ce mot est je. Ainsi
au lieu de dire Charles dîne, Charles ira, Char-
les vie iidra, je ûh je dîne, j'irai, je viendrai;
et ce mot je rapiielle toujours mon nom sous le
rapport de l'acte de la parole que j'exerce actuel-
lement.
Lorsque la personne à laquelle j'adresse la
parole est elle-même le sujet de la proposition,
je ne la nomme pas non plus, par la même raison
et pour éviter les mêmes inconvénients. Si, par
exemple, parlant à une personne qui se nomme
Pierre, je lui disais, Pierre joue, Pierre marche,
rien dans le mot Pierre n'indiquerait que ce nom
désigne la personne à qui je parle; car elle pour-
rait aussi bien en désigner une autre du même
nom. On a inventé le mot tu, pour le mettre à la
place du nom de la personne à qui l'on [larle, et
pour représenter toujours ce nom sous le rapport
de !a parole adressée à cette personne. Ainsi au
lieu de Pierre joue, Pierre marche, on dit tu
joues, tu marches.
Quand la personne ou la chose dont je parle
est le sujet de la proposition, et qu'elle est assez
connue de celui ou de ceux à qui je parle, soi',
parce que je l'ai déjà nommée, soit parce qu'elle
est présente et que je l'indique comme telle, je
ne la nomme pas non plus toutes les fois qu'il est
nécessaire d'en rappeler l'idée, mais je ine sers
des inotsz7 ou elle, inventés pour la représenter
sous le rapport de la parole. Ainsi je ne dirai pas,
Pierre Ut bien, mais Pierre écrit mal; Louise
a de l'esprit, mais Louise s'exprhne mal; cette
maison est belle, mais cette maison n'est pas
bonne. Je dirai Pierrelitbien,inais Wécrit mal;
Louise a de l'esprit, mais elle s'exprime mal;
cette maison est belle, mais elle n'est pas bonne;
OÙ Ton voit qu'après avoir désigné une fois par
son nom la personne ou la chose dont je parle,
j'en rappelle ensuite l'idée par le mol il si elle est
du genre masculin, et par le mot eZ/e si elle est du
féminin.
On appelle la personne qui parle la première
persoime; celle à qui l'on parle la seconde per-
sonne ; et celle de qui l'on parle la troisième
personne.
Les mots qui se mettent à la place des noms
pour les représenter et en rappeler l'idée se
nomment pronoms ; et les grammairiens (]ui ilis-
tinguent plusieurs sortes de pronoms, appelleol
pronoms personnels ceux (pii servent à repré-
senter les personnes ou les choses sous le rapport
de l'acte do b parole.
Pour rai^jclcr les noms qui sont sujets d'une
proposition, la première personne n'a que deux
PRO
jjionoins, /e pour le singulier, et nous pour le
pluriel : Je mange, nous mangeons. La seeoiule
personne en a deux pour le singulier, ta et vous,
et celui-ci est le mcinc pour les deux nombres :
Tti dors ou vous dormez.
Sans doute, dit Condillac, on a, dans les com-
menccinenis, dit lu à tout le monde, quel que fût
le rang de celui à (pii l'on parlait. Dans la suite,
nos pores barbares et scrvilcs imaginèrent de
parler au pluriel à une seule personne, lorstprelle
se faisait respecter ou craindre; et vous devint
le langage d'un esclave devant son maître. 11
arriva de là (]ue lu ne peut plus se dire (]u'eu
parlant à ses esclaves, à ses valets ou à un liomme
fort inférieur. La familiarité qu'on prenait avec
ses inférieurs, on crut souvent la pouvoir prendre
avec ses égaux, et l'usage introduisit le tu. d'égal
à égal, surtout entre les amis. Cependant, parce
qu'il est difficile de concilier la familiarité avec
la politesse, deux personnes qui se tutoient dans
le tétc-à-léte ne croiront pas, par égard pour le
j)ublic, devoir se luioycr devant le monde. Les
poètes ont conservé le tu; et en vers, celte licence
a de la noblesse.
Les pronoms de la troisième personne sont
différents, suivant les genres. On dit il au mas-
culin, elle au féminin, ils ou elles au pluriel.
Mais les noms de la première, de la seconde
et de la troisième personne, sont souvent aussi
régimes des verbes, ou compléments des [)répo-
sitions; et il y a des pronoms pour en ra[)pelcr
l'idée dans ces cas. Ces pronoms sont, pour la
première personne, 7iie pour le singulier, et 7ious
pour le pluriel, et ils se mettent également pour le
régime direct et le régime indirect : Il me frappe,
il me donne de l'argent. Le premier est le régime
direct, et revient au cas que les Latins appellent
accusatif; le second est le régime indirect, et
revient au datif ; c'est comme s'il y avait il donne
de l'argent a moi; ils nous calomnient, ils nous
ont donné de l'argent. Ces pronoms sont, pour
la seconde personne, te au singulier, vous au
singulier et au pluriel ; Il te contredit, il vous
hait, cet homme ï^ous a donné de l'argent.
Ceux de la troisième personne sont le pour le
régime direct singulier masculin, la jjour le
régime direct féminin singulier, /es pour le régime
direct pluriel des deux genres, iwj pour le régime
indirect singulier des deux genres, leur pour le
régime indirect pluriel des deux genres : ./e le
vois, je la console, je les aime, je lui ai donné
ma cfi/ifiance, je leur donnerai un bon avis.
Les pronoms qui servent de coinplémenl aux
prépositions sont , pour la première personne,
moi au singulier, avec moi; nous au pluriel,
arec 7ious; pour la seconde, toi ou vous, j'ai
fait cela pour toi ou pour vous. Ils se disent
également pour le masculin et pour le féminin.
Puur la troisième personne, on dit lui au mas-
culin singulier, avuut lui; elle au féminin sin-
gulier, derrière elle ; eux au masculin pluriel,
c'est pour eux ; elles au féminin pluriel, à cause
d'elles. Voyez ces pronoms.
Lorsque le sujet de la proposition est aussi le
régime du verbe, on se sert de se au masculin
et au féminin, au singulier et au pluriel, pour
marquer le régime direct ou indirect ; Il s'aime,
elle s'aime, ils s'aiment, elles s'aiment; il se
donne des louanges, etc. Dans ce cas, on se seit
de soi, pour complément des prépositions: Cha-
cun est pour soi. Les grammairiens appellent ce
pronom, pronom réfléchi.
¥ et en sont aussi des pronoms de la troisième
PRO
Î365
|)ersonne. On les emploie à la place d'un noui
précédé d'une préposition : Allez-vous àParis'i
J'y vais; y est pour à Paris. Acez-vous de
l'argent '.' J'en ai; en est pour de l'argent.
Les grammairiens mettent aussi au nombre
des pronoms personnels de la troisième personne
qui sont sujets des propositions, on ou l'on, et ils
l'appellent ;)?v)wo7« indéfini, parce que, disont-ils,
il maniue indélinimenl une (lu plusieurs per-
sonnes : On dit, l'on assure. Mais ce mot n'est
pas un pronom, puisiiu'il ne se met jamais à
la place d'un nom. On vient par corruption
d'homme; et l'on, de l'homme. Kn allemand, le
même mot (pii répond à notre on, signifie/iowme,-
mansugt, homme dit, ou on dit. Ce mut est un
vrai substantif, il n'est mis à la j*lace d'aucun
nom, il ne se rapporte même à aucun, et il ne
laisse rien à suppléer. En effet dans on Joue, on
est le iKim d'une idée qui existe dans l'esprit,
comme celle de tout autre substantif; seulement
cette idée est vague, et si l'on dit on, c'est qu'on
ne veut déterminer ni (pielles sont les personnes
qui jouent, ni (juel en est le nombre.
On voit, par ce que nous venons de dire, que
les pronoms sont employés, ou à la place des
nomsqiie les circonstances du discours indiquent,
JG parle, tu joues; ou à la place des noms qui
ont été énoncés auparavant, J'ai acheté une mai-
son, elle m'a coûté cher.
On pi'ut iijoulcr que le pronom est une expres-
sion abrégée qui équivaut quelquefois à une
phrase entière; car il tient la place d'un nom
(jii'on ne veut pas répéter, et de tous les acces-
soires dont on l'a modifié: Je fais beaucoup de
cas de l'homme dont vous me parlez et que vous
aimez, je le verrai incessamment. Le est un
pronom qui est employé pour éviter la répétition
de l'homme dont vous me parlez et que vous
aimez. Le pronom rappelle un nom avec toutes
les modifications qui lui ont été données : Avez-
vous vu la belle maison de campagne qui vient
d'être vendue"^ Je \'ai vue; la, c'est-à-dire la
belle maison de campagne qui vient d'être
rendue. Cette phrase, (jui est déterminée par le
pronom la, n'est qu'une seule idée, comme elle
n'en serait (ju'une si elle était exprimée par un
seul mot.
Souvent les pronoms rappellent plutôt les
idées ([u'on a dans l'esprit, que les mots (ju'on a
l)rononcés : Voulez-vous que j'aille vous voir?
Je le veux. Le signifie que vous veniez me voir.
JS'ous avons parlé a l'article Adjectif ilcs pro-
noms que les grammairiens appellent communé-
ment démonstratifs , possessifs , et relatifs.
Voyez Adjectif.
<Juant aux pronoms que l'on appelle commu-
nément indéfinis, ce sont ou des noms, ou des
adjectifs, ou des adverbes, qui ne s'emplDiciit
point à la place des noms, et qui par conséquent
ne doivent point être appelés pronoms. On les
trouvera chacun à son article, ainsi que les véri-
tables pronoms.
Pronominal. Adj. m. Terme de grammaire.
Il ne se met qu'après son subst., et fait au
pluriel projiominaux : f^erbe pronominal, verbes
pronominaux
On appelle, en grammaire, verbes pronominaux
ceux qui se conjuguent avec deux pronoms de
la même personne : Je me, tu te, il so ; nous
nous, vous vous, ils se. Je me-promène, je
m'arroge.
Sous \q nom de verbes pronominaux, on com-
prend et les verbes réfléchis et les verûes rec»-
S86
PRO
nroques. ^■oycz ces mois. Ces verbes n'onl point
de conjiiiïaison qui leur soit |)arliculiére. Dans
les temps' simples, ils se conjnçueiil comme la
conjuïMison à laquelle ils apparûcnneni, et clans
les ipinps composés, iispreiment l'auxiliaiie être;
mais alors le verbe é/îccst employé pour avoiV.
Je vie suis flatlê est i>o\lT j'ai flatté moi.
Modèle.
Indicatif. — Présent. Je me promène, lu te
promènes, il se promène ; nous nous promenons,
vous vous i)romenez, ils se jjromèncnt. — Im-
parfiiit. Je me promenais, etc. — Temps com-
posés. Je nie suis promené , je m'étais promené.
Conditionnel. — Je me promènerais, je me
serais promené.
Impératif. — Promène-toi, promenons-nous.
Subjonctif. — Présent. Que je me promène,
que tu te promènes, qu'il se promène, etc. — Im-
parfait. Que je me promenasse, que lu te pro-
menasses, qu'il se promenât, etc. — Que je me
sois i)romené, que je me fusse promené.
Inlinitif. —Se promener.
Pailicipe. — Présent. Se promenant. — Passé.
Promené ou promenée ;s'élant promené ou s'étant
promenée.
Prononciation. Subst. f. La prononciation, en
grammaire, est l'art d'articuler les lettres et les
syllabes des mois d'une manière coni'orme à l'u-
sage. 11 y a en français doux prononciations dif-
férentes, l'une pour les vers et le discours sou-
tenu, l'autre pour la prose commune et le dis-
cours ordinaire. Dans la première, on prononce
la plui)arl des consuimes qui sont à la fin des
mois, quand les mots suivants commencent par
une voyelle ou un h non aspiré. Dans la seconde,
ce serait une affectation ridicule de vouloir
prononcer touics les consonnes finales, lorsque
les deux mots n'ont pas une liaison nécessaire
entre eux. Nous avons exposé ces difficultés do
la prononciation a chaque article qui nous a
paru en offrir (pielques-unes , et particulière-
ment à l'article de chaque lettre.
Prononciation. On appelle ainsi, en littéra-
ture, l'action de la voix dans un orateur ou
dans un lecteur, quand il déclame ou lit quel-
que ouvrage. — La prononciation doit être cor-
recte et claire. Correcte, c'est-à-dire exempte de
défauts ; en sorte que le son de la voix ait quel-
que chose d'aisé, de naturel, d'agréable, et soit
accompagné d'une certaine délicatesse (juc les an-
ciens nommaient urbanité, cl qui consiste à en
ccarler tout son étranger et rustique. La pro-
nonciation doit élre claire, et deux choses con-
tribuent à cette clarté. La i)remière, c'est de
bien articuler tomes les syllabes; la seconde de
savoir soutenir et suspendri^ sa vuix par diffé-
rents repos et différentes pauses dans les divers
membres qui composent une iwriodc. La cadence,
l'oreille, la respiration même, demandent ces re-
pos qui jellent beaucoup d'agrément dans la pro-
nonciation.— On a|ipelle;)/'o/jo/(c/o/jo/io;'/ifie, celle
qui est secondée d'un heureux organe, d'une
voix aisée, grande, flexible, ferme, durable, claire,
sonore, douce et entraînante; car il y a une voix
faite pour l'oreille, non pas laui par son étendue
que par sa flexibilité, suscepliiile de tous les sons,
depuis le plus fort jusqu'au plus doux, depuis le
plus haut jusqu'au plus bas. Ce n'est jias par de
violents efforts, ni \Y,\y de grands éclats, qu'on
vient à bout de se faire eniendrc, mais par une
prononciation nette, distincte et soutenue. L'ha-
PRO
bilelé consiste à savoir ménager adroitement les
différents ports de vuiK ; à commencer d'un ton
qui puisse hausser et l)aisser sans peine et sans
contrainte ; à conduire tellement sa voix, qu'elle
puisse se déployer tout entière dans les endroits
où le discours demande beaucoup de force et
de véhémence, et principalement a bien étudier
cl suivre en tout la nature.
L'union de deux qualités opposées en appa-
rence fait toute la beauté de la prononciation :
l'égalité et la variété. Par la première, l'orateur
soutient sa voix, et en règle l'élévation et l'abais-
sement sur des lois fixes qui l'empcchent d'aller
haut et bascomme au hasard, sans garder d'ordre
ni de proportion. Par la seconde, il évite un
des plus considérables défauts (ju'il y ait en
matière de prononciation, la monotonie. Il y a
encore un autre défaut non moins considéra-
ble que celui-ci, et qui en tient beaucoup; c'est
de chanter en prononçant, et surtout des vers.
Ce chant consiste à baisser ou à élever sur le
même ton plusieurs membres d'une période, ou
plusieurs périodes de suite, en soile que les
mêmes inflexions de voix reviennent fréquem-
ment, et presque toujours de la même sorte.
Enfin la prononciation doit être proportionnée
aux sujets que l'on traite, ce qui parait surtout
dans les [)assions, qui ont toutes un ton parti-
culier. La voix, qui est l'inierprùle de nos sen-
timents, reçoit toutes les impressions, tous les
changements dont l'âme elle-même est sus-
ceptible. Ainsi, dans la joie, elle est pleine,
claire, coulante; dans la tristesse, au contraire,
elle est traînante et basse ; la colère la rend im-
pétueuse, entrecoupée; quand il s'agit de con-
fesser une faute, de faire satisfaction, de supplier,
elle devient douce, timide, soumise. Les exordes
demandent un ton grave et modéré ; les preuves
un ton un peu plus élevé; les récits, un ton
simple, uni, tran(piille, et semblable à peu près à
ce' ai de la conversation. (Rollin, Traité des
études.)
La prononciation est une suite des mouve-
ments variés (pie l'organe exécute ; et du passage
pénible ou facile de l'un à l'autre, dépend le
sentiment de dureté ou de douceur dont l'oreille
est affectée. 11 faut donc examiner avec soin
quelles sont les articulations sympalhi(pies et
antipathiques dans les mois déjà composés, afin
d'en rechercher et d'en éviter la rencontre dans
le passage d'un mot à un autre. On sait, par
c'ccmple" qu'il est plus facile de doubler une
consonne en l'appuyant, que de changer d'arti-
culation. Si l'on est libre do choisir, on préférera
donc pour initiale d'un mot la finale du mot qui
précède : Les Grecs sont 7ios modèles ; le soc
qui fend lu terre.
L'iiymen n'est pas lonjours entouré de Qambeani.
(Rac, Piiéd., ad. V, se. i, 63.)
11 avait de plant vif fermé cette avenue.
(La Foktaikb.)
Si La Fontaine avait mis bordé au lieu de fer-
mé, l'arliculaiion serait i)lus pénible.
On sait que doux différentes labiales de suite
sont pénibles à articuler; on ne dira donc point,
Jlep fait le commerça de l'Inde, etc.
Propagateur. Subst. m. L'Académie ne nous
apprend [)oint comment il faut dire en parlant
d'une femme. Il nous semble qu'on peut dire
prcipagairice.
PRO
Propager. V. a. delà 1" conj. Dans ce verbe,
le^ doit loujours se prononcer coininey,-et pour
lui conserver celle itrononciation lors(]uMI est
suivi d'un a ou d'un p, on met un e muet avant
cet a ou cçl o : Je propageais, propageons, et
non [Mi'^je propaqai, pi-opar/nns.
PnoPHÉTiQiE. Àdj. des deux genres. On peut
le meltre avant son subst., en consultant l'oreille
et l'analogie : Discours prophétique, esprit pro-
phétique, style prophétique. — Ce prophétique
discours, ces prophétiques paroles. Voyez Ad-
jectif.
Ainsi de l'antre saint la prophétique htrreur
Trouble sui- son trépied la prêtresse en fureur.
IUelii.., Enéide, YI, 154.)
Proi'hétiqiement. Adv. Il ne se met qu'a-
près le verbe : Il a parlé prophétiquement, et
non pas il a prophétiquement parlé.
Propice. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Temps propice, oc-
casion propice, saison propice.
Le moment est propice, il en faut pro iter.
(Volt., Tancr., act. I, se. i, 27.^
Quelquefois il régit la préposition à : Que Dieu
soit propice à nos vœux.
Et je bénis le ciel propice à nos desseins.
(Volt., Zaïre, act. II, se. i, 133.)
Propitiatoire. Adj. des deux genres. Cet ad-
jectif ne se met qu'après son subst. : Sacin/ice
propitiatoire, offrande propitiatoire.
Propoktionnément. Adv. Comme ceJ adverbe
régit à avec un complément, on ne doit pas le
placer entre l'auxiliaire et le participe; il les sé-
parerait tiop l'un de l'autre : Il leur a parlé
proportion II ément à leur capacité.
Propos. Subst. m. On ne ])rononce le s que
devant une voyelle ou un /( non aspiré.
Proposable. Adj. des deux genres, qui suit
toujours son subst. : Une affaire proposable,
une question proposable. — On l'emploie le plus
souvent avec la néiialion.
Proposer. V. a. délai" conj. On dit, on lui
a proposé d'examiner cette question, el on lui a
proposé cette question à examiner, jjiU'ce que
dans la première phrase, il ne s'agit tiue d'une
détermination que l'on propose de prendre; et
dans la seconde d'une chose que l'on propose
comme un but.
PnoposiTios. Terme de grammaire. Une pro-
position est l'expression d'un jugement. Un ju-
gement est la perception de l'existence d'un être,
sous une relation à quelque modification ou ma-
nière d'elle.
Une proposition est composée de deux parties
intégrantes, le sujet et l'attribut. Le sujet est la
partie de la proposition qui exprime létic dont
l'esprit a|;erçoit l'existence sous telle ou telle rela-
tion à quelque modilication ou manière d'être.
L'attribut est la partie de la proposition qui ex-
prime l'exislencc intellecluellf du sujet, sous cette
relation à quelque manière d'être.
Ainsi, quand on dit Dieu est juste, c'est une
proposition qui renferme un sujet. Dieu; et un
attribut, est juste. Dieu exprime l'être dont
l'esprit aperçoit l'existence sous la relation de
convenance avec la justice; est juste en exprime
l'exislencc sous cette relation ; est, en parlicu-
liei-, exprime l'existence du sujet; juste en
PRO
587
exprime le rapport de convenance à la jus-
tice. Si la relation du sujet a la manière d'être de
disconvenance, on met avant le verbe une né-
galion pour indiiiuer le contraire de la conve-
nance : Dieu n'est pas nienlcur.
Quelques graunuairiens n'a])pellenl attribut
que le mot (jui exprime la modification, et re-
gardent le verbe être comme une simple liaison
entre le sujet et l'aitribut. Mais ces dilférentes
manières de voir importent fort peu a la gram-
maire. Il suflit d'avoir une idée netle de la propo-
sition et des parties (jui la coiuposeni.
Le sujet et l'attribut peuvent élre : d» sim
pies ou com|)usés; 2" incomplexes ou comi)lexes.
Le sujet est simple quand il présente à l'esprit
un élre détermine par une idée uniiiuc. Tels
sont tous les sujets des propositions suivantes:
Dieu est éternel; les hommes sont mortels;
la gloire qui vient de la vertu a un éclat im-
mortel ; les preuves dont on appuie la vérité de
la reliqiim chrétienne sont invincibles ; crain-
dre Dieu est le commencement de la sapesse.
En effet. Dieu exprime un sujet détcrMiiné par
l'idée unique de la nature individuelle de l'être
suprême; les hommes, un sujet déterminé par
la seule nature spérifKjue conunune a lous les
individus de celle espèce ; la gloire qui vient de
la vertu, un sujet déterminé par l'idée uni(]ue
de la nature générale de la gloire restreinte par
l'idée de la vertu envisagée comme un fonde-
ment parliculier; les preuves dont on appuie la
vérité de la religion chrétienne, un sujet déter-
miné par l'idée unique de la nature des preuves
restreintes par l'idée d'appliration d la vérité de
la religion chrétienne ; enfin ces mots, craindre
Dieu, présenlent encore à l'esprit un sujet dé-
terminé par l'idée unique d'une crainte actuelle
restreinte par l'idée d'un objet particulier qui est
Dieu.
Le sujet, au contraire, est composé, quand il
comprend plusieurs sujets délerminés par des
idées différentes. Ainsi , quand on dit, la foi,
Vespérance et la charité, sont trois vertus théo-
logales, le sujet total est composé, jiarce qu'il
comprend trois sujets délerminés chacun par
l'idée caractéristique de sa nature propre et in-
dividuelle. Voici une autre proposition dont le
sujet total est composé en apparence, quoique
au fond il soit simple : Croire à l'Évangile, et
virre en païen, est une extravagance inconce-
vable. H sendjle que croire à l'Evangile soit un
premier sujet parlicl, et que vivi-e en païen en
soit un second ; mais l'ailribut ne peut pas con-
venir si'parément à chacun de ces deux i)rélen-
dtis sujets, puisqu'on ne peut pas dire que croire
à l'Évangile est une extravagance inconcevable.
Ainsi il faut convenir que le véritable sujet est
l'idée unique de la réunion de ces deux idées
particulières, et par conséquent que c'est un su-
jet simple.
L'attribut peut élre également simple ou com-
[K)sé. L'attribut est simple quand il n'exprime
qu'une manière d'être du sujet, soit qu'il le fasse
en un seul mol, soit qu'il en comprenne plu-
sieurs. Ainsi, quand on dit Dieu est éternel;
Dieu gouverne toutes les parties de l'univers;
vn homme avare recherche avec avidité des biens
dont il ignore le véritable usage ; être sage avec
excès, c'est être fou;\es attributs de toutes ces
propositions sont simples , parce que chacun
n'expi ime qu'une seule manière d'êlre du sujet :
est éternel, gouverne toutes les parties de l'u-
nivers, sont deux attributs qui expriment cha-
588
1>R0
cuu une inanicrc d'élrc de Dieu: l'un dans le
prcniicr exeiii|ilc> l'autre dans le second. Re-
cherche avec ucidilé des liens dont il innore
le véritable usage, c'est une manière d'être d'un
homme avare; être fou, c'est une manière d'être
de ce qu'on appelle être sage avec excès.
L'attribut est cuniposé quand il exprime plu-
sieurs miinières d'être du sujet. Ainsi, quand
on dit Dieu est juste et toul~puissaiit, l'attri-
but total est composé, parce qu'il comprend
leux manières d'être de Dieu : la justice et la
.oule-puissance.
Les propositions sont pareillement simples ou
composées, selon la nature de leur sujet et de
leur attribut. — Une i)ro[)osition simple est celle
dont le sujet et l'attribut sont également simples,
c'csi-a-dirc également déterminés par une simple
idée totale. Evemplis : La sagesse est précieuse ;
la puissance législative est le premier droit de
la souveraineté; la considéralioti qu'on accorde
à la vertu est préférable à celle qu'on rend à lu
naissance. Une proposition composée est celle
dont le sujet ou l'attribut, ou même ces deux
parties, sont composées, c'est-à-dire déterminées
par différentes idées totales. Exemples : L'Écri-
ture et la tradition sont les appuis de_ la sainte
théologie; il y a ici deux sujets, l'Ecriture et
la tradition. La plupart des hommes sont aveu-
gles et injustes; il y a ici deux attributs, sont
aceui/les et sent injustes. Les savants et les
ignorants sr.nt sujets éi se tromper, proinpls à se
décider, et lents à se rétracter ; il y a ici deux
sujets simples, les savants, les ignorants; et
trois attributs simples, sont sujets à se tromper,
sont prompts à se décider, sont lents à se ré-
tracter.
Le sujet est incomplexe quand il n'est expri-
mé que par un nom, un pronom ou un infinitif,
qui sont les seules espèces de mots qui puissent
présenter à l'esprit un sujet déterminé. Tels sont
les sujets des propositions suivantes : Dieu est
éternel; les hommes sont mortels; nous nais-
■ sons pour mourir ; dormir est «n temps perdu.
Le sujet est complexe quand le nom, le pro-
nom ou l'infinitif est accompagné de quelque
addition qui en est un complément explicatif ou
délerminatif. Tels sont les sujets des proposi-
tions suivantes: Les livres utiles sont en petit
nombre; les principes de la viarale méritent
attention; vous qui connaissez ma conduite,
jugez-moi; craindre Dieu est le commencement
de la sagesse; où Ion voit le nom livres modifié
par l'addition de l'adjectif utiles, qui en res-
treint l'étendue; le nom principes modifié par
l'addition de ces mots de la morale, qui en est
un complément dùierminatif; le prononr vous,
inoilifié par l'addition «le la proposition incidente,
q.ui conntifssez ma cimduite, laiiuelle en est ex-
plicative; et l'infinitif crut/;dre, déterminé par
l'addition du complément Dieu.-
L'aLtribm peut être également incomplexe ou
complexe. — L'attribut est incomplexe quand
la relation du sujet à la manière d'être dont il
s'agit y est exprimée en un seul mot, soit que
ce mol exprime en même temps l'existence in-
telloctuclle du sujet, soit que cette existence se
trouve énoncée séparément. Ainsi, «juandon dit
je lis, je suis attentif, les attributs de ces
deux propositions sont incomplexes, parce que
dans chacun on exprime en un seul mol la re-
lation du sujet à la manière d'être qui lui est
attribuée ; je lis énonce tout à la fois cette re-
lation et l'existence du sujet, et il équivaut a
pnn
suis lisant; attentif iVrno\u-c que la relation de
convenance du sujet à l'attribut.
L'ailriiiut est complexe (piand le mut prin-
cipalement destiné à énoncer la relation du su-
jet il la manière d'être qu'on lui attribue est
accompagné d'autres mots qui en modifient la
signification. Ainsi, «piand un dit je lis avec
soin les meilleurs grammairiens, et je suis
attentif d leurs procédés, les attributs de ces
deux iiroposilions sont complexes, parce que
dans chacun le mot principal est accompagné
d'autres mots éjui en modifient la signification.
Lis, dans le premier exemple, est suivi de ces
mots, avec soin, <]ui 'présentent l'action de lire
comme modifiée i)ar un caractère particulier;
et ensuite de ceux-ci, les meilleurs grammai-
riens, qui déterminent la même action de lire par
l'applicalion de celle action à un olijet spécial.
Attentif, dans le second exemple, est accompa-
gné (le ces mots, ù leurs procédés, qui restrei-
gnent l'idée générale d'attention par l'idée spé-
ciale d'un objet déterminé.
Les propositions sont également incomplexes
ou complexes, selon la forme de renonciation de
leur sujet et de leur attribut. — Une proposition
incomplexe est celle dont le sujet et l'attribut
sont également incomplexes , comme dans la
sagesse est précieuse ; vous parviendrez ; men-
tir est une lâcheté. — Une proposition com-
plexe est celle dont le sujet ou l'attribut, ou
même ces deux parties sont complexes, comme
dans la puissance législative est respectable ; les
preuves dont on appuie la vérité de la religion
chrétienne sont invincibles. Ces propositions
sont complexes par le sujet. — Diou gouvem*
toutes les parties de l'univers; César fut le
tyran d'une république dont il devait être le dé-
fenseur. Ces propositions sont complexes par
l'attribut. — La gloire qui vient de la vertu
est plus solide que celle qui vient de la nais-
sance ; être sage avec excès est une véritable
folie. Ces propositions sont complexes par le su-
jet et parrattribul.
La forme grammaticale de la proposition con-
siste dans les inflexions particulières, et dans
l'arrangement respectif dos différentes parties
dont elle est composée. Voyez Construction.
On peut envisager la forme des propositions
sous trois principaux aspects : l" par rapport à
la totalité îles parties principales et subalternes
qui doivent entrer dans la composition analytique
de la proposition; 2" par rapport a l'ordre suc-
cessif que l'analyse assigne a ciiacune de ces
parties; 3" jiar rapport au sens particulier qui
peut dépendre de telle ou telle disposition.
1° Par rapport à la totalité des parties prin-
cipales et subalternes qui doivent entrer dans la
composition analytique de la proposition, elle
peut être pleine ou elliptique. — Une proposition
est pleine lorsqu'elle comprend explicitement
tous les mots nécessaires à l'expression analytique
de la pensée. — Une proposition est elliptique
lorsqu'elle ne renferme pas tous les mots néces-
saires à l'expression analytique de la pensée.
Il faut observer ici que, comme l'un et l'autre
de ces accidents tombent moins sur les choses
que sur la manière de les dire, «m dit plutôt que
la phrase est pleine, ou ellipti'/ue, qu'on ne le
dit de la proposition. \oye/. Ellipse.
2" Par rapport à l'ordre successif que l'ana-
lyse assigne àcliacune des parties i!e la proposition,
la phrase est directe ou inverse.. — La phrase
est directe lorsque tous les mots en sont disposés
PRO
selon l'ordre et la nature des rapports successiTs
qui fondent leur liaison. Quand je dis j'ai imites
les fureurs de l'amour, la phnise est direclo;
quand je dis :
De l'amour j'ai toutes les fureurs.
(Rac, Phèdre, act. I, se. m, 107.)
la phrase est inverse. Voyez Inversion.
3° Enfin, par rapport au sens particulier qui
peut dépendre de l;i disposition dos parties de la
proposition, elle peut être ou simplement exposi-
live, ou inlcrrogativc. — La proposition est
simplement exi)osiliveipiaiid elle est l'expression
propre du jugement actuel de celui qui la pro-
nonce : Dieu a créé le ciel et la terre ; Dieu, ne
veut point la mort du pécheur. — La propo-
sition est inlcrrogative quand elle est l'expression
•l'un jugement sur le(|uol est incertain celui qui
la prononce, soit (]u'il doute sur le sujet ou sur
l'attribut, soit qu'd soit incertain sur la nature
de la relation du snjet à l'allribut : Quia créé
le ciel et la terre7 interrogation sur le sujet.
(Quelle est la doctrine de l'Eglise sur le culte
des saints? interrogation sur l'attribut. Dieu
veut-il la mort du pécheur'? interrogation sur la
relation du sujet à l'attribut.
Tout ce qu'enseigne la grammaire est finale-
ment relatif à la proposition expositive, dont elle
envisage surtout la composition. S'il y a quel-
ques remarques particulières sur la proposition
interrogative, on les trouvera au mot Interro-
gatif. I Extrait de l'article Proposition , par
Beauzée, dans l'Encyclopédie.) Voyez Absolu,
Relatif, Accord, Attribut, Construction, In-
cident.
PnopRr. Adj. des deux genres. Quand propre
signifie qui ap[iartienl à quelqu'un, il se met
ordinaircmei.t avant son sulist. : Son propre fils,
mon propre frère ; écrire de sa propre main. —
On dit cependant, donner, remettre en main
propre. — Amour-pi'opre .
Dans le sens de même, il précède aussi son
subst. : Il a dit cela en propres terines; ce
furent ses propres paroles. — Dans le sens de
convenable, il se met après sou subst., et régit
la préposition à: Cela n'est pas propre à toutes
sortes de gens. Dans le sens de qui peut servir,
qui est d'usage à certaines choses, il se inet aussi
après son subst., et régit la préposition à: Du
bois propre a bâtir, une herbe propre à guérir les
pluies. On dit en ce sens, propre à et propre
pour, avec cette différence que la première de
ces locutions désigne plutôt un pouvoir éloigné,
et la seconde un pouvoir prochain. L'hotnme
propre à une chose, a des talents relatifs à la
chose; l'homme propre pour la chose, a le talent
même de la chose. Un homme propre à tout,
n'est pas également propre pour tout. Un objet
est propre ponr faire, cl pnpre à devenir.
Dans le sens de net, propre se met après son
subst. : Un habit propre, un appartement pro-
p''e, un homme propre, une femme propre.
(juv'lquefois il change de sens, suivant qu'il
est placé avant ou après son subst. : Les propres
termes, ce sont les mots, sans y rien changer;
les termes propres, ce sont les mots qui expri-
ment bien, conformément à l'usage de la langue.
Propre est aussi un terme de grammaire. On
appelle nom propre un nom qui ne désigne pas
une espèce, une classe d'éires. mais un seul in-
dividu. Pierre, Alexandre, sont des noms pro-
PRO
589
près. Le nom propre est opposé au nom appellatif.
On appelle mot propre, ter ute propre, expression
propre, le mot, le terme, l'expression qui convient
exclusivement pour signifier la chose (jue l'on
veut exprimer et la rendre de la manlèie (pi'on a
intention de l'exprimer. — Propre est aussi (piel-
quefois opposé ix figuré. On dit le s<?/i,ç propre
et le sens figuré. En ce sens une expression
propre se dit d'une expression dont le mot ou
If's mots sont pris dans leur acception primitive
et naturelle, par opposition aux expressions figu-
rées où ils sont pris dans une acception détournée.
Voyez Mot, Propriété.
Propre. Subst. m. Il se dit d'un attribut néces-
sairement lié à l'essence d'une chose, et régit la
préposition c?e .• C'est le propre de l'homme de
raisonner. Le propre des oiseaux est de voler,
le propre du chien est d'aboyer.
Proprement. Adv.Dans lesensde termepropre,
d'expression propre, on peut le mettre avant ou
après le verbe (pi'il modifie : C'est proprement
ce que signifie ce mot, ce mot signifie proprement
cela. — Dans le sens opposé cà figuréiiicut, il ne
se met qu'après le verbe : Dans celle phrase,
ce mot est employé propi-ement, et non pas est
proprement employé. — Quand un même mot
s'élend à plusieurs choses et convient encore
particulièrement à inie seule, on se sert du mot
proprement pour désigner cette signification par-
ticulière. Ainsi on dit, ta Grèce proprement dite,
pour désigner l'Achaïe, le Péloiwnèse, etc., à la
différence des autres pays que l'on comprend
aussi sous le nom de Grèce, quand on le prend
dans une signification plus éiendue. (Acad.)
Dans le sens do nel, on jieut (pielquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : // a ac-
commodé proprement ce dîner, ou il a propre-
ment accommodé ce dîner.
Proprement signifie aussi avec adresse, d'une
manière agréable et convenable, avec facilité,
avec grâce. Dans ce sens, on peut aussi le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Cela est fait
proprement, ou cela est proprement fait. Il
a chanté proprement cette ariette, ou il a pro-
prement chanté cette ariette. — Eu 1835, l'Aca-
démie remarque que chanter proprement, dan-
ser proprement, %o\\\. des phrases qui ont vieilli.
Propret, Proprette. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Une personne proprette, un
vieillard propret. Il est familier.
Propriété. Subst. f. Ce mol est employé en
terme de grammaire. On dit la pnpriété du style,
lu propriété des termes. — La propriété du
style renferme d'abord la propriété des termes,
c'est-à-dire l'assortiment des termes aux idées.
Elles doivent être rendues dans leur signification
précise, suivant les acceptions reçues, selon leurs
mudifications diverses, avec leurs nuances carac-
téristiques, par leurs signes équivalents : simples,
par des termes simples ; complexes, par des termes
conqdexes ; mêlées d'une perception et d'un sen-
timent, par dos termes représentatifs d'un senti-
ment et d'une perception; mêlées d'un sentiment
et d'une image, par des termes représenta tifs d'une
image et d'tni sentiment ; nobles, dans toute leur
noblesse ; énergiques, dans toute leur énergie. Les
termes sont le portrait décidées; un terme propre
rend l'idée tout entière; un terme peu propre ne
la rend <]u'à demi; un terme impropre la rend
moins qu'il ne la défigure. Dans le premier ras.
on saisit l'idée; dans le second, on la cherche;
dans le troisième, on la méconnaît.
S90
PRO
La propriclé du slylc renferme ensuite la pro-
priété du Ion, c'csl-à-iliiv l'assorlimcnt du slylc
;iii genre; la propriété du tour, c'c>l-a-dirc
l'assurlinienl du stylo au sujet; la propriété du
coloris, c'ost-a-diiê l'assoriiineat du sîyle à la
obose particulière qu'on doit peindre ; la pro-
priété des sons, c'est-à-dire l'assortiuicnt du
style au mouvement qu'on di'crit; la propriété
des traits, c'est-à-dire l'assurtinioiit ihi style à
la passion qu'on exprime; cnlin la propriété de
la manière, cest-à-dire l'assorlunenl du slylu
au aèuie de l'auteur. Lorsque ces divers mérites
se trouvent loiinis, la représentation é(iuivaut à
la réalité; alors la distraction cesse, ratlenlioii
croit, le style a toutes les qualités nécess;iires
pour|ilairc cl pour attaclier. (F.xlrail de \' Ency-
clopédie.) ^'oyez Genre, Huriiionie, Style.
Prorata. Mot latin que l'on n'emploie en
français que dans cette phrase adverbiale, au
prorata, jjour si|:nifier à proportion. 11 est fami-
lier et récit la préposition de : Les héritiers
doivent payer au prorata de leurs parts et
portions.
Proroger. V. a. de la l'^ conj. Dans ce verbe,
le 5' doit toujours se prononcer commej; et pour
lui conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet (t ou cet o ; Je prorogeai, prorogeons, et
non pas je pmrogai, prorogons.
Prosaïque Adj. des deux genres. Il ne se dit
qu'en mauvaise part, et suit toujours son subst. :
Style prosaïque, expression prosaïque.
Prosaïsek. V. n. de la 1" conj. C'est un mot
forgé par J.-B. Rousseau, en imitation du style
de Marot. Faire de la prose :
Maître Vincent, le grand fjisear de lettres.
Si bien que vous n'eût su prosdiser.
Il est peu usité.
Prosaïsme. Subst. m. Manière d'écrire en vers
conforme à celle dont on écrit en prose.
Prosateur. Subst. m. écrivain en prose. Ce
mot, inventé par Ménage, n'a pas pris dans le
temps. Aujourd'hui, il est généralemenl usité :
Presque partout la hardiesse du poète a effu-
rouclié la timidité du prosateur. (Delille. ] —
Pourquoi ne dirait-on pas prosairice, si l'occa-
sion s'en présentait?
Proscriptedr. Subst. m. Mot nouveau très-
nécessaire; il signifie celui qui proscrit: Les
auteurs des proscriptions soutiennrnt que, dans
lu rie politique des Etats, il y a des circonstances
malheureusi's qui exigent nécessairement le
sacrifice de quelques tètes ; mais ce que ces
hotmétes gens n'osent pas dire, et ce qu'ils pen-
sent profimdémcnt, c^e.rt que ces crimes envers
les proscrits sont infiniment utiles aux pro-
scripteurs. (Raynal.)
Pr.oscRiRF. V. a. et irrégulier delà 4' conj. Il
se conjugue comme écrire. Voyez ce mot.
Prose. Subst. f. C'est le langage ordinaire des
hommes, qui n'est point gôné par les mesures et
les rimes que demande la poésie. Quoique la
prose ait les liaisons (jui la suutienncnt, et une
structure \m la rend noadireuse, elle doit jiarailre
fort libre, et n'avoir rien qui sente la gène.
L'éloquence et la poésie ont chacune leur har-
monie, mais si opposée, que ce (fui embellit l'une
déffgure l'autre. L'oreille est choquée de la me-
sure des vers, quand elle se trouve dans la '"«■ose.
PRO
et tout vers prosaïque déplaît dans la poésie. La
prose emploie à la vérité les mêmes ligures et
les mêmes images que la jioésie; mais le style
est différent, et la cadence est toute contraire.
Dans la iioi'sie même, chaque esiiéce a sa cadence
propre. Autre est le ton de l'épopée, autre est
celui de la tragédie; le genre lyriijue n'est ni
épi(pie ni dramatique, ;iiiisi des" autres; et la
])rose, dont la marche est uniforme, ne pourrait
pas diversifier ses accords pour s'adapter à ces
divers genres. Voyez Style.
Prosodie. Subst. f. Terme de grammaire.
C'est la prononciation régulière des mots, con-
formément à l'accent et à la quantité. C'est en
vain que quelques lexicograplies ont voulu ,
d'après l'abbé d'Olivet, donner des règles cer-
taines sur cette matière ; leurs efforts n'ont point
eu de succès, et le traité de l'abbé d'Olivet offre
tant de règles démenties par l'usage, et de prin-
cipes contradictoires, qu'on ne saurait le proposer
comme un guide sur. Sans duiile, dit Bcauzée,
l'art de la prosodie existe par rapjwrl à notre
langue, puisiiue nous en admirons les effets dans
un nombre de grands écrivains dont la lecture
nous fait toujours un nouveau plaisir; mais les
principes n'en sont pas encore rédigés en système;
il n'y en a <iue quelques-uns épars çà et là; et
c'est peut-être une affaire de génie de les mettre
en corps. \o]'GI Accent, Quantité.
Prosodique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Accent prosodique. —
C'est par cette épithéte que Ion dislingue l'es-
pèce d'accent qui est du ressort de la prosodie,
des autres modulations que l'on nomme aussi
accents. Ainsi, l'on dit l'accent prosodique, ^ac-
cent oratoire, l'accent musical, l'accent national,
etc. "\'oyez Accent.
*Prosopographie. Subst. f. Terme d'art ora-
toire, c'est-à-dire image, portrait, description,
peinture. Tantôt on appelle cette figure iiypo-
typose, et tantôt éthopée. L'éthopée est ce qu'on
nomme dans le langage ordinaire portrait ou
caractère. Voyez Portrait, Hypotypose.
Prosopopée. Subst. f. Figure de rhétorique.
Celle figure du siyle élevé est une des plus bril-
lantes parures de l'éloquence. On l'appelle /)j-o*o-
popée, parce qu'elle représente des choses qui ne
sont pas; elle ouvre les tombeaux, en invoque les
mânes, ressuscite les morts, fait parler les dieux,
le ciel, la terre, le peuple, les villes; en un mot,
tous les êtres réels, abstraits, imaginaires. Flé-
chier, pour assurer ses audileurs,que l'adulation
n'aura point de pari dans son Eloge du duc de
Montausier, parle de cette manière (p 304) :
« Ce tombeau s'ouvrirait, ces ossements se re-
joindraient pour vie dire : Pourquoi viens-tu
mentir pour moi, moi qui ne 7nentis jamais
pour personne'^ Laisse-moi reposer dans le sein
de la vérité, et ne trouble point ma paix par la
flatterie, que j'ai toujours haïe. «
Dans d'autres cas, l'art oratoire emploie la pro-
so|)opée pour metlrc sous un nom emprunté les
reproches les plus vifs, et les rcprélienslons les'
S lus auiéres. Enfin, les |)oëles usent de cettel
gure avec un merveilleux succès, pour donner
plus de mouvement à leurs fictions. (Extrait de
V Encyclopédie.)
Prospectus. Subst. m On prononce les deux j.
PaospioRE. Adj. des deux genres. H ne se met
qu'après son subst. : Destins prospères, fortune
prospère. — L'abbé i'Olivel lemanpie qu'il ne se
! dit presque plus en prose, mais qu'il est tou-
PRO
jours beau en vers. Racine l'a employé plusieurs
fois.
Ces Juifs
Pendant qu'ils n'adoraient que le Dieu de leurs pères,
Ont vu bénir le coors de leurs deslins proipires.
(Rac, E«(h., act. V, «c. 1, ôO.)
Dans le cours triomphant de ses destins prospère»
Il fui assassine jiar des mains étrangères.
(Volt., OEd., act. IV, se. i, 105.)
Protasf.. Siibst. f. On appolail ainsi, dans l'an-
cienne poésin ilramalique, la première parlieil'une
piùtc de thoâlrc, qui servait à f.iire coiinaitrc
le caractère des principaux personnages , et à
exposer le sujet sur lequel roulait toute la pièce.
Ce que les anciens entendaient par piotase,
nous l'appelions exposition du sujet. — Molière
plaisante ainsi, dans la Critique de l'École des
femmes (se. Vil) ceux qui se servent de ces
grands mois dans la conversation : Humanisez
rolre discours, et parlez pour Sire entendu.
Pensez-vous qu'un nom grec donne plus do
poids à vos raisons? Et ne irouveriez-vous pas
qu'il fût aussi beau de dire l'exposition du sujet,
qi/e la prutase ; le nœud, que /'èpitase; e/ le
dénoûment , que la péripétie? Voyez Expo-
sition.
Pr.OTECTEDR. Subst. lu. En parlant d'une femme,
on dit protectrice. 11 se prend aussi adjective-
ment : Les lois protectrices, une amitié pro-
tectrice.
Protéger. V. a. lie la l''^ conj. Dans ce verbe,
le g doit toujotirs se prononcer comme j ; et pour
lui conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o .• Je protégeai, protégeons, et non
pas, je protégai, prolégnns.
Protkstek. V. a. de la \"' conj. Ce verbe suivi
d'un autre verbe exige que. On à\l,il lui protesta
qu'i7 ne l'abandonnerait jamais ; et non comme
l'Académie, il lui protesta de ne l'abandonner
jamais. La raisuu en est que protester omiiorte
dans l'idée de celui qui emploie celti- exjjrcssion
quelque chose d'assuré, diinmaïupiable, qui
bannit tout doute, toute incertilmle ; et la pré-
liusitiou de, qui marque doute, incertitude, con-
tiiigcncc, répugne à cette idée. C'est par la même
raison que l'on dit, il m'a assuré qu'(7 vien-
drait me voir, et non pas il m'a assuré de venir
me voir. — On dit il m'a promis de venir me
roir, et il m'a promis qu'U viendrait me voir.
Dans la première phrase, la promesse a quelque
chose de vague, d'incertain; dans la seconde, la
promesse est plus positive.
Provena.m, Piiove>anti.. Adj. verbal tiré du v.
provenir. 11 se met après son subst., et régit la
préposition de : Des deniers provenants d'une
vérité; des sommes provenantes d'une succes-
sion.
Proverbe. Subst. m. Espèce de sentence ex-
primée en peu de mots, et devenue commune cl
vulgaire. Les [iroverbes et les expres'^ions pro-
verbiales ne sont bons (]ue dans le style familier.
Il ne faut pas trop les prodiguer, et ou doit avoir
soin de les appliquer avec justesse et avec goût.
11 ne faut pas perdre de vue que les proverbes
sont des expressions consacrées qu'on ne doit
pas changer, et auxquelles on ne doit pas sub-
stituer des synonymes et des équivalents. Voyez
Cor.
Proverbmi,, PROVERBiAtE. Adj. qui ne se mot
PU»
o91
qu'après son subst. : Expression proverbiale.
L'Académie ne dit [tas s'il a lui pluriel masculin.
Je pense ijuc rien n'cmpèclie de dire provev
biuux.
Proverbialement. Adv. H ne se met qu'apn^
le verbe : Parler proverbialement.
rr.oviNciAL, rnoviNciALE. Adj. 11 ne se mcl
qu'ajjrès son siihst. : assemblée prurinciale,
synode provincial, concile provincial : air pro-
vincial, manières provinciales. 11 fait pruvm-
ciaux au masculin pluriel : Des juges provin-
ciaux.
Provincial, en parlant des airs, des manières,
etc., ne se dit qu'en mauvaise part. Un air p:u
vincial est un air gêné et sans grâce. Dos
manières provinciales, un accent provincial , un
style provincial.
Provincial. Subst. m. Provinciale. Subst. f.
Ces mots supposent ordinairement (pielque chose
de contraint et d'embarrassé dans les manière^,
et de plus un mauvais accent et linéique chose de
peu poli etd'irrègulier dans le langage. — 'Juand
on ne veut j)as indiquer ces accessoires defu-
vorables, on dit un houime de province, une
dame de province, une personne de province.
Une personne de province peut èlre aiiiiahie
sous tous les ra\)\)orls; un provincial est toujours
ridicule.
Provisionnel, Provisionnelle. Adj. On ne
prononce qu'un «. 11 ne se met qu'après sou
subst. : Traité provisionnel , partage provi-
sionnel.
Provisionnellement. Adv. On ne prononce
(lu'un n. On peut le mettre entre l'auxiliaire et
le participe : Cela a été ordonné provisionneile-
ment, ou a été provisionnellement ordonne.
Provisoire. Adj. des deux genres qui suit
toujours son subst. : Jugement provisoire, sen-
tence provisoire.
Provisoirement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : On a décidé pruvisoi-
remenl, ou on a provisoirement décidi; que...
Pruiu:. Adj. des deux genres. 11 siiit toujours
son subst. : Une femme prude, vn air prude.
Prddem,mi;nt. Adv. On peut le meure entre
l'auxiliaire et le participe: Il s'est conduit pru-
demment, ou il s'est prudeuiment conduit dans
cette a /fa ire.
Prudent, Prudente. Adj. On peut le iii''ttre
avant son subst., lorsiiue l'analogie et l'harmonie
le perinetlcm : Un homme prudent, une jcume
prudente; celte conduite prudente, cette prudvnle
conduite. Vovcz Adjectif.
PuAMMKNT. Adv. L'Académie le met sans
exciniilcau propre; en effet, il est peu usité. Elle
dit au ligure, mentir puamrnent; mais cette
expression est bien basse. ■ ,
Puant, Puante. Adj qui ne se met qu aprCS
son subst. : Chairs puantes, haleine puunle.
Puanteur. Subst. L 11 ne se dit point au hgurÇ.
On disait autrefois, la puanteur du vue; on ne ic
dit itlus aujourd'hui.
! Public, Publ.que. Adj. On peut le '"eUr-o avinl
I son subst., lorsque l'^'"tÇi^,^-' . f'?™'' ^'^^
, permettent : L'.VwcVc/ P'''f^^^''''\fjf\J^^
■ - Personne publique, charge pf^'f, i^^
; publics. — Boilcau a dit [.4 A, IV, 3) .
j Lui seul y (il longlenipi U fMiju, mMre
i la Bruyère, le public remercîmrnt ; el \o\UiTe
' {Mérope,ncl. IV, S'-,, v, 16): *
S92
PUI
Et mes malheurs ciicor fout la publique joie.
Voyez Adjectif.
Publiquement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaiic et le participe : // a déclaré publi-
quement, ou il a publique/lient déclaré que...
Pudeur. Subsl. f. Ce mot n'a point do pluriel.
Il est admis dans le style noble.
De l'austère pudeur les bornes sont passées.
(Rac, Phéd., acl., m, se. i, 30.)
Une noble pudeur à tout ce que tous faites
Donne un prix que n'ont point ni la pourpre ni l'or.
(Rac, Eslh., act. V, se. i, 2.)
Moi-même je l'avoue avec quelque pudeur,
Charme de mon pouvoir et plein de ma grandeur.
(Rac, Iphig., acl. I, se. I, 79.)
Voyez Honte.
Pudibond, Pudibonde. Adj. Il ne se dit qu'en
plaisantant, et peut se mettre avant son subst.,
lorsque l'analogie et l'harmonie le permettent :
Cet air pudibond, cette rougeur pudibonde, ou
cette pudibonde routeur. Féraud dit qu'il ne
s'applique qu'aux personnes, et cependant il
donne pour exemple : Un air pudibond.
Pudique. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. , lors(iuc l'analogie et
1 harmonie le peruiettcnl : Le pudique Jo.scph,
la pudique Lucrèce. — Discour.^ pudiques,
oreilles pudiques; ii ne pudique ardeur. II n'est
guère d'usage qu'en poésie et dans le discours
soutenu. Voyez Adjectif.
Puer. V. n. de la i" conj. Il n'est d'usage
<ju'à l'infinilif, au présent, à l'imparfait, au futur
et au conditionnel présent. Autrefois on écrivait,
je pus, tu pus, il put; à présent ou écrit, je
pue, tu pues, il pue. On l'emploie activement
dans ces phrases : Puer le vin, puer le ynusc,
puer l'ail, etc. Ce mot est bas, et n'est point
souffert en poésie.
PoÉRFL, Puérile. Adj. On prononce le l du
singulier, mais sans le mouiller. On peut le mettre
avajit son subsl., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Discours puérils, ces puérils
discours ; raisonnement puéril, ces puérils rai-
sonnements; excuses puériles, ces puériles ex-
cuses. Voyez Adjectif.
PoÉRitEMENT. Adv. On pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est amusé puer i-
lemeni, OU il s'est puérilement amusé à des
bagatelles.
Puis. Adv. // courut d'abord, puis il s'arrêta.
On servit des légumes, puis des fruits. Ce mot
est exclu de la poésie noble.
PuisQOE. Conjonction. Elle sert à marquer la
oauso, le motif, la raison pou'- laquelle on agit,
et, par conséquent, sa place naturelle est après
la proposition qui exi»rime l'action : Je trarail-
lerai aujourd'hui, puisque vou.i le roulez. Quel-
quefois, cependant, on met cette seconde i)hrase
avant la première, et l'on dit, puisque vous le
voulez, je travaillerai aujourd'hui.
L'e de puisque s'clidc avant les mots il, elle,
ils, elles, on, un, une ; cl avant les mots avec
lesquels puisque est ininicdlatcmenl lié, ol qui
coinuiencenl par une voyelle : Puisqu'ainsi est.
Puissamment. Adv. Ou le met quelquefois
enlre l'auxiliaire et le participe : Il a secouru
PUR
puissamment ses alliés, ou il a puissamment
secouru ses alliés.
Puissant, Puissante. Adj. On le met souvent
avant son subsl. ; Un prince puissant, unpuis-
sanl princej des amis puissants, do pi/iSsants
amis; un Etat puissant, un puissant Etat ; un
empire puissant, un puissant empire. Voyez
Adjectif.
PuLMOMQUE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : U n homme pulmonique,
vne femme pulmonique .
PuNAis, Punaise. Adj. qui suit toujours son
subst. Ce mot est familier.
Punissable. Adj. des deux genres. On peut
quelquefois le melire avant son subst. : Un crime
punissable, une action punissable ; cette punis-
sable audace.
PuNissEUR. Subsl. m. J.-J. Rousseau et Voltaire
se sont servis de ce lerme : Songe que des yeux
perçants sont sans cesse ouverts sur toi, que le
glaive punisseur pend sur ta tète, et qu'à ton
premier crime tu ne peux lui échapper. (J.-J.
llousseau.) La croyance d'un Dieu rémunérateur
des bonnes actions, pardnnneur des fautes lé-
gères, et punisseur des crimes, est la croyance
la plus utile au genre huviain. (Voltaire.)
Corneille a dit dans Pompée (act. IV, se. iv,
43) :
Je n'irai point chercher sur les bords africains
Le foudre souhaité que je vois en tes mains.
Il y avait d'abord, dit Voltaire, le foudre
punisseur. Punisseur était un beau mot qui
manquait à notre langue. Punir doit fournir
punisseur, comme venger fournit vengeur. J'ose
souhaiter encore une fois qu'on eût conserve la
plupart de ces termes, ijui faisaient un si be!
effet du temps de Corneille; mais il a mis lui-
même à la place le foudre souhaité, èpilhète qui
est bien plus faible ;
Je n'irai point chercher sur les bords africains
Le foudre punisseur que je vois en tes mains.
Pupillaire, PupiLLARiTÉ, PopiLLE. Dans ces
trois mots, on prononce les deux l sans les
mouiller.
Pur., Pure. Adj. On le met souvent avant son
«ubst. : Du vin pur, de l'or pur. — Des esprits
purs, de purs esprits. — La vérité pure, la pure
vérité; une pure hhéralité, un pxtr entêtement.
— L'Académie remarque qu'il précède ordinaire-
ment son subsl., lorsiju'il est employé pour mieux
marquer l'essense, la vraie naiure des choses, ou
pour donner plus de force à la signification des
mois auxquels on l'associe; mais qu'il suit au
contraire le subsl., (]uand il est précédé lui-même
du mot tout, qui ajoute encore à son énergie; Ce
latin est du Cicéron tout pur.
Purement. Adv. Il ne se met qu'après le verbe:
Poivre purement. — Il a dessiné purement celte
figure.
Pureté. Subsl. f. On appeUe pureté de style,
une (pialité que doit avoir la diction, et qui con-
siste à n'employer que des termes qui soient
corrects, a les placer dans un ordre naturel, à
éviter les mots nouveaux, a moins que la néces-
silé ne les exige, ei les mots vieillis ou lombes en
discn'dit.
Purgatif, Purgative. Adj. H ne se met qu'a-
près son subst. : Remède purgatif potion pur-
gative.
Purger. V. a. de la 1" cenj. Dans ce verbe,
QUA
le g doit toujours avoir la prononcialiou du j;
pour la lui conserver lorsquil esl suivi d'uu a
ou d'un y, ou met une muet avant cet a ou cet o .•
Je purgeais, purgeons, Ci non \ia.s,je purgais,
purgons.
D'un perfide ennemi j'ai purgé la nature.
(Rac. Phéd., ad. III, se. T, 49.)
Reste impur des brigands dont j'ai purgé la terre.
[Idem, act.IV, se. Ii, 12.)
Purisme. Subst. m. Affectation de pureté dans
le langage. Voyez Puriste.
PcRisTE. Subst. m. On nomme ainsi une per-
sonne qui alTecte sans cesse une grande pureté
dans le langage. Il y a des gens qui parlent un
moment avant que d'avoir pensé : il y en a d'au-
tres qui ont une fade attention à ce qu'ils disent,
et arec qui l'on souffre, dans la conversation,
do tout le travail de liiur esprit ; ils sont comme
pétris de phrases et de petits tours d'expression^
QUA
i95
concertés dans leurs gestes et dans tout leur
viaintie7i;ils sont puristes, et ne hasardent pas le
moindre mot, quand il devrait faire le plus bel
effet dumonde ; rien d'heureux ne leur échappe,
rien chez eux ne coulf de source et avec liberté :
ils parlent }iropremenl et ennuijcusement. (La
Bruy. Ch. V. Di- laSociété etdeia Conversation.)
Purpurin, Pui;puiu\e. Adj. tiui ne se met
qu'après son subst. : Fleurs purpurines.
Pus. Subst. m. Féraud dit qu'on prononce
le s final. C'est une eireur. On ne lo prononce
que devant une voyelle ou un h non aspiré.
PusiLiANuiE. Adj. On prononce les deux/ sans
les mouiller. 11 se met ordinairement après son
subst. : Un homme pusillanime, une femme
pusillanime.
Putatif, Putative. Adj. qui se met toujours
après son subst. : Père putatif.
PïRAuiDAL, PïRAMiDALE. Adj. On dit au mas-
culin pluriel, pyramidaux : Des muscles py-
ra7nidaux.
Q.
Q. Subst. m. On prononce que. C'est la dix-
sq)ticme lettre de l'alphabet, et la treizième con-
sonne. Il est toujours suivi d'un u (juand il n'est
pas à la lin d'un mut. Le son propre de cette
lettre est comme dans quinze, quotidien, quo-
libet.— Q, initial ou dans le cours d'un mot,
conserve toujours le son qui lui est propre, mais
avec cette différence que, dans qua, quo, il a un
son très-dur, comme dans qualité, quolibet, et
que dans que, qui, il l'a moins dur, acquérir,
quitter. — Q final a le son dur dans cog, cinq ;
excepté, pour le premier, le mot coq d'Inde, où
le q ne se prononce pas ; et pour le second, le
cas où il est suivi immédiatement de son subst.
commençant par une consonne. Cinq cavaliers,
cinq garçons, se prononcent cin-cuvaliers, cin-
garçons. Le q se prononce dans tous les autres
cas comme coq de bruyère, coq-à-l'âne, cinq
ans, trois et deux font cinq, cinq pour cent, etc.
— Le q n'est jamais redoublé. — Il y a quelques
mots où I'm et la voyelle suivante funt une
diphtliongue propre. Alors Vu a trois sons par-
ticuliers.— Qu a le son dec(/M ddns aquatique,
cquateur, équation, quadragénaire, quadragé-
.■>ime, quadruple, quadrupède, quaker, que l'on
prononce acouatique, écoualeur, etc. — Qu a le
son qui lui esl propre dans équestre, équilaiéral ,
quintuple, quinqucnnium, questure, ubiquiste,
Quinte-Curce, Quintilien, et dans la première
syllabe de quinquagésime, <iue l'on prononce
cuincouagésime. — Qu a le Son du k dans
quidutii, quinconce, quasimodo, quinquina, qua-
train, quartaut, Sixte-Quint, Charles-Quint.
Quadrature, terme de géométrie, se prononce
couadralure; ci quadrature, terme d'horlogerie,
se prononce kadrature. — Quadrige se prononce
couadrige, et quadrille se prononce kadrille.
Dans liquéfaction on fait entendre I'm, et dans
liquéfier il ebt muet ; on pronon<.'e likéfier.
Q est la marque de la monnaie fra[)pée à Per-
pignan.
QUADRAGÉNAIRE. Adj. dcs dcux gcnrcs qui se
prend aussi substantivement. La première syl-
laiie se prononce coua. Il ne se met qu'après son
subst. : Un homme quadragénaire, une femme
quadragénaire.
QuADRAGÉsiMAL, QcADRAGÉsiMALE. Adj. La pre-
mière syllabe se prononce coua. Il ne se met
qu'après son subst. : Jeûne quadrugésiinnl, ab-
stinence quadragésimale. Il n'a pas de masculin
au pluriel.
QuADRAT. Subst. m. Terme d'astronomie. La
première syllabe se prononce coua. — Terme
d'imprimerie. En 1835, l'Académie l'écrit ainc!,
cadrât, ce qui ne laisse aucun doute sur la manier
dont on doit le prononcer.
QcADRATRicE. Subst. f. Tcrmc de géométrie.
Prononcez couadratrice.
Quadrature. Subst. f. Quand il est terme de
géométrie ou d'astronomie, jjrononcez couadra-
lure ; quand il est terme d'horlogerie, prononcez
kadrature.
Quadrige. Subst. m. Vrononccz couadrige.
QU.4.DRILATÈRE. Subst. m. Pronouccz couadH-
lalère.
QoAURiLLE. Subst. lu. On prononce la première
syllabe comme ka, cl on mouille les l. Il est
fi'ininiii lorsqu'il signifie une troupe de chevaliers
d'un même parti dans un carrousel, mais lorsqu'il
se dit d'un groupe de quatre danseurs et de quatre
danseuses, un le fait ordinaireinent masculin
(Acad. 1835).
(JuADRiNOME. Subst. m. Pronouccz couadri-
nome.
Quadrumane, Quadrupède. Adjectifs des deux
genres. On prononce coua. Ils suivent leurs sub-
stantifs : Les animaux quadrumanes, les ani-
maux quadrupèdes.
Quadruple, Quaiirupler. Dans ces deux mots,
la première syllabe se prononce coua.
Quaker. Subst. m. Prononcez couacre.
QuAUFiCATiF. Adj. m. qui se prend substanti-
vement. Terme de grammaire. 11 se dit de l'ad-
jectif, parce qu'il sert à exprimer la (jualité du
substantif auquel il est joint.
Quand. Conjonction et adv. Le d ne se pro-
nonce que devant une voyelle. Quand il viendra,
prononcez quan-til viendra. Il régit l'indicatif.
Quand vous viendrez, quand viendrez-vous?
Lorsque quand a nippurt à une condition, il
régit le conditionnel : Quand il le rnvdrait, je
ne le ferais pas. Quelquefois on ajoute viiine i
3a
9ifi QUA
quand, pnunlonncr plus de force à l'expression :
Je le frais, quand même oh me le défendruit.
— On (lisait autrefois (?«anrf bien même; on ne
le dit plus aujourd'hui. — Lorsqu'il y a dans la
phrnse deux verbes régis par quand on met que
devant le second, au lieu de rcpeier quand :
Quand vous serez arrivé, et que vous vous serez
reposé
Lorsque quand est placé à la tête de la phrase,
el que le sens est intcrrogalif, le sujet se met
après ou avant le verbe. 11 se met après quand il
est exprimé par un pronom, ou quand le verbe
est sans ri'ginii^ : Quand riendrez-vous ? quand
viendra ceth'>mme'* Il se met avant quand il e<t
exprimé par un nom, ei que le verbe est au pas-
sif, ou qu'il a un régime, el on met après le vcrhe
le pnmom personnel, quoique le nom soil déjà
exprimé : Quand cet homme scra-t-il faiijuc
de tant de cnurses? Quand cette femme corn—
mencera-t-elle à réfléchir.
Quand et quand. Sorte de préposition. Ex-
pression populaire qu'on est surpris de trouver
dans le Dictionnaire de l'Académie. La dernière
classe du peuple dit quand et quand moi, quand
et quand nous, pour dire, en même temps que
moi, en même temps que nous. Voyez Quant.
Qdasqdak. Subst. m. Bruit, éclat. Prononcez
fati'an. C'est même ainsi que l'Académie l'écrit
tnd.S35.
QnANT. Adv. On proronce le t, parce qu'il est
toujours suivi de la préposition « .• Quant à moi,
quant à lui. — Suivant Vaugelas, Ménage, Bou-
hours el Thomas Corneille, on ne doit pas dire
quant à moi, quant à lui, quant à vous ; il faut
dire pour moi, pour lui, pour vous. L'usage a
cassé la décision de ces grammairiens ; et ces
expressions sont reçues, mais seulement dans le
style familier. A'oyez Quand.
Qdantes. Adj. qui n'a point de singulier. C'est
une expression que l'on employait assez fré-
quemment autrefois dpns le langage familier, et
qui est rcjctéc aujourd'hui dans le langage po-
pulaire. Le peuple dit, je ferai cela toutes et
quantes fois vous voudrez, pour dire, autant de
fois que vous voudrez.
Qdamité. Subst. f. On entend par ce mot, en
grammaire, la mesure de la durée du son dans
chaque syllabe de chaque mot. La quantité des
sons, dans chaque syllabe, ne consiste point dans
un rapport déterminé de la durée du son à
quelqu'une des parties du temps v^,ue nous assi-
gnons par nos montres , à une minute , par
exemple, à une seconde, etc. Elle consiste dans
une proportion invariable entre les sons, en sorte
qu'une syllabe n'est longue ou brève dans un
-not que par relation à une autre syllabe qui n'a
vas la même quantité. Lne brève" se prononce
Jans le moins de temps possible. Quand nous
lisons à Strailùurg, il est clair que la première
syllabe, qui n'est com[iosée que d'une seule
Voyelle, nous prendra moins de temps que l'une
ies deux suivantes, qui, outre la voyelle, ren-
ferme plusieurs consonnes ; mais les deux der-
nières, quoiqu'elles prennent chacune plus de
temps que la première à, n'en sont |)as moins
essentiellement brèves, parce (ju'elles se pro-
noncent dans le moins de temps possible. Il y a
donc des brèves, moins brèves les unes que les
autres; el, par la même raison, il y a des lon-
gues plus ou moins longues, sans cependant
que la moins brève puisse cire comptée parmi \
les longues, ni la moins longue parmi les brèves. 1
Nous avons plusieurs mots qui ont des signi- '
QUA
flcations tout à fait différentes, selon que l'une
de leurs voyelles est longue ou brève; et celui
qui prononcerait ces voyelles au hasard, sans
Soin ni discernement, ferait souvent entendre
autre chose que ce qu'il aurait voulu dire, et
tomberait ilaiis des nié|)ri^es fréquentes. Par
exemple, une tâche à reuii)lir, n'est pas une
tache, souillure; /ac/ier de faire son devoir, ne
se prononce pas comme /uc/icr son habit. "Voyez
Homonyme.
Dans nos langues modernes, l'usage est le
meilleur cl le plus sijr maître de quantité que
nous puissions consulter; mais dans celles qui
admettent les vers riinés, il faut surtout faire
attention à la dernière syllabe masculine, soit
qu'elle termine le mot, soit (ju'clle ail encore après
elle une syllabe féminine. La rime ne serait pas sou-
tenablesi les sons correspondants n'avaient pas l.i
même quantité. Ainsi, on a blâmé comme inexcu-
sables ces deux vers de Boileau iSat. ÏX,
487):
Un auteur à genoux dans une humble /jre/dce,
Au lecteur qu'il ennuie a beau demander^r^ce.
El ces deux autres :
Je l'instruirai de tout, je t'en donne parole.
Mais songe seulement à bien jouer Ion rôle.
Voici les règles générales que donne l'abbé
d'Olivel, dans son traité sur la prosodie :
4° Toute syllabe dont la dernière voyelle est
suivie d'une consonne finale qui n'est ni s ni z,
est brève : sue, nectar, sH, fil, put, tuf, etc.
2° Toute syllabe masculine, Brève ou non au
singulier, est toujours longue au pluriel: des sacs,
des sels, des pots, etc.
Remarque. Nous pensons qu'il faut excepter
de cette règle les substantifs qui n'ont ni ^ ni ;7
au pluriel. Dans /f Dcum, kirschwusser, la der-
nière syllabe n'est i)as plus longue au pluriel
qu'au singulier; c'est le s, le a: ou le 5 qui rend
la syllabe longue.
3° Tout singulier masculin dont la finale est
l'une des caractéristiques du pluriel, est long ; le
temps, le nez, etc.
'i" Quand un mot finit par un l mouillé, la
syllabe est brève : éventail, avril, vermlil, que-
nouille, fauteti il.
Remarque. Il nous semble que nouil est long
dans quenouille.
5° Quand les voyelles nasales sont suivies d'une
c insonnc qui n'est pas la leur propre, c'esl-à-
dire qui n'est ni vi ni n, et qui commence une
autre syllabe, elles rendent longue la sylla'oe où
elles se trouvent : j'runhe, jambon, cra'inte,trem.-
Mer, peindre, omdre, tomber, humble, etc.
6" Quand les consonnes qui servent à former
les voyelles nasales, c'est-à-dire m ou n, se re-
doublent, cela rend brève la syllabe à laquelle
appartient la première des consonnes redoublées,
ijui demeure alors muette et n'est plus nasale :
épigràmme, consonne, personne, qu'il pri'nne,
etc.
7" Toute syllabe qui finit par r, et qui est
suivie d'une syllabe commençant par toute autre
consonne, est brève : barbe, bArque, berceau,
infirme, ordre, etc.
8' Quelle que soil la voyelle qui précède deux
r, quand ces detix lettres ne forment qu'un son
indivisible, la syllabe est toujours longue : arrS(,
barre, biz&rre, tonnerre, etc.
QUA
9° Entre deux voyelles, dont la dernière est
muelte, les lettres * et « allongent la syllabe
pénultième: basa, extCise, bêtise, franchise, rose,
'■poûsr, etc.
Mais si la syllabe qui commence par une de
ces lettres est langue de sa nature, elle conserve
sa quuntiiê, et souvent rantépcnultiènie devient
brève : il s'extasie, pfsée, épousée.
Remarque. Il nous semble oue pou est long
dans ipousée.
10° Un rcy un s qui suit une voyelle, et pré-
cède une autre consonne, rend la syllabe toujours
brève : jaspe, masque, astre, burlesque, funeste,
barbe, hîrccau, infirme i ordre, etc.
4 i" Tous les mots qui finissent par une muet,
immédiatement précédé d'une voyelle, ont leur
pénultième longue : pensée, armée, joie, je loue,
il joue, la vue, la nûe, etc.
Mais si, dans ces mots, Ve muet se change en é
fermé, alors la pénultième, de longue qu'elle était,
devient brève : louer, jouer, etc.
12" Quand une voyelle finit la syllabe , et
qu'elle est suivie d'une autre voyelle qui n'est
lias l'e muet, la syllabe est brève : créé, féal,
actUni, haïr, doué, tuer, etc.
I.a quantité est d'un grand secours pour les
|)oëies et les orateurs. Elle leur fournit les moyens
de peindre avec vérité les divers mouvements de
l'àme, et de donner aux objets les couleurs qui
leur conviennent. Tantôt plusieurs syllabes brèves
rapprochées expriment la vivacité d'un désir ,
d'une passion violente, d'une action rapide, im-
pétueuse ; tantôt une suite de syllabes longues
marquent l'abattement, la tristesse, la langueur,
l'inertie, la lassitude, la défaillance, le sombre
aspect de certains lieux, la triste lenteur d'une
suite d'actions affligeantes.
C'est ainsi que Racine peint par des syllabes
brèves l'atteinte rapide de l'amour [Phèdre,
act. I, se. jii, 121):
Je le Tis, je rougis, je pâlis à si vue ;
la rapidité d'une action [Idem, act. V, se. vi,
37):
Le flot qui l'apporta recule épouvante.
C'est ainsi qu'il peint par des syllabes longues
l'abattement, la langueur [Idem, act. I, se. m, 1) :
N'allons point plus avant, demeurons, chère OEnoiic ;
Je ne me soutiens plus, ma force m'abandonne.
Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi,
Et mes genoux tremblants se dérolient sous moi.
Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent !...
il vaste horreur d'un lieu (W<?w, act. IIL se. v,
45) :
Moi-même il m'enferma dans des cavernes sombres,
Lieux profonds et Toisins de l'empire des ombres ;
la tristesse [Idem, act. V, se. vi, 12) :
Ses gardes affligés
Imitaient son silence, autour de lui rangés
QUA
595
Ses superbes coursiers .
L'œil morne maintenant et la tête baissée.
Semblaient se conformer à sa triste pensée.
C'est ainsi que Boileau, par un heureux mé-
lange de longues et de brèves, peint d'une ma-
nière admirableie caractère de la mollesse [Lu-
trin, II, 161) :
Là mollesse, oppressée,
Dans su bouche à ci vint sent su langue glucSe,
Et, lusse de parler, sûccômbunl soùs l'e/firt.
Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort.
.N'eus n'avons rien dans notre langue, dit d'Oli-
vel, de plus beau que ces vers; le dernier surtout
est admirable, et, dans le second, on voit effec-
tivement la langue glacée de la uioiiessc; on la
voit glacée par l'embarras que cause la rencontre
de ces monosyllabes sa, ce, sent, A-a,qui augmente
encore par ces deux mots où gue et glu font
presque au lecteur l'effet que lioilcau "dépeint.
Voyez Harmonie.
QDAKASiTE. Adj. numéral des deux genres. 11 se
met avant son subst. : Quarante hommes, qua-
rante ans, qnarante jours.
QuARANTiiisiE. Adj. dcs deux genres. Nombre
d'ordre. Il se met avant son sul)Sl. : Le quara7i-
tièine jour, la quarantième année.
Qdart, Ouarte. Adj. On dit le quart denier,
et la fièvre quarte.
(luAsi. Adv. Il n'est plus guère usité, ou il l'est
seulement dans le langage familier. On prononce
hast. Voyez Quusimodo.
QoAsiMODo. Subst. f. On prononce kasimodo;
et qua se [irononce de même dans tous les mots
composés de l'adverbe quasi, coinine quasi-con-
trat, quasi-délit, oit l'on prononce kasi.
Quaternaire. Adj. des deux genres qui se met
après son subst. : Le nombre quaternaire. Oa
prononce Kouaternaire.
QuATERNE. Subst. lû. On prononce katerne.
Quatorze. Adj. numéral qui se met avant SOE
subst. : Quatorze hommes, quatorze lieues. —
Quelquefois il se met api;és les noms propres,
comme dans Louis quatorze ; alurs il se dit pour
qualorzième. On dit aussi article quatorze, chor
pilre quatorze.
Quatorzième. Adj. des deux genres. Nombre
ordinal. Il se met avant son subst. : Le quator-
zième j'nir, la quatorzième année. Le quator-
zième de la lune, jour est sous-entendu.
Quatrain. Subst. m. Terme de lillcralure,
Stance ou stroi)!ie composée de quatre vers qui
doivent former un sens complet, et dont les rimes
[)euvent être «uivies ou mêlées.
On peut disposer les vers du quatrain de trois
manières.
1° On peut faire rimer le premier avec le troi-
sième, et le second avec le quatrième; comme
dans cet exemple de ûlalherbe, destiné à servir
d'inscription à une fontaine (Liv. VI) :
Vois-tu, passant, couler celle onde,
Et s'écouler incontinent 1
Ainsi fait la gloire du monde.
Et rien que Dieu n'est permanent.
20 On peut faire rimer le premier vers avec le
quatrième, et le second avec le troisiôme, comme
dans cet cxemiile de La Molhe :
Amour, si jamais moins cruel
Pour moi tu fléchissais Sylvie,
Dans ces délices que j'envie
J'oublîrais que je suis mortel.
3" On peut faire succéder les rimes deux a
590
QUE
deux, sans les croiser, comme dans cet exemple
de ISIalherLe (Liv. V. Ficioire de la constance,
T. 13} :
Il n'est rien ici-bas d'éternelle durée;
Une chose qui plait n'est jamais assurée ;
L'épine suit h rose, et ceux qui sont contents
Ne le sont pas longtemps.
Quatre. Adj. numéral des deux genres. Il se
mel avant son sulist. : Quatre hommes, quatre
femmes, quatre jours. — On écrit quatre-vingt,
et quatre-vingts. Le dernier a lieu lorsiiii'il pré-
cède immédi;ilciiicnt un substantif, quatre-vingts
chevaux ; maison écrit quatre-vingt sans s lors-
que ce mot est suivi d'un autre nom de nombre,
quatre-vingt-deux ; quatrc-vingt-di.r. — Quand
ce mot est pris absulumenl, on met un s après
vingt, quatre-vingts, six-vingts; nous étions
quatre-vingts.
On écrit entre quatre yeux, pour signifier télo
à léte ; et l'on prononce quatre-s-ieux, pour
l'euplionie. Beauzoe {Encyclop. viéthod. ai: mol
euphonique) est d'avis qu'il serait mieux d'écrire
quatre-s-ieux, parce qu'alors il ne resterait aucun
doute sur la i)rononciation. Il pense d'ailleurs
qu'il y aurait de l'inconvénient à ne pas introduire
un s dans la prononciation, parce que autrement
il faudrait prononcer quutre-i-eux, en altérant
le premier mot, ou quatre ïeux, en décomposant
le second ; au lieu qu'on ne gâte ni l'un ni l'au-
tre en introduisant le s euphonique, qui, au sur-
plus, a de l'analogie au nombre pluriel désigné
par quatre.
Cependant quelques grammairiens ne veulent
point adopter cette lettre euphonique, et ils se
fondent sur ce qu'il est de principe que, de tous
les adjectifs numéraux, il n'y a que vingt et cent
qui, dans quelques cas, prennent le * caractéris-
tiijue du pluriel. — Ces grammairiens se trom-
pent assurément. Le s n'est point ici le signe
caractéristique du pluriel, mais une simple lettre
euphonique admise jujur adoucir la prononcia-
tion, et qui n'influe sur aucun des accidents du
mot qui la |)iécède ou qui la suit. — L'Académie
écrit entre quatre yeux, mais elle fait observer
qu'on prononce ordinairement entre quatre-z-
yeux. — « C'était une difficulté à trancher en
abandonnant la phrase au peuple qui ne lit pas
les dictionnaires et qui prononce comme il veut.
L'abbé Tlioulierd'Olivct, qui était un bon bour-
geois de Franche-Comté, et qui avait des tradi-
tions du pays, décida qu'il fallait dire quatre-s-
yeux, ce qui fut généralement adopic par la bonne
compagnie, où cette petite locution est comme
on sait très-commune; mais l'Académie ouLilia
mille-s-yeux dans le dictionnaire. On ne peut
pas penser à tout. » (Ch. Nodier. Examen crit.
des die t.)
Quatrième. Adj. des deux genres. Nombre
d'ordre qui ne se met qu'avant son subst. : Le
quatrième jour, la quatrième année.
Quatrièmement. Adv. On peut le mettre avant
ou après le verbe : Quatrièmement je vous dirai,
ou je vous dirai quatrièmement.
QUATRIENSAL, QUATRIENN ALE. Adj. qui SB mCt
toujours après son subst. : Office quatriennal ,
charge quatriennale. On dit au pluriel masculin
quatriennaux.
Quatuor. Subst. m. On prononce co«a. Il ne
prend point le signe du pluriel : Des quatuor.
Que. Adj. conjonclif qui se met poiir lequel,
laquelle, lesquels, lesquelles. Tous ces mots, dit
Condillac, sont des adjectifs, et toutes les propo-
QUE
sitions où nous les employons sont des tours
ellijiliques : La personne que j'aime, est pour la
personne, laquelle persnnne j'aime. Ainsi, bien
loin ijue ces mots tiennent la place d'un nom,
ils le sous-entendent au contraire après eux : Je
ne sa.is que vous donner, c'est ji' ne sais pas la
chose, laquelle chose je puis OU je dois vous
donner. Que ne pvis-je vous obliger! je suis
fâché d'unP chose, laquelle chose est ne pouvoir
vous obliger, etc. Lorstjue le conjonctif est l'objet
(lu verbe, c'est une règle générale de préférer que
à lequel ou laquelle : Les arts que vaus étudiez,
les villes qu'il a prises, la conduite qu'il a tenue,
et non les arts lesquels, la conduite laquelle,
etc.
L'adjectif conjonctif i^î/e est d'un grand usage.
Sa fonction est de conduire le sens à son com-
plément. Il est toujours placé entre deux idées
«jii'il lie en modifiant la première. Voyez /id-
jectifs conjoîictifs.
11 ne faut pas confondre que, adjectif conjonc-
tif, avec que conjonction conduclive, c'est-à-
dire qui conduit d'un sens à un autre. Telle est
sa nature dans les vers suivants de Racine (fyhi-
génie, act. IV, se. vi, 19) :
Pourquoi je le demande? ô ciel ! le puis-je croire,
Qu'on ose des fureurs avouer la plus noire?
Règle générale : Dans les phrases composées
de deux membres, liées par que, quand le verbe
du second membre n'est pas le même que celui
du premier, le que se répète non-seulement à ce
second membre, mais à tous les membres de la
même nature qui se succèdent : Les Gaulois
adorent Apollon, Mars, Jupiter et Minerve ; ils
croient qiV Apollon chasse les maladies , que
Minerve préside aux travaux, que- Jupiter e.it
le souverain des dieux, et Mars l'arbitre de la
guerre.
Que signifie quelquefois si ce nest :
Et pour qui mépriser tous nos rois que pour lui.
(CoKN., Sertor., act. II, se. I, 16.)
Cevers,dit Voltaire, est digne du grand Corneille.
Que de. Il y a une grande différence entre que
et que de devant un verbe à l'infinitif. Dans cette
phrase, ils ne font que sortir, on donne à en-
tendre que ceux dont on parle sortent n chaque
instant : dans celte autre, Ù ne font que de sortir,
on donne à entendre qu'ils viennent de sortir.
Que a quelquefois le sens d'un adverbe, comme
dans celte phrase, que vous êtes heureux! Il vient
alors du latin quantum, adquaniùm. et signifie
à quel point, combien : Que de choses il m'a
dites! que de phr'los'phes se sont égarés!
0 ciel ! que de vertus vous me faites haïr.
(Cork., Pompée, act. III, se. v, 88.)
Quel. Adj. qui énonce un objet quelconque
sous l'idée précise d'une qualité vague et indé-
terminée. 11 fait quelle au féminin singulier,
quels au masculin pluriel, et quelles au féminin
du même nombre : Quel livre lisez-vous^ je ne
sais quelle résolution vous avez prise; quels
hommes, quelles femmes voyez-vous?
Quelquefois le substantif auquel cet adjectif
se rapporte est sous-entendu. C'est, par exemple,
quand, en rappelant ce dont on a déjà parlé, on
demande quel est-il? quelle est-elle? ou bien
encore si, après avoir dit, j'ai des nouvelles à
QUE
vous apprendre, on demande quelles sont-eUcs'^
Alors il y a ellipse. Quelles sont-elles? c'est-à-
dire, quelles sont ces nouvelles ?
Il ne faut pas confondre l'adjectif quel avec.
quelque, et dire comme certaines personnes, <juel
Tiiérite quel'on ait, il faut être modeste ; au lieu
dédire, quelque mérite que Von ait, etc. Voyez
Quelque.
Quelconque. Mot que les anciens grammairiens
mettent au nombre des pronoms indélinis. C'est
un adjectif des deu\ genres qui est à peu prés
synonyme de nul ou aucun dans une phrase
négative; et alors, comme ces deux mois, il n'a
point de pluriel : // n'a chose quelconque.
Dans une phrase positive, il signifie quel qu'il
soit, quelle quellesoit, et dans ce "sens il prend un
pluriel : Cherchez des prétextes quelconques,
donnez-lui une récompense quelconque, trouvez
une personne quelconque.
Cet adj. se met toujours à la suite d'un subsl.
L'abbé Régnier et Reslaut disent que ce mot
est peu usité. 11 l'est davantage aujourd'hui, sur-
tout dans le second sens.
Quelque. Adj. partitif des deux genres qui fait
quelques au pluriel, que l'on place avant un
nom appellatif, et qui désigne ou un individu
vague, ou une quotité vague des individus com-
pi;is dans sa sigr..lication : Quelque personne in-
discrète aura causé cette brouiller ie.
QUE
S97
Quelques crimes toujours précùdenl les grands crimes.
(Kac, Phèd., act. IV, se. II, 59.)
Quelque, dans cette signification, répond à Vali-
quis des latins.
Quelque s'emploie aussi avec que, et alors il
est adjeclif, s'il est suivi d'un substantif, et
signifie quel que soit le, quelle que soit la, quels
ou quelles que soient les. Quelque mal que
vous ayez, quelque science que vous cultiviez,
quelques erreurs que vous suiviez.
Mais d'adjectif il devient adverbe dans le même
sens, quand il se trouve avant un adjectif ou un
adverbe : Quelque savants que vous soyez,
quelque savamment que vous parliez, quelque
grands que soient vos travaux.
Quelques anciens grammairiens ont prétendu
que lorsque, dans ce sens, le mot quelque se
trouve devant un adjectif suivi immédiatement
de son subsiantif, il n'est plus adverbe, mais
pronom, et qu'il faut dire, par exemple, quelques
grands biens qu'on possède, quelques belles qua-
htes que l'on ait. Mais dans ces sortes de plirases
il faut seulement avoir épard à l'idée qu'elles por-
tent dans l'esprit. En effet, quelque grands biens
que Ion possède, veut toujours dire quelque
grands que soient les biens qve Von possède,
quelque belles qualités que Von ait, quelque bel-
les que soient les qualités que Von ait.
Cependant plusieurs bons auteurs ou poêles
■lu siede de Louis XIV ont fait, dans ce cas
qnelqve pronom, ou, si l'on veut, adjectif et l'ont
fait accorder avec le substantif. Us en ont agi
ainsi, dit-on, parce (ju'ils ont pensé que l'adjectif
placé soit avant, soit après le substantif né
change rien à la nature de qnelqve, qui mo-
râd'^ectff"^ ^' *'^""'^ ^^^' ^^ substantif et
îl me semble que cette raison n'est pas admis-
sible. A la venté, que l'adjectif soit placé avant
pu après le substantif, qvelnve sicnifie toujours
la même chose, savoir quel que^ soit. Mais il
change de rapport suivant qu'il précède le sub-
stantif ou 1 adjectif. Dans le premier cas, il mo-
dihc un substantif, et est |)ar conscipient adjectif-
dans le second, il modilie un adjectif et est nar
conséquent adveibe. Dans quelques auteurs sa-
vants que vous consultiez, quelques modifie
évidemment auteurs; il est donc adjectif- c'est
comme si l'on disait, quels que soient les auteurs
savants que vous consultiez. Mais dans, quelque
siirants auteurs que mus ciinsultiez il est évi-
dent que quelque modifie savants, et'que le .«ens
est, quelque savants que soient les auteurs que
vous consultiez.
Quelque est un mot vague qui peut modifier
un adjectif comme un subsiantif; car on peut
dire, quelque belle, quelque bonne qu'elle soit.
et quelque auteur que vous me citiez. Des (lue
ce mot est prononcé, l'esprit attend le mot mo-
dihé, et porte celle modification sur le premier
qui se présente, s'il est de nature à être modifié
p:ir quelque. Or, quelque, pouvant modifier un
adjectif, et savant élant un adjeclif, c'est à ce
mol, et non au subsiantif qui vient après, que
l'esprit attache naturellement la modification ex-
priuicc par quelque. Ainsi, dans ces sortes de
plirases, quelque modifie un adjectif, et est par
conséquent adverbe.
Une autre raison qui vient à l'apimi de ce que
nous venons de dire, c'est que l'esprit ne doit
jamais rester dans l'incertitude sur le caractère
d'un mot énoncé dans le discours. Or, si quelque
placé devant un adjectif, pouvait être tanlôt ad-
jectif, tantôt adverbe, il faudrait, ou y attache
d'abord au hasard l'un ou l'aulre caractère, ou
attendre le subsiantif qui doit déterminer ce ca-
ractère. Si, par exemple, voulant dire quelque
belles qualités que Von ait, on dit quelque belles,
et qu'on s'arrête là, l'esprit est porté à attribuer
à quelque le caractère d'adverbe, à cause de l'ad-
j'eclifqui le suit, ou bien il faudra, pour s'en
faire une idée juste, qu'il attende le mot suivant,
afin de savoir si c'est un substantif. Dans le pre-
mier cas, il se sera trompé, et il faudra qu'il
revienne sur ses pas, lorsqu'il aura entendu ce
substantif; dans le second, il aura entendu
quelque suivi d'un adjectif, sans attacher une
idée précise à ce mot. Or, rien n'est plus con-
traire au génie de la hiniîue française que ce
tâtonnement ou cette incertitude. — Lorsque
rameur donnait cette rèele il avait pour lui
l'Académie rpii, dans ses Ôbservatims sur Fau-
gelas, était d'avis qu'on écrivît : quelque grands
avantages que la nature donne. Mais dans l'édi-
tion de son Dictionnaire qui a paru en J835, elle
écrit : quelques grands biens que vous ayez.
La Grammaire des Graniuiaires (p. 431) s'ex-
plique ainsi sur celle question: « Lorsque le sub-
« stantif est ^jécédc d'un adjeclif, ce n'est point
« a l'ndjectif (pie se ra])porte quelque mais au
« subsiantif, et cela est si vrai qu'on peut dans
« ce cas transporter l'adjectif après le subslanlif
« et même le supprimer, sans nullement nuire à
» la signification de quelque.
« Il est un cas cependant où quelque, joint à
« un adjectif suivi de son subslamif au pluriel,
«ne prendrait point la marque du pluriel; ce
" serait celui où sa signification répondrait au
<i quuntumvis des Latins, comme dans celte
« phrase: Quelque bons écrivains qu'aient été
» Racine et Boileau, ils ont cependant fait des
« fautes de orammaire; en effet, quelque, vou-
« lant dire ici « quelque degré, et alors tenant
« lieu d'un adverbe, ne doit pas prendre le signe
«du pluriel; et afin de rendre plus frappante
598
QUE
« cetlcobservalion,noiisla ferons suivre de celle i
« plirase: quelques bons écrù-ains ont dit, dans
u l.iqucilo on voil «lUC quelque n'a point la sieni-
o iicaliun d'un adverbe, mais qu'il Rpond à
•> Valiquis des Latins. »
Quelque, suivi d'un verbe, s'êcril en deux
mois, quel que, t-l alors le premier est adjectif,
el s'accorde en genre et en nombre avec le nom
ou le pronom qui esl le sujet de ce verbe : Quelle
que soit votre mteiUwn ; quels que soient vos
desseins; quelles que soient vos rues. Quelle que
puisse être la nlaiie des grands sur la terre,
elle a toujours à craindre : premièrement la
malignité de l'enrie qui cherche à Vobscurcir.
(Massdlon, Petit Carême, Triomplie de la reli-
gion, r* pari., t. 1, p. 605.)
La loi, dans IodI ÉUt, doit otrc université ;
Les mortels, quels qu'Ut soient, sont égaux devant elle.
(TOLT., Poëme sur la Loi naturelle, lY, 89.)
Souvent on confond tel que avec quel que;
mais tel que sert à la comparaison, et régil l'in-
dicalif, parce que, dans les phrases où on l'em-
ploie, il <"i un sens précis et positif : On craint de
se voir tel qu'ow est, parce qu'on n'est pas tel
qu'o?j devrait être.
Au contraire, quel que est suppositif, et, dans
le sens vague du doute, il n^gil le subjonctif :
Je n'en excepte personne, quel qu^il puisse être.
Quelque soit le mérite, quelle que soit la i.crtu
de cet homme.
Ainsi, au lieu de dire avec Voltaire, dans 5e'-
miramis (act. III, se. \i, 15) ;
Ce CTand choix tel qu'il soit peut n'offenser que moi,
il faudra dire, ce grand choix, quel qu'zV soit.
Et au lieu de dire avec J. J. Rousseau [Emile,
liv. IV, t. VI, p. 4251 : On prouve très-lien à cet
enfant que celte rcligi n, telle qu'cZ/e snit, est
la seule véHtahle, on devra dire : On prouve
très-bien à cet enfant que cette religion, quelle
tYa'elle soit, etc.
Quelque est adverbe lorsqu'il précède im-
médiatement un nombre cardinal. Il signifie
alors environ. Cl n'est que du style familier : Il
y a quelque soixante ans que cela est arrivé.
Quelque chose. Cette expression esl considérée
comme un seul mol, et on lui donne le genre mas-
culin :
Pour saToir quelque chose, il faut î'avoir appris.
(AnDRiECX, Socrate et Glaucon, V, 64.)
Autrefois on doutait du genre de ce mot. Ouel-
ques-uns le faisaient masculin, et d'autres fémi-
nin. Il n'y a plus de doute aujo\ird'liui, el tous
les grammairiens le font masculin. Il y a donc
deux fautes dans les vers suivants :
Quand on aura de vous quelque chose à prétendre,
Accordez-(a civilement;
Et pour obliger doublement.
Ne la faites jamais attendre.
Cependant, lorsqu'il y a un adjectif entre quel-
que et chose, Texpression n'esl itlus un seul mot,
et chose reprend son genre féminin. On dira
donc, quelques belles choses que vous disiez,
elles ne seront jarxais gOlilCCS si vous les pro-
noncez mal.
\\)rc^ quelque c7io5P, Vaugclas est d'avis qu'on
peut supprimer de avant les adjectifs qui régissent
celte préposition. La raison qu'il en donne, c'est
que ce de rend ordinairement la phr;ise dure et
(îesagréalile. Il veut qu'on dise : H l'exhortait à
faire quelque chose digne de sa naissance, aU
lieu i\o.,il l'exhortait à faire quelque chose de digne
de sa naissance. Les grammairiens et les auteurs
modernes n'ad:aelleiil point celle supj)ression .
Heureux si Bayle avait plus respecté la religion
et les mœurs, ou quelque chose d'approcJiant.
(Volt, à d'Aleml>erl, 2 oct. J76i.) Si Eschyle et
Sophocle n'ont pas eu cette, idée, ils ont dû conce-
voir quelque clwse d'approchant. (La Harpe.) —
S'il se trouvaitquelque pbraseoù le t/e rendit avec
ce qui suit un son dur cl désagréable, il faudrait
prendre unautretour, modifier quelque chose par
le relatif qtii, el dire, par exemple, il l'exhortait
à faire quelque cboseilui fût digne de sa nais-
sance.— L'Académie, qui semlilaii parlageraulre-
fois l'opinion de Vaugelas, s'exprime ainsi en 1835
au mol chose : « Quand fadjectif suivant n'est
pas précédé d'un relatif, il doil l'être de la prépo-
sition de. »
QuELQnEFOis. Adv. On peut le mellre avant le
verbe, après le verbe, el entre l'auxiliaire et le
participe : Quelquefois il 7ne ni ; quelquefois il a
menti; il ment quelquefois ; il a vienti quelque-
fois; il a quelquefois menti.
Qdelqu'cn, Qcelqd'tjne, Qcelques-cns, QCEar-
QCEs-CNEs. Les anciens grammairiens mettaient
ce mot au nombre des pronoms indéfinis. C'est
un adjectif synonyme de quelque, c»mme chacun
est synonyme de chaque ; et il y a de part et
d'autre les mêmes différences.
Quand quelqu'un est employé seul, il a une
relation expresse avec un nom sous-entendu et
connu par les circonstances. Dans quelqu'un a
dit, le sens indique assez que quelqu'un se rap-
porte à homme. En te sens, il ne se dit que des
personnes, el ne prend jamais le féminin ni le
pluriel. On dit j'ai vu quelqu'un, j'ai parlé à
quelqu'un quim'a dit; maison ne dit pasyairt/.
quelqu'une, j'ai vu quelques-uns.
Cependant quand ^«e/i/w'M/t est employé comme
sujet de la proposition, il peut se mettre au plu-
riel, mais seulement au masculin : Quelques-uns
m'ont assuré.
Quand quelqu'un a rapport à un nom exprimé
dans la phrase, il se dit des personnes et des
choses, et signifie une partie indéterminée d'un
nombre. Alors il esl précédé du pronom en, et
s'emploie a tous les genres et à Ions les nombres :
De tous ces hommes, j'espère qu'il en viendra
quelques-uns. Que vous ont dit ces darnes^ en
viendra-t-il quelques-une.i'^ S'il en reste encore
quelqu'un d'assez juste pour avoir pitié de moi....
(Fénelon.) Voyez Maint.
Qu'en «ira-t-on. Ce substantif composé ne
prend point le signe dn pluriel; ott dit des qu'en
diru-t-on. — Il nous semble même que celte
loculion esl ikîu usitée au pluriel. 11 est certain du
inoinsquerAcadémicncremploic(prau singulier:
Se inoquer du qu'en diru-t-nn, se mettre au-
dessus du qu'en dira-t-on, etc.
Qderelleue, Querelleuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permctlcnl: Un homme querelleur,
une femme querelleuse. — Une humeur querel-
leuse, cette querelleuse humeur.
Quéiîir. V. a. cl défectueux de la 2« conj. Il
n'est usité qu'à l'iidinilif quérir, el avec les
verbes ff//er, venir, envoyer. Il n'esl point adnais
dans le style noble.
QUI
Corneille a dil dans Pohjeucte (acl. IV, se. i,
17):
L'autre m'obligerait d'aller quérir Scvcrc.
Voltaire a dit au sujet de ce vers : Quérir ne se
dit plus [Remarques sur Corneille).
QuiSTKLu. Subst. ni. On prononce cuesteur.
Question. Sulisl. f. On prononce /ceA/io//. Le <
conserve sa prononciation naturelle dans H.
QCESTIONNKLR.Subst. m. QbKSTlOJiMilSE. SubSl.
f. On dcsigne par ce mol celui ou celle (jui fait
des questions importunes : C'est un question-
neur insupportable. \ oyez Question.
Qur.STL'RK. Subst. f. On prononce cuesture.
QcÊTEir.. Adj. ijue l'on cni[)loie substantive-
ment. 11 fait quêteu-'ie au fciniuin.
Qci. On prononce ki. Selon le Dictionnaire de
rAcadcmie, c'est un pronom relatif des deu.K
genres cl des deux nombres; nous l'appelons
adjectif conjonctif. Voyez Adjectifs conjonc-
tifs. Les grammairiens disent qu'il y a un
qui relatif, comme dans celle phrase, l'homme
qui vous parle; et un qui absolu, comme
dans celle-ci, qui mus a accuse? Cette distinc-
tion est vaine. Qui, adjectif conjonctif, a tou-
jours rapport à un substantif exprimé ou sous-
entendu, et par conséquent n'est jamais absolu.
Dans les phrases où il parait tel, il y a une ellipse
dont l'analyse faii paraître le substantif: Je sais
qui vous a accusé, c'est-à-dirc je sais la per-
soîinr qui rfi:<! a accusé. Qui vous a accusé?
c'est-à-dirc dites-moi la personne gui vous a
accusé.
Lorsque l'adjectif conjonctif qui est le sujet
d'une proposition incidente, c'est-à-dire lorsqu'il
détermine un nom exprimé ou sous-entendu à
être le sujet d'une iiroposition de celle nature,
il se dit des personnes et des choses; et on doit
le préférer à lequel, laquelle, lesquels : L'homme
qui veut vivre en paix, la maison (]ui m'appai'-
iient, les hommes qui craignent Dieu. On ne
[leut pas dire l'homme lequel veut vivre enpaix,
la maison latiuellc m'appartient ; les hommes
lesquels craiynent Dieu.
Lorsque qui est le terme d'un rapport, c'est-à-
dire lor>qu'll détermine lui nom exprimé ou
sous-entendu à être le complénient d'une pré-
position, il no se dit (pie des personnes ou des
choses personnifiées : L'homme ù qui j'aiparlé,
la vertu à i}ui je rends hoinmage.
Mais, en parlant des choses, on se sert des
adjectifs conjonctifs lequel, laijuelle, lesquels,
lesquelles : La chose à laquelle vous devez sur-
tout faire attentioîi, cest le point sur lequel î^
faut réfléchi'', ^'oycz Lequel.
Après la préposition de, on préfère c?ow< à de
qui, soit qu'on parle des personnes, soit qu'on
parle des choses : L'homme dont vous parlez, la
réputation dont vous jouissez.
Les poètes, qui personniGenl tous les objets,
et qui sr'crifienl souvent l'exactitude grammati-
cale à la vivacité de l'expression, ou à la con-
trainte de la mesure ou de la rime, ne suivent
pas toujours ces règles. On trouve dans Racine
[Phèdre, sel. III, se. v, 48) :
J'ai su tromper les yeux par qui j'étais gardé.
et dans J.B. Rousseau (liv. I, ode viii, 7) :
Du haut de la montagne où sa grandeur réside,
11 a brisé la lance et l'épéc liomiciJe
Sur qui l'impiété fondait son ferme appui
QUI
S9D
Çi/i, sujet d'une proposition incidente, prend
le caractère du nom qu'il modifie, en le liant à
cette proposition; il est, comme ce nom, de la
première, de la seconde ou de la troisième per-
sonne, soit du singulier, soit du pluriel, et il
détermine le verbe dont il est le sujet à prendre
celle do ces formes qu'il a lirée de sa liaison
avec ce mot. Ainsi on dit, moi qui ai parlé, et
non pas, woi qui a parlé, parce que, qui, étant
l'adjectif conjonctif de moi, qui est de la pre-
mière personne, doil prendre ce caractère de
première personne dans la phrase dont il est le
sujet. De même on dira à la seconde personne,
toi qui as parlé, vous qui acez parlé; à la troi-
sième, lui qui a parlé, eua; qui ont parlé.
Par la même raison il faut dire, si c'était vioi
qui eusse, et non pas, si c'était moi qui eût; si
c'était vous qxii eussiez, si c'était lui qui eût,
etc. Molière a [)éché contre celte règle en disant
[Sganarelle , se. ii, 6) :
Ce ne serait pas moi qui su ferait prier.
11 fallait dire gui me ferais prier.
Qui, sujet d'une proposition incidente, doit
toujours suivre immédiatement le substantif au-
(juclil se rapporte. On dira, par conséquent, cp'
homme qui ne cherche qu'à tromper a granu,
tort, et non pas, cet homme a grand tort qui ne
cherche qu'à tromper.
Les meilleurs poêles se sont (pielquefois écar-
tés de celte règle. Racine ïNdit [Andromaque,
act. V,sc. II, 26):
Phcenix même en répond, qui l'a conduit exprès
Dans un fort éloigné du temple et du palais.
Et Boilcau [Lutrin, I, 69) :
La déesse, en entrant, qui voit la nappe mise.
Le second exemple parait plus excusable que
le premier, parce que e?» entrant n'étant (pi'une
phrase incidente, ne semble pas séparer autant'
lequidu nom auquel il se rapporte, que la pro-
position directe et entière qui, dans la première,
forme la séparation.
Comme un substantif ne fait qu'une seule et
même idée avec l'adjectif qui le modifie, qui est
censé suivre immédiatement son substantif, lors-
qu'il suit l'adjeclif qui modifie ce substantif. Ce
ne sera donc pas pcciior contre cette règle de
dire, l'homme inlrépid*^ (|ui viarche a l'ennemi.
Il en est de même lorsoue le substantif est suivi
de la préposition de avec son complément, ex-
pression qui équivaut à un adjectif : Les amis
de mon pérc^M/' tmus suivaient.
La répétition de qui, toujours sujet de la i)ro-
posilion incidente, n'est pas non plus contraire
a celle règle. Tous les qui touchent au substantif
par le moyen du premier, dont ils no sont (pie
la répétition. C'est ainsi qu'on dit, un auteur qui
est sensé, qui sait bien sa langue, qui médite
bien son sujet, qui travaille à loisir, i]ui consulte
ses amis, est presque t^ujnnrs sûr du succès.
Cette règle peut servir de guido dans le cas
où, voyant deux substantifs dans une phrase,
on doute auquel des deux il faut fiiro rapporter
le qui. On sentira qu'il ne peut se rapporter
qu'au substantif qui le précède. On dira donc,
vous êtes, grande reine, un génie tutélaire
qui est venu consolider la paix, parce qu'on
fera rapporter qui à génie tutélaire qui le pré-
cède immédiatement, et non à reine, qui en
rfOO
QUI
est le plus l'ioigné; et l'on ne dira pas, vous êtes,
grande reine, un génie ttiti'l-aire qui éles venue,
parce qu'alors on ferait rapporter le qui à un nom
qui ne le précède pas iinnicdiateincnt.
C'est par la même raison <]u'on dira : f^ous
parlez en homme qui entend la matière et non
pas çi/t entendez la rnulière. f^ous ètrs le pre-
mier qui ah éilairci cette difficulté, et non pas,
qui ayez eclairci. Je suis le seul qui ait déve-
Irppé cette vérité; et non pas, 7 in' ai développé.
Dans CCS phrases, gui ne se rapporte pas a vous
ou à je, mais bien à Ao/n/ne, qui est exprimé dans
le premier exemple, cl sous-entendu dans les
autres : F'ous êtes le premier; ccst-à-dire le
premier homme ; Je suis le seul, c'est-à-dire le
seul homme; et gui, se rapportant à ce mot
homme, le rend, par sa fonction conjonctive, le
sujet de la proposition.
Racine a dit dans Iphigénie (act. IV, se. iv, 26) :
Fille d'.^garaemnon, c'est moi qui la première.
Seigneur, tous appelai de ce doux nom de père.
Et dans Britannicus ^act. III, se. m, 49) :
Pour moi qui le premier secondai vos desseins.
Voltaire a dit aussi , dans sa correspondance, en
parlant de Shakspeare : C'est moi gui le premier
montrai aux Français quelgues perles que j'avais
trouvées da?is son énorme fumier.
Ces trois exemptes sont parfaitement conformes
jla règle générale, parce que le gi/i suivant immé-
diatenicnl le nom moi., c'est à ce nom qu'il doit
se rapporter. Le sens est, cest 7noi gui, c'est-à-
dire, lequel moi, montrai aux Français, etc.
Il y a une difficulté réelle que Condillac pro-
pose et résout de la manière suivante :
On dit : F'oire ami est un des hommcsqui man-
guèrent périr dans la sédition, quoiqu'on dise,
votre ami est un des hommes qui doit le moins
compter sur moi. Pourtiuoi le l)luriel qui man-
guèrent dans l'une de ces phrases, et pourquoi
dans l'autre le singulier gui doit? c'est que les
vues de l'esprit ne sont pas les mêmes. On se
sert de la première phrase quand on veut mettre
votre ami parmi ceux qui manquèrent périr; et
on se sert au contraire de la seconde quand on
veut le mettre à part; et le sens est, votre ami
est un homme qui doit le moins de tous les hommes
compter sur moi.
Racineadit (Britannicus, act. II, se. m, 129) :
Britannicus est seul; quelque ennui qui le presse,
Il ne Toit dans son sort que moi qui «'intéresse.
On a remarqué avec raison que « son sort
serait mieux que da/js son soi't. Mais l'emploi do
la troisième personne, approuvé par Marmontel,
a été blâmé par Doinergiie. Ce grammairien dit
que dans les verbes réfléchis o\i réciproques, qui
admettent se, tels que se repentir, s'intéresser,
etc., l'usage seul indique assez qu'il faut me à la
première personne, te à la seconde personne, *<?
a l;i troisième; et qu'on dit je ni intéresse, tu
t'intéresses, il s'intéresse. En conséquence il
dit (juc il nest gue moi qui m'intéresse, éijui-
vaul à il n'est gue moi, lequel moi m'intéresse;
et il en conclut qu'on ne peut pas dire, il n'est
que moi gui s'intéresse.
Cette criticjuc ne ine paraît pas juste. Dans il
n'est que moi gui s'intéresse, le sens est évidem-
ment négatif. Cela veut dire, il n'est per.ionne,
gui jjcrsviine ne s'intéresse, hors moi, excepté
QUI
moi, si ce nest moi. Au coniraire, dans iï n'est
que mui gui m'intvrcsse, le kcls sirait mot, qui
moi suis le seul qui m'intéresse. Or, ce n'est |)0int
là du tout ce qu'a voulu dire le poëte. Son in-
tention a été de peindre principalement l'absence
d'inténit, l'abandon prescjuc total ; et celle absence,
cet abandon, ne seraient pas peints si l'on fixait
principaleincnt l'espiii sur l'intérêt qui existe, et
non sur celui qui n'existe pas. C'est pourtant ce
qui arriverait si l'on disait il ne voit gue moi
qui m'intéresse à lui. L'idée .se présente sous un
point de vue tout diffèrent quand on dit, il ne
voit gue moi qui s''intéresse à lui. Domerguc
n'a pas fait attention que dans celle phrase, gue
moi n'est qu'un accessoire de la proposition,
qu'une expression qui restreint l'étendue du mot
personne qui est sous-entendu, et <]ue ce n'est
pas àcei accessoire que doit se rapporter l'adjectif
conjonctif.
L'auteur de la Grammaire des Grammaires
établit comme règle que, lorsque c'est un nom
propre (jui précède le gui, le verbe doit être mis
a la première personne, si le nom propre indique
la ]>ersonnc qui parle; à la seconde, s'il indique
celle à qui l'on parle ; à la troisième, s'il indique
celle de qui l'on parle : Je suis cet Alexandre
gui ai vaincu Darius, vous êtes ce César ^ gui
avez conquis les Gaules, je parle de cet Eros-
trate qui a hrûlé le temple d'Ephèse.
D'après celle règle, il semble (}ue Racine au-
raitdlidire dans Mithridate {;m:i. H, se. ni,-l):
Enfin, après un an, lu me revois, Arbate,
Non plus comme autrefois, cet lieureux Mitlirldate,
Qui, de Rome toujours balançaut le destin,
Tenais entre elle et moi l'uniïers incertain :
Je suis vaincu.
Domergue prétend qu'il fallait dire : tenait
entre elle et moi, etc.; et voici comme il fait
l'analyse de ce morceau :
Tu, toi, Arbaie, revois enfin après un an, 7/101,
tu ne vois plus moi, comme lu vis autrefois moi,
cet heureux. Milhridate, lequel Mithridate, ba-
lançant toujours le destin de Rome, tenait l'uni-
vers incertain entre elle et moi. L'analyse, conli-
nuo-l-il, n'amène pas. lequel moi tenais, donc
ilnetaul i)as la première personne; elle amène
lequel Mithridate tenait, donc il faut la troisième
personne.
Quoi qu'en dise ce grammairien, si l'analyse
amène /e5'j/<?Z Mithridate, elle amène lequel moi
Mithridate, car ce Mithridate n'est autre chose
(pie moi qui parle. Cependant je pense aussi
()u'il faut la troisième personne, et que Racine a
û\x tMva tenait entre elle et moi, cl voici mes
raisons : Racine suppose ici deux moi; le pre-
mier, qui n'existe plus, é{vt\\. cet heureux Mithri-
date qui balançait le destin de Borne; le second,
(]u\ ne ressemble point au premier, est ce moi
Mithridate 7nalheurcu.v que tu revois et qui te
parle. Par celte explication, les mots entre elle et
moi qui viennent après tenait, conviennent à la
phrase, c'est-à-dire entre elle et ce moi heureux
qui «'cart5/ep/i/5.Danslc système de Domergue, il
fàmlraiH entre elle et lui. On ignores! Racine amis
tenais ou tenait. Il y a des éditions OÙ on lit le
premier, cl d'autres où l'on trouve le second.
Voyez Qui que ce soit à. son rang alpiiabéiique.
Quiconque. Les grammairiens niellent ordi-
nairement ce mol au nombre des pronoms indéfi-
nis. C'est un nom qui ê(]uivaut à tmit homme
qui. On pourrait l'appeler nom conjonctif, à
cause de ce qui, lequel sert à joindre à l'idée de
QUI
tout homme, une proposillon incidenic détermi-
native : Ji' dis ù i]uicoiuiUC vciit l'entendre ,
c'esl-à-ilire à tout homme qui veut l'entendre.
On voit que l'idée d'/toz/iwc est la principale dans
la signillcalioii de quiconque, et par conscqiîciit
(jue c'est un nom coinnic le nom homme.
Celte siirniliralioii du mot quiconque indique
assez qu'il ne peut se dire ijue des personnes, et
qu'il ire peut avoir de pluriel : Quiconque flatte
ses maîtres les trahit (Massillon, Petit Carême.
Tentations des Grands, 2" part. , t. I, p. 563.)
Quiconque est capable de mentir est indigne
d'être compté au nombre des hommes. (Féncl.,
Télcm.. liv. III, t.i, p. 122.)
Quand quiconque est employé dans le premier
membre d'une i)hrase, il ne doit pas être rappelé
dans le second membre par le pronom il , et l'on
ne doit pas dire quiconcpie a dit cela, il n'a pas
dit la vérité. I.a raison en est sensible. C'est que
quiconque renferme non-seulement un nom, tout
homme, mais encore un adjectif conjonctit'(]ui lie
ce nom a la proposition suivante : Quiconque a
dit cria, c'est tout homme qui a dit cela;OT, on
ne dirait pas, tout homme qui a dit cela, il n'a
pas dit la vérité.
Cependant Massillon avait coutume de mettre
ce pronom /Z après quiconque, lorsque le second
verbe en Olail un peu ckdgiié : Quiconque, fût-il
maître de l'utiirers, s'eloiijne de la règle et de la
sagesse, il s'éloigne du seul bmheur oii l'homme
puisse aspirer sur 1(1 terre [Petit Carême. Sur
le malheur des grands qui abandonnent Dieu.
3' réflexion, t. I, p. 5'76.) C'est une faute que l'on
doit éviter.
Ordinairement quiconque est du masculin;
mais quand il a un rajiijort précis à une femme,
l'adjectif (]ui le suit doit être mis au féminin. Il
faut donc dire, en parlant à des femmes, qui-
conque de vous sera assez hardie pour médire
de moi, Je l'en ferai repentir. C'est une décision
de l'Académie.
Régnier Desmarais pense avec raison que ce
ipii donne lieu, dans cet exemple, à mettre au fé-
minin l'adjcclif dont quiconque est suivi, c'est
que ce mot n'est plus employé indéfiniment, et
qu'il est restreint et déterminé par de vous.
Quidam, Qcidane. Subst. On prononce kidan.
QuiNCAiLLERic. Subst. f. Trévoux et Restant
écrivent clincaillerie; mais aujourd'hui on dit et
on écrit généralement quincaillerie, conformé-
ment à l'élymologie En effet, quincaillerie vient
du latin 5f!/(W(7Me, qui veut dire cty^g-, parce qu'an-'
ciennement on prélevait un droit exorbitant à
chaque vente de marchandises; on en exceptait
seulement les objets au-dessous de cinq sous,
qu'on a appelés, à cause de cela sans doute,
quincaillerie.
Ql'indécagone. Subst. m. Prononcez cuindéca-
gone.
QciiNDÉcr.Mvins. Subst. m. plur. On prononce
cuindéceinvirs.
Quinquagénaire. Adj. des deux genres. On pro-
nonce cuincouagénaire. Il ne se met qu'après son
subst. : Un homme quinquagénaire, une femme
quinquagénaire .
Qdinquagéslml-. Subst. f. On prononce cui/i-
couagésime.
Quinquennat-, Quinquennale. Adj. On prononce
cuincuennal. Il ne se met qu'ai)rés son subst. :
Magistrat quinquennal, fêtes quinquennales,
jeux quinquennaux.
Quinquennium. Subst. m. On prononce cuin-
cuennium:
QL'O
60 i
QuiNQUERCE. Subst. m. Oh prononce cuin-
cucrce.
QuiNQuÉr.icME. Subst. f. On prononce cuincué-
rème.
QuiNTKTTO. Subst^m. On prononce cuin. Terme
de musitpie emprunté de l'italien, il fait au plu-
riel quintetti (Acad., 1835).
QuiNTF.ux, QuiNTEusi:. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille cl l'ana-
logie : Un homme quinteux, une femme quin-
tcuse , une humeur quinteuse, cette quinieuse
h'imeur.
(JuiNTir,, QuiNTiLE. Adj. Terme d'astronomie.
Ou prononce cuintil. Il se met avant son subst. :
Qiiintil aspect.
Quintuple. Adj. et subst. On prononce cuin^
tiiple. Comme adj., il se met après son subst.-
f^ingt est quintuple de quatre.
Quinze. Adj. numéral des deux genres. Il se
met avant son subst. : Quinze hommes, quinze
femmes, quinze chevaux, quinze arbres, quinze
jours.
QuiNzii-.ME. Adj. des deux genres. Nombre
d'ordre. Il se met avant son subst. : Au quinzième
jour, au quinzième mois.
Quiproquo. Subst. m. Mot emjjrunté du îalin,
qui ne prend point de ^au pluriel.
Qui que ce soit. Expression qui s'emploie seu-
lement en parlant des personnes, au masculin sin-
gulier, avec ou sans négation, avec ou sans pré-
[wsition.
Employé sans négation, qui que ce soit sipi-
fie la même chose que quiconque, ou quelque per-
sonne que ce soit : A qui que ce soit que nous
parlions, nous devons être polis. Qui que ce soit
qui me demande, dites que je suis occupé.
Employé avec une négation, il signitic persontie,
ou aucune personne. Je n'envie la fortune de qui
que ce soit. On ne doit jamais mal parler de qui
que ce soit en son absence.
Quitte. Adj. des deux genres. Une se met qu'a-
près son subst. ; Je suis quitte.
Quoi. Adj. conjonctif qui ne se rapporte jamais
qu'à un nom sous-entendu. Quand on dit : à quoi
vous occupez-vous f c'est comme si l'on disait :
à quelle chose vous occupez-vous? Quoi es! en-
tièrement l'équivalent de /e7i/e/ ou laquelle. C'est
un adjectif qui est le même pour les deux genres,
et il faut suppléer chose ou tout autre nom.
Ah ! combien ces moments de quoi tous me flaUez,
Alors pour mon supplice auraient d'éternités !
(Cor., Uêracl., act. III, se. i, 129.)
A'oltaire a dit, à l'occasion de ces vers, remar-
quez ([u'on ne peut i)as dire : ces moments de
(\uo\vousme flattez; cela n'est pas français; il
faut dire : ces moments dont vous me flattez.
[Remarques sur Corneille.)
Quoi, suivi d'unque qui en est séparé, ne doit
l)as être confondu avec quoique conjonction.
Quoique s'écrit toujours en deux mots quand il
sigiiilie quelque chose que. On dit en p.ose, quoi
que vous disiez, pour quelcjuc chose <iuc vous
disiez. Mais en vers, celte expression est un peu
dure. L'Académie l'a blâmée autrefois dans ce
vers de Corneille (Cid, act. III, se. m, 27) :
El quoi que mon amour ait sur moi de pouvoir.
Cette critique n'a pas empêché "Voltaire de dire
dans Mahomet (act. III, se. m, 52) :
Quoi que la Toii du ciel ordonne de Séide.
602
R
lîi dans les Pélopides (act. I, se. i, 67) :
Nouj raisoni nos destins; quoi que tous puistict dire,
L'homme par sa raison sur l'honime a quelque empire,
Boilcau a dit aussi [Art poétique, I, KilJ :
Sans la langue, en un mol, l'auteur le plus divin
Est toujours, qvoi qu'il fasse, un méchant ocriTain.
Et Thomas Corneille {Festin de Pierre, act. I,
se. 1, 1) :
Quoi qu'en dise Arislole et sa docte cabale,
Le tabac est divin , il n'est rien qui l'égale.
De quoi a un ufage étendu , et l'on s'en sert
l)Our siiTiiifier le moyen, la faculté, la matière, en-
fin tout ce qui est nécossuire ou convenable pour
la chose dont il s'agit. Dans ce sens, on l'emploie
sans aucune iiégaiion. Doitnez-moide quoi écrire.
Nous avons de (pioi nous amuser. Voyez Quoi
que ce soit, à son ranç alphabétique.
Quoique. Conjonction. 11 signifie encore que,
lien que, s'écrit en un seul mol, et régit toujours
le subjonctif: Quoiquil so'ii pauvre , quoiqu'il
ait déclaré. On dit, quoique peu riche, il est gé-
néreux ; mais, dans le premier membre de celle
phrase, il y ;i ellipse. C'est comme si Ton disait
quoiqu'il soit peu riche.
Quoique ne doit point s'unir à des participes
R
présents. On ne dira donc pas quoique n'ayant
pu le voir... 11 ne doit pas mm plus régir des pa»-
licipes passes privés du verbe auxiliaire : Quoi-
que accouturnés aux excès d'aiiibitinn,nous n'u-
voiis pas vu sans surprise etc.; il fallait, quoi-
que nous soyons accoutumés, c[<\ — l,ûrs(ju''un
membre d'une période commence par quoique, et
que le commencement du second membre exige
la même idée, il ne faut pas répéter quoique a ce
second membre, mais mettre 171/e à la place. Quoi-
que Dieu soit bon, et qu'i7 soit t nijours prêt à
recevoir les pécheurs à repcntunce , cepen-
dant, etc.
Il ne faut pas confondre la conjonction quoique
avec quoi que qui s'écrit en deux mots. Voyez
Quoi.
Quoi que ce soit. Expression qui se dit seule-
ment des choses au masculin singulier, arec ou
sans négation, avec ou sans préposition.
Sans négation, il signifie la même chose que
quelque chose que. Quoi que ce soit qu'elle dise,
elle ne me persuadera pas.
Avec une négation, il signifie rien. Quelque
mérite que l'on ait, on ne peut, si l'on n'a ni
bonheur ni protection , réussir à quoi (|ue ce
soit. (Girard.) Ceux qui ne s'occupent àijuoi (lue
ce soit de bon et d'utile me paraissent fort mé-
prisables.
Quotidien, Quotidienne. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Pain quotidien, fièvre quo-
tidienne.
R.
1\. Subst. m. On prononce re. C'est la dix-hui-
tième lettre de l'alphabel, et la quatorzième des
consonnes. Elle est du nombre de celles que l'on
nomme liquides, parce quelles se lient aisément
avec les consonnes muettes dans une même syl-
labe, comme on voit dans branche, crainte,
France, grandeur, travail, elc.
Le son propre et naturel de r est re, comme
dans ragoût, règle, rivage, rouge. — R, au
commencement et dans le ruurs d'un mot, se
prononce toujours sans variation dans le discours
soutenu ; iLais dans la conversation, sa prononcia-
tion est Irès-adoucie dans notre, votre avant une
consonne, excepté dans Notre-Dame ( la sainte
Vierge). Mais il reprend sa prononciation ordi-
naire dans ces deux mots, s'ils sont suivis d'une
voyelle, uu précèdes de l'article. Ainsi dansto/rc
ami et le notre, la lettre r a le son qui lui est
propre.
li final se fait entendre dans les monosyllabes
fer, tuer, cher, nr, mur, sieur. On ne le prononce
pas dans monsieur. — i? se fait entendre dans la
terminaison er, immédialement précédée de m, f,
ouv, comme dans enfer, amer, hiver; dans belvé-
der, cancer, cuiller, étiier, fier, frater, gaster,
hier, iiiagster, pater, et dans les noms pruprcs,
Jupiter, Eslher, Munster, le Niger; dans les
mots en ir, plaisir, hdsir, repentir. — ISIais il ne
se prononce pas a la lin des substantifs polysyl-
labes en ier, comme dans officier, sommelier,
teinturier, que l'on prononce officié, sommelié,
teiniurié, etc. lien est de même dans les adjec-
tifs polysyllabes en ier, comme entier, particu-
lier, singulier, etc. — 7J ne se pnmonce pas à la
fin des mots polysyllabes en cr où cette finale
n'est pas innnedi'atêinenl précédée de f, m ou v.
comme dans rfa/!_5rej', verger, etc. — R ne se fait
point scnlir dans les infinitifs en er, quand ces
infinitifs ne sont pas suivis d'une voyelle. H veut
aimer, il veut danser, on prononce aimi , dansé.
On lit dans plusieurs grammaires, qu'on ne pro-
nonce pas non plus le r de ces mots dans la con-
versation familière, lorsqu'ils sont suivis d'un*
voyelle ; mais c'est une erreur. On ne dit pas
aimé II boire, mais ai//;er à boire. Il faut observer
seulement que !'<? est peu ouvert. — On soumet
dans les mêmes granunaires, aux mêmes règles,
les infinitif termmés en ir, et l'on prétend qu'il
faut prononcer je vais veni,'du lieu lic je vais
venir ; venià ses fins, au lieu devenir à ses fins.
Quelques gens du peuple peuvent prononcer
ainsi ; mais ce n'est pas l'usage parmi les gens
instruits.
Lorsque la lettre r est jiedoublée, on n'en pro-
nonce ordinairement qu'une, comme dans par-
rain, marraine, carrosse, etc. Seulement ces
deux r rendent la voyelle précédente plus Vm-
gue ; et si c'est la voyelles, on la prononce plus
ouverte, comme dans guerre, tonnerre. Cette
règle est sujette à quelques exceptions que voici.
Les deux r se prononcent dansei-rala, errer, er-
rojié, abhorrer, concurrent, interrègne, narra-
tvm, terreur, torrent; — dans la plupart des
mots qui commencent par ir, comme irrégulier,
irrévocable, irréfragrable, ClC. ; — dans les fu-
turs, les conditionnels des vcrhcs mourir , acqué-
rir, courir: je mourrai, je mourrais; f acquer-
rai^ j acquerrais; je courrai, je c"urrais.
Rli ne se prononce i)as autrement (pie le r sim-
ple. Rhéteur, rliume, rliythme, se prononcent ré-
leur, ruuie, rythme.
R est l'expression abrégée du mot révéï-endi
RAC
R. P., révérend père. — Dans les auteurs du
siècle de I.ouis XIV on rencontre assez souvent
l'abrévinlion suivante : B. P. R. qui sigiiKic : re-
ligion prétendue réformée. — Dans le commerce
R. signilie remise, reçu, etc. R" signilie recto. —
R est la marque de la monnaie frappée à Or-
léans.
Rabâcher. V. n. de la If'conj. Quelques écri-
vains le font quel<]uefois actif; et l'on dit dans !a
conversation qu'w/i homme rahàche loujottrs la
■même chose.
Rabaciiebie Subst. f. Mot nouveau que J.-J.
Rousseau a employé : Je me souviens d'avoir ja-
dis rencontré sur mon chemin cette question de
l'oriçiine du mal, et de l'avoir effleurée; bon
Jeune homme et qui me paraisses bien né, vous
n'aurez point lu ces rabàcheries ; moi je les ai
oubliées, et nous avons très -bien fuit tous
deux.
Rabat. Subst. m. Le t ne se prononce que de-
vant une voyelle.
Rabat-joie. Subst. m. On dit au pluriel des ra-
lat-joie sans s. La pluralité tombe sur le mot
sous-entendu qui exprime la chose qui rabat la
joie.
Rabattre. V. a. delà 4* conj. Il se conjugue
comme battre. Voyez ce mot.
Raboied.x, Rabotedse. Adj. Il ne se met qu'a-
prés son subst. : Du bois raboteux, des chemins
raboteux, une allée raboteuse.
Racaille. Siil)st. f. Expression familière et in-
jurieuse par laquelle on désigne les gens de la po-
pulace qui joignent des mœurs déréglées et des
inclinations basses à une misère qui prend sa
source dans la l'ainéaniise et les vices les plus
honteux.
Il ne faut pas confondre ce mot avec celui de
canaille, qui ne désigne que la bassesse de cœur
et l'absenc" de tout sentiment d'honneur et d'hu-
manité, abstraction l'aile de la condition et de l'é-
Jat de ceux à qui on les applique. La racaille
n'existe que dans la classe la plus misérable du
peuple ; la canaille se trouve dans toutes les
classes de la société, à la cour comme à la ville,
parmi les riches comme parmi les [lauvres, mais
moins dans la classe moyenne qu'ailleurs.
La ca/ioîV/e sacrifie tout à sacujiidité; elle vend
sa conscience, ses oi)inions, ses suffrages ; elle est
fourbe, avide, sans foi, sans probité, sans hon-
neur, sans pitié. La racaille se piait dans sa bas-
sesse; rien nerhumilic; elle aime mieux souffrir,
mendier ou voler que de travailler.
Rachetable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son siibst. : Une renie rachetable, vue
terre rachetable.
RAcnETKR. V. a. de la- 1''* conj. Il se conjugue
comme acheter. Voyez ce mot.
Rachitique. Adj. des deux genres. On pro-
nonce rachitique, rachitisme et rachilis, et non
pas rakitiqve, etc.
Racine. Subst. f. Terme de grammaire. On
donne en général ce nom à tout mot dont un autre
est formé, soit par dérivation ou par composition,
.s«it dans la méinc langue ou dans une autre lan-
gue, avec cette différence qu'on peut ajjpeler ra-
cine p-enoa/riccç, les mots primitifs, à l'égard de
ceux qui en sont dérivés , et racines élémen-
taires, les mots simples, à l'égard de ceux qui en
sont composés.
RacO'NTkr. V. a. de la l'" conj. On dit racon-
ter une histoire, raconter vn fait. Delille a dit
raconter la nuit, pour dire raconter les événe-
ments de la nuit. {Enéide. II, 5.)
RAI
605
Reine, de ce grand jour faut-il troubler les charmes,
Et rouvrir à vos yeux la source de nos larmes?
Vous raconter la nuit, re|iouvanlable nuit
Qui ïitPergame en cendre, et aou régne détruit?
Je ne crois pas qu'on puisse blâmer cette expres-
sion en vers.
Radical, Radicale. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. -.f^^ice radical, (jnérisonradicale, terme
radical, lettres radicales, pédoncules radi-
caux.
Radicalement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il est y uéri radicale-
ment, ou il est radicalement guéri.
Radieux, IUdiedse, Adj. On peut le mettre
avant son substantif, lorsque l'analogie et l'har-
monie le permettent : Front radieux, soleil ra-
dieux, éclat radieux, ce radieux éclat; l'aurore
7'adieuse, lu radieuse aurore. Voyez yJdjeclif.
Radis. Subst. m. On ne prononce le s linal que
devant une voyelle, ou un h non aspiré.
Radius. Subsl. m. On [H'ononce les final.
Radoub. Subsl. m. On jirononcc le b.
Rafraîchissant, Rafraîchissante. Adj. Il ne se
met qu'après son subst. : Remède rafraîchissant,
tisane rafraîchissante.
Rage. Subst. L
Déployez toutes vos ragea.
Princes, vents, peuples, frimas.
(BoiL., Ode sur la priée de IVamur, SI.)
Quoique tous nos vieux poètes, dit Saint-Marc,
eussent employé ce pluriel, il n'était déjà plus en
usage quand notre poëte composa son ode. Je ne
lui ferai pourtant pas un crime de s'en éire servi
dans cet endroit où le pluriel me paraît bien plus
énergique que le singulier.
Le sang de Polyeucte a satisfait leurs rages.
(Corn., Pol., act. I, se. m, 118.)
liages, dit Voltaire, ne se dit plus au pluriel; je
ne sais pourquoi, car il faisait un très-bel effet
dans Malherbe et dans Corneille [Remarques sur
Corneille) .
L'Académie, en iS35, donne les exemples sui-
vants, qui prouvent que le pluriel s'emploie en-
core dans certains cas : Cet homme est tou-
jours furieux, ce sont des raijes continuelles. H
est dans une rage si grande, dans des rages si
graiides, que.
Ragot, Ragote. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Un homme ragot, une femme ra-
gote.
Ragoûtant, Ragoûtante. Adj. tiré du v. ra-
gnûter. Il ne se met qu'après son subst. : Un
homme ragoûtant, une femme ragoûtante.
Railler. V. a. de la l'econj. Onmouille les l.
Raillerie. Subst. f. Il ne faut pas confondre
entendre raillerie Ci entendre lu raillerie. L'un
signilie prendre bien ce (ju'on nous dit; l'aulre,
entendre l'art de railler.
Railleur, Railleuse. Adj. On peut le mettre
aiirès son subst. en consultant l'oreille et l'analo-
gie : Un homme railleur, une femme railleuse ,
I 11 esprit railleur, un caractère railleur, u7ie
humeur railleuse. Cette i-ailleuse humeur lui
attira bien des ennemis. Voyez Adjectif.
Raisonnable. Adjectif des deux genres. Il ne
se met ([u'après son substantif: Un homme rai-
sonnable, une femme raisonnable, une taille
raisonnable, un pri.T raiso/inab!e.
Raisonnablement. Adv. On peut lemettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a parlé raisonnable-
mi
RAN
m*nt,OU il a raisonnablement parlé. — Il SC met
avant rmijcrlif qu'il modifie : Sa maison est rai-
sonnablement grande, cette femme est raisonnct-
l'ienient laidi'.
•Raisonsk. Siibsl. m. On ne trouve ce mol dans
aucun dictionnaire. M.iis il serait difficile de s'en
(tasser pour exprimer l'idée de Voltaire dans les
exemples suivants : // y avra toujours de l'es-
prit dans la nation ; il y aura du raisonne , et
malheureusement beaucoup trop, etc. — Il y
a des vers heureux dans Corneille , des vers
pleins de force, tels que Rotrou en faisait avayit
lui, et vicnic plus nerveux que ceux de Botrnu .
Il y a du raisonné ; mais, en venté , il y a bien
rarement de la terreur ou de la pitié, qui sont
l'âme de la vraie tragédie. — Je prie mon-
sietir N. de conserver sa bienveillance pour
celui qui n'est ni Pierre (Corneille), ni Jean
(Racine) ; qui n'aime point du tout le l'aisonné de
Pierre, et qui n'approche point du sentiment de
Jean.
Raisonnecr. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dit raisonneuse. — Ce mot se prend
aussi adjectivement. On dit : Un valet raison-
neur, vn enfant raisonneur. On est épouvanté
de voir jusqu'à quel point notre siècle raisonneur
n pousse, dans ses maximes, le mépris des de-
voirs du citoyen. (J.-J. Rousseau.)
Rajeunir. V. a. et n. de la 2^ coni. On dit
d'un homme (\u'il a rajeuni et qu'il est rajeuni.
Par la première expression, on peut indiquer l'ac-
tion progressive du rajeunissement ; par la se-
conde, l'état qui résulte de cette action.
Rallc.mer. V. a. de la î" conj. Voltaire a
employé ce mot dans une acception qui ne se
trouve point dans le Dictionnaire de l'Académie :
La fière ambition qu'il renferme dans l'âme,
Alt flambeau de Taraourpeut rallumer sa flamme.
(Volt., Brutus, acl. III, se. ii, 61.)
On peut employer ce verbe au figuré dans
toutes les occasions où la chose pourra se compa-
rer au l'eu et à son action.
*RA3iENTEVF,ri, au licu de ramentevoir. Vol-
taire s'est servi de ce mot en plaisantant : Comme
les vieillards aiment à conter, et même à répé-
ter, je viius ramenteverai, et nous vous ramenle-
vons zci qti il y a six semaines que nous prîmes
la liberté de, etc.
Ramedx, Ramecse. Âdj. Il ne se met qu'après
son subst : Une plante rameuse, les cornes ra-
meuses d'un cerf
Rampa>t, Rampante. Adj. verb. tiré du v.
ramper. 11 ne se met qu'après son subst. : Ani-
mal rampant, insecte rampant, yjïante ram-
pante. — Style rampant. — Un homme rampant,
■un caractère rampant, une conduite rampante.
Range. Adj. des deux genres, qui ne se met
qu'après son subst : Du lard rance.
Rancdne. Subst, f. Ce terme est banni du style
noble.
Ranccsier, RANCONiÈr.E. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'analo-
gie : Un homme rancunier, une femme rancu-
nière, un esprit rancunier, une humeur rancu-
nière ; cette rancunière humeur.
Quelques-uns disent rancuneux, rancuneuse,
et on le trouve <lans un dictionnaire moderne.
C'est un mot q\ie le bon usage n'approuve point.
Rang. Subst. m. Mettre au rang. Voyez comp-
ter.
Ranger. V. a. delà l'c conj. Dans ce verbe.
RAP
le g doit toujours se prononcer comme ji; et pour
lui conserver celte prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o • Je rangeai, raw/cons, et non
J)as je rangai, rangons. L'Académie dit : Se
ranger du parti, du côté de quelqu'un. Racine
a dit : Ranger tous les cœu7S dupurti des larmes
de quelqu'un.
J'irai semer partout ma crainte et ses alarme-.
Et ranger tous les cicurs du parti de et» lartnct.
{Britan., act. III, se. V, 29.;
Se ranger du parti, du côté de quelqu'un, c'est
embrasser le |)arli de quelqu'un ; se jauger a
Vuvis, à l'opinion de quelqu'un, c'est déclarer
qu'on est de l'avis, de l'opinion de quelqu'un.
Racine a dit {Androm., act. IV, se. i, 61) :
Fais-lui Taloir l'hymen où^'e me suit rangée.
Cette expression, qui d'ailleurs pourrait déplaire,
est belle' ici, parce qu'elle fait sentir iju'Andro-
maque n'a consenti que malgré elle a cet hymen.
Ranimer. V. a. de la i'^ conj. L'Académie n'a
pas dil ranimer les esprits.
Sa vue a ranimé mrs esprits abattus.
(Rac, Àth., act. II, se. V, 5t.}
Rapace. Adj. des deux genres. On peut le met-
tre avant son subst., en consultant l'oreille et l'a-
nalogie : Un animal rapace ; u?i homme rapace.
"Voyez Adjectif.
Rapide. Adj. des deux genres. On peut assez
souvent le meure avant son swhsi. : Mouvement
rapide, ce rapide mouvement; une expédition
rapide, cette rapide expédition ; des progrès ra-
pides, de rapides progrès. Voyez Adjectif.
Rapidement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire cl le participe : Le temps s'est écoulé
rapidement, ou le temps s'est rapidement écoulé.
RAPiÉCEr., IlAPn';cETrn,r«APETASSE!î. Verbes ac-
tifs de la 1'" conj. On cmjiloic souvent indiffé-
remment ces trois mots, (]ui cependant présentent
des différences assez sensibles. Rapiécer, c'est
mettre des pièces ou remettre une pièce ; rapié-
ceter, c'est remettre de nouvelles pièces, ou
mettre beaucoup de petites pièces; rapetasser,
c'est raccommoder grossièrement de vieilles bar-
des, y mettre des pièces. On rapièce un bas, du
linge, un rideau, auquel on met proprement une
pièce. On rapiécète le linge, les vêlements, les
meubles que l'on rapièce souvent, et où l'on ne
voit que pièces et petites pièces. On rapetasse les
vieilles hardes qui ne sont plus que des lambeaux
cousus ensemble, ou appliqués les uns sur les
autres.
Rappeler. V. a. de la d"conj. On double la
lettre / dans les temps de ce verbe où cette lettre
est suivie d'un e muet :7e rappelle, je rappelle-
rai, il rappellera, il rappellerait. On ne met
qu'un/ lorsque celle leitre est suivie de toute
autre lettre qu'un c muet : Je rappelais, j'ai
rappelé, ils rappelèrent.
Je me rappelle dr cela, je m'en rappelle, sont
des locutions vicieuses; car elles signifient l'une
et l'autre, je rappelle à moi de cela. Or, à moi
et de cela sont deux régimes indirects, et c'est un
principe consacré par l'usage, que l'on ne doit pas
donner à un verbeaclifdcux régimes soiiibiMbles.
Pour s'exprimer correclemenl, il faut dire, je me
rappelle cela, je me le rappelle. Alors le verbe
rappeler i^irouvc accompagne du régime direct
UAP
tio, et du régime indirect ù /«ot/cequi estcon-
torme aux règles de la syniaxe.
On dit cependant, rappelé s-lui d'aller à la
lumpaqnc, uKiis ici il y a ellipse; c'est comme si
l'on disait rappelez-lui une c/iose, savoir, d'aller
à la campagne; et d'aller à la campagne ne doit
pas être regarde comme un régime direct. On lit
dans le Dictionnaire de l'Académie, /<> me rappelle
d'avoir n/, d'avoir /a/V; il y a aussi ellipse dans
cet exemple; c'est comme s'il y avait Je me rap-
pelle l'acligli d'avoir vu, d'avoir fait. Il s'est
rappelé de vous aroir vu. (J,-J. Rousseau,
Héluïse.) Nous ne nous rappelons pas d'en avoir
été privés. (Condillac.)
Rapport. Subst. m. On dit qu'une c/iose a rap-
port à une autre chose, ou qu'elle a rapport avec
une autre chose. Une chose a rapport à une
autre chose (juand l'une conduit a l'autre, ou
parce qu'elle en dépend, ou parce qu'elle en
vient, ou parce qu'elle en fait souvenir, ou par
quelque autre raison. Les sujets ont rapport aux
princes, les effets au.T causes, les copies aux
originaux. — Une chose a rapport avec une autre
chose quand elle y est proportionnée, conforme,
semblable. Une copie, en termes de peintuie, a
rapport avec l'original, si elle lui ressemble,
qu'elle en représente tous les traits; mais bien
qu'elle soit imparfaite, elle ne laisse pas d'avoir
rapport à l'original. (Beauzée.)
Par rapport à est une expression qui tientlieu
de préposition, et qui signifie en considération
de, en vue de. J'ai fait cela par rapport à vous.
Elle ne signifie pas pour ce qui est de, quant à
ce qui regarde, à moins que ce ne soit dans des
expressions populaires que le bon usage réprouve.
On ne dit pas plus, par rapport aux héritiers,
3e vous dirai que, que l'on ne dit je n'ai pas
fait cela par rapport que,
Rapport, terme de grammaire. Les mots ont
rapport entre eux lorsqu'ils sont liés par les rè-
gles de la construction, lorsqu'ils dépendent les
uns des autres, lorsqu'ils sont subordonnés les
uns aux auircs. Il y a dans toute phrase un mot
principal auquel tous les autres ont rapport. Dans
le mensonge est une chose honteuse, tous les mots
de la phrase ont rapport au premier mot, c'est-à-
dire lui sont subordonnes ; c'est le mensonge qui
est, c'est le mensonge qui est une chose, c'est le
mensonge qui (!St une chose honteuse ; et outre ce
rapport général, chaque mot a un rapport parti-
culier à un autre mot de la phrase. Est a un
rapport particulier à mensonge, une à chose,
honteuse a une chose.
Um rapport peut être régulier ou vicieux. Il est
réguiiL-r lorsqu'il est conforme aux vues de re-
nonciation et aux règles de la syntaxe. Il est vi-
cieux lorsqu'd s'écarte de ces vues et de ces
régies. Un rapport est vicieux lorsqu'un mot se
rapporte à un autre mot auquel il ne devrait pas
se rapporter. De quoiles juge.t ri étant pas d'a-
vis, un dépêr-ha à l'empereur pour savoir le sien.
D'avis étant indéfini, le sien ne devrait pas s'y
rapporter. S'il y avait les juges dirent leur avis,
et on dépêcha à l'empereur pour savoir le sien,
cela serait régulier, et le sien se rapporterait bien
à leur avis, qui est une expression définie, déter-
minée. — Il faut dire la même cliose des deux
exemples suivants : // n'est pas d'humeur à /"aù-e
plaisir, et la mienne est bienfaisante. Que j'ai
de joie de vous revoir! la vôtre n'en approche
point. Si l'on avait dit, son humeur n'est pas de
faire plaisir; que ma joie est grande de vous re-
voir ! on aurait pu ajouter régulièrement, la mienne
RAS
605
est bienfaisante, la vôtre n'en approche point, 9n
opposant la mienne à son humeur, et la vôtre a
ma joie. — Voici quelijues autres cxemplQK :
Pour ce qui est des malheureux, nous les secou-
rons avec un plaisir secret ; il est comme le prix
qui nous paie en quelque façon du soulagement
que nous leur donnons. Il ne se rapporte pas
bien à plaisir secret; il fallait mettre gui. La
raison en est (jue il, qui commence le second
membre, doit se rapportera quelque idée princi-
pale déterminée, exprimée dans le premier mem-
bre; et avec un plaisir secret n'est qu'une idée
subordonnée. La phrase serait bonne si Ton di-
sait, le plaisir secret de secourir les malheureux
est bien doux ; West le prix , etc. Alors il se raf>-
porteraità le plaisir, (\n\ est l'idée principale du
premier membre. — Mette z-vioi^n re\)Oi, là-des-
sus ; car cela a troublé le mien. Ce rapport de le
vden à repos n'est pas régulier, parce que repos,
d:u)s le premier membre, est pris dans un sens
indéfini. Si la cour de Rome me laissait en repos,
je ne troublerais ce\\i\ de personne. L'observatioa
faite sur la phrase précédente peut s'appliquer à
celle-ci. En repos est une expression indétermi-
née, et celui ne peut se rapporter qu'à une ex-
pression déterminée. Déterminez le substantif
repos en le faisant précéder d'un prépositif, et le
rapport sera régulier : Si la cour de Rome ne
troublait pas mon repos, je ne troublerais celui
de personne.
On doit éviter de faire rapporter un mot à ce
qui est dit de la chose, au lieu de le faire rappor-
ter à la chose même dont on parle principalement.
On ne dira donc pas, il faut que la conversation
soit le plus agréable bien de la vie, mais il faut
qu'W ait ses bornes ; parce que conversation, qui
est le mot principal du premier membre, a un
rapport sensible avec le sujet du second membre,
dans l'ordre de la phrase, et que le sujet de la
seconde proposition devait se rapporter à ce mot,
etnonàîie?!, qui n'est qu'un terme subordonné
à conversation. Il fallait donc dire : Il faut que
la conversation soit le plus agréable bien de la
vie, mais il faut çî;'elle ait ses bornes, faisant
rapporter le pronom à conversation, et non à
bien.
Rapprendre. V. a. de la 4" conj. 11 se con-
jugue comme prendre. "V'oyez ce mol.
Rapt. Subst. m. On prononce le t final.
Rare. Adj. des deux genres. On le met souvent
avant son subst.: Une chose rare, un oiseau rare,
une médaille rare, un livre rare. — Un rare
exemple de vertu ; un des plus rares effets de lu
■nature; -une beauté rare, une rare beauté ; un
homme d'un rare savoir, d'un rare esprit, d'un
l'are mérite.
Avec le verbe être employé impersonnellement,
rare régit la conjonction que et le subjonctif, ou
la préposition de avant l'infinitif : Il est rare
qu'ii/i excelle sa?is enthousiasme. Il est rare
qu'z7 s'élève des difficultés. Il est rare d'e.iceller
dans cette science.
Rarement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Cela est arrivé rarement,
ou cela est rarement arrivé. On dit aussi, rare-
ment il manqua à son devoir.
Rarissime. Adj. des deux genres. Ce mot n'est
pas français; mais on se le permet quelquefois
dans la conversation. C'est ce qui a sans doute
engagé l'Académie à l'insérer dans son Diction-
naire.
Ras, RisE. Adj. Il se met ordinairement après
GOG
RAS
son subst : Menton ras, tête rase, poil rus, re-
lours ras.
On ilil en rase campagne, en piirlanl de l)a-
laille, de coinbul. // ne voulait jamais en v^nir
à vu engagement en rase campagne. — Hors de
l;i, dil l'ëiijud, il me semble (lUe ruse campagne
n'esi gii«Te de lusage ncluel. — Cepomhml l'A-
eadcmie dil, mu pied de cette colline est une
rase campagne, au sortir de ce parc on Iraiirela
rase campagne. — Nous pensons qu'il f;iut
prendre le milieu entre ces deux opinions. Il
nous semble que rase cnmpagne jieul se dire
louies les fois que la phnise indique, |tai' oppo-
silion, des emhainis, des diflioulics causées par
des monla^nes, des rivières, des ravins, des
bois, etc., soil c|ii'on parle ou non de bataille ou
de combat. Ainsi des voyageurs dirent fort liien,
selon nous, après avoir traversé pendant vingt
juins des pays inontagneux, nous trouvâmes
enfin la rase campagne. Ainsi, nous ne condam-
nerons pas, comme Féraud, celle phrase de Roi-
lin : Le lieu où il campait était une campagiie
rase et unie, très-pri-pre à mettre en bataille ^tn
corps nombreux de ijcns à pied pesamment ar-
mes. Quoique leinotca^z/jotr n'indique pas direc-
tement l'idée de bataille ou de combat, cependant
le mol rase est mis ici jiar rapport à celte idée,
comme on le voilpar ce qui suit. Mais nous ne
croyons pas qu'on puisse dire avec l'Académie,
au pied de cette colline est une rase campagne,
ni, au sortir de ce parc on trouve la rase cam-
pagne, parce que, dans ces phrases, il n'y a point
d'opposition entre les difficultés des pays où l'on
trouve des montagnes, des rivières, des bois, etc.,
e\. ceux où un terrain plat et uni n'offre point ces
difficultés.
Rasam, Rasante. Adj. verbal tiré du \. raser.
11 ne se met qu'après son subst : Ligne de dé-
fense rasante, flanc rasant, feu rasant.
Rassasiant, Rassasiante. Adj. verbal tiré du v.
rassasier. Il ne se met qu'après sou subst. ; Uji
mets rassasiant, des viandes rassasiantes. —
F' raud dit, d'après une phrase de madaiiie
LdCier, qu'on dit poétiquement des flèches, des
traits, qu'ils se rassasient du sang des combat-
tants. Nous neconscillons de faire usage de cette
métaphore ni en prose ni en vers.
Rassembler. V. a. de la jf conj. Ou ne trouve
pas dans le Dictionnaire de l'Acadcmle de défini-
tion que l'on puisse bien appliquer au sens que
Voltaire a donné à ce mol dans les vers suivants:
{Sémiramis, act. III, SC. vi, 7).
Princes, mages, guerriers, soutiens de Babylone,
Far l'ordre de la reine en ces lieux raasemblie.
Rasseoir. Y. a. n. et pronom, de la 3' conj.
n se conjugue comme asseoir. Voyez ce mot.
Ra.-sis, Kassise. l'art, et adj. On trouve, dans
les anciens dictionnaires, de sang rassis, pour
dire, s;ins être ému, sans être troublé. 1,' Aca-
démie dit, de sens rassis. Nous pensons, comme
Féraud, qu'il faut dire de sens rassis quand il
s'agit d'un trouble qui est dans l'esprii; cl de sang
rassis quand il s'agit d'une émotion physi(iue.
C'est un homme qui divague sans cesse, il nest
jamais de sens rassis.
.... Foirs de sent rassis.
(BoiL., A. P., II, 47.)
H est duns une grande colère, il faut attendre
pour lui parler qu'il siAt do sang rassis.
RAV
Rassurant, Rasscrante. Adj. verbal tiré du
V. rassurer. On peut le mellrc avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie Une nourelle
rassurante, celte rassurante nouvelle; aes pré'
cautions l'assurantes, uni' perspective rassu-
rante, ceiic rassurante perspective, A ..4djeclif.
Rassurer. V. a. de la J" conj. On dil ; Rassu-
rer quelqu'un, rassurer quelque chose, rassurer
quelqu'un duns sa foi. hegnard a dit dans le
Distrait (Act. IV, se. viii, 1) :
Je veux h ra$6urer de ses soupçons jaloux.
Féraud observe avec raison, au sujet de ce
vers, qu'on dil guérir les soupçons de quelqu'un,
et non pas rassurer quelqu'un de .tes soupçons.
Rat. Subst. m. Le t final ne se prononce pas.
Il n'a point de féminin ; on ne dit pas une rate,
mais un rat femelle. Cependant La Fontaine a dit,
(L. XII, fab. xxv,3U):
Quelques rates, dil^on, répandirent des hrmcs
Mais c'est dans le style badin.
Rationnel, Rationnelle. Adj. Il ne se met
qu'après son subst : Horizon rationnel.
Radqde. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
rharmonie le perinellcnl : Une voix rauque, un
son rauque, les rauques accents. \0'^GZ Adjectif.
Ravager. V. a. de la l'^ conj. Dans ce verbe,
le ^doit toujours se prononcer coinuiej; et pour
lui conserver cette prononciation lorsqu'il est
suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet avant
cet a ou cet o : Je ravageai, ravageons, et non
j);iS : Je ravagui, ruvagons.
Ravir. V. a. de la 2^ conj. Dans le sens d'enle-
ver de force, il est souvent employé dans le style
noble :
La mort m'avait ravi les auteurs de mes jours.
(Rac, Esth., act. 1, se. 1, 46.',
Mais que t'a fait Alzire? et quelle barbarie
Te force à lai ravir une innocente vie?
(YoLT., Alz., act. V, se. v, 6.)
Delille emploie ce mot dans une acception qui
n'est point indiquée dans le Dictionnaire de l'A-
cadémie.
Tout à coup il entend mille voix gémissantes;
C'étaient d'un peuple enfant les ombres innocentes.
Malheureux qui, Qélris dans leur première lleur,
A peine de )a vie ont goùti; la douceur,
Et, raui's en naissant aux baisere de leurs mères.
N'ont qu'entrevu le jour et fermé leurs paupières.
(ÉnÉiie, VI, 543.)
Ravir, dans le sens de charmer, transporter de
joie, est banni du style noble.
Un si glorieux titre a de quoi me ravir.
(Corn., Sertor., act. Il, se. Il, 78.)
Le mot ravir, dit Voltaire, est trop familier
{Remarques sur Corneille.)
El se laissant ravir à l'amour maternelle.
(Corn., Hor., act. I, se. i, 39.)
Le mol de ravir, dans le sens de joie, dit Vd-
laire, ne peut se construire avec la préposition à.
On n'est point ravi à quelque chose. C'est un
sol(';cisn)C de phrase. {Remarques sur Corneille.)
Être ravi, pour être aise, se dil par exagéra-
REB
tion dans le style fyinilier. Il régit de devant les
noms et les verbes : Je suis ravi de ce succès ;
je suis ravi de pouvoir vous rendre ce service.
Il régit aussi que avec le subjonctif: Je suis ravi
que nous logions ensemble. On se sert de ce der-
nier toui- quand le sujet de la proposition princi-
pale n'est pas aussi le sujet de la proposition
subordonnée. Dans la phrase que nous venons
de rapporter, ce n'est pas je qui est le sujet de
■nous logions, mais je et vous, c'cst-à-dire rious.
Dans je suis ravi que ma présence vmis suit
agréable, ce n'est |>as,;V, mais ma présence qui
est le sujet du verbe de la phrase subordonnée.
-Mais dansy^ .w/i's ravi de vous voir, de vous en-
tendre, les verbes voir, entendre, ont un rap-
port direct avec je, qui peut éire considéré
comme le sujet de ces verbes, car c'est comme
s'il y avait, je suis ravi de ce que je vous vois, de
ce que je vous entends.
Il.\vlssA^T, Ravissante. Adj. verbal tiré du v.
ravir. On jieut le mettre avant son siibst., en
consultant l'oreille et l'analogie : Un hup ravis-
sant, des animaux ravissants. Un discours ra-
vissant, uhe beauté ravissante, celle ravissante
beauté.
Ravoir. V. a. et défectueux de la 3° conj. Il
n'est d'usage qu'à l'infinitif ravoir : Je voudrais
bien ravoir ce que je lui ai donné.
Rayo.n.nakt, Rayo.nnante. Adj. verbal tiré du
V. rayonner. 11 ne se met guère qu'après son
subst. : Un visage rayonnant. Il régit quelque-
fois la préposition de. Son visage devint tout
rayonnant dejnie. (Marmontel.)
Rayonner. V. n. de la \" conj. L'Académie ne
le dit au propre ijue du soleil : Le soleil commen-
çait à rayonner stir la cime des montagnes.
Delille a dit {Enéide, II, 917) :
Sur la tête l'Ascagne une flamme rayonne.
Re ou ré. Particule prépositive qui se met au
commencement de certains mots. Souvent un
même mot reçoit des significations très-diffé-
rentes, selon (ju'il est précédé de re avec l'e
muet, ou de ré avec l'e fermé. Bepondre, c'est
pondre de nouveau ,■ répondre, c'est réjiliiiuer à
un discours; reformer, c'est former de nouveau ;
réformer, (''est donner une meilleure forme; i
repartir, c'est répliquer, ou partir pour retour-
ner; répartir, c'est distribuer en plusieurs parts.
RÉALISER. V. a. de la 1'' conj. — Kn 1835,
l'Académie donne povir exemple : Réalisez vos
promesses. Voltaire n'aimait point cette expres-
sion. Voyez Lungue française.
Rébarbatif, RÉBAr.BATivE. Adj. On peut le
mettre avant son subst , en consultant l'oreille et
l'analogie : f^isage rébarbatif, mine rébarbative,
humeur rébarbative, cette rébarbative humeur.
On disait autrefois rcôariarait/; on ne dit plus
aujourd'hui que rébarbatif.
Rebattre. V. a. de la 4* conj. Il se conjugue
comme battre. Voyez ce mot.
Rebelle. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un sujet rebelle, ces
rebelles sujets; esprit rebelle. Il régit quelquefois
la préposition à : Rebelle au roi, rebelle aux lois.
Rebeller, se Rtoeller. V. pronom, de la
1' conj. L'Académie le met comme s'il était en-
core en usage.
Je dois TODS averlir, en sertiteur fidèle.
Qn'eo sa faveur déjà la Tille se rebelle.
(CoBM., PoJ.,act. III, se. V, 77.)
REC
607
Rebeller ne se ilit plus, dit Voltan'e, et devrait
se dire, puisqu'il vient de rebelle, rébellion. {Re-
marques sur Corneille.) On dit aujourd'hui 5e
révolter.
Rebo.ndi, Rebondie Adj. qui ne se met qii'a-
prés son subst. : Desj„ues lebnndies.
Rebours. Subst. m. qui se dit principalement
du contre-poil des étoffes : On prend le rebours
des étoffes pour mieu.v les nettoyer. — Ce mot
s'emploie plus ordinairement au ligure pour dire
le contre-pied, le contre-sens , tout le contraire
de ce qu'il faut : ^'ous n'expliquez pas bien cela ;
c'est tout le rebours de ce que vous dites. Il faut
prendre tout le rebours de ce qu'il dit. Il cSi
familier.
vJ rebours, au rebours, Sont des expressions
adverbiales qui signifient à contre-sens, à con-
tre-|)ied : Vergetcr du drap à rebntrs. Il fait
tout au rebours de ce qit'on lui dit.
Au rebours se dit dans le style marotique, pour
au contraire. J.-B. Rousseau l'a employé en ce
sens dans une épigrainme contre les journalistes
de Trévoux :
Petits auteurs
Vous TOUS luez à chercher dans les nôtres (dans nos ou-
vrages)
De quoi blâmer, et l'y trouvez très-bien ;
Nous, au rebours, nous cherchons dans les vôtres
De quoi louer, el nous n'y trouvons rien.
Le peuple dit à la rebours.
Rebrodsser. V. a. de la \."> conj. Féraud pré-
tend que l'usage n'admet point les rivières re-
broussent leurs cours. Nous répondrons à celle
remarque par les vers suivants de Racine {Allt.
act. V, se. 1,36):
L'arche qui fit tomber tant de superbes tours.
Et força le Jourdain de retrousser son cours,
RÉBUS. Subst. m. tiré du latin. On prononce
rébus, en faisant sentir le s final.
Rebutant, Rebutante. Adj. verbal tiré du v.
rebuter. On peut le mettre avant son subst., en
consultant l'oreille et l'analogie : Un travail re-
butant, une étude rebutante, cette rebutante
étude. — Un homme rebutant, une mine rebu-
tante, une physionomie rebutante, cette rebu-
tante physion omie.
Récalcitrant, rvÉcALCiiRANTE. Adj. verbal tiré
du V. récalcitrer. Il signifie qui résiste avec hu-
meur et opiniâtreté : Humeur récalcitrante.
Regnardadil dans le Joueur (act. I, se. x, 65) :
Puisqu' aujourd'hui votre humeur pétulante
Vous rend l'âme aux leçons un peu récalcitrante.
Je reviendrai demain.
— On peut le mettre avant son subst., en consul-
tant l'oreille et l'analogie : Cette récalcitrante
humeur.
Récapitulation. Subst. f. C'est, dans un dis-
cours oratoire, une partie de la péroraison, qui
consiste dans une énuméralion courte et précise
des principaux points sur lesquels on a le plus
insisté dans le discours, afin de les présenter à
l'auditeur comme rassemblés et réunis en un seul
corps, pour faire une dcrniùre et vive impression
sur son esprit. — Une récapitulation bien faite
domandebeaucoup de nctteic el de justesse d'es-
prit, afin d'en écarter tout ce qui pourrait étro
ifiutile, traînant ou superflu. — Récapitulation
se dit aussi del'opépaiion de l'esprit par laquelle
608
REC
il se r;ip|M?llo plusieurs idées pour se les rcmellre
toutes sous le inéuie point de vue.
Recèleh. V. a de l;i 1" conj. Il se conjugue
comme celer. Voyez ce mot.
KÉcKjiMENT. Adv. On peut le placer entre
l'auxili-iire et le participe : Cela est arrivé ré-
cemment,o\\ est rcceminent arrivé.
RkcE>T, Réceme. Adj. On peut le mollrc avant
sonsubsl.. en consultant l'oreille et l'analogie:
Une plaie récente, une écriture récente, vne
nouvelle récente ; une aventure récente, cette ré-
cente aventure.
Delille a ciniiloyé ce mot dans une acception
nouvelle {Enéide, \l, 847) :
Le héros, le premier, touche au bout de sa course,
Se baigne en des flots purs tout récentt de leur source .
RÉCÉPISSÉ. Subst. m. Quoique ce mot soit tout
latin, il ne laisse pas de prendre un s au pluriel :
Des récépissés.
Recevable. Adj. des deux genres. Il suit tou-
jours son subst. : Des marchandises recevables,
une excuse qui n'est pas recevable.
Recherche. Subst. f. Ce mol signifie en général
perquisition ; mais il ne se dit pas indifféremment
de loulcs les choses. Ce ne serait pas parler cor-
reclemenl ipie de dire, faire la recherche d'une
cliose perdue; cependant oi\à\\. faire la recherche
de l'auteur d'un meurtre, des secrets de la na-
ture. — On ne dit pas au propre, la recherche
des perles, la recherche des trésors que la terre
et la mer renferment dans leurs abîmes ; mais
on dirait bien au figuré, la recherche des biens
de la terre, et la recherche des trésors. — Quand
on dit d'une chose égarée, quelque recherche
que j'en aie faite, je n'ai pu en rien apprendre;
alors recherche est |)iis au figuré, et c'est comme
si l'on ilisail quelque soin que j'aie pris pour en
apprendre des nouvelles. — Non-seulement on
ne dit |)as recherche au propre, en parlant d'une
chose perdue, mais on ne dit pas môme recher-
cher, à n;oins (juc, par ce verbe, on n'entende
chercher une seconde fois. On n'a pas bien cher-
ché partout, il faut rechercher. — Becheiche
se dit au figuré des choses curieusement recher-
chées. — Un livre plein de belles recherches.
Rechercher. V. a. de la 1" conj. Voici des
acceptions de ce mot qui ne sont pas claire-
ment indiijuées dans le Dictionnaire de l'Acadé-
mie:
Il (Dieui -airechcTchc point, aveu;;le en sa colère.
Sur le fils qui le craint l'impiété du père.
(Rac, Ath., acl. I, se. II, 103.)
Une femme en furie
Raciktrchait dans S'.n tianc les restes de sa vie.
(Volt., Orette, aet. I, se. ii, 57.)
RÉCIDIVER. V. n. de la \'* conj. Il se prend
toujours en mauvaise part, et ne se dit que des
faules ou des crimes.
Réciproque. Adj. des deux genres. On peut le
iiif'tlrc avant son subsl., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Amour réciproque,
leur réciproque amour ; amitié réciproque, cette
réciproque amitié. Voyez Adjectif.
Réciproque est aussi un terme de grammaire.
On appelle verbes réciproques les verbes qui se
conjiigucnt comme les verbes réfléchis (voyez
Jifûéchi), avec les i)ronoms nous, vous^ se ; ils en
différent en ce qu'ils ne se conjuguent point avec
me et te, e' en ce qu'ils expriment l'aclion de
RÉC
plusieurs sujets qui agisst^nt les uns sur lesati-
très, en sorte que le premier agit sur le second,
et récipioquement lesecondsiir le prenuer. Qtwnd
je dis Pierre et Paul s'aimi iit, le pronoiii se ne
peut pas se rapporter au sujet du verbe, car je ne
veux pas dire que Pierre s'aime lui-même, ni
que Paul s'aime lui-même, mais j'entenils dire
que Pierre aime Paul, et que Paulaime Pierre,
ou qu'zÏA' s'aiment réciproquement. Aimer n'est
donc pas employé ici comme verbe réllcchi, n>ais
comme verbe réciproque.
11 y a des verbes réciproques directs et indi-
rects, suivant que les sujets agissent directement
ou indirectement les uns sur les autres. Dans
celte phrase, Pierre et Paul se louent, le verbe
/oi/er est réciproque direct, paneiiue c'est comme
si je disais Pierre loue Paul, et Paul loue
Pierre; mais dans cette autre, Pierre et Paul se
donnent des louanges^ le verbe donner est réci-
proque indirect, parce que c'est comme si je
disais Pierre donne des louanges à Paul, Paul
donne des louanges à Pierre.
Les verbes réci[)roques, exprimant l'action de
plusieurs sujets, doivent être mis au pluriel ://«
se battent, nous nous cherchons. D'après cotte
règle, quelques grammairiens ont trouvé in-
croi/able que Racine ait pu dire des Frères
ennemis (act. IV, se. m, 18) :
L'un ni l'autre ne veut s'embrasser le premier
Mais ces grammairiens n'ont pas fait attention
qu'ici le verbe n'est pas réellement réciproque,
et que la faute que l'on peut reprocher à Racine
n'est pas de n'avoir pas mis veulent au pluriel,
au lieu de veut au singulier; mais d'avoir mis le
pronom se avant emJroMe?-, ce qui paraît donner
à ce verbe le sens d'un verbe réfléchi. En effet,
le sens de la jjhrasc est ni l'un ni Vautre ne veut
embrasser son frère le premier, et il n'y a rien
la (jui indique tm sens réciproque, car le verbe
réciproque explique l'action simultanée de plu-
sieurs sujets les uns sur les autres; et ici il est
(lucstion de deux actions qui doivent avoir lieu
l'une après l'autre. Ces actions ne seront réci-
proques que lorscpie le premier ayant embrassé
le second, le second embrassera en même temps
le premier; alors on pourra dire ils s'embrassent
l'uji l'autre, ci le verbe sera vraiment réciproque.
Racine ne pouvait donc pas dire, l'un ni l'autre
ne veulent s'embrasser le premier ; mais il de-
vait dire, si la mesure du vers le lui eût per-
mis, ni l'un ni l'autre m veut embrasser son
frère le premier.
On excepte de celle règle les verbes réciproques
qui onl pour sujet un nom collectif, comme,
tout le monde, tout le peuple ; Ci l'on dira fort
bien, tout If monde .'s'entre-tuait, ou se tuait;
le peuple s'entre-baltuit, ou se battait. Il en est
de même quand on emploie le mol on dans le
sens de plusieurs personnes indéfiniment : On se
j battait à toute outrance, nn se tuait les uns les
autres, on se disait toutes sortes d'injures.
Pour déterminer la signification des verbes
réciproques, cl les restreindre au sens qui leur
est propre, il est quelquefois nécessaire d'y ajou-
ter les mots l'un l'autre, les uns les autres,
réciproquement, ou entre; et ce dernier se joint
au verbe de manière tiu'il en l'ait parlic, sans
(]ui)i le verbe pourrait être itris pour un verbe
réfléchi. Ainsi quand je dis simplement Pierre et
Paul se louent à tout moiucnt, on peut entendre
que Pierre cl Paul se louent eux-mêmes, et idorti
REC
c est un verbe réflcolii. Mais si je dis Pierre et .
Puvl se hiuent l'un Vaulve, se hment récipro-
guv'iie/it, ou s'entre-loueiit, le verbe est iiéces-
saiicmcnl dfierininc, el la signification réciproque.
"N'oyez Pronominal.
lÏÉciPiioQiEMKNT. Adv. Ou pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire el le participe -.Ils se sont aimés réci-
proqiieineni, ou ils se sont réciproqnement aimés .
Kkcit. Subst. m. On ne prononce point le /.
llÉciTATEL'f,. Subst. m. Yoltairc a employé ce
mot. 11 écrit à madame du Deffant, qui était
aveugle : Je vous ai envoyé, en grand secret, la
tragédie des Gvchres... faites-vous lire la pièce
par un bon récilalour de vers, et nnis verrez de
qvoiil s\iyil (24 juillet 1769). — Rien n'empêche,
ce me semble, de dire recitatrice, en parlant
d'une feinme.
Réciter. Y. a. de la l'* conj. L'Académie
n'indique pas l'acception dans laquelle il est pris
dans ce vers de Racine (Phèd., ad. II, se. i, 39) •
Je sais Je ces froideurs tout ce que l'on récite.
Recomma.ndable. Adj. des deux genres qui ne
se met qu"après son subst. : Un homme recom-
manduhle.
Récompenser. V. a. de la 1^' conj. L'Académie
ne dit pas qu'au figuré on le dit des choses dans
le Siyle noble : Les fruits dorés dont l'automne
récompense les travaux- des laboureurs (f énel.,
Télém., liv. II, t. I, p.JG6).
RÉC0NCILI.4BLE. Adj. 11 s'emploic ordinairement
avec la négative, el ne se met qu'après son sul)st. :
Ces deux familles ve sont pas réconciliables.
RÉco>ciLUTEDr,. Subst. m. En parlant d'une
femme, on d'il récoticiliatrice.
Recon>aissable. Adj. des deux genres qui ne
se met qu'après son subst. : // n'est pas recon-
iiaissable.
Reconnaissance. Subsl. f. Gratitude, ressenti-
ment des bienfaits reçus. En ce sens, il n'a point
de pluriel.
Quoiqu'on dise reconnaître sa faute, on ne
dit i)as faire la reconnaissance de sa faute,
mais en faire l'aveu.
Reconnaissance est aussi un terme de poésie
dramatique. Dans le poëmc épique et le poëme
dramatique, il arrive souvent qu'un personnage
ne se connaît pas lui-même, ou ne connaît pas
celui avec lequel il est en action; et le moment
où il acquiert cette connaissance de lui-même ou
d'un aulre s'appelle reconnaissance. La recon-
naissance peut élre simple et réciproque, et
des deux côtés, ou d'un seul; ce peut être soi que
l'on reconnaisse, ou un autre ; ou un autre et soi
en même temps.
La reconnaissance est précieuse dans la tra-
gédie, soit avant, soit après le crime ; avant,
pour empêcher qu'il ne soit conunis; après, pour
en faire sentir tout le regret. La reconnaissance
est dans le comique une source de ridicule,
comme dans la tragédie une source de pathétique :
dans celle-ci, c'est une mèie qui va tuer son fils,
un fils qui vient de luor sa mère, et qui recon-
naissent, l'une le crime qu'elle allait commettre,
l'autre le crime qu'il a commis; dans celle-là,
c'est un vieux jaloux qui, par erreur, livre à
son rival sa maîtresse, et ne s'aperçoit de sa
méprise, que lorsqu'il n'est plus temps, comme
dans /'^co/e de* 7«((rw; c'est un jeune étourdi
qui ne reconnaît son rival qu'après qu'il lui a
confié tout ce qu'il a fait et tout ce «lu'il veut
faire pour lui enlever sa maîtresse, comme dans
REC
609
l'Ecole des femmes; c'est un oncle et un neveu
dont l'un veut Caire enfermer l'aulre, et qui se
trouvent camarades de troupe dans une luinédie
de société, connue dans la Métromanie ; c'est un
fds dissipateur cl un père usurier, qui, dans le
prêteur et l'emprunteur ([u'ils cherchent réci-
proquemenl, se rencontrent, commedans l'Avare.
On sent combien la méprise ijui |irécèdc ces
reconnaissances, la surprise, l'élonncment, l'em-
barras, la révolution qui les suit, doivent contri-
buer à ce qu'on appelle le comique do situation;
et si à la reconnaissance, des personnages on
ajoute celle des choses, c'est-à-dire des bévues
et des erreurs où le personnage ridicule est
tombé, des pièges où- il s'est laissé prendre, on
aura l'idée de pres(iuc tous les moyens qui, dans
la comédie, amènent les révolutions. (Extrait de
Marmontel.) En ce sens, reconnaissance prend
un pluriel.
Reco.nnaissant, Reconnaissante. Adj. verbal
tiré du V. reconnaître. Il ne se met qu'après son
subst. : Un homme recomiaissant, une femme
recotmaissante, une âme reconnaissante.
Reconnaissant. En parlant des personnes, il
régit la préposition envers; et en parlant des
choses, la jiréposition de : Il est reconnaissant
envers ses bienfaiteurs. Je suis reconnaissant
des services que vous m'avez rendus.
Reconnaître. V. a. de la 4' conj. Il se dit non-
seulement de ce qu'on voit, mais encore de ce
qu'on entend :
Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille.
(Rac, Iphig., act. I, se. i, 2.)
Il s'emploie figurément au sens moral. On re-
connaît les gens à la nature de leurs ac-
tions, bonnes ou mauvaises. On dit d'un homme
bienfaisant qui soulage un malheureux, on le
reconnaît &;'e« à cette action, à cett* bonne action.
On dit de même d'un méchant homme, d'un
scélérat, on le reconnaît « cette scélératesse, on
le reconnaît bien là.
On reconnatt Joad à cette violence.
(UiC, Ath., act. III, se. V, 9.)
Reconquérir. V. a. et irrégulier de la 2' conj.
Il se conjugue comme conquérir. Voyez ce mol.
Recoudre. V. a. et irrégulier de la i' conj. Il
se conjugue comme coudre. Voyez c« mot.
Recourir. V. n. et irrcgulier de la 2' conj.
Il se conjugue, comme courir, et régit la préposi-
tion « : Recourir à Dieu dans ses afflictions.
Recours. Subst. m. Le s ne se prononce que
devant une voyelle ou un // non aspu-é. — Quand
il signifie l'aclion par laquelle on recherche de
l'assistance, du secours, il se met tou;ourssans
pré[josilif : J'airecours à Dieu, et n.on pas j'ai
mon recours à Dieu. Avoir recours à la justice,
avoir recours au médecin. Dans le sens de re-
fuge, on l'accompagne de prépositifs : Tout mon
recours est en Dieu, Dieu est mon seul recours.
Dieu est le recours des viisérables. — Il en est
de même dans le sens de droit de reprise par
voie légale. On ne dit pas j'aurai recours contre
vous, imns j'aurai mon recours contre vous- On
lui a réservé son recours , et non pas on lui a
réservé recours.
Recouvrable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Deniers recouvrable^ .
fonds recouvrables.
Recouvrer. V. a. de la 1"^^ conj. Le (••
29
610
REC
dcipe pnssc do ce verbe est recouvré, «l non
rec'ourcii. ]l ne faul pas confondre ces deux
Mrticipos, coiniuc le font plusieurs pcrsonncb.
flecotivi^it est le participe du verbe recouvrir,
qui si{:niiic couvrir de nouveau. Recourre est le
parlitipe du verbe recouvrer, cpii signifie rolrou-
fcr, rentrer on |iossession, acquérir de nouveau
une cli(isei|u'on avait perdue. Bien des personnes
confoniieiit iilusicurs temps du verhe recouvrir
avei' ceux du veibe reco^ivrer, et il y en a effec-
tivemenl plusieurs i|ui leur sont communs, comme
le prcsent et l'imparfail de l'indicatif; mais le
passé simple et le participe passé de ces deux
verbes sont trcs-différenls. On dit recouvrit au
passé simple du verbe recouvrir: //recouvrit sa
jnaison; et on dit recouvra au passé simple du
verbe recouvrer : Il recouvra la santé, ta vue;
et, comme nous l'avons déjà dit, le participe passé
du verbe recouvrer est recouvré, et le participe
passé du verbe recouvrir est recouvert.
Recouvrih. V. a. et irrégulier de la 2" conj. Il
se conjugue comme ouunr. Voyez Irrégulier &\.
Recouvrer.
Récréatif, Récréative. Adj. Il suit ordinaire-
ment son subst. : Jeu récréatif, homme ré-
créatif.
Récréer, Recréer. Verbes actifs de la l'^conj.,
qu'il ne faut pas confondre l'un avec l'autre. Ils
ne diffèrent dans l'orthograpbe que par laccent
aigu que l'on met sur lo premier e du premier.
Dans la signifii-ation, ils différent beaucoup. Le
premier signilie procurer de la récréation, et le
second , donner une nouvelle existence : Les
chagrins ne sauraient faire impression sur
toi; chaque instant le montre des choses nou-
velles; tout ce que tu vois te récrée, et te fait
passer le temps sans le sentir. (Montesquieu,
IX'' lettre persane.) — L'auteur a su recréer
son sujet par la 7uaniè>e dont il l'a traité.
Récrire. V. a. et irrégulier de la 4^ conj. 11 se
conjugue comme ccnre. Voyez ce mot.
Recroqueviller. V. pronom, de la i^^ conj.
On mouille les deux l.
Recruter. V. a. de la Ir" conj. Ce verbe ne
siguilie pas la même cliose que/àiVe des recrues.
Recruter un régiment, c'est le rendre complet
par le moyen de recrues. Faire des recrues,
-î'est en général lever, engager des lionimes pour
recruter un corps. Racine écrit à son fils :
« Prenez garde de ne pas prendre vos nouvelles
dans ta gazette de Hollande ; car, outre que
7Uius les av'ins comme vous, vous y pourries
apprendre ceriaiîis termes qui ne valent rien,
comme celui de recruter, dont vous vous servez:
au li£u de quoi il faut dire, faire des re-
crues «
Rectangle. Adj. des deux genres qui ne se nid
qu'après son subst. : Un tiiangle rectangle, u?i
pçLralliilograiinne rectangle.
Rectangulajre. Adj. des deux genres. Il ne
se met qu'après son subst. : Figure rectan-
gulaire.
Rectilicise. Adj. des deux genres qui ne se
met (ju'après son subst. : Figure rectiWjne.
Recueil. Subst. m. On mouille le / final.
Reiuei llekent. Subst. m. On mouille les deux ?.
Recueillir. V. a. et irrégulier de la 2'' conj. Il
se conjugue comme c!<ej7itr. On mouille les deux
l. y oydj' Cueillir .
Recul. Subst. m. Ou prononce le l.
Reculer. V. a. et n. de la l'« conj. Dans le
SfciiS actif, il régit quelijuefois la préposition de :
Seules cette chaise de la cheminée.
RED
Mais il est des objeUque l'art judicieux
Doit offrir  l'oreille et reculer des yeux.
(BoiL., .4. P., 111,53.)
Racine a (iiiàans Baj'azei (aci. II, se. v, 8):
J'ai recule vos pleurs autant que je l'ai pu.
Terme impropre, dit La Harpe. Si c'est un«?
ellipse pour dire fai reculé /e moment de faire
couler vus pleurs, elle est trop forte; si c'est une
métaphore, elle est fausse. On ne peut ni «can-
cer, ni reculer des pleurs (Cour* df littérature).
Racine a dit dans le sens neutre [Britannicuj,
act. V, se. VI, 25) :
Poursuis, Néron; avec de tels ministres,
Par des faits glorieux lu tas te signaler;
Poursuis, tu n'as pas fait ce p.is pour reeuler.
Récusable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Juge récvsable, témoin
récusable. — Témoignage récvsable, autorité ré-
cvsable.
Rédacteur. Subst. m. L'Académie ne dit point
comment il faut dire en itarlanl d'une femme.
Peut-être faut-il dire une femme rédacteur, par
analogie, parce qu'on dit une femme auteur.
Rédargder. V. a. délai" 'onj. On prononce
Vu : Ri'dargu-er.
Rf.défaire. V. a. et irrégulier de la 4" conj. 11
se conjugue comme faire. Voyez ce mot.
Rédempteur. Subsl. f. On prononce le p.
Redevable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Il est redevable de trois
mille francs. Je suis fort redevable à votre
bonté. (Acad.)
Redhibitoire. Adj. des deux genres. Il suit
toujours son subst. : Cas redhibitoire, action
redhibitoire.
Rr.Drnr. V. a. de la 4* conj. Il se conjugue
comme dire.
Rédoitoance. Subst. f. Terme de grammaire et
de littérature. Beaucoup de personnes écrivent
et prononcent Re dans ce mot et dans ses
dérivés. On appelle redondance le vice ou défai:.
qui consiste à multiplier mal à propos les pa-
roles. Il faut éviter dans un discours les terme.^
jiarfaitement synonymes ; ils rendent le styl-
faible et languissant". Quand on a dit une chose
il ne faut pas la répéter, à moinsquela répétition
ne serve à donner plus d'énergie à l'expression,
comme dans Non, non.
Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,
Ce qu'on appelle vu.
(Mol., Tart., act. V, se. ni, 35.)
Un poêle a dit :
0 ciel qui m'a» vu nattre ! ô cité maternelle
Où j'ai reçu la vie !
Fréron trouve sublime oetta répétition de la
même idée. Si ces vers eussent été de Voltaire,
il y aurait trouvé une rédondanc-e insupporiable
Redondant, Redondante. Adj. verbal tiré du
verbe rédonder, qui est peu usité. 11 suit ordi-
nairement son subst. : Terme rédimdant, ex-
pression redondante . Voyez Redondance.
Redonner. V. a. de la !'« conj. Racine a dît
dans Bérénice (act. I, se. m, 7) :
Cet amant se redonm au soin de son amour.
5e redonner n'est point usité. — En 1835, l'Aca-
.'i
REF
démit' dit qu'il s'emploie «luelquefois, et donne
pour exemple : Se redonner au suin de ses
tffairen.
Redocbler. V. a. et n. de la 1" conj. L'Aca-
démie ne dit pas qu'il s'emploie avec le pronom
personnel Oiiel(]ues bons auteurs Tonl employé
ainsi, mais abusiveinenl : Ses lendresses se re-
doublait ni avec snn estime (Bossuel). Celte
expression est d'autant moins usitée, que le
verbe rpdiub!ei\ dans le sens neutre, signifie la
même chose. Ou dirait aujonrd'hui ses tendres-
ses Tedmihlcnt.
Ra)0LTAiiLE. Adj. des ■tlcux ^mes. Ou jjenil
assez souvent le mettre avant son subsl. ; Dn
ennemi redtiuUible, tin redoutable ennemi; ses
jugements redoutable, ses redoviabh's juritinentsi ;
son t'-pt e redoutable, sa redoutable épée. '\'oyez
Adjectif.
B Pétrit quelquefois la préposition à : Il est
redoutable à ses ennemis.
Redouter. V.a. de lai" conj. Les poètes em-
ploient souventjce lenne :
Mais l'innocence onGn n'a rien à redouter.
(Ràc, Phèd., act. III, se ri, 9.)
iDieux, écartez lus mani que son àme redoute.
(Lbfiunc de FoKPnsiU'K, Dtdon, act. V, se. n, 10.)
RÉDDPLrcATiF, RÉDUPLIC4TIVE. Adj. Terme de
grammaire. Il se dit des noms, des vcrl)es, et en
général des mots qui marquent la réitération
d'une action : Particule réduplicatire , sens
rédvplicatif. Re, dans redire, recommencer, est
une particule réduplicatire. — On appelle pro-
position réduplicatire , lelle dans inquelle le
sujet est répété avec la mémo circonstance ou
condition. Par exemple, Vhomme, comme homme,
est raisonnable est une proposition reduplica-
tive. — Cet adj. ne se met qu'après son subst.
Réel, Réelle. Adj. Il ne se met guère qu'après
son subst. : Un être réel, une existence réelle,
un paiement réel.
Réellement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le partici[>e : Cet argent lui a été
compté réellement, ou lui a été réellement compté.
REF.41RE. V. a. et irrégiilier de la 4«conj. Il se
conjugue comme faire, ^'oyez ce mot.
TtÉFiÉcHi, Réfléchie. Adj. Une se met qu'après
son subst. : Action réfléchie, pensée réfléchie,
crime réfléchi. — Un homme réfléchi, une action
réfléchie.
Les grammairiens appellent verbes réfléchis
ceux dont le sujet et le régime signifient la même
personne ou la mciuc chose, eu sorte que le sujet
qui agit, agit sur lui-même, et est en même temps
et sujet et objet de l'action. Quand je dis je me
blesse, je me connais, c'est moi qui suis le prin-
aipe des actions de blesser et de connaître, et
j'en suis en même temps l'objet, puisque j'agis
sur moi-même, et que c'est moi non-seulement
qui blesse et qui connais, mais encore qui suis
blessé et qui suis c( unu. — Pour exprimer dans
cette sorte de verbes le rapport du sujet avec
son régime, on se sert des pronoms ?«c, te, se,
pour les trois personnes du singulier, et des pro-
aoins Twus, vous, se, pour les trois personnes du
pluriel. Voyez Pronominal.
Mais toutes les fois qu'il se trouve un de ces
prouonisenlreunsujetet un verbe, ce verben'est
pas pour cela réfléchi, il faut encore que ce pro-
nom se rapporte à la même personne ou à la même
clwse que le non ou pronom personnel -qui ex-
REF
611
prime le sujet du verbe. Ainsi, vous me louez,
n'est pas un verbe rédcchi, puisque vous et me
se rai)[)ortenl à dos personnes (Jifrcicntcs —Tous
les verbes actiTs peuvent (lcve:iii' rcflociiis, dés
que le sujet qui agit peut agir sur lui-même.
Ainsi, je flatte est un verbe actif, et il devient
réfléchi quand on dit, je me flatte. — On dis-
tingue quatre sortes de verbes réflrcnib. Je* re?-6M
refit chis directs, les verbes réfléchi.':- indirects,
les verbes réfléchis passifs, cV les verbes réfli'cJiis
neutres. — Les verbes rélli-cliis directs expri-
ment l'action d'un sujet (lui agit dircciomcrit sur
lui-même, 'Pierre se félicite. — Les v-erl)es ré-
fléoliis indirects expriment l'action d'un sujet qui
n'a^iit qu'indirectement sur lui-même, Pierre se
doirne un habit. Pirrre n'agit qu'uidircctetncJU
sur lui même, et par consé(iiienl se, qui se ra7>-
porle à Pierre, n'est que le rcgiuie indirect du
verbe donne, dont le n'gime direct est un habit.
— Les verbes réfléchis passifs sont ceux dcrl le
sujet exj)rime une chose iuanimée et incapable
d'action, comme quand je dis, cette histoire se
raconte différemmeut L'histoire est une chose
inaniméeei incapable d'agir. Ou aiipellc ces verbes
réfléchis passifs, parce qu'ils ont ordinairement
une signification passive, et tju'ils peuvent être
changés en verbes passifs. Ainsi, au lieu de dire,
cette histoire se raconte différemment, on peut
dire, cette histoire est racontée bien différem-
ment. — Il y a des verbes réfléchis passifs dont
le sujet est une chose animée, et cajiable de pro-
duire l'action du verbe ; mais alors le verbe ne
peut être pris que dans une signification passive,
parce (]ue la personne n'agit pas sur cUe-imêmc,
et qu'elle est au contraire le sujet de l'action
exprimée par le verbe : Suzanne s'est trouvée
innocente du. crime dont on l'accusait ; C e&l
comme si l'on disait, Suzanne a été trouvée in-
nocente dn crime dont on l'accusait. — Lçs
verbes réfléchis neutres sont ceux (jui ne signi--
lient ni l'action (lu'un sujet fait sur lui-même, ni
une action reçue, mais qui expriment une situa-
tion, u!>e manière d'être. On les conjugue tou-
jours avec les pronoms me, te, se ; 7ious, vous,
se. Elle .-t'endort, elle se meurt, c'est-à-dire, elle
est dans un état voisin du sommeil, dans un état
(le sommeil (jui commence , dans un état voisin
delà mort. A'oyez Réciproque.
REFLifx. Subsl. m. De^Tinl une voyelle ou un/»
non aspire, le x se prononce comme un z.
RÉFor,M.4BLE. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subsl. : Abus réfonnable. On
l'emploie ordinairement avec la négative : Ces
abus ne sont pas réformabhs.
Réformateur. Subst. m. En parlant d'une
femme, on dit réformatrice.
Reformer, Réfoiîmeu. Verbes actifs de la 1'^
conj. Il faut prendre garde de confondre ces
deux verl)es, (|ui ne diffèrent dans l'orthographe
ijue par l'acceiil aigu (juc l'on met sur le pre-
mier e du second, et qu'on ne met point sur
celui du premier. Refrmer sans accent veut
dire former de nouveau; et réform,er avec un
accent signifie reta'iiir dans l'ancienne forme ,
donner une nouvelle forme.
Réfractaibe. Adj. des deux genres. 11 régit
ordinairement la préiiosilion «, et ne se met
qu'après son subst. : Un hunote réfractaire aux
ordres de .ion supérieur.
Refus. Subst. m. Le s final ne se prononce
(jue devant une voyelle ou un h non as|)iré.
Rkfuser. V. a. de la l*^" conj On dit, sans
article, demander grâce, mais on ne dit pas r»-
612
REG
fuser giûcc ; c'cît donc avec raison qu'ona trouvé
une fyuted;iiis ce vers de Corneille {Scrlur.^aci.
I, sc.ju,3l)).
J'awais peine, sei(,'ncur, à lui refuser grâce.
— Refuser, dans un sens absolu, régit la prépo-
sition de avec l'infinitif : // a refusé de marcher,
de lire, de consentir. On dit ccpcnii;mt, il lui a
refuse à dîner, à JtjVu/ie/-; mais c'est parce que,
dans ces phrases, les expressions à dîner, à dé-
jeuner, ne sunt pas de véritables infinitifs, mais
signifient de quoi dîner, de quoi déjeuner, les
choses nécessaires pour dîner, pour déjeuner.
On dirait de même, il lui a refusé à manger.
REGAG^ER. V. a delà !'"« conj. On mouille ^h.
Regard. Subst. m. Corneille a dit dans les Ho-
races (act. IV, se. i, 11) :
Le jugement de Rome est peu pour mon regard.
Voltaire a dit, à l'occasion de ce vers, pow?- mon
7 égard est suranné et hors d'usage; cest pour-
tant une expression nécessaire {Remarques sur
Corneille). On dit laisser tomber ses regards sur
quelqu'un, sur quelque chose.
Tous vos regards sur moi ne tombent qu'avec peine.
(Rac, Iphig., act. II, se. II, 23.)
Regarder. V. a. de hi'^con']. Ilegarderco7n7ne,
signifie estimer tel. On dit, Je le regarde comme
un honnête homme, comme un fripon.
L'ennemi nous regarde, en son aveugle rage.
Comme de vils troupeaui réservés au carnage.
(Rac, Àth., acl. IV, se. t, 32.)
Régénérateur. Subst. m. En parlant d'une
femme on dit régénératrice.
1\egimber. V. n. de la Ir^conj. Ce terme est
exclu du style noble.
Régime. Subst. m. Les mots complément et
régime paraissent se confondre ; cependant il y a
uùe différence entre l'un et l'autre. Voyez Com-
plément. Tout régime est complément, mais tout
complément n'est pas régime. Régime se dit
proprement, dans la grammaire française, des
compléments nécessaires des verbes, et des
compléments des prépositions, qui sont aussi
nécessaires
J'appelle complément nécessaire d'un verbe,
celui sans lequel le sens d'un verbe ne serait pas
complet. Quand je >\U j'envoie, le sens n'est pas
comjilet tant que je n'ai pas dit ce que j'envoie;
le mol qui exprime ce que j'envoie est donc un
complément nécessaire ou un régime du verbe
envoyer. Mais quand j'ai exprimé ce complément
nécessaire, et que j'ai dit, par exemple, J'envoie
un livre,\Q. sensdu verbe e/i»;oy<?)n'est pasencore
complet, et il ne le sera ijuc lorsque j'aurai ex-
primé à qui j'envoie un livre; le mot ou les mots
par lesquels j'exprime à (jui j'envoie, sont donc
aussi un complément nécessaire ou un régime du
'•'erbe envoyer. (Juaiid je dis, mettez ce livre sur,
la préposition S!/ 7- n'a pas un sens complet, il est
!;écessaire qu'elle soit suivie d'un complément
<iui achève ce sens, et ce complément est ce
qu'on appelle le régime de la préposition. On
nppelle quelquefois régime, las compléments des
loms, des adverbes, etc., mais c'est abusive-
ment; et il n'y a réellement que les verbes elles
prépositions qui aient des régimes.
Le régime d'un verbe peut être un substantif,
RÉG
un pronom ou un verbe à l'infinitif, qui est une
espèce de nom. Le régime d'un verbe restreint on
détermine sa signification. Cette signification
peut être restreinte ou déterminée directement
ou indireclement. Quand je dis. J'envoie un livre,
un livre détermine directement la signification
du verbe J'envoie. C'est par cette raison qu'on
l'appelle régime direct, ou régime simple. Quand
je dis, j'envoie un livre à vion ami, à mon ami
restreint ou détermine indireclement la signifi-
cation du verbe J'envoie, c'est-à-dire par le
moyen d'une préposition. C'est pour cela qu'on
appelle ce régime, régime indirect, ou régime
composé, parce qu'il est composé d'une préposi-
tion et d'un nom. — Le régime direct est la ré-
ponse à quif ou quoi^ J'envoie, qui ? mon frère,
c'est le régime direct; quoi^ un livre, c'est encore
le régime direct. Le régime indirect est la réponse
à à gui? ou de qui? à quoi? ou de çmoi? j'envoie
un livre, à qui* à mon frère; c'est le régime
indirect; j'ai reçu ce livre, dequi? de mon frère,
c'est le régime indirect. Je pense, à quoi? à mon
salut, c'est le régime indirect ; Je m'occupe, de
quoi? de mon salut, c'est le régime indirect.
Le régime, soit direct, soit indirect, peut être
un pronom : Je le veux ; je veux, quoi? cela,
régime direct exprimé par le pronom le. Je lui
ai parlé ; J'ai parlé à qui? à lui, régime indirect
exprime par le pronom lui. — Le régime direct
ou indirect d'un verbe peut être un autre verbe
à l'infinitif : Je veux manger; je veux, quoi?
manger, régime direct du verbe Je veux; j'as-
pire, à quoi? à voir mon père : « voir, régime
indirect du verhe j'aspire, lequel a lui-même un
régime direct, mon père.
Le verbe actif a toujours un régime direct;
plusieurs verbes actifs doivent avoir un régime
direct et un régime indirect : J'aime mon père,
le sens est complet avec le régime direct; J'en-
voie un livre a mon père, le sens ne |)eut être
complet qu'avec le régime direct cl le régime
indirect.
Le verbe passif a pour régime un nom précédé
des prépositions de ou par : Le vaisseau a été
longtemps battu de l'orage. Ce tableau a été
peint par Rubens. Souvent les verbes passifs
s'emploient sans régime : Il est aimé.
Quelques verbes neutres n'ont point de ré-
gime, comme languir, gémir; plusieurs ont un
régime indirect : Les excès nuisent à la santé.
Les excès nuisent, à quoi? à la santé, régime
indirect du verbe neutre nuisent. Il médit de
son prochain. Il médit, de qui? de son pro-
chain, régime indirect du verbe neutre médire.
Enfin, les verbes réfléchis ei les verbes réci-
proques ont pour régimes les pronoms me, te, se,
nous, vous; or, ces pronoms sont quelquefois
régime direct, comme dans je me loue, tu te
loues, il se loue ; nous nous louons, vous vous
louez, il se louent; et quelquefois ils sont régime
indirect, je me reproche, tu te reproches, il se
reproche; nous nous reprochons, vous vous re-
proches, ils se reprochent ; où me est pour a
moi, te pour à toi, se pour à lui, ou à eux, nous
pour à nous. "Voyez Complément, Construction-
Plusieurs adjectifs ont aussi leur régime. C'est
un substantif ou un verbe précédé de l'une des
prépositions a, de, dans, en, sur, etc. Les ad-
jectifs <}ui ont un sens déterminé, absolu, qui ne
font point attendre une autre idée pour com-
pléter celle (ju'ils présentent, n'ont point de
régime. Tels sont intrépide, invioUMe'; ver-
tueux, etc.
RÉG
Ceux au cantrairedont '.idée est indéterminée,
et qui font attendre quelque autre idée pour
compléter celle (ju'ils présentent, ont des régimes.
Si je dis, par exemple, il est capable, on me de-
mandera de quoi? Cet adjectif capable appelle
donc une autre idée pour compléter celle qu'il
présente; il appelle un régime; et ce régime
est (|uelquel'ois un nom : capable de rtsistance;
quelquefois un verbe : capable de résister. Tel
adjectif qui appelle un régime parce qu'il est
pris dans un sens relatif, n'en appelle point lors-
qu'il est pris dans un sens absolu. On dit, c'est
lin homme capable, pour dire absolument c'est
un homme qui a de la capacité, de l'intelligence,
des talents. Voici les régies que donnent les gram-
mairiens sur cette matière.
1» Il ne faut pas donner de régime à un adjectif
qui n'est pas susceptible d'en recevoir un. Cotte
règle signifie qu'avant de donner un régime à
un adjectif il faut examiner s'il est pris dans un
sens absolu ou relatif; et ce n'est (|ue dans ce
second cas qu'il faut lui donner un régime, .\insi
je dirai, je suis content, si je vcu.x exprimer
d'une manière absolue le contentement de mon
àme, sans relation avec les objets qui ont cau>é ce
contentement; et je dirai je suis content de mon
frère, pour exprimer le contentement de mon
àme, considéré relativement à la conduite de mon
frère.
2" II ne faut pas donner à un adjectif un autre
régime que celui qui lui est assigné par l'usage.
Cela veut dire qu'il faut étudier avec soin quels
sont les régimes que l'usage donne aux adjectifs.
Par exemple, on ne dira pas, cela m'est aimable,
comme on dit cela m'est agréable. Voyez ai-
mable.
3'^ Un substantif peut être régi par deux ad-
jectifs, pourvu que les rapports qui les lient
soient exprimas par la même prc])Osition, ou, ce
qui est la même chose, pourvu que les adjectifs
demandent le même régime : Ce père est utile et
cher à sa famille, est une phrase correcte, parce
que les adjectifs utile et cher régissent la même
préposition. On dit utile «, cher à. Mais on ne
pourrait pas dire cet homme est utile et chéri
de sa famille, parce (jue utile et chéri ne régis-
sent pas la même préposition, car on dit vtHe à
et chéri de. Il faudrait donc, dans ce cas, em-
ployer un autre tour et dire : Cet homme est
utile à sa famille et il en est chéri.
M. Lemaire a fait une excellente note sur le
régime des adjectifs. Comme elle est trop éten-
due pour que nous la rapportions en entier, nous
en extrairons seulement les passages suivants;
mais nousengageonsles personnes qui voudraient
étudier celte question à fond, à lire ce morceau
dans la Grammaire des Grammaires (p. 276).
« «Quelques grammairiens ont cru trouver un
régime de l'adjectif dans la jilirase suivante :
Il est doux de yo«ir dans la solitude des plaisirs
in/irctnts que rien ne peut ôter aux bergers.
(Fénel., Télém., liv. II, t. i, p. dOS.) iMais
évidemment c'est là un aoUicisme dans le-
quel la préposition de semble n'être, comme
le dit l'Académie, qu'une particule destinée à
lier le verbe avec ce qui précède. En effet, dans
cette proposition, il est honteux de mentir, le
léritable sujet est l'infinitif mentir ; et l'on ne
pourrait traduire cette phrase en latin qu'en
changeant ainsi la tournure :7/(e«Ur est honteux;
turpe est mentiri... L'infinitif deviendra-t-il
nécessaire<nent un régime dans ces phrases ^ Cet
homme est fou de parler ainsi, f^ous êtes bien
REG
613
bon de le croire. A notre avis, ces locutions na
présentent pas le caractère d'un véritable com|)lé-
ment de l'adjectif; c'est plutôt une sorte de pro-
position subordonnée qui se rattache à la pro-
position i)rincipalc par le mot de, faisant les
fonctions d'une particule conjonctive. En effet,
pour traduire cette tournure de phrase en latin,
il serait nécessaire d'employer un relatif...
«La préposition à devant un infinitif s'emploie
quelquefois dans un sens analogue : // est lou à
(ce point qu'on doit le) lier. Par suite de l'ellipse,
le verbe prend ici une signification passive, comme
si l'on disait fou à être lié. Mais cela n'a pas tou-
jours lieu, et la signification peut également rester
active : Laid à (ce point qu'il doit) faire peur.
A n'exprime ]>as un complément de l'adjectif
toutes les fois qu'il doit se résoudre par une
explication semlilable à celles que nous venons
d'indiquer.
« Mais au contraire le régime existe toutes les
fois que l'infinitif semble n'avoir dans la phrase
d'autre valeur ipie celle d'un substantif précédé
d'une [tréposition. Ainsi anriable a lire, étonnant
à voir, auront pour explication à ou par la lec-
ture, la vue. C'est alors une locution imitée
du supin en k des Latins. Nous ne citons ici
que des phrases où l'infinitif a le sens passif ou
neutre, a l'imitation d'une tournure latine ; l'em-
ploi du sens actif ne peut jamais faire de doute;
c'est le régime ordinaire : Ardent à travailler. »
RÉGIR. V. a. de la 2' conj. Voyez Gouverner
et Régime.
RÉGLEMEMAiRR. Adj. dcs dcux geurcs. Il ne se
met qu'après son subst. : Lois réglementaires,
régime réglementaire.
Réglisse. Subst. f. On le faisait autrefois mas-
culin.
Régnant, RÉGNANTE. Adj. verbal tiré du verbe
régner. On mouille le gn.W ne se met qu'après son
subst. : Le roi régnant, le prince régnant. —
Le goût régnant. Vopinion régnante.
Régner. V. n. de la IT" conj. Les poètes em-
ploient souvent ce verbe au figuré dans divers
sens :
Sur ce ïisage austère où régnait la tristesse.
(Volt., Henr., IX, 317J
Xéron dans tous les cœurs est-il las de régner?
(Rac, Britan., acl. IV, se. m, 26.)
Régmcole. Adj. des deux genres. On ne mouille
pas gn, le ^se prononce durement : Rcgue-nicole.
Il est régnicole. — On le prend aussi substanti-
vement : Les régnicoles.
Regorgeh. V. n. de la i'^ conj. Voici des ac-
ceptions que l'Académie n'indique point :
Le saug de vos sujets regorger jusqu'à tous.
(Rac, Esth., acl. V, se. I,
Ses cruels favoris, d'un regard curieux,
Voyaient les flols de sang regorger sous leurs yeux.
(Volt., Henr., II, -287.)
Que vos gouffres profonds regorgeant de victimes.
{Volt., Oreate, acl. lY, se. iv, 6.)
L'enfer regorgeant de victimes, a dit La Harpe
à l'occasion de ce vers, est une expression è L
fois emphatique et triviale {Cours de Littéra-
ture). Cette critique ne semble pas bien juste.
614
REL
Recrettablk. Adj. des deux gemes qui ne se
Uiel ijir;i|)res son subsl. : Un homme regrettable,
utte situation regrettable.
Regrktter. V. a. de la l^e conj. On dit je
regrette de, cl je regrette que. Lc premier s'eiu-
pluie (juand le siijcl de la pruposiiiun princijwle
csl le inéine que celui de la pro|)osiiiuii subor-
donnée : Je regrette de ne plus la voir. Je esl le
sujel de regretter el de vuir. C'est comme s'il y
avait que je ne la rois plus. On emploie que
lors<jue le sujet du second vcrL>e n'est pas le
même que celui du premier : Je regrette qu'il
soit parti si tôt.
Bêgl'lier, Régclièee. Adj. Il ne se met guère
qu'aprùs son subst. : Mouvement rt'gttlier. tin
homme rigulier, une femme régulière. — Des
traits réguliers, une conduite régulière.
On appell'», en termes de grammaire, tours
réguliers, phrases régulières, les tours, les phra-
ses qui sont confornies ;iux [trocédés autorises par
la langue. On appelle verbes réguliers les verbes
qui, dans la furmalion de leurs temps, suivent
les règles générales des conjugaisons, par oppo-
sition aux verbes irréguliers, qui ne suivent pas
ces règles, ^'oycz Conjugaison.
RiîGULiLuKjiKNT. Adv. On peut (iueUiuefois le
mettre entre l'auxiliaire et le [larlicipe : // a tou-
jours vécu régulièrement, ou il a toujours régu-
lièrement vécu.
RtJAw.LiR, Rejaillissement. Dans ces deux
mots on mouille les deux l.
Rejki AELE. Adj. des deux genres. Il ne se met
(ju après son subsl. : Pmposiiionrejelable, excuse
rejetuble, pièce rejetable.
Rejeter. V. a. de la \'^ conj. On double le t
dans les temps qui finissent p;ir un e muet; dans
les autres, on ne met qu'un / ; Je rejette, tu
■''cjetles, il rejette; nous rejetons, vous rejetez,
s re jettent.
REJOUISSANT, Réjouissante. Adj. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permeltent : Un spectacle réjouis-
sant, ce r'jnuissant spectacle. Un homme ré-
jouissant. Voyez Adjectif.
Relâche. Ce substantif est féminin en termes
de marine; dans tous les auiressens il est mas-
culin.
Relacheuent. Subst. m. : Le relâchement
des lois de la pudeur et de la modestie. (Mon-
tcs(iuieu. Lettres persanes). L'Académie n'in-
dique point celte acception.
Relaps, Relapse. Adj. On prononce le p et
le *. 11 ne se met (ju'aprés son subst. : Il est
relaps, elle csl relapse.
*Rélatedr. Subst. m. Qui fait, qui a fait des
récits, des narrations. L'usage n'a point adopté ce
mot, queFcnclon a employé assez heureusement
'lans la phrase suivante : Vos historiens vous
sont inconnus ; on ?i'cn a que des morceaux
extraits et rapportés par des rélateurs peu
critiques.
Relatif, Relative. Adj. qui ne se met qu'a-
picsson subst. : Qualités relatives. Il régit <|uel-
(juefois la préposition « ; Cet article est relatif
au premier.
Jiclatif esl aussi un mot de grammaire. On
appelle ?eia/z/' tout mot qui exprime une relation
à un terme conséquent dont il fait abstraction.
En sorte que si l'on emploie un mot de cette
espèce :ans y joindre l'expression d'un terme
conséquent déterminé, c'est pour présenter à
RKL
l'esprit l'idée générale de la relation, indépen^
damment de toute application a quoique terme
conséquent que ce puisse être. Si le mol relatif
ne i»eut ou ne doit être envisagé «ju'avec appli-
cation a un terme conséiiueiit (lelerminc, aloi-s ce
mol seul ne jiréscntc qu'un sens suspendu el
incomplet, lequel ne satisfait l'cspril que quand
on y a ajouté le complémenl. Il y a des mots de
plusieurs espèces qui sont relaïifs en ce sen.s,
savoir, des noms, des adjectifs, des verbes, des
adverbes et des prépositions.
Tous les ra|)porls imaginables supposent deux
termes, el ces deux termes peuvent être vus
sous deux combinaisons. 11 peut arriver que le
rapport du premier terme au second i^ soit pas
ie même que celui du second au premier, quoi-
qu'il le dciermine; cl il peut arriver que le rap-
port des deux termes soit le même sous les deux
combinaisons.
On appelle noms réciproquement relatifs ceux
qui expriment un ra|)porl qui csl toujours le
même sous chacune des deux combinaisons des
termes, comme frère, collègue, cousin, etc., car
si Pierre est frère, ou collègue, ou cousin de
Paul, il est vrai aussi que Paul est ré. iproque-
ment frère, ou collègue, ou cousin de Pierre.
On appelle simplement relatifs les noms qui
expriment un rapport qui n'est tel que sous une
idée des deux combinaisons; de sorte que le
rapport qui se trouve sous l'autre combinaison
est différent, et s'exprime par un autre nom. On
dit en ce casque ces deux noms sont corrélatifs
l'un de l'autre. Par exemple, si Pierre est le
père, ou Voncle, ou le roi, ou le maître, etc.,
de Paul, cela n'est pas réciproque; mais Paul
esl, par corrélation, le fis, ou le neveu, ou le
sujet, ou Vesclave de Pierre. Ainsi, père el fils,
oncle et 7ieveu, roi et sujet, maître e\. esclave,
sont corrélatifs entre eux, cl chacun d'eux est
simplement relatif.
Il en esl des adjectifs relatifs comme des noms;
les uns le sonl simplement, les autres récipro-
quement. Utile, inutile, avantageux, nuisible,
sont simplement relaïifs, parce qu'ils désignent
un rapport qui n'est tel que ?ous l'une des deux
combinaisons; la diète esl utile à^la santé, la
santé n'est pas utile à la diète. Egal, inégal,
semblable, dissemblable, sont réciproquement
relatifs, parce qu'ils désignent un rap|)ort qui
esl toujours le même sous les deux combinai-
sons. Si Rome esl semblable à Mantoue, Mantoue
est semblable à Rome.
Il y a des verbes qui expriment Texislence d'un
sujet sous un attribut qui a rapport à quelque
objet exlcrieur. Tels sont les verbes qui ont UD
complément direct nécessaire ou un régime
simple, c'est-à-dire les verbes actils, comme
j'aime, j'envoie; tels sonl aussi les verbes pas-
sifs, je suis aimé ; l'action des uns et la passion
des autres esl relative a un objet diffèrent du
sujel; ce sonl donc des verbes relatifs.
Quant aux verbes neutres, ils ne peuvent
jamais être relatifs, parce que, exprimant un état
du sujet, il n'y a rien à chercher pour cela hors
du sujel.
Il y a aussi des adverbes relatifs, puisqu'on
en trouve ipielques-uns qui, étant seuls, n'ont
qu'un sens suspendu, et qui exigent nécessaire-
ment l'addilion d'un complément pour la pléni-
tude du sens. Tels sont conformément, relative-
ment, indépendamment. Le sens de ces mots est
suspendu si l'on n'y ajoute pas un complément,
comme conformément à la nature, relativement
REL
à mas vues, indépendamment des circonstances.
Enfin toutes les prcposilioiis sont essentielle-
ment relatives, puisqu'elles ont toujours rapport
a un complément sans lequel leur sens reste sus-
pendu : Sur la table, à Paris, etc.
Les ffraniinairiens distinguent encore dans les
mots le sens absolu et le sons relatif. Cette
distinction no peut tomber que sur quelques-uns
des mots dont on vient de parler, parce qu'ils
sont quehiuefois employés sans complément, et
que, par conséquent, le sens en est envisagé in-
dépendanmient de toute application à quelque
terme conséquent (lue ce puisse cire. Ce sens
n'est i)as rcelleuient absolu, car un mol essen-
tiellement relatif ne peut cesser de l'être; mais il
parait absolu, parce iju'il y a une abstraction
actuelle du terme conséquent. Que je dise, par
exemple : .■limes Dieu par-dessus toutes choses,
et votre prochain comme vous-même, le verbe
aimez, essentiellement relatif, parce qu'on no
peut aimer sans aimer un olvict déterminé, est
employé ici dans le sens relat f, puisque le sens
en est eomi>Iélé par l'expressinri de l'objet qui
est le terme conséi|uent du rapport renfermé dans
le sens de ce verbe. Mais si je dis aimez, et
faites après cela ce que rous voudrez, le verbe
aimez est ici d;ins un sens absolu, parce qu'on
fait abstraction do tout terme consé(|uent, de
tout objet delermiiié autiucl l'amour puisse se
rapporter. — 11 en est de même de toutes les
autres sortes de mots relatifs, comme noms, ad-
verbes, prépositiiius : Je suis père, et je recon-
nais à ce titre toute l'étendue de l'amour que je
dois à mon père ; le premier père est dans un
sens absolu ; le second a un sens relatif : car vwn
père, cViSl le père de moi. ^'oyez Absolu.
On dislingue aussi des propositions absolues
et des propositions relatives. Lorsqu'une propo-
sition est tel'o que l'esprit n'a besoin que des
mots qui y sont énoncés pour en entendre le
sens, ncius disons que c'est une proposition ab-
solue ou complète. Quand le sens d'une proposi-
tion met l'esprit dans la situation d'exiger ou de
saipposer le sens d'une autre proposition, nous
disons que ces propositions sont relatives.
Le principal usage que font les grammairiei>s
du terme relatif G-^i pour désigner indÀ'iduolle-
menl radjeclirconjonclif <?mj, que, lequel; c'est,
disent-ils, un pronom relatif. Mais ce mot est
réellement un adjectif. Voyez Adjectifs conjonc-
tifs. [Extrait en partie de Beauzée.)
Relation. Subst. f. En termes de grammaire,
on entend i«ir relation, la correspondance que
les mois ont les uns avec les autres, dans l'ordre
de la syntaxe. Les relaiions irrégulières et mal
appliquées sont des fautes que l'on doit éviter
avec soin, parce qu'elles rendent le sens obscur,
et souvent même équivoque, comme dans cet
exemple : On la reçut avec froideur, qui était
d'autant plus étoniianle, clc. Ici le mol f raideur
étant cmi)loyé d'une manière indéfinie, l'adjectif
conjoMctif qui ne peut pas avoir avec ce mot
une relation juste et régulière. Voyez Relatif,
JRapport.
Rel.^tivement. Adv. Cet adverbe ayant un
complément nécessaire, relativement à.... , ne
peut se mettre entre l'auxiliaire et le participe,
parce que. ne pouvant y être mis qu'avec son
complément, il les éloignerait trop l'un de l'autre.
Il serait ridicule de dire, cela a été relativement
a ce qui précède dit.
RELAYEr,. V.a. de la ''" conj. Il se conjugue
comme payer.
REM
Cïu
Relever. "V. a. de la 4'« conj. Relever une
chose par une autre signifie faire valoir unechose
en kl rapprochant d'une autre.
Quand vous relevez l'éclat do votre teint par
les plus helles couleurs Montesquieu, XXVP
lettre persane). C'est dans le même sens que
Racine a dit dans Iphigénie (act. Il, se. v, 57) ;
Et vous ne comparez votre exil à ma gloire,
Que pour mieux relever votre injuste victoire.
Religieusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : lia gardé religieuse-
ment sa parole, *\i il a religieitsement gardé sa
parole.
Religieux, Religikcse. Adj.On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'iiarmonie
le permettent : Culte religieux, cérémonies reli-
gieuses, opinions religieuses. — Un homme
religieux, sentiments religieux, ces religieux
sentiments; dispositions religieuses, ces reli-
gieuses dispositions. \ uycz Adjectif .
Reliques. Subst. f. plur. L'Académie prétend
que ce mot au pluriel se prend i|ue!i|uefois, dans
le style oratoire ou poétique, pour les restes de
quehpie chose de grand. — Il se prenait autre-
fois en ce sens, mais il ne s'y prend plus au-
jourd'hui.
Ils s'arrêtent non loin de ces tombeaux antiques,
Où des rois ses aïeux sont les froides retiques. ,
(Rac, Phéd., aol, V, se. vi, 66^
Voltaire a dit, au sujet de ce vers : Reliques,
mot dérivé du latin reliquiœ, qui veut dire restes,
a vieilli; on ne le dit plus que des choses
saintes.
Relire. V. a. et irrégulicr de la 4' conj. 11 se
conjugue comme lire. Voyez ce mol.
RELuir.E. V. n. et irrégulier de la 4* conj. Il
se conjugue comme luire. Voyez ce mot.
Reluisant, Reluisante. Adj. verbal tiré du v.
reluire. Il ne se dit qu'au projjre. On peut, en
vers, le mettre avant son subst. : Une étoffe
reluisante, desarmes reluisantes, ces reluisantes
armes. \ oyez Adjectif.
Remarquable. Adj. des deux genres. On peut
le mettre avant son subst., en consnUant l'oreille
et l'analogie : Un événement remarquable, ces
remarquables événements ; action retnarquable,
fait remarquable , homme remarquable 11 régit
qucl<iucfois la préposition par : Une femme
remarquable par sa beauté.
Remboursable. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Une rente rembowr-
sable.
Remettre. V. a. et irrégulier de la 4« conj-
11 se conjugue comme mettre. Voyez ce mot.
Remettre une chose à sa place. Remettre l'épée
dans le fourreau, remettre à la voile. — 4.%» re-
mettre à table, au lit, au jeu.. — Reme'Are Oen
ensemble des personnes qui étaient lh'7s> îë*'-)"—
Il se remet de son trouble, de sa douleur, <i«
son affliction. — Je ne me remets pas son
nom .
Rémissible. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Faute rémissible, cas ré-
missible.
Remords. Subst. m. L-'Académie n'indique
qu'imparfaitement les diverses acceptions de ce
mot. Lffs exemples suivants les feront mieux
connaître :
616
REM
Je veux... laisser...
Dans ton CŒur qui m'aima le poison du remords.
(Volt., Tancr., act. IV, se. tu, 10.'
. . . D'un juste remords je ne puis me défendre.
(Volt., Toner., act.V, se. Ti, 10.)
Je Tais seule en ces lieux
Mourir dans le rcmordi d'avoir Iralii ina foi.
(Volt., AU., act. IV, se. iv, 19.)
De quelque grand rcmordt tu semblés déchiré.
(Volt., JfuAom., act. III, se. viii, 55.)
Si les r«mord« sont vrais, ton cœur n'est plus coupable.
[Idem, 57.)
J'obéis; d'où vient donc que le remords m'accable?
(Volt., Uahom., act. IV, se. iv, 36. J
Ah ! si le ciel enGn tous parle et tous éclaire ,
S'il TOUS donne en secret un remords salutaire.
(Volt., Orestc, act. I, se. m, 39.)
Lu! seul, à la pitié toujours inaccessible.
Aurait cru faire un crime et trahir Médicis,
Si du moindre remords il se sentait surpris.
(Volt., Henr., II, 226.)
Ab! je ne puis contenir ma tendresse;
Je cède au trouble, au remords qui me presse.
(Volt., Enf. prod., act. III, se. v, 7.)
Rhadamanthe en ces lieux juge, absout à son gré.
Terrible, il interroge, il entend les coupables.
Les contraint d'avouer les forfaits exécrables
Qu'ils ont cachés dans l'ombre, et qu'au sein de la mort
Ne peut plus expier un stérile remords.
(Deul., Énèid., VI, 73S.)
La lettre 5 est muette dans le mot remords.,
excepté lorsque le mot suivant commence par
une voyelle ou un h non aspiré.
Quelques poêles, et entre autres Yollaire et
Delille, ont écrit remord sans s. C'est une licence
qu'il n'est pas bon d'imiter.
Rksioudre. "V. a. et irrégulier de la 4^ conj.
Il se conjugue comme moudre. A'^oyez ce mot.
*Remodrir. V. n. de la i"^ coîij. On ne le
trouve point dans les dictionnaires, et l'occasion
d'en faire usage est très-rare. Il paraît assez bien
placé dans la phrase suivante : Nicéphore as.^urc
que deux évêques morl.^ pendant les premières
sessions [du concile deNicée) , ressuscitèrent pour
signer la condamnation d'Arius, et remouruvent
incontinent après (Voit., Dict. philos., article
Conciles, 2* section).
Rempart. Subst. m. Voici quelques exemples
de l'emploi de ce mot au figuré, que l'on ne
trouve point dans le Dictionnaire de l'Académie :
Tout le reste, assemblé près de mon étendard.
Vous offre de ses rangs Tinvincible rempart.
(Rac, Iphig., act. V, se. ii, 7.)
Cependant Athalie, un poignard à la main.
Rit des faibles remparts de nos portes d'airain.
(Rac, Àth., act. V, se. i, ?,8.)
On ne Toyait jamais marcher devant son char
D'un bataillon nombreux le fastueux rempart.
(Volt., OEd., act. IV, se. i, 23.)
Remplir. 'V. a. de la 2« conj. 'VoUaire a dit
dans la Hcnriade (III, 309) :
Bientôt ce fruit affreux se répand dans Paris,
Le peuple épouvanté remplit l'air de s»» crt».
REN
Remplir cl Emplir se j)rcnnenl souvent mal à
propos l'un pour l'autre. Voici , je pense, les
nuances qui les distinguent. EmpHr c'est com-
bler e\aciement la <'apaiilé d'nno chose, de ma-
nière ((u'il n'y reste point de vide; et il se dit
des vasos, des vaisseaux <icslinés à contenir ce
dont on les emplit : On emplit un muid de vin,
d'eau, de cidre, dit vinaigre, etc. ; on emplit un
Stic d'orbe, d'avoine, etc. ; un nifjf're de hardes,
une armoire de linge iiu de livres, etc. S'il s'agit
seulement d'achever de mettre dans des vases,
dans des vaisseaux, ce qu'il faut pour ((u'ils scient
pleins, on dit reniplir : Ce tonneau n'est pas
plein, il faut le remplir.
lîempiir, dans un aulrc sens, se dit des lieux,
des endroits où l'on met une grande (piantité de
choses, soit que ces lieux soient destinés à les
recevoir, soit qu'ils ne le soient pas; et, pour
cela, il n'est pas nécessaire que la capacité de ces
lieux, de cescndroitssoit exactement pleine, mais
il suflit qu'il y ait une grande quantité des choses
dont on les remplit : On remplit une cave de vin,
un grenier de grains, une rue de gravois, une
basse-cour de fumier, nnpays de mendiants.
Au figuré, on dit toujours remplir : Remplir
la terre du bruit de son nom ; remplir une ville
d'épouvante ; remplir son devoir, ses obligations,
sa promesse; remplir sa tète de chimères, etc.
Remuant, Remuante. Adj. verbal tiré du v.
remuer. Il ne se met qu'après son subst. : Un
enfant remuant, un esprit remuant.
RÉMUNÉRATEUR. Subst. m. L'Académlc ne dit
pas rémunératrice en parlant d'une femme ; nous
pensons que rien n'empêcherait de le dire, si
l'occasion s'en présentait.
Renaissant, Renaissante. Adj. verbal tiré du
V. renaître. En vers, on peut le mettre avant son
subst. : La nature renaissante, les plaisirs re-
naissants. L'aurore renaissante, la renaissante
aurore.
Renaître. V. n. et irrégulier de la 4« conj. Il
se conjugue comme naître. Voyez ce mot. Ce
verbe régit quelquefois la préposition de : Renaâtre
de ses cendres.
Revois ton cher Zaniore échappé du trépas.
Qui du sein du tombeau renaft pour te défendre.
(Volt., AU., act. II, se. ly, 2.)
Ce verbe ne se dit au propre que du phéniv,
oiseau fabuleux que les anciens font renaître de
sa cendre; de Prométhée , qui, suivant la
faille, avait un foie renaissant, pour servir de
pàUire perpétuelle au vautour qui le déchirait;
des tètes de l'hydre qui renaissaient a mesure
qu'on les coupait (Voyez Hydrt:); et enfin des
fleurs, des plantes, etc. On dit /.'herbe renaît,
les fleurs renaissent.
Rencontre. Subst. f. On dit venir à la ren-
contre de quelqu'un, pour dire venir au-devant
de queliju'un. Celte expression est familière, et
on a eu raison de la relever dans ce vers de
Racine {Mithridate, act. II, se. i, 13) :
Croyez-moi, montrez-vous, venez à sa rencontre.
On dit aller à la rencontre de quelqu'un, et
aller au-devant de quelqu'un; mais ces deux
locutions ne signifient pas exactement la môme
chose. On va à la rencontre de quelqu'un, uni-
quement dans l'intention de le joindre plus tôt,
ou pour lui épargner une partie du chemin; on
I va au-devant dcquel qu'un, pour l'honorer par
REN
celle mariiue d'empressemenl. Autrefois on em-
ployait rencontre a» masculin. Voyez Genre.
Rencontrer. V. a. de la li'c conj. Racine a dil
dans Iphigénie (acl. II, se. i, 99) :
Je frcmissais, Doris, et d'un Tainqacur sauvage
Craijnais do rencontrer l'effroyable visage.
L'Académie ne l'indique point en ce sens.
Rendre. V. a. de la Ae conj. Il régit plusieurs
noms sans article : Rendre raison, rendre hom—
mage, rendre gloire, rendre obéissance, rendre
compte, rendre réponse, rendre grâce, rendre
foi et hommage, rendre visite, rendre justice,
•endre sen-ice, rendre témoignage. — ^oici
quelques acceptions de ce mot qui ne sont point
indiquées dans le Dictionnaire de l'Académie :
Pyrrlius rend à l'autel son infidèle lit.
(Rac, Androm., act. Y, se. m, 2.)
Je rends dans les tourments une pénible vie.
(Rac, Phèd., act. IV, se. vi, 81.)
Dieux ! vous rendrez Oresle aux larmes de sa sœur.
(ToLT., Oreste, acl. I, se. ii, 103.)
Ce héros malheureux, de Bouillon descendu,
.\ux soupirs des chrétiens ne sera point rendu.
(Volt., Zaxre, act. II, se. i, 57.)
Renforcer. V. a. de la l''^ conj. Voyez En forcir.
Reniabi.e. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Cas reniable.
* Rémtf.nt, Rémteme. Adj. Mol inusité dont
Voltaire a fait usage : Mahomet, dans ses premiers
combats en Arabie contre les ennemis de son
imposture , faisait tuer sans miséricorde ses
compatriotes rénitents, c'est-à-dire (jui faisaient
des efforts pour repousser sa doctrine. — Nous
pensons qu'on peut irés-bien s'en servir en ce
sens.
Re.nommée. Subst. f. Voltaire a dit àdir\?,Alzire
(act. V,sc. V, d8) :
Que j< sois de ton peuple applaudie ou blâmée.
Ta seule opinion fera ma renommée.
L'opinion d'une seule personne ne peut pas faire
la renommée de (juehju'un. Fera ma renommée
signilie ici me tiendra lieu de renommée.
Et lui, désespéré, s'en alla dans l'armée,
Chercher d'un beau trépas l'illustre renommée.
(Corn., PoU, act. I, se. m, 81.)
La renommée ne convient jioint « trépas, dit
Voltaire. Ce mot ne regarde jamais que la per-
sonne, parce que renommée vient de nom : La
renommée d'un guerrier, la gloire du trépas
{Remarques sur Corneille). Voyez Bruit.
Ce mot ne se dit au pluriel qu'en terme de
peinture, et lorsqu'on parle des figures de la
Renommée.
Renoncer. V. n. et a. de la If" conj. Dans
le sens neutre, renoncer à quelque chose :
Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-voui?
(Rac, Ath.,icl. I, se. i, 137.)
— Dans le sens actif, renoncer quelqu'un : Il me
renonce.
De ses remords pressé.
Pour le sang de tûs rois il vous a renoncé.
(Volt-, OEd., act. V, se. ii, 50.)
REP
617
I Renouveler. V. a. de la 1'° conj. On double
I la lettre / dans les lcin|)s de ce verbe où celle
I lettre est suivie d'un e muet : Je renouvelle, je
renotivellerai, il renouvellera, il renouvellerait.
On ne met qu'un / lorscpie cette lettre est suivie
de toute autre leltrequ'un e muet : Je renouvelais,
j'ai renouvelé, ils renouvelèrent.
Rentrer. V. n. de la l'« conj. Racine a dit
j rentrer dans les fers :
j Par quel charme, oubliant tant de tourments soufrerts,
1 PouTCî-TOUs consentira rentrer dans ses fers?
' (Rac, Androm., àcl. ï, se. 1,51.)
On dit aussi rentrer dans so?i devoir, rentrer
en son bon sens, en soi-même.
Renvoyer. V. a. cl irrégulier de la 'U"-' conj.
; Il se conjugue comme Envoyer. Voyez ce mol.
I Réorganisation. Subst. f. Nouvelle organisa-
j lion. Il est utile d'adopter ce mot, surtout dans
I le lem|)S présent, où l'on a un si grand besoin de
réorganisations. — En 4835, l'Académie l'admet.
Repaire. Subst. m. Vieux mut qui signifiait
demeure, habitation, et que l'on ne dil ]ilus au-
I jourd'hui que pour signifier un lieu où se reti-
rent des animaux malfaisants. 11 vient du latin
reperire, trouver. Un repaire <i?,\. un lieu où l'on
trouve des bêles malfaisniiles. D'après celle éty-
mologie, on peut bien dire un repaire de bêtes
féroces, mais non pas un repaire de férocité. —
On dit aussi un repaire de brigands, mais on ne
dil pas 7<H re.paire dr brigandages.
RepaItre. V. a. et n. de la 4' conj. 11 se con-
jugue comme paître et a de plus un passé simple,
Je repus, et un participe passé, repu, repue, qui
sert à former le passé composé, /at repu. Au
propre, il est neutre et peu usité. L'Académie
donne pour exemple, il a fait trente lieues sans
repaître ; vos chevaux 71 ont point repu. Cela ne
se dil point. On dil sans manger, sans boire ni
manger. — Au figuré, il est actif et pronominal :
Repaître son esprit de chimères; se repaître de
chimères, de vaines espérances.
Hélas! si cette paix dont vous vous repaietex
Couvrait contre vos jours quelques pièges dressés'.
(Uac, Critan., act. Y, sc.i, 61.)
Réparable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst. en consultant l'oreille et
l'analogie : Un dommage réparable, ce réparable
dommage; une faute réparable, cette réparable
faute.
Réparer. V. a. de la U^conj. Voltaire a dit
réparer le crime, réparer les ruines de laliberté;
et Racine, réparer l'outrage des ans :
Repare-lhon le crime, hélas, par des présents?
{Sémir., act, I, se. v, 109.)
El de la liberté réparer les ruines.
(Sfort de César, act. III, se. VU, 34.)
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage.
Pour re'porer des ans l'irréparable outrage.
(Ath., act. II, se. t, 35.)
Repartir. V. a. et irrégulier de la 2« conj.
Dans le sens de répliquer, répondre sur-le-champ
et vivement, il se conjugue comme partir.
Repartir, v. n., dans le sens de partir de nou-
veau , se conjugue de même.
Répartir, V. a. Dans le sens de distribuer,
partager il se conjugue comme emplir. Voyez ce
mot.
616
RÉP
Eepartir, dit Beauzée, signifie répondre, ou
partir une secoiule fois; les circoiisl:inocs le
fuiil eiilendrc; mais dans le premier sens, il
forme ses prétérits aver l'auxilKiire avoir : Il a
repitrti avec esprit, c'est-ù-dire il a répandu;
d;ins le second sens, il prenda ses prétérits l'auxi-
liaire être : Il est reparti promptement, c"est-à-
dire il s'en est allé.
11 me semlile que le verbe repartir, dans le
second sens, jn-end l'auxiliaire é^eet l'auxiliaire
avoir, selon les vues de l'esprit. Si je veux ex-
primer l'action de partir, je dirai il a reparti,
il a reparti ce matin à six heures; si je veux
indi(]uer l'clal cpii résulte de l'action de partir,
je dirai, en em|iloyant l'auxiliaire être, il est
ripurti; il y a longtemps qu'il est reparti. 11 y
a ici deux vues de l'esprit qui sont bien distin-
guées par les auxiliaires avoir et être, et ijui ne
pourraient pas l'être si ce verbe ne pouvait pas
prendre l'auxiliaire avoir. Voyez Partir.
REPENTANT, Ri;PEM.\NTE. Adj. vorbal tiré du
V. se repentir. 11 ne se met (iu'a|)rèsson suhst. :
Un pécheur repentant, vne femme repentante.
Repentir (se). V. pronom, irrégulier de l;i 2*
conj. Il se conjugue comme sentir. Voyez Iri-é-
gulier. Corneille a dit dans liodogune (acl. I,
se. VII, 41) :
Pcul-êlrc qu'en son cœur, plus douce et repentie.
Elle .en dissimulait la meilleure partie.
Repentie, dit Voltaire, n'est pas français, du
moins aujourd'hui. Ou ne peut pas dire une prin-
cesse repentie; mais pourquoi n'emploierions-
nous pas une expression nécessaire dont l'équi-
valcnl est reçu dans toutes les langues de l'Eu-
rope? (Remarques sur Corneille )
KÉPÉTAiLLEK. V. 3. delà 1^^ conj. On mouille
IcsZ.
Répétition. Subsl. f. Ce mot signifie, en termes
de grammaire, l'emi»loi dans une même phrase
d'une expression qu'on y a dcja em|)loyée.
11 y a trois sortes de répétitions des répétitions
nécessaires, des répétitions élégantes, et des ré-
pétitions vicieuses. 11 y a des répétitions si né-
cessaires, (]u'on ne saurait les omettre sans faire
une mauvaise construction. Exemples : Le fruit
qu'on tire de la retraite est de se connaître, et
de coniiaitre tous ses défavts. Si l'on disait sim-
plement, le fruit qu'on tire île la retruite est de
se connaître et tous ses défauts, on parlerait
mal; car se connaître ne serait pas bien construit
avec tous ses défauts. Il n'avait point en cela
d'autres vues que de lui apprendre, et d'appren-
dre a chacun, par son exemple, à obéir arec
so7tmission. .-ipprendre est lépété ici par la
môme raison que connaître est répété dans le
premier exemple
Il y a d'autres répétitions nécessaires pour la
régularité du style, ou pour la netteté. Exemples:
D'oii viennent tins vos troubles et vos peines
d'esprit'^ Tons, qui est masculin, ne fieul pas
se constrinre avec /jetne*, (jui est féminin; ainsi
il faut dire et toutes vos peines. Mais «juatid deux
substantifs seraient du même genre, il ne faudrait
pas laisser de répi'ter (pielqucfois tout, cummc,
l'ancien serpent s'armera contre vous de toute
sa malice et de toute sa violence; et non pas de
ttitile .la malice et sa violence. — Voici deux
fcKeinples ([ui regardent la netteté : Faites état
d'acquérir une grtrnde patience, plutôt qiiu?ie
grande paix; vous la trouverez, cette paix, non
pas sur la terre, mais dans le ciel. Le mot de
REP
paix répété rend le discours plus net ; car sans
cette répétition, le pronom la pourrait se rappor-
ter à patience aussi bien (lu'a paix : La vue de
l'esprit a plus d'étendue que la vue du corps. Si
l'on disait que celle du corps, celle ferait équi-
voque avec étendue.
l.cs réjiétitions élégantes sont celles qui con-
tribuent à l'oinemeiil du discours. En voici des
exemples : Quoi donc, 6 mon cher père, je ne vous
verrai jamais !.. jamais je n'embrasserai celui
qui m'aimait tant! jamais je n'entendrai parler
cette bouche d'oii sortait la sagesse! jamais, etc.
(Fénel,, Télém., liv, XVIII, t. ii, p, 203,)
Ces murs portent le nom, le nom sacré de Troie.
IDelil., Ènéid.,y, 1019,)
Il faut, dit Voltaire, éviter les répétitions, a
moins qu'elles ne donnent une grande force au
discours. — Voici des exemples de répétitions
vicieuses : Souffres que je vous demande sirous
vous souvenez de lu'avoir vu autrefois, comme
il me semble que je me souviens de vous avoir
vu. f^otre visage ne 7n est point inconnu ; il m'a
d'abord frappé, mais je ne sais oit je vous ai vu.
(Fénel., Telém., liv. VIII, t. i, p. ^59.) f^énus
alla trouver Neptune, elle raconta à Neptune ce
que Jupiter lui avait dit.
Tu n'as plus qu'un ami dont le destin t'opprime.
Mais de notre destin pourquoi désespérer?
(Vol., Oreste, act. II, se. i, 7.)
Plistène sous les coups a fini ses destins.
{Idem, 18.)
La Harpe dit au sujet de ces vers : Cette n;-
pélition si fréquente du même mot, dans un
couplet de peu de vers, est une négligence
marquée. {Cours de littérature.)
Les grammairiens ont donné quelques règles
sur les répétitions des éléments du discours qui
en sont susieptibles. Nous allons les exposer.
Quelquefois on répète l'article avant plusieurs
substantifs qui se suivent, quelquefois on ne le
répèle pas. Si plusieurs noms sont réunis pour
former tin même sujet ou un même complément
total, il faut, ou qu'ils soient tous sans article,
ou que le même article sojt répété avant chacun
d'eux. Exemples sans article : Prières, remon-
trances, commandements, tout est inutile. —
La tempête renversa tours, palais, églises.
Exemples avec l'article : Les prières, les remon-
trances, les commandements, tout est inutile.
La tempête renversa les tours, les cabanes, les
palais, les églises. — Quelipiefois, par exception,
un seul article détermine deux substantifs; mais
cela ne i>cut avoir lieu que devant certains mois
habituellement réunis et liés étroitement par le
sens, comme les us et coutumes. (Acad.) Dic-
tionnaire des arts et métiers. (Acad.)
Lorsque plusieurs adjectifs, unis par et, modi-
fient un même substantif, de manière i|u'on m^
puisse |>as en sous-entendrc un autre, il ne faut
pas ré[M'ler l'article : Le sage et pieux Fénehui,
les belles et mémorables actions , les belles et
charmantes femmes, le vaste et profond savoir,
l'humble et timide innocence. Mais lorsque
denx adjectifs imis, par la conjonction et, mo-
dilient, l'un un siilisiantif cx|)rimé, l'autre un
sulistantif sous-entendu, il faut répéter l'article
avant chacun de ces adjectifs. Ainsi on dira,
le premier et le second étage, la vingtième et ta
RËP
trentième page, le bon et le mauvais vin, les
philosophes anciens et les modernes, les belles et
les jolies femmes. Ou parlerait mal en disant le
premier et second étage, la vingtième et tren-
tième page, clc.
Si li's mots plus, moins, mieux, modifiaiil les
adjectifs, doivent èlie |)rL'cédos de l'ailicle, il faut
répéter l'arlicle aiitaiil do fois que ces mois. Ainsi
on dira, en |iarlanl d'un riche avaricieux, c'e*-/ le
plus riche it le plus pauvre homme f/ue je con-
naisse, et non pas, c'est le plus riche et plus
pauvre homme que je cunnaissc ; et encore moins
c'est le plus riche et pauvre homme que je con-
naisse. On dira de mrme : C est le plus riche et
le plus libéral lioiiime que je connaisse. Cl i;on
pas le plus riche et plus libéral homme. Il pra-
tique les plus hautes et les plus excellentes
vertus, et non pas les plus hautes et excellentes
vertus.
Les ad ectifs possessifs se répètent, d" avant
chatiue substantif : Mon père et ma mère sont
revenus, mes frères et mes sœurs sont partis;
et non pas mes père et mère sont venus, mes
frères et sieurs sont partis. 2" lis se répètent
devant les adjectifs i|ui ne (jualilient pas un seul
et même substantif : Je lui ai montré mes beaux
et mes vilains liubits. Cette phrase équivaut a
celle-ci : Je lui ai montré mes beaux habits et
mesvilains Iiabits. Or, puisqu'il y a un substantif
sous-entendu, il faut bien l'indiquer et le déter-
miner ; cela ne se peut faire qu'en répétant mes.
3" Ils ne se réiièlcnt pas devant les adjectifs
qui (lualillcnl le même substantif : Mes beaux et
magnifiques habits. Voyez Mon.
L'adjectif démonstratif ce se répète quelque-
fois, et quelquefois ne se répète pas dans les
phrases où il est suivi des adjectifs relatifs qvi,
que, dont. Par exemple, on dit, en répétant ce,
ce que j'aime le plus, c'est d'être seul; ce que
je crains, c'est de vous déplaire ; ce qui soutient
l'homme, c^est l'espérance ; ce qui m'attache à
la vie, ce sont mes enfants; et l'on dit, sans
répéter ce, ce que je dis est vrai, ce qui est
vrai est beau, ce que vous éprouves est de
l'amour.
Les grammairiens nous disent que, dans ces
phrases, lorsque le verbe être est suivi d'un
verbe il fautrépéler ce, comme ce que je crains,
c'est de vous déplaire; que lorsqu'il est suivi
d'un adjectif, celte répétition n'a pas lieu : ce
que je dis est vrai; cnlin <iue lorsqu'il est suivi
d'un snbslanlif, la répétition a lieu : ce qui sou-
tient l'homme, c'est l'espérance. — Cette der-
nière règle est fausse, car on dit aussi ce que
vous voyez est une tour, ce que vous éprouves
est de l'amour, ce que je dis est lu vérité.
Voyons si, en expliquant ces phrases par la na-
ture des idées, au lieu de les expliquer par le
matériel des mots, nous parviendrons à irouver
des règles plus claires et plus sûres.
Dans ics sortes tic phrases, ou l'on veut cxpri-
her (pi'il y a identité entre l'idée du premier
nembre de la phrase et l'idée du se< ond membre,
ou bien un veut indi({ucr cuire le premier mem-
bre et le sect/ud un r.ip[)ort de choix, de préfé-
rence, de distinction. Ouand je dis ce que je vois
est une tour, je veux exprimer l'identité entre ce
que je vois et une tour; c'est comme si je disais,
<,'e que je Vois et une tour est la même ihose; ou
une tour et ce que je vois est la uiéaie chose. Mais
dans ce que j'aime, c'est d'être seul; ce que
j'aime, c'est la solitude, les idées des deux mem-
bres aela phrase ne sont pas identiques, j'indique
RFP
619
seulement entre ces deux membres un rapport de
choix, de préférence. C'est comme si je disais,
entre toutes les situations que je pourrais dési-
rer, je choisis, je préfère, j'aime celle d'être
seul.
Dans le [ircmicr cas, il est clair que le ce est
superllu,car j'afliiuie seulement une chose déter-
minée d'une autre chose dcierminée. Ce que vous
voyez est une tour est une ()roposilion le la
même nature que cette chose est une tour; es
que je vous dis est vrai est une proposition de la
même nature que cette chose est vraie.
iMais lorsipi'il est quesllun de choix, de préfé-
rence, l'adjectif démonstratif ce est nécessaire,
parce qu'il sert à indicpier particulièrement une
chose entre plusieurs, cecjui marque choix, pré-
férence, distinction. Ce que j'aime le plus, c'est
la solitude, signifie parmi l(!S choses que j'aime,
celle-là, savoir, la solitude, est celle que j aime
le plus. Ce qui m'attache « la vie, ce so?it vies
enfants, c'esl-à-dire, de toutes les choses (lui
pourraient m'altacher à la vie, celle-là, savidr,
mes enfants, est celle qui m'y attache de préfé-
rence.
D'après cette règle simple, et (]ul est applicable
à tous les cas, on dira en rei)étant ce :
Ce qui me plaît , c'est d'être seul, ou c'est la
solittide ; ce qui me console, c'est voire amitié;
ce qui m'attache a la vie, ce sont mes enfants.
Et l'un dira, sans répéter ce . _.
Ce que je dis est vrai, ou ce que je dis est la
vérité; ce que vous éprouvez esldel'amour; ce
que vous voyez est une tour.
11 y a des cas où l'on pourrait dire , ce que
vous éprouvez, c'est de l'amour. Par exom[ile, si
une jjersonne doutait ([ue les sentiments qu'elle
éproiave fussent de l'amour, et si elle voulait
prouver qu'ils ne sont que de l'amitié, de f es-
time, ou autre chose, on lui dirait, ce que vous
éprouvez, c'est de l'amour, afin de lui indiquer,
par l'adjectif démonstratif ce, le sentiment de l'a-
mour particulièrement distingué des autres senti-
ments qu'elle a dans la pensée. Ne vous y trom-
pez pas, ne confondes pas, ce que vous éprou-
ves, c'est de l'amouT. On dirait de même à un
honune (jui douterait si ce qu'il voit est une tour
ou un autre objet, ne vous y trompez pas, ce que
vous voyez n'est autre chose qu'une tonr, c'est
une tour. Qu'est-ce que je vois sur cette mon-
tagne? Cest une tour. Ce que votis voyez, c'est
une tour, un objet distingué de tous les objets
(juc vous pourriez vous figurer.
Et il ne faut pas croire, comme le disent les
graEimairiens, ijuc la répétition de ce ait lieu
pour donner plus d'énergie a la phrase; cet ad-
jectif démonstratif est nécessaire la pour désigner
particulièrement une chose entre plusieurs au-
tres, et y fait sa fonction ordinaire.
Le pronom je, et en général les pronoms de la
première et de la seconde personne se répèleni
1" avant les verbes qui sont a des temps diffé-
rents : Je vous l'ai dit, et je vous Je répète. —
Je soutiens et, je soutiendrai toujours que...;
2" (juand le premier pronom pprsonnelest joint a
une proposition négative, et que la seconde i»r(i)-
position qui dépend du même pronom est allir-
inative; ou quand la première proposition est allir-
mative et la seconde négative : Je n'ignore pas
qu'on ne saurait être heureux sans la vertu, et
je me propose bien de toujours la pratiquer, cl
non pas, et me propose bien. Vous êtes heureux
présentement; vous 7ie léserez pas toujours;
3" on répète aussi ces pronoms après les conjono-
C20
REP
lions, excepté après et, mais, ni : Je désire rnus
voir heureux, parce que je vous suis attaché.
\o\is serez vraiment estimé, sirous êtes sane et
modeste; 4° la iiiêine répétition a lieu quand le
l'icmier verbe est suivi d'un régime : Je cueillis
un second et un troisième fruit, et je 71e me las-
sais point d'exercer ma main pour satisfaire
mon goût (Buffuii, De l'homme, des sens en gé-
néral, t. X, p. 06.J); 5' on répèle aussi le pro-
nom quand les deux verbes sont au même temps :
y étendais les bras pour embrasser l'horizon, et je
ne trouvais que le ride des airs.
Mais souvent, pour donner plus de rapidité à
Texpressioii, les e-crivains se mettent au-dessus
do ces règles : Je m'imaginais avoir fait v?ic
conquête, et me glorifhiis de la facvHé que je sen-
tais de pouvoir contenir dans ma main vn autre
être tout entier.
J'ignori; tout le reste,
Et venais tous compter ce désordre funeste.
(Ric, Ath., ad. II, se. 11, 41.)
J'ai trompé les mortels, et ne puis me tromper.
(Volt., Mahom., V, se. IV, 64.)
On ne répète pas ordinairement le pronom il,
ni en général les pronoms de la troisième per-
soime, quand les verbes sont au même temps; et
on les répète ou on ne les répète pas, selon le ju-
gement de l'oreille, quand les verbes sont à des
temps différents. Wétait honteux de sa crainte, et
n'avait pas le courage de la surmonter. (Fénelon,
Télémaque.) — Il désire vaincre, et il vaincra;
il pleurait de dépit, et alla trouver Calypso.
(Idem, liv. VII, t. i, p. 252.)
Voici les cas où l'on doit répéter les pronoms
de la troisième personne quand les verbes sont au
même temps.
1" Quand, dans une suite de verbes, on veut
supprimer la conjonction et avant le dernier, afin
de soutenir l'attention : Ils flattent, \\s caressent,
ils environnent de séductions.
2° Quand, dans une suite de verbes, il y en a
un suivi d'un régime différent dos autres, on ré-
pète le pronom, excepté avant le dernier verbe
qui est précédé de la conjonction et : 11 le sou-
tient, il le dirige, il règle son mouvement et le
sotnnet à des lois. (Buffon.) Sans la répétition du
pronom, l'oreille ne serait pas satisfaite, à cause
du régime différent du troisième verbe.
3" On répèle le pronom quand le dernier verbe,
uni au précédent parla conjonction c/, est lui-
même précédé d'une préposition qui, avec son
régime, exprime une circonstance. Telle est cette
phrase de Fénelon : Il f„nd sur son ennemi, et
après l'avoir saisi d'une main victorieuse, il le
renverse, etc. On trouve néanmoins des exemples
contraires. Les meilleurs guides, dans ces cas,
c'est l'oreille, le goût, et la loi de clarté, qui est
>a première de toutes.
4° On répète le pronom avant le dernier verbe,
quand il est précédé d'une proposition incidente
formant une longue phrase, (luoiijue les verbes
auxquels il est uni par la conjonction et soient
euKHncnics sans pronom : Il renonce aux senti-
ments d'humanité , iowTnatoutes ses forces contre
liti-méme, vhcvchG à s'entre-détruire, se détruit
en effet ; et, après ces jours de sang et de car-
nage, larsque la fumée de la glaire s'est dissi-
pée, il vdit d'un œil triste la terre dévastée, etc.
11 est aisé de sentir la raison de celte règle. Les
verbes tumne, cherche, se détruit, peuvent se
passer de pronom, parce qu'ils sont liés avec le
RÉP
premier, il renonce, et (ju'ils se suivent dans le
même ordre de consiruclion. Mais lorsqu'on a
dit, après ces jours de sang et de carnage, lors-
que la fumée de la gloire s'est dissipée, on a
perdu cet ordre de vue, cl la liaison entre les
verbes sans pronom et le premier verbe est pour
ainsi dire oubliée. Il est donc nécessaire que le
pronom vienne rappeler celte liaison, et qu'il la
rappelle distinctement, en répétant le pronom qui
précède le premier verbe.
On se répète devant tous les verbes auxquels il
seri de sujet : On le loue, on le menace, on le ca-
resse ; et non pas, on le love, le menace, le ca-
resse.
Quand on répète on, il faut toujours le faire
rapporter à un seul et même sujet, autrement
c'est une source d'obscurité : On dit qu'on a pris
cette ville ; on croit n'être pas trompé, cependant
on nous trompe à tout moment; on croit être
aimé, et /'on ne vous aimepas. Toutes ces phrases
ne sont pas correctes, parceque on y a des rapports
différents. Dans la première phrase, le premier on
se rapporte à ceux qui disent qu'on a i)ris la ville,
elle second à ceux qui l'ont prise. Dans la seconde,
le premier on se rapporte à ceux qui croient n'être
pas trompés, et le second à ceux qui trompent, et
ainsi des autres phrases. Mais le rapport sera le
même, et la faute disparaîtra, si l'on dit : On dit
que cette ville a été prise; on croit n'être pas
trompé, cependant on Vest à tout moment; on
croit être aimé, et on ne l'est pas.
7oM< se répète devant chaque substantif qu'il
modifie, quand même ces substantifs expriment
des idées de la même espèce : // a perdu toute
l'affection eHoute Vinclination qu'il avait pour
moi, et non pas, il a perdu toute l'affection et
l'inclination. — A plus forte raison tout doit-il
être répété devant des substantifs qui expriment
des idées différentes : Je suis avec toute l'ardeur
et tout le respect possible, et non pas, avec toute
t ardeur et le respect possible.
En général, on répète les prépositions devant
chacun de leur complément. Voyez Préposition.
Les adverbes comparatifs si, aussi, plus, le
plus, et autant, doivent se répéter avant chaque
adjectif, chaque verbe ou chaque adverbe qu'ils
modifient: Ilestsisagc, siZ(ow,etc. Pluson lit Ra-
cine, plus on l'admire. Autant j'estime l'homme
sincère, autant je méprise l'homme fourbe et
dissimulé.
Les conjonctions et, ni, ou, si, se répètent ordi-
nairement lorsqu'elles sont employées sous les
mêmes rapports. La conjonction et se répète ou
ne se répète pas, selon que l'on veut ou non ap-
puyer sur chaque expression qui la suit. On dit
sans celte conjonction, une femme tendre, belle,
sage; mais Voltaire a donné plus d'énergie à sa
pensée, en disant :
Une coquette est un vrai monstre à fuir;
Mais une femme et tendre, et belle, et saga,
De la nature est le plus digne ouvrage.
[La Prude, act. I, se. r, 25.)
Rien n'est constant dans le monde, ni les for-
tunes les plus florissantes, ni les amitiés les
plus rives, ni les réputations les plus brillantes,
ni les faveurs les plus enviées. (Massillon, 6'(?r?Ho?i
de la Toussaint.) — Il est si généreux, si
honnête, si bienfaisant, que, etc. — Vous verrez
ou votre père, ou votre mère.
Dans les phrases où il y a plusieurs membres
régis par la conjonction qtie, il faut la répéter à
REP
chaque membre : Les Gauluis croyaient qxx'Jpol'
Ion chassait les maladies, ([ue Minerve prési-
dait aux ouvrages, ([ue Jupiter était le souve-
rain des deux, clc.
Soit, dans le sens de la préposition latine sivc,
se repèle devanl chacun des noms iiii'il joint :
Soit réflexion, soil instinct, soit hasard. — Quel-
quefois, au lieu de rciiéter soit, ou met ou : La
fortune, soil bonne ou mauvuiso, Soit volage ou
constante, ne peut rien sur Vùnie du sage. 11 faut
remarquer ici que ou maniue mieux chaque
membre de la phrase cai'aclérisé par une oppo-
sition. Cts membres ne seraient pas bien distin-
gués, si l'on disait : La fortune, soit bonne, soil
mauvaise, soil volage, soit constante, etc.
Ouelquefois, au lieu de répéter la conjonction
si, et autres conjonctions semblables, on met que,
et celle conjonction, employée de l;l sorte après
si, régit le subjonctif. Ainsi, au lieu de dire, si
vous m'ai/iiez, et si vous voulez me le persua-
der, on dit, si vous m'aimez et que vous vouliez
me le persuader. Jl y a (luelque différence enlre
ces deux expressions. On emploie la première si
les choses que l'on exk'e ne regardent que la per-
sonne à qui l'on parle : Si vous m'aimez et si
vous voulez me lu persuader, livrez-vous à l'é-
tude. jNlais si les choses (|u'on exige ont rapport à
la pei'sonne qui parle, et que doit être préféré : Si
vous iii'uiniez cl que mus vouliez me le persua-
der, faites-inoi ce sacrifice. — Quand que lient
la place d'une autre conjonction qu'il faudrait
répéter, il régit l'indicatif: Lorsque je vous ai dit
ol que je vous ai assuré, etc.
11 faut éviter d'employer dans une même
phrase la même conjonclion sous des rapports
différents. C'est une source d'obscurités : Un
homme téîhoin d'une querelle survenue entre
deux de Ses amis, est quelquefois obligé de se
déclarer pour Vun d'eux, pour ne pas les avoir
tous deux pour ennemis. Ces trois pour, pris
sous des rapports différents, rendent la phrase
louche et embarrassée. — Fléchier dit, en par-
lant d'un juge méchant et d'un juge ignorant :
L'un pèche avec connaissance, et il est plus
inexcusable ; mais l'autre pèche sans remords, et
il est plus incorrigilAe : mais ils sont également
criminels, à l'égard de ceux qu'ils condamnent
ou par erreur ou par malice. [Oraison fun. de
M. de Lamoignon, p. 157.) Ces deux mais,
arec des rapports différents, font un mauvais
effet.
Lorsque, dans une proposition, l'un des mem-
bres est affirmatif et l'autre négatif, il faut répéter
le verbe. Ainsi, suivant les grammairiens, Cor-
neille a fait une faute en disant {Cid , act. 111,
se. VI, 35, !'•« édition) :
L'imour n'est qu'un plaisir, et l'honneur un devoir.
L'Académie a remarqué qu'il aurait dû dire, et
l'honneur est un devoir. — Cette règle peut être
forl bonne pour la prose, mais une phrase poé-
tique qui, connue celle de Corneille, joint le mé-
rite de la clarté à celui de la précision, peut se
passer de la répétition du verbe. Un écart qui
produit une beauté est une exception. Voyez
Ellipse, Pléonasme.
Rf.pic. Subst. m. On prononce le c final.
Replet, Replette. kà\. Il ne se dit que des
personnes, et suit toujours son subst. : Un homme
replet, une femme replette.
Repli. Subst. m. Les poêles l'emploient sou-
vent au figuré :
REP
621
Il est temps que mon cœnr
De ses derniers replis l'ouvre la profondeur.
(YoLT.,irahom., act. II, se. IV, 1.)
Dans votre inie avec vous il est temps que je lise;
Il faut que ses repli» s'ouvrent à ma francliisc.
(Volt., Zaïre, act. IV, se. vi, 13.)
Replonger. V. a. de la 1" conj. 11 signifie
plonger de nouveau, cl se dit au propre et au fi-
guré : Plonger et replonger une cruche dans
la rivière. — // ne voulut pus replonger son
royaume dans une guerre nouvelle (Voltaire)
Bientôt de Jézafael la fille meurtrière,
Instruite que Joas voit encor la lumière,
Dans riiorreur du tombeau viendra le replonger.
(Uac, Àth., act. IV, se. m, 25.|
J'avais de quelque espoir une faible étincelle :
J'entrevoyais le jour ; et mes yeux affligés
Dans la profonde nuit sont déjà replongés
(Volt., Mer., act. II, se. ii, 66.)
Répondre. V. a. de la 4" conj. Les acceptions
suivantes ne sont pas indiquées clairement dans
le Dictionnaire de l'Académie.
Il faut que votre cœur à mes bontés réponde,
(Volt., Mahom., act. V, se. ii, 17.)
J'attends de votre âme
Un amour qui réponde à ma brûlante flamme.
(Volt., Zaïre, act. I, se. u, 49.)
Son silence souvent repond à mes discours.
(Volt., Sémir., act. II, se. vi, 7.)
Corneille a dit dans le Menteur (act. II, se. i,
7, éd. de Volt.):
S'il faut qu'à vos projets la suite ne réponde.
Voltaire dit au sujet de ce vers : Il faut ne ré-
ponde pas. Ce ne seul ne se dit que dans les oc-
casions suivantes : Je crains qu' Me ne réponde ;
il n'est point de douceurs qu'elle ne répo7ide
aux compliments qu'on lui a faits; il n'y a per-
sonne dans cette maison dont je ne réponde ; est-
il une question difficile à laquelle il ne réponde?
{Remarques sur Corneille.)
Repos. Subst m. 11 n'a point de pluriel dans le
langage ordinaire. Il en a un lorsqu'il est em-
ployé comme terme d'art : Les repos d'un esca-
lier, les repos et les ombres en peinture.
On appelle repos, en poésie, la césure qui se
fait, dans les grands vers, à la sixième syllabe, et
dans les vers de dix syllabes, à la quatrième.
Ofi appelle cette césure repos, parce que l'ureille
et la prononciation semblent s'y reposer; c'est
pourquoi le repos ne doit point tomber sur des
monosyllabes où l'oreille ne saurait s'arrêter.
Le mot repos se dit aussi, en poésie, de la pause
<iui se fait dans les stances de six ou de dix vers,
savoir : dans celles de six, après le troisième
vers; dans celles de dix, après le (luatriêmeet
après le septième vers. A la lin de chaque slance
ou couplet, il faut qu'il yait un plein repos, c'est-
à-dire un sens parfait.
Reposer. V. a. et n. de la 1"= conj. Les poêles
l'emploient au propre et au figuré :
62e
REP
Tu »ois mon Irouble, anprends ce qui le cause,
El juge ('il est (enip<, ami, que je repose,
\IUc., Iphig., act. I, se. i, 41.)
En l'appui de ton dieu tu l'étais repoié.
(Uac , Ath., act. Y, se. v, i.)
Je m'en reposerai sur votre cipériencc.
(Rac, Britan., acl. 111, se. 1,53.)
Oii, mon Gis, c'ett tous seul sur qui je me repose.
(Rac, Uitkr., aet. II, se. v, 10.)
Rouue, se lirraiit tout entière à ma fui.
Du cœur de Bajazet se reposait sur raui.
(Rac, Baj-, act. I, se. iv, 14.)
Mais moi, qui de ce soin sur Calclias nie repose.
(Rac, Iphig., acl. 1, se. ii, 4î.)
Repodssant, Repoussame. Adj. verbal, tire du
V. repousser. On peut le mettre avant son subst.
Féraud dit (ju'il doit toujours le précéder; c'est
une erreur : Laideur repoussante, cette repous-
sante laideur; manières repoussantes, air re-
poussant. Cette âpre et repoussante rafsow, qui
trouve toujours dans son indifférence pour le
bien public le premier obstacle à ce qui psut le
favoriser. (J.-J. Rousseau).
RÉPRÉHENsiBLE. Adj. dcs dcux gcnrcs. Il se dit
des {jersonnes et des choses, et peut se mettre
avant son subsl., en consultant l'oreiiie et l'ana-
logie ; Un homme répréhensiblc, une femme ré-
préhensible ; une action répréhensible, une con-
duite répréhensiblc, cette répréhensible con-
duite.
Reprendre. V. a. et irrcgulier de la 4"^ conj. Il
se conjugue comme prendre. Voyez ce mot.
Représkmatif, Représentative. Adj. qui ne
se met (ju'après son subst. : Caractère représen-
tatif, gouvernement représentatif.
Rupr.ÉsEMER. V. a. de la 1" conj. L'Académie
dit que ce verbe se prend dans le sens de remon-
trer; mais celte acception ne peut convenir au
sens que lui donne Racine dans les vers suivants.
Ce sens est plutôt faire considérer.
Il me représenta l'honneur et la patrie.
Tout ce peuple, ces mis à mes ordres soumis,
El l'empire d'Asie à la Grèce promis ;
'De quel front, immolant tout l'Etat à ma fille,
Aoi sans gloire, j'irais yieillir dans ma famille.
(/pfti3.,acl. I, se. I, 74.)
RÉPRESSIF, Répressive. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : Lois répressives.
Réprimable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Licence réprimable, cette réprimable
licence, abus rt'primable, ce réprimable abus.
Voyez Adjectif.
Réprijikh. V. a. de la l^'conj. L'Académie ne
dit point réprimer des complots.
Où serais-je aujourd'hui si, domptant ma faiblesse.
Je u'eusse d'une mère élouifc la tendresse;
Si, de mon propre sang ma main, versant des Ilots,
N'eût par ce coup hardi réprimé vos complots f
(Rac, Àth., act. II, se. vu, 107.)
RiipROCHABLE. Adj. dcs deux genres. Il ne se
met guère qu'après son subst. : section repro-
chuhle, conduite reprochable. '■ — Témoin repro-
chdhli'.^ témoignage reprochable .
aÉPRODVER. V. a. de la l'^ conj. Racioe a dit
(Bujazet, act. I, se. i, 65) :
RES
Ne doulei point q:e, liors dosa disgrîce,
A la haine bienlùt ils ne joignent l'audace.
Et n'expliquent, seigneur, la perte du combat
Comme un arri!t du ciel qui réprouva Amurat.
Deliile a dit dans le même sens {Enéide, VII,
800):
Tous Teulenl des combats réprouvés par li'S dieux.
RÉPUBLICAIN, Républicaine. Adj. On peut le
Illettré avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Gouvernement républicain , forme
républicain)', esprit républicain, maximes répxi-
blicaines, institutions républicaines, ces répu-
blicaines institutions. Yo^ez Adjetif
RÉPUTATins. Subst. f. fiéputatinn, sat)S épi-
thèle, se prend toujours en bonne part : Etre en
n'pulatian, avoir de la réputaUon.
Reqdérir. V. a. et irrégulier de la 2"^ conj. 11
se conjugue comme acquérir. Voyez ce mot.
Reqdinquer (se). V. pronom. Il se dit des
vieillesqui se parent plus qu'il ne convient à leur
âge : C'est une vieille qui se requinque. Il se dit
aussi en général de tous ceux qui se |)arent d'une
manière affectée. {Acad.) Voltaire l'a employé
dans un sens figuré :
Mais je ne suis point requinqué
Par un succès si désirable.
(Épttre à il. Falkener, en tête de Zaïre.]
RÉSIDER. V. n.de lal^econj. L'Académie dit :
Toute l'autorité réside dans la personne d'un
tel. Racine a dit [Athalie, act. IV, se. ni, 36) :
Songez qu'en cet enfant tout Israël réside.
RÉSINEUX, RÉSINEUSE. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Arbre résineux, substance rési-
neuse,
RÉsoLiMENT. Adv. Ou pcut quclquefois le
mettre entre l'auxiliaire et le participe : Il a re-
po/idî/, résolument qu'il nen ferait rien, ou il a
résolument répondu qu'il n'en ferait tien. On le
met aussi au commencement de la phrase : Réso-
lument, je n'en ferairien.
RÉSONNANT, Résonnante. Adj. verbal tiré du
V. résonner. Il ne se met qu après son subst. :
Une voûte résonnante, une église résonnante.
Résonner. V. n. de la 1"^ conj. Ce mot, au
[iropre, s'emploie bien dans le style noble:
I.a voix d'Énée encor résonne à son oreille.
(Delil., Énéid., IV, 7.)
Là des Cers escadrons le rapide tonnerre
Sous des coursiers poudreux fait résonner la terre.
(Idem, VU, 865.;
RÉSOUDRE. V. a. et irrégulier de la 4« conj
Voici comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je résous, tu résous, il
résout; nous résolvons, vous résolvez, ils résol-
vent. — Imparfait. Je résolvais, tu résolvais, i!
résolvait; nous résolvions, vous résolviez, ils ré-
solvaient. — Passé simple. Je résolus, tu résolus,
il résolut; nous résolijmes, vous résolûtes, ils ré-
solurent — Futur. Je résoudrai, tu résoudras,
il résoudra; nous résoudrons, vous résoudrez,
ils résoudront.
Conditionnnel. — /'/•Me/i^ Je résoudrais, tu
résoudrais, il résoudrait; nous résoudrions, vous
résoudriez, ils résoudraient
RES
Im[)oratif. — Présent. Kcsous, qu'il nisolve;
résolvons, lésolvez, (lu'ils résolvent.
Subjonctif. — Présent. Que je résolve, que tu
résolves, qu'il résolve; que nous résolvions, (|ue
vous résolviez, qu'ils rcsulvent. — Imparfait.
Que je résolusse, que lu résolusses, qu'il résolût;
que nous résolussions, que vous résolussiez,
qu'ils résolussent.
Farticipc. — Présent. Résolvant. — Passé.
Résolu, résolue.
Les temps composés se forment avec l'auxiliaire
avoir.
Diins le sens de décider, de terminer, déter-
miner, on emploie le participe passé résolu, réso-
lue : Il a résolu de partir; et dans le sens de
changer, se convertir en quelque autre chose, on
se sert du partici|)e passé résous: Le srleil a ré-
sous le briinillard en pluie. Le participe résous
n'a point de féminin.
La reine, au désespoir de ne rien obtenir,
Sff résout de se perdre ou de le prévenir.
(Corn., Rodog., act. I, se. vi, 43.)
Se résout de se perdre, dit Voltaire, est im so-
lécisme. Je me résous à, je résous de. Il s'est
résolu à mnui-ir. //e.y< résolu de mourir. (Bewar-
ques sur Corneille.)
Voltaire trouve dans Corneille une faute (]ue,
selon ses principes, il a faite lui-même :
C'est un breuvage affreux, plein d'amertume.
Que, dans l'excès du mal qui me consume.
Je m» rctaua de prendre malgré moi.
(En/-, frod., act. IV, se. Ji, 30.)
Mais je pens» qu'on peut dire, suivant les cas,
se résoudre à, se résoudre de. On dit se résoudre
de, lorsque l'action exprimée parleverhe suivant
doit se pa?s»<r dans le sujet même. // s'est résolu
de souffrir, il s'est résolu de prendre un breu-
vage, il s'est résolu de mourir; et si cette obser-
vation est jusîe. Voltaire a pu dire, c'est un breu-
vage que je me résous de prendre. Mais quand
l'action exprimée par le verbe doit se passer hors
du sujet, ]e pense qu'alors il faut employer la
préposition «, parce que résoudre exprime une
tendance à un but : // s'est résolu à partir ; il s'est
résolu à marcher contre l'ennemi, .\insi Corneille
a fait une faute en disant, la reine se résout de
se perdre, ou de le prévenir, parce qu'il est ques-
tion ici d'actions qui doivent se passer hors d'elle.
Respect. Subst. m. Le ^ne se prononce jamais.
RK6PECTABI.E. Adj. dcs dcux genres. On jjcut
le mettre avant sou subst., lorsipie l'analogie et
rharmouiele j)ermottenl : Un homme respectable,
une femme respectable, un ministère respectable,
ce respectable viinistère, ce respectable vieil-
lard. Voyeï Adjectif.
Il régU (luehpiefois la préposition par : Un
homme respectable \iW ses vertus . Un vieillard
respectacle parso« âge. Un monument Tes\)cc{a-
ble par so« ancienneté. — On dit aussi, rien
nest plus respectable pour inoi, rien n est plus
respectable à mes yeux que la vertu malheu-
reuse.
Respectif, Respective. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Leurs demandes respectives, leurs res-
pectives demandes; leurs prétentions respectives,
leurs respectives prétentions. XoyGZ Aljectif.
Respectivement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le pariicijke : Ils ont présenté res-
RES
625
pectivement leurs requêtes, ou ils ont rcsi)ecti-
vement présenté leurs requêtes; ils seront res-
pectivement maintenus dans leurs droits.
Respf.ctdeusement, Adv.Oni)eutle niettreentre
l'auxiliaire et le parlicijje : // s'est avancé respec-
tueusement, ou il s'est respectueusement avancé.
Respectueux, Respectueuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., lorsipic l'analoi-'ie et
riiarmonie le permellont : Un homme respec-
tueux, un enfant respectueux, un air respec-
tueux, des manières respectueuses, des saluta-
tions respectueuses,c('s respectueuses salutations.
Voyez Adjectif.
Respirant, RESPinANTE. Adj. verbal tiré du v.
respirer. On ne le trouve point dans le Diction-
naire de l'Académie, mais on le trouve dans
Voltaire [Heur. II, 2S1J :
Sanglants, percés de coups, et respirant» h. peine.
Jusqu'aux portes du Louvre on les pousse, oa les train*.
Respirer. V. a et n. de la 1" conj. On dit
respirer l'air; et les poëtcs ont dit respirer l»
jour, pour dire vivre.
.le reçus et je vis le jour que je respire.
(Ric, Iphig., act. II, se. I, 3t.)
Quoi ! TOUS à qui Néron doit le jour qu'il re$pire.
(RaC, Britan., act. I, se. I, 15.)
Celte expression a été relevée par quelques
critiques (jui ont prétendu (ju'on ne respire pas
le jour. Mais le jour n'est pourtant que de l'air
éclairé; et si l'on respire l'air pendant le jour,
pourquoi les poêles ne pourraient-ils jias dire
qu'o?t respire le jour'? On dit bien respirer la
fraîcheur, et la fraicheur n'est autre chose que
de l'air frais, comme le jour est de l'air éclairé.
Énée, en ce moment, couvert d'épais rameaux.
Respirant la fratcheur et de l'omljre et des eaax.
(Dblil., Énéid., VIII, 883.)
Féraud et Fréron veulent bien que l'on dise, au
pro[)rc, (ju'wn homme respire l'air, et ils ne veu-
lent pas souffrir qu'on dise d'un homme, au fi-
guré, (pi'il respire quelque cho.se. Ainsi, selon
eux, il ne faut pas dire qn'un homme respire la
tendresse, qu'il respire la r/râcc, etc. Nous avons
contre ces deux critiques, Voltaire et Delille;
c'est assez, je crois, pour faire pencher la balance.
Je t'écris aujourd'hui, voluptueux Horace,
A toi qui respiras la mollesse et In grdce.
(A'OLT., Épttre eu, 7.)
Il s'agite, il refpiro une rage insensée.
(Dbul., Énéid., VII, 626.)
Eu ce sens, on l'emploie souvent avec la néga-
tive suivie de qtie: Il ne respireque les plaisirs;
vn tyran ne respire que le sang et le carnage;
un usurier ne respireque gain; un homme ou-
tragé nerespireque lavengeance.>iVe\il-élre, dit
D'Olivet dans ses Remarques sur Racine, cette
manière de n'employer respirer qu'avec la néga-
tive, paraîtra-t-elle une bizarrcrii^ ; néanmoins il
faut'l'appeler une délicatesse, une finesse, ^ui est
dénature à ne pouvoir se trouA-erijue dans une
lansue extrêmement culiivée.../Je5/)ire)-, lorsqu'il
est 'employé sans la négative, a communément
une autre signification. Tout respire ici la piété,
624
RES
signiGe, non pas que tout désire ici la piété, maie
qûeloul donne ici des marques de piété. »
Il f;iut conclure de tout ceci que l'un p«ul dire
également, il respire la vengeance, et ii ne res-
pire que vengeance. La première phrase signifie
que la vengeance est l'objet de ses désirs, et la
seconde, que ce désir est porté à un si haut itoint
(|u'il absorbe tous les autres, el que l'homme
dont on le dit sairifierail tout pour se venger.
Respirer signifie figurément, |)rendre quelque
relâche, avoir (luelque relâche après de grandes
I)eines, après un travail pénible; on dit en ce
sens, respirer de quelque chose : Laissez-les TCS-
pirer de leur accablement. (Massillon.)
Il respirait enfin du tumulte des armes.
[Dblil., Éneïd., YIII, 13.)
Resplendir. V. n. de la 2' conj. Il n'est que
du style soutenu.
Là, sur de longs cuissards, l'argent pnr retplendit.
(Delil., Éndid., VII, 880.)
Resplekdissant, Resplendissante. Adj. verbal
tiré du V. resplendir, Il ne se met qu'après son
subst. : Le soleil resplendissant, les étoiles res-
plendissantes. Un guerrier resplendissant de
l'éclat de ses armes.
Responsable. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : // est responsable des
fautes de ses domestiques. Il est responsable à
Dieu, aux hommes, d soi-même. — Un fonc-
tionnaire responsable, vn commis responsable.
On dit aussi être responsable envers Dieu,
QïWCTi quelqu'un.
Ressemblant, Ressemblante. Adj. verbal tiré
du V. ressembler. Il ne se met qu'après son subst. :
Portrait ressemblant, deux personnes ressem-
blantes.
Ressentiment. Subst. m. Ce mot se disait au-
trefois pour reconnaissance, et on le trouve, dans
Racine, employé en ce sens [Bérénice, act. II,
:c. iv,3):
Tandis qu'autour de moi votre cour assemblée
Retentit des bienfaits dont tous m'avez comblée,
Est-il juste, seigneur, que, seule en ce moment.
Je demeure sans voix et sans reeeentiment ?
Ce mot ne se dit plus aujourd'hui que pour ex-
primer le souvenir des outrages.
Ressentii\. V. a. et irrégulier de la 2^ conj. Il
se conjugue comme sentir. \ oyez Irréçulier.
Selon Buuhours, ressentir se prend en bonne
el en mauvaise part : Je ressens le plaisir qu'il
VI a fait, l'injure qu'il m'a faite; mais 56 re*-
sentir ne se prend qu'en mauvaise part : Je me
ressens de l'injure, deV injustice qu'il ma faite,
et non pas, je me ressens du plaisir quil m'a
fuit. — On ne fait plus cette distinction aujour-
d'hui , et ressentir et se ressentir se i)rennent
également en bonne et en mauvaise part : Je res-
sens les obligations que je vous ai; je ressens
vivement cette injure; \\ se ressent rfe.s dérégle-
vients de sa jeunesse ; il se ressent des bienfaits
du roi.
Ressort. Subst. m. Ce mot s'emploie souvent
au figuré dans le style noble :
P»ur TOUS perdre, il n'est point de. reBtort qu'il n'invente.
(Ric, Àth., act. I, se. I, 45.)
Tu sais combien, terrible en ses soudains transports,
D« DOS desseins souvent il rompt tous (« '•etsorti.
(Hac, Etth., act. III, se. l, 147.)
RES
Ressortir. V. a. et irrégulier de la 2' conj.
Dans le sens de sortir après éire entré, <iu sortir
une seconde fois après être déjà sorti, il su con-
jugue comme sentir. Voyez Irrégulier. — Dans
le sens de èlre de la dépendance de quelque
juridiction, il se conjugue comme emplir. Voyez
Conjugaison ■
Ressouvenir. Subst. m. Voltaire a dit ■
/jMioufenir affreux dont l'horreur me dévor».
(Zaïr», act. II, s', i, 95.)
De quel ressouvenir mon âme est déchirée.
(Jdem, se. m, 80.)
Ressouvenir (se) V. pronom. Il se conjugue
comme venir. Autrefois se ressouvenir se disait
pour considérer, et Vaugelas l'approuvait. Ses-
soldats voyant ce triste spectacle, et se ressou-
venant qu'ils n'avaient plus de chef. Ce chef
venait d'être tué. C'était donc considérant qu'il
fallait dire. Quoique l'Académie dise que ce verbe
s'emploie pour dire, considérer, faire attention,
fcTire réflexion, on peut assurer que l'usage actuel
repousse cette acception. 11 serait ridicule au-
jourd'hui de dire à un honnne malade qui veut
faire un ouvrage pénible, ressouvenez-vous que
vous êtes maZarfe, au lieu de lui dire, cojisidérez
que vous êtes malade. Voyez se souvenir.
Restant, Restante. Adj. verbal tiré du \crbc
rester. Il ne se met qu'après son subst. : Le seul
enfant rtstant, le seul héritier restant, la somme
restante.
Restadeant, Restaurante. Adj. verbal tiré du
V. restaurer. Il ne se met qu'après son subst. :
Remède restaurant, potion restaurante, aliments
restaurants.
Restaurateur. Subst. m. Qui répare, qui réta-
blit. Il fait au féminin restauratrice. Bossuet a
dit : Nous pouvons l'appeler la restauratrice de
la règle de saint Benoît,
Reste. Au reste, dit Voltaire, signifie quant à
ce qui reste. Il ne s'eniploie que pour les choses
dont on a déjà parlé, et dont on a omis quelque
point dont on veut traiter. Mais quand on passe
d'un sujet à un autre, il faut cependant, ou quel-
que autre transition. [Remarques sur le Cid,
act. II, se. VI, 52.)
Et s'il l'aima jadis, il estime aujourd'hui
Les restes d'un rival trop indignes de lui.
(CoBPj., Pol., act. Y, se. 1, 7.
Les restes, dit Voltaire à l'occasion de ce vers,
est une expression toujours déshonnétc et du dis-
cours familier. [Remarques sur Corneille.)
Du reste. On emploie cette expression au lieu
d'aw reste, quand ce qui suit n'est pas dans le
genre même de ce qui précède, et (ju'dn'y a pas
une relation essentielle : Cet homme est bizarre,
emporté; du reste, brave et intrépide. Il est ca
pricieux ; du reste, honnête homme.
Rester. V. n. de la !'« conj. Ce verbe prend
l'auxiliaire avoir, si l'on veut faire entendre que
le sujet n'est plus au lieu dont on parle, qu'il n'y
était plus, ou qu'il n'y sera plus à l'cpoiiue dont
il s'agit : Il a testé deux jours à l.you ; j'ai
resté sept m<iis à Colniar, sans sortir de ma
chambre. (Voltaire). lia resté longtemps en che-
min. Mais si l'on veut faire entendre que le sujet
«st enccreaulieu dont ilest question, qu'ily était
ou qu'il y sera à l'époque dont il s'agit, alors
rester prend l'auxiliaire être : Il est resté à
Lyon, et nous avons continué notre route.
RÉT
n est resté en Amérique, il n'en est pas re-
venu. '
On demande s'il faut direz7 ne lui a resté que
l espérance, ou Une lui est resté que l'espérance
Je pense qu on peut dire l'un ou l'aulrc; suivant
les cas. Si je veux parler du moment où un liomuie
a tout perdu, excepté l'espéranec, je dirai, il ne
lui -A reste que l'espérance; mais si je veu\ parler
de letat bal.ituel d'un homme qui a tout perdu
excepte 1 espérance, je dirai, il ne lui est resté que
i espérance Rume depuis deux ans, il ne lui est
reste que espérance. Ce verbe régit queitpiefois
la piepositiou a, comme dans ce vers de Voltaire :
Henri te reitt à vaincre après tant de guerriers.
{H^nr., IX, 95.)
,,. ^J-^s.""^"-."^'; n. de la 1" conj. Il ne se dit qu'à
liunnilil et a la troisième personne des autres
temps. L Académie dit (pi'il se conjugue avec le '
verbe avuir et avec le verbe être : Qu'a-t-il ré- |
suite de là ? qu'en est-il résulté? mais elle no dit
pas dans quel cas on doit préférer l'un à l'aulre
— Je pense qu'il faut employer l'auxiliaire avoir
quand il est question d'un résultat qui s'oiiére
qui commence, et dont on veut maniucr le com-
mencement : rous avez été témoin de leurs diffé-
rends, de leurs querelles, et vous avez vu ce md
en ^résulté; mais sil s'agit d'un résultat d.'ià
existant, et dont on ne vent exprimer que l'exi- '
stence, il f;mt préférer l'auxiliaire être: Rappelé -
VOU-. nos querelles, nos dissensions, et vouez "ce
qui en est résulté.
Rétablir \. a. de la 2e conj. Il signifie re-
mettre en bon état, en meilleur état, une chose
«pu a ele altérée ou ruinée. Ainsi, la|.hrase sui-
vante, qui est de Vaugelas, n'esl pas correcte :J(tc
un renfort considérable, il marcha pour rétablir
le desordre des provinces révoltées. L'Académie -i
décide que cea l'ordre qu'on rétablit, et non pas
le desordre, et que par conséquent il fallait dire
avec vn renfort considérable , il marcha pour
retabhr l'ordre. ^
Retenir. V. a. et irrégulier de la 2-^ conj. Il se
conjugue comme tenir. Voyez Irrégulier
Autrefois on employait retenir au lieu à'emvê-
cher. Une discipline si sainte devait 1rs retenir
de rien avancer contre, etc. (Bossuet.) Un si
grand exemple a toujours retenu les personnes i
sages de s'engager au ministère des autels A
retenu de s'engager n'est pas correct, dit M de
WaïUy ; dites, a empêché de s'engager
RETENT.n. V n. de la 2e conj. Voltaire a dit
dans Mahomet (act. II, se. ii, 27) •
RET
«^5
i notion n'est pas exacte, et ce tour oratoire s'an
! ^^T^^'^^'P^-'^rition, onpréterndssul
y vyc/. /^retentio7i.
I di,'"^ w"""/'"- 7- "• '^'^ '^ ^" ^«"i- I-'Aoadé«ie
du retomber dans; mais elle ne dit pas que ce
I ^flJcrega aussi .pielquofois la préposition d. On
rinlinl fn r;^ ^'T""'' '-''"'"b^r a la renverse.
Delille a dit [Enéide, lll, 776) :
Les vagues quelquefois nous po.ienl sur leur faiie.
^ous poussent vers les cieux, et des voùles des air.
Metombcnt avec nous au gouffre des enfers.
Cette e-xpression peut passer en vers; mais elle ne
serait pas régulière en prose; on tombe dans lui
gouffre, on ne tombe pas à un gouffre.
Retors, Retorse. Adj. qui ne se met ou'après
sonsiibst. : Du fd retors, de ht soie retorse.
Retocr. Sul.sl. m. Voici (luehpics acceptions
de et aot qui ne sont point indiquées dans !e
Dictionnaire de l'Acadéiuic, ou «lui le sont d'une
inanicie pou satisfaisante :
E'> dés le premier jour,
Sans pitié le condamne, et même sans retour.
(Volt., flndisc, act. I, se. i, 11.)
Or. a vu plus d'un roi, par un triste retour.
Vainqueur dans les combats, esclave dans sa ceur.
(Volt., llenr., III, 49.)
Il se faisait aimer des grands qu'il haïssait;
Ternbe et sans retour alors qu'il offensait.
[Idem, III, 81.)
Nous faisons retentir à ce peuple a-'ilé
Les noms sacres de Dieu, de paii, d°e liberté.
L'Académie ne donne point d'exemple de ce tour
Réticence. Subst. f. Figure de rhétorique par
laquelle l'orateur s'interrompt lui-mémcau milieu
de son discours, et, ne poursuivant point le pro-
pos qu il a commencé, jwsse a d'autres choses
de sorte néanmoins que ce qu'il a dit fasse sulfi-
samment enteudre ce qu'il voulait dire, et que
l auditeur le supplée aisément. Voyez Interrlp-
D'autres ajipellent aussi réticence une fisure
par laquelle on fait mention dune chose indi'rec-
tement, en même temps que l'on assure -me Ion
s abstiendra d'en parler. Par exemple, sansparl^^l
de la noblesse de ses ancêtres, ni de la ara n-
Oeur de son courage, je me bornerai a vous en-
■Iretenir de la pureté de ses mœurs. Mais cette
Retourner. V. a. et n. de la 1" coni. Aller
de nouv-eau dans un lieu. — Avec la' signi-
licidion de renvoyer, c'est un barbarisme, boau-
coiip trop commun malheureusement en style
ii™"'*^^- '^*'^'- '^'■*''- ^'^ langage vicieux, Paris'
Ibéo.) '
Retracer. V. a. de la 1« conj. L'Académie
deanit ce mot, tracer de nouveau, ou d'une ma-
nière nouvelle; et, au liïuré, raconter les choses
passées et connues, en renouveler la mémoire les
, décrire. On ne peut guère appliquer ces défini-
I lions au sens que Racine donne à ce mot dans les
I vers suivants [Athalie, act. I, se. i, 45) :
D'adorateurs zélés à peine un petit nombre
I Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre.
Retraire. V. a. et irrégulier de la 4e coni II
se conjugue comme traire. Voyez ce mot
Retraite Subst. f. Racine a dit dans Àlithri-
date (act. III, se. I, 157) :
Tout vaincu que vous êtes,
La guerre, les périls sont vos seules retrattet.
Retraite est mis là pour ressource, car la guerre
ne petit être la retraite de personne, mais elle est
tres-bien la ressource d'un prince habile qui sait
mettre ses perles à profit. (Luncau de BoiMer-
main.) '■•
Retranchement. Subst. m. Terme de gram-
maire française. Action de retrancher, de suppri-
mer certains mois dans une phrase, pour rendre
le discours plus vif. Il y a des retrunchemcniH
vicieux et des retranchements éléeants.
La matière qu'on traite demande <iuelquefois
un style vif et concis; mais il ne faut pas pour
cela supprimer ce qui est absolument nécessaire.
Kiemples: Ce desir ardent aveclequelleshom,n»ii
40
«âî6
RÉO
herchent un nhjet qu'ils pâtissent aimer et en [
être aim^s, rient de la corruption du cœvr ; il '
falWiit dire, qu'ils puissent aime' et dont ils puis- j
sent être ainiés. Je ne puis assvrer quand je j
j^ar tuai d'ici ; si dans un mois, dans de us, ou •
ietis trais. W fallait dire, si ce sera dans un 1
mois, dans deux, elc.
Mais s'il y a des relranchemenls vicieux, il y
en a d'autres ijui jonl fort élégants, et (jui oon- i
tribuent beaucoup a la force et à la beauté du
discours. F.ii vnici (]ucl<|ucs exemples : Citoyens,
ttranqers, ennemis, peuples, rois, empereurs,
le plaignent et le révèrent; ce passage devien-
drait faible, si l'on disait, les citoyens, les clran-
pers, les en.nemis, les peuples, les rais, les em-
pereurs le plaignent et le révèrent. Voici un
exemple tiré du discours iine Racine prononça à
l'Académie française, le jour de la réception de
Thomas Corneille : « f^oxis savez en quel état se
trouvait la scène française lorsque M. Corneille
com.mença à travailler ; quel désordre, quelles ir-
régtilarités! Nul g( ût, nulle commis sa nce des vé-
ritables beautés du thcâtre ; les auteurs nussi
ignorant s queles spectateurs ;la plupart des sujets
extravagants et demies de vraisemblance ; point
de mœurs, pi int de caractères; la diction encore
plus vicieuse que l'action ... en un mot, toutes les
règles de l'art, celles de l'honnêteté et de la bien-
séance, partout violées. » L'auteur a retranché
de cette période plusieurs mots qu'un autre
auteur moins éloquent n'aurait pas manqué d'y
mettre. Sj latiniu . dit M. de Saint-Evreinoni,
en parlant de Sénètiue, n'arien de celh; du temps
d'Auguste, rien de facile, rien de naturel ; toutes
pointes, toutes imaginations qui sentent jAus la
chaleur d'Afrique ou d'Espagne que la lumière de
Grèce ou d'Italie. Ce serait gâter cet exemple
que de dii'e, n'a rien de facile, n'a rien de na-
turel; ce ne sont que des pointes, ce ne sont que
des imaginations, etc.
Il est souvent à propos de retrancher les et ;
en voici un exemile de Mascaron dans son Orai-
son funèhreûc M. de Tuieaue(l''«parl,) ; « Comme
onvoii la foudre conçue presqu' en vn morne ni dans
le sein de la nue, briller, éclater, frapper, abattre;
ces premiers feux d'une ardeur militaire sont à
peine allumés dans le cœur du roi, qu'ils brillent,
éclate.it, frappent partout. » Lorsque le sujet
qu'on traite demande du feu et du mouvement,
les périodes coupées ont bonne grâce, et il est
élégant de retrancher desmo.ts et des liaisons inu-
tiles, pour donner de la force et du brillant au
discours. {Encyclopédie.)
Retra>chf.r. V, a. de la 1" conj. Diminuer,
ôler queli",ue chose d'un tout. En ce s«ns il
régit la préoosition de : Retrancher d'un arbre
les branches superflues. Mais lorsqu'il signilie
priver quelqu'un de quelque chtjse, il régit la
préposition d : On lui a retranché la moitié de
ta pension. Les médecins ont retranché le vin à
M Tnalade.
Rétroactif, Rétboactive. Adj. qui ne se met
qu'après son subsl. : Eff^et rétroactif.
* Retuer. V. a. de la !'« conj. Mot inusité,
expression de circonstance qui ne peut être em-
ployée que dans des cas très-rares. Voltaire a
dit : Souvenez-vous que Jéhova fit pleuvoir des
pierres sur les Amorrhéens, dans le themin de
Béthnron, et les tua avant d'arrêter le soleil et
la lune, pour avoir tout le temps de les rctu<'r
tandis que le mouvement de ces astres était sus-
%^&tfdu.
RéBSSTB. V, n. de la 2' conj On le fait mainte-
RÉV
nanl actif dans certaines acceptions: Mal réussir
«/« tableau, une composition, vn ouvrage. Un ta-
bleau qui a réussi ai celui qui a plu au public
et aux connaisseurs; un tableau «jui est réussi
est celui dont l'exécution a répondu à la pensée,
à l'intention du peintre. J'emprunte ces exemples
à la peinture, parce que c'est ici en effet de l'ar-
got de peinture; mais conunc il n'est [)oinl de
langue s[)éci;ilc qui tienne plus de pl;i'e dans le
Dictionnaire des salons, il y a lieu de craindre
que ce solécisme ne gagne du terrain, et qu'on
ne di>e avant peu réussir un projet, réussir une
entreprise, les arts et les métiers ont recours à
ceitains nidts de convention pour exprimer des
nuances d'idées qui leur sont propres; mais ce
serait une faute irrémédiable (jue d'en souffrir
l'introduction dans la langue écrite, (Ch, ^'odier,
Examen crit. des Dict.)
I\éussite, Subst. f, Bouliours prétend que ce
mol ne se dit que des ouvrages d'esprit : Je vous
réponds de la réussite de votre livre. Pour les
armes et la négociation, dil-il, on dit plutôt suc-
cès. La signifiiaiion de ce mot est beaucoup plus
étendue aujourd'hui. La réussite est proprement
uu succès final et une issue prospère. C'est un
terme simple et modeste; il se dit à l'égard des
affaires, des entreprises, des événements et des
succès coimûui. s, ordinaires. Succès s'app!i(iuc à
toutes sortes d'objets et de choses. L(( rie est
mille fuis plus heureuse par des réussites ordi-
naires que par des succès brillants, l.a pru-
dence domestique ne cherche que les réussites.
Les armes promirent des succès glorieux. 11 y a
divers succès, divers événements successifs, jus-
qu'à la réussite, qui est le dernier événement et
le succès décisif.
JRevancheb. V. a. de la 1" conj.
Four nou.K en revancher conservez ma mùmoire.
^Coni»., Cid, ad. V, se. vu, 26.)
Le mot de revancher, dit Voltaire, est bas; ou
dirait aujourd'hui, pour -n'en récompenser. [Re-
marojues sur Corneille.)
RÊVASSEUR. Subst, m. Voltaire l'a dit de Des-
cartes, en plaisantant : Quand cela sera fait, vout
aurez votre sublime rêvasse ur René (Descai-tes).
[^Correspondance ^.
Revécue. Adj. des doux genres : Poires re-
vêches, vin revêche. — Un homme revcche, un«
femme revcche; humeur revêche, caractère re-
vêche. On peut le mettre avant son subsi., en
consultant l'oreille et l'analogie : Celte revéck*
huineur.
Révkille-matih. Subst. m. Il fait au pluriel des
réveille-matin. Voyez Composé.
Réveiller, V, a, de la i" conj. La particule
ré, qui entre dans la composition de réveiller,
marque réitération , redoublement d'action, et
suppose, ou que la personne s'était rend«irmie,
ou (ju'elle était plongée dans un profond som-
meil. Tl ne dormait pas profondement, je l'ai
éveillé ; il dormait profondément, je l'ai réveille ;
y» i'ni éveillé d la pointe du jour', il s'est ren-
dormi, et je l'ai réveillé; ^e l'ai réveillé au mi-
lieu de la ?iuit.
Oui, c'est Agameranon, c'est ton roi qui l'éveille.
(■Rac, fphig-, ïct. I, se. I, J.)
La différence entre éveiller et réveiller se re-
marque surtout au figuré ; Eveiller les passions,
c'est exciter les passions qui ne se =ont point eo*
RÉV
oore montrées. JtéreiUer les passions, c'est les
exciter de nouveau lorsqu'elles sont assoupies.
RHY
627
Sous la cundre réveillt
i^s rasles assoupis dus (lainnies de la yeille.. ..
(Delil., Énèide, YHI, 773.)
Et réveillant la foi dans les cœurs endormie
(RiC, Ath., acl. IV, se. m, 43.)
Cent même dont la gloire aigrit l'ambition,
RéteUUront leur brigue et leur prétention....
{RiC, Iphij., acl. I, se. I, 139.)
Qael espoir séduisant dans mon ceear se r«t>eiH» .'
(Volt., OEd., acl. I, se. i, 24.)
Valcis se réveilla du sein de son ivresse.
(Volt., ncnr., III, 99.)
Révéier. V. a. de la l^e conj. L'acception sui-
mr L" ''"? ^'^" '"'l'qi'"C prir la .lélinilion ni
pai les exemples que donne l'Académie :
Elle marche, et son port révèle une déesse.
(Dklil., É)iéid., I, 55S.)
Bevenant, Revenante. Adj. verbal tiré du v
nr^r? ^? I'''"'- T"' '•evient. Il ne se met qu'a-
près Sun su bsi. : Un air revenant, une phLo-
nomte revenante. ^ ^
Bêver, V. n. de la 1" conj.
Bl ce cœur, t.inl de fois dans la guerre éprouvé,
* «'arme d un péril qu'une femme a rêvé.
(CoR?î., Vol., acl. I, se. 1,3.)
Le mot de rêver dit Voltaire, est devenu trop
corneille, (liemarqmssur CorveAUe.)— On peut
remarquer aussi .jue, dans ces vers de Corne lie
rêver esl pris dans le sens actif, et qu'on le prend
encore quol.,uefois dans ce sens. On d^" loMce
qtie j „t rêvé, pour dire voila le rêve' que iai
fait ; mais on ne dirait pas/ai rêvé unpSi ^
fiE\ETi.i. V. a. et irrcgulierdela 2" coni Use
conjugue comme vêtir. •'■
Voltaire a dit [Henr., IV, 193) :
Leur from d'un vain éclat n'était point revêtu.
Ce mol semble ici un peu trop éloigné de sa si-
gnification primitive. s ue sa si
Revivbe. V. n. et iriégulier de la 4* coni II se
conjugue comme vivre. Voyez ce mot
Révocable. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu a|>res son subst. : Une procuration révocable
une commission revocaUe. '
Revoir. V. a. et irr-gulier de la 3* coni. Il se
conj. comme voir. Voyez ce mot. — Au revoir-
dans cette locution, revoir est employé substanti-
vement On dit au revoir, par ellipse, pour «„
iplaisir de vous; revoir : ' ^
Suflit. Adieu, inuses; jusqu'au revoir.
(J.-B. Rouss., liv. I, Épitre i.)
Jusqu'au revoir.
(Destolches, Glorieux, acl. I, .se. u, 89.)
WonlT P'^ ^^"'■'^"d'-e cette phrase avec la locu-
■àîfp^in^nr'' ?"* ""^ '^ ^^••^ PO'"" t'ire q>''il nmt
îfôn H'„ "■' '''™^" •^'"" *'ompie, d'une ciia-
&i r"'"- '''■ '■ .^ '^'^ de chacjue article
RÉvo.r ":;:""P^'f^^ir,.is : à revoir. (Acad.)
REVOLTANT, Révoltante Adj. verbal tiré du v.
révolter. Il se met quelquefois avant son subst, .
t^roçede révoltant, proposition révoltante, absur-
dité révoltante, idée révoltante. — Cette révol-
tante tdee, cette révoltante absurdité.
RiiAiiii i.A(;r, rxiiABiLi.ER. Dans ces deux inolfi
on mouille l«s /.
Rhétorique. Subst. f. Art de parler sur quel-
que sujet (lue ce soit avec éloquence et avec
orce. I.a rhétorique est à l'éloquence ce que la
tneorieest à la praiique, (ui comme la poétiq,;e
est a la poésie. Le rhéteur proscrit des régies d'é-
loquence, l'oralcur ou l'homme éloquent luit
usage de ces règles pour bien parler; aussi l.i
rhétorique est-ello appelée l'art de parler, cl
ses règles, re;jles de l' éloquence. Il est vrai, dit
«jumlilien, (pie, sans le secours de la nature, ces
I préceptes ou règles ne iont d'aucun usage; mais
'I est vrai aussi (pi'ils l'aident et 1:; fortifient beau-
TOup, en lui servant de guides; ces préceptes ne
sont autre chose que des observations qu'on a
I laites sur ce(iu'ily avait de beau ou de défectueux
(^.;ms les discours qu'on eniendait; car, comme le
(lit Ciccron, l'éloquence n'est point née de l'art,
mais l'art est né de l'éloquence; ces rélWious,
mises par ordre, ont formé ce (ju'on appelle rhé-
torique.
RncM. Si/bst. m. On prononce rom en faisant
sentir le m.
RiiYTH.ME. Subst. m. Ce mot se prend iiour
nombre ou cadence. 11 consiste propiemenl dans
la mesure el le mouvement. Le rhylhme convient
plus particulièrement à la poésie; mais la prosea
jiussi le sien. Fn poésie, le choix du rliytliine est
important. Tel "liylhme convient à un genre de
sentiment, qui ne convient pas un autre. Les vers
(le douze syllabes sont ceux qui ont le plus d'har-
monie et de majesté; on les emploie dans les
poèmes héroïques, dans les tragédies, les conié-
uics, leséglngues, les élégies, et autres pièces sé-
rieuses et de longue haleine. Les petitscommc les
grands vers entrent dans la composition des ou-
vrages en vers libres; cependant il n'y a cuére
que la rwcsie lyii(p:e et la fable qui admeucut le.',
vers de deux ou trois syllabes. On [leul remar-
quer, pour peu qu'on ail l'oreille seiisililc, ([ue
e vers de huit syllabes se mcle tiés-b;cn avec ce-
lui d(; douze, mais jamais le vers de dix syllabes,
qui n est fait que i)our aller seul. On peut re-
marquer dans les stances (jue iMalherbc adresse à
son ami Dupcirier, qui avait perdu sa fille, à peine
au sortir de rcnfance, combien le riivihmo peut
contribuer a l'cxpivssion d'un sentimenl (liv. VI,
Consolation à Ai. Dupéricr, i) :
Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle.
Et les tristes discours
Que te mel en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenlcroût toujours.
Ce petit vers, qui tombe si régulièrement après
e premier, peint si bien l'abattcmenl et la dou-
leur! C'est là le vrai secret de l'harmonie. Il ne
sagit pas de la travailler avec effort, il faut la
choisir avec goût.
Dans la |>rose, le rliythineest, comme dans la
poésie, la mesure et le mouvement. En prose, la
mesure n'est que la longueur ou la brièveté des
phrases, et leur pari.ige en plus ou moins de
membres; et ce mouvement résulte de la quaii-
lile des syllabes dont s. .ni composés les mois. Il
est impossible de prononcer une longue suite de
paroles sans prendre haleine ; quand celui qai
park pourrait y suffire, ceux qui l'écoutentue
IIIC
pourraicnl le supporter. 11 a donc été nécessaire
(le diviser le discours ou plusieurs parties, on y a
inscrc dos icuiscs de jilus ou de moins île dur'éc,
selon qu'il cUiit convenable, et de là s'est formé
ce qu'on peut appeler la mesure de la prose. C'est
le besoin de respirer, c'est la nécessité de donner
de temps en temps quelque relâche à ceux qui
nous écoulent, ijui ont fait jjartaçcr la prose en
plusieurs membres; et ce partagé, perfectionné
par l'art, est devenu une des grandes beautés du
discours.
RiAM, BiA^TE. Adj. verbal tire du v. rire. Il
se met snuvent avant son subst., lorscpie l'har-
monie et l'analogie ne s'y opposent point : Un
visago riant, vue mine riante, une physionomie
ruinic, vu paysage riant, une image riante, une
riante image.
Riche. A«lj. des deux genres. Il précède sou-
vent son subsl. : Un homme riche, une femme
riche, une riche héritière, une riche veuve. —
Un riche mariage, un riche parti. — 11 régit or-
dinairement les pré[)o&itions en et de. Biche en
argent, en terres, en rentes, en bijoux, en pier-
reries. Biche de son patrimoine, des bienfaits
du prince.
Il régit aussi la préposition par. La Bruyère a
employé avec justesse dans la même phrase" celle
préposition et la préposition de. Nos ancêtres....
plus riches par leur économie et par leur mo-
destie, qtia de leurs revenus et de leurs do-
viaines ...
^ RicuEMEKT. Adv. On peut le mettre entre
rau.xiliaiic et le participe : Il est richement
vêtu; il a richonent marié sa fille, ou il a marié
richement sa fille.
RicuEssE. Subst. f. Au singulier, il se dit par-
liculiéicment ou de l'abondance de plusieurs
choses utiles cl précieuses, relativement à lasource
qui les produit : La richesse d'un pays, la ri-
chesse d'une contrée, lu richesse d'une viine; ou
bien ilsedit d'une quantité considérable de biens,
relativement à celui qui les possède :La richesse
de cet homme, la richesse du prince, la richesse
de l'Etat; ou bien, enfin, il se dit d'une quaniilé
considérable de choses précieuses relativement au
lieu qui les contient : La richesse de ce trésor.—
Les richesses, au pluriel, se dit lorsqu'on veut ex-
primer une quantité considérable de biens de di-
verse nature. D'un houune qui possède beaucoup
de biens en porlcfeuilie, ou en bijoux, ou en
œarchandises, je dirai su richesse ; de celui qui
possi'de des palais, des châteaux, des terres, (jui
a des revenus considérables de diverses espèces,
je dirai ses richesses : La richesse de la Bour-
gogne consiste dans ses vins; les richesses de
. In'le consistent dans un grand nombre de pro-
ductions diverses. Les richesses de ce vionde
Signifie les biens divers (jui rendent riche: Jouis-
sons paisiblement des richesses de ce monde, 71e
les cherch')nspas avec avidité.
Louis Racine a dit :
Heureux qui de la sagesse
AUendant tout son secours,
N'a point niis dans la riehefe»
L'espoir du ses derniers jours.
Féraud pense que ce n'est pas une faute en vers,
mais qu'en jirosec'en serait une et qu'il faudrait
'employer le pluriel. Nous pensons que ce n'en est
une ni en vers ni en prose. On peut dire qu'un
homme viet tout son espoir dans la richesse, ou
RIE
qui/ a 7nis tout son espoir dans ses riclusMs..
l'ar la preimére expres-<:o:i , richesse s'entend
dans un sens collectif, cl par la seconde, dans un
sens distributif.
Rideau. Subst. m. On dit ligurément, tirer le
rideau, p<jur dire, découvrir ce (pii est caché; et
tirer le rideau sur, poiw dire, couvrir ce qui
devrait être caché et qui ne 1 est pas. Celle ex-
pression, tirer le rideau, dit ^ ollaire, est un peu
triviale, et ne peut être employée dans le style
noble. [Bemarques sur Bodog., acl. 11, se. 111,
Rider. V. a. de la 1" conj. Il se dit propre-
ment des plis qui se font sur le front, surle visage
et les mains, effet naturel de l'âge, des chagrins,
des maladies. Les poêles le disent au figuré des
légères élévations (|ue forme le vent sur la sur-
face de l'eau :
Le moindre veut qui d'aTenturo
A ridé ta face de l'eau,
(Li. Font., liv. I, fabl. xxu, 4.)
Il faut au moins, pour .«^e mirer dans l'oode,
Laisser calmer la tempête qui gronde,
£t que l'orage et les vents en repos
Ne rident plus la surface des eaux.
(YOLT., Enf. prod., act. II, se. I, 51.)
Ridicule. Adj. des deux genres. On le met
souvent avant son subsl. : Un homme ridicule,
une fevane ridicule, un auteur ridicule, un ri-
dicule auteur ; une action ridicule, une ridicule
action; un ouvrage ridicule, tin ridicule ouvrage.
Voyez Adjectif.
Ridiculement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : // a chanté ridicu-
lement, ou il a ridiculement chanté.
* RiDicuLissiME. ïrès-ridicule. Expression de
circonstance que Voltaire a employée dans le pas-
sage suivant : Les évoques n'ont aucun droit de
s'arroger la qualification de monseigneur, qui
ciiiiiiedit l'humilité dont ils doivent donner
l'exemple. Ils ont eu l'humilité de changer en
monseigneur le titre de révérendissime père on
Dieu, qu'ils avaient porté douze centsans. Pour
Jean-George (évéque du Puy), il n'est assuré-
ment que ridiculissime.
RiDicuLiTÉ. Subst. f. Il ne faut pas confondre
ce mot, dit Mercier, avec celui de ridicule. Ou
(lit fort bien qu'un homme a des ridicules ;ïd.^\s
il fait des ridiculités. Ce mol est peu en usage,
mais on doit s'en servir à l'exemple de Voltaire:
Les ridiculités des sots et des gens d'esprit vien-
nent de ce que les uns veulent toujours passer
pour ce qu'ils ne sont pas, et les autres toujours
pour ce qu'ils sont.
Rien. Les grammairiens mettent ordinairement
ce mot au nombre des pronoms indéfinis. C'est
un nom distributif comme /?e)-5'««e, mais qui ne
se dit que des choses. Vo^'ez pour sa prononcia-
tion l'article iV.
Bien vient du mot latin rem, qui signifie chose.
11 conserve celle signification en français quand
on le met sans négation; et c'est ce qui arrive
dans les phrases (jui nianiuent le doute, l'incerti-
tude ou i'interrogalion, et où ce mol est jMis dans
un sens indéterminé: Je doute que rien vous soit
plus agréablr que sa société, c'est-à-dire qu'il y
ait quelque chose, qu'il y ait une chose qui voua
soit plus agr-able. V a-t-il rien de plus rare
qu'un véritable ami? c'est-à-dire y a-t-il que^
UlE
<jue chose , y a-t-il vue chose qui soit plus
rare? etc. iMais (inaïul on ;ijoulc une iiogatiou à
ficn pris eu ce sens, ou lui t';iit sii;ui(icr la uéga-
rion de loulc chose. // n'y a rien de plus eiti-
viahle que lu rertu , c'cst-à-ilii'C il n^y a point de
choseplus estimable, etc. Il n'a -^ien, c'esl-à-ilire
■i n'a aucune chose.
11 faut ilcmc nocpssairement ajouter /le à rien ,
pour exprimer une idée négative. Cependant il
semble (jue l'usage autorise a supprimer la néga-
Uon dans le sens de nulle cliose, (juand il est em-
ployé avec le verbe compter. On dit, je compte
cela pour rien, et Kacine a dit dans Alhulie
(acl. I, se. II, 62) :
Eh ttfnftez-vous pour rien Dieu ijui combat pour nous?
Mais je pense, comme Ménage et quelques autres
grammairlci^s, qu'il serait mieux de dire ; Eh! ne
comptezvuus pour lien....? — L'Académie, au
mot compter, donne les exemples suivants de cette
locution : // compte pour rien tous les services
qu'on lui rend. Pensez— vous qu'il se compte pour
rien? Et au mol rien elle admet quelques phrases
dans lesquelles il serait impossible d'introduire la
négative. Il u eu cette maison pour rien, il rit de
rien, il se fâche de rien. Au reste, l'Académie
remarque que dans ces locutions, rie/i signitie
par exagération peu de chose, ce qui peut servir à
expliquer pourquoi l'on retranche la négative.
La langue ne pi rmet pas, dit Domergue, qu'on
dise faire rien, rien faire ; elle exigc la négation :
Ne faire rien, ne rien faire.
La Fontaine a dit dans son épitaphe :
Quant à son temps, bien !e isul dispenser ;
Deux parts en lit dont il soûlait passer
L'une à dormir, et l'autre à no n'en faire.
Mais Boileau ne l'a pas imité dans les deux vers
suivants (Sut. II, 61) :
Passer tranquillement, sans soucif , sans affaire,
La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire.
il fallait à ne rien faire.
Bien s'emploie quelquefois après plusieurs sub-
stantifs pris négativement. Alors il semble les
réunir en un seul mot, ce qui autorise à mettre le
verbe au singulier.
Remords, crainte, périU, rien ne m'a retenu.
^Rac, l>n(an.,acl. IV, se. ii, 165.)
Bien se joint, parla préposition de, à l'adjectif
qui le suit : Il n'y a rien de si beau, de si louable,
de si laid, de si délesluble. Il iiy a rien de si
ieau que de modérer ses passions. Jamais l'a-
mour ne fit rien tic tel.
Du temps de Boileau, on croyait qu'en em-
ployant il n'est rien, au lieu de il n'y arien, on
pourrait, pour la douceur de la prononciation,
supprimer le de, et dire, par exemple, il n'est
rien tel que la richesse, il n'est rien tel que d'être
vivant. Le temps n'a pas confirmé celte exception,
et l'on trouverait dinicileinent aujourd'hui, dans
nos bons écrivains, des exemples de cette façon
de parier, à moins peut-être que ce ne fût dans
le langage familier.
Quand rien est employé dans le sens négatif, il
exclut ;9«x et point. Voila pourquoi on a critiqué
ce vers de Racine, dans les Plaideurs (act. II,
se. VI, 13) :
On ce veut fat rien faire ici qui tous déplaise.
RIE
r,20
Molière a exprimé i)Iaisamment cette règle dans
les Femmes savantes (act. II, se. vi, 56) ;
De pai mis avec rien lu fais la récidive;
£t c'est, comme on t'a dit, trop d'une négatite.
Ne savoir rien de rien est une phrase du slyle
familier, et signifie ne savoir absolument rien.
On dit cet himuie ne m'est rien, pour dire, cet
homme n'est ni mon parent ni mon ami. — On
ilit aussi populairement, te/ /i07«7/ie ne m'est de
rien, cela ne m'est de rien, Jtour dire, je n'y
prends aucun intérêt.
« On a souvent demandé, dit la Grammaire
des Grammaires (p. 'l2ol), si l'on doit dire, cela
ne sert de rien, ou cela ne sert a rien; à quoi
sert-il, ou de quoi sert-il')
« tle qui ne sert de rien ne peut être employé
utilement, est hors de tout service. Par recon-
7iaissance, il nourrit un vii'u.v cheval qui ne lui
sert derien. Nous eûmesbeuu pleurer, nos larmes
ne servirent de rien. [Florian.)
Il met toute sa gloire et son souverain bien
A grossir son trésor qui ne lui sert da rien.
(BoiL., Sat. IV, 63.)
« Toutes ccsplirases éveillent l'idée d'une nul-
lité absolue de service.
« Ce qui ne sert à rien anjourd'h'ii peut servir
demain a quelque chose. Il a des iulenls qui no
lui servent à rien. Fous pouvez prendre mon
cheval, car il ne me sert à rien aujourd'hui.
« Ici il y a nullité momentanée de service, un
défaut d'emploi.
« C'est dans le même sens que Fénelon a pré-
féré à à de dans cette phrase : A quoi sert-il à
unpeuple que son roi subjugue d'autres nations,
si ton est malheureux saus son règne ? ( Télém.y
liv. V, t. 1, p. 198)
On dit aussi que pour à quoi, dans la même
signification, surtout en vers :
Que nous servent, hélas ! ces regrcls superflus î
(Uac, r.sth., acl. II, se. III, 41.)
11 me semble que voici comment on j)eut ex-
pli(]uer clairement la différence de ces deux lo-
cutions.
Servir de signifie tenir lieu de : Il m'a servi
de père, je vous servirai de guide, elle m'a servi
de garde malade, vous nous servirez d'inter-
prète, uti éventail sert de contenance à une
femme, ce bâton me sert d'appui. Ainsi l'on dit
qu'i(//e chose ne sert de rien, lorsque, pouvant
être ordinairement employée de diverses ma-
nii-rcs, on ne peut en tirer ou l'on n'en tire au-
(Hine espèce de service , soit parce (]u'elle est
hors d'état d'être mise en usage, soit parce qu'on
néglige de l'y mettre : Ce domestique est infirme,
il ne me sert plus de rien ; je ne sors jamais ni
à cheval ni en voiture, un chevaine me servirait
de rien.
Servir à se dit pour indiquer l'usage fixe, l'em
ploi déterminé, la destination des choses : Un
ressort qui sert à faire tourner une roue, une
pelle qui sert à remuer des terres, un outil qui
sert à percer, un bateau qui sert à passer la
rivière. Servir â signifie aussi concoui ir à pro-
duire un effet. Ainsi on dit qu'w/ie chose ne sert à
rien, lors(]u'elle n'est pas employée selon sa des-
tination, lorsqu'elle ne concourt pas a un effet
auquel elle devrait concourir. On dira donc, vous
ne montez jamais votre montre, elic ne vous
650
RIG
sert à rien ; ¥:iis êtes aveugle, des lunettes 71e
••ous seiriiaiciii a rie/i. Quatre roues servi /it À
faire rouler vu carrosse, j/iuis une cinquième
roue ne sert à rien.
On voit par ccUe cxplit-a'.ion et ces exemples
qu'il n'est pas cxai't dr dire (pie ce (]ui ne sert
.le rien ne peut être employé utilement, est hors
de tout service. Qiioicprnn cheval iic me serve
de rien, il n'est pas hurs de tout service,^ et peut
• 'Ire em|)lityé utilement p;ir un autre. Celte ex-
:)ression n'c veille donc pas toujours, comme le
lit la Grawvittire des Grammaires , une nul-
ijlc absolue de service, mais souvent une nullité
relative. Ce n'est que par rapport à moi (pie nion
i-heval ne sert de rien. Il n'est pas vrai non plus
i;ue l'expression ne sert à rien marfjue une nul-
lité nionicntancc de service; car il se peut faire
i'ue ce (jui ne sert actuellement à rien, ne serve
i-imais à ijuelquc chose.
Bie/i, pris dans un sens déterminé, signifie
i:êant, nulle chose, ou chose de peu d'importance .
11 suit les rèdcs des autres substantifs, et prend
un genre et un pluriel. On dit un rien, le rien,
faire des riens.
Loiudes riens brillants de la cour.
(Yoltàibb.)
Rien moins. Expression adverbiale qui a quel-
quefois deux acceptions opposées. Avec le verbe
être, rien mnitu signifie le contraire de l'adjectif
(j:ii le suit : Il n'est rien vioins qve sage, veut
dire, il n'est point sage. Mais quand cette ex-
p-ession est suivie d'un substantif, elle peut avoir,
; Ion la circonstance, un sens positif ou négatif.
fous lui devez du respect, car il n'est rien
'■■■■oins que voire père, c'est-à-dire, il est votre
!■ re; vous ne lui devez point de respect, il n'est
■> ien moins que votre pcrc, c'esl-à-dire, il n'est
pas votre i)éie.
On dit impersonnellement, il n'y a rien de
icoins vrai que celte nouvelle, pour dire, cette
nouvelle n'est pas vraie.
Avec un verbe actif ou neutre, le sens de rien
woi'n* serait éciuivoque, s'il n'était pas déterminé
par ce qui précède : f^ous le croyez votre concur-
rent; il u d'autres vues, il ne désire rien moins,
il n'entre à rien moins qu'à vous supplanter ;
c'est-à-dire qu'il n'est p inl votre concurrent,
qu'il ne veut point vous supplanter. — Fous ne
le regardez print comme votre cncurrent; ce-
pendant il ne désire rien moins, il ne se propose
rien moins que de vous supplanter, il liaspire à
rien moins qu'à vous supplanter ; c'està-dire
qu'il Cal votre concurrent. Dans le premier sens,
il n'aspire à rien mains qu'à vous supplanter ,
veut dire, vous supplanter est la chose à laquelle
il aspire le moins; (Jans le second sens, il n'as-
pire à rien moins qu'à vous supplanter, veut dire,
il n'aspire pas à moins iju'à vous supplanter. Aii
reste, il faut autant qu'on peut éviter cette façon
de parler, à cause de l'équivoiiue tiu'clle pré-
sente assez souvent.
Rigide. Adj. des deux genres. On le met assez
souTenl avant son subsl. : Un homme rigide, un
censeur rigide; un rigide censeur, un rigide
observateur des lois. \t)y(:z Jdj'eclif.
Rigidement. Adv. On peut le mettre entre
Tauxiliairc et le |>artieipe : // « censuré rigidi-
ment cet ouvrage, ou il a rigidement censuré cet
owcrage.
RiGouREcsEMENï. Adv. Ou pcut Ic Hiellre entre
RIM
l'auxiliaire et le participe : On l'a traité rigou-
reusement, ou on ta rigoureusement traité.
Rigoureux, RiGoiREi'SE. Adj On peut le mettre
avant son subtl., en consultant l'oreille el l'ana-
logie : Un homme rigoureux, un wagistrut ri-
goureux, une sentence rigoureuse, celle rigov-
reu.se sentence, une pénitence rigoureuse, vne
rigoureuse pénitence .
Ri.ME. Subst. f. Terme de poésie. C'est en gé-
néral l'unifonnilé de son dans la lerminaison de
deux mots. En poésie, c'est la consomiance des
finales des vers. La rime est unagrcineiil dans les
vers français, mais cet agrémeiÙ n'est pas com-
parable ri celui que produisent le nombre cl l'har-
monie. Une syllabe terminée par un ceriain son
n'est point une beauté par elle-incme; la beauté
de la rime n'est qu'une beauté de rapport, qui
consiste dans une conformité de désinence entre
le dernier mol d'un vers et le dernier mol du vers
réciproque. On u'cnlrevoil donc cette beauté,
qui passe si vile, qu'au bout de deux vers, et
après avoir entendu le dernier mol du second vers
qui rime au premier. On ne sent même l'agrément
de la rime qu'au bout de trois ou de (jualre vers,
lorsque les rimes masculines cl féminines sont
entrelacées de manière que la première et la
quatrième soient masculines, et la seconde et la
troisième féminines, mélange fort en usage dans
plusieurs espèces de poésies.
Le rhylhmeel l'hannonie sont une lumière qui
luit toujours, et la rime n'est qu'un éclair (|ui
disparaît après avoir jeté quelque lueur; aussi la
rime la plus riche ne fait-elle qu'un effet bien
passager ; c'est la règle de la poésie dont l'obser-
vation coûte le plus, el qui jette le moins de beau-
tés dans les vers. Pour une pensée heureuse que
l'ardeur de rimer richement peut faire rencontrer
par hasard, elle en fait certainement employer
tous les jours cent autres dont on aurait dédaigne
de se servir sans la richesse ou la nouveauté de la
rime que ces pensées amènent. A n'estimer le
mérite des vers que par les diflicullés qu'il faut
surmonter pour les faire, il est moins difficile,
sans comp;u'aison, de rimer richement que de
composer des vers nombreux et remijlis d'har-
monie. Rien n'aide un pocle français à vaincre
celte difficulté que son génie, son oreille et sa
persévérance. Aucune méthode réduite en art ne
vicnl à son secours. Les diflicullés ne se présen-
tent pas si souvent quand on ne veut que rimer
riclieinent; el l'on s'aide encore, pour les sur-
monter, d'un dictionnnaire de rimes.
Mais la rime est absolument nécessaire à la
poésie française. Chaque langue a son génie par-
ticulier; celui de la nôtre est la clarté, la préci-
sion cl la délicatesse. Nous permettons rarement
des licences a notre poésie; elle doit marcher,
comme noire prose, dans l'ordre timide de nos
conslruclions. Nous avons donc un besoin essen-
tiel du retour des mêmes so.is, pour que notre
poésie ne soit pas confondue avec la prose.
Nous allons exposer les règles que l'on a don-
nées sur l'emploi des rimes.
On n'admet point pour la rime une seule lettre,
quoiqu'elle fasse une syllabe. Ainsi les mois joué
et lié ne riment point ensemble. Il y a des mots
qui, finissant jiar différentes lettres, peuvent faire
une bonne rime lorsijue ces lettres rendent le
même son, comme dans les mois sang et flanc,
nous et doux.
On a proscrit la rime du simple avec son com-
posé, lorsque l'un el l'antre sont eniploy(-s dans
leur signiCcation naturelle; aiusiordreel désordre
RIM
ne timoDt pas ensemble; mais front et affront
riment bien. Un mot peut rimer avec lui-inèroe
lorsqu'il a deux sensdtlTurents. Ainsi pas, que
l'on f;iit en uwreiMinl , riuie av«c pas, mol nc-
eatif.
l.a rime n'étant que pour l'orertle, et non jtas
pour les yeux, on doit en juçer plutôt par le son
que par l'orlhuïraphe. Ainsi, quoiiiuc les syllabes
finafes de deux mots s'oi-rivenl différemment, il
suffit ordinairement qu'elles |)rodiiisent le même
son pour (luelies riment cnscmMe, comme repos
et maux. Par la morne raison, si les syllabes
finales de deux mois s'écrivent de la même ma-
ivi-Tc et qu'elles se pi-ononcent différemment ,
elles ne peuvent rimer ensemble, comme je
reconnais avec à la fois. Le p non suivi d'un *
ne rime bien qu'avec lui-même. Ainsi camp ne
rime point avec imposant, coup avec tout. Deux l
mouillés ne riment bien qu'avec eux-mêmes.
Ainsi émaillé ne rime pas a\'ec rappelé.
La rime se divise en rime masiuliiie et rime
féminine. La rime féminine est celle cjui se ter-
mine [wr des sons muets tinissanl par un e muet,
comme ouvrage, outrage; ou pir un e muet suivi
d'un s comme célestes, tu détestes; ou enfin
par un e muet suivi de ut, ils ouvrent, ils décou-
vrent, ils péiilleni, ils fourmillent.
La rime masculine est celle qui est terminée
par tout autre son que par un son muet, comme
beautés ei côtés , vanité et infirmité, innocents
et encens, etc.
On ne considère presque jamais que le son de
la dernière syllabe des mots pour la rime mascu-
line. Ainsi vérité rime avec piété, malheur avec
douleur, succès avec procès. Mais le son de la
dernière syllabe des mots ne suffit pas pour la
rime féminine, parce que la prononciation sourde
et obscure de l'e muet empêche d'y apercevoir
une convenance sensible. Ainsi, quoique la dcr-
niè-.e syllabe de monde soit send)lable a celle de
demande, CCS deux mots ne riment point en-
scmMe. Pour la rime féminine, il faut qu'il y ait
convenance entre les pénultièmes des mots. Ainsi
monde rime avec profonde , demande avec of-
frande, scandale avec morale.
La rime, tant masculine que féminine, est d'au-
tant plus parfaite, qu'il y a plus de ressemblances
dans les sons qui la forment. Ainsi , quoique
plaùir rime bien avec soupir, et prudence avec
récompense, cependant plaisir rime encore mieux
ave<; désir, et prudence avec providence; parce
que, outre la confonnilé des sons ir et eiice,
essentielle à l'une et à l'autre rime, les consonnes
s t\.d qui les précédent sont nussi les mêmes,
ce qui ajoute un degré de perfection à la
rime.
Quand les syllabes qui forment la rime, c'est-
à-dire la dernière pour la rime masculine, et la
pénultième pour la rime féminine, commencent
par une voyelle, il est nécessaire, si elles ne sont
pas les premières du mot, qu'elles soient précé-
dées d'ime autre voyelle, comme dans U-en,
nation, preci-eux , arlifici-elle , vertu-euse ,
science, etc. Or il faut, pour la plus grande per-
fection de la rime de ces syllabes, que non-seule-
ment elles soient précédées des mêmes syllui)es,
mais encore que. les consonnes qui précèdent ces
voyelles soient les mêmes, ou aient le même son.
Aitisi lien, qui rime avec gardien, rime encore
mieuxavec italien; nation, qui rime avec union,
rime encore mieux ave^: ambition ; précieux,
qui rime avec curieux, rime encore mieux
avec audacieux ; artificielle, qui rime avec
R!M
651
citadelle, rime encore mieux avec essentiele,
etc.
On apiielle rime riche ou heureuse, celle qui
est formée par la |)Ius grande conformité de soils;
eirime suffisante ou commune, celle qui n'a rien
de plus que les sons esseniicls. On appelle rime
pleine . celle oij non-seulement le son , mais
l'articulation est la même, comme vertu et abattu,
étude et solitude. — Quand la rime qu'on emploie
est très-abondante, comme celle des mots en anl,
on regarde comme une négligence la rime qui
n'est que dans le son et qui n'e^t pas dans la con-
sonne ; aussi voit-on peu d'exemples dans les
bons poètes du temps de Boileau et de Racine,
de rimes aussi négligées que celle iVamant et de
constant. Si toutefois il y a deux consonnes qui
précèdent la voyelle, comme dans la finale de
surprend, c'est assez pour l'oreille que la seconde
de ces con.-onnes soit la même. Ainsi surprend
rimera très bien avec grand. — La rime est
double lors^iue nou-seulemeni la finale sonore,
mais la pénultième, a le même son, comme
attirer, re.tpirer. La rime est sunple lors-
i|u'clle n'est que dans la finale, comme diff^é-
rer, respirer. LUe est en même temps pleine
et douille lorsque l'articulation et le son d«6
deux syllabes sont les mêmes, comme préférer,
diffirer.
(Juand les riiues masculines sont bonnes ou
suffisantes, elles sont eiicoie meiUeuri'S eu deve-
nant féminines par l'addiiioii de \e luuei; parce
qu'outre la nouvelle conformité de son que \'e
muet y ajoute, il oblige encore d'appuyer davan-
tage sur la pénultième, et en rend par la le son
plus plein qu'il n'était aupa'avaiit. Par exem.ple,
si consacré et révéré, soupir et désir, sujet et
indiscret, interdit et petit, riment bien; cnu-
sacrée et révérée , soupire et désire, sujette et
discrette , interdite el petite, riment encore
mieux; mais de ce que les rimes féminines sont
bonnes, comme puissante et chancelante, il ne
s'ensuit pas (pie les rimes semblables masculines
le soient aussi : car puissant ne rime pas avec
ch'incelant, ni heureux avec furieux.
On ne cherche pas une si grande conformité
de sons quand on fait rimer un monosyllabe avec
un autre monosyllabe, ou avec un mot de plu-
sieurs syllabes. Il suffit (juc le son essentiel à la
rime s'y trouve. Ainsi, loi rimera avec fn et avec
effroi; pas avec bas ct avec états; paix avec/'nj*'
et avec jamais, etc.
Comme il n'y a qu'un petit nombre de mots
où les sons essentiels à la rime soient précédés
dos mêmes consonnes ou des mêmes voyelles,
cette rareté autorise à se contenter des rimes
suffisantes. Ainsi, parce qu'il n'y a que très-peu
de mots terminés en vir, on fait rimer soupir avci
désir, et l'on fait rimer trahir nvcc obéir, à cause
du petit nombre de mots où ir est précédé des
mêmes voyelles. Cette licence ne peut regarder
qu'un très-petit nombre de mots terminés en «,
us, is, it, ir; encore faut-il en user avec beau-
coup de modération, et quand on y est absolu-
ment forcé par la disette de la rime. — i>lais, à
réi,'ard des mois terminés en é fermé seul, ov
sufvis des lettres n, z, r, et i, seul, le nombre e
est si CTand, qu'on ne doit jamais se dispense
de les faire rimer par les consonnes ou les voyelles
qui précèdent \e ou Xi. — La terimnaison en ai
des passés simples de l'indicatif de 1;> première
conjugaison, des futurs de tous les verbes, et du
présent de l'indicatif du verbe avoir, ayant le son
de Te fermé, on peut fort bieu la faire rimer avec
l^3S
niM
un mot lcriniii<i en c fciiiu', comme consumé et
j'alluiiKii :
Ue rcgrclf consume,
Brùlù (lo plus (le rcii\ (|iio je n'en allumai,
(lUc, Àndrom., act. I, se. ir, Gl.)
— L;i rimo friiiiiiiiie de l't; ferme ne doit p;is être
moins parfait!! «inc la masculine, et doit suivre
les inômcs roules. Aimce ne rimera bien qu'avec^
un mol terminé en mue; confièo, qu'avec un mot
terminée en ù'c.
Il n'en est pas de môme des rimes féminines
en i> et en ve ; on les emnloie queiqucfois sans
qu'elles soient |)récédées des mêmes consonnes,
comme dans ces vers de Racine :
0 ciel ! pourquoi faut-il que la secrète envie
Ferme h de tels héros le chemin de \'À$ie ?
I, [Iphig., act. I, se. II, 49.)
Polynice, soigneur, demande une entrevue ;
C'est ce que d'un horaut nous apprend la venue.
[Préret ennemis, act. III, se. T, I.)
Les mots terminés en ui, nie, uis, uit, doivent
toujours rimer avec des mots qui aient la même
terminaison ; et le son de la diplitliongiie ni étant
assez plein de lui-même, il n'est pas nécessaire
(ju'ellesoil préccdée des mêmes consonnes.
Quoiiiue nous ayons dit plus haut qu'il n'est
pas nécessaire pour la rime (pie les dernières
syllabes des mots s'ccrivont avec les mêmes lettres,
et qu'il sufdt qu'elles jHoduiseut le même son,
il est cep(>ndant des cas où l'orthographe doit
s'accorder avec la rime. — Un mot terminé par
un s, un X, ou un z, ne rimerait pas avec un
mot (|ui ne serait pas terminé par l'une de ces
trois lettres. Ainsi, uimuble ne rime pas avec
fablts, discours avec jour, rcrité avec vaitilt's
ou viiiis méritez, gcnnu avec vous ou courroux,
ni cheveu avec heureux, etc. Mais il n'est pas
nécessaire ipic les mots dont la rime est terminée
par l'une de ces trois lettres soient du nombre
pluriel, ni que ce soit la môme lettre (jui les ler-
iniiie. Ainsi, le ilixcours rime avec les jours, cé-
lestes avec tu délestes, le nez avec vous donnez,
vanités avec vous méritez , vous avec courroux,
paix avec jamais, etc.
Quoique le ;• ne se prononce pas à la fin des
infinitifs terminés en er, cependant ils ne doivent
rimer tiu'avcc îles mots terminés en r, encourager,
danger.
On ne fait guère rimer une personne de verbe
terminée en ais ou «j/, ayant le son de Ve ouvert,
avec un mot ipii a le mémo son, mais ijui s'écrit
differeninieul , (dniuie manquait avec bani/uct.
Il faut ordinairement reo-virir à une semblable
personne d'un autre verbe.
Les troisièmes personnes du pluriel des verbes
terminées en ent ou aient, ne doivent rimer
qu'avec d'autres troisièmes personnes cpii aient
les mêmes terminaisons. Ainsi, ils disent ne rime
^as avec viarchandises, ni fassent avec sur-
^Itcc ; mais disent rime avec lisent, et fassent
wvee effacent.
Les mots terminés par anc ou ang ne riment
ordinairement (]u'avec des mots «jui ont l'une
ou l'isulrc terminaison. Sttnç; rime avec flanc.
nuand un m«t est termine par un /, il ne peut
rimer ([u'avcc un mot qui soit aussi tern nié
par un t ou par un d. Ainsi, hasard rime avec
di'.part, verd avec couvert, nid avec finit, accord
aveo fort, sourd avec court, etc.
RIP
On fait rimer ensemble tous les mots dont la
dernière syllabe a le son de la voyelle nasale in,
de «jnelque manière (lu'clle s'écrive. Ainsi, divin
rime avec humain, faim, dessein, et chacun de
ces mots rime avec les autres.
Quand les mots sont terminés par un s ou par
tin X, la convenance des consonnes ou des voyel-
les iirècédentes ne s'exige plus avec la même
sévérité. Ainsi, combats rime avec trépas, rangs
avec tyrans, effets avec satisfaits, héros avcc
travaux, etc.
Enlin, hors les circonstances que nous venons
d'c\|)li(]uer, on peut faire rimer ensemble toutes
les consonnes et les voyelles ipii ont le mémo son,
quelipie différentes qu'elles puissent etro par le
caractère. Ainsi r'/jc rimera n\cc connaître, race
avec terrasse, contraire avec frère, chose avec
cause, etc.
Le / mouillé ne peut jamais rimer avec le l
simple; travail ne rime jias avec cheval, ni
■merveille avec nouvelle, ni famille avec tran-
quille.
Les voyelles longues, soit qu'elles se trouvent
dans la dernière syllabe des vers masculins, ou
dans la pénuilième des vers féminins, riment mal
avec les voyelles brèves, comme mdle avec cabale,
intérêt avec objet, prêt avec projet, conquête
avec coquette, etc. ("ependaut une voyelle longue
peut absolument rimer avec une brève ijuand
elle a de sa nature un son assez plein, et que, la
différence du bref au lonu n'étant pas imp sen-
sible, elle peut être modérée par la |)rononcia-
lion ; ce ipii regarde particulièrement les voyclUs
a et (j(/. Ainsi, q\ioi(pi'elles soient brèves dans
les mots préface et tout. Despréaux les a fait
rimer avec gréice et gorU, où elles sont longues :
Un auteur ."i genoux, dans une humble préface.
Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grâce. . .
(Bon.., Sat. IX, 187.)
Aimcr-vous la muscade? on en a mis partout.
Ah! monsieur! ces poulets sont d'un mcrvcilleui goût!
ilîoiL., Sat. m, 119.)
Au reste, c'est à l'oreille à juger si les voyelles
longues et brèves peuvent ou non former de
bonnes rimes. Voyez Quantité.
La rime est vicieuse on prose. Ne dites pas
les eaux jaillissantes *i)/(/ plus réjouissantes que
les eaux tranquilles et donnantes. Dites, les
eaux qui jaillissent sont plus agréables que
cellesqui sont tranquilles et dormantes. (Wailly.)
RiNcr.R. V. a. de la !'<" conj. Dans ce verbe,
lo c a la prononciation de se; et, pour la lui
conserver à tous les temps iH à toutes les person-
nes, il faut mettre une cédille dessous toutes les
fois qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on
écrit nous rinçons, je rinçais, je rinçai, et non
pas nous rinçons, etc. — 11 ne se dit que dos
verres, tasses, cruches, etc., et de la bouche qu'on
lave. (Féraud.)
lliPAiLLE Subst. f. On ne l'emploie qu'avec le
verbe faire: Çéi, faisons ripaille. (Voltaire.)
C'est-à-dire, faisons grantl'chère. Cette expression
est basse et populaire.
Rii'OPKK.. Subsi. f. Je ne sais ce (]ui a pu enga-
ger Féraud à motlre ripopé, substantif masculin,!
que l'on ne trouve «pie dans les viouv diclion-j
naires. Expression populaire qui se dit du mé-|
lange que lont les cabaroliors de différents resleS'
de vin. On le dit aussi du mélange de différentes
RIS
liqueurs; mais je ne crois pas qu'on le dise,
comme l'assure Fcraud, d'un discours niclé de
iifféronlcs choses qui ne font qu'un méchant
composé. Oii n'a jamais dit d'un mauvais auteur
qu'ii n'icrirait que des ripupées, ou que ses
discours fussent des ripopées.
Rire. V. n. et irrosulier de la 4*conj. Voici
ooromcnl il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je ris, tu ris, il rit ;
nous rions, vous riez, \U rient. — Imparfait.
Je riais, tu riais, il riait: nous riions, vous riiez,
ils riaient. — Passé simple. Je ris, tu ris, il ril ;
nous rîmes, vous rites, ils rirent. — Futur.
Je rirai, tu riras, il rira; nous rirons, vous rirez,
ils riront.
Conditionnel. — Présent. Je rirais, tu rirais,
il rirait ; nous ririons, vous ririez, ils riraient.
Impéralil'. — Présent. Ris, qu'il rie; rions,
riez, qu'ils rient.
Subjonctif. — Présent. Que je rie, que tu rie.s,
qu'il rie ; que nous riions, que vous riiez, qu'ils
rient. — Imparfait. Que je risse, que lu risses,
qu'il rit ; que nous rissions, que vous rissiez,
qu'ils rissent.
Participe. — Présent. Riant. — Passé. Ri;
le féminin manque.
l.cs temps cuinposés se forment avec le verbe
avnir :
Il se prit à nre, il se mit à rire, apprêter à
rire, aimer à rire, éclater de rire, mourir de
rire, pâmer de rire. lîire de tout son cœur. —
Rire du bout des dents. — Bire aux dépens de
quelqu'un. — Se rire de quelqu'un, s'en moquer.
^- Il ril des menaces qu'en lui fait. Il se rit
de ros menaces.
Bire au figuré se dit des choses sans régime :
Tout rit dans cette maison, dans ce jardin,
tout y est agréable ; ou avec la préposition à .- La
fortune lui rit, tout rit à ses désirs, tout lui est
favorable.
L'arbre qu'on aplanie rit plus h noire vue
Que !e pire de Versaille et sa vaste étendue.
(VotT , Épttre, LXXXIII, 12.)
Delille a dit heureusement dans le poëme des
Jardins (1,6):
Quand tout rit de bonheur, d'espérance el d'amour.
Bire s'emploie avec le pronom personnel, dans
le scr.s de se moquer :
A. votre nez, mon frère, elle se rit de tous.
(JIoL., Tartufe, ad. I, se. ri, 1.)
Voltaire a dit faire rire Vesprit : Le peuple
n'est pas content quand on ne t'ait rire que l'es-
put; il faut le faire rire tout haut, et il est
difficile de le réduire à aimer mieux des plai-
santeries fines que des équivoques fades. [Car-
re spo7ida ne e.)
Ê.IRF. Subst. m. Il s'emploie au pluriel et s'unit
à des adjectifs : Bes rires forcés: — L'Acadé-
mie ne donne aucun exemple du pluriel. Voyez
Bis.
Ris. Subst. m. Quoique les dictionnaires disent
que le rire et le ris signifient la même chose, il
me semble qu'on pourrait leur assigner des dif-
férences. Le rire me parait avoir proprement
rapport à l'action phy.>ique de rire : De grands
eduts de rire. Qui de vous n'a pas regretté cet
ROI
033
Âge où le rire est tmijours sur les lettres? (J.-J.
Rouss.. Emile, liv. Il, t. vi, p. 85.) Le tumulte,
les jeux bruyants, les longs éclats de rire, ne
retiutissent point dans ce paisible séjour. (ldc:i),
Iléhïse, V« part., lettre II, t. v, p. 9.)
Bis ne déviait se dire et ne scdil ordinairement
que du rire qui exprime quelque sentiment de
l'àme : Un ris dédaigneux, un ris moqueur, un
ris gracieux, un ris attrayant, un ris de sati.i-
faction, de contentement. On ne pcrsonnilie iioiiit
le rire, et on ne l'associe point aux giài-cs; mais
on personnifie les ris et les grâces. Uuffon a dit,
Le ris est un son entrecoupé subitement et d
plusieurs reprises, qui est marqué à l'intérieur
parle mourenwntdu rcntrcqui s'élèveet s'abaisse
précipitamment, etc. (Biiffon, De l'homme, t. x,
p. 139.) 11 me semble qu'il aurait du dire le rire,
etc. (Ceci est une observation que je hasarde
sans en garantir l'exactiuide, parce que l'usage
semble t|uelquefois y être contraire.)
RisicLK. Adj. des deux genres. On peut le
mcllre avant son subst., on consultant l'oreille et
l'analogie : Une farce risible, un homine risible,
un risible personnage. 'N'oyez Adjectif.
RisQtAnLE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subsl. : Une entreprise risqunhlc.
RisQUK. Subst. m. Ce substantif était autrefois
féminin. Aiiiourd'hui on ne le fait plus (lue mas-
culin. Péril, danger. On dit s'exposer au risrjiie
de, courir le risque de. Il a couru grand risque
d'être condamné.
Il y a une différence entre courir risque de
faire et courir un risque à faire. Le premier
signifie, qu'on était dans le risque, ou sur le
point de faire une chose; et le second, qu'en la
faisant on était exposé à des malheurs : A'oi'.v
avons couru risque de faire naufrage. On ne
court aucun risque à faire cette roule.
RiSQUEu. Y. a. et n. de la l^e conj Hasarder,
mettre en danger : Bisquer sa vie, sun honnew,
son rtrçfe«/. "Lorsqu'il est neutre, il régit la pré-
position de: Il risque de perdre la vie. Bisquer
de perdre sa fortune.
Quand risquer est actif et qu'il signifie, courir
des risiiiics, il régit la préposition « après son
régime direct : f^ous risquez tout à prendre ce
parti. *
Rivage. Subst. m. Il s'emploie au pluriel. Flé-
chier a dit : Le Jourdain se troubla, et ses ri-
vages retentirent du son de ces lur/ubres paroles.
[Oraison fun. de Turennc, p. 95.)
Roboratif, Roborative. Adj. Il ne se met
qu'après son subsl. : Bemède roboratif, propriété
roborative.
Robuste. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreill-ct
l'analogie : Un homme robuste, une frntne rn-
bnste, un ccrps robuste, une complexion r( hu.;l'r,
une robuste complexion.
Rocailleux, Rocailleuse. Adj. Au propre, ou
dit un chemin rocailleux, pour dire un cheiiiin
|)lein de rocailles, de petits cailloux. Au figuré,
on dit des vers rocailleux, un style rocailleux.
11 ne se met qu'après son subsl.
RoGUE. Adj. des deux genres. L'm ne se pro-
nonce pas; il n'est là (jue pour donner .-m g un
son rude (ju'il n'aurait pas devant 1'^ . Il ne se
met guère qu'après sun subst. : Un ton irgue,
un air vogue, d''s manières rogues.
RoiDE, mieux, Raide. .Adj. des deux genres.
On prononce rè^e. Le premier e a un son moyen
entre Vé fermé et l'è ouvert. Cet adj. ne se incf
qu'après son subst. : Une corde roide, une mon-
634
ROM
tagne roide. — Une liomine roide , un esprit
roide. — L'Acadcinic écril roide, ei fail la rc-
maniiic suivanlc :En lonvcrsaliun cUiueliincfois
dans le discours soutenu, on piorvunce rèdc.
Videur, rt'd/V; aussi plusieurs ocriveiit-ili raide,
raideur, raidir.
RoiDFxn. Sub^L f. On prononce ?-onc/r»r. Quel-
ques-uns, dans la conversation, prononcent rè-
deiir. A'oyez Unide.
RoiDiLLON. Subsl. m. On prononce roadillon.
Il est peu usité.
RoiDin, mieux Raidir. V. n. de la 2« conj.
Voyez R ide.
l(oMAi>, R.OMAIKF,. Adj. En prose, il ne se met
guère qu'après son subsl. : L'empire romain,
l'église romaine. — lleaulr rnrnaiiie.
EoMAN. Subsl. m. Récit fictif de diverses aven-
tures merveilleuses ou vraisemblables de la vie
humaine. Les événements ne doivent être, dans
les romans, que l'occasion de développer les
passions (lu cœur humain; il faut conserver dans
les événements assez de vraisemblance pour que
l'illusion ne soit point détruite; mais les romans
qui excitent la curiosité seulement par l'inven-
tion des faits ne capiivenl dans les nommes que
celle imagination qui a fail dire que les yeux
sont toujours enfants. Les bons romans ont pour
but de révéler ou de retracer une foule de senti-
ments dont se compose au fond de l'âme le bon-
bcur.oule malheur de l'existence; ces sentiments
qu'on ne dit point, parce qu'ils se trouvent liés
avec nos sécrels ou avec nos faiblesses, et parce
que les hommes passent leur vie avec les hom-
mes sans se confier jamais mutuellement ce
qu'ils éprouvent. — L'histoire ne nous apprend
que les grands traits manifestés par la force des
circonstances, mais elle ne peut nous faire pé-
nétrer dans les impressions intimes qui, en in-
fluant sur la volonté de quelques-uns, ont dis])osé
du son de liius. Les découvertes, en ce genre
sont iné[)uisibles; il n'y a qu'une chose étonuanle
poiir l'es|irit humain, c'est lui-même.
Un style commun, un style ingénieux, sont
également cloiancsdu naturel qu'exice le roman.
L'iiigénieux ne convient qu'aux affections de
parure, à ces affections qu'on éprouve seulement
pour les montrer; l'ingénieux enfin est une telle
preuve de sang-froid, qu'il exclut la possibilité
de toute émotion profonde. Les expressions coir.-
munes sont aussi loin de la vérité que les expres-
sions recherchées, parce que les expressions
communes ne peignent jamais ce qui se passe
réellement dans notre cœur. Chaque homme a
une manière de sentir particulière qui lui iiuspi-
rerail de l'originalité s'il s'y livrait; le talent ne
consiste peut-être (jue dans la mobilité (]\\\ trans-
porte l'àme dans toutes les affections que l'imagi-
nation peut se représenter. Le génie ne dira
jamais mieux que la nat\ire, mais il dira comme
elle dans les situaiior.s même inventées, tandis
q;;e l'homme ordinaire ne sera inspiré que par la
sienne propre. (Madame de Staél.)
Les lois, dit CondiUac, sont les mêmes pour les
ouvrages d'invention, tels que les romans, <]ue
pour l'histoire. Car, soit que vous imaginiez les
fai's, soit que vous les preniez dans l'histoire,
C(>X toujours à l'objet que vous vous proposez à
marquer les détails dans lesquels vous devez
entrer, à mettre chaque chose à sa place, adonner
à chacune l'expression convenable, en un mol
à faire un ensemble dont toutes les parties soient
bien proportionnées. La seule différence entre
celui qui écril l'histoire et celui qui écril des
RO.M
romans, c'est que le premier peint les caractèrcB
d'après les faits, el que le second imagine les
faits d'après les caractères supposés." Voyez
Narralioii.
RovANci:. Subsl. f. A'ieille historiette amou-
reuse et souvent iragicpic, écrite en vers simples,
faciles et naturels. La na'ivctc ett le caractère
principal de la romance. Ce poëmc séchante.
RoMANESQCK. Adj. dcsdcux genres. L'Acadéonie
le définit, qui tient du roman, qui est merveilleux
comme les aventures de roman ou exalté comme
les personnages de roman. Il me semble que ce
mot ne s'entend guère (]ue des vieux el ridicules
romans qui fiisaienl les délices de nos bons
a'ieux , et surtout des romans de chevalerie.
■N'oilà pourquoi il se prend toujours en mauvaise
part. Areutnre romanesque, style romanesque,
sentiments romanesques. — On peut quelquefois
le mettre avant son subsl., en consultant l'oreille
el l'analogie : Ces romane.'sqves aventures, ces
romanesques sentiments, ces roiaanesqves des-
criptions. — Les bons romans modernes, qui
sont des peintures vraies de la vie humaine, ne
contiennent pas ordinairement des avenluKS
romanesques, si ce n'est qu'on entende simple-
ment pur ce terme des aventures imaginées ; et
ils ne sont pas écrits en style romanesque.
RoMANTiQTE. Adj. dcs dcux gcurcs. Il se dit
ordinairement des lieux, des paysages qui rap-
pellent à l'imagination les descriptions des poëmes
et des romans. Il se prend toujours en bonne
pari. On peut le mettre avant son subsi., lorsque
l'analogie el l'harmonie le permettent : Situation
romantique, aspect romantique. — Ces roman-
tiques contrées inspirent une douce mélancolie.
Les rives du lac de Bieniie sont phis sauvages
et plus romantiques que celles du lac de Genève,
parce que les rochers et les bois y bordent Veau
de plus près : mais elles n'en sont pas vioins
riantes, [i.-i. Rouss.. Rêveries, \' promenade,
t. xvii, p. 88) — En JS35, l'Académie explique
ainsi l'acception nouvelle de ce mol. Romantique
se dit encore de certains écrivains qui affectent
de s'affranchir des règles de composition el de
style établies par les auteurs classiques. — 11 se
dit également des ouvrages de ces écrivains. —
11 s'emploie substantivement au masculin et se
ilil du genre romantique : Le roinantique est un
gvnre nouveau.
Rompre. V. a. de la 4" conj. Les poêles font
souvent usage de ce mot, surtout au figuré :
Enfin (le votre Dieu l'implacable vengeance
Entre nos deux maisons rompit toute alliance.
(Rac, Ath., act. II, se. VII, IIL)
Tu frémiras d'horreur si je romps l« silence.
(Rac, fhèi., ad. I, se. m, 86.)
Ram'prc des mccliants les Irames crimineUet.
(lUc, £s(/i., act. Y, se. i, 97 )
Bénis le coup affreux qui rompt mon hvmcnée.
(YoLT., AU., act. T, se. iv, l4.)
Cornerlle dit rompre des coups, rompre da^
spectacles [Nico/ncde, act. I, se. i, 25) :
El rompu par sa mort les spsctacics pompeux.
Rompre des spectacles, dit A'oltaire, n'est pas
français, païenne singularité commune a toutes
les langues. On interrompt des spectacles, quoi-
au'on ne les rompe pas. On corrompt le goût, ou
RON
ne le rompt pns. Souvent le ooniposé est en usage
quand le simple n'est pas admis. Il y en a mille
exemples. [Remarqves svr Corneille.)
La ciel rompt le succès i^e je m'étais promis.
(Corn., Cin., ad. V, se. n, 19.)
Oti fie rompi point un succès, dit Voltaire,
encore moins un succès qu'on s'était promis.
On rompt mie ii/iinn, on dctruit des espérances,
on fait avorter des desseins, <in prévient des
projets. [Heiuarouss sur Corneille.)
Rond, Ronhe.* Adj. Il ne se met qu'après son
subsl. : Corps rond, figure ronde, tahle ronde. —
Un homme rond. — U/i compte rond.
RoNREAC. Subst. m Terme do poésie française.
C'est un petit poëmed'un caractère ingciiu, badin
et naïf. Il est compose de treize vers partagés en
trois strophes inégales sur deux rimes, huit mas-
culines et cinq fèmiiu'nes, ou sept masculines et
six féminines. — Les deux ou trois premiers mois
du premier vers de la première strophe scrvenl
de refrain, et doivent se trouver au bout des
deux stiophes suivantes, c'est-à-dire que lo
refrain doit se trouver après le huiliènie vers et
après le treizième. Outre cela, il y a un repos
nécessaire après le cinquième vers. — L'art con-
siste à donner aux vers decliaiiue strophe lui air
original et naturel (jui iMupéche qu'ils ne parais-
sentfails exprès pour le refrain, auquel ils doivent
se rapp irter comme par hasard.
La troisième strophe doit être égale à la pre-
mière, et pour le nombre des vers, et pour la
disposition des rimes. — La seconde strophe,
inégale aux deux autres, ne contient jamais que
trois vers et le refiain, qui n'est point compté
pour un vers.
Ce petit pucine a peut-être bien autant deflif-
ficultés que le sonnet; on y est plus borné pour
les rimes, et on est de plus assujetti au joug du
refrain. D'ailleurs, cette naïveté qu'exige le ron-
deau n'est pas plus aisée à attraper que le style
noble et délicat du sonnet.
Les vers de huit et de dix syllabes sont presque
les seuls qui conviennent au rondeau. Les uns
préfèrent ceux de huit, les autres ceux de dix ;
mais c'est le mérite du rondeau qui seul en faille
prix. La Fontaine et madame Deslioulières sont
les derniers qui se soient e.Kercès dans ce genre
de poésie. Voici un rondeau de madame Deshou-
Uéres qui pourra donner une idée du genre :
Enire deux draps de toile belle et bonne,
Oue Irès-souTenl on recliange, on savonne,
La jeune Iris, au cœur sincère et liaut,
Aux yeux brillants, à l'esprit sans défaut.
Jusqu'à midi volontiers se luitouue.
Je ne combats de goût contre personne ;
Mais, franchement, sa paresse m'étonne :
C'est demeurer seule plus qu'il ne faut
Entre deux draps.
Quand à rêver ainsi l'on s'abandonne.
Le traître .\mour rarement le pardonne ;
A soupirer on s'exerce bientôt.
Et la vertu soutient un grand assaut
Quand une fille avec son cœur raisonne
Hntre deux draps.
Le refrain doit être toujours lié avec la pensée
qui précède, et en terminer le sens d'une manière
naturelle; et il plait surtout quand, représentant
les mêmes mots, il présente des idées un peu dif-
férentes.
Il y a aussi le rondeau redouble, qui est com-
posd d'uuc certaine quantité de strophes égales
ROT
655
entre elles, et qui dépendent du nombre de vers
que contient la première slroiilie. Ordinairement
elle en contient quatre, et alors elle est suivie de
cinq autres strophes, dont les tpiatrc premières
finissent chacune par un vers de l;i première
strophe; et lorsque, par ce moyen, celle strophe
est entièrement répélée, on en ajoute une der-
nière, au bout de laipielle se trouvent, par forme
de refrain, les deux ou trois premiers mots du
premier vers de tout le pncme. — D.ms le ron-
deau redoublé, si la iiremiére strophe avait cinq
vers, le rondeau aurait seiit strophes, parce qu'il
en faudrait cinq pour répéter la preiaiére. [Ency-
vlopédie.)
Rondelet, Rondelette. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Un homme rondelet, une
femme rondelette.
Rondement. Adv On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a travaille ronde-
ment, ou il a rondement travaillé.
Ronflant, Ronflante. Adj. verbal tiré du v.
ronfler. On peut le mettre avant son subst. : Style
r tnfîant, viols ronflants. — Des promes.ses ron~
fiantes, ces ronflantes promesse;.
Ronger. V. a. de lai" conj. Dans ce verbe,
le g doit toujours se prononcer comme j ; et
pour lui conserver celte prononciation lorsiju'il
est suivi d'un a ou d'un o, on met un e muet
avant cet a ou cet o :Je rongeais, je rongeai, et
non pas,y<? rongais,je rongai.
Rosat. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subsl. : Vinaigre rosat, huile rosat.
Rose-croix. Subst. m. On écrit au pluriel des
rose-cri is. Vovez Compose.
Rossignol. Subst. m. On mouille le «7», de
même que dans rossignoler.
Rostrale. Adj. f. qui ne se met qu'après son
subst.
RÔT, Rôti. Substantifs masculins. Le rot est le
service des mets rôtis.
J'allais sortir onCn quand lo r&t a paru.
(BoiL., Sat. III, 88.)
Le ?'ô<t est la viande rôtie. Les viandes de bouche-
rie, la volaille, le gibier, etc., cuits à la broche,
sont du rôti; les différents plats de cette espèce
composent le rôt. On sert le rot, et vous man-
dez du rôti.
Rotondité. Subst. f. L'abbé Féraud n'a jugé de
la signification de ce mol que par ces vers du
Joueur (acl. I, se. i, 11) :
J'aurais un bon carrosse à ressorts bien pliants.
De ma rotondité j'emplirais le dedans.
Comme rotondité a, dans ces vers, un sens plai-
sant, Féraud a cru qu'on ne pouvait l'employer
aiilrement, et il a même ajouté qu'il ne se dit que
de la taille.
hoiondilé signifie rondeur en tous sens. Ron-
deur exprime l'idée abstraite d'une figure ronde;
la rotondité est la rondeur propre a tel ou tel
corps, la fiaure d'un corps rond ; tandis que ron-
deur ne désigne que la figure, rotondité sert en-
core à désisner la grosseur, l'ampleur, la capacité
de tel corps" rond. Une roue et une boule sont ron-
des mais elles diffèrent dans leur rondeur. La
roue est plate, la boule esl ronde en tous sens; et
c'est ce qui sera fort bien disiingué par le mot
rotondité.— On dit for! bien la rondeur cl la roton-
dité de la terre; la 7-ow(ftfî/r pour désigner sa figure;
\à rotondité Y\ouv désigner sa capacité, ou l'espa'e
I renfermé dans sa ronJet/r en différents sens.
05(5
ROY
RocGE. Adj. des deax genres. Il ne se met |
qu'apios son subsl., si ce n'esl dans celle expres-
sion fainiiiéie, rovge bord, ([ui signilie un verre
pU'iii de vin jusqu'au bord, et dans rouge trogne,
qui se dit du gros visage rouge d'un ivrogne :
Driip rouge, rose rouge, cuirre rouge, encre
rouge , œu/s rouges. — Fer rouge , boulet
rouge.
Bouge se prend aussi substnnlivcmcnt. Alors
il n'a point de pluriel, à moins (lu'on ne parle de
rouges de dillérenles nuances : Les différents
rougt'S.
RocGEATRE. Adj. dcs deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Couleur rougeâtre.
RoLGEAiD, RoDGEALDE. Adj. Il nc sc uiel qu'a-
près son subst. : Un garçon rougeaud, vn visage
rougeaud, une face rougeaude.
RoiGE-GORGE. Subst. m. L'Académie écrit au
pluriel des rouges-gorges, mais la pluralité doit
tomber sur le mot oiseau qui est sous-entendu. Il
faut donc écrire des rouge-gorge. Voyez Com-
posé.
RoLGiR. V. a. et n. de la 2^ conj. Ce verbe
S'emi)loie au propre et au figuré : Rougir une
porte, rougir la tranche d'un livre, rougir des
roues de voiture, rougir la terre de sang, rougir
ses mains de sang. [Acad.)
Mais silot que Séide
Aura rougi ses mains de ce grand homicide.
(Volt., ilahom., ad. IV, sc. i, 17.)
RoLLANT, Roulante. Adj. verbal tiré du verbe
rouler. Il ne se met guère qu'après son subst. :
Chaise roulante.
Rouler. V. a. cl n. de la l^e conj. Voici quel-
ques exemples de la manière dont les poëtes em-
ploient ce mol :
Où le Xanle effrayé roule encor dans ses Ilots
L«s casques et les dards, et les corps des héros.
[Dblil., Enéide, I, 147.)
Son esprit (de Jupiter) des humains roulait la destinée.
[Idem, I, 317.)
Elle dit; et, roulant son projet dans son âme.
De ses jours odieux cherche à rompre la trame.
{Idem, IV, 923.)
Roulant en traits de feu ses prunelles sanglantes, etc.
{Idem, IV, 943.)
Les étoiles roulaient dans un profond silence.
[Idem, IV, 776.)
RoossATBE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son subst. : Poil roussâtre, eau rous-
sûtre.
Rouvrir. V. a. et irrégulier de la 2« conj. Il se
conjugue comme ouvrir. Voyez Irrégulier.
Roux, Rousse. Adj. Il suit ordinairement son
subst. : Poil roux, cheveux roux, barbe rousse. —
Homme rou.v, femme rousse.
Royal, Royale. Adj. On peut le mettre avant
son subst., en consullanl l'oreille et l'analogie:
Famille royale, maison royale, sang royal. —
• — Une si royale main. (Bossuct, Or.aisnn fun.
de Marie-Thérèse d'Autriche, p. dl8.) Cette
royale maison. (La Bruyère.) — Il fait royaux
au pluriel masculin. — Précédé des substantifs
lettres, ordonnances, quand on parle dos an-
ciennes lettres, des anciennes ordonnances, il fait
RUl
royaux, quolcjuc ces substantifs soient au féminin
pluriel : Des lettres royau.v, des ordonnances
royaux. Aujourd'hui, en parlant des ordunnancci
uouvellcs (jui émanent de l'autcirilé royale, oo
dit des ordonnances royales. Voyez Adjectif.
Royalement. Adv. On peut le iiieiirc entre
l'auxiliaire cl le participe : Il nous a traités roya-
lement, ou // 710US a royalement traitt-s.
Royaliste. Adj. des deux genres. 11 ne se met
guère iju'aprés son subsl. : // est royaliste. — Il
se dit plus ordinairement comme subsl. : C'e.^t un
royaliste. Ce mot emporte dans sa signilicalion
une idée de parti : Les royalistes et les ligueurs,
les royalistes et les républicains.
Rubicond, Rubiconde. Adj. Il ne se dit qu'co
plaisantant, d'un visage dont la rougeur annonce
une vie passée dans l'abundance, sans iniiuiclude
et sans souci, ou dans le vice de l'ivrognerie. Il
nc se met guère qu'après son subst. : Un visage
rubicond, une face rubiconde. — On dit aussi ««
nez rubicond.
Rude. Adj. des deux genres. On le met sourent
avant son subst. : Peau rude, poil rude, brosse
rude, visage rude, air rude. — De rudes coups,
de rudes épreuves, de rudes combats, un truvail
rude, un rude travail. Voyez Adjectif.
RuDCjiENT. Adv. On le met quelquefois entre
l'auxiliaire et le participe : Il a été attaqué rude-
ment, ou il a été rudement attaqué.
Rudesse. Subsl. f. Racine a dit : La rudesse
des forets, pour dire la rudesse des mœurs (jue
l'on contracte en vivant dans les forets :
Nourri dans les forêts, il en a la rudesse.
(Rac, Phèd., act. III, sc. i, 46.)
Ruelle, Subsl. f. On appelait autrefois ainsi
une alcôve ou un lieu orné où les femmes rece-
vaient des visites familières, soil au lit, soit debout,
et l'on disait figurément d'un homme il passe sa
vie dans les ruelles, il va de ruelle en ruelle,
pour dire qu'il était souvent chez les dames, et
qu'il se plaisait dans leur conversation.
« Boileau a eu beau dire dans son Art poétique
(iv, l'J'J), en parlant de Louis xiv :
Que de son noni, chanté par la bouche des belles,
Berîi^raiie en tous lieux amuse les ruelles,
il y a luiigienips qu'il n'esl plus question de
ruelles. Aujourd'hui nos rimcurs galants, qui
font l'amour dans nos almanachs, ne croiraient
pas leurs vers du bon ton, s'ils n'y plaçaient pas
un bmtdoir ; et peut-être dans cent ans, si la mode
change encore, le boudoir aura passé comme leurs
vers. » (La Harpe, Cours de littérature.)
Ruer. V. a. et n. delaTcconj. Auuefoison
l'employait dans le style noble, ei Malhcrbea dit :
rtier le tonnerre; aujourd'hui il en est banni. On
peut même assurer qu'il n est plus admis dans
aucun style, si ce n'esl avec le pronom personnel:
Se ruer sur quelqu'un, on en parlant des chevau.x
et des mulets qui jettent les pieds de derrière ea
l'air avec force.
Rugissant, Rugissante. Adj. verbal tiré du v.
rugir. Il suit son subst. : Un lion rugissant^
une limne rugissante.
Rlineux, Ruineuse. Adj. On peut le inellro
avant son subsl., lorsque l'analogie cl l'harmonie
le permettent : Édifice ruineux, fondement rui-
neux. — Dépense ruineuse, cette ruUteuse <W-
pense; emploi ruineux, ce ruineux emploi.
Voyez adjectif.
Rlmsskau. Subst. m. L'Académio dil : ferser
desritixseatix de larmes ; cUc iiC dit pas, verser
des ruisseaux de pleurs.
Elle dit, et soudain
D'un long ruitseau de pleurs elle inonde son sein.
(Delil., Énéid., III, 409.)
Toycz Larmes.
RcissELANT, Rdisseunte. Adj. Verbal lire du
V. rui.sseler. 11 ne se met qu'après son subst. :
Des eaux ruisselantes, le sang ruisselant .
Rdm. Snlist. m. Voyez Rhutn.
Ri'MB. Subst. m. Ou prononce romh, en faisant
sentir le h.
RuMi>ANT, Ruminante. Adj. qui se met ordinai-
rement après son subst. : Les animaux rumi-
nants.
Rdptcre. Subst. f. L'Académie dit : La rup-
ture de la paix, la rupture d'une société, la rup-
ture d'un mariage ; elle nc dit pas, la rupture
des nœuds.
Après l'éclat et la Irista aventure
Qui de nos nœuds a causé la rupture.
(Volt., Enf. prod., acl. V, se. v, 7.)
Rural, Rurale. Adj. Il fait au pluriel masculin
ruraux, et ne se met qu'après son subst. : Bien
rural, bie?is rurau.v, vie rurale, commune ru-
rale.
Rose. Subst. f.
Ah, ciel ! quelle est sa ruse ?
(Conw., Uéracl,, act. IV, se. IV,
Î-)
Ce mot ?wi', dit Voltaire, ne doit point entrer
dans le tragique, à moins qu'il ne soit relevé
par une cpithètc noble. ( Remarques sur Cor-
neille.)
RcsÉ, RcsÉE. Part, passé du v. ruser, et adj.
Cet adjectif, contre l'ordinaire desadjectifs formés
des participes passés, précède quelquefois son
subst. On dit : Oest un rusé matois, c'est un
rusé politique.
*RnsECiiv Subst. m. Mot nouveau que J.-J.
S 637
Rousseau a employé dans le passage suivant :
u L'uhhi Truhlet voulait savoir comment cette
impression .s'était pu faire, et, dans son tour
d'esprit finet et jésuitique, me demandait mon
avis sur la réimpression de cette lettre, sans
vouloir me dire le sien. Comme je hais souverai-
nement les ruscurs de cette espèce, je lui fis les
remercîments que je lui devais; mais j'y mis un
ion dur qu'il sentit, et qui ne l'empcclia pas de
me patcltner encore en deux ou trois lettres, Jus-
qu'à ce qu'il sût tout ce qu'il avait voulu savoir.»
[Confessions, 11'^ part., liv. k).
RussR. Adj. des deux genres. On disait autre-
fois russien. Aujourd'hui l'on ne dit plus que
russe, soit adjectivement, soit suhslaiitivcuient :
L'empire russe, lespmviuccs russes, tes Russes.
Il ne se met qu'après son subst.
RcsTACD, Rustaude. Adj. Il suit toujours son
Siil)St. ; Un air rustaud, des manières rustaudes.
11 s'emploie comme le mot rustre en parlant des
gens qui ont des mœurs ou des manières gros-
sières et opposées à celles des gens .^ui sont polis
et bien élevés. Mais on en rustaud faule d'édu-
cation, faute d'usage, par riiai)itudc de vivre
toujours avec de grossiers campagnards ; on est
rustre par caractéi-e, par humeur, par goût, par
caprice, p;ir mécontentement.
Rustique. Adj. dos deux genres. On peut le
mettre avant sdii subst., en consultant l'oieillc et
l'analogie : f^ie rustique, danse i ûstique, pay-
sage rustique, manières rustiques, ces rustiques
manières.
Prêt à quitter pour toi la rustique musette.
(r.RESSKT, Éyl. VIII, ILI
Sous se? rustiques toits, mon père vertueux
Fait le bien, suit les lois et ne craint q>ie les dieux.
(Volt., lier., act. H, se. ii, 75.)
RusTiQur.MEST. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a répondu rusti-
quemeiit, OU il a rusliguement répondu ; cet ou-
vrage est fait rusliquement, ou est rustiquemeni
fu it .
Rustre. Adj. des deux genres. On le met ordi-
nairement après son subst. : Un air rustre, des
manières rustres. Voyez Rustaud.
S.
s. Subst. m. On prononce se. C'est la dix-neu-
vième lettre de notre alphabet, et la quinzième
des consonnes.
Le son propre de cette lettre est comme dans
sage, séjour, silence, solitude, sucre. Elle a le
son accidentel de se, comme dans user, oser, etc.
5 conserve au commencement des mots le son
qui lui est propre, lorsqu'il est suivi d'une autre
ronsonne, comme dans scorpion, statue, scan-
dale, scorsonère, scuhac, scubieuse, squelette,
stomacal. Mais dans la prononciation de ces mots,
on passe si rapidement sur Ve muet du son propre
de se, qu'on ne l'entend presque point,
Lorsque le j initial est suivi d'un c, et qu'il se
trouve ensuite un e, un i, ou un h, comme dans
sceau, scel, scélérat, scène, scie, schisme, sciure,
le s ne se fait point sentir, et on prononce comme
s'il y avait oeau, cel, célérat, cène, de, chisme,
oiure.
Dans le corps des mots, le s conserve le son qui
lui est propre, quand il est précédé ou suivi d'une
autre consonne, comme dans absolu, converser,
Conseil , bastonnade , disque , lorsque , puis-
que, etc.; et quand il est redoublé, comme dans
passer, essai, missel, bossu, mousse. — Il faut
excepter, 1° les mots transiger, transaction,
transition, transit, transitoire , inirunsitif,
transalpin, dans lcs(]uels la lettre * prend le son
du z, quoique précédée d'une consonne. Celte
exception est fondée sur ce ijue ces mots étant
comiMjsés de la préposition latine trans, la lettre
s y est considcrée comme finale, et se pronuncc,
en conséquence avec le son accidentel. Celle ex-
ception n'a pas lieu pour les mois transir el
Transylvanie.
2° Il faut excepter de la règle générale Alsace,
Alsaciens, balsamine, balsamique, halsamite,
ainsi que les mots où la lettre s est suivie d'un 6
038 à
ou d'un rf, dans lesquels celle lellre se prononce
connue un s.
D;iiis le corps d'un mot, qu;ind « est seul entre
deux voyelles, on le prononce comme un s,
connue iJiins ruse, hésiter, misanthrope , misère,
rose, vtsicaloire, etc.
On excepte de celte règle les mots désuétude,
monosyllabe, 7nonasyllabigue, parasol, pnlysyl-
Itibe, priséatice, prisuppnscr, présuppositioa.
vraisemblance , vraisemblable, vraisemhluble-
■ment, et quelques autres qui sont soisneusemenl
indiques dans ce Dictionnaire. .Mais, dans le
fond, ce n'esl point une exception ; car ces mois
étant composés des purliculcs dé, mono, paru,
poly, pré, vriti, les qui commence les mots qui
suivent ces particules est réellement un s initial.
On pr(jnonie comme si l'on écrivail dé-suétude,
mono-syllabe, para-sol, etc.
S final est muet dans les mots trépas, tamis,
avis, os, alors, etc. Mais il rend la syllabe
longue. H se fait sentir dans les mots ris, as,
anus, iris, aloès, agmis, fœtus, lapis, laps,
Mars, culus, rébus, orémus, chorus, bibiis, gra-
tis, sinus, etc., et dans les noms propres étran-
gers, comme DéUs, Sentis, Bacchus, Pallas,
Rvbens, etc. On ne le [jrononce cependant pas
dans Thomas, Judas.
S final, quand on doit le faire entendre à cause
de la voyelle (jui commence le mot suivant, se
prononce counne un z : f^ousnvcs de bons avis,
etc. Prononcez vou-zaves de bon-zavis, etc.
Dans les adjectifs pluriels terminés par un 5,
ce s se lie toujours avec le substantif suivant qu'
commence par une voyelle ou un h muet, et alors
il a la prononciation du z, comme dans grandes
actions, bonnes œuvres, grands hommes, que l'on
prononcegrande-zactLons,bonne-sœuvres,grand-
zhommes. La raison de cette liaison, c'est que
tout adjectif appelle un substantif avec lequel il
est lié grammaticalement. Mais si ce substantif
précède l'adjectif, ce substantif présentant une
idée absolue qui n'exige pas nécessairement un
adjectif, la liaison ne s'ojK're pas toujours, sur-
tout dans la conversation. On ne la fait que dans
le discours soutenu, ou ([uelquefols dans des
conversations dont le ton est au-dessus de la
familiarité. On peut donc prononcer, suivant les
cas, des amis attentifs , et des passions effrénées;
ou bien, des amis-zattcntifs, et des passions-
zeffrénées.
La lettre s se trouve double dans certains mots,
ou parce que ces mots sont composés d'une par-
ticule cl de quelque autre mot, ou parce que les
deux s rntrenl eux-mêmes dans la formation du
mot. Ainsi, les mots desseri-er, desservir, des-
souder, .sont compo^cs de la particule de ou dé
qui marque exiraclion ou privation , et des
mots serrer, servir, souder. Dans l'origine, on
doil avoir dit en deux mots, dé-serrer, dé-servir,
dé-souJer,ci l'on prononçait comme on prononce
aujourd'hui, parce que les, étant initial, avait la
prononciation forte (jue nous liii donnons; mais
lorsque de ces mots doubles on en a fait un
seul, on s'est aperçu que dans déserrer, déser-
vir, désovder, 5, se trouvant entre deux voyelles,
devait avoir la |)rononciation du s. En consé-
quence, on a ajouté un s à de <iu à dé, afin de
rétablir la [irononciatioa primillve de ces mots,
el de donner aux s de serrer, servir et souder,
«ne prononciation forte qu'ils n'auraient point
eue sans celle addition; cl on a écvil desserrer,
desstrvir, dessouder. Dans ces sortes de mois,
SAC
on no prononce qu'un *, mais on le prononce
forlemcnl.
iMais lorsque les deux s entrent d'eux-mêmes
dans la composition du mot, cl (juc l'un n'a poinl
été ajouté a l'autre par la seule rai>on d'une rec-
tification de [irononciaiion, ces deux lettres doi-
vent être prononcées; tels sont les mots essieu,
essence, et autres semblables, où les deux « se
trou vent|jrimilivcmenl. Tout homme dont l'oreille
est accoutumée à la bonne prononciation con-
viendra (ju'on ne [)rononce pas é-sieu, é-scuce;
mais essieu, essence.
S. est l'expression abrégée du mol saint, du
mot sa ou .?< « : S. S., Sa Sainteté; S. M., >Sb
Majesté; S. A. R., Son Altesse Royale; S. Eî.,
Son Excellence ; S. Em., Son Eminence, etc
— S , dans les anciens comptes signifie s<'U\ eu
musique il vcui à\TCs<ili>. — Les monnaies frap-
pées a Beims sont marquées d'un s.
Sa. Adj. possessif siiig. f. Voyez Son.
Sabbat. Subst. m. Ou prononce saJaf.
Sableux, Sableuse. Adj. (pii se met toujours
après son subst. : Farine sableuse.
Sablonneux, Sablonneuse. Adj. On peut ie
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le peniMîltent : Rivage sablonneux,
terre sablonneuse, contrée sablonneuse, dans
cette sablonneuse contrée. Voyez Adjectif.
Sabre. Subsl. m. Ce mol ne s'emploie guère
dans le style noble, à moins qu'd ne soit (lueslion
d'expéditions militaires. On dit le glaive du tyran,
et le sabre du soldat.
Sabrer. V. a. delal'econj. Ce mol est exclas
du style noble.
*Saccagedr. Subst. m. Ce mol, que l'usage
n'a pas adopté, a été employé par Voltaire : Che*
m'ii, les grands hommes sont les premiers., et
les héros les derniers. J'appelle grands hommes
tous ceux qui ont excellé dans l'utile ou dans
l'agréable. Les saccageurs de provinces ne sont
que héros.
Sacerdotal, Sacerdotale. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. Il fait au pluriel masculiii
sacerdotaux : Dignité sacerdotale, fonctionr
sacerdotales, ornements sacerdotaux.
Sacramental, Sacramentale, ou Sacramentel,
Sacramentelle. Adjectifs. On peut les meure
avant leur subst., en consultant l'oreille el l'ana-
logie : Une absolution sacramentale, cette sa-
cramentelle absolution. — Il semble qu'au féminin
on emploie plus ordinairement sacramentelle que
sacramentale. — On dit au pluriel, sacramen-
taux: Mots sacramentaux.
Sacrahentalement ou Sacramentellement.
Adv. Il ne se mel qu'après le verbe : Le corps de
Jésus-Christ est sacramentellement dans l'eu-
charistie.
Sacrk, Sacrée. Part, du v. sacrer, et ."ij.
Voltaire a employé ce mot dans une acccptioii
qui n'est point indiquée dans le Dictionnaire de
l'Académie (Zaïre, act. V, se. x, 73) :
Forte aux tiens ce peigaard que mou bras égaré
A plongé dans ua sein qui dat m'ètre tacré.
Sacrifier. V. a. de la 1" conj. Faire un sa-
crifice. Dans le sens religieux, il se dit de toutes
} sortes d'objets: Les premiers hommes «e sacri-
' fiaient que de l'herbe. (Monlcsfiuieu, Esprit des
; lois, liv. IV, ch. 25.) On n'immole (pic des vic-
i limes, (les cires animés. L'objet sacrifié est voué
I a la divinité; l'objet ïTOOToie est (lélruit à Ihonneur
1 de la divinité. Dans le sens profane, vous sacrifiez
SAI
tous les genres d'oî)jels ou de choses auxquels
vous renoncez voloiitiireiiient, dont vous vous
dé|iouillcz, ([ue vous abandonnez pour quelcjuc
autre intéiéi, ou pour l'inlérét d'un aulre. ^ ous
immolez pour voire salisfaclion, ou pour la
satisfaclion d'aulrui, des objels animés que vous
railez comme des victimes, que vous d(>|ioL>iilez
de ce (ju'ils ont de jikis précieux, (jue vous vouez
à la mort, à raiialliome.
Sacrilégk. Ailj. (jue l'on prend aussi substan-
tivement. Quand on emploie ce mot adjective-
ment, on peut le meure a\ant son subst., lorsque
l'analogie et rii;irmonio le |)crmettcnt: Un homme
sacrilège, celte sucvilége pensée; action sacri-
lège, celte sacriltge action.
Sacrum. Subst. m. On prononce le m comme en
latin.
Sag.ace. Adj des deux genres. En 179S, IWca-
démie 1« donne comme un mot nouveau et utile,
et il est eu effet l'un et l'autre. Je pense qu'on
peut le mettre avant son subst., lorsque l'analogie
et l'harmonie le permettent : Cette critique sa-
gace, ou cette sagacc critique.
Sage. Adj. des deux gcnics. On peut le placer
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un homme sage, une femme sage, vn
îeune homme sage. — Une conduite sage, une
sage conduite; vne rèp nse sage, une sage ré-
ponse; un conseil sage, un sage conseil ; un air
sage, un esprit sage, un style sage. — En pariant
des personnes, on met sage avant le subst., lors-
qu'on veut exprimer la sagesse, la prudence, l'ha-
bileté avec lesquelles elles exercent les fonctions
qui leur sont confiées : Un sage magistrat, un
sage général, un sage ministre, un sage direc-
teur. — C'est à i)eu près en ce sens qu'on appelle
sage-femme celle qui fait profession d'accoucher
les femmes. Voyez Adjectif.
Sagement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le partiel [)C : Fous avez fait sagement,
vous avez sagement fait; il s'est conduit sage-
ment, il s'est sagement conduit; il a sagement
conduit sa barque.
Sagesse. Subst. f. Aucune des définitions que
donnent les dictionnaires ne peut s'pppliquer à
l'espèce de sagesse que A'oltairc décrit dans les
vers suivants (Épître XXXI, v. 16J :
Or, votre sagesse n'est pas
Celte pointilleuse harpie
Qui raisonne 5ur tous les cas.
Et qui, lrist« iueur de l'Envie,
Oacrant un gosier cdenté.
Contre la tendre Volupté
Toujours prêche, argumente et crie;
Mais celle qui si doucement,
Sans eflort et sans industrie,
Se bornant toute au sentiment,
Saitjusques an dernier moment
Répandre un charme sur la vis.
Saignant, Saignante. Adj. verbal tiré du v.
saigner. On mouille le nn. Cet adj. ne se met
qu'après son subst. : Avoir le nez saignant, la
bouche saignante; plaie saignante. — Bœuf
saignant.
Saignée, Saignement. Dans ces deux mots, on
mouille gn.
Saigner. V. a. et n. de la 1" conj. On mouille
le gn : Saigner quelqu'un au Iras, à la gorge,
etc. La pluie saigne. — On dit au propre saigner
du nez, pour dire répandre du sang par le nez;
et au figuré, saigner du nez, pour dire manquer,
dans l'occasion, de courage, de résolution. Quel-
S.\I
6Sfi
qucs personnes, jwur distinguer ces deux sens,
prétendent qu'on doit dire au propre, saigner an
nez; c'est une cireur. Saigner au nez ne vou-
drait dire autre chose ipie tirer du sang du nez,
comme on en tire du bras, ilu pied, etc.
Saigneux, Saigneuse. Adj. On mouille le gn.
Gît adj. ne se met qu'après son subst. L'Académie
dit, avoir le fiez soigneux; je pense qu'il est
mieux de dire, avoir du sang au nez. friande
saigneuse.
Saillant, Saillante. A<lj. verbal tiré du v.
saillir, pris d.ins le sens d'avancer en dehors. Au
liguié, onpeut le mettre avant Sun subst., lorsque
l'analogie et l'harmonie lu permettent : Angle
saillant, corniche saillante. — Pensées saillan-
tes, ces saillantes pensées. Voyez Adjectif.
SuLLiii. V. n. et irrégulier de la 2' conj. Dans
le sens de jaillir, sortir avec impétuosité et par
secousses, il ne se dit ijuc des choses li(iuides,
et alors on dit au présent de l'indicatif, je saillis,
etc. ; à l'imparfait, je saillissais, etc. ; au passé
simple, je saillis, etc.; aa futur, Je saillirai,
etc. ; au présent du conditionnel, je saillirais,
etc.; au présent du subjonctif, que je saiUisse,
etc. ; au participe présent, saillissant; au parti-
ci|>c passé, suilli, saiilic. — On ne remploie
guère qu'a l'infinitif et à la troisième personne de
quelques temps. (Acad.)
Dans le sens de s'avancer en dehors, il n'est
d'usage qu'aux troisièmes personnes des temps
simples, il saille. Us saillent, il saillait, il sail-
lera, qu'il saille, q>/'il saillît; et au participe
présent, saillant. Ce balcon saille trop.
Sain, Saine. Adj. On jicul le mettre avant son
subst., en consultant l'oreille et l'analogie : Un
homme sain, un corps sain. — Un jugement
sain, un e.-iprit sain, — La saine raison, la
saine critique, la saine philosophie. Voyez Ad-
jectif.
Sainement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le parlicipc : // est logé sainement, ou
il n'est pas sainement logé; cela est sainement
pensé.
Saint, Sainte. Adj. 11 se met très-souvent avant
son subst., et commence par une lettre majuscule
lorsqu'il est joint à un nom propre : La suinte
Trinité, le Saint-Esprit, saint Pierre, saint
Paul, sainte Madeleine, sainte Geneviève. —
Les saints anges, les saints apôtres, les saints
docteurs. — Un saint homme, une sainte femme,
un saint personnage, une âme sainte. — Une
sainte pensée, de saintes œuvres, un saint mou-
vement; mener une vie suinte. — V Kcrilure
sainte, les livres suints, la suinte bible, ta
sainte Église, le suint concile, les saints canons.
— Le temple saint, le saint temple; un zèle
saint, un saint zèle; une sainte volonté, vn»
sainte audace. — Féraud trouve ridicule qu'on
dise sainte liberté, sainte humanité, sainte na-
ture ; et il trouve tout naturel (ju'ondisc la sainte
inquisition.
Saintement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a toujours vécn
saintement, ou il a toujours saintement vécu.
Saisissement. Subbt. m. Ce mot ne s'emploie
qu'au ligmé, et dans un sens passif. C'est l'clal
de celui qui est saisi : Ce discours lui causa
vn saisissement qui ne lui permit pas de ré-
pondre.
Ses regards ont changé mon ime en un moaier.\,
Je n'ai pu lui parler qu'avec êaitistement.
(Gressut, 3féchant, aci. III, EC. ZIl, 3.)
640
SAN
Salarier. \. a. do la i" conj. Fcraiid prélond
qu'il csl vieux, et qu'il ne se dit |)lus. C'est une
erreur. Il faut salarier va grand nombre de
commis.
Salk. Adj. des deux genres. On peut, au fi^'uré,
le luellre avant sonsubst., en consulianl l'ureilic
et l'uiialo^ie : Un homme sale, une cluimOrcsalc,
du linge sale. — Des paroles sales, des actions
sait s. — Un sale intérêt, de sales discours, les
sales voluptés.
Salement Adv. On peut le lucttrc entre l'auxi-
liaire el le partiiipc : Il est couché salement, ou
il est salement couché.
Salin, Sali>e. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Esprits salins, concrétions salines.
Salique. Adj. f. qui ne se met qu'après son
subst. : La loi salique.
Svlissa>t, Salissame. Adj. Tcrbal tiré du v.
salir. 11 ne se met qu'après son subst. : Un drap
salissant, une étoffe salissante.
Salopement. Adv. que l'on trouve dans le
Dictionnaire de l'Académie, et dans quelques
autres.Onlui failsignifier, d'une manière salope.
— Il n'est point usité. On ne dit pas, cunane le
prétend l'Académie, manger salopement, être
couché salopement. On dit, manger malpropre-
ment, être couché vialproprement.
Saluade. Subst. f. \ ieux mot inusité. Féraud
dit qu'on peut l'employer dans le style plaisant
etmoqueur : // fait des saluades extraordinaires,
ridicules. Tout le monde se moque de «ei saluades.
Je pense que Féraud se trompe. On dirait mieux,
ce me semble, en ce sens, salutations.
Saldbre. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie el
l'barmonie le i)ermettent : Des eaux salubres,
vn régime saluhre, une nourriture, sal ubre , une
salubre nourriture. Voyez Adjectif.
Salueiî.Y. a. de h 1'^ conj.: Saluer quelqu'un,
saluer l'autel, saluer le deuil, saluer de lu main,
saluer de l'épée, saluer en étant son chapeau,
saluer en tirant le canon, en baissant pavillon.
Salut. Suiist. m. Ce mol n'a de pluriel que
lors(iu'il signifie l'action de saluer : Jprcs plu-
sieurs saluts faits et rendus; ou les prières que
l'on fait le soir dans les églises à cerlahis jours :
Cette femme assiste à tous les saluts.
Salutaire. Adj. des deux genres. On peut le
meure avant son subst, en consultant l'oreille
el l'analogie : Un remède salutaire, un avis
salutaire, un salutaire avis; une doctrine salu-
taire, cette salutaire doctrine.
D'un bonncl vert le salutaire affront.
(BoiL., .Sut., I, 15.)
"\'^oyez Adjectif.
Saldtairement. Adv. Il jjeul se mettre entre
l'auxiliaire el le participe : Cet usage a été salu-
tairemonl établi.
Sanctifiant, Sanctifiante. Adj. verbal tiré du
V. sanctifier. Il ne se met qu'après son subst. :
Esprit sanctifiant, la grâce sanctifiante.
Sang. Subst. m. Devant une consonne, ou ne
fait point sentir le g ; devant une voyelle, on le
prononce comme un k, ou un g dur. Ce mot n'a
point de pluriel. On dit toujours le sang, el
jamais les sangs. Voici qucliiucs exemples de la
manière dont les poêles l'emploient :
Un oracle cruel
Y«-l q'i'ici Tulrc tang coule sur un aiilel.
(Rac, IpUig., ad. IV, IC. IT, 56)
SAN
Vos mains n'ont point Irempé dans le tang ïcdocmiI.
(RlC, Phèdre, act. I, se. m, C8.)
. . . .Vers mon caur tout mon tang se relire.
[Idem, act. II, ic. Y, 1.)
Depuis ce jour de sang.
(Volt., ilahom., ad. II, se l, 5.)
Dans le sens de race, de famille :
J'aime en elle le «angr dont elle est descendue.
(RiC, Bajaz., ad. I, se. i, 1S2.)
Quel mortel ennui.
Contre tout votre tang tous anime aujourd'liuiî
(Rac, Phèd., act. I, se. m, t03.)
Oui, vous êtes le sang d'AsIrée cl de Tliyesle.
(Rac, Jphig., act. IV, se. iv, 33.)
J'allais, en reprenant el mon nom et mon rang,
Des plus grands rois en moi reconnaître le san^.
(Idem, act. II, se. I, 49.)
Comme ils gnl même sang avec pareil mérite.
(Corn., Rodog., act. I, se. vii, S".)
Acoir même sang, dit Voltaire, est un barba-
risme. On dit, ils sont du même sang; ils Sont
nés, formés du même sang. {Remarques sur
Corneille.)
Nous ne sommes qu'un sang.
(CoBN., Nicom., ad. III, se. vin, 27.)
Je crois, dit V^ollaire, que celle expression peut
s'admettre, quoiqu'on ne dise pas deux sangs.
Dans le sens des sentiments que la nature in-
spire aux pères pour leurs enfants :
Vous n'avez point du sang dédaigné les faiblesses.
(Rac, Iphig., acl. IV, se. iv, 31.)
..... De ce soupir que faul-il que j'augure?
Du sang qui se révolte est-ce quelque murmure?
[Idem, acl. I, se. III, 5.)
De sang-froid, de sang rassis. Voyez Rassis.
Sanglant, Sanglante. Adj. Qui rend du sang,
qui csl taché de sang, couvert de sanj. On le met
souvent avant son subst. ; Une riMe sanglante,
une épéc sanglante, cette sanglante épée. — Utic
bataille sanglante, une sanglante bataille; un
affront sanglant, un sanglant affront ; un ou-
trage sanglant, un sanglant outrage; titie in-
jure sanglante, une sanglante injure ; une sa-
tire sanglante, une sanglante satire ; une rail-
lerie sanglante, une sanglante raillerie.
Les dicu.^, toutes les nuits,
Dès qu'un léger sommeil suspendait mes ennuis.
Vengeant de leurs autels le sanglant privilég;*
(Rac, Iphig., act. I, se. I, 83.)
Cet Aclulle
Dont la sanglante main m'enleva prisonnière.
[Idem, act. 11, se. I, 78.)
Féraud doute que ce mot se dise des per-
sonnes, mais il ne donne point de raisons de son
doute ; je ne vois pas pourtiuoi on ne dirait pas
d'un homme couvert du sang (lui coule de ses
plaies, i\\x'il est tout sanglant. Féraud |icnsequ'fl
faut (lire en ce cas, tout ensanglanté, ou tout
couvert de sang. Mais ensanglaulé, ou couvert
de sang, 80 dit d'un sang qui Vicul de dehors, et
SAN
sanglant, ci'un sang qui vient de l'objet même ,
ou ifui a été cause par l'objet; une blessure est
sanglante, une epée est sanglante; la terre est
eitsangl^ntce.
Sangsde. Subst. f. On ue prononce point le y.
Sanguin, S.incline. Ailj. qui ne se mctiiu'après
son subsl. : Tenipévument sanguin. — Bouge
sanguin, couleur sanguine.
Sangdinaire. Adj. des deux genres. On peut
quelquefois le mettre avant son subst. : Un
homme sanguinaire , une nation sanguinaire,
une humeur sanguinaire, des exploits sangui-
naires, Ue sanguinaires i'.rptoits.
Sanguinolent, Sanguinolente. Adj. Il ne se
met qu'après son subsl. : flegmes sanguinolents,
glaires sanguinolentes.
Sanitaiue Adj. des deux gem'es. Il se dit de
ce qui a rai)porl à la conservalion de la santé, et
ne ïo uiet qu'après son subst. : Lois sanitaires.
Sans. Préposition. Le .s final ne se prononce
que devant une voyelle ou un h non aspiré.
Celle prèposilion reçoit également après elle ni
ou et entre deux régimes : Sans crainte ni pu-
deur, sans force ni vertu; et dans ce cas, sans
ne se répèle point. Ou bien, sans crainte et sans
pudeur, sans force et sans vertu; et alors sans
se répèle. La raison de celte différence, c'est que
sans est exclusif par lui-même, et que 7ii l'est
aussi, ce qui fait (|ue ce dernier peut sup[)léer
sans; au lieu que et, n'ayant pas le même carac-
tère, ne dit pas ce que\$a«« doit dire, ce (jui
oblige à le répéter. — Mais n'y a-t-il pas une
différence entre ces deux expressions? Il me
semble (jue sans crainte ni pudeur dil quelque
chose de moins ([ue sans crainte et sans pudeur.
La répétition desrt/is marque plus positivement
le défaut (]ue ni. Je pense donc qu'on ménagerait
tn quelque sorte une personne à qui l'on îerait
(les reproches, en lui disant : Comment arez-
vouspu, sans crainte ni pudeur, tenir de tels
propos? et qu'on ue la ménagerait point du toui
en lui disant : Comment avez-vous pu, sans
crainte et sans pudeur, tenir de tels propos?
^ous agissez sans crainte ni pudeur, voxis agis-
sez sans crainte et sans pudeur. Le reproche
est moins fort dans la première ijhrasii c^uû dans
la seconde.
Cette proposition, étant entièrement exclusive,
n'a pas besoin de;;a.j ou point pour la compléter.
On dit sans urgent, et non pas sans point d'ar-
gent. On a donc critiqué avec raison cette phrase
de Montesquieu : César avait tant de grandes
qualités sans pw^ un défaut (Grand, et décud.
des Boinains, ch. XI). Par la même raison,
sans ne doit pas être suivi de la négative ne,
même après le verbe craindre : f^ons pouvez trai-
ter avec lui sans craindre quil vous trompe, et
non pas qu'il ne vous trompe. — On dit également
bien sans exciter de plaintes, avec de sans arti-
cle, et sans exciter des plaintes avec l'arlicle.
Ces expressions diffèreni en ce que la dernière
présente le mol plaintes dans un sens défini.
Sans peut se [)lacer au commencement de la
phrase, ou dans le corps de la |)hrase : Sans les
injustices des hommes, à quoi servirait la Ju-
risprudence? Que ferions-nous des arts, sans
le luxe qui les nourrit ?
Les verbes régis par sa7is régissent le subjonc-
lif, comme dans les [ihrases négatives : Saîis nous
jpcrcevoir que nous logions ensemble. — Sans
ne doit pus être trop éloigne du verbe qu'il régit.
Il peut tout au plus en être séparé par un pronom
pasuiiivel et un adverbe : Il m'a 2r.irl: longtemps
SAP
641
sans^^awittii- me rien dire du sujet qui l'amenait
oliez moi. Bossuet a dil : Sans ici lui disputer
l'avantage ; sans aurait été plus rapproché de son
verbe si l'uuleur eut dit : Sans lui disputer ici
l'avantage.
Sans régit l'iiitiiiilif des verbes (]ui se rappor-
tent au sujet (le la jibrase : Je l'ai grondé sans être
ému; et il régit la conjoiiclioii que avec le sub-
jonctif des verbes qui ne se rapiiortent pas à ce
sujet : Je l'ai grondé sans quil ait été ému.
Sans que ne doit être suivi de ne, ni dans les
propositions aflirmatives, ni dans les propositions
négatives : On ne pourra pas se moquer des pas-
sages d'Escôbar et des décisions si fantasques et
si peu chrétiennes de vos autres auteurs, sans
qu'on soit accusé de rire de la religion. (Pascal,
XI*-' lettre provinciale.) Hélas! nous ne pouvons
tmvinment arrêter les geux sur la gloire de la
princesse, sans que la mort s'y mêle aussitôt
pour tout offusquer de son ombre. (Boss., Oraison
fuit, de madame lu duchesse d'Orléans, p. 62.)
— Et dans les propositions négatives : Ne le voyez-
vous pas bien, sans que je vous le dise? (Re-
gnard. Le retour imprévu, se. xx.)
La négative ne n'est pas même admise après
sans que, suivi de ni, aucun, personne, rien,
jamais :
Je reçus et je vois le jour que je respire,
Sans que mère ni père ait daigné me sourire
{Rac, Ii>hig., acl. II, fc. I, 31.)
Le soin de m'élevcr est le seul cjui me ^'uide,
Sane que rien sur ce point m'arrête ou m'intimide.
(CrÉbillon, Serxét, ad. 1, se. i, 113.)
Dans un mois, dans un an, comment sourfrirons-nous.
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous;
Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérouice,
Sans qus de tout le jour j« puiss» voir Titus?
(lUc, Bérén., acl. IV, se. T, 75.)
Les puissances établies par le commerce.... s'é-
lèvent peu à peu, et sans que personne s'en
aperçoive. (Montesquieu, Grand, et décad. des
Bomains, ch. IV.) Si, dansions cc> exemples,
on supprime saîis que, il faudra dire avec la
négative, ni père, ni mère n'a daigné ; rien ne
m'arrêta, rien ne in intimide ; comment souff i
rons-nous que jamais Titus ne puisse, etc., etc
Ainsi, c'est sans que qui exclut la négative.
Sans se joint sans article avec plusieurs sub-
stantifs, pour former des expressions adverbiales .
Sans doute , sans difficulté, sans contredit, sans
faute, sans vanité, sans cesse, etc.
Comme il les craint sans cesse, ils le craignent loujonri.
(Rac, Baj., acl. I, se. i, 44. i
Quoique Racine, madame deSévignéet quel-
ques autres aient dit sans plus, celte expression
a été bannie du langage ;
Et sons plus me charger du soin de votre gloire.
Je veux laisser de vous jusqu'à votre mémoire.
(Uac, J/ij;ir.,acl. III, se. v, S7.)
On dirait aujourd'hui, sans me charger plus
longtemps du siàn de votre gloire.
Sapide. Adj. des deux genres. Du latin sapidus,
qui a du goiil, de la saveur. On dit coloré, odo-
rant, sonore; sapide et tangible mancjuent. Saint-
Lambert a dit : il. Les yeux vie donnent les idées
des couleurs; l'oreille, celles des sons ; l'odorat,
41
642
SAU
celles des odeurs; le goût, celles des saveurs. Ces
idées ne tiennent point les vnes aux avlrrs;
elles sont des idées séparées des différentes qua-
lités des corps; c'est le sens du toucher qui les
révnil dans un seul sujet qui peut être a la fois
coloré, odorant, sonore et s:ii.>!de. — En 1835,
l'Académie admet sapide et tangible.
Sataniqce. Adj. des deux genres. On i)cut le
mettre avant son subst.,en consultant l'oreille et
l'analogie : Esprit satanique, méchanceté sata-
nique. Cette satanique méchanceté, cette satani-
que engeance. Voyez Adjectif.
Satellite. Subst. m. En parlant des hommes,
il se prend toujours en mauvaise part :
Ses ardents satellites.
Partout du Capitale occupent les limites.
(Volt., Mort de Ccsar, act. II, se. ir, 108.)
Satire. Subst. f. Ce mot doit s'écrire avec un
i, pour le distinguer de satyre, demi-dieu de la
fable, qui s'écrit avec un y. Terme de littérature.
Ouvrage moral en prose ou en vers dans le(iuel
on attaque directement le vice, ou quelque ridi-
cule blâmable. Voyez Satyre.
Satirique. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Ouvrage satirique, trait satirique,
poëte satirique, poésie satirique. — Ce satirique
auteur, ces satirique.i discours. Y oyez Adjectif.
S.ATI^.IQL•EME^T. Adv. 11 ne se met qu'après le
verbe : Ci la est dit satiriqueme?it.
Satisfaire. \. a., n. et irrégulicr delà 4^ conj.
lise conjugue comme /aiVe. Voyez, ce mol. Sa-
tisfaire ses maîtres, cela satisfait l'esprit, le
goût. — Satisfaire à son devoir. — Se satisfaire.
.... De force ou de gré je veux me satisfaire.
(Cork , HéracU, acl. I, se. ii, 12.)
Se satisfaire n'est pas le mot propre; on ne dit
je veux vie satisfaire que dans le discours fa-
milier; je veux contenter mes goûts, mes incli-
nations, mes caprices. Je veux vte satisfaire de
gré est un pléonasme, et je veux !:ie satisfaire
de force est un contre-sens. On se fait obéir de
gre ou de force, mais on ne se satisfait pas de
force. (Voltaire, Remarques sur Corneille.)
Satisfaisant, Satisfaisante. Adj. verbal tiré
du v. satisfaire. 11 ne se met qu'après son subst.:
Un discou)'s satisfaisant, des manières satis-
faisantes, des raisons satisfaisa^ites.
Satdré, Satorée. Part, passé du v. saturer et
adj. J -J. Rousseau l'a employé heureusement au
figuré : Je pars de Turin, la bourse légèrement
garnie, viais le cœur saturé de joie , et no scn-
geant qu'à jouir de l'ambulante félicité à la-
quelle je bornais désormais tous vias projets.
[Confessions, liv. III, t. xiv, p. 130.)
Satyre. Subst. f. Terme d'antiquité. Ce nom
désignait, chez les Grecs, certains poëmes mor-
dants, espèce de pastorales ainsi nummées, parce
que les Satyres en étaient les principaux person-
nages : ces" poëmes n'avaient i)oinl de ressem-
blance avec ceux qwQ nous appelons satires
d'après les Romains. (Acad. dS35.)
Sadf, Sadve. Adj. On le joint ordinairement
avec sain : // est sain et sauf. Il a eu la vie
sauve. H ne se met qu'après son subst.
Sauf csl aussi préposition:5rtî//"ro<re honneur,
sauf votre respect. Il est familier.
S.'.LF-i onddit. Subst. m. Ce mot ne prend point
de6- au ;)luriel. La pluralité tombe sur le mot
lettre tpii est sous-entendu : Des sauf-conduit
SAV
sont des lettres qui conduisent sauf. — L'Aca-
démie écrit des sauf-conduits.
Sadgrekd, Salgremje. Adj. Il ne se met guère
qu'après son subst., et ne se dit que des choses :
Question saugrenue, réponse saugrenue, rair
sonnenient saugrenu.
Saumatre. Adj. des deux genres, qui ne se met
qu'après son subst. : Eau sauviûtre, goût sau-
matre.
Sacvage. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Animal sauvage, air sauvage, ma-
nières sauvages. — Contrées sauvages, ces saU'
vages contrées.
J'ai conquis avec tous ce sauvage hémisptière.
(Volt., AU., act. I, se. i, 25.)
Selon l'Académie, on dit figurément une façon
de parler sauvage, un procédé sauvage. — Ces
expressions, dont quelques gens affectent de se
servir, ne sont jamais répétées par les personnes
qui se piquent de parler purement. Fcraud aime
à les employer; mais un ne les trouve dans le
Dictionnaire de l'Académie qu'a l'article que nous
traitons.
Sauvagerie. Subst. f. Caractère de l'homme
sauvage, c'est-à-dire de celui qui ne peut souf-
frir la société. Mot nouveau ijui [leut être employé
utilement : La sauvagerie de J.-J. Rousseau
tenait à la crainte qu' il avait de perdre, arec les
hommes, des moments qui lui devenaient plus
précieux à raison de son âge et de ses études. La
sauvagerie du méchant, de l'homme personnel,
est tout autre assurément. (Mercier.)
Sauver. V. a. de la 1" conj. : Sauver quel-
qu'un, sauver quelque chose, sauver son père ,
son frère, son ami.
Tes yeux sur ma conduite incessamment ouverts,
M'ont sauve jusqu'ici de mille ccueils divers.
(IIac, Britan., act. I, se. iv, 41.)
Ma fille, il faut partir sans que rien nous retienne.
Et sauver, en fuyant, votre gloire et la mienne.
(Rac, /phJ3.,act. II, se. ir, 1.)
Qu'î! sauve en s'cloignant et ma gloire et sa vie.
(Volt., OEd., act. III, se. i, 60.)
Daignez sauver des jours de, gloire environnés.
[Idem, act. III, se. ii, 55.)
Sauver quelque chose à quelqu'un ; vous m'avez
.lauvé l'honneur, je lui ai sauvé la vie.
Savamment. Adv. On le met quelquefois entre
l'auxiliaire et le participe : lia traité savamment
cette question, ou il a savamment traité cette
question.
Savant, Savante. Adj. Il précède souvent son
subst. : Un homme savant, un savant homme;
une dissertation savante, une savante disserta-
tion. Voyez Adjectif.
S.AvoiR. V. a. et irrégulier de la 3" conj. Voici
comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je sais, tu sais, il sait;
nous savon^, vous savez, ils savent. — Imparfait.
Je savais, tu savais, il savait; nous savions, vous
saviez, ils savaient. — Passé simple. Je sus, tu
sus, il sut; nous si'imes, vous sûtes, ils surent.
— Futur. Je saurai, tu saura.s, il saura; nous
saurons, vous saurez, ils sauront.
Conditionnel. — Présent. Je saurais, tu sau-
rais, il saurait; nous saurions, vous sauriez, i^s
sauraient.
SAV
Impératif. — Présent. Sache, qu'il sache;
sachons, sachez, qu'ils sachent.
Subjonctif. — Présent. Que je sache, que lu
saches, qu'il sache; que nous sachions, que vous
sachiez, qu'ils sachent. — Imparfait. Que je
susse, que tu susses, (ju'il sût; que nous sus-
sions, que vous sussiez, qu'ils sussent.
Participe. — Pnsc/ii. Sachant. — Passé. Su,
sue.
Il prend l'auxiliaire avoir dans les temps com-
posés.
On dit, au conditionnel, /e ne saurais, pour je
ne pms, mais on ne dit pas jo ne saurais, pour
je ne pourrais. Quand ou se sert du verbe sa-
voir, au lieu du verbe pouvoir, il faut ijuc ce
soil toujours avec une négation. On ne pourrait
pas dire je saurais, pour jV puis.
Ce verbe est le seul de la langue française dont
le subjonctif n'exige pas une proposition princi-
p:ilequi le procède. Mais alors il doit être accom-
pagné d'une négation : Je ne sache rien de plus
précieux que la vertu.
Les poètes mettent indifféremment sais-je pas,
au lieu de ne sais-je pas, mais c'est une faute de
mettre l'un et l'autre dans la même phrase, comme
a fait Racine dans les vers suivants (Afi^/irirfo/t,
act. I, se. 1, 123) :
Sans vous, n« sais-je pas qiie ma mort assurée,
De Pliarnace en ces lieux allait suivre l'entrée?
Sais—je pas que mun sang
Corneille a dit {Polyeucte, act. V, se. iv, 25) :
Quand vous verrez Pauline, et que son désespoir
Par ses pleurs et ses cris saura vous émouvoir.
Voltaire dit, au sujet de ces vers : Nous em-
ployons souvent ce mot savoir en poésie assez
mal à propos : J'ai su le satisfaire, pour/e Vai
satisfait; j'ai su lui plaire, au lieu de je lui ai
plu. Il ne faut employer ce mot que quand il
inarque quelque dessein. [Remarques sur Cor-
neille.)
On dit je ne sais Glje 7ie sais pas. Le dernier
nie plus fortement que le premier. — On dit
aussi jV ne sais, pour exprimer que l'on éprouve
quelque chose dont on ignoi- la cause :
Je ne sait, mais l'aspect de ce fatal tombeau
Dans mes sens étonnés porte un trouble nouveau.
(YoLT., Sémir., act. I, se. m, 47.)
La Grammaire des Grammaires (p. 548) pré-
tend que savoir ne régit pas les personnes. C'est
une erreur. On dit tous les jours, je sais cet
homme par cœur, je le sais par cœur. On ne
saurait donc reprocher ù Piron d'avoir dit dans la
Métromanie (act. U, se. viii, 2o) :
Dn valet veut tout voir, voit tout et sait son maître.
Savoir, devant un infinitif, ne s'emploie que
pour exprimer quelque chose de pénible, de
difficile : J'ai su vaincre et régner.
J'ai «tt, par une longue et pénible industrie.
Des plus mortels venins prévenir l;i furie.
(Rac, ilithr., act. IV, se. v, 41.)
Le mot savoir est bien placé dans ces exemples,
dit Voltaire; il indique la peine qu'on a prise.
Mais j'ai su rencontrer un homme en chemin
est ridioule.
SCÈ
645
Savoih-faire, Savoir-vivre. Ces deux substan-
tifs composés n'ont point de i>luriel.
Sa.vol'rer. y. a. de la 1" conj. Féraud prétend
(lue ce mot ne s'emploie au figuré que tout au
plus dans \c style médiocre. — Il s'emploie dans
tous les styles.
Déji d'un doux repos je satiouraù les cliarmet.
(Dblil., Ènéid., 11,357.)
Savoureusement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a bu savoureuse-
ment cette liqueur, ou il a savoureusement bu
ci'ite liqueur. U est peu iisité.
Savoureux, Savoureuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : (J/i mets savoureux , des fruits savoureux,
une viande savoureuse. Cette savoureuse liqueur.
\oyez Adjectif.
ScABr.Eux, Scabreuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Cheiuin scabreux, entreprise
scabreuse, une scabreuse entreprise, une affaire
scabreuse, une scabreuse affaire. Voyez Ad-
jectif.
SCA^DALEDX, SCANDALEUSE. Adj. Ou pCUt SOU-
venl le mettre avant son subst. : Un hmime
scandaleux. — Une action scandaleuse, celte
scandaleuse action; un livre scandaleux ; une
proposition scandaleuse, cette scandaleuse pro-
position ; une doctrine scandaleuse, une scan-
daleuse doctrine. Voyez Adjectif.
ScAKDAi.iSEn.V. a. de la 1" conj. : Scandaliser
quelqu'un. — Se scandaliser de quelque chose.
ScE. Tous les mois qui commencent ainsi se
prononcent comme s'il n'y avait point de s initial.
Sceau. Subst. m. On prononce ceau. Il fait r
pluriel sceaux. On l'emploie dans le style nobL
au propre et au figuré.
Au propre :
Voici ce même sceau dont Ninus autrefois
Transmit aux nations l'empreinte de ses lois.
(Volt., Sémir., act. I, se. m, 19.)
Au figuré,
Dieu, déployant sur lui sa vengeance sévère.
Marqua ce roi mourant du sceau de sa colère.
(Volt., Ilenr., III, 19.)
Le mensonge subtil qui conduit ses discours,
De la vérité même empruntant le secours.
Du sceau du Dieu vivant empreint ses imposturcj
(Volt., Henr., Vf, 23f
Scélérat, Scélérate. Adj. On prononcecei. <.
On peut le mettre avant son subst., lorsque l'ai.j-
logie et l'harmonie le permettent : Une âme scé-
lérate, une conduite scélérate, cette scélérate
conduite, un projet scélérat.
*ScÉLÉP.ATisjiE. Subst. m. Mol nouveau em-
ployé par Diderot : Le seul vice que je connaisse
dans l'univers est l'avarice ; tous les autres,
quelque nom quon leur doune, ne sont que des
degrés de celui-ci. C'est le Protée de tous les
vices. Analises la vanité, l'orgueil, l'ambition,
la fourberie, la tartuferie, le scélératisme, tout
cela se résout en ce subtil élément, le désir
d'avoir; vous le retrouverez au, sein même du
désintéressemen t .
SciiNE. Subst. Ï.YoyciSce. Division du poëma
dramatique déterminée par l'entrée ou la sortie
d'un acteur. On divise une pièce en actes, et les
644
SCU
actes en scènes. La conlexlurc, ou la liaison cl
l'enchaineiuent des scènes, est une des régies «lu
théâtre. Elles doivent se succéder les unes aux
auti es, de manière que le théâtre ne reste jamais
vide jusqu'à la tin de l'acte.
ScEPTiQCE. ,\dj. des deux gemes. On prononce
ceptique. Il ne se met qu'après son subst. : La
philosophie sceptique.
Sceptre. Subst. m. On prononce ccjjtrc. On dit
le sceptre des mers, le sceptre des arts.
Le sceptre de le Ligue a passe dans ses maiiis.
(>'0LT., Uenr., III, 322.)
ScHisMATiQDE. Adj. dcs dcux geurcs. On pro-
ntnce chistnatùjue. 11 ne se mcl qu'après son
subst. : Les peuples schismatiqucs.
SciEMME.NT. Adv. Oii i)rononce cicmment. On
peut le mettre entre l'auxiliaire et le participe :
// a péché sciemment contre cette règle, on il a
sciemment péché contre cette règle.
SciïMiFiQiE. Adj. des deux genres On pro-
nonce cientifique. Il ne se met guère qu'après
Sun subst. : Question scientifiqxie, matières scieii-
tifiques.
Scientifiquement. Adv. On prononce cie.ntift-
quctnent. On peut le mettre entre l'auxiliaire et
le participe : // a traité cette question scientifi-
quement, ou il a scientifiquement traité cette
question.
SciiMILLANT, SCINTII.LAME. On prOnOnCC Cl/(-
tillant sans mouiller les /. Adj. Mercier l'a
appliqué au style : // a dans son style une ma-
nière scintillante qui nous révèle et la gaieté
habituelle de son caractère, et la vivacité rare
de son esprit.
SciNTiLLATio.N. Subst. f. Où prononcc ciniilla-
tion, sans mouiller IcsZ.
SciNTiLLtii. V. n. delal"conj. On prononce
cintiller, sans mouiller les l.
ScoL.ASTiQCE. Adj. dcs dcux genres. Il ne se
met guère qu'après son subst. : Philosophie sco-
laslique, théologie scolastique, terme scolastique.
ScoLASTiQLEMEM. Adv. On pcut Ic mcttrc entre
l'auxiliaire et lu participe: Il a scolasliquement
embrouillé cette question.
Scorbutique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Maladie scorbutique,
affection scorbutique.
ScROFCLEcx, ScROFULEcsE. Adj. quï ne se met
qu'après son subsl. : Humeur scrofuleuse, tu-
meur scrofuleuse.
Scrupuleusement. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : Il a examiné
scrupuleusement cette affaire, ou il a scrupu-
leusement examiné celte affaire.
Scrupuleux, Scrupuleuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie: Un liomme scrupuleux, une femme
scrupuleuse , une conscience scrupuleuse. —
Une exactitude scrupuleuse, une scrupuleuse
exactitude ; une recherche scrupuleuse, une
scrupuleuse recherche.
Scrutateur. Subst. m. que l'on emploie quel-
quefois adjectivement : L'œil scrutateur de la
critique. — L'Académie ne dit pas comment il
fait au féminin. Domergue a dit l'analyse scru-
tatrice, et je pense qu'on peut se servir de cette
expression dans les cas convenables.
*ScLLPTABLE. Adj. dcs dcux gciires. Voltaire
s dit : Le vieux magot que Pigul veut sculpter
a perdu tovtes ses dtnts, et perd ses yeux; il
nest point du tout sculptable.
SEC
Scclpteh, Sculpteur, Sculpture. On prononce
sculler, sculteur, sculture.
Sculpteur. Subst. m. On dit une femme sculp-
teur, de même qu'on dit une femme auteur.
Voyez Sculpter.
Se. Pronom de la troisième |)crsonne, des deux
nombres et des deux genres. 11 se dit des person-
nes et des choses.
Se sert aux verbes actifs, tantôt de régime
direct, tantôt de régime indirect : Se soulager,
se venger, c'est-à-dire soulager soi, venger soi;
se faire une loi, se prescrire un devoir, c'est— à-
dirc, faire une loi à soi, prescrire un devoir
à soi.
Se sert à la conjugaison des verbes réfléchis -.
// se repent, elle se repent, etc.
Quand deux verbes sont a des temps composés,
se peut servir pour l'un et pour l'autre, sans qu'il
soit besoin de le répéter, s'il est régime direct ou
régime indirect des deux verbes, comme dans il
s'est instruit et rendu recommundable par ses
lumières; mais on ne peut se dis[)cnser de répéter
le pronom, si ce pronom est régime direct d'un
verbe, et régime indirect d'un autre. On ne dira
donc pas, il s'est instruit et acquis beaucoup
d'estiuic par ses /•nniéres, mais bien, il s'est in-
struit et s'est acquis, etc.
Lorsqu'il y a dans la phrase deux verbes,
dont l'un est régissant et l'autre régi, le pronom
se doit se mettre avant le verbe régi, parce que
c'est de celui-là seul qu'il est le régime. On dira
donc, il doit se justifier, il vint se justifier,
et non pas il se doit justifier, il se vint justifier.
En effet, il se doit, il se vint, a quelque chose
de dur.
Autrefois, on n'observait point celte règle, et
l'on aimait à placer se devant le premier verbe.
Mais aujourd'hui toutes les personnes ([ui se
piquent de bien parler et de bien écrire le pla-
cent devant le second. Racine a dit [Bajazet,
act. I, se. 1, 1) :
Viens, suis-moi; la sullane en ce lieu se dnit rendre.
Mais Racine suivait l'usage de son temps; et si
un poète employait aujourd'hui celte construc-
tion, ce serait une licence qui ne pourrait être
excusée que par la difficulté de la rime ou de la
mesure, ou par le besoin d'éviter des sons dés-
agréables. A'oyez Soi. Pronom.
Séant, Séante. Adj verbal tiré du v. seoir.
On n'est point d'accord sur l'emploi du mot
séant, comme adjectif ou comme participe. Les
cours de judicature et les sociétés savantes aux-
quelles cette expression appartient principalement,
emploient tantôt l'un, tantôt l'autre. A cet égard,
nous pensons comme M. Girault- Duvivier
[Grammaire des Grammaires, p. 715), que, si
l'on veut designer la cour ou la société par le pays
qu'elle habite, ou par le lieu habituel de ses
séances, on doit adopter l'adjectif verbal, et dire,
la cour royale séante à Paris, la cour de justice
séante au Palais, la société académique séante
au Louvre, parce que c'est une manière d'être,
un usage constant. Mais si l'on voulait exprimer
une circonstance particulière, en emploierait le
participe, et 1 on dirait, la cour royale de Paris
séant, ou siégeant à f^ersailles, la cour royale
séant ou siégeant en robes rouges. Dans ce cas,
c'est une circonstance, c'est l'action de siéger en
tel lieu, ou avec tel ou tel costume, que l'on veut
désigner.
Sec, Sèche. Adj. On peut le mettre avant son
SÎ'C
subst., lorsque l'analogie cl l'hannonie le pcrmet-
tonl : Du bois sec, des branches sèches, un arbre
scg, des fleurs sèches, un temps sec, vti froid
ses. — JJes fruits secs, des confitures sèches.
— Du pain sec. — Un compliment sec, vne ré-
ponse sèche, cette sèche réponse. — Une énu-
viérntion sèche, une sèche inumération ; une
description sèche, celte sèche description. —
Un style sec. — Un esprit sec, une âme sèche.
\9)e7. Adjectif.
Sèchesient. Ailv. On peut quelquefois le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : // a répondu
sèchement que, OU il a sèchement réponduque...
Il a traité sèchement ce sujet, ou il a sèchement
traité ce sujet.
Skcher. \ . a. et n. de la 1" conj. L'Académie
ne dit figurément dans le sens actifque sécher les
larmes. Celte expression a une signiilcation plus
étendue.
La maladie et l'excès du malheur
De son printemps avaient sèche la (leur.
(Volt., Enf. prod., act. Il, se. vi, 33.)
Second, Seconde. Adj. On prononce segnnd.
Ce mot s'emploie pour exprimer le rang qui suit
ordinairement le premier. Lorsque, dans une
comparaison, on s'est servi d'abord du mot pre-
mier., on doil se servir ensuite du mot second.
Il ne faut pas dire le premier pleurait et l'autre
riait;' mais lo premier pleurait et le second
riait; ou bien, l'un pleurait, l'autre riait. —
Cette opinion peut avoir (jueKpje fondement;
cependant La Harpe a dit d;iiis son Crairs de litté-
rature, en parlant de Corneille et de Racine : Le
^veifàev, naturellement porté au grand, a subor-
donné l'art à .son génie ; /'autre, plus souple et
plus flexible, a vu dans la terreur et la pitié
les ressorts nilurels de la tragédie. Beaucoup
d'autres auteurs se sont exprimés de même : de
sorte (juc nous pencherions à croire que cette
tournure de phrase n'est pas une faute assez grave
pour qu'on doive la relever (Girault-Duvivicr,
Grammaire des Gramviairex, p. 'l'256). — Cela est
si vrai que l'Académie elle-même dit au mot autre,
iju'il s'emploie avec l'article, comme une sorte de
relatif, el s'oppose à l'uii, les uns, ou à quelque
autre terme analogue; ce qui semble autoriser la
tournure critiquée (A. Lcmaire, Ibidem).
Il se met ordinairement avant son subst. : Le
second\)o:/r, lu sccojtde année, le secondlivre d'un
ouvrage, le second chant d'un poème. — Cependant
dans la division îles ouvrages de littérature, on dit
livre second, chapitre second, clunit second, etc.
Secondaire. Adj. des deux genres. On pro-
nonce segonduire. 11 ne se met qu'après son
subst. : Motif secondaire, preuves .lecnndaires,
raisons secondaires.
Secondement. Adv. On prononce scgoiidement.
11 se met au commencement de la phrase ou après
le verbe : Secondement, je pjrouvcrui que; je
prouverai secondement que...
Secodeii. V. a. de la If» conj. L'Académie dit
au figuré secouer le joug des passiojis, secouer
les préjugés Dclille a dit : Secouer les torches rfe
la guerre [Enéide, XII, 319) :
Avant que la Discorde, ensanglantant la terre,
Revianne secouer les torches de la guerre.
SncosEAnLE. Adj. des deux genres. On ne le
tnet qu'après son subst. : Un homme sccourable,
une main sccnurable. Il régit ([uel(juefois la pré-
p(>;!l(on à : Soyez secouruble aux vialhcxireux.
SED
Giî
— Une place qui n'est plus sccourahlc, (pii ne
peut {)lus être secourue.
Secourir. V. a. et irregulier delà 2" conj. Il se
conjugue comme courir. Voyez ce mot.
Secours. Subst, m. Ce mot a un sens tantôt
actif : Mon secours vous est inutile ; tantôt pas-
sif : f^enez à mon secours.
Secret, Secrète. Adj. On jjcuI le mettre avant
son subst., lorscpie l'analogie el l'harmonie le
permettent : Un dessein seerct, un secret des-
sein ; une résolution secrète, une secrète réso-
lution ; une pensée secrète, une sécrète pensée ;
les resso7'ts secrets, les secrets ressorts. — Un
escalier secret, une porte secrète. — Un homme
secret. Voyez Adjectif.
Sois secret.
A toi je m'abandonne,
(Volt., Indiscr., se. vu, 18.)
Secrétaire. Subst. m. Ce mol se prenait autre-
fois pour confident, et les poètes l'employaient
fréquemment en ce sens. Corneille a dit dans le
Menteur (acl. II, se. vi, 10) :
Tu seras do mon cœur l'unique secrétaire.
Et de tous mes secrets le grand dépositaire.
Aujourd'hui, il ne se dit plus, en parlant des per-
sonnes, que de celui dont l'emploi est de faire
el d'écrire des lettres, des dépêches pour quel-
qu'un, ou de rédiger les actes, les délibérations
de quelque assemblée notable.
Secrètement. Adv. On le met quelquefois entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'était glissé se-
crètement dans la chambre, ou il s'était secrète-
ment glissé dans la chambre.
11 y a une assez grande tlifl'érence entre 5cc?'è<e-
nient el en secret. Ce que vousfailes secrètement,
dit Uoubaud, vous le faites à l'Insu de tout le
monde, de manière que votre action est absolu-
menl ignorée; ce que vous faites en secret, vous
le faites en particulier, eu sorte que la chose se
passe sans témoins. Vous faites en secret beau-
1 oup d'actions naturelles et légitimes cjue la
i)ienséance ne permet pas de faire devant tout le
monde, mais vous ne les faites pas secrètement,
car vous ne vous en cachez pas. Dans votre ca-
binet, vous Irailez en secret d'une affaire, mais
vous n'en \.va\\ci.\)^?, secrètement, si l'affaire n'est
pas un secret. V9us trameriez secrètement un
complot; vous faites en secret une confidence.
Au milieu d'un cercle, vous parlez à une per-
sonne en particulier et tout bas, vous ne lui
parlez pas secrètement, car on voit que vous lui
parlez ; vous lui parlez en secret, car on n'entend
pas ce que vous lui dites.
Sectati.ur. Subst. m. L'Académie ne dit point
s'il a un féminin. Rien n'empêche, ce me semble,
de dire sectatrice.
SiicuLAiRE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'ajirés son subst. : Année séculaire, jeux sé-
culaires.
Séculier, Séculière. Adj. qui ne se met qu'a-
près son subst. : Vie séculière, état séculier.
Sédentaire. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Un homme sédentaire,
une vie sédentaire, un emploi sédentaire.
Séditielsement. Adv. 11 ne se met qu'après
le verbe : // a parlé séditieuse ment au peuple.
Séditieux, Séditieuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie el l'harmonie
le permettent : Une harangue séditieuse, cette
néditieuse harangue; un discours séditieuXf
646
SEI
ces sédUieux discours; écrits séditieux, ces
séditieux écrits; vue assemblée séditieuse, cette
séditieuse assemblée. Voyez Adjectif.
SûDCCTF.CR. Siibsl. m. Eli parlant d'une femme,
on dit séductrice. — Il est aussi ailj., ei ne se met
guère (lu'après son subst. : Discours séducteur,
ton séducteur, appas séducteurs. Conseils sé-
iuctevrs, des vers séducteurs, sti/lf séducteur.
Sédcction. Subst. f Foraud le (idliiit comme
î'Acndcmie, action par laquelle on séduit; et ce-
pendant il dit que ce nom a un sens passif, et
qu'il se dit de celui qui est séduit, et non pas
de celui «pii séduit. — Il y a ici contradiction
et inexactitude. Ce mot se prend aussi dans un
sens actif. On dit employer la séduction; et par
cette phrase, la séduction des richesses, on ne
veut jias dire que ce sont les richesses qui sont
séduites, mais les richesses qui séduisent.
Séduire. V. a. de la 4^ conj. On dit l'art de
séduire, séduire l'enfance.
Nul ne sut mieux que lui le grand art de séduire.
(Volt., Henr., III, 71.)
Telle est des musulmans )a funeste prudence ;
De leurs chrétiens captifs ils séduisent l'cufance.
(YOLT., Zaïre, acl. II, se. i, se. 131.)
Ses yenx ne l'ont-il pas séduite?
Roxane esl-elle morte?
(Ric, Baj., act. V, se. XI, 1.)
La Harpe dit, à roccasion de ces vers : Séduire
ne peut être ici le synonyme de tromper; il ne
l'est jamais que dans le sens moral : J'ai cru le
voir, mes yeux 7n\int trompé, et non pas, mes
yeux m'ont séduit. Les yeux de cette femme
m'ont fait croire qu'elle m'aimait ; ils m'ont
trompé, ils m'ont séduit. Tous les deux sont bons
{Cours de littérature).
Aisément des mortels ils ontse'dui'f les yeux.
(Volt., Sémir., act. I, se. m, 43.)
Terme impropre, dit La Harpe. La même faute
est dans Buj'azet , et ne devait pas être imi-
tée. Il fallait, ils ont trompé les yeux. [Cours de
littérature.)
Atbc toute ma flotte allons le recevoir,
Et par ces vains honneurs séduire son pouvoir.
(Conx., Pomp., act. II, se. iv, 75.)
Notre langue, dit Voltaire à l'occasion de ces
vers, ne permet guère qu'on applique à des
choses inanimées, des verbes qui ne sont appro-
priés qu'à des choses animées. On séduit un
Jwmme, et, par une métaphore très-juste, ou
séduit sa passion; mais (]uand on séduit un
h»mme puissant, ce n'est pas son i)ouvoir qu'on
séduit. [Remarques sur Corneille.)
SÉDDisANT, Sédcisame. Adj. vcrbal tiré du V.
séduire. On peut le mettre avant son subst., lors-
que l'analogie cl l'harmonie le permettent : Dis-
cours séduisants, ces séduisa?its discours ; ca-
resses séduisantes , ces séduisantes caresses.
Voyez Adjectif.
* Ségrégativement. Adj. Séparément. Mot
inusité qui a été employé par J.-.J. Rousseau ;
Les roix pnses par masses et collectivement
vont toujours moins directement à l'intérêt com-
mun, que prises ségrégativement /?a>- individus.
Seigneur. Subst. m. Nous ne nous servons
point des mots monsieur, madame, dans les co-
médies tirées du grec. L'usage a permis nue
SEM
nous appelions les Romains et les Grecs scù/nenr,
et les Romaines madame : usage vicieux en soi,
mais qui cesse de l'être, parce "(jue le temps l'a
autorisé. (Voltaire, Remarques sur la Bérénice
de Racine.)
Seignedrial, Seigneuriale. Adj. qui suit tou-
jours son subst. : Titre seigneurial, droits sei-
gneuriaux.
Sein. Subst. m. L'Acadéini» n'indique que
trùs-imparfaitement la signification de ce mot au
figuré. On dit au sein des plaisirs, au sein des
voluptés; le sein de lapatrie, au sein du vice, V
sein de la vertu, eic.
Du sein de ma patrie il fallut m'exiler,
(YoLT., OEd., act. lY, se. I, 148 >
Les courtisans en foule, attachés à son sort,
Du sein des voluptés s'avançaient à la mort.
(YOLT., Ilenr., III, 177.)
SiîizE. Adj. numéral des deux genres. Il se met
avant son subsl. : Seize homnirs, seize ans, seize
onces. — On dit, dans la division des ouvrages de
littérature, chapitre seize. Alors seize est pris
pour seizième.
Seizième. Adj. lise nicl avant son subst. Le
seizième jour, la seizième année, le seizième
chapitre. On dit aussi le chapitre seizième.
Semaine. Subst. f. 11 s'entend de la division du
temps, de sept jours en sept jours, à commencer
par le dimanche jusqu'au samedi inclusivement.
Semblable. Adj. des deux genres. ïl ne se met
qu'après son subst., et au singulier, il régit ordi-
nairement la préposiliou à, qui est quelquefois
exprimée , quelquefois sous - entendue : Cette
étoffe est semblable éi la vôtre. Ces deux choses
sont semblables ; on sous-entend tune à Vautre.
— On n'a jamais nen vu de semblable, on SOUS-
cntend à ce que nous voyons.
Semblant. Subst. m. Faire semblant régit de
devant les noms et les verbes : Ne fa ire sem-
blant ^Q rien, sans faire semblant de rien. — II
en fait le semblant. — // fait semblant d'être fît—
cAe'.— Quand faire semblant régit un vei-be,
semblant se met sans article : Il fait semblant
de le quereller, 8l non pas il fuit le semblant de
le quereller.
Sembler. V. n. de la 1" conj. Ce verbe ne
s'emploie guère à l'infinitif. Il s'emploie surtout
impersonnellement : lime semble que, il me sem-
blait que.—l\ régit l'indicatif quand il est suivi
d'un régime indirect : // semble « mon frère que
vous vous moquez de lui. Quand il est sans ré-
gime, on met ordinaircsncnt le verbe de la phrase
subordonnée an subjonctif : // semble quil
prenne à tâche de vie désoler. Dansée cas, cepen-
dant, on peut ineltre aussi l'indicatif; mais il y
a quelque dilTéi'cnce entre ces deux expressions.
Je dirai, il semble qu'il prenne à tâche de me dé'
soler, si je veux faiic entendre seulement l'habi-
tude qu'il a de faire tout ce qui peut me désoler.
Mais si, outre celle hal)itude, je veux fixer l'at-
tention sur ce qu'il fail acluellenient pour me dé-
soler, je dirai : il semble qu'il prend à tâche de
me désoler. — Si (iuel(]u'un s'étonne actuellement
à la vue d'un objet nouveau, je lui dirai, tV semble
que vous n'avez rien fw/mais si quelqu'un, dans
le discours, s'élonne des choses dont on parle, je
lui dirai, il semble que vous n'ayez rien vu. —
Dans les interrogations, sembler régit la préposi-
tion de. Que vous semble de cette affaire? Qun
vous semhle-t-il de ce tableau? Que vous en
SEN
semhlef — On dit il nous sembla Otm cCe vous
avertir, c'esl-à-dirc nous liuuvdns l)on , nous
trouvons à propos de vous avcrlii-; et en lelran-
'■hant il, si bon lui semble, comme bon lui sem-
Itlera. Alors bon se met avant le verbe.
Sesier. V. a. de la 1" coiij. Les poêles em-
ploient souvent ce mot au figuré :
Je leur semât de llcurs le bord des précipices.
^Rac, Ath., acl. Ill, se. 111, 77.)
.... Vos refus pourraient me confirmer
Un bruit sourd que déjà l'on commence .\ temer.
[Idem, act. III, se. iv, 54.)
Sémiramis, à ses douleurs livrée.
Sente ici les chagrins dont elle est dévorée.
(Volt., Sêmir., acl. I, se. I, (7.)
.... Toi de qui la main sème ici les forfaits.
(Volt., Mahon., act. II, se. v, 7.)
Ses mains, autour du trône, avec confusion
Semaient la jalousie et la division.
(Volt., Ihnr., II, 55.)
Sémillant, Sémillante. Adj. 11 est familier, et
ne se met qu'après son subsl.
Sempiteknelle. Adj. f. On prononce sairt. 11 se
dit d'une ierame irès-vieillc, et se prend aussi
substanlivement. 11 iiese met qu'après son subsl.:
Une vieille sempiternelle.
De cet antre où je rois venir
D'impotentes sempiternelles, etc.
(Volt., Épttre XXVI, 14.)
Sénatorial, Sénatoriale. Adj. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Dignité sénatoriale,
gravité sénatoriale, ornements sénatoriaux.
Sens. Subst. m. Terme de grammaire. Ce mot
est souvent synonyme de signification et à accep-
tion ; et quand on n'a qu'a indiquer d'une ma-
nière vague et indéfinie la représentation dont les
mots sont chargés, on peut se servir indifl'crem-
mcnl de l'un ou de l'autie de ces trois termes.
Mais il y a bien des circonstances où le choix
n'en est pas indifférent, parce qu'ils sont distin-
gués l'un de l'autre par des idées accessoires
qu'il ne faut pas confondre. La signification est
Vidée totale dont un mot est le signe primitif par
la décision unanime de l'usage; l'acception est
un aspect particulier sous lequel la signification
primitive est envisagée dans une jihrase ; le sens
est une autre signification différente de la primi-
tive, qui est entée pour ainsi dire sur cette pre-
mière, qui lui est analogue ou accessoire, et qui
est moins indiquée par le mot môme que par sa
combinaison avec les autres mots qui constituent
la phrase ; c'est pounjuoi l'on dit également ie
sens d'un moi et le sens d'une j^hrasc ; au lieu
qu'on ne dit pas de même la signification ou
Vacception d'une jjhrasc. \ oyez Acception.
Nous allons parler des différentes espèces de
sens dans lesquels on prend les mots et les
phrases.
Le sens propre d'un mot est sa signification
primitive sans aucune altération, comme quand
on dit le feu brûle, la lumière nous éclaire.
Les mots brûle, éclaire, sont employés dans la
signification primitive qui leur appartient; c'est
pourquoi ils sont dans le sens propre.
Sens figuré. — Quand un mot est pris dans un
autre sens que le sens propre, il parait alors, pour
ainsi dire, sous une forme empruntée, sous une
SEN
Ul
figure qui n'est pas s;i figure naturelle, c'est-à-
dire celle qu"il a eue d'abord; alors «n dit que le
mot est dans un sens figuré, quel cpie puisse être
le nom que l'on donne ensuite à celte figure par-
liculiére. Par exemple, le feu de vos yeux, /efeu
de l'imagination, la lumière de l'esprit, la clarté
d'un discours. La liaison qu'il y a entre les idées
accessoires, c'est-à-dire entre les idées qui ont
rapport les unes aux autres, est la source do
divers sens figurés ([ue l'on donne aux mots. Les
objets (]ui font sur nous des impressions sont tou-
jours accompagnés de différentes circonstances
qui nous frappent, et par lesquelles nous dési-
gnons souvent, ou les objets mêmes qu'cllos n'ont
fait qu'accompagner, ou ceux dont elles nous
rappellent le souvenir. Souvent les idées acces-
soires, désignant les objets avec [dus de circon-
stances que ne feraient les noms propres de ces
objets, les peignent ou avec plus d'énergie ou ave.'
plus d'agrément. De là le signe pour la chose
signifiée, la cause pour l'effet, la partie pour le
tout, ranlécédent pour le conséquent, et les au-
tres tropes. Voyez Tropes. Comme l'une de
ces idées ne saurait être réveillée sans exciter
l'autre, il arrive que fexpression figurée est aussi
facilement entendue que si l'on se servait du mot
propre; elle est même ordinairement plus vive et
plus agréable quand elle est employée à propos,
[larce qu'elle réveille plus d'une image.
Il n'y a presque point de mot qui ne se prenne
en quelque sens figuré, c'est-à-dire éloigné de sa
signification propre et primitive. Les mots les plus
communs, et qui reviennent le plus souvent dans
le discours, sont ceux qui sont pris le plus fré-
quemment dansun sens figuré, et qui ont un plus
grand nombre de ces sortes de sens. Tels sont
corps, àme, tète, couleur, avoir, faire, etc.
Sens déterminé, sens indéterminé. — Quoique
chaque mot ait nécessairement dans le discours
une signification fi.xe et une acception déterminée,
il peut néanmoins avoir un sens indéterminé, en
ce qu'il peut encore laisser dans l'esprit (juclque
incertitude sur la détermination précise et indi-
viduelle des sujets dont on parle, des objets que
l'on désigne. Que l'on dise, par exemple, des
hommes ont cru que les animaux sont de pures
machines; un homme d'une naissance incer-
taine jeta les premiers fondements de la capi-
tale du monde. Le nom homme, qui a, dans ces
deux exemples, une signification fixe, qui est
pris sous une acception formelle et déterminative.,
y conserve encore un sens indéterminé, parce
que la détermination individuelle des sujets qu'il
y désigne n'y est pas assez complète; il [icut y
avoir encore de riuceriitude sur cette détermina-
lion totale, pour ceux du moins qui ignoreraient
l'histoire du cartésianisme et celle de Fiome.
^lais si l'on dit, les cartésiens ont cru que les ani-
iiiaua; sont dépures machines, Vxomulus jeta les
premiei s fondements de la capitale du monde,
ces deux propositions ne laissent plus aucune in-
certitude sur la détermination individuelle des
hommes dont il est iiueslion; le sens en est totn-
lement déterminé.
Sens passif, sens actif. Voyez Actif.
Sens absolu, sens relatif. Voyez Belatif et
Absolu.
Sens collectif, sens distributif. — Ceci ne peut
regarder <iue les mots pris dans une acception
universelle. Or, il faut distinguer deux sortes
d'universalités, l'une métaphysique et l'autre
morale. L'universalité est métaphysique qu««d
elle est sans exception, comme tout homme est
648
SEN
mortel. T.'nnivcrsalilé est mtrale quand elle est
su6«cplililc lie quciiiucs exceptions, comme tout
wiei/lard hue le temps passe. C'est donc à l'i;-
gard des mots pris clans une acception univer-
selle qu'il y a sens collectif ou sens disiribulif.
Ils sont dans un sens collectif (]uand ils cnoncent
la totalité des individus simplement comme tota-
lité; ils sont dans un sens distribulif (juand on y
envisage chacun dos individus scpan'incnt. Far
exemple, quand on dit en France (|uc les orcrjues
jugent infiiilUlilerne lit en matière de foi, le nom
érégue est pris, dans celte phrase, seulement dans
le sens colleciif, parce que la proposition n'est re-
gardée comme vraie que du corps cpiscopal, et
non pas de chaque cvcciue en particulier, ce «pii
est le sens dislributif. Lorsque l'universalité est
morale, il n'y a de même que le sens collectif (pii
puisse être regardé comme]vrai, le sens distribulif
y est nécessairement faux, à cause des exceptions.
Ainsi, dans celle proposition, tout vieillard loue
le temps passé, il n'y a de vrai que le sens collec-
tif, pane que cela est généralement vrai. Le sens
distribulif en est faux, parce qu'il se trouve des
vieillards équitables qui- ne louent que ce qui
mérite d'être loué. Lorsque l'universalité est
tiélaphysique, et qu'elle n'indique pas indivi-
duellement la totalité, il y a véri'.é dans le sens
collectif et dans le sens dislributif, parce que
l'énoncé esl vrai de tout et de chacun des indi-
vidus, comme tout homme est viortel.
Sens composé, sens divisé. — Quand l'Évangile
dit les aveugles voient, les boiteux viarchent;
ces termes, les aveugles, les boiteux, se i)rennent,
en celte occasion, dans le sens divisé, c'est-à-
dire que ce mot aveugles se dit là de ceux qui
t'taient aveugles et qui ne le sont plus ; ils sont
divisés pour ainsi dire de leur aveuglement : car
les aveugles, en tant qu'aveugles (ce qui serait le
sens composé), ne voient pas. — Quand saint
Paul a dit : Les i'dolâires i^ entreront point dans
le royaume des deux, il a parlé des idolâtres
dans le sens composé, c'est-à-dire de ceux qui
demeureront dans l'idolàlrie. Les idolâtres, en
tant qu'idolâtres , n'entreront point dans le
royaume des cieux; c'est le sens composé; mais
les idolâtres qui auront quitté l'idolâtrie, et qui
auront fait pénitence, entreront dans le royaume
des cieux; c'est le sens divisé. — Dans le sens
composé, un mol conserve sa signilicaiion à tous
égards, et cette signification entre dans la com-
position du sens de toute la phrase; au lieu que
dans le sens divisé, ce n'est (pfen un certain sens
et avec restriction qu'un mot conserve son an-
cienne signification.
Sens littéral, sens spirituel. — Le sens litté-
ral est celui que les mois excitent d'abord dans
l'esprit de ceux (jui entendent une langue; c'est
lésons (]ui se prôsonle naiurellement à l'esprit.
Entendre une expression littéralement, c'est la
prendre au pied de la lettre. Le sens spirituel esl
celui que le sens littéral renferme ; il esl enté
pour ainsi dire sur le sens liilcral ; c'est celui
<iue les choses signifiées par le sens littéral font
naître dans l'esprit. Ainsi, dans les paraboles, dans
les fables, dans les allégories, il y a d'abord un
sons littéral. On dit, par exemple, qu'un loup et
un agneau vinrent boire à un même ruisseau ;
(jucle loup ayant cherché querelle à l'agnoau, le
déviira. Si vous vous attacher simi>lemcnt a In
lettre, vous ne verrez dans ces paroles qu'une
simjjle aventure arrivée à deux animaux. Mais
cette narralion a un autre objet; on a dessein de
vous faiie voir que les faibles sont quelquefois
SEN
opprimés par ceux qui sont plus puissnnts, st
voilà le sens spirituel, (]\ii est toujours fondé sur le
sens 1-i Itérai.
Se?is louche, sens équivoque. — Le sens louche
nail plutôt île la proposition particulière des mots
qui entrent dans une phrase, que de ce i]ue les
termes en sont équivoques en soi. Ainsi, ce serait
plutôt la [)hrase qui devrait être ap|telée/nMcAc,
si l'on v.iulail s'en tenir au sens littéral de la mc-
laphiirc; car, dit Dumarsais, comme les personnes
louches paraissent regarder d'un côté pendant
qu'elles regardent d'un autre, de même, dans les
constructions louches, les mots semblent avoir
un certain rapport pendant (]u'ilsen ont un autre.
Par conséquent, c'est la phrase même qui a le
vice d'être louche ; et connue les objets vus par
les personnes louches ne sont point louches poui
cela, mais seulement incertains à l'égard des au-
tres, de même le sens louche ne peut être regardé
proprement comme louche ; il n'est qu'incertain
|)our ceux qui entendent ou qui lisent la phrase.
Si donc on donne le nom de sens louche à celui
qui résulte d'une disposition louche de la phrase,
c'est par métonymie que l'on transporte à la
chose signifiée le nom métaphorique donné d'a-
bord au signe. Germanicus a égalé sa vertu, et
son bonheur »»'ayamai.ç eu de pareil. On appelle
cela une construction louche, parce que son
bonheur, qui parait d'abord avoir rapport à égalé,
a réellement rapport à n'a jamais eu de pareil.
Le sens louche nait donc de l'incertitude de la
relation grammaticale de quelqu'un des mots qui
composent la phrase.
Le sens équivoque parait venir surtout de l'in-
détermination essentielle à certains mots, lors-
qu'ils sont employés de manière que l'application
actuelle n'en est pas fixée avec assez de précision.
Tels sont les adjectifs conjonctifs qui et que, et
l'adverbe conjonetif donc ; parce que, n'ayant par
eux-mêmes ni nombre , ni genre déterminé, la
relation en devient nécessairement douteuse, pour
peu qu'ils ne tiennent plus immédiatement à leur
antécédent. Tels sont nos pronoms de la troisième
personne, il, lui, elle, le, la, les, ils, eux, elles,
leur; parc« que tous les objets dont ou parle
étant de la troisième personne, il doit y avoir in-
certitude siu- la relation de ces mots, dés qu'il y
a dans le même discours plusieurs noms du même
genre et du même nombre, si l'on n'a soin de
rendre celte relation bien sensible par quelques-
uns de ces moyens qui ne manquent guère à ceux
qui savent écrire. Tels sont enfin les prépositifs
possessifs de la troisième personne, .ion, sa ses,
leur, leurs ; Cl les purs adjectifs possessifs de la
même personne, sien, sienne, siens, siennes,
parce que la troisième personne déterminée à la-
quelle ils doivent se rapporter, peut être incer*
laine a leur égard comme à l'égard des pronoms
personnels, et pour la même raison. \o^gz Absolu,
Equivoque, Collectif, Dislributif. (Dumarsais et
Beauzée.)
.Sens dessus dessous. Façon de parler adverbiale
et du style familier, (jui signifie qu'une choseest
tellement bouleverséequ'on ne reconnaît plus ni le
dessus ni le dessous. Vaugelas (31° remarque)
veut que l'on écrive sans dessus dessous, avec un
a au mol sans; mais maintenant l'Académie cl les
meilleurs auteurs écrivent sens dessus dessous.
S^■.^Sl:E, vSf.nskk. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Unhomme sensé, une personne
sensée. Un discours sensé, une réponse sensée,
U7ie action sensée.
Sensémewt. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
SEN
liaire et le participe : Il a répondu sensément, ou
il a sensément répondu.
Sensiblk. Adj. des deux genres. On peut le
mettre nvant son suhst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Un froid sensible. — Un déplaisir
sensible, un sensible plaisir. 11 régit quehiuefois
la préposition « .- Sensible aux ?naux d'autrui,
sensible à l'amitié, i\ l'amour.
Penses-tu que, sensible à l'iionneur de Thésée,
Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée?
(Hac, Phéd., ad. m, se. m, 21.)
Sensiblement, Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Cela se voit sensible-
ment. Nous avons sensiblement remarqué son
trouble. — Il a été sensiblement touché de cette
perte.
Sensiblerie. Subst. f. Fausse sensihililé. Ce
mot nouveau a été adopté par l'usage : Les êtres
privés de la vraie sensibilité, dit Mercier, abon-
dent en sensiblerie.
Sensuel, Sensuelle. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un Jwmme sensuel, une femme sen-
suelle.— Une vie sensuelle.
Sensuellf.ment. Adv. On ne le met guère qu'a-
près le verbe : Il a toujours vécu sensuellement.
Sentencieusement, Adv. Il ne se met guère
qu'après le verbe : // a parlé sentencieusement.
Sentencieux, Sentencieuse. Adj. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
1 analogie : Un discours sentencieux, un mot
sentencieux, une réponse sentencieuse ; cette
sentencieuse réponse. Un homme sentencieux.
Voyez Adjectif.
Senti. Subst. m. Expression nouvelle employée
par Voltaire ; Je prie M. *** de conserver sa
bienveillance pour celui qui n'est ni Pierre (Cor-
neille), ni Jea I (Racine), gui n' aime point du tout
le raisonné de Pierre, et qui ?i approche point du
senti de Jeun.
Sentier. Subst. m. On l'emploie souvent au
ligure dans le style noble : Le sentier ou les
sentiers de la vertu, le sentier ou les sentiers de
la gloire.
Et toujours de la gloire évitant le sentier.
Ne laisser aucun nom, et mourir tout entier.
(Rac, Jphig., act. I, se. II, 9o.)
Sentimental, Sentimentale. Adj. Mot nouveau
qui a rapport au sentiment. Il se prend ordinai-
rement en mauvaise part, pour exprimer la fa-
deur du seriliuient : Des expressions sentimen-
tales, une tirade sentimentale. On ne dit point
sentimentaux. On peut le mettre avant son subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie. Ces senti-
mentales expressions qui reviennent à chaque
instant dans ce discours, le rendent bien froid.
Voyez Adjectif.
Sentinelle. Subst. f. Quelques poètes l'ont fait
masculin. On trouve dans Voltaire (V* Disc, sur
l'Houune, 43) :
Ce sentiment si prompt, dans nos cœurs répandu,
Parmi tous nos dangers sentinelle assidu ;
et dans Delille {Paradis perdu, II, 4SI) :
Ces postes menaçants, ces nombreux sentinellel
Qui veillent nuit et jour aux portes éternelles.
C'est probablement le besoin d'une rime chez
Voltaire, et l'embarras de la mesure chez Delille,
qui ont produit celte licence.
SEP
G49
Sentir. V. a. et n. de la 2' conj. Veyez sa con-
jugaison au inot Irrégulier. Ce verbe régit quel-
quefois rinfinilif sans préposition : Je' sentais
renaître mon courage. (Fénel., Télém., liv. 11,
t. I, p. 9'i.) Il régit que, lorsqu'il est suivi d'un
verbe qui ne se rapiiorie pas à sou propre sujet :
Je sentais qu'il vie trompait. — On sent du plai-
sir, de l'orgueil à faire quelque chose. On sent
vn secret orgueil à honorer ceux qu'on a vaincus.
(Thomas).
Voltaire a dit élausMahomet (act. IV, se. m, 43):
Je ne me sens point fait pour être un assassin.
Seoir. V. n., irrégulier et défectueux de la 3'
conj. Dans le sens d'être convenable, il n'a que
les temps siinples, et aux troisièmes personnes : Il
sied, ils siéent; il seyait, i/s seyaient; il .liéra,
ils siéront; il siérait, ils siéraient; qu'il siée,
qu'ils siéent. Parlicipe présent, seyant. L'inlini-
lif seoir n'est point usité. Il s'emploie imperson-
nellement. Il vous sied bien de prendre ce ton-là.
Il vous sied bien d'avoir l'impertinence
De refuser un mari de ma main.
(Volt., Nan., act. I, se. v, 57.)
Seoir, dans le sens de prendre séance, n'est plus
d'usage qu'au parlicipe présent séant, et au par-
ticipe passé, sis, sise. Voyn Séant cl Sis.
Skpabable. Adj. des deux genres. Il est peu
usité, et ne se met qu'après le substantif qu'il
modifie .' Ces deux choses sont séparables.
Skparément. Adv. On peut quel(]uefois le
mettre entre l'auxiliaire elle parlicipe: lia traité
ces deux questions séparément, ou il a séparé-
ment traité ces deux questions On les inter-
roge séparément.
Sept. Adj. numéral des deux genres. On ne
prononce point le p. On prononce le t quand sept
est seul : Il y en a sept ; ou bien quand il est suivi
immédiatement d'un mot qui commence par une
voyelle ou un 7t non as|)iré : 6'p/5< amis, sept on
huit, sept hommes. On le met ordinairement avant
son subst. Cependant on le voit quelquefois après
les noms propres : Charles sept, Louis sept. Alors
il signifie septième. On dit aussi, dans le même
sens, chapitre sept, article sept, le sept du m.ois,
c'est-à-dire le septième jour du mois.
Boileau a fait rimer sept avec cornet [Sut. IV,
(Un joueur)
Attendant ton destin d'-jn «jualor-ie ou d'un sept.
Voit sa vie ou sa mort sortir de son cornet;
et avec secret {Sat. MU, 213) :
Et souvent tel y vient qui sait pour tout secret.
Cinq et quatre font neuf, ôtez deux, reste sept.
Voltaire l'a fait rimer avec objet {Gertrudc
conte, V. 22.)
Elle avait une Dlle; un dix avec un sept
Composait l'âge heureux de ce divin objet.
Ce sont des licences poétiques qui ne doivent
point influer sur la prononciation usitée dans la
prose.
Septante. Adj. numéral des deux genres. On
prononce lep. Soixante et dix. On ne remploie plus
guère aujourd'hui qu'en parlant des septa^Uo
semaines de Daniel, Ct des soixante eî AoMm
traducteurs de l'Ancien Testament, que l'on dé-
6S0
SER
signe sous le nom des Septante. — u J'insiste-
rais pour que ces expressions si heureuses de
septante, d'uctanld el de no/uiiite, rempluçassent
eii(ia la Irainanlc alliance de nombres (lu'oii y
subsliiuc. Six vingts, (piinze vingts ne se di-
sent plus; pourquoi conserver quatre-vingts qui
n'est |)as moins ridicule? » (Ch. Nodier, Examen
crit. des dict.)
Septenthional, Septentrionale. Adj. Le p se
prononce. 11 lait septcnti-ionaux au pluriel mas-
culin, et ne se met qu'après son subsl. : L'océan
septontrlunal, lespays scptentH'naux.
Septiîcme. Adj. des deux genres. Nombre or-
dinal. On ne jirononce jwint le ;;. Il ne se met
qu'avant son subst. : Le septième jour, la sep-
tième année, la septième génération.
Septièmement. Adv. On le met au commence-
ment de la phrase : Septièmement, je vais vous
expliquer; ou bien après le verbe : Je rows dirai
septièmement que... Le p ne se prononce point.
Septuagénaire, Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Un homme septuagé-
naire, une femme septuagénaire. On prononce
le p.
Skptdagésime, Septuple, Septupler. Dans ces
trois mots, on prononce le p de sep.
Sépdlcral, Sépulcrale. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le pernietteiil : Urne sépulcrale, cérémonies
sépulcrales ; organe sépulcral, un sépulcral or-
gane; voix sépulcrale. Il fait au pluriel mas-
culin sépulcraux : Des vases sépulcraux, {.-icad.)
Sépulcre. Subst. m. L'Académie prétend qu'il
ne se dit plus dans le style ordinaire que pour
signifier les tombeaux des anciens. Cela suppose
qu'il se dit dans le style noble, pour signifier un
lieu destiné à la sépulture d'un mort.
Vous me forcez, seigneur, à la reconnaissance;
Et tout près du eépulcre où l'on va m'enfermer.
Mon dernier senliment est Je vous estimer.
(Volt., Tanor., act. II, se. ti, 45.)
Du sein de ce sépulcre inaccessible au monde.
(Volt., Sémir., act. 1, se. m, 50.)
Sépulture. Subst. f. Delille a dit (Enéide,
IV, 874) :
. . . .Lorsque l'ingrat s'échappait de ces lieux,
Ne pouvais-je saisir, déchirer le parjure,
Donner à ses lambeaux la mer pour sépulture ?
Seeein, Sereine. Adj. qui ne se met qu'après
son subsl. : Un temps snrein, un jour serein,
une nuit sereine. — Un visage serein, un front
serein.
Séreux, Séreuse. Adj. Il suit toujours son
subst. : Humeur séreuse, sang séreux.
Serf, Serve. Adj. qui ne so met qu'après son
subst. On prononce le f: Un homme serf, un
homme de condition serve.
SÉRIEUSE.MEM. Adv. Ou pcut Ic mctlrc entre
.'auxiliaire cl le parlicijie : Il a travaillé sérieu-
sement à sa fortune, ou il a sérieusement tra-
raillé à sa fortune.
Sérieux, SÉRIEUSE. Adj. On peut le mettreavanl
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le
])ernieltenl : f^isage sérieux; air sérieux, mine
sérieuse. — Faire des réflexùr/is sérieuses,
faire de séi-ieuses réflexions. Voyez Adjectif
Serpent. Subsl. m. ^■(lllaire a d't les serpents
de la calomnie [EpUreX^ll, 33) ;
SEU
En vain contre Henri la Fmnca a vu longtemps
La calomnie affreuse exciter sus serpents.
Serre-Papiers. Subst. m. On écrit ce mot ainsi
même au singulier, parce qu'un serre-papiers
est un meuble destiné à serrer plusieurs pa-
piers. Voyez Ciimposé.
Serrer. V. a. de la l'" conj. On dit, avoir le
cœur serré; cette expression est souvent suivie
de la jirèposition de : Avoir le cœur serré de
douleur, de tristesse. Il s\Uait retiré dans sa
maison, le cœur -serré de tristesse (Montesquieu,
Xlf^' lettre persane).
Serre-Tête, subst. m. Ruban ou coiffe dont
on se serre la tête. On écrit au pluriel des serre-
tête. Voyez Casse-Cou, Composé.
Servi AELE. Adj. des deux genres qui se met
toujours après son subst. : Unhomme serviable,
une femme svrviahle.
Servile. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Emploi servile, condition servile,
âme servile, esprit servile. — Une crainte ser-
vile, une servile crainte; un adulateur servile,
un servile adulateur ; une complaisance servile,
une servile cnmplaisancc. ^'oyez .-idjectif.
Servilement. Adv. Ou peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il lui a fait servile-
ment la cour, ou il lui a servilement fait la cour.
Il a traduit servilement ce passage, ou il a ser-
vilement traduit ce passage.
Servir. V. a. et n. de la 2'' conj. Il est irré-
gulier, et se conjugue comme sentir. A' oyez Ir-
régxdier.
Servir de, tenir lieu de; tenir la place, faire
l'office de : Il m'a. servi A&père, cela lui a servi
de médecine. Il a servi de père à ses neveux.
Servir ci, être ulile. Cet instrument sert au
labourage. Un cheval qui sert à tirer et à porter.
A quoi sert-il'^ De quoi sert-il? il ne sert à
rien, il ne sert de rien, exigent le subjonctif
dans les propositions subordonnées : A quoi a-t-4l
servi que vous soyez ve?iu si matin 9 II ne ser-
virait de rien que tvws vinssiez avant midi. \.
Rien.
Voltaire a dit servir simple cavalier, simple
soldat. Ilvijit d'abord servir simple cavalier.
Avec honneur je servirai soldat.
(Volt., Enf. prod,. acl. IV, se. i::, 93.'
Ces sortes d'expressions sont peu usitées. On
dit ordinairement servir comme s-ddat, servir en
qualité de soldat. Il a mieux employé ce mot dans
les deux exemples suivants:
Servez h genoux
L'idole dont le poids va vous écraser tous.
(Èlahom., &ct. I, se. I, 35.)
Par cent mille assassins son courroux fut servi,
{Henr., II, 356.)
Ses. Voyez ^on.
Sf.uil. Subst. m. On mouille le l final. Ce mot
s'emploie dans le style noble :
...Dès que cette reine, ivre d'un fol or;.ieil,
De la porte du teaiple aura passé le seuil.
(Rac, Àth., act. V, se. m, \S.)
Seul, Seule. Adj. Il se dit i" d'un homme qui
n'a personne avec lui, auprès de lui, autour de
SEU
lui, ou qui na avec lui que les personnes avec
lesquelles il vii ordinairement et fainiliércmeiu :
Cet homme itait seul dans su chambre ; il ihiit
seul arec sa femme et ses enfants. Il était seul
avec son domi stiqvc. — Il se dit aussi de l)lu-
sieurs personnes. Lu mari et la femme étaient
seuls. En parlant des choses, il signifie, qui n'est
point accompagné de choses de la même espèce ;
un fait seul est un fait qui n'est point accom-
pagné d'autres faits; un mot seul est un mot qui
n'est point accompagné d'autres mots. En ce sens,
il suit toujours son subst. — 2° Il signifie unique:
Il n'y a qu'un seul Dieu. Il n'a qu'un seul
domestique ; c'est le seul bien qui me reste ; c'est
le seul mot qui exprime ma pensée. En ce sens,
il précède toujours son suhst.
3" Il me semble que quand on dit, un seul
homme a changé la face du monde, seul, dans
cette phrase, ne veut pas dire unique. Je pense
qu'il ajoute au substantif qu'il modifie l'idée
d'individu, et que c'est comme si l'on disait, un
seul individu de la vtème espèce. Dans ce sens
aussi, l'adjectif doit précéder son suIjsU
Un mot seul vous fera comprendre ce que je
veux dire ; c'est-à-dire un mot considéré numé-
riquement : Un seul mot a suffi pour le con-
vaincre, c'est-à-dire un mot considéré relative-
ment à sa signification, à son énergie.
L'Académie doime pour exemples ♦ Cest la
seM\t loi qu'il faut suivre; voilà les seules rai-
sons que vous puissiez alléguer. Dans le premier
exemple, on voit le verbe à l'indicatif, il faut;
dans le second il est au subjonctif, vous puissiez.
On pourrait induire de la que lorsque seul est
précédé de l'article, et suivi des adjectifs relatifs,
qui, que, dont, etc., on peut mettre indifférem-
ment le verbe qui suit à l'indicatif ou au sub-
jonctif. Cette induction serait erronée, et si l'on
se sert de l'un ou de l'autre, c'est sans doute
par des raisons différentes.
Seul doit être suivi du subjonctif quand l'idée
n'est i)as positive, quand elle tient lieu de doute.
Mais cette difficulté n'a été encore clairement
expliquée dans aucune grammaire. Essayons de
la résoudre ici.
L'indicatif est un mode qui exprime directe-
ment, absolument, l'existence d'un sujet sous un
attribut déterminé. Le subjonctif au contraire
exprime d'une manière dépendante, vague, subor-
donnée.
Or, l'adjectif seul peut être pris, ou dans un
sens absolu, ou dans un sens relatif. Il est pris
dans un sens absolu lorsqu'il n'ajoute au subst.
que l'idée d'unité numérique, abstraction faite de
tout rapport avec d'autres individus. Comme
dans, c'est mon frère seul qui est coupable.
C'est lui seul qui m'a frappé. C'est à lui seul
que je confierai inon secret. L'adjectif seul est
pris dans un sens relatif lorsiju'à l'idée princi-
pale (lu'il ex|)riiiie se joint une idée accessoire
qui indique un rapport, une comparaison avec
d'autres individus ou d'autres choses, une dé-
pendance de ces individus ou de ces choses.
Quand je dis, de tous les spectateurs, mon frère
est le seul qui ail applaudi, le mot seul, outre
sa signification principale, indique un rapport,
une comparaison avec les autres spectateurs.
Dans le premier sens, le verbe de la proposi-
tion doit être mis à l'indicatif. Ce n'est point une
proposition incidente, subordonnée, c'est une
proposition absolue, et qui, par conséquent, exige
l'indicatif. C'est lui seul qui m'a. frappé, veut
SEU
651
dire, un seul homme m'a frappé, et cet homme
c'est lui. C'est mon frère seul qui est coupable,
signifie, il y a un seul coupable, et ce coupable
c'est mon frci-e.
Dans le second sens, le verbe de la proposition
doit être mis au subjonctif, parce qu il n'affirme
pas d'une manière absolue, indépendante, mais
avec im rapport à d'autres individus, à d'autres
choses.
Buffon a dit : On peut dire que le chien est
le seul animal dont la fidélité soit à l'épreuve.
Il fallait le subjonctif, parce que la fidélité du
chien est exprimée ici comparativement avec la
fidélité des autres animaux.
Racine a dit {Alexandre, act. II, se. ii, 139) :
La gloire est le seul bien qui nous puisse tenter.
En employant le subjonctif, il a fait sentir que
le seul bien est dit comparativement aux autres
biens. jMais si l'on disait, c'est le seul bien qui
peut 710US tenter, on parlerait d'un bien qui con-
tiendrait absolument et positivement en soi la
seule chose qui peut nous tenter. De tous ces
biens- là, la gloire est le seul bien qui puisse
nous tenter. La gloire peut seule nous tenter,
parce qu'elle seule contient en elle des attraits
auxquels nous sommes sensibles.
Je dirai, c'est la seule chose que ?ious dési-
rons, si je veux exprimer notre désir comme
existant réellement, absolument, sans rapport à
d'autres désirs; et je dirai, c'est la seule c/jose
qtte nous désirions, si je veux présenter noire
désir relativement aux autres désirs que nous
pourrions avoir et que nous n'avons pas.
On dit également bien, c'est le seul homme de
la famille qui a de V esprit, ci c'est le seul homme
de la famille qui ail de l'esprit. Dans la première
phrase, j'exprime l'existence directe, absolue
d'un seul homme d'esprit dans la fainiWe. Il
n'existe réellement, positivement dans l;i fiTmille
qu'un seul homme d'esprit. Dans la Si^conde,
j'exprime l'existence d'un seul homme d'esprit
dans la famille, comparativement aux autres
hommes qui existent dans celte famille : c'est de
toutes les personnes de la famille la seule qui ait
de l'espril ; et c'est ce rapport, celte comparai-
son, cette dépendance de l'idée, qui exige le
subjonctif.
C'est le seul homme qui a pu me plaire, ex-
prime l'existence positive des moyens par les-
quels la personne a réussi à me plaire: C'est le
seul homme qui ait pu vie plaire, a rapport aux
autres moyens que d'autres ont employés inutile-
ment pourme ]ilaire.
On dit, c'est le seul parti que vous pouvez
prendre, s'il n'existe réellement, positivement,
absolument, qu'un seul parti à prendre; et eest
le seul parti que vous puissiez prendre, si je veux
faire entendre qu'enlre plusieurs partis, celui
qu'on propose est le seul convenable. Dans, c'est
la ?,m\e personne que je cAer/*, l'existence de la
personne dans mon aftection est présentée d'une
manière positive, déterminée, absolue, je veux
appeler l'attention sur un individu que je chéris
réellement, absolument; au contraire, dansc'cçi
la seule personîie que je chérisse, l'attention n'es
plus appelée d'une manière positive sur la per-
sonne que je chéris, mais sur plusieurs personnes
que je pourrais chérir et que je ne chéris pas.
C'est le seul homme que je chéris, signifie, je
le chéris lui seul ; c'est le seul homme que je
chérisse, veut dire, je ne chéris aucun autre
652
SI
homme quo lui. C'est lu seule loi quil ftmt
suitfe, suppose l'existence positive et absolue de
la nécessité de suivre celle loi; c'est la seule lui
qu'il fiiille suivre, suppose ipie l'on pourryil
faire un clvdx entre plusieurs lois.
Voici d'autres exemples auxquels on peut ap-
pliquer CCS principes.
C'est le seul conseil que jc peux vous donner ;
c'est le seul conseil que je puisse vous donner.
C'est la seule place qui peut vnvs conreiiir; c'est
la seule place qui puisse %-oiis convenir. De tous
les reproches qu'il m'a faits, celui-là est leSCAÛ
qui m'ait affecté. On ne peut pas dire qui m'a,
le rapport aux autres reproches est trop marqué.
— Il y arait eu du délire à penser qu'on eût
pu faire périr par vn crime tajit dp personnes
royales, en laissant vivre le seul qui pouvait les
venger (Voltaire), qui avait seul les moyens de
fcs vonffcr. Le seul qui pût les venger, voudrait
dire, le seul dont les moyens de les ven^'er pus-
sent être plus efficaces que les autres. — Les
mauvais succès sont les seuls maîtres qui peu-
vent nous reprendre utilement, et nous arra-
cher cet aveu d'avoir failli qui coxite tant A
notre orgueil. (Rossuet.) — Locke est le seul que
/c crois dGvo\v excepter (Condillac.) Que je croie,
supposerait du doute. — La religion est le seul
mors que les rois puissent encore blanchir (Mar-
monlcl.) — La tendre Jeunesse est le seul âge
où l'homme peut encore tout sur lui-même pour
se corriger. (Fénelon.)
Sedlemem. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il lui a demandé seu-
lement une grâce, ou il lui a seulement demandé
une grâce.
Seulet, Seulette. .\dj. qui ne s'emploie ([ue
dans le style pastoral, et ne se met qu'après son
subst. : Unfi fille seulette.
SévèIie. Adj. des deux genres. Il précède sou-
vent son subst. : Un prince sévère, vnjuge sé-
vère, un censeur sévère, vn sévère censeur. —
Une vertu sévère, une punition sévère, une sé-
vère punition. — Une beauté sévère, cette sévère
beauté.
iSeVère régit les prépositions a, po???-, envers, à
l'égard : Il est sévère aux autres comme à lui-
même :
Que faul-il que Bérénice espère?
Rome lui sera-t-elle indulgente ou sévère ?
(Rac, Bcrén., acl. II, se. il, 29.)
Il est plus sévère pour lui-même que pour les
autres. Un père sévère pour ses enfants, envers
ses enfants, à l'égard do ses enfants. Toutes ces
expressions ont des différences fondées sur la
nature des prépositions qui y sont employées.
Sexagénaire. Adj. des deux genres qui suit
toujours son subst. : Un homme sexagénaire,
une femme sexagénaire.
Sexlei,, Sexuelle. Adj. Il suit toujours son
subst. : Les organes sexuels, les qualités
sexuelles.
Si. Conjonction et adverbe. La lettre i de si
3'élide devant il, ils : S'il vient, s'ils viennent.
Elle no s'élide devant aucun autre mot : Si elle
vient, si on dit. — Dans la conversation , on dit
et .si, pour dire cependant, néanmoins ; dans
oette façon de parler, si ne perd pas sa voyelle,
même devant le pronom il : Il est brave et vail-
lant, et si il est doux et facile ; je souffre plus
que vous, et si je ne me plains pas.
6Ï, conjorclion, exprimant par lui-même le
oute de l'esprit, n'a pas besoin d'un mode dou-
SI
teux au verbe qui le suit; ce verbe doit être à
l'indicatif. Je serais venu si j'avais eu le temps,
et n»n pas si j'eusse cm le temps.
On ne peut se servir de si au premier et au se-
cond membre d'une période; mais au second, on
met 77/e au lieu de si, et alors on met au sub-
jonctif le verbe (jui suit : Si vous parlez, et que
vous vouliez me prendre avec vous. Ce tour,
disent les grammairiens, vaut mieux que si vous
.parties, et si vous vouliez vie prendre avec vous.
— Cette règle n'est pas tout a fait exacte; on ré-
pète le .y», ou on met le que, suivant les cas.
Lorsqu'il n'y a pas de liaison entre les deux (tro-
positiôns, il faut répéter si ; lorsqu'il y en a, il
faut mettre la conjonction que, qui alors marque
cette liaison. On dira donc foit bien, si vous ga-'
gnez votre procès, et si vous allez dans votre
pays, si l'on ne veut jias marquer une liaison de
conséquence entre ces deux propositions. Mais
on dira, si vous gagnez l'otre procès, et que vous
voi/s trouviez dans une situation plus avanta-
geuse, parce que l'on maniue par là la liaison
(]u'ily a entre les deux propositions, et (jne l'on
fait considérer l'une comme une suite de l'autre.
Quand si est répété devant deux substantifs,
on peut mettre le verbe au' singulier, si les deux
subslantifssont pris dans un sens disjonctif, c'est-
à-dire, si l'un ou l'autre est le sujet du verbe, et
non tous les deux ensemble. On dira donc, si
votre père, si votre mère vient à mourir, ce tjui
veut dire, si votre père vient à mourir, ou si
votre mère vient à niottrir ; et c'est père ou mère
qui est le sujet du verbe. Mais on dira, si Va-
viour, si la reconnaissance m'attachent à vous,
et non pas, m'attache, pour marquer que ces
deux choses existent ensemble, et (jue les deux
substantifs sont le sujet complexe de la proposi-
tion. D'après cela, il y a dans les vers sui-
vants une négligence, ou un sacrifice fait à
l'harmonie :
Voui n'avez plus, madame, à craindre pour ma vie.
Et je serais ht-urcux si la foi, si l'honneur
Ne me reprochait point mon injuste bonheur.
(Rac, Bajazct, act. III, se. IV, 2.)
Quelquefois on retranche pas du verbe pris
négativement qui suit la conjonction si, quelque-
fois on ne le retranche pas. Dans le premier cas,
on veut indiquer une liaison entre les deux
membres de la phrase, et marquer que l'effet
exprimé par le second est indéterminé. Si vous
ne cliangez., vous éprouverez des malheurs, tel
ou tel malheur. Dans le second cas, on marque
imc liaison entre les deux membres, et im el'fcî:
déterminé dans le second ; si vous ne changez
pas, vous mourrez. Effet déterminé.
Fénelon a dit ilans Télémaque ( liv. III, t. i,
p. 138 ) : Si Pygmalion ne change de con-
duite, notre gloire et notre puissance seront
bientôt transportées à quelque autre peuple
mieux gouverné que nous; à quelque autre peu-
ple, effet indéterminé; avec un effet déterminé,
Fénelon aurait dit : Si Pygmaliori ne change
pas de conduite, il perdra sa couronne.
SI, adverbe, se met devant les adjectifs comme
les adverbes de quantité : Il est si aimable, si
Ion. S'il y a plusieurs adjectifs, il faut répéterai.'
Il est si bo7i, si doux, si complaisant.
Il ne faut pas confondre si avec aussi; le se-
cond se dit quand il y a comparaison, le premier
(piand il n'y en a pas. Il est si faible, qu'il ne
peut pas marcher ; il <?i/ aussi faible que vous
SIG
Hors de la comparaison, si est suivi de que, ei
ceçi/eiégii le verbe qui le suit au subjonctif,
lorsque le incmier verbe est à rim|(ératif, ou (jue
les deux verbes sont employés négativeincnt:
Avruiigez-i-i us si bien, que rous ne i-ous en re-
penties pas. Il n'est pas si habile, qu'il ne fasse
quelque f lis des fautes ; et l'on voit ([ue, dans le
second exemple, on retranche pas du second
verbe.
Si ne doit midifier les participes passés que
lorsqu'ils sont adjectifs. On dit bien un homme si
éclairé, si rangé, mais on no dit pas un homme
si aimé, une éclipse si observie ; il faut dire si
tendrement aimé, si exactement observée; et
alors SI modifie, non le participe, mais l'adverbe.
Si ne peut modifier les adjectifs que lorsqu'ils
sont susceptibles de degrés de comparaison. Dé-
montré et i«co/(/j(/. par exemple, ne comportant
pas le plus ou le moins, on ne dirait pas , une
proposition peu ou beaucoup démontrée, une loi
de la nature peu ou beaucoup inconnue; par la
même raison, on ne jienl pas dire si démontrée,
si inconnue, il faut dire si bien démontrée (ti si
peu connue.
Si ne peut modifier les adverbes que quand il
les précède immédiatement : Si bien, si mal, si
récemvient. -Mais il ne peut modifier les expres-
sions adverl)iales composées de plusieurs mots-
On ne doit pas dire il était si en peine, si en co-
lère, mais il était si fort enpeme si fort en co-
lère, etc.
Si CE n'est. Expression adverbiale qui signifie
excepté, et qui est invariable : [L'ambitieux) ne
jouit de rien, si ce n'est de ses malheurs et de
ses inquiétudes (Massillon. Petit Carême. Sur le
malheur des grandsquiabandonnent Dieu. 3^ réf.)
Cependant, dans le cas où la négation serait
suivie de pas, le verbe être changerait de temps
et de nombre : Si ce ne sont |)as des bons livres,
pourquoi les lisez-vous? (Wailly).
SiBïLLE. Subst. f. On ne mouille point les l.
SiFFL\NT, Sifflante. Adj. verbal, tiré du v.
siffler. Il ne se met tju'après son subst. : Une
lettre sifflante.
SiFFLEMEM. Sub^. ui. DeliUc a dit les siffle-
ments des câbles {Enéide, I, 131) :
On entend des nochers les trisles hurlements.
Et des câbles froisses les aiïreux si/flements.
*SiFFLF.r.iK. Subsl. f. L'action de siffler des
pièces de théâtre. Mot nouveau employé {)ar'\'ol-
taire. Il dit, on parlant de sa tragédie des Lois
de Minos : .Vai bien peur que les ciseaux de
Inpdice n'aient coupé le nez éi Minos. Quelques
bonnes gens auront substitué des vers honnêtes
(t des vers tin peu hardis, et c'est encore vn en-
couragement il la sifderie ; car vous savez que ces
vers si sages sont d'ordinaire fort plats et fort
froids.
Signal. Subst. m. Dans ce mot et ses dérivés
on mouille ^«.
Signalé, Signalée. Part, passé du verbe si-
gnaler, et adj. On mouille gn. Cet adjectif verbal
ost une exception à la règle générale qui veut que
les adjectifs formés des participes passés suivent
toujours leur substantif. On dit un service si-
gnalé et vn signalé service; vn signalé fripon.
SiGNATCRE, Signe, Signer. Dans ces trois mots
on raouUlc^/(.
Signe. Subst. m. On dit sans article, cest signe
qve.
Signet. Subst. m. On ne prononce pas le g.
SIM
653
Skj.mfiamt, Significatif, Sicnifieh, Sicmfic.i-
TiON. Dans ces quatre mots, on mouille gn.
Signifiant, Signifiante. Adj. verbal (jni ne se
met qu'après son subst. : Une expression qui
Il est pas assez signifiante.
Significatif, significative. Adj. (pii se met tou-
jours après son subst. : Un mol significatif, un
terme significatif. — Un geste significatif, un
souris significatif.
SiLE>cE. Subst. m. Ce mot n'a point de plu-
riel, si ce n'est en musique ou dans la déclama-
tion, où l'on dit observer les silences. — On ne
dit pas un silence, à moins (|ue le mol silence ne
soit modifié par un adjectif : Un morne silence,
vn silence morne ; vn silence profond, vn pro-
fond silence. A'oyez Adjectif.
Silencieux, Silencieuse. Adj. Qui garde le si-
lence. Dans ce sons il ne se dit que des i)crsonnes.
Mais quelquefois il se dit des lieux »ù l'on n'en-
tend pas de bruit. 11 suit toujours son subsl. :
Un homme silencieux, bois silencieu.v.
SiLiQLE. Suiist. f. « C'est le synonyme de
gousse, dil Mercier. Ce mol, tiré du latin, est
français et harmonieux. Vous croiriez que notre
versificateur en titre l'aurait cmi)loyé dans sa
traduction des Géorgiques, point du tout :
Les pois relentissants dans leurs cosses tremblantes.
(Del., Gcorg., I, 90.)
Voilà ce qui remplace silique. »
^Mauvaise critique , mauvaise observation.
Nous avons en français gousse el cosse, pour-
quoi aller chercher silique, et ne pas laisser ce
terme à 'histjtrc naturelle, qui s en est empa-
rée?
Sillage, SiLLER, Sillon, Sillonner. Dans ces
quatre mots, on mouille les l.
SiMiLiîUDE. Subst. '. Figure ae rhétorique par
laquelle on tâche ae renaro une cnose sensible
par une autre louie différente. On s'en sert, ou
pour prouver, ou pour orner, ou pour rendre le
discours plus clair et plus agréable.
Simple. Adj. des deux genres. Cet adj. tantôt
suit et tantôt précède son subst., et il a des sens
différents, selon qu il occupe l'une ou l'autre
place : Un simple homme est un homme qui n'est
qu'homme ; «« homme simple est un homme qui
a de la simplicité. De simples airs sont îles airs
(pii ne sont pas accompagnés de paroles : des airs
simples sont des airs naturels, naïfs, sans orno-
menls.
En grammaire, on dit qu'un mol est simple
relativement aux autres mots qui en sont formes,
l)oiir exprimer avec la même idée quelque au ire
idée qu'on lui associe. On appelle proposition
simple, celle dont le sujet et l'attribut .sont éga-
lement simples, c'est-à-dire également détermi-
nés iiar une seule idée totale. La sagesse est
précieuse; voilà une proposition simple. En par-
lant des verbes, on appelle teinps simples ceux
qui consistent en un seul mot, tpii dérivent
d'une même racine fondamentale, et diffèrent
entre eux par les infif-xions et les tcrminai>ons
propres à chacun. J'aime, j'aimai, j'aime-
rai, etc., sont des temps simples. —Dans l'élo-
quence, on distingue le genre simple, qui n'ex-
pose que des choses simples.
Simplement. Adv. 11 a quelquefois, comme
l'adjectif, un sens différent , lorsqu'il est mis
après le verbe, ou entre l'auxiliaire et le parti-
cipe : //. lui a exposé simplement son affaire,
veut dire, il lui a exposé son affaire naïvement,
654
SIN
sans art, sans (lùsuiscment. Il lui a simplement
exposé son affaiie, signifie, il n'a fait autre chose
que lui exposer son affaire.
Simplicité Subsl. f. Qualité de ce qui est
simple. En ce sens, il n'a point de i)luricl.— Dans
le s<'ns de niaiseries, il a un pluriel : Il a dU des
simplicités qui nous ont beaucoup amusés.
Simulation. Subsl. f. Déguisement frauduleux.
C'est un terme de jurisprudence. Mercier pense
que l'on pourrait leniploycr dans le langai-'e com-
mun, et je le pense comme lui : Les gens nés
froids sont toujours plus près de la simulation
que les autres; ils s^ohsei-vent et ils se possè-
dent ; mais chez un liomne né vif, la simula-
tion dericnt difficile ; V âme échappe par un geste
nu dans un rci/urd.
Alors, simulation ne signifierait pas exacte-
ment la même cliosC' que ci/*«'/«!/Zaito/i. La pi'o-
noiére expression signifierait l'action de faire
semblant qu'une chose est, quoiqu'elle ne soii
pas, tandis que la seconde signifie l'action de ca-
cher ce qui est. C'est la même différence qu'entre
les verbes latins simulare et dissimulare.
SiMDLTANÉ , Simultanée. Adj. Il ne se met
qu'après son subst. : Mouvement simultané,
action simultanée. On écrivait autrefois simul-
tanée au masculin, mais celte manière d'écrire
est contraire à l'analogie de la langue.
SnlCLTA.^ÉME^•T. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ils ont agi simulta-
nément^ ou ils ont simultanément agi.
Sincère. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Un homme sincère,
une femme sincère. — Un procédé sincère, une
réconciliation sincère, une sincère réconcilia-
tion; vn repentir sincère, un sincère repentir;
des protestations sincères, de sincères protesta-
tions,; un aven sincère, vn sincère aveu. On no
dit pas un sincère homme. Voyez Adjectif.
SiNCÈi'.EMENT. Adj. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a avoué sincère-
ment sa faute, ou il a sincèrement avoué sa
faute.
Sincérité. Subst. f. Ce mol n'a point de pluriel
lorsqu^il signifie la qualité, la vertu. Si on l'em-
ploie à ce nombre, c'est lorsqu'on entend par là
les effets do la sincérité. On dil des sincérités,
comme on dit des naïvetés.
* SiNGiaB, SiNGERESSE.Mots nouvcaux. Le pre-
mier n'est pas généralement adopté, et a été
quelquefois employé substantivement : Il exhale
sans ménagement son mépris pour les vils sin-
geurs de In magistrature, qui, après avoir dé-
pouillé leurs concitoyens, osaient les juger sans
savoir les lois. (Mirabeau.) — Singeresse est ordi-
nairement employé adjectivement, et plus usité
que singeur : Je craignis de lui voir cette poli-
tesse maniérée ^ ces façins singeresses qu'on ne
manque jmnais de contracter à Paris. (J.-J.
Rouss. Iléliiïse, IV« part., ixe lettre, t.iv, p. d78.)
SiNGni.iE!-., Singulière. Adj. On peut le mettre
avant sonsubsu, lorsque riiariuonieet l'analogie
le permettent : Un homme singulier, une femme
singulière. — Une façon singulière, v no singu-
lière façon; me manière singulière, une sin-
gulière manière; une opinion singulière, une
singulière opinion. Voyez Adjectif.
En grammaire, ce terme est consacré pour dé-
signer celui des nombres qui marcpie l'unité. On
dil,/e nombre singulier Cl le nombre pluriel, ou
suljslanlivcmeut, le singulier et le pluriel. Voyez
Nombre.
SIN
On met quelquefois le singulier pourle pluriel
Le soldat, le matelot, le paysan, le pauvre, le
riche, l'homme, la femme, etc., pour les soldats,
les matelots, les paysans, les pauvres, les riches,
les hommes, les femmes , eU\ Le soldat murmu-
rait, le vialelol commençait à prier, le paysan
s'était 'révolté, le riche méprise souvent le pau-
vre, le Français est brave et léger.
Vn même nom avec la même signification ne
laisse pas très-souvent de recevoir des sens fort
différents, selon iju'il est employé au nombre
singulier ou au nombre pluriel. Par exemple,
donner la main, c'est présenter la main à (piel-
qu'un |)ar politesse, pour l'aider à marcher, à
descendre, à monter, etc. Donner les mains,
n'est plus qu'une expression figurée qui veut
dire consentir à une proposition.
L'usage a introduit dans notre langue une ma-
nière de p;irler qui mérite d'être remarquée;
c'est celle où l'on emploie, par synecdoque, le
nombre pluriel au lieu du nombre singulier,
quand on adresse la parole à une personne :
Monsieur, vous m'avez ordonné, je vouspr/e, etc.
La poiilcssc française fait que l'on traite la per-
sonne à qui l'on parle, comme si elle en valait
plusieurs; et c'est pour cela que l'on n'emploie
que le singulier, quand on parle d'une personne
à qui l'on doit plus de franchise ou moins d'é-
gards. 0.1 lui dit, tu m'as donné, je t'ordonne,
sur tes avis, etc. Cette dernière façon de parler
s'appelle tutoyer. Ainsi, l'on ne tutoie que ceux
avec qui l'on est très-familier ou ceux peur qui
l'on a peu d'égards.
On demande si un nom substantif, suivi de plu-
sieurs adjectifs qui expriment différentes espèces
du même genre, doit être mis au singulier ou au
pluriel. Les uns veulent qu'on mette le substantif
;!U pluriel, et que les adjectifs qui le suivent res-
lentau singulier. Les autres, au contraire, veu-
lent que le substantif, ainsi que les adjectifs qui
l'accompagnent, soient mis au singulier. Selon
les premiers , on dira les cotes personnelle ,
somptuaire et mobilière. Un cours de langues
française, italienne et espagnole. Selon les se-
conds, la cote personnelle, la mobilière et la
somptuaire ; un cou7's de langue française, ita-
lienne et espagnole.
Pour savoir la(iuelle de ces deux constructions
on doit adopter, il suffil de remanjucr que le
substantif impose ses accidents, sa forme à tous
les adjectifs qui le déterminent, mais que ce droit
n'est pas réciproque, car plusieurs adjectifs réu-
nis ne sauraient forcer un substantif a l'accord.
Or, dans le cas où l'on admettrait la première
construction, c'esl-à-dire où l'on admettrait que
le substantif fût mis au pluriel, tandis que chacun
des adjoGtirs resterait au singulier, ce serait les
adjectifs qui régleraient l'accord, ce (jui no peut
être toléré en grammaire. On doit donc dire : la
cote personnelle, la Mobilière el la somptuaire;
un cours de langue française, italienne et es-
pagnole. De cette manière,' les lois de la syntaxe
ne sont pas violées, cl l'on peut rendre raison de
ces phrases au moyen de l'ellipse, c'est-à-dire
que c'est comme s'il y avait, la cote personnelle,
la cote mobilière , la cote somptuaire ; un cours
de langue française, de langue italienne, de
longue espagnole. Voltaire a dit .• Corneille a ré-
formé lu scène tragique et la scène comique par
d'heureuses imilalioif;. '^Préface des Remarques
sur le Menteur.) Fénelon :Je vous ai montré,
par des cvpéricnccs sensibles, les vraies et les
fausses maximes par lesquelles on peut régner
SIX
{Télénu, liv. XXIV, t. ii, p. 390.); cl Thomas :
n est très-sûr que le seizième et le dix-septième
siècle furent marqués par de grands change-
ments et de grandes découvertes. [Eloije de Des-
cartes.) Ces régies sont fondées en ruisoii; mais
on les viole tous les jours. A'oyez Accord, Adjec-
tif, Nom, Nombre, Pluriel.
SiNGDusRKMi '^T. Adv. Il se met souvent entre
l'aiixilialrfClic participe, et quelquefois même on
ne peut pas le placer autrement : Il a été singu-
hèrement affecté de celte perte; on ne dirait pas,
M a été affecté sinytdièrement. Il a toujours été
singulièrement attaché à ses devoirs. Il s'est
conduit singulièrement dans celte a/faire, ou il
s'est singulièrement conduit dans cette affaire.
SiMSTRK. Adj. des deux genres. On peut le
raellre avant son subsl., lorsijuc l'analogie et
/harmonie le permettent • Un accident sinistre,
un sinisli-e accident; une aventure sinistre,
une sinistre aventure ; un présage sinistre, un
sinistre présage ; un augure sinistre, un sinistre
augure. A'oyez Adjectif.
SiNisTREjiEST. Adv. Ou pcut Ic mettre entre
l'auxiliaire et le iiarticipe : // avait jugé sinis-
tremenl de l'état de ses affaires, OU il avait si-
nisirevient jugé, etc.
SiNDEux, Sinueuse. Adv. On- peut le mettre
avant son subsl., en consultant l'oreille et Tana-
logie : Les replis sinueux, OU les si?tueux replis.
Voyez Adjectif.
Sinus, subst. m. On prononce le s.
Sirop. Subst. m. On ne prononce point le />.
Sis, Sise. Part, passé du v. seoir, qui n'est
plus en usage. 11 ne s'emploie guère que comme
adj. cl en style de pratique, où il signifie situé,
située. Un héritage sis à Saint-Denis, une mai-
son sise rue F'ivienne. Il ne se met qu'après son
subst.
Situation Subst. f. Dans la poésie dramatique,
on appelle situation un moment de l'action théâ-
trale, où de la seule position des personnages,
résulte pour le spectateur un saisissement de
crainte ou de pitié, si la situation est tragique ;
de curiosité, d'impatience ou de maligns joie, si
la situation est comique. C'est, dans l'un et dans
l'autre genre, le plus infaillible moyen de l'art.
Pour bien juger d'une situation, il faut suppo-
ser les acteurs muets dans le moment criiique, et
se demander à soi-même quel mouvement exci-
tera dans le spectacle la seule vue delà scène. Si
le spectateur, pour être ému, doit attendre qu'on
ait parlé, il n'y a plus de situation. (Marmontel.)
Six. Adj. numéral des deux genres. Il se met
avant son subst. : Six hommes, six femmes, six
maisons. — Quelquefois on le met après les noms
propres au lieu de sixième : Charles six,
Louis six. — On dit le six du mois, pour dire
le sixième jour du mois.
Lorsque ce mol n'est pas suivi du nom de
l'espèce nombrée, x se prononce avec un siffle-
ment fort : Ils étaient six, j'en ai demandé six.
Lorsqu'il est suivi du nom de l'espèce nombrée
commeiiçanl par une consonne ou un h aspiré, le
X ne se |)rononce point; la syllabe est seulement
un peu longue : Six maisons, six héros; pronon-
cez, «i-///atso«s, si-ZteVos. Lorsqu'il est suivi du
nom de l'espèce nombrée, commençant par une
voyelle ou par un h muet, on prononce le xavec
unsifQement faible, c'est-a-dire comme un z :Six
ans, six aunes; prononcez, si- sans, si-zaunes.
Sixain. Subst. f. On prononce sizain.
On appelle sixain, en poésie, une stance com-
posée de six vers. Nous avons deux sortes de si-
soc
6bb
xains qui ont des différences très-remarquables.
Les premiers ne sont autre chose qu'un quatrain
auquel on ajoute deux vers de rime différente de
celle qui a terminé le quatrain Les si.vains de celle
espèce admettent deux vers de rime différente,
soit avant, soit après, comme dans l'exemple sui-
vant :
Seigneur, dans ton temple adorable
Quel mortel est digne d'entrer?
Qui pourra, grand Dieu, pénétrer
Dans ce séjour impénétr.ible.
Où tes saints inclinés, d'un air respeclueui,
Contemplent de ton front l'éclat majestueux?
(J.-B. Ronss., liv. I, od. I, 1.)
La seconde espèce de sixains comprend deux
tercets, qui ne doivent jamais enjamoer le sens
de l'un à l'autre. Il doit donc y avoir un repos
I après le troisième vers. Les deux premiers y
I riment toujours ensemble, cl le troisième avec le
dernier ou avec le cinquième, mais ordinairemeni
avec celui-ci.
P"" Exemple :
Renonçons au stérile appui
Des grands qu'on iiaplore aujourd'hui;
Ne fondons point sur eus une espérance folle :
Leur pompe, indigne de nos vœux.
N'est qu'un simulacre frivole.
Et les solides biens ne dépendent pas d'eux.
(J.-B. Rouss., liv. I, od. IX, 7.)
IP Exemple :
Je disais .ila nuit sombre :
0 nuit! tu vas dans ton ombre
M'ensevelir pour toujours.
Je redisais à l'aurore :
Le jour que In fais éclore
Est le dernier de mes jours.
(J.-B. Rouss., liv. I, od. x, 35. (Encyclop.)
Sixième. Adj. des deux genres. X se prononce
comme s. On le met avant son substantif : Le
sixième jour, le. sixième année.
Sixièmement. Adv. On peut le mettre au com-
mencement de la phrase, ou après le verbe :
Sixièmement, je vous dirai, etc. ; ou je vous di-
rai sixièmement, etc.
Sloop. Subst. m. On prononce, et quelques-uns
écrivent, sloupe. (Acad. 1835).
Sobre. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent: Unhomme sohre, une femne sobre .
— Un repas sobre, un sobre repas. Voyez Adjectif
Diderot a employé ce mot dans une acce|)lioii
qui ne se trouve point dans les dictionnaires :
Si j'attends l'en ueini, dit-il, quand il s'agit du
salut de ma patne,je ne suis qu'un citoyen or-
dinaire. Mon amitié n'est que circonspecte, si
le péril d'un ami vie laisse les yeux ouverts sur
le mien. La vie m'est-elle plus chère que ma
maîtresse? je ne suis qu'un amant ordinaire
Les passions sobres font les hommes communs.
Sobrement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe ; Il a usé sobrement de cette
permission, ou il a sobrement usé de cette per-
mission.
Soc, Socle, Socqde. Substantifs masculins. 11
faut se garder de confondre ces trois mots qui oui
entre eux quelque analogie quant à la prononcia-
tion, mais qui différent couiplétement pour l'or-
thographe et pour le sens.
Le socesi un instrument do fer qui faitparlic
d'une charrue, et qui sert n feudre et à renverser
la terre quand on lal»ourc.
C50
SOI
Le socle est un corps carré plus large que
haut, et (]iii sert de base à toutes les décorations
d'archilcciure; il se dit aussi d'un petit piédestal
sur lequel on |)ose des vases, des statues, etc.
ïïntin on appelle socque une chaussure de cuir
qui s'adapte à la chaussure ordinaire, et qui sert
a mieux garantir les pieds deThumidilé. (le mot
se dit aussi de la chaussure dont les acteurs de
l'antiquité se servaient dans les pièces comi^iues,
a la différence du cothurne , ciiaussure haute
dont ils se servaient dans la tragédie. Par suite, ce
mot s'emploie (piclquefois au figuré pour opposer
la comédie à la tragédie.
Sociable. Adj. Il ne se met qu'après son subst. :
Un hoiinne sucialle , une femme sociable. —
L'homme suciable et Vhomine sauvage.
Social, Sociale. Adj. des deux genres. 11 ne se
met <|u'aprés son subst. : Les vertus sociales ,
les qualités sociales, les rapports sociaux.
Socle. Subst. m. Voyez Soc.
SocQLE. Subst. m. Voyez Soc.
Soi. Pronom singulier de la troisième personne
cl des deux genres. Il se dit des personnes et
des choses.
Soi est destiné particulièrement à servir de
complément à des prépositions : Prendre garde
à soi, être content de soi, n'aimer personne que
soi, ne vivre que pour soi, etc.
Quand soi se dit des personnes, il se construit
ordinairement avec des noms (jui n'offrent iju'une
idée indéterminée: Chacun pense à soi. Quand
on est content de soi. Aucun n'est prophète
chez soi.
Si l'on veut appliquer l'idée exprimée par soi
à une personne déterminée, il faut se servir, au
lieu de soi, de lui ou elle, suivant le genre : Mon
frère ne pense qu'à lui, ma sœur est contente
d'elle.
Racine a péché contre cette règle dans les deux
vers suivants :
Mais il se craint, dit-ii, eoi-m^me plts que loul.
{Androm., aci. V, se. Il, 59.)
Charmant, jeune, Iniinanl tous les cœurs après soi.
[Phii., act. II, se. v, 59.j
Cependant, lorsqu'il s'agit dans la phrase d'une
qualité qui peut être appliquée ou eu général à
une certaine classe d'hommes, ou en particulier
a un individu de celte classe, on euq)loie soi ou
lui, même avec un nom déterminé, selon <^iie
l'on a dessein de faire l'une ou l'autre aiiplicalion.
Quand on dit, jiar exemple : Un homme juste lire
S071 bonheur de soi, on entend par la, tire son
bonheur de cette justice qui lui est commune
avec tous les gens qui sont justes comme lui;
mais tpiand on dit : Un homme juste lire son
bonheur de lui, on veut dire qu'il tire son bon-
heur des actions particulières de justice qu'il
exerce. En parlant d'une femme, on dirait d'elle,
au lieu de lui.
Quand soi se dit des choses, il a toujours rap-
port a leur nature. Dans le cas contraire, on peut
substituer elle à soi, mais rarement lui. On dit,
la vertu est aimable en soi, c'est-à-dire la vertu
est aimable par sa nature, de sa nature; mais on
dit aussi, la vertu a dans elle tout ce qui peut la
rendre aimable, c'esl-à-dirc,on trouve dans la
vertu, dans l'exercice de la vertu, tout ce qui
peut la rendre aimable. Mais, comme dit le père
Bouluiurs, on ne dirait pas, Ze vice a dans lui
'■out ce qui peut le rendre odieux; il faudrait
SOI
dire, le vice a dans soi, etc., parce (|uc lui ne
convient pas si généralement à un nom de chose
que elle. J'ajoute, parce que c'est par sa nature
(|ue le vice est odieux, et qu'on trouve dans le
vice, dans l'exercice du vice, beaucoup de choses
aimables au.x yeux de ceux ipii s'y abandonnent.
Soi, comme nous l'avons dit, est un j'ronom
singulier. Il ne jkîuI se ra|)|)orter a un pluriel.
On pensait autrefois différemment, et l'Académie
elle-même avait décidé que l'on pouvait dn-o, de
soi ces choses sont indifférentes. D'Olivet ;i sou-
tenu le sentiment contraire, et l'Académie s'est
rangée à son avis. Dans ce cas, on se sert d'eux-
mêmes et d^ elles-mêmes, au lieu de soi.
L'adjectif même se met souvent après !>oi, au-
quel il se joint par un tiret : On se tourmente
soi-même, on fait soi-même son bonheur, chacun
est soi-même so7i juge. Cet adjectif n'ajoute rien
au sens de soi, mais il donne plus d'inergie à
l'expression. Tout ce que nous venons de dire du
pronom soi peut s'appliquer à soi-même. Voyez
Même, Lui, Pronom.
Soif. Subst. f. On prononce toujours le f final
de ce mot.
Les poètes emploient souvent ce mot au figuré :
Elle aura plus de soif de mon sang que du vàlre.
(Rac, Baj., act. Il, se. T, 102)
Cette soi/ de régner que rien ne peut éteindre.
(Rac, Iphig., act. IV, se. IT, 12Î.)
La soif de commander.
(Rac, Ath., act. III, se. m, 66.)
Tantôt voyant pour l'or sa soif insatiable.
[Idem, act. I, se. l, 48.)
Soigner. V. a. de la l^e conj. On mouille gn.
Soigneusement. Adv On mouille gn. On peut
le mettre entre l'auxiliaire et le participe ■• J'ai
examiné soigneusement cette affaire, on j'ai soi-
gneusement examiné cette affaire.
Soigneux, Soignecse. Adj. On mouille gn. Il
ne se met qu'après son subst. : Un homme soi-
gneux, une femme soigneuse. Il régit quelque-
fois la préposition de avec un substantif ou un
verbe : Il est soigneux de son honneur, il est
soigneux de conserver sa réputation.
Je m'attendris sur lille, et je ne puis comprendre
Qu'après plus de quinze ans, soigneux de la défendre,
],o ciel la persécute, et paraisse outragé.
(YoLT., Sémir., acl. II, se. i, 7}
Son rival, cliaquc jour, soigneux de lui déplaire.
(Volt., Henr., III, 295.)
Soin. Subst. m. On dit sans article, avoir soin^
pendre soin.
J'aurai soin de ma mort, prenez soin de sa vie.
(Rac, Baj., act. V, se. vi, 46.)
Soin régit quelquefois de avec un inh'nilif : Ls
soin de s'embellir est presque le désir de plaire.
(Marniontel )
Soir.. Subst. m. On dit absolument, et sans
rapport au jour : Les assemblées se liennent le
soir, il y va le soir, et non pas au soir. — <}uand
il y a rapport à un jour, on dit au soir : J'irai
vous coir demain auscir, lundi au soir, jeudi
au soir. — l'éraud prétend qu'il faut dire du
matin au soir, cl non pas du soir au matin ;
c'est selon les cas. On dit, travailler du matin
SOL
SOM
657
au soir, quand il s'açit d'un travail qui com-
mence le malin el linil le soir; in;iis en piirlant
d'unlioniine qui travaille pendant la nuit, «m dit
fort bien, (7 truruille du soir au malin; ils i>nt
jové, ils ont bu du soir au matin. Voyez Matin.
Soit. Conjonction alternative. On la redouble
ordinairement : Soit l'un, soit Vautre. Quelque-
fois, au lieu du second suit, on met ou : soit ré-
flexion ou instinct. Mais il doit y avoir une
grande différence entre ces deux expressions.. 11
me semble qu'on répète snit, pour marquer une
liaison plus forte entre les deux premièies pro-
positions el la troisième. On dira donc, soit qu'il
dorme, soit qu'il veille, il a toujours le visage
enflaiiiwc. 11 y a ici liaison intime entre les deux
premières propositions et la troisième; il y a si-
multanéité d'état dans les deux cas. Mais je di-
rai, soit qu'il ait de Vappétit ou qiiil n'en ait
pas, il croit toujours qu'il est malade. Ici la liai-
son n'est pas i'nlime, il n'y a pas simulianéilé
d'état ; c'est seulement une o|iinion qui résulte
également d'une circonstance ou d'une autre.
Soixante. Adj. numéral des deux genres. Il se
met avant son subst. : Soixante hommes, soixante
chevaux, soixante maisons. On écr\[ soixante et
un, soixante-deux, soixante et dix.
Soixantième. Adj. des deux genres. Nombre
d'ordre. Il se met avant le subst. : Le soixantième
jour, la soixantième année.
Soldat. Subst. m. On ne prononce point le t
final. On le dit d'un homme et d'une femme :
Jeanne d'Arc se fit soldat el sauva la France.
* SoLÉcisER. Faire exprés des solécismes. Mot
inusité dont Diderot a fait un emploi lieureux
dans le passa .re suivant : « S'il n'eût tenu qu'à
saint Grégoire le Grand, nous serions dans le
cas des mahouiélans, qui en sont réduits pour
toute lecture à celle de leur Alcoran ; car quel
eût été le sori des ancirns l'ci'irains, entre les
mains d'un homme qui solécisait ^«7' joriHCîpe de
relijion, qui s'imaginait qu'observer les réglas
de la grammaire, c'était s ntniettre Jésus-Christ
d Donat, et qui se crut obligé en conscience de
comhler les ruines de Vaniiquité? »
SoLKCisMr.. Subst. m. Terme de grammaire. Le
solécisme est, comme le barbarisme, une faute
sjntrela langue. Mais il y a de la différence entre
/a signification de ces deux mots; le barbarisme
est une locution étrangère, au lieu que le solé-
cisme est une faute contre la construction d'une
langue , faute que les naturels du pays peuvent
faire par ignorance ou par inadvertance, comme
quand ils se trompent dans le genre des noms, ou
qu'ils font (juelque autre faute contre la syntaxe
de leur langue.
Le solécisme regarde le genre et le nombre des
noms, comme quand on dit les emails, au lieu
de dire les émaux; — les conjugaisons, comme
si l'on disait il allait pour il alla; — la syntaxe,
comme dans je n'ai point de l'urgent, au lieu de
je n'aipoint d'argent.
Solennel, Solennelle. Adj. Il n'y a pas en-
core longtemps que l'on écrivait solemnel. Au-
jourd'hui on n'écrit plus que solennel, tjue l'on
prononce solanel. Cet adj. peut se mettre avant
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le
permettent : Une fête solennelle, un jour solen-
nel, une pompe solen nelle, cette solennelle pompe;
une déclaration solennelle, cette solennelle dé-
claration. A'oyez Adjectif.
SOLENNELLE.MENT. Adv. On prononcc solanel-
emsnt. On peut le mettre entre l'auxiliaire et le
participe : La paix a été froclamée solennelle-
ment, ou a été solennellement proclamée.
SoLKNNisER, SOLENNITÉ. Ou prononcc soluniser,
solanité.
Solidaire. Adj. des deux genres. Il se dit des
personnes et des choses, et ne se met qu'après
son subst. : Cet homme est solidaire, ils sont so-
lidaires. — Obligation solidaire , action soli-
daire.
Solidairement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ils s>nt obligés soli
dairement, ou ils sont solidairement obligés.
Solide. Adj. des deux genres. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'r.na-
logie : Les corps solides. — Un bâtiment solide,
un fondement solide. — Une wnirriture solide,
des aliments solides. — Un hunnne solide ; des
honneurs solides, de solides honneurs. Voyez
Adjectif.
Solidement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe: // a établi soli'lement
sa fortune, OU il a solidement établi sa fortune.
Solidité. Subst. f. Quoiqu'on dise un homme
solide, on ne ilil pas la solidité d'un homme. On
dit la solidité de son esprit, de son caractère.
.^OLiLOQCE. Subst. m. Il signifie la même chose
que monologue, avec cette différence qu'il ne se
dit que des matières de piété, et que monologue
se dit des pièces de théâtres: Les soliloijucs de
saint Augustin. Il y a k/j Jeau monologue c?a/is
cette tragédie.
Solitaire. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie : Un homme solitaire, une femme so-
litaire. — Ces lieux solitaires, ces solitaires
lieux, ces solitaires contrées.
Solitairement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : // a toujours vécu solitairement.
Solliciter. V. a. de la Ire conj. L'Académ
dit, solliciter quelqu'un à faire quelque chost
ou de faire quelque chose ; el elle n'indique point
la différence de ces deux expressions. Il me sem-
ble que solliciter à indique une action qui a un
but hors du sujet : On Va sollicité éi faire cette
démarche; et que solliciter de indique une ac-
tion qui doit se terminer au sujet : Je l'ai solli-
cité de venir me voir ; il m'a sollicité d'aller le
voir. L'Académie dit, ils l'avaient sollicité d'en-
trer dans leur parti. Avec des substantifs , on
emploie aussi à ou de; à pour marquer une
chose qui est hors du sujet : Solliciter à la ré-
volte, au mal, c'est-à-dire à se rérolter. à faire
du mal ; et de, lorsque la chose est dans le même
sujet : Solliciter quelqu'un de son déshonneur,
c'est-à-dire de faire son déshonneur.
Solo. Subst. m. Ce substantif, emprunté de
l'italien , ne prend point de s au pluriel : Deux
solo.
SoLUBLE. Adj. des deux genres, qui ne se met
qu'après son subst. Qui peut être résolu. Une
question qui n'est pas soluble. — Des sels solu-
bles dans l'eau. Ce problème n'est pas snluble.
SoLVABLE. Adj. des deux genres, qui ne se
met qu'après son subst. : Un homme solvable,
une caution solvable.
Sombre. Adj. des deux genres. On jwut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'analogie: Une retraite sojnbre , une sombre
retraite; forêts sombres, sombres forêts. — Les
soînbres visages. Ce mot s'emploie au figuré dans
le sens de morne, mélancolique , taciturne, rô
veur, chagrin :
42
Gît8
S0?«
l/t tomi>r« Politique, au cœur faux, à J'sil louche.
(Volt., Henr., X, 70.)
Sommaire. Adj. des doux genres qui ne se met
iju'aprôs Son subsl. : Traité sommaire, réponse
sommaire, requête sommaire.
Sommairement. Adv. On peut le mellro cnlre
l'auxiliaire et le participe ; Il a exposé sommaire-
tiient le contenu de ce livre, ou il a sommaire-
ment cxjiosé, etc.
Sommeil. Subsl. m. On mouille le / final.
Sommité. Subsl. f. On prononce les deu.x m.
SoMNAMi:uLE. Subst. dcs deux genres. On jiro-
nonce le lueinier m ;le second se piononce comme
udm.
SoMMFiiRE. Adj. des deux genres. On prononce
le VI. Il ne se met (iu'a[)rès sou subsl. : Plante
somnifère, potion somnifère.
SoMPTUAir.E. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : Edil somptuaire, lois
somptuaires.
SoMPTCELSEMENT. Adv. Il nc sc ffict guère qu'a-
près le verbe : // a vécu somptueusem.ent.
Somptueux, Somptueuse. Adj. On jKîutle mettre
avant son subsl., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Ua édifice somptueux, un somptueux
édifice.
Son. Adj. possessif qui a rapport à la troisième
personne. Il lait*« au féminin, et ses au pluriel
pour les deux genres. Il se met toujours avant le
subst., et exclut l'article.
Quoique son soit destiné à modifier un sub-
stantif masculin, on l'emploie devant un substan-
tif féiuinin, lorsque ce substantif commence par
une voyelle ou un h non aspiré. Ainsi l'on dit,
son cnnitié, son habitude, et non pas sa amitié,
sa habitude.
Cet adjectif possessif se dit des personnes et
des choses personnifiées; mais aussi il se dit quel-
quefois des choses, et à cet égard son emploi est
sujet à des difficultés. Nous les avons expliquées
au mot Adjectif, en parlant des adjectifs posses-
sifs. Voyez ce mut.
Les adjectifs son, sa, ses, doivent se répéter
devant chaque substantif et devant chaque ad-
eclif, à moins que les adjectifs n'aient à peu prés
le même sens. On dit son père et sa mère, ses
frères et ses sœurs, et non ses père et mère, ses
frères et sœurs. On d\\. j'ai vu ses grandes et ses
petites maisons; mais on dit j'ai vu sa belle et
brillante parure, et parce que belle et brillante
signifient ici des choses de môme ordre, et parce
que ces adjectifs sont appli(;ués au même sub-
stantif. On dira, parla même raison, je »aw par-
ler de grandes et mémorables actions.Yoyez Moi,
Mon, Pronom.
Sonder. V. a. de la l^e conj. Les poètes l'em-
ploient souvent au figure :
Peu de son cœur profond ont lond^ les replis.
(Volt., Henr., II, 47.)
Il faut d'un ccil sévère
Sonder la profondeur de ce triste mystère.
f\'0LT., OEd., act. I, se. m, 98.)
Ma main téméraire
Dn prodige effrayant rcut tondcr le mystère.
(I)eliL;, Bnéid., Ill,
Vous <|ui de la philosophie
&t«i fonde les profoniieiirs.
(Volt., Épttre LXVI, 3.)
SON
Songer. V. n. de la l^e conj. Dntis ce verbe,
le g doit toujours se prommcer comme un /; et
pour lui conserver celle prononciation Inrsqu'iï
ost suivi <l'un a ou d'un n, on met un e muet
avant cet u ou cet o ; Je songeais, so^Ageons, ci
non pax, je sanguis, .<tnnqons.
Penser signifie avoir une cho.«e dans l'esprit,
s'en occuper, y attacher sa pensée, y donner son
attention, réfléchir, méditer. Songer signifie seu-
lement rouler une idée dans son esprit, y faire
quehjue attention, se la rappeler, s'en occuper
légéroniïînt, l'avoir jirésente à sa mémoire. Vous
ne direz point songer profondément, mûrement,
fortement ; vous direz penser toutes les fuis qu'il
s'agira de réflexion, de inéditalion, d'occupation
suivie.
Sonnant, Sonnante. Adj. verbal lire du v.
sonner. Il ne se met qu'après son subst. : Horloge
sonnante, montre sonnante.
Sonner. V. a. et n. de la 1'* conj. On dit son-
ner les cloches, et sonner la messe, sonner !e
dîner. — On dit midi est sonné, et non pas a
sonné, et encore moins ont sonné. Mais on dit
l'horloge a sonné, parce que c'est l'horloge qui
sonne, et que- les heures sont sonnées.
J.-J. Rousseau a employé ce mot heureuse-
ment dans cette phrase : Le son de sa voix était
net, pUin , bien timbré; une voix de basse,
étoffée et mordante, qui remplissait Voreille et
sonnait au cœur.
Sonnet. Subst. m. Terme de poésie. Petit poëme
de quatorze vers, qui demande tant de qualités,
qu'a peine entre mille on peut en trouver deux
ou trois qui méritent d'être loués. Despréaux dil
que le dieu des vers
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Xi qu'un mol déjà rais osai s'y rencontrer.
[Â. P., II, 90.)
Voilà pour la forme naturelle du sonnet.
Il y a outre cela la forme artificielle, qui con-
siste dans l'arrangement et la qualité des rimes,
ce que le même Despréaux a exprimé ainsi qu'il
suit (A. P. 11,85) : Apoîlon
Voulut qu'en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime avec deux sons frapp.il huit fois l'oreille^
Et qu'ensuite sii vers, arlislement rangés.
Fussent en deui tercets par le sens partagés.
Le tercet commence par deux rimes semblablei,
cl l'arrangement des quatre derniers vers est
arbitraire.
Voici un sonnet de Despréaux, qui pourra
donner une idée de ce genre de {loésie :
Nourri dès le berceau près de la jeune Oraiite
Et non moins par le cœur que par la sang lié,
A ses jeux innocents enfant associé,
Je goûtais les douceurs d'une amitié ch^.nnante
Quand an faux Esculape, à cervelle ignorante,
A la lin d'un long mal vainement piiUié,
Rompant de ses beaux jours le fil trop délié.
Pour jamais me ravit mon aimable parente.
Oh' qu'un si rude coup nie fit verser de pleur»
Bienldt, ma plume en main, signalant mes douléon,
Je demandai raison d'un acte si perfide.
Oui, j'en fis dès quinze ans ma plainte à l'uiii<rtn;
El l'ardeur de venger ce premier homicide
Fut le premier démon qui m'inspira des re».
SOR
Sonore. Adj. des deux genre?. 11 ne se met
qu'après son subst. : Une voix sonure , une
syllabe sonore, — Une église sonore, une voûte
sonore.
Sophistique. Adj. des deux genres. 11 ne se met
guère qu'après son subst. : Un argument sophis-
tique, un raisonnement siypiiistique.
SopoRATiF, SopoiîATivE. Adj. 11 nc se met qu'a-
près son subst. : Des drogues soporatives.
SopoREDx, Sopor.EDSE, Adj. qui ne se met qu'a-
prés son subst. : Affection sopnreuse. C'est un
terme de m.'dccim*.
Soporifique. Adj. dos deux genres. Au figuré,
on peut le incllre avant son subsi., en consultant
l'oreille et l'analogie : Un discours soporific/ue,
ces soporifiques diacours. On dit aussi dans le
lUcmc sens, soporifère.
Sor.DiDE. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subsl. , lorsque l'analogie et
Ibarmonie le permettent : Un homme sordide. —
Une avarice sordide, une sordide avarice; un
intérêt sordide, vn sordide intérêt ; une épargne
sordide, une sordide épargne. Voyez Adjectif.
Sordidement. Adv. On ne le met guère qu'après
le verbe : lia toujours vécu sordidement.
Sort. Subst. m. Le t ne se prononce jamais.
L'Académie a oublie de dire qu'on le prend quel-
quefois dans le sens de vie :
Tous les nii«ns, à mes yeui, terminèrent leur tort.
(Volt., AU , act. I, se. i, 95.)
Je lonchais au moment qui terminait mon sort.
(YOLT., Henr., II, 53b.)
Sortable. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant roreillc et
l'analogie : Un mnriage sortahle, un parti sor-
table, une union sortable, cette sortable union.
Voyez Adjectif.
Sorte. Subst. m. Ménage pense qu'il est plus
élégant de dire toute sorte au singulier, à
moins que <'etto expression ne soit employée
absolument, et précédée d'un relatif, cas où il
faut le pluriel, comme dans celte phrase : Il y
en a de toutes sortes. Vaugelas dit qu'on doit
mettre toutes sortes avec des mots pluriels,
toutes .lortes de prospérités ; et toute sorte
avec un mot singulier, toute sorte de bon-
heur. L'Académie veut qu'on mette toute sorte
ou toutes sortes avec des mots pluriels, /om/c sorte
de malheurs et toutes sortes d'animaux ; el
qu'avec des mots singuliers, on mette tnute sorte
au singulier : Je vous souhaite toute sorte de
bonheur, el non pas toutes sortes de bonheur.
Il suivrait de la qu'on pt)urrail dire également
toute sorte de livres et toutes sortes de livres.
Si cela était, il faudrait supprimer une de ces
deux expressions, car à quoi bon deux ex|iressions
pour signifier la même rh(jse? Domerguc observe
que le singulier, se rapprochant plus du sens de
cAaçHc, exprime mieux une idée de détail, toute
sorte de livres; cl ([ue le pluriel se rapprochant
plus du sons de tous, exprime mieux une idée
coUeclive, toutes sortes de livres. Quand on dit,
ajoute Domergue, f entends de touscôies, on n'a
dans l'esprit qu'une idée collective ; et une
amante qui soupire après l'arrivée de son amant,
devrait dire : À tout moment je crois le voir
yenrr, parce qu'elle compte chaque moment d'une
;;bsence cruelle.
Dans les phrases où le mot sorte esl employé.
SOT
6S9
il ne détermine pas l'accord du verbe; cel accord
est déterminé par le subst. qui suit : Toute sorte
de livres ne sont pas également bons. Il n'y a
sorte de soins qit'il nuit pris, cl non pas prise.
La raison pour laquelle on fait accorder le
verbe avec le substantif qui suit sorte plutôt
qu'avec sorte même, c'est que le sujet n'est pas
seulement formé par le mot sm-tc, mais par les
mots sorte de livres. Ainsi, selon la synlaxe or-
dinaire, le verbe doil être régi par l'idée que
présente la collection de ces mots, el non par l'un
d'eux séparénicnl. Lorsiju'après le substantif i]ui
suit le mot sorte il y a un adjectif relalil", il ne
faut pas faire accorder cet adjectif avec le mot
sorte, mais avec le substantif qui suit. On dira
donc, une sorte de fruit qui est nmr en hiver,
et non i)as mûre; une esj)èce de bois qui est f ri
dur, et non pas dure.
Corneille a dit (Horaces, act. III, se. vi, Gl) :
Dieux ! rcrrons-nous toujours des mallieurs de la tortc ?
Ce de la sorte, dit Voltaire, est une expression,
du peuple qui n'est pas convenable; elle n'est
pasinéme française. Il faudrait àive, de cette sorte,
ou d'une telle sorte.
De sorte que, expression conjonctive qui régit
l'indicatif : De sorte que je n'aifu réussir.
En sorte que, expression conjonctive qui régit
le subjonctif : Faites en sorte qu'il soit content.
SoRTin. V. a. et n. de la 2' conj. Dans le sens
de passer du dedans au dehors, il esl irrègulier,
et se conjugue comme sentir : Il sort de sa
chambre. Ce verbe prend, en ce sens, l'auxiliaire
ai^oir ou l'auxiliaire être. Le premier s'emploie
lorsqu'on veut exprimer une action qui a un ob-
jet : On a sorti ces marchandises. On a sorti cet
homuie de cette mauvaise affaire. On emploie
l'auxiliaire être lorsqu'on veut expriuicr un
état : Ces marchandises sont sorties. Mon frère
est sorti. A veine étiez-vous sorti, qu'il est entré.
On dit aussi qu'««e personne a sorti, pour
dire qu'elle a fait l'aclion de sortir, et ijneileesi
reiUrée : lia sorti ce matin; et l'on dit qu'e/Ze
est sortie, pour dire qu'elle est dehors, et qu'elle
n'est pas rentrée : Mon frère est sorti, et ne ren-
trera que ce soir.
Il ne faut pas confondre il ne fait que de sortir
a\ecil7ie fait que sortir. Le premier veut dire,
il n'yapas longtemps qu^ il est sorti; et le second,
il sort sans cesse.
Sortir, en terme de jurisprudence, signifie
avoir, tenir ou produire. En ce sens, sortir est
un verbe défectueux. Il ne se dit qu'à quelques
lemps, et seulement à la troisième personne. .\u
présent de l'indicatif, il sortit, ils sortissent;
a l'imparfait, il sortissuit, ils sertissaient ; au
i'ulur, il sortira : Cette clause sortira son plein
et entier effet ; ce jugement sortira effet. Au
subjonctif, qu'il sortisse, quelle sortisse, etc.
Sot, SoTTi:. Adj. et subsl. 11 se met ordinaire-
ment avant son subst. : Un A-ot homme, ui.c sotte
fetnme, un sot enfar.t. — Une sotte entreprise,
un sol dessein, un sot livre, un sot discours. —
On dit : f^oilà un homme bien sot, voilà une
fetnme bien sotte, un discours bien sot, une ré-
ponse bien S'itte. Voyez Adjectif.
Voltaire dit, dans ses Rcmurqucs sur Cor-
neille, que ce mol doit cire évité dans le style
noble.
Féraud dit que le t final se prononce dans soc,
d'aulres disent le contraire. Il est certain qu'on
prononce souvent sot sans faire sonner le t, «t
660
SOU
que d autres fois on le failsonncr; mais il semble
qu'il y aquelijue «liffércmc li'idcc cnlrc ces deux
prononcialions. On dit d'un homme, vest vn sut,
sans prononcer le t, lorsiiu'on porte de lui un
jugemcni sans aigreur, sans passion, sans indigna-
tion. On prononce de môme dans ce vers (Boil.
A. P., I, 232) :
Un sol trouve toujours un plus sol qui l'admire.
Mais lorsqu'à l'idée de ce mol se joint un sen-
timent de iiiécontenlemcnl, d'immeur, de colère,
d'indignaiion. on prononce le /. Ainsi un i)ére en
courroux dira ii son fds, voks êtes un sot, en
t)rononçanl le t; ainsi on dira, en prononçant
e /, mus êtes un sot, c'est un sot, en parlanl de
quelqu'un qui nous a donné (luelque sujet de
mécontentement, qui nous a offensé, qui a blessé
notre amour-propre.
Le / final de sot adjectif se fait sentir lors-
qu'il est suivi d'un substantif qui commence par
une voyelle ou par un h non aspiré : Un sot
amour, un sot attachement, etc. ; prononcez un
sot-tamour, un sot-iattachement. On ne le pro-
nonce pas lorsque le substantif commence par
une consonne : Un sot discours, un sot livre.
Sottement. Adv. On peut le mettre entre l'auxi-
liaire et le participe : Il a répondu sottement,
il a sottement répondu.
Soucier (se). V. pronom, de la 1" conj. Il
s emploie ordinairement avec une négative : Il ne
se soucie pas de cet homme-là, il se soucie fort
peu de conserver ses amis. Ici peu est une sorte
de négative. Se soucier peu, c'est ne se soucier
guère. Se soucier régit de avec l'inlinitif, quand
cet infinitif se rapporte au sujet: Je ne me soucie
pas de l'entendre. 11 régit que avec le subjonctif
quand le second verbe ne se rapporte pas au
sujet ; Je ne me soucie pas qu'il vienne.
Soucieux, Soucieuse. Adj. On le met ordinaire-
ment après son subsl. : Un air soucieux, une
mine soucieuse, un visage soucieux.
Soudain, Soudaine. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Départ soudain, mort soudaine ,
irruption soudaine, bruit soudain, une hor-
reur soudaine, taie soudaine horreur. Voyez
Adjectif.
Soudain. Adv. Il n'est guère employé qu'en
poésie. On le met au commencement de la plirase,
ou après le verbe : Soudain il rappelle toutes ses
forces.
Il ouvre un œil mourant qu'il rcfurmc soudain.
(RiC, Phèd., ad. V, se. vi, 73.)
Soudainement. Adv. Il ne se met qu'après le
verbe : Il part soudainement.
Soudaineté. Subst. f. Cbamfort nous apprend
que I.a Fontaine aimait ce mol. Comment, dit-il,
veindre itn poète (La Fontaine) qui souvent
temble s'abandonner covime dans une conversa-
tion facile; qui, citant Ulysse à propos des
voyages d'une tortue , s'étonne lui-même de le
trouver là ; dont les beautés paraissent quelque-
fois une heureuse rencontre, et possèdent, pour
me servir d'un mut qu'il aimait, la grâce de la
soudaineté [Élor/e de La F(intaine,2' pari.). Mi-
rabeau a dit : // faut assortir toutes ces choses à la
révolutinn, et sauver la soudaineté du passage.
SouuRE. V. a. de la 4" conj. dont l'infinitif est
seul employé. DoiTner la solution. Il est vieux.
(.■Vcad. 1S33.)
SOU
1 Souffrant, Souffrante. Adj. verbal tiré du v
I souffrir. Il suit toujours son subsl. : Un homme
I souffrant. — L'humanité souffrante, la vertu
souffrante.
Souffreteux, Souffeeteuse. Adj. Vieux mot
inusité que J.-J. Rousseau a employé : Quand
ma personne fut affichée par mesécrits,je devins
dès lors le bureau d'adresses de tous les souffre-
teux ou Soi-disant tels, et de tous les aventuriers
qui cherchaient des dupes. Mercier voudrau que
l'on rajeunit ce mot. Il donne pour exemple :
Il était non-seulement pauvre et indigent, mais
encore souffreteux. — Ce mot est maintenant forl
employé.
Souffrir. V. a., n. et irrégulier de la 2« conj.,
Il se conjugue comme ouvrir. Voyez Irrégulier..
Je souffre de vous voir dans cette situation,,
c'est-à-dire, j'éprouve du déplaisir, du chagrin
de vous voir, etc. En ce sens, souffrir régit la
l)répositicn de avec l'inlinilif. Mais quand il s'a-
gil d'une action qui cause de la douleur, souffrir
régit la picposilion à •■ L'homme ne se sent pas
naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.
(La Bruyère, De l'hounne, ch xi.)
Ce verbe exige le subjonctif dans la phrase su-
bordonnée : Je ne souffrirai pus qu'on lui fasse
du mal.
Souffrez que Bajazet voie enfin la lumière.
(Rac, Baj., act. I, se. II, 25.)
Corneille a dit :
Mais quand j'aurai vengé Rome des maux soufferts.
[Cinn., act. II, se. Ii, 48.)
L'esprit de notre langue, dit Voltaire, ne permet
guère ces participes. Nous ne pouvons dire des
maux soufferts, comme on dit des maux passés.
Soufferts suppose par iiuelqu'un : les maux
qu'elle a soufferts. Il sérail a souhaiter que cet
exemple do Corneille eût fait une règle, la langue
y gagnerait une marche plus rapide. {Remarques
sur Corneille.)
Souhaitable. Adj. des deux genres. Il ne se
dit que des choses et suit toujours son subst. :
Unbonheur souhaitable. 11 est peu usité.
Souhaiter. V. a. de la J'^'^ ronj. On dit je sou-
haite de le voir, cl je soijudle qu'il vienne. On
emploie do avec l'infinitif, quand le second verbe
se rapporte au sujei du premier; et que avec le
sui)jonctif quand il ne s'y rapporte pas.
Ce verbe ayant toujours rapport à quelque
chose d'incertain, de contingent, je pense qu'il
doit toujours être suivi de la préposition de Ac-
vanl un infinilif : Je souhaite de le voir, et non
lias, je souhaite le voir. Cependant l'Académie
dit sans préposition, ^e souhaiterais pouvoir vous
obliger. Mais Montesciuicu a dit : J'aurais sou-
haité d'adoucir les maux d'un homme tel que
vous. (Lysimaque.)
Souiller. V. a. de la 1" conj. On mouille
les l. Les poètes emploient très-souvent ce mot
au figuré dans différentes acceptions.
San: que ta mort encor, honteuse à ma mémoiri*,
De mes nobles Iravauj vienne souiller la gliire.
(Rac, Phéd., acl. IV, se. il, 23.)
Tendre ami de son mallro, el qui dans ce liaut ran^
Ne souilla point ses mains de rapine et de sang.
(Volt., llenr.. VII, «».)
sou
L« roi, le roi lui-même, au milieu des bourreaux
Poursuivant des proscrits les troupes t^jiries.
Du sinj; de ses sujets sou il/ait ses mains sacrées.
[Idtm, U, 292.)
Il 110 peut croire
Qne vous ayez d'uoe lâche si noire
SouilU l'hocneur de tos jours innocents.
(Volt., Enf. prod., aci. V, se. ii, 45.)
SouL SouLE. Adj. On ne pr.moiico pas le /
fanal. Ilncscmcttn-ai.rcsson subst. : Un homme
seul, une femme side. — Quelquefois il ré-'il la
préposition de: S.<ûl de musique, soûl de spec-
tacle. — On dit substantivement, invt mon soûl
tmii son soûl, elc. Ce mot est banni du style
noble. ■*
SoDUGEMEMT. Subst. m. II s'empIolc Lien dans
le style noble. (Rac., Iphigénie, acI. II, se. i,
Tu vois avec ctonnement
Une ma douleur ne souffre aucun so»lagrmtnt.
Soulager. V. a. de la 1-conj. : Soulager quel-
qti un, soulager lu douleur de quelqu'un, soula-
ger quelqu'un dans sa douleur. Racine a dit fi^u-
rement, soulager le poids.
Ame de mes conseils, cl qui seul tant de fcij
Du sceptre dans ma main a soulage le poidi.
(Ric, Esth., ad. III, se. y, 2.)
SocLER. V. a. de la 1" conj. Autrefois ce terme
elait admis dans le style noble. Corneille a dit
[Cid, acl. m, se. jv, 2« édit. de Volt.) :
Soll<cs-t-ous du plaisir de m'empècher de TÏTre;
et l'Académie, ijnns la critique du Cid, n'a point
relevé celle expression. Aujourd'hui on ne la
souffrirait pas.
SocLEVER. y. a. de la i" cunj. Les poètes l'em-
ploient au propre et au figuré :
El quand la mer a «ouJc«« ses (loti. . . .
(Volt., Épttre III, 41.)
Non, non, il n'ira point, par un llche attentat,
Souiet-er contre lui le peuple et le sénat.
;Rac., Britan., act. V, se. I, 49.)
Ce verbe se dit particulièrement au propre en
parlant des sujets relativement a leur souverain :
Le peuple se souleva. Toutes les provinces se
sont soulevées, en parlant d'une émotion popu-
laire générale. Les Gui.<:es firent soulever plu-
sieurs villes contré Henri lll. Mais on ne dirait
pas que la Grande-Bretagne s'est soulevée contre
la France, en lui déclarant la cucrre.
Soulever se dit encore au llgiiré de tout ce qui
révolte l'humanité ou (jui cause du scandale et
de l'indignation, sans qu'il s'aaisse de souverains
ni de sujets : L'apologiste de là Saint-Barthélémy
a soulevé tout le monde contre lui.
SorLoin. V. u. de la 3^ conj. Ce verbe, qui si-
gnifie avoir coutume, a vieilli, et ne s'est guère
dit qu'a l'imparfait. On l'emploie encore dans le
style marolique :
Quip t à sor temps
Deni pjrls en Ct dont il toulait pas.-er
L'une à dormir et l'autre à ne rien faire.
(Bpitaphe de La Fontaine.)
SOU
C61
SoupçoNNARLE. Adj. dcs dcux t-'PnrCS. Oui iKîu:
être sot.pçonné. On ne tmuve point ce mot d:.,H
Ips «litltonnairos, probaLl.-mmt parce .iiio l'Aca-
demio ne f,, pas mis .lans le mc.i. Voltaire l'a
noU^t' **/'/"'"' '^"'"."^ qu'on iM^uiritmler et.
cela . Les (huuns d.i-,|, s.ut Ir,.,, soupcnneux
et t,op soupçuniiables pour qu'on emam, arr<
eux un grand commerce, qui demande de lu qé-
nerosite et delà franchise.
SoupçoN>Eit. V. a. et n. de la I" conj. : Soup-
çonner quelqu'un de quelque ch.se. Soupçonne
lemal.—VA\ parlant <ies choses : On soupçonne »..
UtTotton d'hypocrisie.
Quelquej-uns «oupfonnoi.nt les pcrCdes préscnli.
(Volt., Ihnr., 11. \:,i ,
Ma nile, qui s'approdie cl court ii ion t>
Qui, loin de loupçonnrr on «rrél »i léuri.
(KlC, IpHig.. act. I, ic. I, Uî.}
Dans le sens neutre, il r.i:it y,;* avec l'indica-
lit. quand la phrase est aflirmaiive : f-'ou» soup-
çmnes que jo Ncur. v.us tromper; cl ave.- le
subjonctif quand la phrase est négative ou iiiter-
rugalive: Il ne soupçonnait pas qu'on voulût te
tromper; pouvait-il soupçonner qu'on vouliit le
tromper?
Ce verbe se joint à un infinitif par la pn-posi-
lion de : Soupçonné d'avoir, ct non pas. soup-
çonne avoir. Il ne faut donc pas imiter H.illiii, qui
a dit : Il eut l'audace de drfrer Lus ceux qu'tl
soupçonnait avoir eu du penchant Vi .srcounr
Persee. Soupçonner, renfeniiaiil dans l'idée qu'il
l'resenie .pieliiuc ehose de v:,:;ue. d'in-criain.
il indetermm,-, exige nccessaiiciîieiit dans ce cas
la prépusilion de.
SocpçonNEDX, SocpçosNECSE. Adj. : Un homme
soupçonneux:, une femme soupçonneuse. Il ne se
met (lu'aprés son subst.
SouPECB. Subst. m. Le passage suivant de Vol-
taire fera bien comprendre ce qu'on eniendail
quelquefois [tar ce iii'>t : « Je ne mus reproche
point de soupir tous tes soirs avec M de lu Pope-
linière, /nais Je vous reproche de vivre cmme si
l homme avait été créé uniquement p. ur super:
vous n'aves d'existence que depuis dix heures
du soir jusqu'à deux heures après minuit. Il n'y
a soupeur qui se couche, ni bégueule qui se lève
plus tard que vous. » On dirait aujourd'hui en
ce sens, dîneur.
Soupir. Subst. m. le r final se fait sentir.
.'^oDPinER. V. n. de la i" conj. Dans le sens
d'aspirer, de prétendre a une chose, de la Jési-
rer, de la reohcreher avec ardeur, avec pa.ssion,
ce verbe est ordinairement suivi de la préposition
après, ou de la pr6[iosilion pour : Les avares
soupirent sans cesse après les richesses, les am-
bitieux après les honneurs, les dignités. Il sou-
pire pour cette femme. — On dit soupirer de
douleur, (['amour, de regret.
Les poètes emploient souvent ce verbe dans un
sens actif :
Tantôt TOUS «oupirïci mes peines.
Tantôt TOUS chiDtiei mci plaiiiri.
|MlLOIBB>, Ht. III, odt pour U rrirx m<r>
du roi, pendant ta réjtnei, 23.
Toi qui. d'un même jou~ snulTranl l'oppreiiion,
M'aidais 4 toupir^r le» raaihenri de Siou.
(RiC, Eith., act. I, le. i, 5.)
662
SOU
Ce n'était pa> jadis sur ce ton riiilcule
Qu'amour dictait les vers que «oupiratt Tibulle.
(BoiL., A. P., II, 55.)
Il (l'Amour) vole vers Yaucluse,
Asile encor plus doux, lieux où dans ses beaux jours
Pétrarque soupira ses vers et sus amours.
(Volt., U(mr., IX, 122.)
SoDPLE. Adj. des deux genres. Il ne se met
qu'après son siibst. : Du cuir simple. L'osier est
souple. — Un homme sovple, un caractère
souple.
Source. Siil)St. f. Voyez Fotiiaine.
SocnciL. Sul)Si, m. On prononce Sourci.
SoonciLLEi^. V. n. de la d'* cônj. On mouille
les /. Il s'emploie ordinairement avec la négative .
Il n^a pas sourcillé, elle n'a pas sourcillé
SoDRciLLEUx, SocRciLLiîcsE. Adj. Autrcfois on
le disait des personnes, dans le sens de hautain,
d'orgueilleux; aujourd'hui il ne se dit plus (jue
des choses, et seulement eu poésie : Montagnes
sourcilleuses, rochers sourcilleux.
I<ur insensible pente
Vous conduit par degrés à ces monts sourcilleux
Qui pressent les enfers et qui fendent les cieux.
(Volt., ÉpHre LXXYI, 20.)
Il ne se met qu'après son subst.
Sourd, Sourde. Adj. On peut le mettre avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie :
Un hemriic sourd, une femme sourde. — Un
bruit sourd. — U^ne douleur sourde. — Prati-
ques sourdes, sourdes pratiques ; menées sourdes,
sourdes menées. — Figurément, il régit la pré-
position à .■ Etre sourd aux prières, aux me-
naces, etc.
Les dieux depuis longtemps me sont cruels et sourds.
(RaC, Iphig., acl. II, se. il, 42.)
Sourds aux cris douloureux des peuples opprimés.
(Volt., Henr., III, 58.)
S'mrd et muet, sourd-muet. On peut employer
ces deux expressions. La première désigne un in-
dividu muet en même temps qu'il est sourd, mais
chez lequel le mutisme est indépendant de la sur-
dité : hi seconde, un individu muet eu luéme temps
qu'il est sourd, mais chez lequel le muli.sme n'est
qu'une conséquence de la surdité. Voilà pour-
quoi on doit dire : L'Inslilufi- n des S"urds-
Muets, cl non l'Institution des Sourds et Muet.f.
Sour.DEMENT. Adv. On peut le meltre entre
l'auxiliaire et le pnrticipe : //, avait mené sourde-
ment celle intrigue , ou il avait sourdement
mené cette intrigue.
Sourdre. V. n. et défectueux de la 4' conj.
Il n'est guère d'usage qu'a l'infinilif, sourdre, et
aux troisièmes i)ersoimcs du présent de l'indica-
tif : L'eau sourd, les eaux snurdent.
Sourire. V. n. de la 4« conj. Il se conjugue
comme rire. Voyez ce mot. Sourire de dédain,
de pitié. — Sourire à quelqu'un.
Je reçus et je vois le jour que je respire.
Sans que mère ni père ait daigné me aoun'rs.
(lUc, /phij.,act. II, se. 1, 31.)
Sournois, Sournoise. Adj. On peut le mettre
avant son subst.. lorsque l'analogie et l'harmonie
le permettent : Un homme sournois, un enfant
sournois, une humeur sournoise, cette sournoise
SOU
humeur. — Ce mot est exclu du style noble.
Voyez adjectif.
Sous. l'rcposilion. On ne prononce le s final
que devant une voyelle.
SoU.'i-AMEJiDE.MEriT, SOUS-ARBRISSE VU, S0US-B.\1L,
Sous-puÉFET, etc., l'ont au pluriel des sous-amen-
dements, des sous-arbrisseaiix, des sous-baux,
des sous-préfets, etc. Voyez Composé.
Souscription. Subst. t. 7Ï se prononce comme
ci. Il ne faut pas confondre souscription avec
suscriplion. Souscription se dit de la signature
qu'on met au bas d'un acte pour l'approuver, ou
de celle (jue l'on met au bas d'une lettre que l'on
a écrite ; suscription se dit de ce qui est écrit au-
dessus d'une leiire, d'un acte^ ou de ce (jui se
met au dos d'une missive ou u'un acte mis sous
enveloppe.
Souscrire. V. a., n. et irrégulier de la 4» conj.
Il se conjugue comme écrire. Voyez ce mot.
Souscrire un contrat, le signer. Souscrire àquel-
que chose, y consentir. Souscrire pour un ou-
vrage de littérature.
Sous-DivisER et Socs-DivisiON. Voyez Subdi-
viser.
Soustraire. V. a. et irrégulier delà 4' conj.
11 se conjugue comme traire. Voyez ce mot:
Sdustraire des papiers, des bijoux. — Se sous-
traire à. la fijrannic. se soustraire aii châtiment.
* Sous-TïR.\N. Subst. m. Mot nouveau dont
personne ne peut contester rulilitè, si ce n'est
ceux à qui on pourrait l'appliquer. Voltaire a dit :
'< Les barbares qui , des bords de la mer Bal-
tique, fondirent dans le reste de V Europe, ap-
piirtùrent avec eux l'usage des états ou parle-
ments... Les chefs de ces sauvages se firent
monarques: leurs capitaines partagèrent entre
eux les terres des vaincus. De là ces sous-lyrans
qui disputaient avec des rois mal affermis les
dépouilles du peuple. »
SouTE^ABLE. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'après son subst. et s'emploie souvent avec
la négative: Opinion soute nuble , proposition sou-
ienuble. — Un procédé qui n'est pas soutenubl-o,
Un poste qui n'est pas soittenuble.
SooTEMR. V. a. et irrégulier de la 2« conj. Il
se conjugue comme tenir. Voyez Irrégulier : —
Snutcnir un mur, une charpente. — Soutenir sa
réputation, soutenir la conversation. — Dans Ir
sens d'affirmer, il régit ç-t^e avec l'indicatif, quriiid
le second verbe ne se rapporte pas au sujet du
verbe soutenir : il soutient que vous l'avez dit ;
et il régit l'infinitif sans préposition, quand le se-
cond verbe se rapporte à ce sujet : il soutient
l'avoir vu. — Dans le sens d'appuyer, protéger,
il régit quelquefois dans la même j)hrase, pour
complément indirect, de et contre : Il a soutenu
mon frère de son crédit contre ses ennemis.
Les poètes emploient volontiers ce verbe au
figuré :
A-t-il jusqu'à la fin soutenu ta fierté?
(Rac, Ândrom., act. V, se. Il, 19.)
Vos mains de mon empire ont soutenu le poids.
(Volt., Sémir., aol. II, se. vu, 6.)
Leurs bataillons serrés pressent de' toutes parts
Ce roi dont ils n'osaient soutjnir les regards.
(Volt., Henr., VI, 241.)
Souterrain, Souterraine. Adj. On peut le met-
tre avant son subst., lorsiiue l'analogie et l'har-
monie le permettent ; ChemiA souterrain, ventt
SOL
aouterrains, feux souterrains. Cette souterraine
retraite. Voyez Adjectif.
SouvENin (se). V. pronom, de la 2* conj. I! ré-
git la prt'iiositioii de devant les noms el les
verbes : Je me souviens de ce que j'ai dit, je me
souviens de tous vos bienfaits :
Tu t^ souviens du joar qu'en Aiilide assemblés....
(Rac, Iphig., act. I, se. 1,43.)
On dit je me snvriens, el il me souvient. Il me
semble que le premier marque mieux une chose
qu'on rappelle à dessein dans sa mémoire, cl le
second, une chose qui s'y présente d'elle-mêmo.
Je me souviens que vous m'avez dit cela; il me
souvient 71/e vous m'écrivîtes il y a quelque temps
qve L'cke était le premier qui eût hasardé de
dire que Dieu pouvait communiquer la pensée à
lu viutière. (Voltaire. Correspondance.)
Vaugelas el Thomas Corneille sont d'avis qu'on
doit employer se souvenir en parlant de choses
qu'on peut encore appeler présentes, et qu'il faut
dire se ressouvenir en parlant des choses qui
sont éloignées et que le lemps semble avoir effa-
cées de notre esprit. Cependant, observe Thomas
Corneille , la plupart emploient indifféremment
l'un et l'autre verbe, el même plulùl se ressou-
venir que se souvenir. Ils disent, par exemple :
Lorsqu'il fut à trente pas de chez lui, il se res-
souvint quil avait oublié un papier dans son ca-
binet. Féraud trouve qu'il est beaucoup mieux de
dire il se snuinnt. Je pense <iue ces observations
ne sont pas exactes.
Se sourenir, c'esl garder le souvenir d'une
chose, éloignée ou non. On dit également bien,
je me souviens de ce que j'ai dit ce matin, eije
me souviens du te/ups passé, je me sauriens de
fort loin. — Se ressouvenir, c'est se rappeler le
souvenir d'uiic chose que l'on avait oubliée, soii
qu'elle soit éloignée, ou qu'elle ne le soit pas:
J'avais oublié cette circonstance, vous m'en
faites ressouvenir. // m'a dit que dans ma jeu-
nesse, il fréquentait la maison de mon père, j'ai
eu beaucnup de peina à m'en ressouvenir, à
m'en rappeler /e souvenir. Ressouvenir SU])[)o?:C
un affaiblissement ou une inierrupiion dans le
souvenir. D'après cela, il est clair qu il faut dire,
malgré l'opinion de Féraud : Lorsqu'il fut à
trente pas de chez lui, il se ressouvint qu'il
avait oublié un papier dans sni cabinet. Il s'était
souvenu auparavant qu'il devait prendre ce pa-
pier sur lui; mais ce souvenir élail ïuspendu ;ui
moment où il sortit de chez lui, il se le rappel;)
lorsqu'il fut à trente pas, il se ressouvint. On
dit, si vous l'oubliez, je vous en ferai ressou-
venir.
Souvent. Adv. On peut le mettre au commen-
cement di> la phrase, devant ou après le verbe,
ou entre l'auxiliaire et le participe : Souvent il a
nié ce qu'il avait dit, il a souvent nié ce qu'il
avait dit, il a nié souvent ce qu'il avait dit.
Sot:vERAix, Souveraine. .\d'. On peut le mettre
avant le subst., lorsque l'analogie el l'harmonie
le permettent : Prince souverain, viaison souve-
raine, pouvoir souverain. — Le souverain bien,
le souverain bonheur, la souveraine félicité.
^'oyez Adjectif. On l'emploie aussi substantive-
ment. Corneille a dit(Ci/i72a, act. III, se. iv, SI) :
II ncus fait souverains sur leurs grandeurs suprêmes.
Voltaire dit, au sujet f c ce vers : On est sou-
verain de, ou n'est pa? souverain sur une gran-
deur. {Remarques sur Corneille.)
SPL
665
Souverainement. Adv. 11 se met après le verbe
et avant l'adjectif qu'il modifie : // a jugé souva-
raineviciit , il commande souverainement. —
Souverainement bon, souverainement juste.
Soyeux, Soyeuse. Adj. qui ne se met qu'après
son subst. : Laine soyeuse, fil soyeux, taffetas
soyeux.
SPACIELSE.MENT. Adv. On pcut Ic mellic entre
l'auxiliaire et le participe : Il est logé spacieuse-
ment, ou il est spacieusement logé.
Spacieux, Spacieuse. Adj. On peut le mettre
avant son suhst., en consulianl l'oreille el l'ana-
logie : Un lieu spacieux, un jardin spacieux,
une cour spacieuse, une contrée spacieuse, ces
spacieuses contrées. Voyez Adjectif.
Spécial, Spéciale. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Une grâce spéciale, v ne procuration
spéciale, un pouvoir spécial. Il lait spéciaux
au pluriel masculin : Des pouvoirs spéciaux.
Spécialemem. Adv. On i>cut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il lui a donné tou.i
ses meubles, et spécialement tous ses livres. Il
lui a donné spécialement ses livres.
Si'ÉciEESE.ME\T. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le parlii'ipe : // a e,vposé spécieu-
sement le fait, o\ï il a spécieusement exposé
le fait.
Spécieux, Spécieuse. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie
le permeltcnl : Un prétexte spécieux, un spé-
cieux prétexte; des raisons spécieuses. Voyez
Adjectif.
Spécifique. Adj. des deux genres. Il ne se met
guère qu'après son subst. : Différence spécifique,
qualité spi'cifique, remède spécifiqtie.
Spectateur. Subst. m. En parlant d'une femme,
on dit spectatrice. On l'emploie aussi adjective-
ment : Les peuples spectateurs , les nations
spectatrices. Alors il suit toujours son subst.
Spéculateur. Subst. m. L'Académie ne dit pas
s'il a un féminin. Nous pensons qu'on peut dire
."péculatrice.
Spéculatif, Spéculative. Adj. qui suit toujours
son subst. : Esprit .<^péculatif, les philosophes
spéculatifs. —Science .spéculative.
Spiral, Spikalk. Adj. On le met toujoursaprés
son subst. : Forme spirale, ressorts spiraux.
Spirituel, Spirituelle. .\dj. Il ne se met guère
qu'après son subst. : Substance spirituelle. —
Un homme spirituel, une fem-ine spirituelle . —
Une réponse .spirituelle . — Un air spirituel,
vue physionoviie spirituelle . — La vie spiritutile ,
un livre spirituel.
Spirituellement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a observé spiri-
tuellement, ou il a spirituellement observé qjte...
Spiritueux, Spuîitueuse. Adj. qui ne se met
qu'après son subst. : f^i?i spiritueux, liqueur
spirilueuse .
Spleen. Subst. m. On prononce spline.
Splendeuk. Subst. f.
De ses chagrins mortels son esprit dc;;a;é
Souvent reprend sa force et sa splendeur première.
(Volt., Scmir., act. I, se. i. 52.)
Splendeur ne se dit proprement que des objets
extérieurs: La splendeur d'un renne, d'une fête,
d'une cérémonie, du trône, elc. Il ne peut se dire
de l'esprit. (La Harpe, Cours de Littérature.)
Splendide. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Une cour splendide
064
STA
jn repas splendidc, vn spîendidc repas. A'oyez
Adjectif.
Splendidement. Adv. On peut le melire entre
r;iuxili;iire cl le participe : il nous a traités
splendidement , ou il nous a splendidement
traités.
Spoliatecr. Subst. m. En parlant d'un femme
on dit spoliatrice.
Il s'emploie aussi adjectivement : Des lois
spoliatrices, des vues .spoliatrices, des entrepri-
ses spoliatrices. Un gouvernement spoliateur.
Spongieux, Spongieuse. Adj. qui ne se met
tju'apiés son subst. : Un corps spongieux, une
substance spongieuse.
Spontané, Spontanée. Adj. Il suit son subst. :
Mouvement spontané, action spontanée. On
écrivait autrefois spontanée au masculin comnio
au féminin; aujourd'hui, on écrit et l'on prononce
spontané.
Spontané.ment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Ce mouvement s'est
opéré spontanément, ou s'est spontanévientopéré.
*Spi'.oposito. Les Italiens appellent une chose
dite hors de propos un sproposito. Ce mot manque
à notre langue. (Voli.)
Stable. Adj. des deux genres. On ne le met
qu'après son subst. : Un édifice stable, une paix
stable.
Les œuvres des tiumains sont fragiles comme but;
Dieu dissipe à son gré leurs desseins factieux;
lui seul est toujours stable.
(Volt., Henr., I, 2*7.)
Dieu pourra vous montrer, par d'importants bienfaits,
Que sa parole e;t stable, et ne trompe jamais.
(Rac, a<h., acl. I, se. I, 157.)
Stagnant, Stagnante. Adj. On ne mouille pas
le gn. Prononcez staguenunt, en passant légère-
ment sur gue. On peut le ineltre avant son subst.
lorsque l'analogie et l'harmonie le permellent :
Des eaux stagnantes, ces stagnantes eaux ; des
humeurs stagnantes. Voyez Adjectif.
Stagnation. Subst. f. On ne mouille pas gn.
Prononcez siugucnation, en passant légèrement
sur gue.
* Stagner. V. inusité que quelques écrivains
ont voulu introduire dans la langue. Linguet a
dit : Ces cavernes où l'eau stagne sur des pavés
de mosaïr/ue. Ce mol n'est point sonore, et c'est
probablement ce défaut qui a empêché qu'il ne
Soit admis.
Stalle. Subst. f. On faisait autrefois .italle
masculin au singulier et au pluriel ; on l'a fait
ensuite féminin, et quelques-uns oui continué de
le faire masculin au pluriel. Ue là quelques gram-
mairiens timides ou minutieux ont donné les
deux genres à ce nombre, et ont converti la
faute en règle. Stalle est féminin au sinculier et
au iiluriel.
Stance. Subst. f. Terme de poésie. On nomme
ainsi un nombre arrêté de vers, comprenant un
sens parfait, et mêlés d'une manière particulière
qui s'observe dans toute la pièce.
Une stance n'est proprement appelée sta7ice
que quand elle est jointe à d'autres stances; si
elle est seule, elle prend son nom du nsmbrc de
vers dont elle est composée. Ou l'appelle 7t/«^;«m
si elle est de quatre vers, sixain si elle est de
six. — On appelle stances régulières les stances
d'un ouvrage qui ont un même nombre de vers
de même mesure, et un même mélange de rimes.
On ap[)elle stances irrégulières celles qui sont
STA
différentes les unes des autres, ou par le mé-
lange des rimes, ou par la mesure des vers.
Il est nécessaire, pour la pcrroclion des stances,
que celles qui sont faites sur un même sujet
commencent et linissenl par les mêmes rimes,
c'esl-à-dire que si la première stance commence
par une rime féminine, et finit par une rime
masculine, la seconde, et toutes les auti( s, doi-
vent commencer et Unir de même. — Le dernier
vers d'une stance ne doit jamais rimer avec le
premier de la stance suivante. — Il est indispen-
saljle ([ue le sens finisse avec le dernier vers de
chaque stance.
On diviseaussi les stances en stances de nombre
pair, et en stances de n^mbie impair.
Stance.'! de nombre pair. — Dans les stances
de quatre vers, les rimes peuvent s'entremêler de
deux manières, en faisant rimer le premier avec
le troisième, et le second avec le quatrième; ou en
faisant rimer le premier avec le quatrième, et le
second avec le troisième. — La stance de six vers,
ou le sixain, n'est autre chose qu'un quatrain
auquel on ajoute deux vers d'une même rime.
Ces deux vers se mettent ordinairement au com-
mcncemcnl, et alors il doit y avoir un repos à la
fin du troisième vers. Du reste on entremêle les
rimes des ([ualre derniers vers, comme da.ns les
quatrains. — Quelquefois les deux vers de même
rime se mettent à la fin de la stance ; alors le rep^r
n'est pas nécessaire a la fin du troisième vers,
et le mélange des rimes, dans les quatre premiers
vers, est le même que lorsque ces deux vers sont
au commencement. — Les stances de huit vers
sont ordinairement deux quatrains joints en-
semble, dans chacun desquels les vers sont entre
mêlés comme nous l'avons déjà dit. Il doit j
avoir un repos à la fin du premier quatrain.
Dans ces stances, on peut aussi arranger les
rimes de manière qu'elles coimncnceni ou finis-
sent par deux vers de même rime, et que, des
six vers qui restent il y en ait trois sur une rime,
et trois sur une autre. — Les stances de dix vers
ne sont proprement (]u'un quatrain et un sixain
joints ensemble, dans chacun desquels les rimes
sont entiemélées comme nous vencns de le dire.
Ce que ces stances ont de particulier, et ce qui
en fait l'harmonie, ce sont deux repos, dont l'un
doit être après le (luatrième vers, et l'autre à la
lin du septième. — Les stances de douze vers se
composent de vers de huit ou de douze syllabes,
ou de tous les deux ensemble. LUes ne sont pro-
prement ()ue des stances de dix vers, à la fin de
chacune desquelles on ajoute deux vers qui sont
quelquefois de même rime que ceux qui les i)ré-
cèdcnt. — Les stances de quatorze vers sont des
stances de dix vers, à la lin de chacune desquelles
on met (juatre vers que l'on fait rimer, si l'on
veut, avec ceux qui les précédent. Ces stances,
ainsi que celles de douze vers, sont aujourd'hui
hors d'usage.
Stances de nombre impair. — Ces stance;
doivent nécessairement avoir trois vers sur \i
même rime, et qui ne doivent jamais être mis
de suite. Il faut qu'ils soient tous les trois séparés
par des rimes diifèrenles, ou qu'au moins il y en
ail un séparé des deux autres. — Dans les stances
de cin(| vers, on observe les règles que nous avons
données pour le inéinnge des rimes; le reste est
au choix du poète. — "Les stances de sept vers
commencent par un quatrain à la fin duquel on
observe ordinairement un sens fini. — Les stances
de neuf vers sont composées d'un quatrain qui
est au commencement, et qui esl suivi d'une
STO
stance de cinq vers. — Les stances de treize vers
ne sont plus en usaçe.
STArlo^^Ali•.E. Ailj. des deux genres. Cet ad-
jectif est originairement un terme d'astronomie.
Depuis <iuel<nie temps on l'emploie dans le lan-
jjaïc ordinaire : Les arls furent stalionnaires.
Il ne se met qu'après son substantif.
Stentor. Subst. m. C'est te nom d'un homme
dont parle Homère. Sa voix était plus éclatante
que l'airain; seul, il se faisait entendre de plus
loin que cin(|uante hommes des plus robustes, et
il servait de trompette à l'armée. C'est par allu-
sion a ce porsnnnaije fabuleux qu'on dit qu'«/t
homme a vue voix de stentor, pour dire qu'il a
une voix trés-forte.
Stérile. Adj. des deux genres. On peut le
naettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le iicrmcltenl : Champ stérile, terre
stérile, arbre stérile. — Femme stérile. —
Année stérile. — Esprit stérile, sujet stérile,
gltiire stérile, admiration stérile. — U/t stérile
sujet, une stérile gloire^ une stérile admiration.
Par de stériles vœux pensei-vous m'honorer?
(RiC, Âth., act^, se. I, se.)
Voyez Adjectif. Cet adjectif, suivi d'un régime,
prend la préposition en : Le temps est stérile en
nouvelles. Ce siècle est stérile cn orateurs.
Stigmate. Subst. m. On appelait stigmates^
chez les anciens, une marque qu'on im-
primait sur l'épaule gauche des soldats qu'on
enrôlait. Chez nous, on entend ordinairement
parce mot les marques des plaies de Jésus-Christ,
(ju'on i)rétend avoir été imprimées, par faveur du
ciel, sur le corps de saint François.
On l'emploie par extension en histoire naturelle.
Buffon a dit que les chumeanx portent toutes les
empreintes d,: la servitude, cl les stigmates de la
douleur. [Du chameau, t. XV, p. 346.) H a dit
aussi, cette bosse du bison, comme celle du cha-
meau, est moins un produit Je la nature qu'un
effet du travail, un stigmate d'esclavage. {Du
buffle, etc., l.X\,\Ki\0.)
On appelle aussi stigmates, en histoire na-
turelle, certains points qu'on aperçoit aux côtés
du ventre de plusieurs insectes, et qui sont les
organes extérieurs de la respiration. En botani-
que, on appelle stigmate la partie qui termine le
style, dans les pistils des fleurs.
Stimulant, Stimulante. Adj. verbal tiré du v.
stimtiler. Il ne se met qu'après son subst. : Bc-
mède -stimulant.
Stoïcien, Stoïcienne. Adj. qui se met toujours
après son subst. : Philosophe stoïcien, doctrine
stoïcienne, opinion stoïcienne. On l'emploie aussi
substantivement : Un stoïcien. \ oyez Stoiguc.
Stoïque. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille et
l'aiialosie : f^ertu stoïque, cette stoïque vertu;
indifférence stoïque, cette stoïijtte indifférence ;
un courage stoïque, ce stoïque courage.
Mais il ne permet pas à ses etoïques mains
De se souiller du sang des malheureux liumains.
^VOLT., Ilenr., VIII, 199.)
De mes etoïques yeux des larmes ont coulé.
(Volt., ilort de César, act. III, se. ii, SI.)
On confond assez souvent les adjectifs stoïque
et stoïcien, qui ne signifient pas exactement la
même chose. Stoïcien se dit de la doctrine, des
maximes, des opinions àes stoïciens ; stoïque se
dit de la vertu, du caractère de ces philosophes.
STY
665
Le premier va à l'esprit, le second à l'humeui
et à la conduite : Une vertu stoïque est une vertu
courageuse et inébranlable ; une vertu stoïcienne
pourrait bien irélre qu'un masque de pure
représentation. Panétius, disciple de Zenon, plu-
attaché à la [iraliquc (lu'uux dogmes de la philo-
sophie, était plus stoïque cjue stoïcien.
Stoïquement. Adv. Il ne se met guère qu'après
le verbe : // a supporté stoïquement ce malheur.
Stomacal, Stomacale. Adj. qui ne se metcju'a-
près son subst. : Le vin est stomacal, alimeni
stomacal. Voyez Stomachique.
Stomachique. Adj. des deux genres qui ne se
met qu'après son subst. : P'eines stomachiques.
Stomachique ci st(,macalsc prennent tous deux
substantivement. 11 semblequela différence qu'il
y a entre ces deux expressions, c'est (jue stoma-
cal se dit des choses naturelles, et stomachique
des compositions artificielles. ( Féraiid. ) —
L'Académie ne dit pas (jue stomacal [misse se
prendre substantivement, et la Grammaire des
Grammaires (p. 1272) dit positivement qu'il n'y
a que stomachique qui s'emploie ainsi.
Strict, Stricte. Adj. On fait sentir le c et le t.
On peut le mettre avant son subst. lorsque l'ana-
logie et l'harmonie le permettent : Une obligation
stricte, une stricte obligation ; un devoir strict
— On dit d'un terme qu'il faut le prendre dans
un sens strict.
Strictement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il a rempli stricte-
ment ses obligations, ou il a strictement rempli
ses ohligations.
Strophe. Subst. f. Terme de poésie. On appelle
ainsi les stances dont les odes sont composées.
La strophe est dans les odes ce que le couplet
est dans les chansons. Une strophe doit avoir au
moins quatre vers, dix au plus. La première
strophe sert toujours de règle aux autres strophes
de la même ode pour le nombre, la mesure des
vers, et [mur l'arrangement des riines.
Studieusement. Adv. H se met ordinaire-
ment entre l'auxiliaire et le participe : Cela est
studieusemen t travaillé.
Studieux, Studieuse. Adj. Il ne se met qu'après
son subst. : Un homme studieux.
Stopéfait,Stupéfaite. Adj. Il nesemet qu'après
son subst. : Il est stupéfait.
Stupide. Adj. des deux genres. On peut le
mettre avant son subst., en consultant l'oreille e
l'analogie : Un homme stupide, une femme stu~
pide. — Un silence stupide, un stupide silence ;
une insensibilité stupide, une stupide insensi-
bilité. Voyez Adjectif, Idiot.
Stupidement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est conduit stu-
pideuient, ou il s'est stupidement conduit dans
cette affaire.
Style. Subst. m. Terme de grammaire et de
littérature. C'est la manière d'exprimer ses pensées
de vive voix ou par écrit.
Les mots étant choisis et arrangés selon les lois
de l'harmonie et du nombre, relativement a l'élé-
vation ou a la simplicité du sujet qu'on traite, il
en résulte ce qu'on appelle */y/e.
Il y a trois sortes de style :\e simple, le moyen,
et le sublime, ou plutôt le style élevé. —Le style
.simple s'emploie dans lesentretiens familiers, d.ms
les lettres, dans les fables. Il doit être pur, clair,
.sans ornement apparent. Nous en parlerons plus
bas. — Le style sublime, et ce qu'on appelle le
subliinc, ne sont pas la même chose. Celui-ci est
I tout ce qui enlève notre àme, qui la saisit qui la
606
STY
trouble tout <i coup ; cVst un éclat d'un moment.
Le style sublime peut se soutenir loncrtomps ;
c'est un ton élcvé,uncmarchcnobleet majestueuse.
Xai TU l'impie adoré sur la terre :
Pareil au cèdre, il porlail dans les cieui
Son fronl audacieux;
Il semblait à son pé gouTerner le tonnerro,
Foulait aux pieds ses ennemis v;iinciis;
Je n'ai fait que passer, il n'était déjà plus.
(Rlc, Etth.,3LCl.\, se. VI, 9.1
Les cinq premiers vers sont du style sublime,
sans être sublimes; le dernier c^t sublime, sans
être (lu stylo sublime. Voyez SuhUme. — Le stijlc
vwyeii,o\\ 7neJ/oc»-e,tipnt'le milieu entreles deux ;
il a i.iuie la netteté du style simple, et reçoit
tous les ornemontset tout le colorisde l'cloculion.
Ces trois sortes de styles se trouvent souvent
dans le même ouvrage, parce que la matière
s'élevant et s'abaissant, le style, qui est comme
{)ortc sur la matière, doit s'élever aussi et s'abais-
ser avec elle. Et comme dans les matières lout
se tient, se lie par des nœuds secrets, il faut aussi
que lout se tienne et se lie dans les stvles. Par
conséciuent, il faut y ménaner les passâiies, les
liaisons, affaiblir ou forlilier insensiblement les
teintes, à moins que la matière ne se brisant tout
d'un coup, et devenant comme escarpée, le style
ne soit obligé de changer aussi brusquement.
Comme on écrit en vers et en jjrose, il faut
d'abord marcjuer quelle est la différence de ces
deux genres (le style. La prose, toujours limidc,
n'ose se permellre les inversions qui font le sel du
style poétique. Tandis que la prose met le régis-
sant avant le régime, la poésie ne manque pas de
filtre le contraire. Si l'actif est plus ordinaire dans
la prose, la porsie le dédaigne et adopte le passif.
Elle entasse les épitliètes, dont la prose ne se parc
qu'avec relcnue. Elle n'apiieile point les hommes
par leurs noms; c'est le fils de Pelée, le beriror
de Sicil', le cygne de Dircée. L'aimée est chez
elle le grand cercle qui s'achève parla rév(jluliùn
des mois. Elle donne un corps à tout ce qui est
spirituel, et la vie â tout ce qui no l'a point. —
Ce n'est pas tout; cha(iun genre de poésie a son
ton et ses couleurs. Les qualités principales du
style épique sont la force, rélégancc, l'harmonie
et le coloris. Le style dramalique doit toujours
être conforme » l'état de celui qui parle. Un roi,
un simple piutictilier, un commerçant, un labou-
reur, ne doivent point parler du même ton. Mais
ce n'est pas assez; ces mêmes hommes sont dans
la joie ou dans la douleur, dans l'espérance ou
dans la crainte: cet état actuel doitdonner encore
. une seconde conformation à leur stvie, laquelle
sera fondée sur la première, comme cet élataclueï
est fonde sur l'habituel. — Le style de la comédie
d'.it être simple, clair, familier; mais jamais bas
ni rampant. Il est vrai que la comédie doit élever
quelquefois son ton ; mais dans ses plus grandes
hardiesses elle ne s'oublie point, elle est toujours
ce qu'elle doit être. Si elle allait jusqu'au tra-
gique, elle serait hors de ses limites. Son style
demande encore d'être assaisonné de pensées
fines, d(ilicates, et d'expressions plus vives qu'é-
clatantes. — /.e style lyrique s'élève comme un
liait de flamme, et tient par. sa chaleur au senti-
ment et au goût : il est lout rempli de l'enthou-
siasme que lui inspire l'objet présent à sa lyre;
ses images sont sublimes, ses sentiments pleins de
feu. De là les termes riches, forts, hardis, les
sons harmonieux, les figures brillantes, hyper-
Doliques, et les tours singuliers de ce genre de
STY
poésie. — Le style bucoli'/iietloii être sansapprêt,
sans faste, doux, simple, na'if et gracieux dans ses
descri[)(ions. — Le style Je Vapohigue doit être
simple, familier, riant, gracieux, naturel et na'i'f.
La simplicité de ce style consiste à dire en peu
de mois, et avec les termes ordinaires, tout ce
qu'on veut dire. 11 y a cependant des fables où
La Fontaine prend l'essor, maisct-la ne lui arrive
que quand les personnages ont de la grandeur et
de la noblesse. D'ailleurs celle élévation ne dé-
truit point la simplicité, qui s'accorde, on ne peut
mieux, avec la dignité. Le familier de l'apologue
est un choix de ce qu'il y a de plus noble et de
plus délicat dans le langage des conversations;
le riant est caractérisé par son opposition au
sérieux, le gracieux par son opposition au dés-
agréable. Sa majesté fturrt'.i-, une Hélène nu
beau plumaffe[\iv. \\l, fabl.xiii, 9), sont du Style
riant. Le style gracieux peint les choses agréables
avec lout l'agrément qu'elles peuvent recevoir :
Des lapins qui, sur la bruyère,
L'œil éveillé, l'oreille au guet,
S'éirayaienl, et de thym parfumaient leur banijuet.
—, (Liv. X, fabl. xv, 19.
Le naturel est opposé en général au force; le
naïf l'est au réfléchi, et semble n'appartenir
([u'au sentiment, comme la fable de la Laitière.
Le style de la prose peut être périodique ou
coupé, dans tout genre d'ouvrage. — Le style
périodique est celui où les propositions ou les
phrases sont liées les unes aux autres, soit par le
sens même, soit par des conjonctions. Le style
c lupé est celui dont toutes les parties sont indé-
pendantes et sans liaison réciproque. Un exemple
suffira pour les deux espèces: Si M. de Turenne
ii'arait su que combattre et vaincre, s'il ne s'était
élevé au-dessus des vertus htnnaines, si sa valeur
et sa prudence, n'avaient été uniuiérs d'u?i esprit
de foi et de charité, je le mettrais au rang des
Fabius ci des Scipimis. (Fléchicr, Oraison fun.
de Turenne, p. 'J27.) Voilà une période qui a
quatre membres, dont le sens est suspendu : Si
M. de Turenne n'avait su que combultrc et vain-
cre, etc. Ce sens n'est pas achevé, parce fjue
la conjonction si promet au moins un second
membre; ainsi le style est là périodique. Le
veut-on coupé, il suffit d'ôter la con unclioii.
AI. de Turenne a su autre chose que combattre
et vaincre ; il s'est élevé au-dessus des vertus
hu7naines; sa valeur et sa prudence étaient ani-
7aies d'un esprit de foi et de charité ; il est bien
au-dessus des Fabius et des Scipions. — Le
style périiidique a deux avantages sur le style
coupé, le premier, qu'il est plus harmonieux ; le
second, qu'il tient l'esprit c'i suspens. La période
commencée, l'esprit de l'auditeur s'engage, et est
obligé de suivre l'orateur jusqu'au point, sans
(juoi il perdrait le fruit de l'attention qu'il a don-
n('e aux iireiniers mois. Cette suspension est trés-
ajréable à l'auditeur ; elle le tient toujours éveillé
et en haleine. — Le style coupé a plus de vivacité
et plus d'éclat. On emploie tour à tour le stylo
périodique et le style coupé, suivant que la
matière l'exige.
Mais cela ne suffit pas pour la perfection uu
style. La même remarque que nous avons faite
au sujet de la poésie s'applique égaleincnt à la
prose; je veux dire (jue chaque genre d'ouvrage
en prose demande le style qui lui est propre.
Le slyle oratoire, le style historique et le style
épisUilaire, ont chacun leurs règles, leur ton, et
leurs lois particulières.
STY
Le style oratoire veul un arrangement choisi,
des pensées et des expressions conformes au
s«|nl qu'on doit traiter, (et arrangement des
mois et des pensées comprend toutes les espèces
de ligures de rhétoriijue, et toutes les comlîinai-
sonsqiii peuvent produire l'harmonie et le nombre.
— l.e caractère principal du style historique est
la clarté. Les images brillantes figurent avec
éclat dans l'histoire; elle peint les faits : c'est le
combat des Iloraccs et des Curiaccs, c'est la peste
de Rome, l'arrivée d'Âgripitine avec les cendres
de Gcrmanicus, ou Germanicus lui-mcme au lit
de la mort. Elle peint les traits du corps, le carac-
tère d'esprit, les mœurs : c'est Caton, Catilina,
Pison. — l.a simplicité sied bien au style de
l'histoire; c'est en ce pointqueCésar s'est montré
ic premier homme de son siècle. Son style, dit
Cicéron, n'est ni frisé, ni paré, ni ajusté; mais il
est plus beau que s'il l'élail. — Une des prin-
cipales (lualités du style historique, c'est d'être
rapide. — Enfm il doit être proportionné au
sujet. Une histoire générale ne s'écrit pas du
même ton qu'une histoire particulière; c'est
presque un discours soutenu ; elle est plus pério-
dique et ])lus nombreuse. Cicércn demande pour
le style de l'histoire des périodes nombreuses,
semblables, dit-il, à celles d'Isocralc; mais il
ajoute que ces nombres fatigueraient bientôt
i'oreille s'ils n'étaient pas interrompus par des
incises. Ce mélange a de plus l'avantage de don-
ner au récit plus d'aisance et de naturel : or,
quand on est obligé, comme l'historien, dédire
h vérité, et de ne direqne la vérité, on doit éviter
avec soin tout ce qui ressemble à l'artifice. — Le
style épislohnre doit se conformer à la nature
des lettres (pi'on écrit. On peut distinguer deux
sortes de lettres; les unes philosophiques, où l'on
traite d'une m.nnière libre quelque sujet littéraire;
les autres familières, qui sont une espèce de con-
versation cntic les absents. Le stylo de celles-ci
doit ressembler à celui d'un entrelion, tel qu'on
l'aurait avec la personne même si elle élait pré-
sente. Dans les lettres philosophiques, il convient
Je s'élever quelquefois avec la matière, suivant
les circonstances. On écrit d'un style simple aux
personnes les plus qualifiées au-dessus de soi;
on écrit à ses amis d'un style familier. — Leslyle
épislolairc n'est point assujetti aux lois du dis-
cours oratoire. Sa marche est sans conlrainte. Il
est une sorte de négligence qui plait, de même
qu'il y a des femmes à qui il sied bien de n'être
point parées. — Le style épistolaire admet toutes
les figures de mots et de pensées, mais il les
admet à sa manière. Il y a des métaphores pour
tous les états; les suspensions, les interrogations,
sont ici [)ei-mises, parce que ces tours sont les
expressions mêmes de la nature.
Mais soit (pie l'on écrive une lettre, une his-
toire, une oraison, ou tout autre ouvrage, il ne
faut jamais oublier d'être clair. La clarté de
l'arrangement des paroles et des pensées est la
première qi;;iliU' dû style.
A la clarté du style, joignez, s'il se peut, la
noblesse et l'éclat, mais un éclat qui soit soutenu.
Un éclair qui nous éblouit passe légèrement
devant les yeux, et nous laisse dans la tranquillité
où nous étions auparavant; un faux brillant nous
surprend d'abord et nous agite ; mais bientôt
après nous rentrons dans le calme, et nous avons
honte d'avoir pris du clinquant pour de l'or.
Quoique la beauté du style dépende des orne-
ments dont on se sert pour l'embellir, il faut les
Stténager avec adresse; car un style trop orne
STY
667
devient insipide. — Tâchez surtout d'avoir un
style qui revêle la couleur du sentiment; cette
couleur consiste dans certains tovirs de phrase,
dans certaines figures qui rendent les expressions
touchantes. Si l'extérieur est triste, le stylejdoil
y répondre. 11 doit toujours être conforme à la
situation de celui ([ui parle.
Enfin il est une autre qualité du style qui
enchante tout le monde; c'est la naïveté. Le style
naïf ne prend que ce qui est né du sujet et des
circonstances; le travail n'y paniit pas plus que
s'il n'y en avait point. La naïveté du style con-
siste dans le choix de certainesexpressions simples
qui paraissent nées d'elles-mêmes plutôt que
choisies ; dans des constructions laites comme
par hasard; dans certains tours rajeunis, et qui
conservent encore un air de vieille mode. 11 est
donné à peu de gens d'avoir en partage la naïveté
du style; elle demande un goût naturel per-
fectionné par la lecture de nos vieux auteurs
français, d'Amyot, par exemple, dont la naïveté
du style est charmante.
Les plus glands défauts du style sont d'être
obscur, affecté, bas, ampoulé, froid, ou toujours
uniforme. L'obscurité du style est le ])lus grand
vice de l'élocution, soit qu'elle vienne d'un
mauvais arrangement de paroles, d'une consiruc-
tion louche et équivoque, ou d'une trop grande
brièveté.— L'affectation dans le langage et dans la
conversation est un vice assez ordinaire aux gens
qu'on appelle èeaî/x /)a?7c!o-s. Il consiste à dire
en termes bien recherchés, et quelquefois ridicu-
lement choisis, des choses triviales ou communes.
C'est [lour celte raison que les beaux parleurs
sont ordinairement si insupportables aux gens
d'esprit, qui cherchent beaucoup plus à bien
penser qu'à bien dire, ou plutôt qui croient que,
pour bien dire, il suffit de bien penser; qu'une
pensée neuve, forte, juste, lumineuse, porte avec
elle son expression, et qu'une pensée commune
ne doit jamais être présentée que pour ce qu'elle
est, c'est-à-dire avec une exi)ression simple. —
L'affectation dans le style est à peu près la même
chose que l'affectation dans le langage, avec cette
différence que ce qui est écrit doit être naturel-
lement un peu plus soigné que ce que l'on dit,
parce qu'on est supposé 'y penser mûrement en
l'écrivant ; d'où il suit que ce qui est affectation
dans le langage ne l'est pas quelquefois dans le
style. — La bassesse du style consiste principa-
lement dans une diction vulgaire, grossière,
sèche, qui rebute et dégoûte le lecteur. — Le
style ampovlé n'est (pi'une élévation vicieuse; il
ressemble à la bouffissure des malades. — Le
style froid vient tantôt de la stérilité, tantôt de
l'intempérance des idées; celui-là parle froide-
ment qui n'échauffe point notre àme, et qui ne
sait point l'élever par la vigueur de ses idées et
de ses expressions. — Le style trop uniforme
nous assoupit et nous endort. — La variété, né-
cessaire en tout, l'est dans le discours plusqu'ail-
leurs. Il faut se défier de la 7noiioto7ne du style.
et savoir passer du grave au doux, du plaisant
au sévère. — Pour se former le style, il faut
lire beaucoup les meilleurs écrivains, écrire soi-
même, et soumettre ce qu'on écrit à un censeur
judicieux; imiter d'excellents modèles, et se
proposer de leur ressembler. Il faut aussi étudier
les hommes, et prendre, d'après nature, des
expressions qui soient non-seulement vraies,
comme dans un portrait qui ressemble, mais
vivantes et animées comme le modèle même du
portrait. (Le chevalier de Jaucourt.) Voyez Âm-
668
SUB
poule, Nombre, Harmoitie, Pocsie, Prose, Coupe,
Rlocxtiion, Empèse, Figuré.
Suant, Siame. Adj. verbal tiré du v. suer.
Il ne se met ([u'aprés son subsl. : Le visage
suant, fes mains suantes.
Suave. Adj. des deux genres. On peut le mettre
yjircs son subst., lorsque l'iinalogie et l'iiarmonie
le perdiettent : Une ndeur suave , celte suave
odeur. — Une mélodie suave, cette suave mélo-
die. \ oyez Adjectif.
Subalterne. Adj. des deux genres. 11 ne se met
qu'après son subst. : Un juge subalterne, vn
officier subalterne
Subdiviser. V. a. de la !'« conj. A'oyez Sub-
divisii'n.
ScBDivisioN. Subst. f.Féraud blâme les auteurs
qui écrivent sous-diviser, et sous-division. IJ
noue semble que c'est mal à propos. Pourquoi
ne p;is franciser les mots qui viennent du latin,
afin de les mettre autant qu'il est possililc à la
portée de l'intelligence du commun des lecteurs?
Puisque l'on dit souscription et non subscrip-
tion, souscrire et non subscrire, soustraire et
non substraire, soustraction et non substraction,
etc., etc., [jourquoine dirait-on pas sous-diviser
et sous-division, au lieu de subdiviser et sub-
division ?
Subir. V. a. de la 2' conj. Racine a dit subir
la mort, subir Vignominie.
Plutôt que dans mes mains par Joad soit livré
In cnfaulqu'i son dieu Jouda consacré,
Tu lui verras iulir laraorllaplus terrible.
(Rac, Àth., act. III, se. m, 46.)
Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie.
(Rac, mihr., act. V, se. v, iO.)
L'Académie ne fait pas connaître celte dernière
expression.
Subit, Subite. Adj. On peut quelquefois le
mettre avant son subst. : Mouvement subit, mort
subite, changement subit, cette apparition subite,
cette subite apparition.
ScBITEME^T. Adv. Il ne se met qu'après le
verlje : Cela est arrivé subitement .
Subjonctif. Subst. m. Le subjonctif est un
mode qui sert à marquer la subordination du
verbe d'une prop(jsition subordonnée, au verbe
de la proposition principale, avec un rapport
indéterminé au temps. Cette subordination est
telle, (]ue la proposition dont le verbe est au
subjonctif ne l'orme plus un sens complet dés
qu'elle est séparée de la proposition principale.
Ainsi dans cette phrase, /e veux îi/eraus partiez,
gue vous partiez est tellement subordonné à je
veux, (pi'il n'a aucun sens déterminé s'il est
séparé de ce verbe, ^oycz f^crbc.
Résumé des temps du subjonctif.
Subjonctif. — Présent ou futur. Que je fasse.
Ce temps peut être un présent ou un futur, sui-
vant les circonstances.
Imparfait. Ôuc je fisse.
Ce temps peut être passe ou futur, suivant les
circonstances.
Passx. Que j'aie fait.
Ce temps peut être passé ou futur, suivant les
circonstances.
Plus-que-parfait. Que j'eusse fait.
Ce temps peut être un passé ou un futur, suivant
les circonstances.
11 n'est pas toujours aiso de distinguer las cas
SUB
où l'on doit employer le subjonctif. Voici des
règles qui peuvent servir de guide :
1» Il faut mettre au subjonctif le verbe d'une
proposition subordonnée, quand le verbe de la
proposition principale exprime surprise, admi-
ration, volonté, souhait, consentemenl, défense,
doute, crainte, dénégation, commandement : 7«
suis (tonné, je suis surpris qu'il en ait agi
ainsi. Je ne veux pas qu'il le fasse; je doute
qu'il le fasse. Je cherche quelqu'un a qui je
puisse me confier. Je craignais qu'ils jje vinssent.
J'ai peur que cela -ne vous fasse de la peine. Il
vie tarde bien que je sois hors d'affaire. Je suis
charmé que cela se soit passéainsi. Je veux aue
vous 77('obéissiez.
2° Il faut mettre à l'indicatif le verbe de la
proposition subordonnée, lorsque le verbe de lu
proposition principale affirme directement, posi-
tivement, et sans idée accessoire de doute, de
crainte, d'incertitude, etc. : Je crois qu'i\ y a un
Dieu. Je pense que deux et deux font quatre.
Je cherche un homme que j'ai vu hier. Je suis
que vous avez étudié les mathématiques. Je sou-
tiens que c'est mon frère que j'ai vu. Je gage
qu'il a dit cela.
3" Les i)ropositions interrogatives exigent le
subjonctif, s'il s'agit d'une chose vague, douteuse,
incertaine, ou que l'on regarde comme telle
Croyez-vous qu'il veuille y consentir'^ Pensez-
vous que ce soit luif Elles exigent l'indicatif,
quand il s'agit d'une vériié incontestable, ou
regardée comme telle par celui qui interroge.
Ainsi on dira, croyez-vous que deux et deux font
quatre ? Une personne (jui croirait fermement à
la création dirait, croyez-vous que Dieu a créé
le ciel et la terre? ou ite croyez-vous pas que
Dieu a créé le ciel et la terre9Si elle en doutait,
elle dirait, croyez-vous gue Dieu ail créé le ciel et
la terre?
Comparons quelques-unes de ces pro[)ositions,
afin de faire mieux sentir leurs différences.
Je crois qu'il y a U7i Dieu ; mit croyance est
affirmée d'une manière positive, sans accessoire
de doute, d'incertitude. Je ne suis pas sûr qu'il
y ait tin Dieu; doute, incertitude.
Je cherche un homme que j'ai vu hier. Point de
doute, point d'incertitude sur l'objet que je
cherche, c'est celui que j'ai vu hier. Je cherche
quelqu'un qui veuille m'obliger. Il y a doute,
incertituilc sur l'objet que je cherche; je ne sais
si je le trouverai.
Je sais que vous avez étudié les inathémati-
ques. J'en ai la connaissance positive, certaine.
Je ne savais pas que vous eussiez étudié les
mathématiques. Je n'en avais pas la connaissance
positive, certaine, je l'ignorais.
Je suis surpris qu'iï ait changé. L'objet de
l'alfirmation n'est pas ])0silil', certain; quoiqu'il
ait changé, je témoigne par ma surprise que jo
croyais qu'il ne changerait pas. Il a épousé une
femme qui a de la vertu; objet réel, positif. Je
veux épouser une femme qui ait de la vertu;
objet incertain.
Je pense çu't'Z arrivera; l'arrivée est déter-
minée. Je ne pense pas qu'il arrive; l'arrivé;.
n'est pas exprimée positivement; au contraire
clic est niée.
Je gage qu'il a dit cela; affirmation positive.
Je ne gage pas qu'il ait dit cela; incertitude,
négation. Je crois qu'il y a mie révélation; je
ne crois pas, je doute qu'A y ait une révélation.
Je prétcndsqu'il a raison. 11 s'agit d'une chose
présentée comme existant réellement. Je prétends
Sun
fveroMswi'ohéissie/. Il s'agit d'uno chose conlin-
gentc, qui peut arriver ou ne pas arriver; car on
peut vous obéir ou ne pas vous obéir.
// prétend que tout dépend de lui, que tout
est actuellement, réellement sous sa dépendance.
Il ptéteiid que tout dépende de lui, c'esi-à-dire
que tout soit i)our l'avenir sous sa dépendance,
ce <]ui peut étie ou ne pas être.
f^oxis ordonnes que je me taisc, vous roules
que je fuie, rovs aimes mieux que je m'en aille.
L'afiirmaliun ne porte pas sur des choses réelles
et positives; je puis parler ou me taire, fuir ou
rester, m'en aller r>u rester.
4" Les expressions conjonctives suivaiilcs sont
ordinairement suivies du subjonctif: jdfin que,
afin que roi/.; /e sachiez. ^ moi/is que, à moins
qu'il ne veuille pas. Avant que, arajit que Je
fusse venu. En cas que, en cas qu'il fit difJlcuUé.
Bien que, bien que cela dépendit de lui. Encore
que . encore qu'il Soit fort jeune. Quoique, quoi-
qu'il y ait consenti. De' peur que, de peur qu'il
7ie s'en aille. De crainte que, de crainte qu'il ne
ss dédise. Jusqu'à ce que, jusqu'à ce que tout
soit fini. Posé que, posé que cela fût. Pour'vuque,
pourvu qu'il fasse ce qu'on lui a dit, etc.
5" Les temps du subjonctif sont aussi employés
dans certaines phrases ellipliiiues, comme, puis-
siez-vous 7"ews*'<r, c'est-à-dire je désire que vous
réussissies. Eusse le ciel que 7foi/5 ayons bientôt
la paix, c'est-à-dire je désire que le ciel fasse
en sorte, etc. Qu'il fasse, qu'il s'amuse, etc.,
que les grammairiens npiMilIent des troisièmes
personnes du prosent de l'impératif, sont réelle-
ment des phrases elliptiques avec la forme du
subjonctif. Qu'il fasse, c'est-à-dire il faut qu'il
fasse; qu'il s'amuse, c'est-à-dire j'ordonne, je
coiisens qu'il s'amuse. Qu'il médite beaucoup
avant que d'écrire, c'est-à-dire il faut, il est
nécessaire, il est convenable, je lui conseille, etc.,
qu'il médite beaucoupavantque d'écrire. Qu'elles
aient tout préparé quand ?ious arriverons, c'esl-
à-dire, par exemple, je désire ou je veux qu'elles
aient tout préparé quand nous arriverons.
Voici quelle est la correspondance des temps
du subjonclif avec ceux de l'indicatif, c'esl-à-
ilire quels temps du subjonctif régissent les di-
vers temps de l'indicatif :
Subjonctif.
SUB
G69
que tu viennes.
Indicatif.
Je veux
Je voudrai
Quand j'aurai voulu
■Je voulais ^
Je voulus, j'ai voulu i
J'avais voulu / que Vu vinsses.
Je voudrais \
l'aurais voulu ;
Je veux
J'ai voulu
Je voudrai
Quand j'aurai voulu
Je voulais
Je voulus, j'ai voulu
Quand j'eus voulu
J'avais voulu
Je voudrais
J'aurais voulu
On voit par là que, comme nous l'avons fait
remaïquer au commencement de cet article, les
temps du subjonctif correspondent à plusieurs
temps de l'indicatif, et qu'ils peuvent exprimer
que tu aies écrit.
que tu eusses écrit,
que tu fusses venu.
tantôt un présent, tantôt un passé, tantôt un fu-
tur, selon les cin-onstances et les différentes vues
de Lesprit.
SiBLiME. Adj. des deux genres qui se prend
substantivement. On peut le meitre avant son
subst., en consultant l'oreille et l'analogie : Un
mérite sublime, un génie sublime; un esprit
sublime, U7ie âme sublime ; une pensée sublime,
une sublime pensée ; des cannaissances sublimes,
ces sublimes connaissances. Voyez Adjectif.
Le sublime est, dit Boileau, une certaine
force de discours propre a élever et à ravir l'âme,
et (lui provient ou de la grandeur de la pensée
et de la noblesse (lu sentiment, ou de la magnifi-
cence des paroles, ou du tour harmonieux, vif
et animé de l'expression, c'est-à-dire d'une de
ces choses regardée séparément, ou, ce qui fait
le parfait sublime, de ces trois choses jointes
ensemble. (XIP Réflcx. crit. sur Longin.) — Le
sublime, en général, est toutce qui nous élève au-
dessus decequenousélions, etqui nousfait sentir
en même temps celte élévation. Le sublime peint
la vérité, mais en un sujet noble ; il la peint tout
entière dans sa cause cl dans son effet; il est l'ex-
pression ou l'image la i)lus digne de cette vérité.
C'est un extraordinaire merveilleux dans le dis-
cours, qui frappe, ravit, transporte l'àme, et lui
donne une haute opinion d'elle-même.
On distingue le sublime des hnages et le su-
blime des sentiments. Ce n'est pas que les senti-
ments ne présentent aussi en un sens de nobles
images, puisqu'ils ne sont sublimes que parce
qu'ils exposent aux yeux l'àme et le cœur ; mais
conmie le sublime des images peint seulement un
objet sans mouvement, et que l'autre sublime
marque un mouvement du cœur, il a fallu distin-
guer ces deux espèces par ce (jui domine en cha-
cune.
Le sublime des images se trouve souvent
dans les bons poètes. Homère et Virgile en sont
remplis.
Les peintures que Bacine a faites de la gran-
dcurdeDieu sont sublimes; en voici un exemple
[Esther, act. V, se. i, 37) :
L'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage;
11 entend les soupirs de l'humble qu'on outrage.
Juge tous les mortels avec d'égales lois,
Et du haut de son trône interroge les rois.
Les sentiments S(jnt sublimes quand, fondés
sur une vraie vertu, ils paraissent être au-dessus
de la condition humaine, et qu'ils font voir,
comme Ta dit Sénéque, dans la faiblesse de l'hu-
manité la constance d'un dieu. L'univers tombe-
rait sur la tête du jusle, son âme serait tran-
quille dans le temps même de sa chute. L'idée
(le cette tranquillité, comparée avec le fracas du
monde entier qui se brise, est une imaqe su-
blime, et la tranquillité du juste esl un sentiment
sublime.
Il faut distinguer entre le sublime du senti-
7nent ct la vivacité du sentiment. Le sentiment
[leul être d'une extrême vivacité sans être su-
blime. La colère qui va jusqu'à la fureur est dans
le plus haut degré de vivacité, et cependant elle
n'es; pas sublime. Une grande âme est plutôt
celle (pii voit ce qui affecte les âmes ordinaires
et qi]i le sent sans en être trop émue, que celle
qui suit aisément l'impression des objets. Ré-
gulus s en retourne paisiblement à Carthage pour
y souffrir les plus cruels supplices qu'il sait
qu'on lui apprête ; ce sentiment est sublime sans
être vif. — Le sublime des sentiments est ordi-
670
SUB
nairemeni iranquille. Une raison affermie sur
elle-mênio les guide dans tous leurs mouvemcnis.
L'àmc sublime n'est altérée ni des triomphes de
Tibère, ni des disgrâces de Varus. Aria se donne
iranquillemcnt un coup de poignard, pour donner
ù son mari l'exemple d'une murt héroïque : elle
retire le poignard el le lui présente en disant ce
mot sublime : Pœtus, cela ne fait point de mal.
On représentait à Horace fils, allant combattre les
Curiaces, que peut-être il faudrait le pleurer; il
répond :
Quoi! vous me pleurcriei. mourant po(jr mon pays?
(Corn., Wor., aci. II, se. i, 5î.)
Voilà des sentiments sublimes ; voilà des hommes
au-dessus des passions et des vertus communes.
Il y a de la différence entre le style sublime et
le sublime. Le premier consiste dans une suite
d'idées nobles exprimées noblement ; le second
est un trait extraordinaire, mers-eilleux, qui en-
lève, ravit, transporte. Le style sublime veut
toutes les figures de l'éloquence, le sublime peut
se trouver dans un seul mot. Une chose peut
être décrite dans le style sublime et n'être pour-
tant pas sublime, c'est-à-dire n'avuir rien (jui
élève nos âmes. Ce sont de grands objets et des
sentiments extraordinaires qui caractérisent le
sublime. La description d'un pays peut être
écrite en style sublime. Mais Neptune, calmant
d'un mot iës flots irrités; Jupiter, faisant trem-
bler les dieux d'un clin d'œil ; voilà des images
qui étonnent, qui élèvent l'imaginnlion. — Il ne
faut pas non plus confondre le sublime avec le
grand. L'expression d'une grandeur extraordi-
naire fait le sublime, et l'expression d'une gran-
deur ordinaire fait le grand. H est bien vrai que
la grandeur ordinaire du discours donne beau-
coup de plaisir, mais le sublime ne plaît pas sim-
plement, il ravit. Ce qui fait le grand dans le dis-
cours a plusieurs degrés; mais ce qui fait le
sublime n'en a qu'un. (Extrait de l'article Sn-
hlime, du chevalier de Jaucourt, dans YEncyclo-
pédie. )\o\ez Style.
StJBSTANTIEL, SUBSTANTIELLE. Adj. Il DB SC mCt
guère qu'après son subst. : Nourriture substan-
tielle.
Slbstantif. Adj. m., qui se prend aussi sub-
stantivement. Connue adj. il ne se met qu'après
son S\ibst. : Un nom substantif, rerbe svbsluntif.
— Nous avons dit à l'article Nom tout ce (}ue
nous voulions dire sur le substantiL Voyez Nom,
formation, Participe.
StBSTANTIVF.ME^T. Adv. Il nc se met qu'après
le verbe : Cet adjectif est pris svh.iia ntivement .
Si, quand un adjectif est employé seul dans une
phrase, on le rapporte à quelque nom sous-en-
tendu qu'on a dans l'esprit, il est évident qu'alors
il est employé comme tous les autres adjectifs, et
qu'il n'est pas pris substantivement. Ainsi, quand
on dit Dieu vengera les failles, l'adjectif /àzi/e*
demevire un pur et véritable adjectif, et il n'est
au pluriel et au masculin que par concordance
avec le nom sous-entendu les hommes, que l'on
a dans l'esprit. Cependant, dans le langage ordi-
naire des grammairiens, on dit que ces sortes
d'adjectifs sont pris substantivement. — H y a
cependant des cas où les adjectifs deviennent vé-
ritablement des noms, c'est lorsqu'on s'en sert
comme de mots propres à marquer d'une manière
déterminée la nature des êtres dont on veut par-
ler, et que l'on n'envisage que relativement à cette
idée. Que je dise, par exemple, ce. discours est
vrai , une vraie di*finition, l'adjectif vrai de-
suc
meure adjectif, parce qu'il énonce une idée que
l'on n'envisage, dans ces cvemplcs, que comme
devant faire partie de la nature totale de ce
qu'on appelle discours et définition, et qu'il de-
meure applicable à toute autre chose, selon l'oc-
currence, à une nouvelle, a un récit, à un sys-
tème. Aussi, vrai, dans le premier exemple, s'ac-
corde-l-il en genre et en nombre avec le nom
discours ; et vraie, dans le second exenq)le, avec
le nom définition. Mais quand on dit le vrai per-
suade, le mol vrai est alors un véritable nom,
parce qu'il sert à présenter à l'esprit un être dé-
terminé par l'idée de sa nature. Voyez Accord,
Nom, Complément.
Substitution. Subst. f. Le premier ti garde sa
prononciation naturelle, le second se prononce
comme ci.
Subtil, Subtile. Adj. On peut le mettre avanT
son subst., lorsque l'analogie et l'harmonie le per-
mettent : Matière suhtile, air subtil, sang subtil,
esprit subtil, pensée subtile, cette subtile peusée,
un argument subtil, ce subtil argument. Voyez
Adjectif.
Subtilement. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : lia entré subtilement
dans ma chambre, OU il a subtilement entré dans
ma chambre.
Subvenir. V. n. de la 2" conj. Il se conjugue
comme venir, si ce n'est que, dans les tcnips
composés, il prend l'auxiliaire avoir, au lieu de
l'auxiliaire être. 11 régit la préposition à : Sub-
venir aux malheureux , subvenir aux besoins de
quelqu'un.
Suc. Subst. m. On prononce le c.
Succéder. V. n. de la 1^^ conj. Le premier c
se prononce comme un k; le second, comme un
s. 11 régit la préposition à : La nuit succède au
jour.
Un farouche silence, enfant de la fureur,
A ces bruyants éclats succède avec horreur.
(TOLT., Henr., VI, 249.)
Tout $uccéde, madame, à mon empressement-
(RiC, Iphig., act. III, se. m, t.)
Successif, Successive. Adj. On ne le met qu'a-
près son subst. : Mouvement successif, ordre
successif.
Successivement. Adv. On ne le met guère qu'a-
près le verbe : Toutes ces choses sont arrivées
successivement.
Succinct, Succincte. Adj. On peut le mettre
avant son subst., en consultant l'oreille et l'ana-
logie : Un discours succiîict, une relation suc-
cincte, cette succincte relation. — So^'ez suc-
cinct. Voyez Adjectif.
Succinctement. Aav. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe ; // a exposé succinc-
tement ses raisons, ou il a succinctement ex-
posé ses raisons.
Succombeb. V. n. de la l^e conj. L'Académie
dit, succomber sous le poids, sous le faix ; et
succomber à la douleur, à la tentation, à la fa-
tigue, pour dire, se laisser vaincre à la douleur,
se laisser aller à la douleur, se laisser aller à la
tentation, être accablé de fatigue.
Voltaire a dit {Zaïre, act. III, se. vi, 40) :
Un vieillard qui succomhe au poids de ses années, etc.
Il semble qu'il faudrait dire ici, snus le poids.
Mais on peut se figurer les années, ou comme un
poids qui accable un vieillard, en pesant sur lui;
SUF
ou comme un poids qui l'entraîne vers le tom-
beau. Dans le premier cas, il faut dire sous le
poids; dans le second, on pourrait justifier si/c-
eoviber au poids.
Le même Voltaire a dit plus régulièrement
(Sémiramis, act. I, se. i, 57) :
Mais lorsque succombant au m il qui la docliirc
Ici le mal n'est pas représenté comme un poids.
Succulent, Succulente. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsijuc l'analogie et l'hannonie
le permettent : friande succulente, bouillon svc-
ctilenl, nourriture succulente ; cette succulente
novrritiin'. ^'oyez Adjectif.
SuctR. V. a. de la !'« conj. Dans ce verbe, le
c a la prononciation de se ; et, pour la lui con-
server à tous les temps et à toutes les personnes,
il faut mettre une cédille dessous, toutes les fois
qu'il est suivi d'un a ou d'un o. Ainsi on écrit,
nous suçons, je suçais, je suçai, et non pas
nous suçons, etc.
Sucré , Sucrée. Part, passé du v. sucrer, et
adj. Il ne se met qu'après son subst. : Melon su-
cré. — Un air sucré.
Et TOUS semblei vous bouclier les oreilles,
Vous, infidèle, avec votre air sucre,
Qui m'avez fait ce tour prématuré! etc.
(Volt., Enf. Prod., act. IV, se. iv, 25.)
Sud. Subst. m. On prononce le d.
ScDORiFiQuE. Adj. des deux genres. Il ne se
met qu'aiircs son subst. : Poudre sudorifique,
breuvage sudorifique.
SuEii. y. n. de la l"conj. Les verbes dont le
participe pruscnt est icrininc en uaiit exigent, à
la première et a la seconde personne plurielle de
l'imparfait de l'indicatif et du présent du sub-
jonctif, un tréma sur Vi placé après la lettre u :
Nous suions, vous suiez, que 7iotis suïons, que
vous sûtes; alin qu'on ne prononce pas ui ,
comme dans je suis. {Grammaire des Gravi-
maires, p. 5uy.)
Suffire. V. n. et défectueux de la 4" coït'. Il
se conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif. — Présent. Je suffis, tu suffis, il
suffit ; nous suffisons, vous suffisez, ils suffisent.
— Imparfait. Je suffisais, tu suffisais, il suffi-
sait; noussuffisions, vous suffisiez, ils suffisaient.
— Passé simple. Je suffis, tu suffis, il suffit ;
nous suffîmes, vous suffîtes, ils suffirent. — Fu-
tur. Je suffirai, tu suffiras, il suffira; nous suffi-
rons, vous suffirez, ils suffiront.
Conditionnel. — Présent. Je suffirais, lu suf-
firais, il suffirait; nous suffirions, vous suffiriez,
ils suffiraient.
Impératif. — Présent. Suffis, qu'il suffise ;
suffisons, suffisez, qu'ils suffisent.
Subjonctif. Pré.icnt. Que je suffise, que lu suf-
fises, qu'il suffise; que nous suffisions, que vous
suffisiez, qu'ils suffisent.
L'iiiip;irl'aîl n'est pas usité.
Participe. — Présent. Suffisant. — Passé.
Suffi. Point de féminin.
Ce verbe régit à ou pour, devant les noms et
les verbes : Peu de bien suffit au sage. Cette
somme suffit a ses besoins, je ne puis suffire à
toutes ces affaires. La vie, qui est courte et qui
ne suffit presque pour aucun art, suffit pour
être bon chrétien. i,Nîcole.) Cette rente ne lui
suffit pas pourr/v)c.
l-orsipic ce verbe est employé impersonnelle-
ment, il régit de devant un nom et devant un
SUl
671
inlinitif : Il suffit ù'ètre malheureux pour être
injuste. Pour réprimer at abus, il suffit de
Votre fermeté. Il ne suffit pas d'un grand
homme pour faire ces changements. — // suffit
que vous le disiez pour que je le croie. — Se
suffire à soi-même, n'avoir pas besoin du secours
d'aulrui.
Suffisamment. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il y a suffisamment
de monde. Il est suffisamment informé de celte
affaire.
Suffisant, Suffisante. Adj. On peut le mettre
avant son subst., lorsque l'analogie et l'hiirmunie
le permettent : Une somme suffisante , une
troupe suffisante. — Un homme suffisant. Le
suffisant personnage! Un air suffisant, une
mine suffisante. Voyez Adjectif.
Suffocant, Suffocante. Adj verbal tiré du v.
suffoquer. On ne le met qu'après son subst. : Ca-
tarrlie suffocant, vapeur suffocante, chaleur
suffocante.
SuGGÉuEii. \. a. de lal't^ conj. On prononce les
deux/7, le premier comme gue, le second comme
j : Suggérer quelque chose à quelqu'un.
Quels timides conseils m'osei-vous suggérer ?
(RaC, Ath., act. III, se. VI, 53.)
Suggestion. Subst. f. Les deux g se pronon-
cent, le premier comme gue, le second comme j.
Ti conserve sa prononciation naturelle.
Suif. Subst. m. On prononce le /"final.
Suite. Subst. f. On dit tout de suite, et de
suite. Ce sont deux expressions adverbiales qu'il
ne faut pas confondre. De suite signifie l'un après
l'autre, sans interruption: Il a marché deux
jours de suite, il ne saurait dire deux mots de
suile. — Il se dit aussi de l'ordre dans lequel les
choses doivent être rangées : Ces livres, ces mé-
dailles ne sont pas de suite.
De suite, précédé de l'adverbe tout, signi..c
incontineiit, sur Vhcure: Il faut que les enfaiity-
obéissent tout de suite. IL faut envoyer chercher
tout de suile le médecin. Allez-y tout de suite.
— Toutefois l'Académie fait remarquer que tout
de suite signifie, dans certains cas, sacs interrup-
tion : Il lut trois rasades tout de suite; il u
cniiru vingt postes de suile.
Suivant, Suivante. Adj . verbal tiré du v. suivre.
Il ne se dit que des choses, et se met toujours
a[)rés son subst. : Le livre suivant, l'article
suivant.
Suivant. Préposition. Il signifie, en suivant,
pour suivre, si l'un suit : Suivant la doctrine
d'Aristote, ou suivant Aristote. — Selon exprime
quelque chose de plus fort, de plus positif, de
plus absolu : Sel in l'Évangile.
Suivre. \ . a. et irrégulier de la 4' conj. Il se
conjugue ainsi qu'il suit :
Indicatif — Présent. Je suis, tu suis, il suit;
nous suivons, vous suivez, ils suivent. — Im-
parfait. Je suivais, tu suivais, il suivait; nous
suivions, vous suiviez, ils suivaient. — Passé
simple. Je suivis, tu suivis, il suivit; nous sui-
vîmes, vous suivîtes, ils suivirent. — Futur. Je
suiviai, tu suivras, il suivra; nous suivrons,
vous suivrez, ils suivront.
Conditionnel. — Présent. Je suivrais, tu sui-
vrais, il suivrait; nous suivrions, vous suivriez,
ils suivraient.
Impératif. — Présent. Suis, qu'il suive; sui-
vons, suivez, qu'ils suivent.
Subjonctif. — Présent. Que je suive, que tu
672
SUP
suives, qu'il suive; que nous suivions, que vous
suiviez, qu'ils suivent. — Imparfait. Que je
suivisse, que tu suivisses, qu'il suivit; que m)us
suivissions, que vous suivissiez, qu'ils suivissent.
Particiiie. — Présent. Suivant. — Passé.
Suivi, suivie.
Il forme ses temps composés avec l'auxiliaire
avoir.
On dit suivre une affaire, suivre un projet.
Junon n'en >ui( pas moins set projets de Tengeancc.
(Dblil., firi^id., YII,785.)
■Voltaire a dit : suivre le torrent, au figuré :
Il suivait le torrent de la rcbelliun.
(tfenr., V, 5G.1
Voyez Imiter.
ScjET, Sujette. Adj. Il ne se met qu'après son
suhst.. et régit la préposition à : Nous sommes
sujets à la mort. — Un homme sujet à la colère.
Sujet. Subst. m. Terme de grammaire et de
logique. En logique, le sujet d'un jugement est
l'être dont l'esprit aperçoit l'existence sous telle
ou telle relation à quelque modification ou ma-
nière d'être; en grammaire, c'est la partie de la
proposition qui exprime le sujet logique. Voyez
Construction, et surtout Proposition, Attribut,
Complexe.
Sujet, en littérature, se dit de la matière qui
sert ae fond à un ouvrage. Dans l'art dramatique,
le sujet est le fond principal de l'action d'une
pièce dramatique. Le sujet est réel ou d'imagi-
nation. Tous les sujets frappants dans l'histoire
ne peuvent pas toujours paraître heureusement
sur la scène. Leur beauté dépend souvent de
quelque circonstance (juc le théâtre ne peut souf-
frir. Le poëte peut ajouter ou retrancher à son
sujet, parce qu'il n'est pas d'une nécessité ab-
solue que la scène donne les choses comme elles
ont été, mais seulement comme elles ont pu être.
— On i)eut distinguer plusieurs surles de sujets;
les uns sont d'incidents, les autres de passions;
et il y a des sujets qui admettent tout à la fois
les incidents et les [tassions. Un sujet d'incidents
est, lorsque d'acte en acte, et presque de scène
en scène, il arrive quelque chose de nouveau
dansl'action. Un sujet de passions est, quand d'un
fond simple en apparence, le poëte a l'art de faire
sortir des mouvements rapides et extraordinaires,
qui portent l'épouvante ou l'admiration dans
l'àme des spectateurs. — Enfin les sujets mixtes
sont ceux qui produisent en même temps la sur-
prise des incidents et le trouble des passions.
Les sujets mixtes sont les plus avantageux, et
ceux qui se soutiennent le mieux.
Sdlfureux, Sulfureuse. Adj. qui suit toujours
son subst. : Matières sulfureuses, exhalaisons
sulfureuses.
SoPEr.BE. Adj. On peut souvent le mettre avant
son subst., en consultant l'oreille et l'analogie :
Un homme superbe, les esprits superbes. —
Une superbe femme, iin cheval superbe, un
superbe coursier. — Un discours superbe, un
i upsrbe discours, une superbe pensée.
Je sais gu'ils se sont fait une superbe loi
De ne point à l'hymen assnjcUir leur foi.
(Rac, Baj., act. I, se. m, 34.)
Superbe. Subst. f. Orgueil.
AoattoDi «a superbe avec sa liberté.
(Cona., Pompés, acl. I, se. i, 195.)
SUP
La superbe, ait Voltaire, ne se dit jdus dans /a
poésie noble. 11 est aisé d'y substituer orgueil
[Remarques sur Corneille.) — L'Académie re-
marque qu'il n'est plus guère usité que dans les
matières de dévdtion.
Sul>E'.iBESlr,^T. Adv. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il était vêtu superbe-
ment, ou il était superbement vêtu.
SopEFiCHEniE. Suhst. f. Jamais ce mot, dit Vol-
taire, ne doit entrer dans la tragédie. [Remarques
sur Héraclius, act. V, S(". )ii, 81.)
Superficiel, Superficielle. Adj. On peut le
mettre avant son subst. , lorsque l'analogie et
l'harmonie le permettent : Une pluie superficielle,
connaissance superficielle, homme superficiel,
une co7irersation superficielle, cette superficielle
conversation. Voyez Adjectif.
ScpERFlClELLEME^T. Adv. On peut le mettre
entre l'auxiliaire et le participe : // a traité la
question superficiellement , ou il a superficielle-
ment truite la question.
SuPERFiiM, SoPERFiNE. Adj. qui uc SB met qu'a-
prés son subst. : Papier superfin, liqueur su-
perfine.
Superflu, Superflue. Adj. qui suit toujours
Son subst. : Ornements ."superflus, meubles su-
perflus. — Discours superflus, raisonnements
superflus.
Superflu. Subst. m. Ce substantif n'a point de
pluriel. On dit ?. plusieurs, votre superflu doit
être employé â secourir les pauvres, et n»n pas,
vos superflus.
Supérieur, Supérieure. Adj. 11 suit toujours
son subst. : La lèvre supérieure, génie supé-
rieur. — Parce supérieure.
Supérieurement. Adv. On le met quelquefois
entre l'auxiliaire et le participe : Il a traité
supérieurement ce sujet, ou il a supérieurement
traité ce sujet. Ces deux auteurs ont écrit sur
la même matière, mais l'un bien supérieurement
à l'autre. (Acad.)
Superlatif, Superlative. Adj. qui se prend
substantivement. Terme de grammaire. Le su-
perlatif se dit de l'adjectif exprimant la qualité
portée au suprême degré de plus ou de moins.
On t]\i^{iD^{iele superlatif relatif, et le superlatif
absolu. 'Le superlatif relatif c\\mmc une qualitéâ
un degré plus élevé ou moins élevé d;ins un objet
que dans un autre; mais il exprime cette qualité
avec rapport à une autre chose. — Ce superlatif ne
doit point être confondu avec le simple comparatif
ou simpledegré de qualification : le superlatif rela-
tif exprime une coin jiaraison, mais cette comparai-
son est générale; au lieu que le comparatif simple
n'exprime qu'une comparaison particulière.
On forme lesuperlatif relatif en plaçant le, la,
les, du, de la, des, mon, ton, soit, notre, votre,
leur, devant les adjectifs et les adverbes compa-
ratifs plus, pire, meilleur, innindre et moins.
La plus douce consolation d'un homme de bien
affli(ié, c'est la pensée de son innocence. (Bos-
suet. ) L'amour des peuples est l'éloge le moins
suspect du souverain, etc.
Comme dans le superlatif relatif il y a excès et
comparaison, ce superlatif appartient aux degrés
deromparaison; aussi l'article (pii correspond a
un substantif sous-entendu après lui, prend-il
les inflexions du substantif qui est énoncé avant.
On dira donc : Quoique cette femme montre plus
de fermeté que les autres, elle n'est pas pour
cela la moins affligée. De tant de criminels, il
ne faut punir que les plus coupables. En effet,
c'est comme si l'on disait : Quoique cette femme
SUP
montre plus de fcrmelc que les autres, elle n est
pus pour cela la femme moins affligvc que les
autres. De tant de criminels, il ne faut punir
que les ci'iiniiiols plus caupables que les autres.
Le superlatif absolu cxiii'iine, comme le super-
latif relalif, une qualité à un degré plus uu moins
élevé. Mais il exprime cette qualitcd'une manière
absolue, sans aucune relation, sans aucun rapport
a une autre chose, c'est-à-dire qu'il n'énonce
aucune comparaison. On le l'orme en phicjant
devant l'adjectif un de ces mots : fort, très, bien,
infiniment, extrêmement. Cette femme est fort
aimable ; cet homme est très-riche, cette maison
st bien grande, son style est infiniment dur,
Dieu est infiniment bon.
Les superlatifs absolus sont aussi queUiuefois
exprimés par le plus; mais comme dans celte
sorte de superlatifs il y a exclusion de comfia-
raison, il n'appartient qu'au degré de qualifica-
tion-, et alors, le plus qni exprime le superlatif
est pris adverbialement , c'est-à-dire qu'il n'a
point de genre ni de nombre, parce qu'il ne
correspond pas au substantif, mais seulement à
l'adjectif. On doit donc dire : Cette scène est
une de celles qui furent le plus applaudies; ceux
que j'ai toujours vus\c plus frappés de lalecture
des icrils d'Homère, de Virgile, etc. Lu lune
n'est pas aussi éloignée de la terre qxie le soleil,
lors 7néme qu'elle en est le plus éloignée. — Dans
chacune de ces phrases, il y a excès sans qu'il y
ait comparaison ; c'est comme si on disait, cette
scène est une de celles qui furent applaudies
le plus, au degré le plus haut; le mot (pii ex-
prime le superlatif tombe donc sur l'adjectif, et
non sur le substantif; c'est un adverbe, il doit
rester invariable.
Dira-t-on les opinions les plus ou leplusséné-
ralement suivies? les mieux ou/e mir.ux établies?
les sentiments 'es plus ou le plus approuvés?
les opérations Us plus ou lé plus sagement com
binées? ceux qui étaient les plus ou le plus fa-
vorables?
La réponse dépend de l'intention de celui qui
parle, ou de ce qu'il veut faire entendre. — Des
opinions considérées en elles-mêmes et sans com-
paraison, peuvent être mal établies, bien établies,
mieux ou plus mal établies, plus ou. moins géné-
ralement suivies. Si c'est là ce que vous entendez,
le, relatif à l'adverbe, sera invariable comme lui;
et leplus, le mieux, signifiera le plus, le mieux
quil est possible. — Si vous avez en vue d'autres
opinions, moins bien établies, moins suivies que
celles-là, et (jue vous vouliez indiquer cette
comparaison, c'est au nom que doit se rapporter
l'article, et vous direz, les plus, les mieux. — De
même si vous n'avez égard qu'au degré d'appro-
bation que tels sentiments ont pu obtenir, vous
direz le plus approuvés. Alais si vous comparez
cette estime a celle que d'autres sentiments ob-
tiennent, vous direz les plus approuvés. — De
même encore, vous direz les opérations le plus
sagement combinées, s'il ne s'agit (jue de faire
intendre qu'on a mis à les combiner toute la sa-
gesse possible; et les plus sagement combinées,
si l'on veut leur attribuer cet avantage sur d'au-
tres opérations. Cela est si vrai, que, si un objet
de comparaison est indiqué, et que l'on dise, par
exemple, les opérations le mieux combinées de
la campagne, on parlera mal; il faudra dire les.
Tl en est de même de tout superlatif dont le
rapport est déterminé : Les arbres les plu s hauts
de la forêt; les arbres les plus hauts sont les
plus exposés a la tempête. .Mais si le rapport
SUP
673
n'est pas déterminé, on dira les arbres le plus
profondément enracinés, les arbres lo plus f.'j-
durcis par le temps, les arbres le jiKis chargés
de fruits. — On dira les parures les plus à la
mode, les talents les plus en honneur, parce
•lu'il y a concurrence; mais on dira les parures
le plus recherchées, les talents le plus cultires.
En parlant d'une femme, on dit : Dans une
fête, à un spectacle, elle est toi/jours la [Ausbrlle.
.■Mais on devrait dirc,c'(?5/ da?is son négligé qu'elle
était le plus belle, et cela répugne à l'oreille. Que
faut il faire alors, un solécisme, en disant /a plus
belle? Non, il faut prendre un autre tour, et dire,
qu'elle avait le plus de beauté. — Si l'adjectif
est le même pour les deux genres, le plus avec
un féminin ne |)arait plus déplacé : C'est dans le
tcte-à-tètcquelle est\Q \^\\l'n aimable . C'est quand
son mari gronde qu'elle est le plus tranquille.
Celle expression adverbiale, le plus, ne parait
point choquante non plus avant un adjectif fémi-
nin (jui est précédé ou suivi d'un complément,
ou devant un adjectif verbal. On dira donc, cest
une de ces faiblesses auxquelles les femmes les
mieux nées so7it le plus sujettes, ou les femmes
les mieux nées sont le plus sujettes « ces sortes
de faiblesses. Ici le vlus ne choque point, parce
qu'après avoir entendu l'adjectif sî/y'/^cs, l'esprit
se porte vers son complémenl aux faiblesses;
et comme on est plus ou moins sujet à des fai-
blesses, celle idée de l'adjectif joint à son com-
plément ramène l'adverbe le plus à son véritable
sens. — Il en est de même d'un adjectif verbal.
On dira bien, ces deux faits sont ceux dont la
vérité estic plus frappante. L'idée de frappante,
qui rappelle une action susceptible de plus ou
de moins, ramène le plus à son véritable sens, et
empêche qu'il ne choque.
Au contraire, quand on dit, c'est dans son
négligé qu'elle est le plus belle, l'adjectif belle
qui termine le sens de la phrase, qui n'a point
de rapport à un complément, qui n'exprime point
d'action, ne peut êlre rapporté qu'à le plus direc-
tement, et en sa qualité d'adjectif féminin ; cl ce
rapport paraît choquant, parce qu'il n'y a point
d'idée accessoire qui rapproche ces deux mots
du sens adverbial. Voyez Degré, Comparatif,
Positif.
SlIPERSTlTlEDSEME^T. Adv. Lc premier ti con-
serve sa prononciation naturelle, le second se
prononce comme ci. On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le participe : Il s'est attaché su-
perstitieusement, ou il s'est superstitieusement
attaché à ces pratiques mimttictises.
Sdperstitieux, Scpekstitieuse. Adj. On peut
mettre cctadj. avantsonsubst., lorsque l'analogie
et l'harmonie le permettent ; Un homme super-
stitieux, une femme superstitieuse. — Culte
superstitieux, cérémonies .superstitieuses,^ ces
superstitieuses cérémonies. Voyez Adjectif.
*ScpERSTRUCTnRE. Subsl. f. Siruclurc super-
flue et inutile à l'édifice. Mol nouveau. Voltaire
a dit dans la préface du commentaire sur la Mort
de Pompée par Corneille : La pièce est finie quand
Ptoloméc est mort. Tout le reste n'est qu'une
superstructure xnw<«/c à l'édifice. Nous n'avo;..,
point de mot qui soit équivalent à celui-là.
SoppLÉER.V. a. et n.dela !'• conj. On dit sup-
pléer une chose, et suppléer ii une rhose. Ces
deux expressions ont des sens ircs-différenis. —
Suppléer une chose, c'csl ajouter ce qui inancpie,
fournir ce qu'il faut de surplus, pour que cette
chose soit complète : Ce sac doit être de mille
francs, et ce qu'il y a de moins je Ze sup[)léenii,
43
574
SUP
je suppléerai le reste. — Suppléer à une chose,
signilieirparcrle maiHiuement, le iléfaul de quel-
que chose, meure à sa place une chose qui en
lient lieu : Si voire troupe est inférieure u celle
de l'ennemi, lu valeur suppléera au nombre.
Dans les temps de disette, les pommes de terre
suppiéenl au pain. On ne dirait pas bien sup-
pléera le nombre, suppléera le pain. — Deux
objets du même genre et égaux se suppléent l'u7i
l'autre; deux ijl)jels d'un genre différent, mais
d'une égale valeur, suppléent l'un a Vautre. A
proprement parler, il faut cxaclcmcnt remplir la
place de ce qu'on supplée; il sullit <le produire
â peu près le même tflet que la chose à laquelle
on supplée. — Remarquez qu'avec un nom ou
un iMonum de personne qui lui sert de régime,
suppléer ne prend jamais la préposition à; on dit
suppléer quelqu'un. 5'î7«e vient pas, je le sup-
pléerai, et ce verbe signifie, «laiis ce cas, repré-
senter une personne absente, ou l^tire les fonctions.
SuppLKMENT. Subst. m. Terme de grammaire.
On appelle siipplément, les mois que la construc-
tion analytique ajoute pour la plénitude du sens,
à ceux «lui composentla phrase usuelle. — Quoi-
que la pensée soit essentiellement une el indivi-
sible, la parole ne peut en l'aire la peinture qu'au
moyen de la distinction des parties que l'analyse
y envisage dans un ordre successif. Mais celte
décomposition même oppose a l'activité de l'es-
prit «jui pense des embarras qui se renouvellent
sans cesse, et donnent à la curiosité agissante de
ceux qui écoutent ou qui lisent un discours des
entraves sans lin. De la la nécessité générale de
ne mettre dans chaque phrase que les mots qui
y sont les plus nécessaires, et de supprimer les
autres, tant pour aider l'activité de l'esprit, (]ue
pour se lapprocher le plus (ju'il est possible de
l'unité iiidivibible de la pensée, dont la parole
fait la peinture. "N'oyez Ellipse.
ScppLiANT, Suppliante. Adj. verbal tiré du v.
supplier. Il ne se met qu'après son subst. : Un
homme suppliant, une femme suppliante, une
voix suppliante, un visage suppliant
Supportable. Adj. des de x genres. Il ne se
met qu'après son subst. : Une douleur suppor-
table, une douleur qui n'est pas supportable.
L'Académie dit ([u'il s'emploie dans le sens
d'excusable, qu'on peut tolérer, excuser, et elle
donne pour exemple de cette acception : cela
n'est pas supportable à un hom.me, dans un
homme de son âge, de sa qualité, de saprofessinn.
On ne dit pas supportable à, mais je pense qu'on
peut dire .supportable dans : Cela n'est pas sup-
portable dans un homme de votre profession.
Cette expression n'tst pas supportable dans
■mo tragédie.
Sdppoi.tablement. Adv.On peut le mettre entre
l'auxiliaire et le jKirticipe : Cela est écrit suppor-
tablement, ou cehi est supportablemeîit écrit. Il
est peu usité.
SopposÊ. Sorte de préposition. Quand ce mot
précède un substantif, il est toujours prépositif
el invariable : Supposé le cas. Mais quand il suit
un subst., il devient adj., et prend les formes du
féminin cl du pluriel : La chose supposée, le cas
supposé.
ScppRiMK.R. V. a. de lad." conj. II régit quel-
quefois de après son régime direct : Ou a sup-
•nrimé cette <lause dw traité,supprimer une pièce
'in recueil.
iopRÊME. Adj. des deux genres. On peut le
jCltre avant son subst., lorsque r;m;dog=." cl
1 harmonie le permettent : Pouvoir suprême, le
SUR
suprême pouvoir; autorité suprême, la supfêmc
autorité; dignité suprême, vertu suprême. Cet
adjectif n'est pas susceptible de comparaison,
soit en plus, soit en myins, el on ne pcul l'em-
ployer ni au comparatif, ni au superlatif. On ne
peut pas dire plus suprême, moins suprême,
aussi suprême, etc.
Son, Sure. Adj. Qui a un goût acide et aigre.
Il ne se met qu'après son subst. : Un fruit sur,
des pommes sures.
SUR, SûuE. Adj. Certain, indubitable, vrai.
L'u prend un accent circonflexe. Cet adj. suit
toujours son subst. : Une chose sûre, une nou-
velle sûre, un rêve sûr, un ami sûr. Quelquefois
il régit la préposition de : Je suis sûr de vion
fait, il est ^wrde ce qu'il dit.
Sdr. Préposition. On ne met point d'accent
circonflexe sur l'u. Celte préposition, comme
toutes les autres, se répèle devant chacun doses
compléments. Il faut dire, il n'y a pas d'homme
sur qui je compte plus que sur/iti. // était délicat
sur l'honneur et sur les bienséances. Il peut
compter sur vous et sur moi.
Féraud prétend qu'en conversation, on ne pro-
nonce point le r de sur devant une consonne :
Su la table, au lieu de sur la table. C'est la pro-
nonciation des cuisinières.
Slr. Ce mot esi aussi une particule prépositive
que l'on met au commencemeul de certains mots,
où elle marque excès : Surabondance, surabon-
dant, surcharge, surcharoer , surcroît, surfaire,
etc. ; position supérieure , surmonter, surna-
ger, etc.
Surabondant, Surabondante. .\dj. verbal tiré
du v. surabonder. Il suit toujours son subst. :
Une preuve surabondante, une grâce surabon-
dante.
SuRÉROGATOiRE. Adj. dcs deux genres qui ne
se met qu'après sou subst. : OEuvre suréroga-
toire .
Suret, SuRÈTE. Adj. Il ne se met qu'après son
subst. : Un goût suret, une pomme surète.
Surface. Subst. f. Il signifie la même chose
que superficie, avec celte différence, qu'on em-
ploie celui-ci quand on ne veut parler que de ce
qui est extérieur et visible, sans aucun égard à
ce (]ui ne parait point; au lieu qu'on se sert de
surface quand on a dessein de mettre ce qui pa-
raît au dehors en opposition avec ce qui ne para!»
pas.
Surfaire. "V. a. et irrégulier do la 4'' conj. L
se conjugue comme faire. Voyez ce mot.
Surfaire une marchandise . On dit vous nie
SU1 faites, à quelqu'un qui demande d'une mar-
chandise plus qu'elle ne vaut. Dans cet exemple,
il y a ellipse : Ne me surfaites point, c'est-à-
dire, 7ie surfaites point votre marchandise à inoi.
Ne me surfaites point votre marchandise.
Surgir. V. n. de la 2* conj. L'Académie dit
qu'il n'est guère d'usage qu'à l'iulinitif. Cela n'est
pas exact. On dit nous avons surgi. J.-J. Rous-
seau a dit : Tai surgi dans une seconde île
déserte, plus inconnue, plus charmante que la
première. — Féraud prétend qu'il ne se dit ni
au figure, ni en prose, ni en vers. La phrase de
Rousseau que nous venons de citer est une
preuve du contraire pour la prose; et pour les
vers, je ne vois point de raison qui puisse le faire
rejeter.
Surhumain, Surhumaine. Adj. Il ne se met
qu'après son stibst. : Une tailla surhumaine, un
courage surhumain.
SUR
Surmonter. V. a. de la 1" conj. Racine a dit
(Aihalie, act. III, se. iv, 24) :
J'admirais si Mathan
Avait pu de son cœur surmonter l'injualice.
SoRNAGER.V. n. de la l'e conj. Féraud le définit
nager. Stirnnpcr sisiùdc, se soutenir à la surface,
sur la suriace d'un lluide. Ainsi, l'on peut dire
avec Marinontel, il surnageait au torrent du
7«ow<fe, c'esl-à-dire, il se soutenait au-dessus du
torrent du monde.
SuRNATur.iL, Snr.NATCRKLLn. Adj. 11 suit tou-
jours son su bst : Cause surnaturelle, effet sur-
naturel, doit surnaturel.
SuRivATURELLF.MENT. Adv. Il Hc sc mct qu'aprés
le verbe. : Cela s'est fait surnaturellenie nt .
SunPASSKi;. \ . a. de la 1" conj. : Il le surpasse
de toute la tête; surpasser que/qu'un en science,
en méchunceté. — Cela me surpasse, suipasse
mon inleVigence.
SnRPLDs Subst. m. Ce qui est au delà d'une
certaine quantité, ou d'un certain prix. L'Aca-
démie le (lélhiil, ce qui reste. Ainsi, ce qui reste
d'un repas pourrait s'appeler le surplus. On sent
ijue cette définition est loin d'être bonne.
A7i surplus, expression adverbiale qui se dit
pour, quant à ce qu'on pourrait dire de plus. Il
sc place ou au cominencemenl de la phrase, ou
après les premiers mots : An surplus, fimaffine
que... Je pense, au surplus, que... Il est familier
et n'est point admis dans la haute poésie.
La Fontaine a d\i pour le surplus. Cette expres-
sion n'est point usitée.
Surprenant, SDRPRE^ANTE. Adj. verbal tiré du
V. surprendre. On peut le mettre avantson subst.,
en consultant l'oreille et l'analogie: Une nouvelle
surprenante, cette surprenante nouvelle.
Surprendre. ^^ a. et irrégulier de la 4^ conj.
11 se conjugue comme prendre. Voyez ce mot.
J'ai «urpn» ses soupirs qu'il me voulait cacher.
(Uac, Iphig., act. Il, sc. Y, 64.)
Dans le sens d'être étonné, ce verbe régit l'in-
dicatif après de ce que : f^ous êtes surpris de ce
qu'il ne vient pas. Mais après que, il régit le
subjonclif : P^ous êtes surpris qu''il ne vienne
fus.
Voltaire a dit :
De votre esprit la naïve justesse
Me rend surpris autant qu'il m'intéresse.
En prose, il aurait dit, me surprend.
Surseoir. V. n. et irrégulier de la 3° conj.
Voici comment il se conjugue :
Indicatif. — Présent. Je sursois, tu sursois, il
sursoit ; nous sursoyons, vous sursoyez, ils sur-
soient. — Imparfait. Je sursoyais, tu sursoyais,
il sursoyait ; nous sursoyions, vous sursoyiez,
ils sursoyaient. — Passé simple. Je sursis, tu
sursis, il sursit; nous sursîmes, vous sursites, ils
suj'sirent. — Futur. Je surseoirai, tu surseoiras,
il surseoira; nous surseoirons, vous surseoirez,
ils surseoiront.
Conditionnel. — Présent. Je surseoirais, tu
surseoirais, il surseoirait; nous surseoirions,
vous surseoiriez, ils surseoiraient.
Impératif. — Présent. Sursois, qu'il sursoie ;
sursoyons, sursoyez, qu'ils sursoient.
Subjonctif. Présent. Que je sursoie, que tu
sursoies, qu'il sursoie; que nous sursoyions, que
vous sursoyiez, qu'ils sursoient. — Imparfait.
SUS
67S
Que je sursisse, que tu sursisses, qu'il sursît ;
que nous sursissions, que vous sursissiez, qu'ils
sursissent.
Partitipe. — Présent. Sursoyant. — Passé.
Sursis, sursise. — L'Académie ne lui donne ni
impératif, ni présent du subjonctif.
Il prend l'auxiliaire uroir dans ses temps com-
posés.
Surseoir au jugement d'une affaire.
L'Académie le fait aussi actif dans le langage
ordinaire : On a sursis toutes les affaires. Il est
certain du moins qu'il est neutre en termes de
palais; mais on ne cite aucun auteur de quelque
poids qui l'ait fait actif.
Surtout. Adv. L'Académie l'écrit ainsi; nous
jiensons (ju'il vaul mieux écrire .sm;-/ow/ avec un
tiret, pour le distinguer du substantif. Cet ad-
verbe peiu sc mettre entre l'auxiliaire et le par-
ticipe : Je lui ai recommandé sw-tout, OU je lui
ai sur-tout recom?/ui)idé d'être sage.
Surveiller. V. a. de la 1" conj. : Surveiller
quelqti'uji, surveiller quelque chose. — On dit
aussi surveiller à quelque chose.
Survenir. V. n. et irrégulier de la 2'' conj.
Il se conjugue comme venir. Voyez Irrégulier.
* SuRvÊTiR. V. a. et irrégiilier de la 2" conj.
Il se conjugue comme vêtir. Voyez ce mot.
Survivre. V. n. et irréjulier de la 4° conj. Il
se conjugue comme vivre. A'oyez ce mot.
Survivre à sa femme, à ses enfants. — Sur-
vivre à son honneur. — Un père se survit dans
ses enfants.
Survivre à quelqu'un. Cette locution est auto-
risée par l'usage. L'Académie a donné aussi pour
exemples de ce verbe, survivre son fils, sa
femme, en faisant remarquer que cette manière
d'employer le verbe a vieilli , mais sans expli-
quer la différence qu'il y a entre cette locution et
la locution ordinaire. — Survivre quelqu'un est
proprement une façon de s'exprimer en jurispru-
dence, et qui n'entre que rarement dans le lan-
gage ordinaire. Elle désigne la survie de la per-
sonne dont la vie ou l'existence avait des rap-
ports très-particuliers, trcs-intimes, très-intéres-
sants avec celle de la personne qui meurt la
première. Ainsi l'on dit qu'it/ic femme a survécu
son mari, (\\l'un père a survécu ses enfants ;
que de deux jumeaux qui ont vécu, l'un n'a sur-
vécu l'autre que de quelques jours. C'est ainsi
qu'on parle sur-tout quand il y a quelque inté-
rêt stipulé entre deux personnes pour le survi-
vant.
Sus. En sus. On prononce le s final.
Susceptible. Adj. des deux genres. 11 ne faut
pas le confondre avec capable. Ce dernier si-
gnifie, qui est en état de faire, et sc dit des per-
sunnes ; susceptible signifie, ([ui peut recevoir, et
se dit des choses : Un homme qui ne croit point
en Dieu, est capable de tous les crimes. La jeu-
nesse est susceptible de toutes sortes d' impres-
iio/w. On ne dit capable, en parlant des choses,
(lue dans celte acception : Cette salle est. ca-
pable de contenir tant de personnes. Ce vase
est capable de tenir tant de pintes, pour dire
que la salle, que le vase dont on parle, ont l'é-
tendue qu'il faut pour contenir tant de per-
sonnes, pour tenir tant de pintes; et alors il n'est
guère d'usage qu'avec les verbes tenir et conte-
nir. — On ne dit susceptible, en parlant des per-
sonnes, que pour donner à entendre qu'elles sont
trop sensibles, trop promptes à s'offenser. — Ce-
pendant Fléchiera dit : Louons-le sans crainte,
en un temps où nous ne pouvons être suspects de
67G
SYL
flatterie, ni lui susceptible tfe vanité. (Oraison
fini, de Tiirenne, |i. J23.) Massillon: Les grands
sont d'autant plus susce()liblcs de pn^juçcs
qu'ils aiment vinins la peine de l'examen.
\Pctit Carême. Ecueils de la piété des yrands.
3Ç part., t. I, p. 596.) El Pascil : Le peuple
n'est pas susceptible de cette doctrine. (Pcnsies,
p. H)9.)
Sdbcitatiov. Subst. f. Mot inusité que l'Aca-
démie nous donne comme synonyme de sugges-
tion, instigation. Les deux derniers suffisent.
Elle donne pour oxemi)le ; Elle a fait cela à lu
suscitation d'un tel. Féraud en a trouvé un
exemple dans Fleury : le tribun Marcellin fut
enveloppé dans ce malheur, à la suscitation des
dunatistcs; il fallait dire à Yinsiigation.
SL'SCRiPTiOi\. Subst. f. Voyez Souscription.
Susdit, Susdite. Adj. Terme de palais. Il ne se
met guère (|u'avanl son subst. : Le susdit té-
moin, la susdite maison.
Si'SPECT, Suspecte. Adj. On ne le met ([u'aprés
son subst. : Homme suspect, lieu suspect, mai-
.•ion suspecte. Suspect de fraude, suspect de tra-
hison.
Suspecter. V. a. de la 1"= conj. Ce verbe n'est
point usité dans le bon langage. L'Académie a
bien fait de ne pas le recueillir dans son diction-
naire. Soupçonner sullit. — En 1835, l'Académie
l'admet.
Suspension. Subst. f. Terme de belles-lettres.
Figure de rhétorique par laquelle l'orateur com-
mence son discours, de manière que l'auditeur
n'eu prévoit pas la conclusion, et que l'attente de
quelque chose de grand excite son attention et
pique sa curiosité. Telle est cette pensée de Bré-
beuf, dans ses entretiens solitaires (chap. xv,
79.) Il s'adresse à Dieu :
Les ombres de la niiil à la clarté du jour,
Les transports de la rage aux douceurs de l'amuur,
A IV'lroite aniillé la discorde el l'envie,
Le plus bruyant orage au calme le plus doux,
La douleur au plaisir, le trépas à la vie.
Sont bien moins opposés que le pécheur à vous.
SvELTE. Adj. des deux genres qui ne se met
qu'après son subst. : Une taille svelte, une figure
svelte.
Syllabe. Subst. f. La syllabe est un son simple
ou composé, prononcé avec toutes les articula-
tions, par une seule impulsion de la voix. C'est
ce qu'on appelle la syllabe parlée. La syllabe
écriie est formée ou d'une seule lettre, et alors
on l'appelle syllabe simple; ou de plusieurs let-
tres, et alors on l'appelle syllabe composée; l'une
est pour l'oreille, et l'autre pour les yeux.
Comme le nombre des syllabes fait la mesure
des vers français, il serait a souhaiter qu'il y eût
des régies fixes et certaines pour déterminer le
nombre des syllabes de chaque mot ; car il y a
des mots douteux à cet égard, el il y en a même
qui ont plus de syllabes en vers qu'en prose. Les
noms qui se terminent en leux, en iel, en icn,
en ion, en ter, etc., causent beaucouj) d'embar-
ras à ceux qui se piquent d'exactitude; odieux,
précieux, sont de trois syllabes; et cependant
deux, lieux, dieux, n'ont qu'une syllabe. De
même /îci. miel, bien, inien, sont mono.--yllabes;
mais dans ^i'e/i, ancien., magicien, académicien,
musicien, la terminaison en ien est de deux syl- ;
Jabes. Dans les mots fier, allier, métier, la rime '
en ter est d'une seule syllabe, mais de deux dans
bhuclier, ouvrier, meurtrier, el fier, quand il |
est verbe. Toutes ces différences demandent une j
SY.M
application particulière pour ne pas s'y tromper,
et ne pas faire un solécisme de quantité. En gé-
néral, il faut consulter l'oreille, qui doi' être le
principal juge du nombre des syllabes, cl pour
lors la prononciation la plus douce et la plus na-
turelle doit être préférée.
Corneille a dit dans les Horaces (act. I, se.
I, 25.) :
Je suis Romaine, hélas! puisqu'Horace est Romain.
Il y avait dans les premières éditions :
Je suis Romaine, hélas! puisque mon époux l'est.
Pourquoi, dit Voltaire à celle occasion, peut-on
finir un vers par je le suis, et que mon époux
l'ctt esl prosaïque, faible et dur ? c'est que ces
trois syllabes, je le suis, semblent ne composer
qu'un seul mol; c'est (|ue l'oreille n'est point
blessée. Mais ce mot l'est, détaché et finissant la
phrase, détruit toute harmonie. C'est celte atten-
tion qui rend la lecture des vers ou agréable ou
rebu;anle. On doit même avoir celle attention en
prose. Un ouvrage dont les phrases finiraient par
des syllabes sèches el dures, ne pourrait être
lu, quelque bon qu'il fût d'ailleurs. [Remarques
sur Corneille.) Voyez J/o/, Monosyllabe.
Syllepse. Subst. f. Terme de grammaire. La
syllepse est un irope au moyen duquel le même
mot est pris en deux sens différents dans la même
phrase. Ainsi, dans ces vers de Racine [Andro-
maque, act. I, sc. iv, 60.) :
Je souffre tous les maux que j'ai faits devant Troie,
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,
BrûU de plus de feux que je n'en allumai.
Brûlé est au propre, p